DIU de TOXICOLOGIE 2009-2010
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DIU de TOXICOLOGIE 2009-2010
DIU de TOXICOLOGIE 2009-2010 OPTION : toxicologie industrielle Professeur d’enseignement : M. JAEGER UNIVERSITE DE STRASBOURG MEMOIRE « La créosote, problématique d’utilisation liée à sa toxicité » Rue à STEINBOURG (67) Mme le Docteur AST Odile Médecin du travail Remerciements chaleureux à : - Mme le Docteur R. KIEFFER, médecin du travail de l‟entreprise « Electricité de Strasbourg » et Mmes M. CLEMADES et M. KOEPFINGER, infirmières du Service de Santé au Travail pour l‟aide apportée -M. le Professeur JAEGER et l‟ensemble de l‟équipe pédagogique pour l‟enseignement du DIU de toxicologie prodigué - ma famille pour la disponibilité accordée et le soutien indéfectible tout au long de ma formation SOMMAIRE INTRODUCTION I CONTEXTE DE L‟ETUDE 1) Une grande entreprise alsacienne : Electricité de Strasbourg 2) Observations 3) Problématique II PRODUITS CREOSOTES 1) Généralités 2) Types de produits et leurs usages 3) Toxico-cinétique 4) Toxicité 5) Ecotoxicité III UTILISATION INDUSTRIELLE 1) Historique 2) Réglementation actuelle 3) Utilisation actuelle IV PREVENTION TECHNIQUE 1) Collective : éviction, substitution… 2) Individuelle V PREVENTION MEDICALE 1) Surveillance médicale 2) Mesures atmosphériques 3) Biométrologie CONCLUSION INTRODUCTION I CONTEXTE DE L’ETUDE 1) Une grande entreprise alsacienne : Electricité de Strasbourg Vue des bâtiments du siège social du « Groupe Électricité de Strasbourg » à Strasbourg 1) Présentation de l’entreprise: Électricité de Strasbourg est une société anonyme française de distribution d‟électricité fondée en 1899 (sous l‟ère allemande « Elektrizitätswerk Strassburg ») et basée à Strasbourg. Depuis plus de cent ans, elle contribue aux grands programmes d‟électrification des campagnes et villes en Alsace du Nord pour fournir et distribuer l‟énergie. L‟entreprise alimente plus de 446 000 clients (particuliers, professionnels et collectivités du Bas-Rhin) sur un réseau de 13 000 kms. Elle est aujourd‟hui rattachée au groupe Electricité de France (EDF), actionnaire majoritaire mais jouit d‟une réelle autonomie avec des organes de direction spécifiques et emploie près de 1 100 salariés (1182 en 2008 avec les intérimaires). Carte du réseau de distribution d‟énergie du groupe Electricité de Strasbourg Électricité de Strasbourg a procédé à la séparation juridique de ses activités commerciales et de distribution d‟électricité effective à compter du 1er juin 2009, en filialisant son activité de commercialisation d‟énergies et de services associés. Cette entreprise s‟organise alors en structure de groupe, sous la marque « Groupe Électricité de Strasbourg » : - les métiers d‟appui ou « Électricité de Strasbourg », - les métiers de distribution d‟électricité ou « ÉS Réseaux (ou ESR) », mais aussi les filiales : - commerciale appelée « ÉS ou Energies Strasbourg » (vente et services, promotion des solutions électriques de qualité et conseils en matière de maîtrise d‟énergie), - « ECOTRAL » (domaine de l‟ingénierie électrique et thermique à la maintenance multitechniques…), et - ÉS Géothermie… Groupe Électricité de Strasbourg Métiers d‘appui pour l’ensemble du Groupe : + Strasbourg Calorest BET Huguet ÉS Géothermie Sofidal Prestelec En effet, si la fourniture reste son métier premier, le groupe Électricité de Strasbourg développe toute une panoplie de solutions énergétiques : prestations toutes énergies (de l‟étude jusqu‟à la maintenance des équipements en passant par leur réalisation et leur suivi) de l‟électricité issue des centrales hydraulique et nucléaire alsaciennes, voire de gaz depuis 2005, le traitement et la valorisation des déchets, le développement d‟énergies renouvelables (géothermie…). Le siège social du groupe est situé à Strasbourg (Directeur général : M. GUENIN), mais une grande part des effectifs est basée à Mundolsheim dont, le service de santé au Travail (composé d‟un médecin du travail Mme le Dr Renée KIEFFER et de deux infirmières Mmes M. CLEMADES, M. KOEPFINGER), les autres étant affectés à des agences commerciales sur le territoire alsacien. Les métiers rencontrés sont pour la plupart ceux de l‟électricité : monteurs électriciens, agents d‟intervention, mais aussi les commerciaux (conseiller clientèle, télé-conseillers) avec toutes les fonctions d‟appui (comptabilité, informatique, achats, gestion…). Un certain nombre de salariés (928) bénéficient d‟un statut spécifique lié à l‟histoire de l‟entreprise (assurance maladie, vieillesse et chômage), avec la présence régulière d‟un médecin conseil. 2) Observations En août 2009, deux salariés de l’ES, ayant manipulé des poteaux de bois enduits de créosote, ont présenté une réaction cutanée des avant-bras. En effet, en période de fortes chaleurs, le créosote a tendance à fondre et à rentrer en contact avec les zones de peau exposées. Cette situation ne serait pas nouvelle, car chaque année des cas seraient observés. Le sujet est alors étudié par le groupe « Produits Chimiques Dangereux » de l’ES en 2010, composé de l‟ingénieur sécurité, de responsables de secteurs, du médecin et d‟une infirmière du travail (Mme KIEFFER et Mme CLEMADES) pour évaluer la situation. Dans la région alsacienne, des potelets (métalliques) sont utilisés pour le transport de l‟électricité de toit en toit (réseau de basse tension). Les poteaux en béton ou de bois traités au créosote sont utilisés pour le transport de la haute tension ( à travers la campagne, les forêts où les poteaux sont rarement enterrés…), même s‟il