Microcrédit professionnel - Groupe Caisse des Dépôts

Transcription

Microcrédit professionnel - Groupe Caisse des Dépôts
Transcription intégrale – Emission 07
Microcrédit professionnel: des dispositifs
efficaces
mais méconnus ?
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ANIMATEUR :
Philippe Gaudin
INVITÉS :
Erwan Audouit – Responsable partenariat & microcrédit – Crédit coopératif
Franck Taqui – Chargé de développement territorial à la direction régionale Franche-Comté de la
Caisse des Dépôts
Schéhérazade Karray – Gérante centre contrôle technique automobile – Autosur Chatillon (92)
Cyril Baraban – Directeur général – Initiactive 95
Animateur
Philippe Gaudin : Bonjour, vous ne le savez peut-être pas, mais grâce au
Microcrédit, il y a eu en France en 2010, près de 56 000 nouveaux chefs
d’entreprise, et ce n’est pas rien, surtout au moment où le chômage est au cœur de
toutes les préoccupations.
A l’origine de cette dynamique, le microcrédit professionnel ; il s’agit de prêter à des
créateurs ou à des repreneurs de petites entreprises, des sommes allant jusqu’à 25
000 euros au maximum, un financement qu’une banque classique n’accorderait pas
facilement, voire pas du tout.
Ces petites entreprises, il ne faut pas les sous estimer, elles sont un vrai vivier
d’emploi et d’innovation, souvent très adaptées au territoire où elles se trouvent ; le
problème, c’est qu’accéder au financement pour créer ou reprendre une petite
société, est parfois très difficile, d’où l’intérêt du microcrédit professionnel ; il a été
encouragé ces dernières années, mais est-ce que c’est vraiment suffisant ? Pas sûr,
seule une création d’entreprise sur 5 fait aujourd’hui l’objet d’un microcrédit ; pourtant
l’argent est disponible.
Ce type de financement peut-il aider les porteurs de projets à franchir le pas, est-il
une des réponses à la crise, comment mieux développer l’accès au microcrédit ?
C’est à toutes ces questions qu’on essaiera avec nos quatre invités du jour.
Franck TAQUI, bonjour, vous êtes chargé du développement territorial en Franche
Comté pour la Caisse des Dépôts, merci d’être là,
Schéhérazade KARRAY, bonjour, vous êtes créatrice d’entreprise, gérante d’une
société de contrôle technique, dans le 92, à Châtillon,
Erwan AUDOUIT, vous êtes responsable du microcrédit au Crédit Coopératif,
..et puis Cyril BARABAN, vous êtes le directeur d’Initiactive 95 ; tout va bien, on peut
commencer alors : justement on connaît peut-être mieux le microcrédit privé, qui
permet de faire financer les petits achats des ménages, mais on connaît peut-être un
peu moins le microcrédit professionnel.
C’est pourtant, peut-être l’une des solutions pour régler le problème de la crise, avant
de rentrer dans le détail ; le microcrédit professionnel, c’est quoi ? Explication !
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Transcription intégrale – Emission 07
Reportage
Voix off
Avec 56 000 prêts accordés en 2010, le microcrédit professionnel poursuit son développement en
France. Cette forme de financement s’adresse aux créateurs et repreneurs de petites et moyennes
entreprises pour des montants inférieurs à 25 000 euros ; pour les porteurs de projets, plusieurs
possibilités, les prêts d’honneur, tout d’abord, délivrés par France initiatives, ils ont concerné 17
000 emplois, soit 166 M d’euros de prêts accordés, financés par les collectivités, la Caisse des
Dépôts, les entreprises, et les établissements bancaires ; les prêts bancaires garantis ensuite,
cautionnés par le fonds de cohésion sociale ont concerné plus de 6 700 projets et créé ou
consolidé 28 000 emplois ; le dispositif NACRE, quant à lui est adressé aux personnes sans
emploi ou en difficulté d’insertion ; ce prêt à taux zéro, cumulable avec d’autres microcrédits, a
concerné 8 500 projets l’année dernière pour un total de 47 M d’euros ; les prêts de l’ADIE enfin,
plafonnés à 10 000 euros ont aidé plus 12 000 entrepreneurs en difficulté financière. Des
dispositifs nombreux, mais encore trop méconnus.
