Eva Hesse, Sans titre - Musée des Beaux

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Eva Hesse, Sans titre - Musée des Beaux
XXe
Fiche d’œuvre/
EVA HESSE (1936, Hambourg – 1970 New-York)
Sans titre, 1960
Mots Clés
Figure / Couleurs /
Autoportrait / Corps
Sans titre, 1960
Huile sur toile
92 x 92 cm
Achat en 1994
Inv. : 994.4.1.P
Alain Guillard/Musée des Beaux-Arts de Nantes
© The Estate of Eva Hesse, courtesy Hauser & Wirth, Zurich, Londres
L’œuvre
Cette œuvre réalisée en 1960, appartient à un ensemble qui marque les débuts de la carrière d’Eva Hesse. Davantage
reconnue pour son travail de sculpteur, son travail pictural porte déjà les germes de ce qui se matérialisera dans son
approche tridimensionnelle et révèle les préoccupations de l’artiste, d’ordre personnel et artistique. Affirmer que l’œuvre
d’un artiste est profondément liée à son existence peut sembler banal mais pour Eva Hesse, le comportement qu’elle
adopte dans le processus de création de son œuvre est viscéralement lié à son autobiographie.
Une figuration autonome mais structurée
A 20 ans pour Eva Hesse, être artiste, c’est être peintre. Elle s’efforce « d’arriver à une peinture libre spontanée, traçant
une image puissante, forte et structurée ». Pour elle « Les deux doivent pouvoir s’accorder. Problème difficile en soi, mais
que je résoudrai ». Son travail n’est alors pas sans rappeler l’expressionnisme européen, des œuvres d’Edvard Munch à
celles d’Asger Jorn. Elle veut cependant se dégager de toute influence et s’inscrit dans un art autonome. « Je peindrai,
écrit-elle, contre toutes les règles ; que moi-même ou d’autres avons visiblement placées ».
Les spectres d’Eva Hesse (E. Luanne McKinnon, Directeur, University of New Mexico Art Museum)
Cette peinture est contemporaine de dessins très gestuels, exécutés au lavis à l’encre brune et noire. Elle explique qu’elle
a su y trouver « des formes personnelles » qui lui « fournissent un noyau autour duquel construire ». Ces mêmes formes
ont dû faire naître sur la toile les silhouettes fantomatiques que l’on retrouve dans cet ensemble. Les couleurs y sont
grises ou terreuses et construisent un espace flottant. Ici les rehauts de violet, de rouge et d’orangé dessinent deux
personnages étranges. Celui du premier plan est probablement une femme. Le visage est inquiétant : les yeux sont
remplacés par deux cavités sombres. Privés de regard ou regard tourné vers l’intérieur comme en introspection ? La
silhouette qui apparait à l’arrière semble elle l’observer avec insistance, créant une tension énigmatique.
Ces autoportraits intériorisés exprimeraient la souffrance de l’artiste. Ce silence poignant visible dans le traitement du
vide est-il celui des cauchemars qui ont longtemps perturbé son sommeil ? A 18 ans, elle commence une psychothérapie,
qu’elle poursuit tout au long de sa vie. Cette œuvre est-elle à l’image de ses tourments, de ses questions existentielles ?
S’agit-il d’un dédoublement ? d’une projection Intérieur/extérieur du corps ? E. Luanne MacKinnon qualifie ces
silhouettes de « spectres » pour évoquer les ombres de son passé qui resurgissent sous son pinceau.
Le format carré
Le répertoire de forme qu’elle utilise dans ses sculptures est très centré sur la figure géométrique d’où l’intérêt de
s’arrêter sur le format carré de ce tableau et la construction de l’espace. De nombreux artistes du XXe siècle ont composé
autour de cette forme, insistant sur sa structure rigoureuse ou la considérant comme forme originelle (cf.les artistes
minimalistes).
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Claire DUGAST / Février 2014
Ici le cadrage des figures est particulier : les corps sont vus de près, opérant un rapprochement avec le regardeur qui, de
fait, est inclus dans cette étrange tension qui relie ces personnages. Celui du premier plan s’inscrit dans des limites, celles
des bords du tableau, qu’il dépasse ou qu’il atteint : est-il question d’enfermement ? peut-on considérer la toile comme
surface d’inscription des limites du conscient face à celles de l’inconscient ?