existe encore des supports bois pour des tensions basses. Ces poteaux bois répondent à des normes pour la détermination du type de bois, de traitement (traitement avec procédé ESTRADE CREOSTE RENFORCEE , soit de créosote fluide …). A noter que les clients demandent de plus en plus fréquemment le remplacement des poteaux électriques créosotés de leur environnement en raison de l‟odeur dégagée, et en cas de chaleur importante, des coulures du produit le long des poteaux. A ERDF, 85% des poteaux créosotés auraient déjà été remplacés par des poteaux bois verts, c'est-à-dire traités par des sels métalliques appliqués en autoclave. Le remplacement aurait commencé en 1992 avec des sels CCA ou « arséniate de cuivre chromé », puis depuis 1995 sans arsenic (toxique également pour l‟homme et l‟environnement en raison d‟une rémanence écologique préoccupante) avec parfois encore des traitements mixtes associant une faible teneur en créosote et des sels métalliques. Depuis 2005, ERDF et France Télécom utiliseraient des produits non créosotés et non traités au CCA (uniquement sels métalliques). A l‟ES, il semblerait que des poteaux bois verts aient été testés par les salariés, mais n‟auraient pas été retenus car non satisfaisants face à l‟usure et le pourrissement. Par ailleurs, il a été vite mis en évidence que les poteaux dits de bois verts n‟auraient pas grand-chose de « vert » (écologique) et que l‟écotoxicité de ces traitements ne seraient pas encore bien connus des chercheurs, alors que celle du créosote l‟est maintenant plus. D‟où un remplacement qui se ferait très progressivement en attendant de nouvelles données sur ces produits conservateurs du bois. Il est important de remarquer que l‟ES ne « créosote » pas elle-même ses poteaux (à la différence de la SNCF qui possède un atelier assurant le process industriel d‟imprégnation sous vide (en système clos). Ses salariés ne sont donc pas exposés directement au créosote, sauf en cas de transformation du produit fini : coupe, scie… 3) Problématique Devant ces pathologies d‟origine professionnelles (maladies professionnelles potentielles indemnisables MP ° 16 et 16 bis), il est important de bien identifier le risque pour la santé des travailleurs et de la population en générale. La prévention collective ou individuelle doit également être réfléchie et mise en œuvre soit en substituant, soit en protégeant les personnes exposées. Cependant, ce traitement a des propriétés intéressantes sur le plan industriel, vu son efficacité imperméabilisante et xyloprotectrice en tant que fongicide (pourriture cubique, fibreuse et molle) et insecticide (capricorne, lyctus, vrillette, termite du bois…), ce qui freine la substitution de ce CMR, d‟autant plus que les produits de substitution eux-mêmes peuvent être toxiques (comme c‟est le cas pour l‟arsenic, anhydride chromique (Cancérogènes de catégorie 1)) avec une moins bonne connaissance de leurs effets. II CREOSOTE ou PRODUITS CREOSOTES 1) Généralités Le créosote (nom issu du grec kréas, chair et sôzein, conserver) correspond à une huile extraite soit de goudrons de bois ou de charbon, soit d‟une plante-arbuste (le créosotier ou larrea tridentata). Découverte par Karl Von Reichenbach, le créosote le plus répandu est produit par distillation fractionnée de goudrons de houille (« coal tar »). C‟est un mélange complexe d‟hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAP) et de composés phénoliques. Il est principalement utilisé comme agent de protection du bois.. Son application industrielle à grande échelle montre sa grande efficacité dans son action fongicide, insecticide, dans sa résistance au lessivage (eaux de pluie) ou de dégradation aux intempéries (pourrissement lors du contact avec les sols…). La composition des mélanges de créosote varie ainsi selon le type de bois, le charbon et le processus de production. De nombreux produits sont ainsi dits créosotés : a) Le créosote Ses caractéristiques physiques sont: Liquide huileux Température de fusion : environ 20°C Température d‟ébullition 200à 400°C Solubilité : 10 à 100 mg/l Masse volumique : 1-1,17 g/cm 3 Température d‟auto-inflammation :335°C Point éclair : 75°C Pression de vapeur saturante à 20°C : environ 6 kPa Inflammabilité : peut s‟enflammer s‟il est chauffé modérément ou s‟il est près d‟une source d‟ignition (extinction par dioxyde de carbone, agents chimiques secs, eau pulvérisée et mousse). Instabilité : lorsqu‟il est chauffé jusqu‟à la décomposition, il émet des fumées toxiques. Sa classification est : N° CAS : 8001-58-9 N° EINECS : 232-287-5 Directive européenne 67/548/EEC : Directive SGH, système général harmonisé (international) : NFPA 704, référentiel créé par l'organisation américaine National Fire Protection Association Toxique Danger H 350 2 :sante Phrases R 45, Classification CMR 2 :inflammabilité R51/53 (cancérogène, mutagène et 0 :réactivité Phrases S 45 et reprotoxique) du CIRC : chimique 53 Groupe 2A probablement cancérogène pour l’homme SIMDUT, Système canadien d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail B3 D2A Liquide combustible Matière très toxique, ayant d‟autres effets toxiques Pas de mesures VLE, VME disponibles. Pas de données pour des mesures de prévention collective ou individuelle en dehors du risque de contamination cutanée (gant nitrile, fluoro-élastomère, néoprène, PVC vinyle). b) L‟huile de créosote (CAS 61789-28-4, EINECS 263-047-8) c) Distillats de goudron, de houille, huiles de naphtalène (CAS 84650-04-4, EINECS 283-484-8) d) L‟huile de créosote, fraction acénaphtalène (CAS 90640-84-9, EINECS 292-605-3) e) Distillats supérieurs de goudron de houille (CAS 65996-91-0 EINECS 266-026-1) f) Huile anthracénique (CAS 90640-80-5 EINECS 292-602-7) g) Phénols de goudron, charbon, pétrole brut (CAS 65996-85-2 EINECS 266-019-3). Exemple d‟huile de créosote contenant du biphényle (CAS 92-52-4, EINECS 202-163-5) utilisé comme biocide, produit de préservation du bois et classé toxique (R45 peut provoquer le cancer) et dangereux pour l‟environnement (R51/53) pour les organismes aquatiques avec une valeur limite de 1,3 mg/m3 , 0,2 ppm. h) Créosote de bois (CAS 8021-39-4 EINECS 232-419-1) i) Tous résidus d‟extraction alcalins (charbon), goudron de houille à basse température. 