Les aventures du Dre Juliette

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Les aventures du Dre Juliette
Les aventures du Dre Juliette
Par Josée Boissonneault, MD
Les aventures du Dre Juliette
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Jules m’adresse un clin d’oeil devant un
Alex qui arrive à contenir tant bien que
mal un fou rire tonitruant. Sa greluche
hausse à peine un sourcil interrogateur.
Mes bas instincts de jalouse maladive
fomentent un plan machiavélique pour
lui dégonfler ses nichons soufflés à l’hélium avec un tournevis. Je parviens
néanmoins à lui adresser un de mes
clins d’œil dévastateurs et à ignorer souverainement mes deux amis.
Souper chez un patron
Juliette préfère la compagnie des cuvettes à celle de ses hôtes
– Vous voulez servir le dessert, Juliette?
demande Mme Docteure.
– Si vous y tenez…
MAIS OÙ RANGENT-ILS LEUR PAPIER
hygiénique, bordel?! À croire que ces
richards utilisent des colombes de
Tanzanie pour s’essuyer le derrière… Ma
situation est périlleuse: j’oscille sur la
lunette de la cuvette, à moitié saoule, à
farfouiller sur le bout des orteils dans
l’armoire sous l’évier à la recherche de
ce qui pourrait ressembler de près ou de
loin à une feuille de papier hygiénique.
Lieutenant Macchabée, avez-vous trouvé
l’objet de vos recherches?
Négatif, capitaine. Par contre, il y a un
exemplaire du numéro d’avril 1990 du
Sélection du Reader's Digest racontant
les exploits de Robert Bourassa. Je
détecte aussi un string rouge, un test de
grossesse utilisé et positif, un rouge à
lèvres, un ordinateur de poche et des
Ray-ban. Plutôt inusité, mon capitaine.
Et hop, dans le sac à main, le Sélection!
Il servira dans une salle d’attente bondée
à rendre nostalgique tous les adéquistes
de l’âge d’or. Et tiens: hop aussi dans le
sac à main, le string! Celui-là servira de
trophée au party des résidents.
Mon dialogue militaire intérieur est
brusquement interrompu par la vision
des rouleaux tant espérés, disposés dans
un panier sur le meuble de l’évier. Je me
hisse un peu plus sur la pointe des pieds
pour attraper le panier et saisir ledit
rouleau. Je vous fais grâce, par pudeur,
des secondes suivantes. Ma besogne
achevée, mon esprit rendu curieux et
hilare par les vapeurs d’alcool, je me dis
que du même coup, je pourrais profiter
un peu de la situation, ouvrir les tiroirs et
l’armoire à pharmacie et poursuivre ma
fouille. Histoire de faire un peu provision
des secrets de mes hôtes snobinards.
J’ouvre une petite parenthèse: je suis
chez le Dr Picotte, interniste-endocrinologue réputé au snobisme aussi criant
que sa calvitie, et son épouse, Madame
Docteure Picotte. Je n’ai pas souvenir
qu’elle ait eu un prénom tant elle semble née Madame Docteure. Je suis en
compagnie de mes deux résidents
amis, Jules et Alex, ainsi que de la greluche qu’Alex a trouvée à emmener
avec lui: une résidente 3 en chirurgie
aux nichons soufflés à l’hélium et à la
tignasse blonde décolorée. Madame
Docteure étant d’une insipidité des plus
assommantes et encore plus snob que
son chauve d’époux, je n’ai rien d’autre
à faire que me saouler et fouiller dans
leurs armoires.
Le brouhaha des conversations me
parvient en sourdine entrecoupé par des
rires féminins suraigus témoignant que
leurs propriétaires ont largement
dépassé le .08. Il n’y a pas à dire: l’état
d’ébriété féminine me porte sérieusement sur les nerfs.
Donc hop! Le tiroir de gauche: coupeongles, revue porno, ouvrage au crochet
en cours, journal vieux d’il y a 6 mois et
un test de grossesse (encore!) mais scellé dans son emballage. Étrange… Mon
patron a la cinquantaine ventripotente et
sa femme, dont le passe-temps préféré
(mis à part crocheter des pantoufles
devant une revue 3X) consiste à surveiller sa haie de conifère et celles de ses
voisins, doit rôder dans les mêmes eaux.
Ils n’ont pas d’enfants. Mystère, mon
capitaine.
