HDA 2015
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HDA 2015 Ernest PIGNON-ERNEST – La Mémoire des murs - Né en 1942 à Nice, Ernest Pignon-Ernest est un artiste plasticien .Il a fait ses débuts en réalisant des dessins d’architecture. Depuis il est l'un des initiateurs, avec Daniel Buren, de l'art urbain en France. Un support : la ville A partir de la fin des années 60, il produit ses premières interventions publiques en collant des images (dessins ou sérigraphies) sur des supports urbains. Ce sera dès lors la caractérisque propre de son travail. Éphémères, ses œuvres subissent les intempéries et s'exposent à d'éventuels actes de vandalisme. Artiste engagé, Pignon-Ernest s'attache à évoquer dans ses interventions les laissés pour compte de la société : exclus, émigrés, sans papiers, expulsés, chômeurs, anonymes. Il prend position pour le droit à l'avortement (1975), dénonce les conditions de travail des ouvriers (1971) et l'apartheid (1975), les massacres de la commune (1971), ou plus récemment le sida en Afrique du Sud. Il rend hommage à Rimbaud, Pasolini, Artaud, M. Darwish et convoque la mémoire collective, les mythes ou l'histoire comme lors du travail réalisé à Naples (1988-1995). Un travail photographique accompagne sa démarche singulière, poétique et politique et rend compte de la réception de ses images et des interactions qu'elles provoquent dans la réalité. Les figures humaines anonymes, historiques, religieuses ou mythologiques tracées sur des papiers fragiles, à l’échelle1, viennent ainsi peupler les murs et intriguer le passant qui s’y trouve " ...au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J'essaie d'en comprendre, d'en saisir à la fois tout ce qui s'y voit : l'espace, la lumière, les couleurs... et, dans le même mouvement ce qui ne se voit pas, ne se voit plus : l'histoire, les souvenirs enfouis, la charge symbolique... Dans ce lieu réel saisi ainsi dans sa complexité, je viens inscrire un élément de fiction, une image (le plus souvent d'un corps à l'échelle 1). Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique..." Un exemple vu, d’autres à voir : Un exemple étudié : Naples, au cours de quatre séjours (en 1988, en 1990, en 1993 et en 1995). L'artiste a arpenté la ville, a fouillé la mémoire de ce lieu. Pour exprimer la présence de la religion et de la mort fortement ressenties dans cette ville, pour en révéler l'histoire mais aussi la poésie, Pignon-Ernest a puisé dans la peinture du XVIIe et notamment dans l'œuvre du Caravage et de Ribera. Il les reprend avec une liberté volontaire, afin de rendre plus lisibles et plus bouleversants les corps placés en hauteur dans une rue étroite, ou d'autres corps situés dans un soupirail, tout près de dalles en lave noire. Il se souvient du voisinage de Pompéi et d'Herculanum, cités ensevelies et protégées par leur disparition provisoire. À Naples, il a collé près de mille dessins et sérigraphies. "Après avoir compris l'impossibilité de saisir Naples globalement, j'ai envisagé de développer mon travail par étapes, sur plusieurs années. Des impressions, des croquis, des photos, ramenés de mes déambulations, de mes notes de lectures s'imposait une évidence : l'omniprésence de la mort, du sous-sol et de leur dialogue." D’autres installations du même artiste à voir 1971 : Métro Charonne (Paris, il dénonce la guerre d'Algérie en 1962) et Les gisants de La Commune (des centaines d'affiches pour commémorer le centenaire de la commune de Paris)- 1976 : Les agressions- 1978-1979 : Rimbaud ( Paris et Charleville) - 1977 : Les expulsés ( Paris) – 1997-99 : Derrière la vitre (silhouettes peintes dans des cabines téléphoniques, des laissés-pour-compte, à Lyon et Paris) - 2002 : Soweto-Warwick-Durban, Afrique du sud (sur le fléau du sida en Afrique)- 2006 : à Brest, parcours Jean Genet … le site officiel de l’artiste www.ernest-pignon.com Vocabulaire associé : Ephémère : qui n’a qu’une courte durée. Sérigraphie : procédé mécanique de reproduction d’images, dérivé du pochoir. In situ : œuvre réalisée uniquement pour le lieu qu’elle occupe. Ernest PIGNON-ERNEST, Naples 1988-1995 1-C'est une nouvelle fois dans l'œuvre du Caravage que Pignon-Ernest puise sa citation : à partir du "David et Goliath" du peintre napolitain, l'artiste provoque une déroutante collusion anachronique entre deux figures de la pensée italienne. Fidèle à l'original, Pignon-Ernest reprend, pour la tête de Goliath, l'autoportrait du Caravage mais lui adjoint symétriquement le portrait de Pasolini, poète,écrivain et cinéaste auquel il avait consacré un travail en Toscane durant l'été 1980. 2-"Dans une de mes sérigraphies napolitaines, inscrite dans le parcours sur les images de la mort, un homme porte sur son dos un cadavre dont une main traîne sur le sol. Dessin d'une main fragile, imprimé sur papier fragile : j'ai collé tous les exemplaires de cette sérigraphie dans des rues pavées d'énormes dalles de lave noire (…).Ce qu'il y a de fort plastiquement, c'est cette confrontation entre ce papier blanc, sa fragilité et ces dalles noires ancestrales qui disent le Vésuve, sa menace." Le format du papier choisi par Pignon-Ernest, reprend la forme en arche de la porte réelle. L'inscription écrite sur la pancarte (Interdiction de déposer des ordures) fait écho, non sans humour, à la morbidité de la scène représentée. 3- installation de « la mort de la Vierge » de Caravage. « Je constatai l’impossibilité d’utiliser l’ensemble de la toile dans les rues actuelles, et mettre la Vierge seule dans la rue ne me semblait pas possible non plus. Hantant la ville, avec ce que je possédais dans mon magasin mental, j’arrivais à hauteur de deux vieilles femmes que j’avais déjà remarquées souvent, qui vendaient des cigarettes de contrebande dans le creux de la porte d’une chapelle. Et simplement parce que leur table de bois carrée était placée différemment, il m’est apparu qu’elles pouvaient être cette présence charnière entre l’image de la Vierge et la rue. Les deux vielles femmes ont découvert un matin le dessin qu’elles ont adopté, presque veillé. Il est resté là trois ans sans que personne n’y touche dans une rue où il passe des milliers de personnes chaque jour. Plus tard, lors d’un voyage, j’ai remarqué qu’il n’y avait plus le dessin, plus la vieille Antonietta qui passait ses journées là depuis des décennies. J’ai appris qu’elle était morte. Comme j’avais une photo de mon dessin avec la dame à côté, dans la nuit je l’ai dessinée où elle était tous les jours et j’ai collé le dessin. C’est devenu une image presque sainte. La tété allemande m’a envoyé un film où l’on voit les gens dans la rue qui passent et embrassent le dessin de la vieille dame. » Pour compléter : Banksy, 2005, frontière israëlo-palestinienne