2) Types de produits et leurs usages a) Le créosote de bois Liquide jaune, visqueux très odorant (odeur âcre de fumée), le créosote de bois est produit par la combustion à température élevée de diverses essences telle le hêtre, le chêne ou de la résine de l‟arbuste de créosote. Sa composition chimique est très différente du créosote de charbon et comporte du gaïacol, 4-éthylguaiacol, créosol, crésols, xylénols, o-crésol et autres phénols de type végétal. Son utilisation a été longtemps thérapeutique : laxatif, désinfectant (exemple : traitement de dysenterie amibienne au début du siècle, traitement des sabots de vache…), sédatif pour la toux (tuberculeuse également), antalgique pour les maux de dents... Par exemple, une recette japonaise à visée anti-diarrhéique contient comme composant principal 133 mg créosote de bois (hêtre, érable ou de chêne)/ dose pour un adulte. On peut également retrouver un remède homéopathique KREOSOTUM pour les aphtoses bipolaires (atteinte de la muqueuse buccale et génitale). Il a également été utilisé pour la conservation de la viande. Le créosote était également utilisé pour protéger le bois de sa dégradation par le soleil et la pluie. Par extension, les matériaux goudronneux accumulés par combustion incomplète dans les cheminées de chauffage au bois sont aussi nommés « créosote ». Elle se présente alors sous forme de matière dure, pâteuse ou collante et brillante, fortement odorante. La créosote ainsi formée est extrêmement combustible et peut s‟enflammer lorsqu‟il y a accumulation (feux de cheminées). A volume identique, son potentiel énergétique est même plus élevé que le bois lui-même. On peut donc recueillir dans les dépôts des fumées de cheminées ou contre une paroi froide de certains appareils de chauffage, de la créosote sous forme de gouttelettes de goudron de bois qui se condensent (bistrage). b) Le créosote de goudron de houille Liquide noir ou ambré, malodorant, huileux et épais, ce créosote, raffiné par distillation à partir du goudron brut de houille, est produit dans un four à « coke ». Il est complexe, essentiellement composé d‟hydrocarbures aromatiques polycycliques ou HAP pouvant atteindre 85% de la concentration totale, mais également de phénols et crésols. Plus de trois cents hydrocarbures HAP ont pu être identifiés dont les plus importants sont : l‟acénaphtène, l‟acénaphtalène, naphtalène, phénanthrène, anthracène, fluorène, fluoranthène, chrysène, triphénylène, benzo-a-anthracène, benzo-b-fluoranthène, benzo-kfluoranthène, benzo-a-pyrène. Ses propriétés de conservation du bois sont mondialement reconnues et la créosote a été utilisée pour le traitement des poteaux électriques, téléphoniques (enterrés dans le sol ou moyés dans du béton) et les traverses de chemin de fer ou des bois de marine... Son action répulsive pour les oiseaux, pesticide, insecticide et fongicide explique cette large et répandue utilisation. Dans certaines applications pour étanchéifier, on utilisait même un mélange de distillât de goudron de charbon et de goudron. Ouvriers à l'usine de fabrication et de créosotage de traverses de Montérolier-Buchy (France) en 1932 (http://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9osote). On le retrouve également dans quelques utilisations thérapeutiques telles que le traitement du psoriasis, de la pelliculose du cuir chevelu... c) La créosote issue du Larrea tridentata L‟arbuste, Larrea Tridentata, est connu comme un bois graisseux du sud-ouest américain ou du Mexique dont le principal métabolite l‟acide nordihydroguaiarétique ou NDGA a montré récemment des effets prometteurs dans le traitement des maladies cardiovasculaires, désordres neurologiques et cancers dans des études in vitro et in vivo, à type anti-oxydant, bien que la cinétique pharmacologique et toxicologique restent discutées. 3) Toxicocinétique Le créosote étant un mélange de plus de 150 substances, sa toxicité se rapporte à celle de ses différents constituants : HAP ou hydrocarbures polycycliques aromatiques ou composés phénoliques, pyridiniques ou crésol…Seules les toxico-cinétiques des HAP et crésols seront traités ici. a) HAP Issue de la distillation fractionnée des goudrons de houille, elle est en effet constituée d‟environ 75% d‟HPA (où dominent le phénanthrène, pyrène, naphtalène), qui se forment par pyro-synthèse entre 500 et 700°C lors de la combustion de toute matière organique hydrogénée (fumées d‟incendies, volcaniques, chauffage…). La pénétration de ces HAP dans l‟organisme, se fait essentiellement par la voie percutanée (in vitro, l‟absorption se porte sur 3% de la dose déposée sur la peau), faiblement digestive (eau, aliments…) mais également respiratoire. En milieu professionnel, la voie respiratoire (par l‟intermédiaire des poussières de bois imprégnés de créosote, voire sous forme de vapeurs) est importante, même si la voie cutanée n‟est pas à négliger. L‟importance