Impression papier, haut de gamme et responsable

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Impression papier, haut de gamme et responsable
Arts graphiques
Impression papier, haut de gamme et responsable ?
Luxe et écologie, deux valeurs qui portent la survie du papier. Reste à en convaincre les
donneurs d’ordres
Depuis bien longtemps, les imprimeurs proposent des solutions d’impression durable.
Mais les donneurs d’ordres ont besoin d’être formés à la nécessité d’imprimer
qualitativement. Car l’explosion du numérique n’a pas tué l’impression papier. Si elle est
destinée à s’éteindre dans certains domaines de communication, cette dernière trouve
son nouveau souffle dans le haut de gamme. D’ailleurs, les plans de communication
rivalisent de créativité en la matière : impression soignée, supports de grande qualité ou
formats spéciaux, la valeur ajoutée du papier fait fureur.
L
’impression verte n’est pas née d’hier et elle ne concerne pas seulement une poignée
de professionnels. Le développement durable est au cœur de la réflexion d’ImpriFrance,
groupement de 59 imprimeries membres, né en 1986. De même, la marque Imprim’Vert
fête ses 16 ans et réunit 2 200 imprimeurs. Le périmètre de l’impression verte est large :
il vise le site de production, les conditions de travail des salariés, l’utilisation de papiers
issus de forêts durables ou de papiers recyclés, les encres et la fin de vie du produit.
Cependant, la réalité n’est pas si rose : l’aspect environnemental de certains produits
repose sur l’auto-déclaration, les audits sont longs, et la protection de l’environnement
est parfois délaissée par les donneurs d’ordres au profit du coût et de la rapidité. Sur les
formats spéciaux et dans l’événementiel, même si le respect de l’environnement suscite
de l’intérêt, les matériaux écologiques ne s’imposent pas partout.
L’imprimerie de luxe peut quant à elle se montrer vectrice de différenciation, dans
certains contextes de communication bien ciblés. Ainsi, charge aux fabricants de
produits écologiques et aux imprimeurs respectueux de l’environnement et de la qualité,
de se montrer pédagogues envers les donneurs d’ordres. Ces derniers doivent établir un
cahier des charges scrupuleux et une stratégie de long terme pour optimiser leur
politique d’impression.
L’impression
responsable,
un
principe
à
diffuser
La communication durable est freinée par certains a priori, décrits par le document 2011,
la communication responsable, source de valeur, coédité par l’Union des annonceurs,
l’Adema et le cabinet Ethicity. Couramment, les donneurs d’ordres perçoivent la
communication responsable comme une contrainte financière et un frein à la créativité.
Par ailleurs, les équipes ne priorisent pas cette action dans un contexte où les chiffres et
les délais exercent une pression forte sur la communication et le marketing. William
Lautié, responsable qualité et environnement de l’entreprise d’impression Stipa, propose
des produits verts. En dépit de l’offre, il constate que “les clients ne sont pas très
demandeurs de solutions environnementales. Depuis deux ans, les gens sont davantage
en quête de prix avantageux que de produits responsables. Nous devons nous montrer
force de conseil, pour prouver qu’un papier issu d’une forêt labellisée n’a pas les mêmes
conséquences environnementales qu’un papier classique, et qu’il n’implique pas de coût
supplémentaire pour nous”, affirme-t-il. Qui sensibiliser dans ce cas ? Les clients finaux
des agences de communication, que ce soit pour les supports d’impression papier ou les
formats spéciaux.
C’est ainsi aux commanditaires d’impressions grand format que Chrystine Risler,
fondatrice de Capoverde, souhaite s’adresser. Le produit est intégralement issu de
bouteilles plastiques recyclées après consommation. Il vise à remplacer les bâches PVC
pour communication indoor et outdoor. Si le marché semble mûr à la fondatrice de
Capoverde, elle doit toutefois encore faire œuvre de pédagogie : “Notre méthodologie
est la suivante : nous informons le prospect sur la solution. Nous contactons les
imprimeurs afin de les inciter à tester nos matières. Nous informons toutes les directions
développement durable des entreprises, afin qu’elles intègrent nos solutions dans leurs
appels d’offres. Nous leur apportons des solutions. Nous sommes concepteursfabricants du produit. Avec la pratique, nous nous sommes aperçus que les imprimeurs
avaient leur méthodologie propre. Nous avons souhaité informer le client final, car nous
percevions un certain intérêt de la part des grands groupes”, affirme Chrystine Risler.