Et hop! Le tiroir de droite! Brosses, peignes
et du Grecian Formula pour les moustaches. Hé! Hé! Dr Picotte est découvert!
Armoire de gauche, maintenant: des
menottes! Mais que de trouvailles! Un
catalogue Sears 1976, des tournevis et
un manuel de jardinage. La conversation
me parvient encore en sourdine. Cette
fois, c’est Madame Docteure qui vole la
vedette: «Mon voisin fait pousser des
carottes et de la rhubarbe dans son
garage! Chaque samedi, je lui crie: Pis,
Lucien, tu as le pouce vert? Et le dernier
mardi de chaque mois d’été, il m’en
réserve un bac! Vous savez, Lucien
Robinski, le neurochirurgien devenu
grand politicien!»
Palpitant, l’univers social des banlieues
cossues.
Armoire de droite: encore mieux! Des
préservatifs à saveur de sucre à la
crème! J’en fous deux ou trois dans mon
sac à main. Messieurs, est-ce que vous
avez une petite idée maintenant
pourquoi vos femmes emportent toujours leur sac à main aux toilettes?
Tout d’un coup, la situation se corse pour
le commando en opération, en l’occurrence, moi. Toc, toc, toc.
– Juliette, tu vas bien?
C’est Jules qui se préoccupe de mon
sort. Je me jette tête première dans la
cuvette et ma voix rendue caverneuse
balbutie:
– Pas vraiment, non… J’ai forcé la note
sur le vin…
Mon hypocrisie est ahurissante! Mentir
ainsi à mon meilleur ami afin d’assouvir
mes bas instincts de curieuse invétérée!
Il chuchote, avec un ton amusé:
– Juliette, tu ne serais pas encore en
train de fouiller dans les armoires?…
Putain! Avoir des meilleurs amis qui nous
connaissent mieux que personne est
parfois déconcertant.
Je décide de lui faire la totale, histoire de
ne pas perdre la face: un, deux, trois…
– BWARK! A-Euheuh! (Je mime une
picoleuse qui dégobille tripes et boyaux.)
Jules chuchote:
– Juliette, t’as pas d’allure!
Et je l’entends rigoler tout bas et s’éloigner de la porte.
Bon, enfin le champ libre! Donc, des
préservatifs et une perruque! Le Dr
Picotte porte une perruque, des
menottes, un string rouge et se teint la
moustache tout en tenant une revue de
jardinage d’une seule main. Fascinantes,
les moeurs sexuelles des banlieusards!
Toc, toc, toc.
– Juliette,vous allez bien?
Oups, ça se corse sérieusement, capitaine! C’est Bobonne. Je reprends contenance et me compose une voix
exsangue dans un visage qui l’est tout
autant:
– J’ai eu un malaise, Mme Picotte, mais
ça va mieux maintenant, j’arrive…
Un petit reniflement sceptique et vaguement méprisant:
– D’accord, Dre Macchabée, nous vous
attendons pour le dessert…
Donc, en plus de me taper le dessert et
les fromages qui iront invariablement se
loger dans ma poitrine déjà joufflue, je
devrai supporter Bobonne qui ânonne!
J’émerge de la salle de bain, titubant, et
me dirige vers la salle à manger.
– Ah! Juliette! Vous allez mieux maintenant? s’écrie Dr Chauve, faussement
débonnaire.
– Oui, oui…
Je rage intérieurement. Décidément, j’ai
l’ivresse colérique, ce soir! L’objet de
mon tourment est une espèce de gâteau
fort compliqué fabriqué de crème, de
chocolat, de caramel et de fruits, sans
aucun doute cueillis à l’aube par des
vierges majeures du Témiscamingue, et
qui se dresse tout en hauteur. J’ignore
son nom et si ça se mange avec des
ustensiles ou non. Et, comble de malheur, je n’ai pas la moindre idée comment peut se servir cette horreur.
– Vous avez déjà servi un topinambour
glacé, n’est-ce pas, Juliette?
Elle sait très bien que non, mais elle
choisit de s’en amuser furieusement à
mes dépens. ⌧
Chers lecteurs, comment pensez-vous que
Juliette se sortira de ce pétrin gastronomique? Que faire du Docteur Picotte?
Écrivains en herbe, à vos plumes, et imaginez la fin de cette aventure du Dre Juliette.
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L'auteure est omnipraticienne.
magination.
Les aventures du Dre Juliette sont le fruit humoristique de son im
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