Quelles avancées pour les droits du malade

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Quelles avancées pour les droits du malade
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Catherine Sanfourche, Armand Dadoun (*)
Convention AERAS 2011
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Quelles avancées pour
les droits du malade ?
Lorsque l’on est atteint d’un risque aggravé de santé, s’assurer
ou demander un prêt peut vite devenir un chemin semé d’embûches.
De nombreux patients,
atteint d’une cardiopat
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tracter ces prêts
du fait d’un refus de la
compagnie d’assurance
de
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convention AERAS, qui
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pour ne pas dire guéris,
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ue aggravé de manière
définitive.
Année des patients oblige, la nouvelle convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un
Risque Aggravé de Santé) succède à celle de 2007, et s’applique depuis le 1er mars dernier. Si
elle conserve l’essentiel du texte initial, elle apporte néanmoins quelques améliorations notables. La première porte sur l’information et la diffusion de la connaissance de la convention
AERAS, encore insuffisante. Ainsi, d’ici à la fin de l’année, le site internet officiel de la convention (www.aeras-infos.fr) sera rénové, et davantage tourné vers l’accompagnement des futurs emprunteurs dans leur recherche d’assurance. Des partenariats d’information vont être
créés, notamment avec les médecins. Sur le fond, la convention 2011 offre une meilleure couverture du risque invalidité « spécifique ». L’un des objectifs est de couvrir 60 % des assurés
relevant de la deuxième catégorie d’invalidité de la Sécurité Sociale. Le montant des prêts
pouvant être obtenus par le dispositif augmente, passant de 15 000 euros à 17 000 euros pour
les prêts à la consommation, et de 300 000 euros à 320 000 euros pour les prêts professionnels
et immobiliers. Quant au seuil de déclenchement du mécanisme d’écrêtement des surprimes,
il est abaissé et ramené de 1,5 à 1,4 point du TEG.
La convention AERAS 2011 crée une commission des études et des recherches, dotée d’un
budget de quatre millions d’euros sur quatre ans. Composée de médecins, d’experts de la HAS
et de l’INCA, de médecins conseils de compagnies d’assurance et de représentants d’associations de patients, cette commission a pour mission d’objectiver les données sur la mortalité/
morbidité des principales pathologies, et de fournir de nouvelles statistiques aux assureurs.
Afin d’optimiser la réussite du dispositif, une autorité de contrôle est créée, des indicateurs
de suivi seront mis en place et des objectifs indicatifs chiffrés donnés. Enfin, la convention
AERAS 2011 marque une évolution vers l’harmonisation des questionnaires médicaux spécifiques par pathologie, ce qui simplifiera les démarches des futurs emprunteurs, qui devaient
auparavant interroger plusieurs fois leur médecin pour remplir des questionnaires différents
d’un assureur à l’autre.
(*) Armand Dadoun, Docteur en droit
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Quelles avancées pour les droits du malade ?
L
Yuri Arcurs
a notion de droits des malades renvoie en général aux
droits des patients à l’égard de leurs médecins ou à l’égard
de l’Assurance Maladie. Pourtant, la qualité de malade a des
implications juridiques dans de nombreux domaines de la vie
sociale [1]. L’une des plus remarquables concerne certainement
les droits des personnes atteintes d’un risque aggravé de santé
à l’égard des prêteurs et des assureurs. La loi du 31 janvier
2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un
risque aggravé de santé prévoit qu’une convention nationale
est conclue entre l’Etat, les associations de consommateurs et
de personnes malades ou handicapés et les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit et les
assureurs. En l’absence de convention, les dispositions visées
par l’article 2 de la loi doivent être réglementées par décret [2].
L’avenant à la Convention AERAS en date du 1er février 2011
renforce les droits des personnes atteintes d’un risque grave de
santé. Les nouveaux droits ne bénéficient pas rétroactivement
aux personnes ayant déjà profité des dispositions anciennes. Il
convient de reprendre les principales avancées qu’entérine cet
acte entré en vigueur le 1er mars 2011.
Faire réviser son contrat
Durant la durée du contrat, au bout de deux ou trois ans,
on peut conseiller aux patient, par l’intermédiaire de leur
cardiologue, de soumettre à nouveau leur dossier à l’assureur.
Dans le meilleur des cas, leur pathologie serait reconsidérée et
leur prime revue à la baisse. Mais en aucun cas, même avec
une aggravation constatée, il ne pourrait y avoir de révision de
la prime à la hausse. Cette soumission médicale pourrait être
faite sur le conseil du cardiologue, lui seul connaissant bien la
santé de son patient. Il convient cependant de rester prudent et
de ne pas donner de faux espoirs à des patients présentant « un
ou plusieurs » facteurs de risques aggravés.