Aujourd’hui, une création d’entreprise sur 5 ferait l’objet d’un microcrédit professionnel.
Retour Plateau
Philippe Gaudin : voilà. Trop peu connu le dispositif, Franck Taqui, on vient de voir
les multiples facettes du financement par microcrédit, est-ce qu’on peut dire que c’est
un système de financement qui ne connaît pas la crise aujourd’hui ?
Franck de TAQUI : (Chargé de développement territorial – Caisse des Dépôts) :
on ne peut pas tout à fait dire que c’est un système de financement qui ne connaît
pas la crise parce que le microcrédit sous ses différentes formes, comme on la vu
dans le reportage, s’appuie quand même sur le financement fait par des prêts
bancaires. Le microcrédit ne fait pas tout, tout seul ; il fait largement appel aux prêts
bancaires, donc la crise a de toute façon un impact, une répercussion sur les facilités
à accéder au crédit pour financer les créations et les reprises d’entreprise, et
probablement aussi, on le voit dans les statistiques 2011 de la création des
entreprises, il y a moins d’entrepreneurs qui créent leur entreprise, par rapport à
l’année précédente…
Philippe Gaudin : Mais il y a autant de microcrédits par contre.
Franck de TAQUI : Effectivement, le nombre de microcrédits reste stable ;
probablement dans un contexte économique où il est plus difficile de créer une
entreprise , les créateurs d’entreprises demandent plus d’accompagnement et font
appel plus facilement à ce type de financement,
Philippe Gaudin : a t-on un chiffre sur le nombre de sociétés qui ont eu recours
dans l’année qui s’est écoulée au microcrédit?
Franck de TAQUI : sur 2011, je ne suis pas certain d’avoir les tous les bilans du
microcrédit, à la Caisse des Dépôts dans les différents dispositifs où nous sommes
présents, 45 000 projets ont été accompagnés au travers du microcrédit, soit en
garantie bancaire, soit en microcrédit, pour financer les projets.
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Philippe Gaudin : c’est plutôt pas mal, Erwan Audouit, on va essayer d’être
pédagogique, d’abord le microcrédit s’adresse à qui ?
Erwan Audouit (Responsable Partenariat et Microcrédit – Crédit Coopératif) : il
s’adresse effectivement à des entrepreneurs qui ont un projet ; il peut se trouver
aussi par des financements dans le secteur bancaire en difficulté par rapport aux
projets qui sont proposés par les entrepreneurs, c’est parfois l’incompréhension, et
faire crédit,, c’est faire confiance.
L’intérêt du microcrédit par définition, c’est qu’il est accompagné, c’est pas tellement
parce qu’il fait 25 000, 5 000 ou 10 000, c’est pas vraiment ce qui est intéressant, ce
qui définit le microcrédit, selon la banque de France, un microcrédit en est un parce
qu’il y a un accompagnement, sinon, c’est un petit crédit ; si vous empruntez un
microcrédit personnel, parce qu’il est parlant, pour acheter une voiture à 5 000 euros,
on ne va pas parler de microcrédit ; quand il est destiné à une personne en difficulté
pour lui permettre d’accéder à un emploi, parce qu’il y a accompagnement, on va
parler de microcrédit ; on pourrait en dire de même pour le microcrédit professionnel.
Philippe Gaudin : Schéhérazade KARRAY, vous avez monté votre entreprise grâce
à un microcrédit ; comment avez-vous été mise au courant de ce dispositif existant ?
Schéhérazade KARRAY (Gérante Centre Contrôle Technique Automobile) : Je
suis passée par une association de France Initiative, qui était justement dans le 93
près de chez moi. Pour monter mon projet, voir s’il était viable ou pas, et comme je
comptais créer ma société dans le 92, c’est eux qui m’ont dirigé vers Hauts de Seine
Initiatives ; ensuite, j’ai eu le financement par rapport à ça, et j’ai eu aussi droit aux
garanties bancaires.
Philippe Gaudin : d’accord, on en parlera aussi, de la garantie ;ce qu’on va
commencer à faire, puisqu’on a dressé les grandes lignes du microcrédit, c’est d’aller
sur le terrain, pour voir comment cela se passe ; on a choisi de vous raconter deux
histoires qui concernent directement le microcrédit, la création d’entreprise et la
reprise d’entreprise ; on va aller dans les Sables d’Olonne et à Paris : deux histoires
pour un même principe de base, un microcrédit, regardez.
