Oncologie oculaire - Ophtalmologie

Transcription

Oncologie oculaire - Ophtalmologie
NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2005
Volume 3, numéro 6
Ophtalmologie
MC
Conférences scientifiques
Oncologie oculaire : les tumeurs
métastatiques intra-oculaires
PA R S O H E L S O M A N I , M . D .
La forme la plus commune de tumeur maligne intra-oculaire rencontrée par l’ophtalmologiste est la maladie métastatique, dont les sources sont le plus souvent le cancer du
sein et le cancer du poumon. Dans la plupart des cas, la maladie métastatique touche la
choroïde postérieure et peut être multifocale et/ou bilatérale. Des antécédents de carcinome primitif, des découvertes cliniques typiques et des résultats probants aux tests ancillaires sont essentiels pour distinguer la maladie métastatique du mélanome amélanotique
primitif. Il s’agit d’une distinction importante, puisque le traitement et le pronostic de ces
deux conditions ne sont pas les mêmes. Étant donné que jusqu’à 25 % des patients n’ont
pas d’antécédents de carcinome primitif, les ophtalmologistes doivent tout de même envisager ce diagnostic dans les cas suspects et communiquer avec un oncologue médical pour
un bilan systémique complet. Bien que la maladie métastatique intra-oculaire soit associée
à un mauvais pronostic de survie, la radiothérapie des lésions qui menacent la vision peut
contribuer à améliorer la vue et la qualité de vie des patients. Le présent numéro
de Ophtalmologie – Conférences scientifiques porte sur le diagnostic et le traitement de la
maladie métastatique intra-oculaire.
Fréquence
La métastase intra-oculaire est la forme la plus commune de tumeur maligne intra-oculaire.
On estime qu’elle surviendrait chez 5 % à 30 % des patients présentant une affection maligne
systémique1. Il n’est pas fréquent que l’on rencontre ces lésions en pratique clinique, soit parce
que la maladie est asymptomatique, soit parce que la nature préterminale de l’affection maligne
systémique fait en sorte que le patient n’est pas dirigé en ophtalmologie. Par ailleurs, il est environ 10 fois plus répandu que le mélanome uvéal primitif1. Cependant, chez jusqu’à 25 % des
patients, il peut n’y avoir aucun antécédent d’affection maligne systémique au moment où ils
présentent des métastases intra-oculaires2. Ceci souligne le fait que les médecins doivent être à
l’affût de la possibilité qu’il y ait une tumeur maligne afin de s’assurer qu’une investigation diagnostique est effectuée rapidement. En dépit d’une évaluation systémique poussée, dans 17 %
des cas de métastases intra-oculaires, le site primitif n’est jamais découvert3. Les métastases
intra-oculaires surviennent principalement chez les adultes et rarement chez les enfants.
Pathogenèse
Les carcinomes comptent pour plus de 82 % des tumeurs qui produisent des métastases au
globe oculaire adulte3. À l’occasion, des mélanomes cutanés (3 %) ou des tumeurs carcinoïdes
(1 %) peuvent aussi faire des métastases au globe; alors que les sarcomes le font rarement3.
Alors que les lymphomes ou la leucémie peuvent avoir des manifestations oculaires, ils ne sont
pas inclus dans la présente discussion.
Les cellules tumorales emboliques atteignent le globe oculaire par une dissémination
hématogène à partir des artères ophtalmiques et ciliaires. La tendance marquée que la choroïde
postérieure soit atteinte plutôt que l’uvée antérieure reflète possiblement la présence plus
importante des artères ciliaires courtes.
