RDF - Article avocat - Avantage fiscal et déclaration dans les délais

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RDF - Article avocat - Avantage fiscal et déclaration dans les délais
Généralités
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Avantages fiscaux
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Sauf disposition expresse de la loi, un contribuable ne peut
être privé d’un avantage fiscal du seul fait de l’absence de
déclaration dans les délais
Les dispositions qui prévoient que le bénéfice d’un avantage fiscal est demandé par voie déclarative n’ont, en
principe, pas pour effet d’interdire au contribuable de
régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu
à l’article R.* 196-2 du LPF, sauf si la loi a prévu que
l’absence de demande dans le délai de déclaration
entraîne la déchéance du droit à cet avantage, ou
lorsqu’elle offre au contribuable une option entre différentes modalités d’imposition.
CE, 9e et 10e ss-sect., 11 mai 2015, n° 372924, min. c/ SCS SICLI, note Ch.
Ménard et B. Bardet : JurisData n° 2015-011404
Mentionné aux tables du recueil Lebon
Rapporteur public : Émilie Bokdam-Tognetti
1. Considérant qu’aux termes de l’article 1647 C quinquies du Code général
des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : « I. – Les
immobilisations corporelles neuves éligibles aux dispositions de l’article 39 A
ouvrent droit à un dégrèvement égal respectivement à la totalité, aux deux tiers
et à un tiers de la cotisation de taxe professionnelle pour la première année au
titre de laquelle ces biens sont compris dans la base d’imposition et pour les
deux années suivantes. Pour bénéficier du dégrèvement, les redevables indiquent chaque année sur les déclarations prévues à l’article 1477 la valeur
locative et l’adresse des biens éligibles. Les biens pour lesquels les redevables
demandent le bénéfice du dégrèvement ne peuvent faire l’objet des dégrèvements mentionnés aux articles 1647 C à 1647 C quater » ; qu’aux termes de
l’article 1477 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions
litigieuses : « I. Les contribuables doivent déclarer les bases de taxe professionnelle avant le 1er mai de l’année précédant celle de l’imposition ou, en cas de
création d’établissement ou de changement d’exploitant ou d’activité en cours
d’année, avant le 1er mai de l’année suivant celle de la création ou du changement. (...) » ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond
que la société SICLI a demandé, par deux réclamations présentées les
30 décembre 2008 et 27 mars 2009, à bénéficier, au titre des années 2007
et 2008, du dégrèvement institué par les dispositions précitées de
l’article 1647 C quinquies du Code général des impôts ; que l’administration
fiscale a rejeté cette demande au motif qu’en application de ces dispositions,
le bénéfice de ce dégrèvement ne pouvait être sollicité que dans la déclaration
prévue à l’article 1477 du même code, sans possibilité de régularisation
postérieure par voie de réclamation contentieuse ; que le ministre délégué,
chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 18 juillet 2013 par
lequel la cour administrative d’appel de Versailles a, sur l’appel de la société
SICLI dirigé contre un jugement du 21 février 2012 du tribunal administratif de
Montreuil, prononcé la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles cette société a été assujettie, à raison du dégrèvement sollicité ;
3. Considérant que les dispositions qui prévoient que le bénéfice d’un avantage fiscal est demandé par voie déclarative n’ont, en principe, pas pour effet
d’interdire au contribuable de régulariser sa situation dans le délai de réclama-
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tion prévu à l’article R. 196-2 du Livre des procédures fiscales, sauf si loi a
prévu que l’absence de demande dans le délai de déclaration entraîne la
déchéance du droit à cet avantage, ou lorsqu’elle offre au contribuable une
option entre différentes modalités d’imposition ;
4. Considérant, en premier lieu, que si les dispositions précitées de