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Reportage
Voix Off
Le goût des affaires, le contact client, une bonne idée commerciale, et pour Marie-Pascale,
l’aventure commence. Il y a 3 ans, elle fonde cette entreprise de location-vente de vélos, une
centaine de deux roues qu’elle loue aux visiteurs venus découvrir les Sables d’Olonne ; 60 000
euros d’investissement, dont 8 000 financés grâce à un microcrédit ; une fois son projet présenté,
son dossier a séduit les financeurs locaux.
Marie-Pascale Lechat (Gérante de Cycliade) : ils ont cru en mon projet, c’est déjà ce qu’il y a de
plus important ; sans eux, je ne sais pas si j’aurai tenu la première année.
Voix Off
Et Marie-Pascale a eue raison d’y croire ; un an plus tard, elle décrochera un partenariat avec la
SNCF. Bruno Paupier est à l’origine d’un rapprochement qu’il ne regrette pas.
Bruno PAUPIER (Directeur des Gares – Etablissement TER – Pays de la Loire) : en matière
d’économie, il y a toujours un peu de risque, mais compte tenu du partenaire, des relations qu’on a
avec cette personne, pour l’instant, on n’est pas déçus.
Voix Off
Et si ces partenaires suivent Marie-Pascale, c’est parce qu’aussi, elle s’est préparée à son
nouveau métier. L’association locale de microcrédit l’a aidée financièrement, mais aussi
accompagnée tout au long de son parcours, une aide précieuse pour devenir « point TER ».
Marie-Pascale Lechat : pour pouvoir présenter mon activité à la SNCF, j’ai eu besoin d’autres
personnes pour m’aider et me soutenir dans le montage du dossier.
Voix Off
Et pour la soutenir, elle peut aussi compter sur l’aide bénévole de son mari Patrick ; malgré son
activité en hausse, il n’est pas encore possible à Cycliade d’embaucher un salarié. Des salariés,
Patrick Morais aimerait parfois en avoir plus d’un.
Patrick Dias Morais : alors Ahmed, où en es-tu ?
Ahmed : il me reste encore une passe à faire et j’aurai terminé.
Voix Off
Dans cet atelier, les commandes ne manquent pas. Mais le métier de tourneur repousseur est en
voie de disparition. Patrick et Ahmed sont les deux derniers de Paris.
Et s’il n y avait pas eu le microcrédit, il n’y en aurait plus.
Employé par l’entreprise depuis 17 ans, Patrick a souhaité la reprendre, il y a 3 ans. Pour
convaincre son banquier, il a fallu convaincre sa solidité financière. 20 000 euros essentiels pour le
démarrage de l’activité.
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Patrick Dias Morais (Gérant de la société Edmond Allain & successeurs) : le microcrédit m’a
bien aidé pour me lancer au départ, pour avoir un fonds de roulement, pour avoir une trésorerie, il
y avait les salariés à payer, les loyers tombaient, donc je n’avais pas le choix, tout était pour les
charges courantes.
Voix Off
Aujourd’hui, son prêt d’honneur est remboursé, mais gérer au quotidien les devis, les
commandes, les loyers, les assurances, les charges, pas toujours facile pour un jeune chef
d’entreprise. Patrick Morais a aussi été accompagné, lorsqu’il a monté son projet de reprise. Deux
ans de suivi régulier, mais parfois, cela ne suffit pas.
Patrick Dias Morais : on a un drôle de rythme, on est toujours en train de cavaler pour essayer
de répondre aux demandes, mais ce n’est pas évident.
Voix Off
Marie-Pascale, Patrick, deux porteurs de projets lancés grâce au microcrédit, et deux nouveaux
chefs d’entreprise, confrontés chaque jour aux exigences de leurs métiers.
Retour Plateau
Philippe Gaudin : les exigences de leurs métiers, vous y êtes confrontée
Schéhérazade KARRAY : auriez-vous pu vous en sortir sans le microcrédit ?
Schéhérazade KARRAY : pas du tout impossible, rien qu’au niveau des banques :
sans la garantie bancaire, déjà, je savais d’office que le prêt ne passait pas.
Philippe Gaudin : vous en aviez parlé avec votre banquière ?