Les sources de l’affection maligne systémique primitive
Le cancer du sein est l’affection maligne qui produit le plus de métastases à l’uvée; il compte
pour jusqu’à 50 % de toutes les tumeurs métastatiques intra-oculaires4. Le cancer du poumon
(21 %) est la deuxième source en importance de la maladie métastatique, suivi des tumeurs du
tractus gastro-intestinal (4 %), du rein (2 %) et de la peau (2 %)3. On a rapporté que la tumeur
carcinoïde, habituellement d’origine bronchique, produirait des métastases chez plus de 2 %
Disponible sur Internet à : www.ophtalmologieconferences.ca
COMPTE RENDU DES CONFÉRENCES
SCIENTIFIQUES DU DÉPARTEMENT
D’OPHTALMOLOGIE ET
DES SCIENCES DE LA VISION,
FACULTÉ DE MÉDECINE,
UNIVERSITÉ DE TORONTO
FACULT Y O F M E DI C I N E
Un i v e r s i t y o f To r o n t o
Département
d’ophtalmologie et des
sciences de la vision
Département d’ophtalmologie
et des sciences de la vision
Jeffrey Jay Hurwitz, M.D., Rédacteur
Professeur et président
Martin Steinbach, Ph.D.
Directeur de la recherche
The Hospital for Sick Children
Elise Heon, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Mount Sinai Hospital
Jeffrey J. Hurwitz, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Princess Margaret Hospital
(Clinique des tumeurs oculaires)
E. Rand Simpson, M.D.
Directeur, Service d’oncologie oculaire
St. Michael’s Hospital
Alan Berger, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Sunnybrook and Women’s College
Health Sciences Centre
William S. Dixon, M.D.
Ophtalmologiste en chef
The Toronto Hospital
(Toronto Western Division and
Toronto General Division)
Robert G. Devenyi, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Département d’ophtalmologie
et des sciences de la vision
Faculté de médecine
Université de Toronto
60 Murray St.
Bureau 1-003
Toronto (Ontario) M5G 1X5
Le contenu rédactionnel d’Ophtalmologie –
Conférences scientifiques est déterminé
exclusivement par le Département
d’ophtalmologie et des sciences de la vision,
Faculté de médicine, Université de Toronto.
des patients5. Quant aux carcinomes de la thyroïde, de la
vessie, de l’utérus, de la prostate et des glandes salivaires,
ils produiraient peu de métastases à l’uvée1.
On a récemment passé en revue les cas de 264 patients
présentant des métastases d’un cancer du sein à l’uvée4;
il s’est avéré que l’œil a été le premier site de présentation
chez plus de 14 % des patients, alors que selon la littérature, l’œil est touché entre 9 % et 37 % des cas1,3. La dissémination métastatique à plus d’un organe et/ou la
présence de métastases poumon/cerveau seraient des
facteurs de risque d’une atteinte oculaire éventuelle4. De
plus, comme il y a une corrélation importante entre
l’atteinte de l’uvée et la présence de métastases au
cerveau, tous les patients devraient subir une neuroimagerie le plus tôt possible après la découverte de métastases oculaires.
Les sites des métastases intra-oculaires
Chez 90 % des patients, la choroïde est le site oculaire
le plus souvent touché par les métastases, suivie de l’iris
(8 %) et du corps ciliaire (2 %)1. Dans une revue de la littérature réalisée par Shields et collaborateurs, la majorité
des métastases touchant la choroïde étaient situées
dans la partie postérieure à l’équateur (92 %), et il y avait
atteinte maculaire dans 12 % des cas3. L’une des raisons
possibles de la faible fréquence des atteintes de l’uvée
antérieure pourrait être l’organisation différentielle de la
circulation segmentaire antérieure comparativement à la
circulation segmentaire postérieure, qui est plus importante. Il est extrêmement rare que la rétine, la papille
optique et le corps vitré soient le site de métastases intraoculaires6. Bien qu’elle ne soit pas incluse dans la présente
discussion, l’orbite est le deuxième site présentant le plus
fréquemment des métastases, après la choroïde.