de l‟absorption alors dépend de la granulométrie, de la solubilité et de l‟adsorption des HAP sur les particules aéroportées. La distribution tissulaire concerne tous les tissus ou organes ; les plus fortes concentrations sont retrouvées dans le foie et le rein, ainsi que dans la graisse. Les HAP sont bio-transformés au niveau du foie de façon importante en différents hydroxy-HAP avant d‟être glucuro- ou sulfoconjugués et éliminés principalement par les fèces ; une faible partie est éliminée dans les urines (15 % à 20 %) sous formes de métabolites : métabolite du naphtalène pour les HAP légers, du pyrène pour les HAP de 4 cycles (intermédiaires), et potentiellement de benzo(a)pyrène pour les HAP lourds. Certains des composés de la créosote (crésol, phénol, HAP) pourraient être stockés dans le lait maternel. Des études chez l‟animal ont montré des effets tératogènes pour des taux élevés de créosote avec passage placentaire, mais ces effets restent encore inconnus chez l‟homme. b) Crésols Les crésols sont des sous-produits de la distillation fractionnée du pétrole brut et des constituants du créosote, présents dans les fumées d‟incendies, volcaniques, de tabac (environ 75 ųg par cigarette) et les gaz d‟échappement automobile…Obtenu industriellement à partir du phénol, l‟acide crésylique est un mélange d‟isomères avec de petites quantités de phénol et de xylénols. Les crésols sont de puissants biocides et font partie de la composition de produits de traitements des bois extérieurs. La toxicocinétique est voisine de celle du phénol : absorption percutanée rapide et importante, sulfo- et glucuro-conjugaison avant élimination urinaire avec oxydation microsomiale d‟une faible fraction en dihydroxytoluènes. La toxicité aiguë est élevée : caustique (brûlure chimique) pour la peau et les yeux, fortement irritant pour les voies respiratoires, ingestion de 2 g pouvant provoquer une intoxication potentiellement mortelle, voisine de celle induite par le phénol. De plus, ils n‟apparaissent pas comme génotoxiques. 4) Toxicité a) Toxicité aiguë du créosote (toxicité du mélange) -cutanée : un bref contact avec de grandes quantités de créosote de goudron de houille peut entraîner une éruption cutanée d‟irritation plus ou moins sévère (rash cutané), voire de brûlures chimiques (photo-toxicité). Remarquons qu‟en général, les HAP sont peu irritants pour la peau, les yeux ou la voie respiratoire. En fait, la toxicité aiguë des HAP est faible (la DL50 par voie orale du B(a)P chez la souris est supérieure à 1600mg/kg). -oculaire : allant de la sensibilité accrue à la lumière à la brûlure chimique de la cornée -respiratoire : irritation en cas d‟exposition longue à la vapeur de créosote -digestive : en cas d‟ingestion d‟aliment ou de boisson avec une teneur élevée de créosote, brûlure de la bouche pouvant évoquer le scorbut (gencive oedématiée, ulcérée, douloureuse, hémorragique, mal odorante…), de la gorge, de l‟estomac. - du foie et du rein avec troubles fonctionnels -neurologique : convulsions et confusion mentale, voire coma avec décès sont possibles Remarque : Chez les enfants, on pense que la toxicité serait identique, même si leurs muqueuses sont plus sensibles aux passages transcutanés de ce produit. Citons une étude réalisée par le laboratoire de recherche en toxicologie de la faculté de médecine de Tunis (LADHARI N. et coll.) concernant les effets aigus sur la santé d’une exposition collective (57 dockers) à la créosote de goudron de houille qui s‟est produite au mois de mai 2005 dans une société d‟acconage (déchargement) et de manutention d‟un port de marchandises en Tunisie. L‟ensemble des dockers a été exposé lors du déchargement d‟un navire contenant plus de 1000 tonnes de traverses de bois créosotées traités récemment destinées à la construction de voies ferrées, alors que la température extérieure atteignait en moyenne 32°. Dans un délai maximal de 24h après le début de l‟exposition, la totalité des victimes a présenté des lésions cutanées, ORL pour 96,5% d‟entre eux, oculaires pour 86%, respiratoire 49,1%, digestif pour 38,6% et neurologique 12,3%. Les atteintes cutanées et oculaires étaient d‟emblée maximales et limitées aux zones photosensibles (atteinte phototoxique de type « coup de soleil »). L‟évolution est favorable au bout de quatre jours en moyenne. L‟étude des postes a permis de comprendre l‟origine de cette intoxication collective. b) Effets de l„intoxication chronique De petites quantités de mélange de créosote ou de leurs vapeurs peuvent entraîner des troubles fonctionnels (céphalées, nausées, anorexie) et le contact avec la peau des lésions cutanées de sensibilisation croissante à la lumière (photo-toxicité), de dermites eczématiformes récidivantes, de contact ou aéroportées, des dommages de la cornée, et pour les vapeurs une irritation des voies respiratoires. Citons un cas de la littérature d’intoxication chronique par inhalation au créosote de goudron de charbon avec défaillance rénale et toxicité neurologique rapporté par HIEMSTRA T. F., BELLAMY C. OC, HUGHES J.H. dans le Journal of Medical Case Reports 2007, 1 :102. Une femme de 56 ans, aromathérapeute, a inhalé tous les jours pendant au moins six ans des vapeurs aromatiques de créosote de goudron de houille contenu dans un récipient dans sa cuisine, ou dans un petit sac qu‟elle portait sur elle, et a présenté une insuffisance rénale (créatinine 704 ųmol/l et urée 26,1 mmol/l), en rapport avec une néphrite tubulo-interstitielle identifiée à la biopsie, des troubles des fonctions supérieures avec ataxie dû à