Schéhérazade KARRAY : Elle me l’avait dit du tac au tac. Ce n’était pas caché, ce
n’était pas un prêt très important, car j’avais un prêt d’honneur et un prêt NACRE car
j’étais au chômage, et j’ai bénéficié du fonds de garantie du prêt d’initiative des
femmes.
La condition, c’était qu’il n y avait pas de caution personnelle au niveau des banques.
Donc cela me rassurait au niveau de la caution personnelle, car je mettais déjà tout
sur la table, entre guillemets. La banque avait une garantie à sa hauteur, de 70%,
cela lui donnait une sécurité pour soutenir mon projet. Même si le projet était viable, il
y a le projet, la personne, mais de l’autre côté, tout le monde demande des
garanties. Nous, on apporte ce que l’on peut, mais on ne peut pas tout donner.
Philippe Gaudin : alors parlons du prêt bancaire garantie, vous en parliez, c’est
extrêmement important ; les banques sont parfois, frileuses ; le principe du
microcrédit, c’est aussi d’apporter ce prêt bancaire garanti, c’est à dire la caution que
la banque attend.
Erwan Audouit : oui, effectivement, le fait d’avoir une garantie est importante pour la
banque, car il faut bien se souvenir, que c’est normal pour un banquier, car l’argent
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qu’il prête, c’est aussi l’argent qu’il a emprunté à un tiers. Donc, il a une
responsabilité par rapport à l’épargnant qui a déposé l’argent dans la banque. La
garantie le sécurise par rapport à cette responsabilité. Il y a un dicton en banque qui
résume bien les choses, c’est que l’on ne fait pas un prêt pour une garantie parce
que cela ne sert à rien ; si le projet n’est pas viable, à quoi ça sert d’avoir une
garantie ; mais pour autant, on ne fait pas de prêt sans garantie.
Philippe Gaudin : évidemment, vous parliez de la validation. Cyril Baraban, quand je
suis porteur de projets, je viens vous voir et je vous dis : j’ai un projet ; vous, vous
commencez par faire une étude de faisabilité, de réalité, est-ce que c’est viable, estce que c’est cela ?
Cyril Baraban (directeur Général - Initiatives 95) : exactement, on fait une
expertise, on décortique tous les éléments d’un projet, le parcours de la personne,
l’équilibre financier, s’il y a une opportunité commerciale sur le lieu d’implantation ;
donc on étudie tous ces éléments et le chargé de mission qui traite la demande,
présentera ensuite le projet à un comité d’agrément composé de chefs d’entreprises,
de banques, d’experts comptables, et donc ce tour de table partenarial, en fait,
analysera la demande de financement. Une fois que la demande est accordée chez
nous, on rentre dans une phase de médiation bancaire.
Donc dans les Hauts de seine, Schéhérazade a du avoir accès à cette médiation
bancaire, c’est à dire que nous prenons les devants et contactons un certain nombre
d’interlocuteurs bancaires pour favoriser l’intervention de la banque.
Philippe Gaudin : c’est un travail colossal quand on est créateur d’entreprise.
Cyril Baraban : comme le dit monsieur Audouit, l’intervention de la garantie, c’est
l’un des éléments des décisions de la banque, mais le fait que l’on ait appuyé le
projet, cela le labélise et favorise l’intervention. Par contre, on ne se substitue pas au
créateur d’entreprise. Nous ne sommes pas avocats et ne nous sommes pas là pour
pousser les projets. La création d’entreprise est une démarche risquée, aussi il est
important que la personne qui entreprend fasse la démarche de convaincre la
banque.
Philippe Gaudin : Franck de Taqui, cela ne pose pas problème que ce soit des
associations qui valident des projets aussi lourds, aussi importants ?
Franck de Taqui : la Caisse des Dépôts a fait le choix d’accompagner ces
mouvements associatifs qui ne sont pas très nombreux ; on en accompagne 5, au
niveau national et au niveau local ; si on parle des prêts d’honneur, effectivement,
vous avez raison, la pertinence de ces microcrédits, c’est l’accompagnement et
l’expertise qui les accompagne.
Philippe Gaudin : donc, l’association donne une validation, un gage en plus ?
Franck de Taqui : l’association ne donne pas un gage supplémentaire, elle
développe des efforts, des conseils auprès des créateurs d ‘entreprise, pour qu’il y ait
plus de chances de réussir.