Christophe Delabre, directeur marketing et développement durable de Point 44, définit
quant à lui la problématique en termes de juste besoin : “quel est le besoin pour
l’utilisateur final ? Les personnes ont perdu de vue cette notion. Il s’agit pourtant de la
responsabilité du service marketing, du service communication, de l’agence de
communication et des fabricants imprimeurs. Nous devons créer un support imprimé peu
impactant pour l’environnement, qui soit pratique et esthétique afin de porter le message.
Or, l’économie de marché impose de faire davantage avec moins, tout en réduisant les
délais. Les entreprises ne prennent pas le temps de définir les choses en termes de coût
global et de long cours. Le calendrier d’action impose une démarche à trois ans, et non
un délai à trois mois”, affirme-t-il.
Enfin, l’impression responsable passe par une absence de gaspillage. La technologie le
permet : “les fabricants de machines mettent à disposition de nouvelles technologies
d’impression, de finition et d’ennoblissement. Le numérique permet d’imprimer la juste
quantité sans gaspillage”, affirme Christophe Delabre. De même, les techniques peu
écologiques – comme le pelliculage, les vernis UV, les encres de sérigraphie – peuvent
être limitées à des besoins précis. En revanche, il est possible de créer des effets grâce
au pliage, à la découpe et au gaufrage, qui permet d’imprimer sans encre un dessin sur
le papier.
Éco-responsabilité,
un
but
unique,
des
voies
diverses
Le donneur d’ordres peut choisir son prestataire en fonction de critères
environnementaux. Les labels sont nombreux en Europe, et ils touchent tous les
moments du cycle. Benjamin Mattely, responsable environnement de l’Union nationale
de l’imprimerie et de la communication (Unic), détaille les exigences de la marque
Imprim’Vert, qui concerne la moitié des imprimeurs français et 80 % du tonnage imprimé
dans l’Hexagone : “Imprim’Vert impose aux entreprises des critères stricts en matière de
gestion des déchets, de sécurisation des stockages des liquides dangereux, de nonutilisation de produits toxiques, de sensibilisation environnementale des salariés et des
clients, et de suivi des consommations énergétiques”.
Deux prérequis s’ajoutent à ce vaste programme : Imprim’Vert vérifie la conformité des
installations avant même que l’entreprise puisse postuler, ainsi que le respect de la
réglementation en vigueur sur les déversements autres que domestiques. Malgré tout,
Benjamin Mattely tempère la portée d’Imprim’Vert : la marque ne tient compte que du site
de production, or l’écoconception passe par tous les stades de l’impression. Autre
certification qui tient compte du site de production, la norme ISO 14 001. Cette norme
repose sur un engagement de moyens pour implémenter dans l’entreprise un système
de management environnemental. Seul problème, les petites entreprises ne peuvent pas
accéder à la norme ISO 14 001. Reste la marque EnVol, qui permet aux entreprises de
moins de 50 salariés de faire reconnaître qu’elles ont franchi la première étape vers la
certification ISO 14 001.
Cependant, le site de production n’est pas le seul critère attestant d’une impression
durable. Elle passe aussi par les composants. À commencer par le papier : il doit être
recyclé et géré durablement. Le caractère recyclé du papier repose sur l’auto-déclaration
du producteur de papier, qui atteste que la moitié des fibres de ses produits est recyclée.
Par ailleurs, le papier doit être issu de forêts gérées durablement. Les labels PEFC
(Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes) et FSC (Forest
Stewardship Council) l’attestent. Benjamin Mattely dénombre deux tiers d’imprimeurs
français certifiés PEFC, soit 600 entreprises, et 500 entreprises certifiées FSC.
Ces chiffres ne se cumulent pas, puisque la quasi-totalité des entreprises certifiées FSC
ont
la
double
certification.