une atrophie cérébrale évoluant vers la démence. L‟intoxication chronique s‟était poursuivie de manière involontaire, par l‟inhalation de créosote de vêtement imprégné subrepticement par un voisin. c) Effet cancérigène Les HAP (ou hydrocarbures aromatiques polycycliques), présents dans le créosote, ont été parmi les premiers produits à être reconnus comme géno-toxiques professionnels grâce aux recherches épidémiologiques au XVIIIème siècle (en 1775), de Sir Perceval POTT qui a mis en évidence un lien entre le cancer du scrotum et l‟exposition professionnelle des ramoneurs londoniens aux goudrons et suies (même si les composés chimiques et l‟histologie du cancer n‟étaient pas connus précisément). Les créosotes, mélange complexe d‟hydrocarbures (naphtalène…), de biphényle ont lors des expositions prolongées des effets cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques connus, notamment certains hydrocarbures à 4, 5 et 6 cycles présents à des concentrations variables selon les sources d‟émission. De nombreuses études l‟ont démontré sur l’animal: cinq huiles de créosote ont provoqué des tumeurs (carcinomes) de la peau de souris, voire du poumon d‟une souris après application cutanée... Ainsi, pour l‟IARC (The International Agency for Research on Cancer), « il existe (en 1998) des preuves suffisantes de la cancérogénicité chez l‟animal en laboratoire » pour les goudrons de houille, le créosote, les huiles de créosotes, les huiles d‟anthracène et de brais de houille». D‟autres études ont montré le caractère tératogène chez la souris du B(a)P (phocomélie, exencéphalie…), sans que cela ait pu être démontré chez la femme. Chez l’homme, l‟IARC considère la créosote comme « cancérogène du groupe 2A ». Il existe des preuves suffisantes que l‟exposition professionnelle à des goudrons de houille lors de la distillation est une cause possible de cancer cutané, dont par exemple, le cancer du scrotum chez les personnes exposés à la créosote, comme les ramoneurs (epithéliomes malins). De même, l‟union européenne (UE) a classé le créosote cancérogène de catégorie 2 (cancérogène probable pour l‟homme), notamment par contact cutané (cancer de la peau) lors d‟ une exposition prolongée à des taux faibles de créosote, et par inhalation des vapeurs de créosote (cancer du poumon). Ce potentiel cancérigène reposerait sur la présence de benzo-apyrène et apparaîtrait même à des concentrations inférieures à 50 ppm (problème des mélanges). Et pourtant, il semblerait actuellement selon la plupart des instances internationales que l‟anthracène, le pyrène et le phénanthrène ne soient pas cancérogènes pour l‟homme. Le naphtalène, important constituant du créosote est classé quant à lui en cancérogène de catégorie 3 selon une directive européenne (67/548/CE). Les données restent cependant rares chez l‟homme. Ainsi, avec une exposition intense, prolongée (>10 ans), peut on observer des cas de cancers cutanés à type de spinocellulaires du nez, des lèvres précédées de lésions précancéreuses (papillomes hyperkératosiques ou verruqueux, kérato-acanthomes), des cancers broncho-pulmonaires ou urothéliales. Un cas observé en 2004 a été rapporté dans un article de « Environnemental Medecine » par CARLSTEN C. et coll. suite à la découverte d‟un carcinome in situ chez un travailleur du chemin de fer de 50 ans exposé pendant 30 ans au bois traité à la créosote. Son travail consistait à changer et réparer les traverses des rails, des ponts. La localisation sur le genou droit, protégée du soleil par des vêtements de travail qu‟il décrit comme souvent brûlés ou transpercés (au niveau des mains, poignets, genoux…) peut incriminer une origine toxique par contact avec les HAP. KARLEHAGEN et coll. aurait en 1992, comme le décrit CARLSTEN et coll., trouvé un rapport d‟incidence de 2,37 de cancers de la peau chez les travailleurs exposés et non exposés à la créosote, bien que l‟exposition au soleil puisse être également en cause. 5) Ecotoxicité L‟utilisation, la combustion ou la dégradation peut être à l‟origine d‟une réelle pollution de l‟environnement : aquatique ou terrestre (sols, matériaux…). Voici deux exemples : La réutilisation de bois créosoté (ici pour la réfection de berges dans un marais de France) est source de risques de pollution de l'eau par les HAP de la créosote qui risque ici de contaminer par exemple les anguilles (http://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9osote). Compostière fabriquée à partir de bois créosotés. Une partie du compost et des microorganismes y vivant risque d‟être contaminée par des HAP relargués par la créosote (http://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9osote). La créosote de houille peut également pénétrer dans les sols, voire jusqu‟à la nappe phréatique, et pour certains de ses composés se dissoudre dans l‟eau où leur disparition demandera de nombreuses années. Elle peut également être absorbée dans les plantes, et par les animaux. III UTILISATION INDUSTRIELLE 1) Historique Depuis plus de cinquante ans, la créosote a été utilisée pour la protection du bois : traverses des rails de chemin de fer (8,5 millions pour 15 000 km de chemin de fer suédois par exemple), clôtures et poteaux, ponts, architectures de bois, pylônes pour les transmissions de télécommunication ou d‟électricité. Actuellement, le remplacement annuel est estimé pour la Suède à 180 000 traverses pour un poids total de 3-7kg de créosote/ an, avec des concentrations supérieures aux seuils limites des déchets considérés comme dangereux par l‟UE, selon une étude de THIERFELDER et SANDSTROM. Au début des années 2000, le créosote représentait environ 10% en volume de production mondiale de fongicides. 