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Chronique d’Elisabeth Deflers
Département Droit de la Famille et du Patrimoine
Mai 2012
Les parents sont libres de choisir le prénom
de leur enfant… Pas toujours !
En février dernier, la Cour de cassation a estimé qu’appeler son
enfant Titeuf, à l’instar du turbulent héros de 10 ans de la BD
homonyme, était contraire à son intérêt, rappelant ainsi que le
choix d’un prénom doit être réfléchi et apprécié en fonction de
l’intérêt supérieur de l’enfant. Explications et rappel des faits …
Elisabeth Deflers, Associée
au cabinet Péchenard et
associés
A propos de Péchenard &
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Christian Péchenard, le cabinet
d’avocats Péchenard &
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Il est important de rappeler que l’article 57 al. 2 du Code civil, issu
de la loi du 8 janvier 1993 a consacré le principe du libre choix du
prénom par les parents. Depuis cette date le législateur n’impose
plus aux parents le choix de prénoms calendaires ou connus de
l’histoire ancienne.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme a d’ailleurs ajouté que
le choix du prénom revêtait pour les parents un caractère intime et
affectif et entrait, par conséquent, dans la sphère de leur vie privée
(CEDH 24 octobre 1996).
Pourtant, un récent arrêt de la Cour de cassation (Cass. 1ère Civ. 902-2012) a rejeté un pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel qui
avait considéré qu’était contraire à l’intérêt de l’enfant le prénom
Titeuf.
Le 1er juin 2010 le juge du fond avait, en effet, ordonné la
suppression du prénom Titeuf de l’acte de naissance d’un enfant,
laissant naturellement subsister les deuxième et troisième prénoms
choisis par les parents qui étaient beaucoup plus classiques.
La Cour s’est essentiellement fondée sur le personnage de Titeuf
qu’elle a présenté comme un garnement, pas très malin, ignorant
et naïf, en tout cas caricatural bien que sympathique et ayant pour
objectif de faire rire le public souvent dans des situations ridicules.
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La Cour a donc estimé que le prénom Titeuf était de nature à attirer des moqueries tant des
enfants que des adultes et de ce fait pouvait constituer un réel handicap pour l’adolescent puis
pour l’homme dans ses relations tant personnelles que professionnelles.
Ainsi, la liberté des parents se heurte à l’intérêt de l’enfant.
Il est vrai que l’imagination est souvent sans borne et l’officier d’état civil, lorsqu’il estime que
le choix du prénom peut être contraire à l’intérêt de l’enfant, saisit le Ministère Public qui peut,
s’il estime l’objection fondée, saisir le juge.
La sévérité à l’égard de Titeuf peut surprendre lorsque l’on constate que n’ont pas été
considérés comme contraire à l’intérêt de l’enfant Tokali (édifice religieux au 4ème siècle en
Cappadoce) Zébulon, Mégane mais aussi plus récemment Skyla, Logan.
Ont été, par contre considérés, comme contraires aux intérêts de l’enfant : Ravi (Cass.
Civ.05/05/1993) Folavril, Assedic, Exocet, Babar, Babord et Tribord pour des jumeaux ainsi que
le prénom Aude dans une famille Vaisselle…
Ainsi, si la loi a consacré la liberté des parents dans le choix des prénoms qui peuvent être le
reflet de leur propre personnalité, le juge rappelle que ce choix doit être réfléchi et apprécié en
fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’originalité, voire l’excentricité des parents est une
chose, elle ne doit pas confiner au ridicule et à la sottise.
Il faut sûrement se féliciter que le juge s’autorise à intervenir pour éviter ce type de dérive.
Il reste que la Cour Européenne sera peut-être d’un avis contraire puisque les parents de
« Titeuf », décidément très déterminés ont indiqué, à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation,
qu’ils saisiraient la Cour Européenne des Droits de l’Homme...
Elisabeth DEFLERS, Avocat à la Cour et Associée au cabinet Péchenard & associés, département
Droit de la Famille et du Patrimoine.
Contact Presse:
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Yaëlle Besnainou – Tél. : 01.44.82.95.47 – Mail. : [email protected]
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