L’encre est également prise en compte, même si Benjamin Mattely l’identifie comme un
cas particulier : “désormais, l’encre végétale suscite une demande. Cependant, nous ne
savons substituer que l’huile, qui ne compose que 30 % de l’encre. Et si l’encre est
constituée d’huile de palme, la démarche n’est pas positive. Nous avons peu de recul sur
cette question”. L’encre doit par ailleurs être désencrable, une fois le produit utilisé. Mais
là encore, la qualité de l’encre repose malheureusement sur de l’auto-déclaratif.
Enfin, Benjamin Mattely pointe l’importance de la fin de vie du papier imprimé, or seul
l’Écolabel européen prend en compte cette dimension. C’est la démarche qui semble la
plus aboutie aux yeux du responsable environnement de l’Unic. Cet écolabel ne peut
être attribué qu’à 20 % de produits mis sur le marché. Ainsi, aucune entreprise française
d’imprimerie ne peut l’afficher. Il convient de proposer le produit le plus recyclable
possible, avec le moins de colle, de pelliculage et d’agrafes possible. Au client de
s’interroger
sur
la
conception
et
la
finition
du
produit.
Ecofolio, l’éco-organisme agréé par l’État, en charge du tri, de la collecte et du recylage
des papiers, s’appuie pour sa part sur la “responsabilité élargie du producteur” (REP), en
incitant à recycler plus, en améliorant les dispositifs de tri et collecte, et en encourageant
à trier mieux tous les papiers. Cette instance s’attarde plus spécifiquement sur la fin de
vie de l’imprimé. Elle propose un barème éco-différencié, afin d’inciter les émetteurs de
papiers à améliorer la recyclabilité de leurs produits. Des bonus et des malus s’articulent
autour d’une contribution de base. Ainsi, l’éco-contribution des émetteurs de papiers se
calcule en fonction de la quantité de papier émise et de sa recyclabilité.
Créativité
et
prestige
dans
le
tactile
À l’heure où l’imprimé se raréfie, notamment dans le domaine publicitaire, une autre
tendance se développe en parallèle de l’impression durable : l’impression haut de
gamme. William Lautié, responsable qualité et environnement de l’imprimeur Stipa, cite
l’exemple des invitations à des soirées et à des vernissages, mais également les livres
d’art et de culture, les programmes d’opéra ou de manifestations artistiques, les
collections touchant la peinture, la sculpture, le dessin et la haute couture. Ainsi cet
imprimeur est-il le plus souvent sollicité par les tenants de la french touch, exportateurs
et producteurs de vins et spiritueux et de marques de luxe. Marck Ronzier, directeur
artistique de l’agence de relations presse L’appart PR, orientée vers les jeunes créateurs
de mode, utilise l’imprimé qualitatif pour produire ses invitations presse. Une fois le
thème des défilés défini, le studio de création de l’agence étudie un visuel qui sera le fil
rouge du défilé. Ce code sera présent dans les e-invitations à destination des
journalistes et blogueurs proches de l’univers digital, mais également dans les invitations
papier à destination des journalistes de presse écrite et de télévision. Pourquoi
conserver le papier ? Marck Ronzier est catégorique : “c’est une façon de communiquer
plus tactile et plus prestigieuse. Par ailleurs, si l’invitation digitale ne pose aucun
problème de poste ni de coursier, l’invitation papier est indispensable pour conserver un
souvenir de l’événement”.
Cependant, les invitations de L’appart PR ne ressemblent à aucune autre. Marck
Ronzier l’atteste : “il s’agit de trouver la façon d’être le plus impactant et le plus touchant”.
Le papier n’est ainsi pas seul vecteur d’originalité, et les invitations s’impriment sur tous
supports. Et pour s’aligner sur la créativité de grands groupes de luxe sans pour autant
disposer de leurs moyens, nécessité fait loi : “pour attirer l’attention, nous devons nous
montrer de plus en plus créatifs. Tout a été fait en papier, le cadre est restreint. Les
créatifs mettent la barre de plus en plus haut. Le papier recyclé n’est même plus un
élément différenciant”, affirme Marck Ronzier.
Outre l’esthétique, l’invitation papier trouve également sa valeur ajoutée dans les
nouvelles possibilités de personnalisation et le cross-canal. Christophe Delabre, de
l’imprimerie Point 44, évoque ainsi la création de messages spécifiques à travers un QR
code : “l’usager peut recevoir l’information sur le support de son choix, et le code QR
peut lui permettre de télécharger un contenu qui l’intéresse”, affirme-t-il.