2) Réglementation actuelle Compte-tenu de la toxicité de la créosote dont le pouvoir cancérigène a été finalement reconnu, son emploi a été fortement limité par l‟UE (Union Européenne) dans la directive 2001/90/CE du 26/10/01 transposée en France par l‟arrêté du 2/06/03 et a interdit la vente de bois traités à la créosote en 2002 auprès des consommateurs et son emploi à l‟intérieur des locaux et pour certains usages externes (dans des lieux récréatifs accueillant du public ou encore dans la fabrication de meubles de jardin par exemple). La vente est limitée à certains utilisateurs professionnels sur dérogations, par exemple pour des traitements curatifs in situ à condition que la teneur en benzo-a-pyrène soit inférieure à 0,005% en poids et que la teneur en phénols extractible par l‟eau soit inférieure à 3% en poids. L‟emballage utilisé doit être identifié (« réservé aux installations industrielles soumises à autorisation au titre du code de l‟environnement ou aux utilisateurs professionnels », « portez des gants lorsque vous manipulez ce produit, portez un masque anti-poussières et des lunettes de protection lorsque vous sciez ou usinez ce produit ») et doit être inférieur à 20 litres. En France, il n‟existerait qu‟un seul fournisseur de créosote IMPRELORRAINE qui traiterait comme suit la fabrication de ces bois : vérification qualité du bois, écorsage, sèchage naturel, planage avec recherches parasites ou objets non désirés (clou…), perçage pour améliorer l‟imprégnation de la créosote au niveau de la base des poteaux sur 80 cm, séchage forcé pendant 48h min et traitement en autoclave à la créosote puis enfin séchage naturel avant poinçonnage ES. 3) Utilisation actuelle Selon Chantal JOUANNO, secrétaire d‟Etat chargée de l‟écologie, « en France, les trois principaux utilisateurs de bois traités à la créosote et aux sels de cuivre-chrome-arsenic (CCA) sont RFF (Réseau Ferré de France), France Télécom et ERDF (Electricité Réseau Diffusion France)». Ces bois sont utilisés pour les réseaux d‟infrastructure et nécessitent le retrait annuel d‟environ 80 000 tonnes de bois. Suite à l‟engagement du Grenelle de l‟environnement d‟amélioration de la gestion des déchets, un groupe de travail étendu aux représentants des administrations concernées (DGT (Direction générale du Travail), DGS (Direction générale des Services)…), ceux des entreprises utilisatrices, d‟experts techniques et l‟association Robin des Bois a permis d‟établir un consensus : interdiction de réutilisation de ces bois traités par ou à destination des particuliers, une traçabilité sans limite de durée dans le temps et leur élimination par le producteur des déchets lui-même. En effet, depuis un arrêté du 2 juin 2003, la vente et l‟usage des traverses de chemin de fer français sont interdits aux particuliers, par exemple le charbon de bois à usage domestique qui contenait, sans que l‟étiquette ne le mentionne du bois de traverses créosotées fournies par la SNCF. Le risque cancérigène est maintenant connu dans le grand public, puisque l‟on trouve sur des forums d‟internet, des conseils pour se protéger de bois traité au créosote reconnaissable par son odeur, utilisé dans des aménagements intérieurs et extérieurs par des architectes par exemple. IV PREVENTION TECHNIQUE 1) Collective : éviction, substitution… L‟utilisation des produits de traitement du bois est soumise aux règles générales de prévention du risque chimique prévues par le code du travail et par la loi du décret de 2001 qui règlemente les produits CMR ou cancérogène, mutagène et reprotoxique. Le choix des produits de traitement le moins dangereux possible, compte –tenu des contraintes techniques est donc la première mesure à mettre en œuvre pour la protection des travailleurs. L‟utilisation de la créosote est réglementée de manière particulière comme nous l‟avons vu, uniquement pour certaines entreprises, comme l‟Electricité de Strasbourg. L‟élimination est, elle-aussi régie par des procédures. En ce qui concerne les poteaux créosotés, ils sont considérés par l‟entreprise ES comme des articles en soit, dont il n‟est pas nécessaires d‟usiner ou de couper, scier (puisque le cahier de commande détermine l‟ensemble des critères exigés par la norme et la technique utilisée), qui n‟exposent alors pas leurs salariés, sauf dans la situation particulière des fortes chaleurs. 2) Individuelle Les EPI ou équipements de protection collective sont indispensables. Il est conseillé aux personnes exposées de porter des gants, des tenues propres, bien couvrantes, à usage unique (imbibées, elles favorisent la pénétration et le contact cutané), des lunettes et d‟éviter si possible le contact du produit en mangeant ou de buvant en présence de créosote. Un masque de classe 2 (absorption gaz et poussières) est également nécessaire pour les expositions atmosphériques. 3) Formation et information du personnel aux moyens de les prévenir ont une grande importance Elles doivent concernées l‟ensemble des personnes exposées (embauchées, intérimaires) et être régulièrement renouvelées. Elles doivent portées sur les produits euxmêmes et leurs risques, sur les moyens de protection, sur la chaîne des déchets, l‟étiquetage… V PREVENTION MEDICALE 1) Surveillance médicale La surveillance repose sur les examens cliniques et para-cliniques des organes cibles notamment, mais ils sont non spécifiques : radiographie pulmonaire, sédiment et cytologie urinaire, enzymes hépatiques. 