Philippe Gaudin : justement une question pour vous, Schéhérazade : vous, pour
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monter votre entreprise, vous avez additionné plusieurs types de microcrédits,
plusieurs dispositifs,.. ?
Schéhérazade KARRAY: j’ai fait le NACRE, le prêt d’honneur, le fonds de garantie à
l’initiative des femmes…
PHILIPPE GAUDIN : c’est à dire, quand on veut faire un microcrédit,
cumuler plusieurs dispositifs ?
on peut
Erwan Audouit : oui, sans difficulté ; je voudrais aussi revenir à votre question
précédente : il y a un autre phénomène au delà du label de ces plates formes
France-Actives, France Initiatives, c’est que les dossiers sont vus tous ensemble, ils
sont faits en partenariat, il y a des comités qui réunissent des entrepreneurs, des
banquiers, et c’est dans cette gouvernance collective qui est partagée, qui fera que
l’entrepreneur parle le même langage que le banquier. C’est aussi pour cela, que les
crédits et les projets seront faits. C’est aussi ce qui fera l’effet levier du prêt
bancaire ; la banque va s’engager, elle va ou non faire un prêt complémentaire, dans
certains cas ; la banque aussi s’engage, elle étudie le dossier, et c’est bien l’addition
des compétences, chacun dans son métier, chacun dans son rôle, et c’est cette
addition d’éléments qui va faire que cela fonctionne.
Philippe Gaudin : donc dans le microcrédit, on peut cumuler des dispositifs qui vont
aboutir à une vraie création ?
Erwan Audouit : oui, et c’est ce qui en fait tout l’intérêt.
Schéhérazade KARRAY : on peut cumuler les prêts à taux zéro pour minimiser les
prêts bancaires, ce qui facilite déjà le remboursement, parce que le taux zéro est
toujours étalé sur cinq ans ; ce ne sont pas de grosses sommes, comme vous l’aviez
dit, en fait c’est jusqu’à 27 000 euros sur 5 ans, et pour une société, c’est largement
raisonnable. Je voulais préciser que les banques, lorsqu’on passe par les
organismes d’accompagnement, elles nous suivent plus facilement, car il y a des
banquiers, des assureurs, il y a des chefs d’entreprise, et on passe devant ce comité
là, alors qu’autrement vous êtes devant votre conseiller qui, lui, va présenter le projet
à son chef. Devant le comité, vous êtes face à des professionnels qui, s’ils valident
votre projet, confirment qu’il vaut la peine.
Philippe Gaudin : on vient de voir l’aspect financier du microcrédit, parfois, peutêtre, un peu technique, mais c’est important de le préciser ; visiblement cela vaut le
coup, parce que les entreprises qui ont eu recours à un microcrédit, affichent une
viabilité, une stabilité assez étonnante ; le microcrédit, ça marche et même très
bien : la preuve, on la verra avec Pierre Arnaud, il a créé sa première société, il y a
10 ans grâce à un microcrédit, et aujourd’hui, il est à la tête de 5 sociétés, regardez !
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Reportage
Voix Off
Pierre Arnaud est un chef d’entreprise affairé, il gère 5 sociétés dans le nettoyage et l’aide à la
personne, et emploie 170 salariés ; pourtant ce franc comtois s’est lancé dans la reprise de sa
société il y a seulement 10 ans, une « sucess story » enracinée dans le microcrédit, et pas
seulement à raison du prêt d’honneur qu’il a obtenu pour boucler son financement de départ.
Pierre ARNAUD (PDG du groupe EPS) : le fait d’avoir quelqu’un qui vient régulièrement, avec un
certain recul par rapport à la situation quotidienne qu’on vit dans l’entreprise, c’est important pour
s’assurer qu’on est sur la bonne voie.
Voix Off
et son parcours de chef entreprise, c’est dans les locaux de Doubs Initiatives qu’il la commencé.
Ici, 150 dossiers de création ou de reprise de sociétés ont été accompagnés en 2011, car le
microcrédit, c’est de l’argent mais pas seulement : conseil, accompagnement, écoute, les porteurs
de projets y trouvent leur compte.
Alexandre Touakni (accompagné par l’association) : la comptabilité, par exemple, pour moi,
c’était du chinois. Ça apporte un soutien, on voit plus clair, on comprend mieux les choses. C’est
important.
