soul train - WordPress.com

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CONCEPT
SOUL TRAIN & BLACK PROUDNESS
Par Patrick de Lassagne
« Ces rapports pétrifiés
il nous faut les obliger à
danser en leur chantant
leur propre mélodie. »
K.Marx
Durant les années 70,
à l’image du fameux
« Say it loud : I’m black
and i’m proud! » de
James BROWN, un show
composé de couples afro-­
américains défilant en
boucle sur les tubes soul
ou funk du moment va
incarner la fierté noire.
Nonchalantes improvi-­
sations, variations
chorégraphiques
s’enchaînant à chaque
show sur le mode immua-­
ble du passage de chacun
des couples, la maestria
impressionnante des dan-­
seurs fera rimer les corps
de manière quasi orga-­
nique avec les accords de
la musique.
Techniquement parlant
le plan est fixe et la
caméra se contente d’un
zoom avant ou d’un zoom
arrière sur l’entrée de
champ des danseurs qui
font leur démonstration.
Le montage est réduit à sa
plus simple expression :
un cut faisant alterner les
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passages des différents
danseurs.
Le mouvement est donc
dans l’image et le cadre
se contente de mettre
en valeur les danseurs
noirs. C’est presque un
tableau animé, des por-­
traits en mouvement. Des
mouvements qui dépla-­
cent des corps noirs. Au
passage on assiste là aux
prémisses du hip hop
et du principe du break
dance : prouesses de
groupe dont les mem-­
bres alternent en solo,
duo ou groupe, mais
sans ni MC, DJ ou « bat-­
tle », car l’époque n’est
pas à la rivalité, même si
le mouvement politique
des droits civiques et des
Black Panthers est un épi-­
sode clos pour le premier
et contemporain pour
le second. C’est aussi le
moment où la blackxploi-­
tation bat son plein.
Certes grâce à cette façon
toute particulière de com-­
muniquer à l’unisson
dans le temps ou le contre
temps musical ce show
donnera une visibilité à
l’être noir américain. On
notera en passant qu’il
n’y a aucun blanc dans le
show et qu’ils sont donc
« entre eux ».
Mais en y réfléchissant
bien, et en y regardant
de plus près on découvre
vite qu’ils sont enfermés
dans un rôle, assignés
à résidence dans leurs
corps. Cette réduction
ontologique du noir à son
être par le rythme est
un écho du prototype du
nègre vu par l’occident
lors des premiers con-­
tacts de civilisation. Et
bien plus tard aux USA,
du ménestrel ou black-­
face : un blanc singeant
l’homme noir, créant
ainsi le stéréotype du
noir américain carica-­
turé en « Magic negro ».
(Spike Lee en a fait un
film « Bamboozled »
http://www.youtube.com/
watch?v=C45g3YP7JOk)
Ceci menant à une grande
variété de clichés : oncle
Tom, oncle Ben’s, Mamma
dans « Autant en emporte
le vent »… Etc.
Ou plus simplement le
bon nègre, la brute noire
ou le truand black. Créant
ainsi cette essence noire :
un nègre caricatural,
réifié, invariant et imagi-­
naire.
Danseurs incontestable-­
ment doués mais réduits à
ce rôle qui les enrégimen-­
tent dans le cliché d’une
vision affirmant qu’ils ont
le rythme dans la peau, ou
« ça » dans le sang, ces dan-­
seurs sont victimes de cette
réduction ontologique de
la race: le noir pétrifié sous
la chaleur de la brousse,
être oisif et indolent qui
n’émerge de sa torpeur
que pour savourer les plai-­
sirs sensuels et exercer les
talents telluriques que lui
prodiguent la nature via son
corps. Et les nègres d’ « Au
cœur des ténèbres » de
Conrad ou ceux du « Voy-­
age au bout de la nuit » de
Céline ne sont pas pour
contredire cet enfilage de
perles noires sur un poncif
de base qui passera à la
postérité. African queen et
tant d’autres films couleront
cette vision occidentale
dans le bronze. Puis plus
tard (ou en même temps
c’est selon) cette division
ontologique, cette segmen-­
tation existentielle, cette
catégorisation fera florès
avec le sport et le chant,
dont le corps n’est pas le
moindre des instruments.
Mais à l’image du Soul
train : restons calmes, keep
cool… : black is beautiful !
Ne boudons pas notre plaisir
en regardant ce specta-­
cle qui nous ramène à une
époque révolue et fun par
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bien des aspects. D’ailleurs
Soul train enterre les
chorégraphies des Beyoncé,
Shakira et autre Shym’ en
toute décontraction…
A voir : « Soul train », « Get
on up », « Bamboozled »
de S. Lee, « Les Maîtres
fous » de J. Rouch, et « Les
statues meurent aussi » de
C.Marker & A. Resnais. A
lire « Les nègres » de Genet,
« Afriques fantasmes » de
F. de Negroni. « Négritude
et négrologues » de
S.Adotevi. A paraître,
PERIPH’ GANG roman de
Patrick de Lassagne.
BLACK IS BEAUTIFUL
Smarts dans leurs grimpants pat’ d’ef’ taille haute et moulant, En chemises col pelle à tarte
Et Pull v
Boots et talons à semelles compensées ;;
Fun et cool
Avec leur coupe afro,
Dansant soul
En strass et paillettes
Sous les boules à facettes,
Ils font rimer leurs corps avec la musique Et inventent les pas de danses qui lancent la mode universelle du jour…

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