2) Mesures atmosphériques De nombreuses études ont cherché à évaluer l‟exposition des travailleurs pour les bois traités à la créosote. Mais il n‟existe pas de mesure environnementale totalement fiable, malgré une analyse basée sur des prélèvements particulaires et gazeux (à charbon actif) et la chromatographie HPLC. En ce qui concerne les HAP, le benzo(a)pyrène, dérivé le plus toxique et le plus répandu sert de traceur de l‟exposition atmosphérique globale, sa VME est de 0,15 ųg/m3.L‟une d‟entre elles (BORAK J. et coll.), a cherché un lien entre les concentrations atmosphériques, les résultats bio-métrologiques (1-OHP) et les expositions atmosphériques des travailleurs à la créosote. Les résultats ne montrent pas ou peu de corrélation entre les résultats atmosphériques, et biologiques urinaires de 1-OHP (r2=0,005 to 0,35) qui est en rapport avec l‟exposition percutanée (plus de 90 %). Les analyses atmosphériques traditionnelles sont donc inappropriées pour l‟évaluation de cette exposition. Des analyses atmosphériques individuelles de poussières de bois créosotés et de 16 HAP ont été réalisées en 2002 pour une étude de la SNCF (Société Nationale des Chemins de Fer) auprès de 4 opérateurs affectés à différentes tâches les exposant à ces poussières. Des analyses urinaires de 1-OHP ( hydroxypyrène, métabolique du pyrène) et de l‟hydroxybenzo(a)pyrène (métabolite du benzo(a)pyrène) sont pratiquées. Sur un agent seulement, on rajoute le mesurage de deux métabolites du naphtalène (1 et 2-naphtol). Les mesures ont montré des concentrations atmosphériques élevées de HAP de faible poids moléculaire, corrélées aux concentrations de poussières de bois, alors que les concentrations des HAP lourds potentiellement cancérogènes étaient basses et négligeables. L‟analyse urinaire n‟objective pas l‟indicateur des HAP lourds (hydroxybenzo(a)pyrène), mais ceux des HAP de faible poids moléculaire (hydroxypyrène et des naphtols), « qui ne sont pas cancérogènes mais peuvent être responsables d‟effets irritants sur le plan ORL, respiratoire et cutané ». 3) Bio-métrologie Il n‟existe pas de test bio-métrologique pour déterminer une exposition à la créosote. Certains composés des mélanges de créosote peuvent cependant être mesurés dans les tissus humains, l‟urine ou le sang. Ces tests ne permettent pas non plus de déterminer à partir de quand les effets toxiques apparaîtraient. Ces tests ne sont pas pratiqués de manière routinière, parce qu‟ils nécessitent un équipement particulier. Ainsi, plusieurs indicateurs de l‟exposition aux HAP existent. Des paramètres urinaires permettent d‟estimer le niveau d‟exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques, dont les métabolites du naphtalène, émis dans l‟air ambiant par l‟utilisation de créosote, le α-ou 1- et le β-ou 2-naphtol, le 1-hydroxypyrène (1-OHP) métabolite du pyrène, utilisé comme indicateur de l‟exposition globale aux HAP et les phénanthrols urinaires. Le dosage des naphtols urinaires (1-et 2-) est utile pour apprécier l‟exposition au naphtalène (HAP léger bicyclique), très bien absorbé par voie cutanée. Réalisés en début de poste et fin de semaine, les concentrations permettent de prendre en compte l‟exposition par voie cutanée et semblent aussi bien corrélés avec les concentrations atmosphériques de naphtalène, même s‟il existe des variations individuelles : la consommation de tabac entraîne des taux supérieurs à ceux des travailleurs non fumeurs exposés à un taux faible de naphtalène (inférieurs à 20 mg/m3. Les valeurs de référence dans la population générale du 1 naphtol urinaire sont inférieures à 10 ųg/l pour les non fumeurs (95ème percentile) et 40 ųg/l chez les fumeurs (95ème percentile), et pour les 1+2-naphtols urinaires à 46 ųg/l (fumeurs et non fumeurs, 95ème percentile), sans valeurs guide pour la France, l‟Europe ou les USA. Leur demi-vie d‟élimination est de l‟ordre de 4 h. Le prélèvement doit être réalisé soit dans la journée en fin de poste, soit à la fin de la semaine avec une analyse par chromatographie liquide à haute performance et détection par fluorescence (actuellement le coût est de 35 euros). Le dosage du 1-OHPy (ou 1-pyrénol) semble en fait ne refléter que l‟absorption du pyrène (HAP tétracyclique) et pour une moindre part celles d‟autres HAP légers, et n‟est donc pas représentatif de l‟exposition aux hydrocarbures pentacycliques. Cet indicatif est en fait plus un reflet d‟une tendance que d‟un taux réel d‟exposition. Ce métabolite hydrosoluble éliminé à 90% par voie urinaire a une demi-vie moyenne de 18h. Son excrétion urinaire serait en fait bi-phasique avec des demi-vies d‟élimination de 2-4,6 h et de 18,3-27,8 h. Lorsque l‟excrétion urinaire n‟est pas complète entre deux journées d‟exposition, il peut y avoir accumulation au cours de la semaine de travail si les expositions sont au moins aussi importantes. Ainsi, les dosages de 1-OHPy se fait sur les urines (20 ml sur flacon en propylène)de début de poste en début de semaine de travail et sur celles de fin de poste, fin de semaine de travail pour mesurer l‟exposition de la semaine (surtout des 2 derniers jours). Les valeurs de référence de la population générale pour le 1-OHPy urinaire sont très variables en raison de facteurs tels que l‟alimentation (viandes grillées), le tabac, les médicaments, l‟habitude de vie, voire la méthode analytique utilisée HPLC. La VME du B(a)P est fixée à 0,15ųg/m3. Une valeur seuil professionnelle est édictée par l‟ACGIH à 1 ųg/l ou 0,5mg/m3 d‟air pour 8h/j, 40h/semaine. Une IBE à 2,7 ųg/g de créatinine a également été proposée, chez les