L’artiste en quelques dates
1936 : Naissance d’Eva Hesse à Hambourg, de parents juifs, en pleine Allemagne hitlérienne.
1938 - 1946 : Séparée de ses parents pour faire partie d’un convoi d’enfant qui l’amène elle et sa sœur à Amsterdam. Ses
parents la retrouvent peu de mois après. Départ de la famille vers New-York. Divorce de ses parents. Suicide de sa mère.
1954 : Commence une psychothérapie, qu’elle poursuit tout au long de sa vie de façon irrégulière.
1950-1959 : années de formations
School of Industrial Arts puis Pratt Institute of Design for Advertising, et Université de Yale d’art et d’architecture sous la
direction de Joseph Albers.
1960-1965 : la peinture, les dessins et les reliefs
1963 : Participe à une exposition à New York où elle se lie d’amitié avec Sol Le Witt, un artiste qui aura sur elle une
profonde influence et sera son plus proche ami et confident.
1964 : Séjourne en Allemagne, son pays d’origine dans lequel elle revient pour la première fois. Elle se dit à la fois
inquiète et fascinée d’y retourner ; enquête sur sa famille dont elle ne connaît pas grand chose. Travaille dans une usine
désaffectée de Kettwig-am-Rhur. Ressent les premières douleurs dans les jambes et la tête. Travaille avec Tom Doyle,
artiste sculpteur, qui partagera sa vie.
Elle aborde la sculpture, abandonne la peinture à l’huile mais continue les dessins à la plume et à l’encre.
1965 : Retourne à New York où la scène artistique est envahie par les œuvres minimalistes. Utilise des matériaux pour
leur qualité physique : tuyaux de caoutchouc, ballons gonflables, chambres à air, cordes…
1966 – 1970 : sculptures majeures, reconnaissance des critiques et des collectionneurs.
1966 : Rompt avec Tom Doyle, ce qui la plonge dans une lourde solitude. Elle se consacre à son art de toutes ses forces.
Travaille des sculptures construites sur des contrastes : le dur/le mou, l’intérieur/l’extérieur, l’ordre/le chaos
1967 : Expérimente le latex et l’utilise comme de la peinture en superposant les couches. Puis ; la résine de polyester et la
fibre de verre qui lui permettent de réintroduire la couleur dans son œuvre en jouant sur la lumière.
1968 : Premiers symptômes médicaux lourds, liés à une tumeur au cerveau qu’on lui diagnostique
C’est l’année aussi de sa première exposition personnelle de sculptures Eva Hesse : Chain Polymer, puis participe à Nine
at Leo Castelli, organisée par Robert Morris qui présente des œuvres « process » et « antiform ».
1969 : Réalise de très grandes pièces qu’elle réalise dans un travail collectif.
Mai 1970 : A 34 ans, elle est foudroyée par une tumeur au cerveau après plus d’un an de traitement.
Bonus
« Au plus profond de mon âme l’art et la vie sont inséparables […] Je cherche à résoudre un facteur artistique inconnu et
un facteur vital inconnu. Pour moi c’est une image totale qui me concerne moi et ma vie. Ca ne peut être séparé comme
une idée ou composition ou forme. […] En fait mon idée désormais est de contrarier tout ce que j’ai jamais appris ou qui
m’a été enseigné sur ces choses – de trouver quelque chose d’inévitable qui soit ma vie, mon sentiment, mes pensées. »
Eva Hesse, Cindy Nemser, Artform, p 59
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Claire DUGAST / Février 2014
Bibliographie
- Catalogue d’exposition, Eva Hesse : Galerie nationale du Jeu de paume, [Paris, 27 avril-20 juin 1993]
Ed. du Jeu de paume, Paris | Galerie nationale du Jeu de paume
- Catalogue Eva Hesse, Die Zeit in Deutschland, 1964/65, Kalendernotizen, auteur Sabine Folie [Kunsthalle Vienne,2004],
Galerie Hauser & Wirth
Sitographie
http://hammer.ucla.edu/exhibitions/detail/exhibition_id/191
https://www.brooklynmuseum.org/opencollection/exhibitions/3245/Eva_Hesse_Spectres_1960
http://yalepress.yale.edu/book.asp?isbn=9780300104417
Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Claire DUGAST / Février 2014

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