Mais l’impression à forte valeur ajoutée trouve son meilleur terrain d’expression dans le
luxe et la valorisation de la fabrication française. Le ministère du Redressement productif
a en effet lancé un appel à projets, sur le thème des “Actions collectives au soutien de la
compétitivité des industries du Luxe”, qui a été remporté dans le secteur de l’imprimerie
par l’Unic. Et en juin 2013, l’association Imprim’Luxe se voyait attribuée la mission de
labelliser des imprimeurs engagés dans une démarche d’excellence et de relocalisation
des flux d’impression. Avec une vocation élitiste, que défend Pierre Ballet, président
d’Imprim’Luxe : “40 entreprises sont labellisées sur un maximum de 50, déclare-t-il. Nous
souhaitions relocaliser les flux en France et aider les entreprises labellisées à exporter.
Beaucoup de candidats sont présents, et peu d’élus. Le référentiel est drastique.
L’entreprise doit justifier de plusieurs normes, dont ISO 9001, ISO 14 001, ISO 12 647,
PEFC et FSC”. L’entreprise doit également se montrer financièrement solide, cultiver la
qualité, répondre d’une stratégie industrielle, marketing et commerciale satisfaisante
pour le conseil d’administration. Le résultat : des partenaires de qualité (dont la première
imprimerie d’étiquettes de champagnes et le premier imprimeur d’étiquettes de cognac),
qui conseillent les donneurs d’ordres, les clients finaux et les agences.
Gildas Rondepierre
commissaire général du salon InCom* de Rennes,salon de la communication visuelle et des
arts graphiques
Pourquoi
avoir
choisi
Rennes
pour
cette
édition
d’InCom ?
À l’origine, le salon se tenait à Paris depuis plusieurs années, et il est apparu que nombre de
visiteurs ne peuvent plus prendre le temps de se déplacer en masse sur un salon parisien. Nous
avons alors mené une réflexion avec un panel de visiteurs pour comprendre les réticences à se
déplacer à Paris, et évaluer l’impact d’un rendez-vous organisé sur deux jours en région. Les
réponses du panel ont conforté l’idée qu’un salon de proximité spécialisé dans les arts graphiques
avait toutes les chances de rencontrer son public dans un contexte plus convivial et de proximité.
C’est dans cette optique qu’InCom Nantes s’est tenu en mars 2013. Ce rendez-vous constituait un
test en grandeur nature, et devait permettre la validation de notre stratégie de développement en
région. Cette première édition s’est déroulée dans de bonnes conditions, avec un parterre
spécialisé de professionnels de la communication visuelle réunis autour des exposants. Rester
dans le Grand Ouest est donc prometteur, tant pour les exposants que pour les visiteurs.
Ce projet de développement en région répond à une demande des exposants ?
Indéniablement. Il répond en tout cas à des logiques propres à chaque société. Il y a celles qui
n’ont pas de force de vente suffisante pour couvrir l’ensemble du territoire et profitent donc
d’événements comme InCom pour mener une action commerciale spécifique. Il y a celles pour
qui exposer dans une région donnée permet de s’y faire connaître lorsqu’elles n’y sont pas
présentes. Enfin, il y a les locales qui profitent du salon pour, à domicile, montrer leur savoirfaire. Dans chaque situation, In Com répond à un besoin identifié de développement des
entreprises concernées.
Qui
sont
les
visiteurs
et
que
pourront-ils
voir
sur
le
salon ?
Nous attendons sur le salon les imprimeurs numériques, sérigraphes, enseignistes, signaléticiens,
agences de communication et graphistes du Grand Ouest. Le vivier est important, les exposants
inscrits l’ont bien compris. Il y aura également les marques de systèmes d’impression numérique,
Mimaki, HP, Roland, SwissQprint, Mutoh… les supports d’impression, les matériels de finition,
les encres, les machines à broder, à graver, les fraiseuses… L’utilisateur y trouvera une source
d’information riche, et les prescripteurs y trouveront une source d’inspiration utile pour leurs
projets de communication.
*les 4 et 5 juin au Parc expo de Rennes
Par Pandora Reggiani