Voix Off
retour pour Pierre Arnaud à l’association Doubs Initiatives où il a rendez-vous avec son président.
Entre les deux hommes, une complicité qui remonte au premier projet de reprise de Pierre. André
Gaselot a été son accompagnateur, mais si Pierre Arnaud est à l’association aujourd’hui, ce n’est
pas seulement par nostalgie ; au fil des années, il a pris des responsabilités chez Doubs Initiatives
et souhaite franchir une étape supplémentaire. Ancien accompagné, il veut devenir lui même
accompagnateur.
Pierre Arnaud : pour moi, rendre la pareille, pouvoir parrainer des entrepreneurs qui démarrent,
c’est important, parce que ça m’apporte à moi aussi quelque chose.
Voix Off
et pour le président, la réponse est nette.
Le président de Doubs Initiatives : il n’y a aucun problème pour qu’il devienne parrain actif à
Doubs Initiatives...
Voix Off
une vraie réussite parmi les nombreuses que compte l’association. Chez Doubs Initiatives, 90 %
des entreprises créées sont toujours en activité après 3 ans.
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Retour Plateau
PHILIPPE GAUDIN (Journaliste) : Pierre Arnaud, on est au cœur de
l’accompagnement dont on parle depuis le début ; Cyril Baraban, on dit
généralement qu’une société sur deux tombe au bout de 5 ans après leur création ;
avec le microcrédit, le taux de casse est beaucoup moins fort ?
Cyril Baraban : on a une pérennité à 5 ans de 80%.
Philippe Gaudin (Journaliste) : grâce à cet accompagnement ?
Cyril Baraban : lorsqu’on suit les entreprises, on a des dispositifs de parrainage, on
le voit dans le reportage, c’est une forme de chaîne de solidarité, c’est à dire que
l’entrepreneur qui bénéficie de notre dispositif, notre intérêt, c’est qu’il puisse rendre
un peu ce qu’il a pu recevoir. De la même manière, le prêt d’honneur bénéficie à un
créateur d’entreprise et ce qu’on attend - faire crédit c’est faire confiance - on attend
à ce que le prêt soit remboursé pour être re-prêté à d’autres créateurs d’entreprise ;
cet aspect là, est important dans notre démarche.
Philippe Gaudin
Schéhérazade ?
(Journaliste) :
vous
avez
eu
un
accompagnement,
Schéhérazade KARRAY : oui, j’ai un parrain, un ancien chef d’entreprise, et j’ai
toujours mon conseiller que j’ai en ligne une fois par mois, et que je vois une fois tous
les 3 mois. Là, on arrive au premier bilan, on se voit donc plus souvent pour voir
comment les choses se sont passées.
Philippe Gaudin (Journaliste) : le taux de casse dont on parlait à l’instant, c’est
rassurant ?
Schéhérazade KARRAY : pour moi, c’était autour du taux de pérennité de 70% au
bout de 3 ans, c’était pour moi, un gage de passer par ces organismes là, d’être
accompagnée ; en fait, on est suivi pendant 3 ans. Après, on n’est pas lâché dans la
nature, mais déjà par rapport à cela, on a une meilleure visibilité en fait.
Philippe Gaudin (Journaliste) : on dit que le coût d’un accompagnement est à peu
près de 3 000 euros : qui est ce qui finance cet accompagnement ?
Franck de Taqui : c’est financé essentiellement par les territoires, c’est un
financement public par les collectivités territoriales, cela avait été dit tout à l’heure,
les régions, les départements, les intercommunalités ; on trouve aussi des financeurs
privés, certains établissements bancaires financent ces associations et leur
expertise.
Philippe Gaudin (Journaliste) : alors, des entreprises qui durent, évidemment, c’est
bon pour les territoires, mais, on se rend compte aussi, que le maillage des
associations qui gère les microcrédits est une véritable ressource pour le territoire,
Erwan Audouit, est-ce qu’on peut dire que le fait que les associations soient très
locales, veut dire qu’elles sont très ancrées dans le territoire ? Est-ce qu’elles
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proposent et accompagnent des projets très précieux, pour le territoire local ?
Erwan Audouit : oui, c’est un des effets importants. D’un point de vue banquier,
c’est un autre facteur rassurant : c’est savoir qu’effectivement, dans l’économie
locale, dans le maillage territorial du terreau économique, ce projet apporte quelque
chose parce qu’il y avait un vide, un besoin non couvert ; c’est aussi un facteur
rassurant pour le banquier.