L’évaluation clinique
Figure 1 : Photographies cliniques de métastases
choroïdiennes.
a
Figure 1a : Photographie clinique d’un œil droit montrant
une métastase choroïdienne d’un cancer du sein.
b
Figure 1b : Photographie clinique d’un œil gauche
montrant une métastase choroïdienne d’un cancer du
poumon et décollement de la rétine secondaire.
c
Les antécédents
Les symptômes du patient présentant une métastase
intra-oculaire dépendent en grande partie du site de la
métastase. Dans les cas d’atteinte de la partie postérieure
de l’uvée, les symptômes comprennent une baisse de la
vision, une diminution du champ visuel, la photopsie
et/ou des corps flottants. Il peut y avoir de la douleur si la
tumeur envahit les nerfs ciliaires ou si un glaucome
secondaire survient. Dans les cas d’atteinte de la partie
antérieure de l’uvée, les symptômes comprennent une
baisse de la vision, une masse visible, une rougeur à l’œil
et la photophobie. La douleur peut aussi être présente s’il
y a iritis secondaire ou glaucome secondaire. Bien que des
antécédents complets soient importants dans les cas où
l’on suspecte une métastase oculaire, chez jusqu’à 25 %
des patients, on n’aura pas diagnostiqué d’affection
maligne primitive au moment de la présentation de la
tumeur oculaire2. Dans certains cas, les métastases oculaires demeureront asymptomatiques et seront découvertes lors d’un examen de routine.
L’examen clinique
Chez les patients présentant une métastase à la
choroïde, l’ophtalmoscopie révèle habituellement des
lésions de couleur crème typiques à la choroïde; ces
lésions sont soit plates/placoïdes, soit bombées (figure 1).
D’autres caractéristiques importantes sur le plan de la
couleur comprennent des mélanomes cutanés métasta-
Figure1c : Photographie clinique d’un œil droit
montrant une métastase choroïdienne d’un carcinome
œsophagien.
tiques qui prennent la forme de tumeurs pigmentées et de
tumeurs carcinoïdes. On ne peut pas voir la couleur à la
figure 2, mais une tumeur carcinoïde a une teinte orangée
typique. Des lésions importantes de la choroïde produisent habituellement un décollement de rétine exsudatif secondaire, que l’on peut parfois prendre par erreur
pour un décollement de rétine rhegmatogène primitif.
Souvent, on constate des changements au niveau de l’épithélium pigmentaire rétinien sus-jacent, une agglutination ou des « taches de léopard ». De plus, un examen
oculaire complet devrait être effectué pour éliminer
la possibilité d’une atteinte multifocale ou bilatérale,
qui peut se produire dans plus de 25 % des cas 3. Cette
Figure 2 : Photographie clinique d’un œil droit montrant
une tumeur carcinoïde multifocale.
Figure 4 : Métastase choroïdienne.
a
Figure 4a : Photographie clinique d’une métastase
choroïdienne juxtapapillaire d’un cancer du sein.
observation est importante, puisqu’une affection multifocale ou bilatérale n’est pas présente en cas de mélanome
amélanotique primitif.
Lorsque l’iris est touchée, le patient présente le plus
souvent un nodule métastatique unilatéral, mais une
atteinte bilatérale est aussi possible (figure 3). Le nodule
métastatique de l’iris est habituellement blanc jaunâtre,
charnu, solitaire et situé dans la partie inférieure de l’œil3.
La libération de cellules friables entraîne souvent une iritis
secondaire, une injection épisclérale et, occasionnellement, un pseudohypopion. Un glaucome secondaire
survient très fréquemment, soit dans presque 40 % des cas7.
Un examen oculaire complet est justifié parce que jusqu’à
un tiers des cas présentent également une métastase
choroïdienne ipsilatérale associée7. Seulement 10 % de ces
dépôts métastatiques sur l’iris présentent des vaisseaux
sanguins proéminents à l’intérieur de la tumeur, contrairement aux mélanomes amélanotiques de l’iris, dans
lesquels des vaisseaux sanguins sont davantage visibles7.
Les patients ayant une métastase au corps ciliaire
peuvent présenter un grand vaisseau sentinel sur la sclère
sus-jacente, une iridocyclite, une erreur de réfraction ou
une masse visible, le plus souvent sur la moitié inférieure
de l’œil.
Les tests ancillaires
Divers tests ancillaires peuvent aider à poser un
diagnostic clinique de métastases choroïdiennes. L’angio-
Figure 3 : Photographie clinique d’une métastase à
l’iris située dans le quadrant supérieur de l’iris droit.