Philippe Thébault
Courtier spécialisé en risque emprunteur
9 L’élargissement de la couverture invalidité
En matière de prêts immobiliers et professionnels, l’avenant
prévoit un engagement renforcé des assureurs qui seront tenus de proposer, à partir du 1er septembre 2011, deux types de
garantie invalidité, à condition que la couverture de ce risque
soit possible. Autant dire que l’efficacité du dispositif dépendra
de ce qu’il faut entendre par la possibilité de couverture du
risque invalidité. Si ce critère n’est pas rempli, les assureurs
sont uniquement tenus de proposer une garantie Perte totale
et Irréversible d’Autonomie (PTIA), laquelle ne suffit pas toujours à obtenir le prêt.
Si la couverture est possible, l’assureur doit proposer une garantie invalidité aux conditions de base du contrat standard
avec, le cas échéant, exclusion(s) et/ou surprime, ou une garantie invalidité spécifique au taux de 70 %.
La garantie spécifique constitue l’avancée majeure opérée par
l’avenant :
■ le taux de 70 % est apprécié par référence au barème d’invalidité annexé au Code des pensions civiles et militaires ;
■ la garantie ne comporte aucune exclusion de pathologie [3] ;
■ les établissements de crédit s’engagent à n’exiger aucune
autre garantie s’agissant de la couverture du risque santé. Cependant, l’avenant prévoit une exception qui limite l’efficacité
du dispositif puisque ces établissements peuvent refuser d’accorder le prêt si l’examen particulier du dossier ne leur permet
pas de disposer d’une garantie raisonnable sur la capacité du
candidat à l’emprunt à s’acquitter des annuités d’emprunt.
Contrairement à ce qui avait été envisagé, l’avenant n’impose
aucun quota aux assureurs dans l’octroi de la garantie invalidité, ni ne fait de cette garantie une assurance obligatoire dont
le tarif est fixé d’autorité par le Bureau central de tarification
en cas de refus d’assurance.
Par ailleurs, l’assureur peut procéder à un ajournement en reportant sa décision d’octroyer la garantie invalidité. Au-delà de
l’allongement des délais de traitement consécutif à l’ajournement, il arrive que l’assureur prévoie que le refus de garantir
l’invalidité remet en cause la garantie décès [4]. L’avenant n’interdit pas cette pratique qui paraît contestable. En effet, si on
admet que le candidat puisse accéder au troisième niveau (voir
infra) alors même que le refus porte uniquement sur la garantie
invalidité [5], le fait qu’il dispose déjà des garanties décès et
PTIA pourrait faciliter l’acceptation de son risque par le Pool
des risques très aggravés.
9 L’écrêtement des surprimes
La surprime versée par l’emprunteur est plafonnée en matière de prêts immobiliers liés à l’acquisition de la résidence
principale et de prêts professionnels, dont le montant ne dépasse pas 320 000 euros (contre 300 000 auparavant) et si
le candidat n’aura pas plus de 70 ans à la dernière échéance
du prêt [6]. Notons que les crédits relais n’entrent pas dans
le calcul du seuil des 320 000 euros lorsque l’emprunt a pour
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La convention
AERAS simplifie
les démarches
des futurs
emprunteurs.
but l’acquisition d’une résidence principale. En revanche, pour
les autres prêts, les encours cumulés de prêts ne doivent pas
dépasser 320 000 euros.
Les conditions d’éligibilité au dispositif d’écrêtement liées
aux revenus des candidats à l’emprunt ne sont pas modifiées.
L’avenant consacre néanmoins deux avancées :
■ la partie de la surprime qui dépasse 1,4 point du TEG (contre
1,5 auparavant) est prise en charge par les assureurs et les
prêteurs. Les primes d’assurances atteignent rarement de tels
montants ;
■ la surprime est intégralement prise en charge par les assureurs et les prêteurs au profit des emprunteurs de moins de
35 ans bénéficiaires du prêt à taux zéro renforcé (PTZ+).
9 Le dispositif à trois niveaux
L’avenant maintient la distinction entre les trois niveaux d’offre
d’assurance :
1. Lorsque l’analyse d’un questionnaire de santé conduit
l’assureur à refuser un candidat à l’emprunt, le dossier
de celui-ci est automatiquement transféré vers un deuxième
niveau qui permet le réexamen individualisé de la demande
d’assurance.
2. En cas de refus au deuxième niveau, le candidat peut prétendre à un examen de troisième niveau, à condition que le
prêt ne dépasse pas 320 000 euros et soit d’une durée telle
que l’âge de l’emprunteur en fin de prêt n’excède pas 70 ans.
3. Le troisième niveau est constitué par le « Pool des risques
très aggravés » qui est une convention de co-réassurance gé-
rée par le Bureau Commun d’Assurances Collectives (BCAC)
par laquelle est déterminée la part d’indemnité prise en charge
par le Pool en cas de sinistre, en vue d’alléger l’obligation de
l’assureur qui conserve en général 50 % du risque ayant fait
l’objet d’un refus aux premier et deuxième niveaux.
9 Le questionnaire médical
En matière d’assurance décès des prêts à la consommation affectés ou dédiés, l’assureur s’engage à ne pas imposer un questionnaire de santé lorsque le montant du crédit n’excède pas
17 000 euros (contre 15 000 euros auparavant), uniquement
lorsque la durée du crédit est inférieure ou égale à quatre ans
et que l’emprunteur n’a pas plus de 50 ans.