Philippe Gaudin (Journaliste) : est ce que les agglomérations qui sont dans vos
conseils d’administration, vous disent : on aurait besoin de plus de restaurateurs, de
bouchers, soutenez plus particulièrement ; est-ce qu’elles vous font remonter leurs
besoins ?
Cyril Baraban : en nous soutenant, ils sont au fait des projets que nous finançons ;
on finance tout type d’activités, et c’est des petites entreprises, dans le secteur du
commerce ou de l’artisanat. Ils sont dans une logique de demande par rapport à ces
implantations d’entreprises.
Philippe Gaudin : c’est à dire qu’ils façonnent un peu leur territoire avec vous ?
Cyril Baraban : clairement, je prends l’exemple, sur le département du Val d’Oise,
du Parc National Régional du Vexin français, c’est vrai que l’implantation d’une
boucherie, sur un parc naturel qui reste assez rural, même si on est en Ile de France,
ça reste essentiel pour le territoire. On s’adapte, on s’ajuste aux besoins de nos
agglomérations, qui nous financent, parce que toutes n’ont pas les mêmes besoins,
donc nous sommes à l’écoute et on s’ajuste à la demande de nos financeurs.
Philippe Gaudin : à l’inverse, est-ce que vous dites parfois aux agglomérations : on
manque de bureaux, de structures, adaptez-vous aussi ?
Cyril Baraban : bien sûr, on fait ce genre de retour ; par exemple, sur la
communauté d’agglomérations de la vallée Montmorency, on a un problème de
locaux, ils sont entrain de monter une superbe pépinière pour implanter de nouvelles
activités. Là, on est dans une boucle vertueuse, c’est à dire que nous, on va pouvoir
accompagner, financer et amener les gens dans la pépinière, pour développer des
activités sur le territoire, avec en plus des parcs d’activités. C’est vrai qu’on remonte
un certain nombre de points qui peuvent être bloquants pour notre travail au
quotidien.
Philippe Gaudin : quand on voit que cela marche bien, Franck Taqui, peut-on dire
que le microcrédit est une des réponses au chômage ?
Franck de Taqui : quand on voit que ça fonctionne bien, pour un financeur public,
c’est rassurant.
Philippe Gaudin : c’est déjà pas mal !
Franck de Taqui : je reviens au chiffre que vous avez donné tout à l’heure, 3 000
euros par entreprise par accompagnement ; si on regardait par rapport au nombre
d’emplois, on verrait que c’est encore moins cher, ramené à l’emploi.
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Le microcrédit accompagne, en effet, les créateurs d’entreprise ; on a votre exemple,
une demandeuse d’emploi, ou un titulaire des minima sociaux, qui, aujourd’hui, ne
voit comme piste d’accès à l’emploi, que la création de sa propre activité. Donc
effectivement, c’est un premier niveau de réponse. Après, quand on voit des
réussites comme Arnaud dans le reportage...
Philippe Gaudin : ..et comme Schéhérazade à côté de vous…
Franck de Taqui : ..et comme Schéhérazade - on attend le bilan, les comptes - on
voit qu’il y a un impact qui va bien au delà de la création de son propre emploi.
Philippe Gaudin : vous parliez de ce chiffre de 3 000 euros par accompagnement ;
ce sont notamment les agglomérations, les communautés, les territoires qui payent,
mais elles connaissent la crise aussi : est-ce que cela veut dire que le microcrédit est
menacé ?
Franck de Taqui : aujourd’hui, quand on voit le nombre de microcrédits rapporté aux
créations, même sans rentrer dans le détail, le rapport est de 1 pour 5 ; les chiffres
sont traités un peu brutalement, mais aujourd’hui, il y a un frein au développement du
microcrédit et de l’accompagnement des créateurs entreprises. C’est le financement
de l’expertise qui est nécessaire pour cela.
Philippe Gaudin : j’imagine qu’on a la même frilosité du côté des banques avec la
crise, non ?
Erwan Audouit : non, on n’a pas tout à fait la même frilosité par rapport aux plates
formes d’accompagnement à la création d’entreprises ; nous au Crédit Coopératif, on
est à la fois partenaires de l’ADIE et de France Initiatives aussi…
Philippe Gaudin : les banques, même en temps de crise, soutiennent le
microcrédit ?