(Courtoisie de Hugh McGowan)
b
Figure 4b : L’angiographie à la fluorescéine en
4 phases montre une hypofluorescence précoce et
une hyperfluorescence tachetée tardive typique
d’une métastase choroïdienne.
(Courtoisie de Hugh McGowan)
graphie fluorescéinique de ces lésions démontre habituellement une hypofluorescence précoce bloquée, suivie
d’une coloration irrégulière de la lésion au temps miartérioveineux, suivie par une hyperfluorescence tardive
tachetée alors que le motif de la coloration devient plus
confluent (figure 4). Occasionnellement, l’hyperfluorescence tardive tachetée d’une lésion métastatique
ressemble à un nid d’abeille. Par contraste, le motif
fluorescéinique d’un mélanome amélanotique présente
souvent une hyperfluorescence tachetée à un temps plus
précoce. Quoi qu’il en soit, l’angiographie fluorescéinique
ne permet pas toujours de faire la distinction de façon
définitive entre ces deux entités.
L’échographie en mode A montre généralement une
réflectivité interne modérée à élevée, avec une pointe
initiale élevée (figure 5a). L’échographie en mode B montre habituellement une lésion plate/placoïde ou bombée
qui est solide sur le plan acoustique, et une absence
de signe d’excavation choroïdienne (figure 5b). Un autre
aspect caractéristique est que ces lésions n’ont habituellement pas la forme de champignons. Une forme de
champignon se produit généralement en présence d’un
mélanome uvéal primitif, lorsque celui-ci traverse la
membrane de Bruch. Bien qu’ils soient rares, des cas de
métastases choroïdiennes en forme de champignons ont
déjà été rapportés, simulant un mélanome choroïdien8.
Figure 5 : Lésion métastatique à la choroïde.
Figure 6 : Photographies cliniques et imagerie ancillaire
d’un mélanome amélanotique primitif.
a
a
Figure 5a : Échographie en mode A d’une lésion
choroïdienne montrant une réflectivité interne
moyenne.
b
Figure 6a : Photographie clinique d’un œil gauche
montrant un mélanome amélanotique.
b
Figure 6b : Échographie en mode B correspondante montrant une lésion bombée avec
décollement séreux de la rétine adjacent.
Figure 5b : Échographie en mode B correspondante d’une métastase choroïdienne montrant
une lésion bombée acoustiquement solide avec
décollement séreux de la rétine adjacent.
c
Bien que la tomodensitométrie et l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) puissent montrer une
métastase uvéale, ils sont d’une utilité limitée pour ce
qui est de préciser le diagnostic différentiel. Ils jouent
un plus grand rôle dans l’évaluation systémique des
tumeurs malignes primitives et la détermination de
la dissémination métastatique à d’autres sites.
Bien qu’elle ne soit pas souvent effectuée, on a
décrit une technique de biopsie intra-oculaire9. Cette
technique peut être importante quand les aspects
cliniques et les tests ancillaires décrits ci-dessus ne
permettent pas d’établir de façon concluante si la
lésion est une métastase ou un mélanome, un lymphome ou un granulome inflammatoire primitifs.
L’aspiration à l’aiguille fine peut être utile quand un
bilan systémique ne permet pas de diagnostiquer
une tumeur primitive et qu’un diagnostic tissulaire
est nécessaire pour mettre en place un traitement
approprié.
Il est également prudent de diriger le patient vers
un oncologue médical et un radio-oncologue afin
d’établir le stade de la maladie du patient et de
choisir un traitement approprié.
Figure 6c : Échographie en mode A correspondante montrant une réflectivité interne basse.
d
Figure 6d : Angiographie fluorescéinique
correspondante au temps précoce montrant
une hyperfluorescence précoce tachetée.
e
Le diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel d’une métastase choroïdienne de couleur crème comprend le mélanome
amélanotique primitif, l’hémangione choroïdien
primitif, la cicatrice disciforme exsudative, ainsi que
le granulome choroïdien primitif 1. Dans certains cas
atypiques, il peut être difficile d’établir la distinction
entre le mélanome uvéal primitif et la métastase
Figure 6e : Angiographie fluorescéinique au temps
tardif montrant une hyperfluorescence retardée au
centre, avec hypofluorescence bloquée en bordure.