l’article 1647 C quinquies du Code général des impôts disposent que, pour
bénéficier du droit au dégrèvement qu’elles instituent, les redevables ayant
procédé à l’acquisition d’immobilisations qui y sont éligibles indiquent chaque
année sur la déclaration de taxe professionnelle la valeur locative et l’adresse
de ces biens, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 9 août 2004
relative à la consommation et à l’investissement dont elles sont issues que le
législateur n’a pas entendu prévoir une règle de déchéance ; que la formalité
prévue par ces dispositions a, dès lors, seulement pour objet de permettre à
l’administration fiscale de s’assurer de l’éligibilité des immobilisations
concernées au dégrèvement ainsi que de son montant ;
5. Considérant, en second lieu, que si, en application du dernier alinéa du I de
l’article 1647 C quinquies, le bénéfice de ce dégrèvement est, au titre d’une
même immobilisation, exclusif de celui des dégrèvements mentionnés aux
articles 1647 C à 1647 C quater, cette circonstance, qui n’induit pas pour le
contribuable l’existence d’une option entre différentes modalités d’imposition, ne fait pas obstacle à ce qu’un redevable, qui n’a sollicité dans sa
déclaration de taxe professionnelle le bénéfice d’aucun de ces dispositifs,
fasse valoir son droit au dégrèvement litigieux dans le délai de réclamation, ce
qui implique alors son renoncement aux autres dégrèvements auxquels il
aurait également pu prétendre pour les mêmes biens ;
6. Considérant qu’il suit de là que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en
jugeant que la circonstance que la société SICLI avait omis de porter, dans les
déclarations prévues à l’article 1477 du code général des impôts, la valeur
locative et l’adresse des biens qu’elle estimait éligibles à ce dégrèvement, ne
faisait pas obstacle à ce qu’elle en sollicite le bénéfice par voie de réclamation
contentieuse ; qu’il résulte de ce qui précède que le ministre délégué, chargé
du budget n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ; (...)
NOTE
1 – En l’espèce, la société SICLI, qui exerce une activité de fabrication,commercialisation et maintenance de systèmes d’alerte incendie
a sollicité, par deux réclamations, la réduction de ses cotisations de
taxe professionnelle au titre du dégrèvement pour investissements
nouveaux (DIN) pour les années 2007 et 2008, faute d’avoir porté
spontanément les dits investissements nouveaux dans ses déclarations. À cette occasion, le Conseil d’État a confirmé sa jurisprudence
antérieure selon laquelle, en règle générale, le bénéfice d’un avantage
fiscal qui n’a pas été demandé par voie déclarative peut l’être dans le
délai de réclamation (1). Cette décision invite aussi à s’interroger sur
les possibilités d’extension du principe ainsi dégagé à d’autres situations que celles de l’espèce (2).
NdA : Les auteurs précisent qu’ils sont intervenus en qualité de conseils de la
société requérante.
Généralités
1. Une carence ou une défaillance
déclarative ne prive pas
nécessairement le contribuable du
droit à bénéficier d’un avantage fiscal
2 – La question des conséquences à tirer du non-respect des obligations déclaratives ou d’une omission commise dans une déclaration au regard de l’éligibilité à un avantage fiscal n’est pas nouvelle et a
donné lieu à une jurisprudence relativement développée (A). Le cas
d’espèce permet cependant de la préciser (B).
A. - Une jurisprudence bien établie, fondée sur une
lecture littérale du texte législatif en cause
1° La possibilité de régulariser dans le délai de réclamation
est toujours ouverte au contribuable...
3 – Les contentieux noués sur la portée du respect du délai de
déclaration au regard du droit à correction de l’absence de déclaration ou de rectification de la déclaration déposée sont intervenus dans
trois situations : dans le silence de la loi ; lorsque le pouvoir réglementaire s’est substitué au pouvoir législatif ; enfin, lorsque la doctrine
administrative a initié une règle non prévue par la loi.
a) Le silence de la loi ne constitue pas un vide juridique...