fumeurs pour une concentration urinaire normale ≤ 0,2 ųg/g de créatinine (1mg = 4,6 ųmol/l) et de 0,8 chez les non fumeurs. Ce marqueur permet un suivi professionnel et environnemental et une évaluation de l‟efficacité des mesures préventives. Cependant, il n‟existe pas de consensus par rapport à l‟IBE, malgré la relation nette. Voici un graphique issu du cours de DIU de toxicologie de 2010 à Strasbourg, démontrant le rapport entre les teneurs de 1-OHP et de HAP atmosphérique (pyrène). . Une faible fraction de benzo(a)pyrène est éliminée sous forme de 3hydroxybenzo(a)pyrène (3-OHBaP) à son maximum en moyenne vers 16h après la fin de l‟exposition (décalage par rapport au 1-OHPy), quelque soit la voie d‟exposition, et à son niveau de base 48h après le maximum d‟excrétion. Le dosage par fluorescence laser du 3-OHPy, métabolite du B(a)P, validé par l‟INRS, serait à privilégier pour la recherche des hydrocarbures aromatiques pentacycliques cancérogènes dans les urines de début de poste en début de semaine, puis en début de poste du deuxième jour (décalage moyen de 16 h entre la fin de poste et le maximum d‟excrétion du 3-OHBaP). L‟INRS propose une valeur seuil de 0,35 nmol/mol de créatinine (0, 83 ng/g de créatinine) correspondant à une exposition journalière en BaP atmosphérique de 150 ng/m3 qui tient compte d‟une accumulation éventuelle au cours d‟une semaine : trois prélèvements sont nécessaires : début de poste pour évaluer la concentration résiduelle et le bruit de fond, début de poste du 2ème jour pour évaluer l‟exposition de la journée précédente et en début de poste du 5ème jour pour évaluer l‟exposition de la semaine. Comme les rapports 1-OHPy/3-OHBaP sont très variables non seulement selon les secteurs d‟activités mais aussi pour un même secteur, il est déconseillé d‟utiliser le 1-OHPy urinaire comme traceur indirect de l‟exposition au BaP, mais le suivi de ces rapports est particulièrement intéressant pour étudier les voies de pénétration. Le dosage des hydroxyphénanthrènes (ou phénanthrols) urinaires peut être réalisé chez les travailleurs exposés au phénanthrène (HAP tricyclique) avec une bonne corrélation, ainsi que l‟exposition aux HAP totaux, mais pas du BaP, avec des variations individuelles (consommation de tabac). Les concentration urinaires des phénanthrènes (somme des 1,2,9,3 et 4 OH phénanthrènes), varient de 8 à 13 ųg/g de créatinine pour des expositions professionnelles moyennes de l‟ordre de 3,5 ųg/m3, est d‟environ 40 ųg/g pour des expositions autour de 40 ųg/m3. Le dosage des adduits HAP totaux aux macromolécules reflètent une exposition ancienne et non des variations récentes. Ce dosage est très sensible mais non spécifique d‟un HAP en particulier, avec des variations individuelles selon la consommation de tabac, de l‟alimentation, des différences d‟inductibilité enzymatique due au polymorphisme génétique. Le dosage des HAP eux-mêmes est possible mais les variations individuelles semblent très importantes. Les thioéthers urinaires sont peu sensibles, très variables (en cas de consommation de tabac…) Une étude de surveillance biologique de l‟exposition d‟une population située à proximité d’une usine de traitement de bois, au Québec, durant l‟été 1999 visait à comparer les niveaux d‟exposition dans trois groupes de population, déterminés en fonction de leur localisation par rapport à l‟usine (proximité, force des vents). L‟analyse a porté sur les quatre paramètres biologiques urinaires suivants : les trois cités précédemment plus celui du PCP (pentachlorophénol). Les facteurs personnels, ainsi que l‟exposition à d‟autres sources de HAP (tabagisme, feux de bois, alimentation, etc) ont également été pris en compte lors de l‟analyse. Résultat : les concentrations urinaires des métaboliques du naphtalène étaient significativement supérieures dans la population située à proximité de l‟usine et sous les vents dominants, mais non significatifs pour le 1-OHP ou PCP. En raison de l‟élévation des pics de concentrations simultanée avec la nature périodique des émissions, il est envisagé que des effets aigus se manifestent dans cette population, à type d‟irritation des muqueuses, céphalées, etc, et des recommandations de réduction des aéro-contaminants ont été données à cette usine. Une autre étude, citée dans le LAUWERYS, affirme qu‟une bio-métrologie réalisée lors de l‟usinage de traverses de chemin de fer créosotés a montré une contamination par le naphtalène et les HAP à trois cycles, mais pas par les HAP cancérogènes (à 4,5,6 cycles). CONCLUSION Les commissions PCD et « matériel » de l‟entreprise ES ont déjà validé l‟utilisation des poteaux « bois verts » ou en béton, même si l‟utilisation de la créosote reste possible si la teneur en benzopyrène est inférieure à 0,005% en poids et en phénols extractible par l‟eau inférieur à 3% en poids pour limiter au maximum les risques liés à sa toxicité…L‟avenir repose de toute façon sur le transport de l‟énergie par d‟autres moyens (réseaux enterrés…). En effet, le remplacement des produits CMR doit être une priorité. Mais il importe de rester vigilant, car les nouveaux matériaux de substitution ne sont pas toujours sans inocuité. BIBLIOGRAPHIE : - BORAK J., SIRIANNI G., COHEN H., CHEMERYNSKI S., JONGENEELEN F. : « Biological versus ambient exposure monitoring of creosote facility workers. ». J. Occup. Environ. Med., 2002, Apr, 44 (4) : 310-9. - CARLSTEN C., HUNT S.C., KAUFMAN J.D. : « Sqamous Cell Carcinoma of the skin and coal tar creosote exposure in a railroad worker ». 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