Ophtalmologie
Conférences scientifiques
Tableau 1 : Caractéristiques pour le diagnostic
différentiel
Caractéristiques
Mélanome
uvéal primitif
Métastase
uvéale
Couleur
Peut être
amélanotique
Jaune crème
Forme
Forme de
champignon
Plate ou
bombée
Décollement de
la rétine (DR)
associé
Généralement, DR
peu important
Généralement,
DR important
Nombre de
lésions
Unilatérale,
un site
Bilatérale et
multifocale
Caractéristiques
à l’échographie
En mode A :
réflectivité
moyenne à élevée
En mode B :
vide acoustique,
excavation de la
choroïde, en forme
de champignon
En mode A :
réflectivité basse
à moyenne
En mode B :
solidité
acoustique
uvéale (figure 6). On comprend qu’il est important
d’établir cette distinction, parce que le traitement et
le pronostic varient significativement entre ces deux
affections. Le tableau 1 illustre certaines des caractéristiques qui permettront de distinguer le
mélanome uvéal de la métastase uvéale.
Le diagnostic différentiel d’une métastase non
pigmentée de l’iris comprend le mélanome amélanotique, le nævus amélanotique, l’iritis granulomateuse, le lymphome, la leucémie et le léiomyome7. Le
diagnostic différentiel d’une métastase pigmentée de
l’iris comprend le mélanome primitif de l’iris, le
nævus pigmenté, l’adénome, ainsi que les kystes de
l’iris7. Des antécédents d’affection maligne en conjonction avec un examen clinique typique aideront à
préciser le diagnostic différentiel. Dans les cas rares
où le diagnostic demeure incertain, une biopsie par
aspiration à l’aiguille fine peut être indiquée.
Le pronostic
En général, les métastases aux yeux et aux
annexes sont le signe d’un mauvais pronostic pour l’affection primitive. Le temps de latence entre le diagnostic du carcinome primitif et l’atteinte du globe oculaire
dépend du type de tumeur. Habituellement, les tumeurs
primitives qui tendent à produire des métastases
rapidement au globe oculaire sont les tumeurs au
poumon, au rein et à la prostate, alors que le cancer du
sein et le mélanome cutané métastasent plus tardivement1. Dans leurs séries intitulées Metastatic Tumours
to the Eye and Orbit, Freedman et Folk ont constaté
que le laps de temps médian entre le diagnostic de la
tumeur primitive et le développement de métastases
choroïdiennes était d’environ trois ans avec le cancer
du sein et de un an avec le cancer du poumon10.
La durée de survie médiane varie également
selon le type d’affection primitive diagnostiquée.
Par exemple, la durée de survie médiane dans les
cas de métastases intra-oculaires d’un cancer du
poumon est de 6 mois, comparativement à 22 mois
dans les cas de cancer du sein 10. Dans une revue
plus récente, Shields et ses collaborateurs ont déterminé que la durée moyenne de survie à la suite
d’un cancer du sein avec métastases à l’uvée était
de 21 mois, avec un taux de survie global de 24 % à
5 ans 4. La durée médiane de survie des patientes
présentant un cancer du sein qui étaient plus âgées
ou qui avaient des métastases de l’orbite tendait à
être plus longue que celle des patientes plus
jeunes 10. De façon similaire aux tendances observées dans le cas des métastases choroïdiennes, les
durées de survie médianes dans les cas de métastases à l’iris étaient de 13 mois en présence de
cancer du sein et de 4 mois en présence de cancer
du poumon 7. Les métastases oculaires de tumeurs
carcinoïdes seraient associées à des durées de
survie plus longues, avec une survie moyenne de
34 mois selon une revue récente5.
