belgique projet - La maison des maths

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belgique projet - La maison des maths
belgique projet
Dans la Maison des maths, on manipule,
on expérimente, on modélise.
«
’ignorance est la nuit de l’esprit,
une nuit sans lune et sans étoiles. »
La citation de Confucius barre un
mur de l’espace Remue-méninges,
destiné aux 8-14 ans. Chaque salle
de la toute jeune Maison des maths
(MdM) de Quaregnon, en Borinage, est
ainsi ornée d’une phrase de grand penseur. L’un de ces locaux est rempli de
jeux de société en bois, taille XXL. Un
autre, destiné aux plus petits, accueille
une exposition animée. Un autre encore
est un atelier d’expérimentations...
Objectif des auteurs du projet, qui est
une première en Belgique : démystifier
les mathématiques, matière jugée par
beaucoup ennuyeuse et rébarbative.
MdM comme Maison des maths, mais
aussi comme « manipuler, découvrir,
modéliser ».
« Il ne s’agit pas de séances d’apprentissage, ni de cours de rattrapage, explique
COMMENT DONNER L
LE GOÛT DES MATHS
Réconcilier les jeunes avec les mathématiques :
c’est l’objectif de la Maison des maths, en Hainaut.
Ce musée ludique, qui a attiré 12 000 personnes
en un an d’existence, serait reconnu « projet pilote ».
PA R OL IVIE R ROGEAU
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LE vIf • nUMÉRO 2 3 • 10.06.2016
STUDIO LEMAIRE/pg
Emmanuel Houdart, ex-professeur de
math devenu la cheville ouvrière de l’initiative. L’idée est de rendre les mathématiques accessibles à tout un chacun
grâce aux jeux et à l’innovation pédagogique. » Donner aux jeunes le goût des
maths, socle des études supérieures en
sciences, en technologie, en engineering... est un défi majeur de l’enseignement en Belgique francophone. parmi
les matières scolaires, les mathématiques remportent la palme de l’allergie
et de la démotivation : 74 % des élèves
ayant échoué à une des trois épreuves
du CEB ont raté les maths. Sur le modèle allemand
Lancé en septembre 2015 par une poignée de passionnés, le projet hennuyer
s’inspire d’un modèle allemand : le Mathematikum de giessen, en Hesse. premier musée des mathématiques au
monde, il a ouvert ses portes fin 2002 et
attire plus de 150 000 visiteurs par an,
fort de ces quelque 150 expériences interactives (miroirs, films, puzzles...). Le
musée de Quaregnon bénéficie du soutien de cette institution, qui lui a fourni
du matériel. Il est aussi en contact avec
le MoMath de new York, musée né en
décembre 2012 pour sensibiliser élèves
et familles à la compréhension des mathématiques, à grand renfort de 3D, lasers et autres supports multimédias.
Comparé à ces références internationales, le projet wallon est plus modeste
en taille (1 200 mètres carrés), en moyens
techniques (pas d’écrans d’ordinateur ;
les seules « tablettes » sont des ardoises
à l’ancienne) et budgétaires (quelque
420000 euros d’investissements, récoltés auprès de sponsors privés, de la fondation Roi Baudouin...). En revanche,
la Maison des maths se distingue en mettant l’accent sur l’accompagnement pédagogique : elle dispose de deux « laboratoires de créativité ». « On y aborde de
manière ludique et originale un chapitre
du programme scolaire, comme celui
sur les probabilités, précise un moniteur.
L’enseignant qui se rend ici avec sa classe
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souhaite qu’il y ait un lien direct entre
la visite et son cours. » Ces « animatheurs » prennent en charge des classes
maternelles, primaires et secondaires
pendant une journée complète, à raison
de 15 élèves maximum par groupe (prix
d’entrée : 18 euros par élève).
De la répulsion au plaisir
« Les jeunes sortis de ces labos ne deviennent pas tous brillants en mathématiques, reconnaît Emmanuel Houdart, directeur des lieux. Mais ils en
auront une image plus positive et auront
acquis des éléments de culture qui leur
donneront peut-être envie d’en savoir
plus. Un jeu, une démonstration les auront enthousiasmés. C’est la répulsion
à l’égard du langage mathématique, ancrée de façon quasi irréversible dès 14
ans, qui détourne des milliers de jeunes
d’orientations vers des carrières scientifiques où l’embauche ne manque pas. »
Une prof de maths venue de Marcinelle
avec sa classe confirme : « D’abord, mes
ados traînent les pieds. Ils me demandent s’ils vont devoir remplir des feuilles
de calculs, si leur participation sera cotée,
et si il y aura un travail à remettre. Mais,
sur place, la plupart sont étonnés par
leurs découvertes, s’amusent, viennent
m’annoncer fièrement qu’ils ont réussi
un test, et cela crée des liens entre nous. »
En une année scolaire, près de 12 000
personnes ont fréquenté les lieux. Un
gros tiers des visiteurs, écoliers et autres,
viennent du Hainaut (39 %), 27 % de
Parmi les matières
scolaires,
les mathématiques
remportent la palme
de l’allergie et
de la démotivation
Bruxelles, 15% du Brabant wallon, 10 %
de la province de namur. Quelques
écoles françaises – de Lille, de Jeumont
(nord) – ont traversé la frontière. Le planning de la MdM est complet jusqu’en
juin. Outre les classes, la Maison des
maths accueille aussi des événements
privés – anniversaires, fêtes d’entreprise... – et propose des dimanches tout
public et gratuits quatre fois par an (le
prochain a lieu le 3 juillet, de 10 à 18
heures). Les deux premiers rendez-vous
dominicaux ont attiré chacun plus de
700 visiteurs. Reste à régler quelques
soucis financiers.
Le nerf de la guerre
Albrecht Beutelspacher, le fondateur du
Mathematikum, a réussi à obtenir pour
son institution près de 2,5 millions d’euros d’aides publiques. De même, le célèbre mathématicien français Cédric villani va recevoir du Conseil de paris une
subvention de 8 millions d’euros (sur un
budget prévu de 14 millions) pour créer,
en 2020, un petit musée des mathématiques dans la capitale française. En fédération Wallonie-Bruxelles, tout est
plus compliqué. A la différence de son
grand voisin le pass, le musée des
sciences situé à frameries, la Maison
des maths a été lancée par une simple
association locale qui, depuis 2003, organise des ateliers de soutien scolaire.
pour son démarrage, la MdM a bénéficié,
parmi d’autres financements, d’une aide
de la fédération Wallonie-Bruxelles
(35 000 euros) et de la Région wallonne
(15000 euros). Toutefois, la fédération
a réclamé récemment au musée le paiement, d’ici à la fin juin, de quelque
240000 euros pour le détachement, pendant un an, de six enseignants. Une facture qui hypothéquerait l’avenir de la
MdM. Ses fondateurs viennent néanmoins d’être reçus par la nouvelle ministre de l’Education, Marie-Martine
Schyns (CDH), et ont pu mettre en évidence l’utilité et le succès du musée. Il
serait question de le reconnaître « projet
pilote ». Les discussions sont en cours. ◆
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