Erwan Audouit : elles soutiennent le microcrédit effectivement, le problème n’est
pas de faire un prêt sur un bon projet. Soyons honnêtes, dès qu’il y a un bon projet,
dès qu’il est qualifié, le problème n’est pas tant la liquidité pour faire des prêts, mais
plutôt le financement de l’accompagnement qui crée cette relation de confiance et la
dynamique. Si l’accompagnement se trouve sous financé ou en difficulté, il est clair
qu’il y aura un effet sur le prêt bancaire qui ne se fera plus, puisqu’on a dit tous
ensemble que c’était cela qui faisait la réussite et la dynamique du dispositif.
Donc, il y a une vraie inquiétude, non pas par rapport à la capacité de faire crédit
pour les montants engagés, mais au regard des montants engagés en matière de
crédits - on a parlé de 10 000 euros sur 5 ans - ne nous racontez pas d’histoires, ce
n’est pas ça le problème ; mais par contre, s’il n’y a plus d’accompagnement, il n’y
aura plus de crédit ; il y a des préoccupations et des réflexions sur comment cette
accompagnement sera financé.
Philippe Gaudin : quelles sont les pistes, dites-nous rapidement ?
Erwan Audouit : rapidement, la première idée c’est de se dire que
l’accompagnement est une fonction de formation ; comment peut-on contester cette
Une initiative du groupe Caisse des Dépôts
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Transcription intégrale – Emission 07
idée là et pour autant, que les fonds de formation puissent financer la formation, ce
sont des choses qui ne sont pas toujours pas possibles. Ce sont des questions qui
ont été posées et qui sont restées sans réponses.
Il y a une autre possibilité, sur laquelle France Active, au niveau national, travaille,
c’est une loi américaine, qui date de 1977, qui s’appelle (le Committee Investment
Act) est qui est une loi qui force les entreprises, quand elles collectent de l’argent sur
le territoire, à re-prêter cet argent sur le territoire et à soutenir les TPE ; on est en
2012, c’est une question à poser pour l’avenir.
Philippe Gaudin : bonne question à traiter. Schéhérazade, on va finir avec vous :
quels conseils donneriez-vous, aujourd’hui, aux chefs d’entreprises, aux porteurs de
projets qui nous regardent et se disent : j’ai envie d’y aller ?
Schéhérazade KARRAY : de bien étudier leur projet en amont, de ne pas hésiter à
frapper aux portes des organismes d’accompagnement. En France, on a ce petit
souci que c’est encore un peu méconnu.
Philippe Gaudin : c’est pour cela qu’on est là…
Schéhérazade KARRAY : c’est important de le dire ! Moi j’en ai bénéficié parce
qu’on m’en a parlé, mais sinon, ce n’est pas si évident que cela d’y avoir accès, ou
du moins de les connaître ; une fois qu’on les connaît, il y a Val-de-Marne Initiatives,
Monsieur est du Val d’Oise, moi je suis passée par Hauts-de-Seine Initiatives, et il y
a le 93 aussi, voilà…
Philippe Gaudin : on va en bas de chez soi, on tape aux portes, on cherche.
Schéhérazade KARRAY : il faut taper aux portes. Il faut tomber sur les bonnes
personnes, présenter le bon projet.
Philippe Gaudin : et on enfonce un peu la porte si elle ne s’ouvre pas tout de suite.
Schéhérazade KARRAY : ça devrait aller, normalement.
Philippe Gaudin : Ca va alors ! Merci beaucoup à vous tous ; je crois qu’avec vos
expériences, vos explications, on a bien compris l’enjeu du microcrédit pour nos
territoires ; avec ce financement innovant pour les porteurs de projets, on tient peutêtre un début de réponse à la crise ; en tout cas, c’est une idée de réponse. Si cela
vous a donné envie de vous lancer dans l’aventure du microcrédit, si vous avez un
projet et que vous avez réussi à le faire grâce au microcrédit, vous savez ce qui vous
reste à faire : vous venez sur nos plates formes d’échanges, vous nous racontez tout
ça, vous nous donnez vos réactions et on les regardera avec beaucoup d’attention.
Merci beaucoup, et à bientôt dans solutionsdurables.tv
Merci beaucoup, merci.
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