Le traitement
Les possibilités de traitement des métastases oculaires dépendent de la santé générale du patient, de
la nature de l’atteinte oculaire, et de la tumeur primitive sous-jacente. De plus, tout traitement devra faire
l’objet de discussions avec l’oncologue médical et le
radio- oncologue traitants. Il est certain que les
patients qui présentent des métastases oculaires qui
menacent leur vision et/ou des tumeurs qui augmentent rapidement de volume, pourraient bénéficier d’une radiothérapie externe pour améliorer leur
vision et leur qualité de vie. La dose de radiation
peut varier entre 20 Gy sur une semaine à une dose
de 40 Gy fractionnée sur 4 semaines, et on l’administre habituellement par une approche orbitale
latérale 2 . La durée de survie des patients n’est
habituellement pas assez longue pour que le patient
éprouve des effets secondaires oculaires, tels qu’une
rétinopathie radio-induite ou des cataractes radioinduites. En général, de 80 % à 90 % des patients
répondent favorablement à la radiothérapie, et la
tumeur s’aplatit en un à deux mois, alors qu’il faut
légèrement plus de temps pour que le fluide sousrétinien se résorbe1. Les autres méthodes de radiothérapie comprennent la brachythérapie par plaques
d’iode-125 (I-125), de même que la radiothérapie
stéréotactique2.
La chimiothérapie est une autre approche
thérapeutique qui est efficace chez les patients qui
présentent de petites lésions peu actives et, en particulier, chez les patients qui ont une maladie métastatique dans des endroits autres que l’œil2. Chez les
patients dont la maladie évolue en dépit de la
chimiothérapie, la radiothérapie externe serait
recommandée pour le traitement de la métastase
intra-oculaire. On choisira l’observation dans le cas
des patients qui présentent des lésions inactives
cliniquement, asymptomatiques ou de petite taille
qui ne menacent pas la vision 2. L’énucléation peut
être indiquée chez les patients dont l’œil est rendu
aveugle et douloureux ou dans les rares cas où l’on
ne peut éliminer de façon concluante la possibilité
que la lésion soit un mélanome uvéal primitif de
grande taille.
Ophtalmologie
Conférences scientifiques
Conclusions
Il est important que l’ophtalmologiste généraliste
comprenne bien la maladie métastatique intra-oculaire,
étant donné qu’il s’agit de l’affection maligne que l’on
trouve le plus fréquemment dans l’œil. Les carcinomes, le
plus souvent ceux du sein ou du poumon, produisent
fréquemment des metastases à l’œil. Cependant, comme
le patient n’a pas toujours des antécédents de carcinome
primitif, l’ophtalmologiste doit donc garder un niveau
élevé de suspicion clinique. Les cas suspects devraient
faire l’objet d’un examen clinique complet, d’une
angiographie fluorescéine, d’une échographie, ainsi que
d’un bilan systémique, pour établir la distinction entre
des lésions semblables. Le traitement le plus approprié
pour le patient dépend de la consultation avec l’oncologue médical et le radio-oncologue, ainsi que de la compréhension de l’état visuel et général du patient. La
majorité des patients présentant des lésions menaçant
leur vision répondent favorablement à la radiothérapie
externe. Bien que la maladie métastatique intra-oculaire
soit associée à un mauvais pronostic sur le plan de la
survie des patients, une évaluation effectuée en temps
utile, un diagnostic précis et un traitement mis en place
rapidement peuvent aider à améliorer la qualité de vie de
ces patients.
Le D r Somani est chargé d’enseignement de clinique au
Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, à
l’Université de Toronto. Il fait partie du personnel du Princess
Margaret Hospital, University Health Network, Toronto.
Remerciements : L’auteur souhaite remercier E. Rand Simpson,
qui a révisé le manuscript du présent article, les docteurs
Hugh D. McGowan et Allan Connor, pour les photographies
cliniques, et le Dr Charles J. Pavlin, pour la biomicroscopie
ultrasonique. La prise en charge clinique a été fournie par
Lee Penney, coordonnateur de l’oncologie oculaire, et par le
personnel de soutien de la clinique d’oncologie oculaire.
Références
1. Volpe NJ, Albert DM. Metastases to the uvea. In: Albert DM, Jakobiec
FA. Principles and Practice of Ophthalmology. Philadelphia: WB Saunders Co.; 2000.
2. Shields JA. Metastatic tumors to the uvea. Int Ophthalmol Clin 1993;
33(3):155-161.