Le candidat à l’assurance doit alors seulement déposer une
déclaration sur l’honneur de non-cumul de prêts au-delà du
plafond de 17 000 euros.
Le titre II de l’avenant rappelle que les réponses au questionnaire, lorsque celui-ci peut être imposé, sont strictement
confidentielles. En effet, l’analyse du questionnaire est réservée au service médical de l’assureur. Le conseiller bancaire
ne doit absolument pas prendre connaissance des réponses,
ce qui n’est pas toujours appliqué compte tenu du manque
de publicité des règles posées par la Convention AERAS. Il
faut conseiller aux emprunteurs de répondre aux questionnaires, non pas en présence du banquier, mais à leur domicile, et de les renvoyer directement au service médical de
l’assureur bancaire.
Il faut noter que l’article 5 du titre II de la convention AERAS
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mentionne : « Un travail d’harmonisation de la formulation
des questions ayant le même objet pour les questionnaires de
santé de 1er niveau et pour les questionnaires détaillés par pathologie est conduit par les assureurs, en concertation avec les
associations. Ce travail est présenté à la Commission de suivi et
de propositions, pour avis, avant sa diffusion. »
Il s’agira de mettre en conformité, l’ensemble des questionnaires spécifiques (pour certaines pathologies) édités par les
compagnies d’assurances, car ils sont présentés différemment
d’une société à l’autre, et sont contestés, de la même façon,
entre compagnies. Ceci évitera que le client, questionne plusieurs fois, son médecin.
En matière d’assurance décès des prêts à la
consommation, l’assureur s’engage à ne pas imposer
un questionnaire de santé lorsque le montant du
crédit n’excède pas 17 000 euros.
9 La prise en compte du progrès médical
Le titre III de l’avenant prévoit la création d’un groupe de travail, rattaché à la commission des études et des recherches
AERAS, chargé d’apprécier les risques en assurance des pathologies représentatives des risques aggravés de santé. Ce
groupe procède à l’évaluation du progrès médical et met à jour
les probabilités de décès ou de rechute pour chaque maladie.
Les assureurs s’engagent à prendre en compte les résultats des
travaux du groupe dans leur appréciation du risque, et sont
tenus d’actualiser les questionnaires de santé au regard des
évolutions de la médecine (titre II).
Les fédérations d’assureurs informent la commission de suivi et
de propositions de l’impact des travaux publiés par le groupe
de travail sur l’accessibilité à l’assurance emprunteur et ses
modalités en termes de prix et de garanties proposés.
L’avenant permet ainsi aux commissions instituées par la
Convention AERAS d’avoir un droit de regard sur la justification des tarifs d’assurance proposés aux personnes atteintes
d’un risque aggravé de santé [7].
Cependant, le dispositif n’impose pas la prise en compte de
l’évolution du risque après la formation du contrat. Dans
les assurances de choses et de responsabilité, la tarification
évolue en fonction de la réduction ou de l’augmentation du
risque, ainsi qu’au regard de sa prévention. Dans les assurances de personnes, l’évolution de la prime est le plus souvent inexistante. Il ne paraît pas excessif que, dans le cadre
spécifique de la convention AERAS, les assureurs s’engagent à
réduire le montant des primes en fonction de l’évolution des
thérapeutiques et/ou du respect par l’assuré des indications
thérapeutiques, ce qui favoriserait non seulement les droits
des malades, mais également la prévention des risques de
santé. ■
[1] Aussi bien en termes de droits que de devoirs. Voir par exemple l’arrêté
du 31 août 2010 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des
affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis
de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de
durée de validité limitée.
[2] C. sant. publ., art. L. 1141-2 et suivants.
[3] En 2009, la FFSA et le GEMA ont relevé que les assureurs ont
refusé 24 % des demandes d’assurance comprenant une garantie
supérieure (incapacité-invalidité) à la garantie PTIA. Dans les autres cas,
les assureurs ont accepté de couvrir la garantie incapacité/invalidité
dans 22 % des cas aux conditions standard du contrat, dans 51 % des
cas sans surprime, mais avec exclusion ou limitation de garanties, et
dans 3 % des cas avec une surprime. FFSA-GEMA, Conjoncture septembre 2009, Demandes d’assurance de prêts (convention AERAS),
situation à fin juin 2009, p. 3. Les chiffres n’ont pas significativement
évolué depuis 2009.
[4] Sur ces pratiques : Rapport d’activité 2008, Commission de médiation
de la Convention AERAS, avril 2009, p. 29 et 30.
[5] En ce sens, Rapport d’activité 2008, ibid.
[6] La Commission de médiation AERAS considère que les prêts relais (in
fine) et les prêts pour travaux destinés à la résidence principale (en ce sens,
voir l’article L. 312-2 du Code de la consommation) sont éligibles au dispositif d’écrêtement des surprimes.
[7] De plus, l’Autorité de contrôle prudentiel vérifie, dans le cadre de son
contrôle des établissements de crédit et des organismes assureurs, le
respect de leurs engagements au regard de la convention AERAS.
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