3. Shields CL, Shields JA, Gross NE, et al. Survey of 520 eyes with uveal
metastases. Ophthalmol 1997;104:1265-1276.
4. Demirci H, Shields CL, Chao AN, Shields JA. Uveal metastasis from
breast cancer in 264 patients. Am J Ophthalmol 2003;136:264-271.
5. Harbour JW, De Potter P, Shields CL, Shields JA. Uveal metastases
from carcinoid. Ophthalmol 1994;101(6):1084-1090.
6. Truong SN, Fern CM, Costa DL, Spaide RF. Metastatic breast carcinoma to the retina: optical coherence tomography findings. Retina
2002;22(6):813-815.
7. Shields JA, Shields CL, Kiratli H, De Potter P. Metastatic tumors to the
iris in 40 patients. Am J Ophthalmol 1995; 119:422-430.
8. Shields JA, Shields CL, Brown GC, Eagle RC. Mushroom-shaped
choroidal metastasis simulating a choroidal melanoma. Retina
2002;22(6):810-813.
9. Shields JA, Shields CL. Diagnostic approaches to intraocular tumors.
In: Shields JA, Shields CL. Intraocular Tumors: A Text and Atlas.
Philadelphia: WB Saunders Co.; 1992:20-22.
10. Freedman MI, Folk JC. Metastatic tumours to the eye and orbit:
patient survival and clinical characteristics. Arch Ophthalmol
1987;105:1215-1219.
Réunion scientifique à venir
25 février au 3 mars 2006
32nd North American Neuro-Ophthalmology Society
(NANOS) Annual Meeting
Tucson, Arizona
Renseigements : Courriel : [email protected]
Site web : http://www.nanosweb.org/
meetings/nanos2006/
Université de Toronto
Département d’ophtalmologie
et des sciences de la vision
Prochains événements
12 janvier 2006
CPI – Dr Ronald Casey, Edmonton, Alberta
“Optic Nerve Head and Retinal Fibre Layer Analysis:
A Digital Revolution”
19 janvier 2006
CPI – Dr Jeff Hurwitz, Chair, U of T Ophthalmology,
Toronto
“What to do with the tearing patient when the lacrimal
system is patent”
28 janvier 2006
2006 Toronto Cataract Course
Jan Spencer (416) 978-1617
9 février 2006
CPI – Dr Paul Harasymowycz, Montréal, Québec
“Angle Closure Glaucoma: diagnosis and treatment”
Note : Les conférences des professeurs invités (CPI)
de cette année (septembre 2005 à mai 2006)
seront tenues à :
The Hospital for Sick Children
555 University Avenue, Toronto
Amphithéatre principal
La version française a été révisée par le professeur Pierre Lachapelle,
Montréal.
Les avis de changement d’adresse et les demandes d’abonnement pour Ophtalmologie – Conférences Scientifiques doivent
être envoyés par la poste à l’adresse C.P. 310, Succursale H,
Montréal (Québec) H3G 2K8 ou par fax au (514) 932-5114 ou
par courrier électronique à l’adresse [email protected].
Veuillez vous référer au bulletin Ophtalmologie – Conférences
Scientifiques dans votre correspondence. Les envois non
distribuables doivent être envoyés à l’adresse ci-dessus.
Poste-publications #40032303
L’élaboration de cette publication a bénéficié d’une subvention à l’éducation de
Novartis Ophthalmics
© 2005 Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médecine, Université de Toronto, seul responsable du contenu de cette publication. Édition : SNELL Communication
Médicale Inc. avec la collaboration du Département d’ophtalmologie et des sciences de la vision, Faculté de médecine, Université de Toronto. MDOphtalmologie – Conférences scientifiques est une marque
de commerce de SNELL Communication Médicale Inc. Tous droits réservés. L’administration d’un traitement thérapeutique décrit ou mentionné dans Ophtalmologie – Conférences scientifiques doit
toujours être conforme aux renseignements d’ordonnance approuvés au Canada. SNELL Communication Médicale se consacre à l’avancement de l’éducation médicale continue de niveau supérieur.
SNELL
130-019F