4 – Comme au cas d’espèce où l’article 1477 du CGI indique le
terme du délai de déclaration en matière de taxe professionnelle, sans
préciser que l’expiration de celui-ci vaut prescription à l’encontre du
contribuable défaillant (V. infra), le Conseil d’État a eu à connaître
d’affaires dans lesquelles le Service avait soutenu soit que le bénéfice
d’un régime fiscal favorable ne pouvait être sollicité s’il ne l’avait pas
été dans la déclaration souscrite dans les délais, soit que le nonrespect de formalités déclaratives dans le délai légal interdisait au
contribuable de régulariser sa situation dans le délai de réclamation.
1) Non-application par le contribuable d’un régime fiscal favorable dans
sa déclaration souscrite dans les délais
5 – Le premier cas a porté sur l’exonération des plus-values immobilières de faible montant prévue par l’article 150 B du CGI, dans sa
rédaction applicable à l’année 1992. L’Administration avait refusé
cette exonération à un contribuable qui ne s’en était pas prévalu spontanément dans sa déclaration mais avait formulé cette demande dans
le délai de réclamation, en réponse à une proposition de rectification
adressée par le Service. Constatant que l’article 74 Q de l’annexe II au
CGI, pris pour l’application de l’article 150 B, se bornait à indiquer
que le contribuable devait joindre sa demande d’exonération,accompagnée d’un état de son patrimoine immobilier, en même temps que
sa déclaration de revenus, le Conseil d’État en a déduit que les dispositions des articles précités n’instituaient pas une règle particulière
privant le contribuable du droit de rectifier ses déclarations dans le
délai général de réclamation (CE, 9e et 10e ss-sect., 6 nov. 2006,
n° 279831, Mlle Dufoin : JurisData n° 2006-081033 ; Dr. fisc. 2007,
n° 40, comm. 892, concl. L. Vallée ; RJF 1/2007, n° 24).
Dans le second cas, rendu très récemment, le Conseil d’État a jugé,
à propos de l’exonération de taxe foncière dont peuvent bénéficier les
immeubles implantés dans une zone de recherche et de développement en vertu de l’article 1383 F du CGI, d’une part, que cette exonération n’est pas subordonnée, à peine d’irrecevabilité, à ce qu’une
déclaration ait été souscrite avant le 1er janvier de la première année à
compter de laquelle le contribuable peut bénéficier de l’exonération ;
mais, d’autre part, qu’à défaut d’avoir régularisé sa situation dans le
délai de réclamation prévu à l’article R.* 196-2 du LPF, le contribuable ne peut plus prétendre à cette exonération (CE, 8e et 3e ss-sect.,
12 mars 2014, n° 365574, Sté Valeo Embrayages : JurisData n° 2014-
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004869 ; Dr. fisc. 2014, n° 22, comm. 354). Cette seconde précision,
qui n’avait pas encore été apportée à l’occasion de la décision Dufoin
(pas plus d’ailleurs que dans celles citées ci-dessous), illustre parfaitement l’adage « la loi, rien que la loi mais toute la loi » : la régularisation d’une omission est toujours possible si un texte spécial n’en
dispose autrement mais elle n’est ouverte que dans le cadre du délai
général de réclamation.
2) Absence de fourniture spontanée par le contribuable de documents
annexes à la déclaration
6 – Le Conseil d’État a tout d’abord été amené à connaître des
conséquences à tirer du défaut de production, à l’appui de la déclaration de résultats d’un médecin, de l’attestation d’adhésion à une association de gestion agréée. Infirmant la position de l’Administration
qui avait tiré argument de cette omission pour remettre en cause
l’abattement de 20 % appliqué aux bénéfices déclarés, la Haute assemblée a confirmé que les dispositions de l’article 371 W de l’annexe
II au CGI qui prévoyaient que l’attestation d’adhésion devait être
produite avec la déclaration de résultats, n’avaient ni pour objet ni
pour effet de faire obstacle à ce que la preuve de cette adhésion soit
établie par la présentation de l’attestation après l’expiration du délai
de déclaration (CE, 8e et 3e ss-sect., 27 juin 2008, n° 301472,
M. Fretin : JurisData n° 2008-081353 ; Dr. fisc. 2008, n° 38,
comm. 500, concl. L. Olléon ; RJF 11/2008, n° 1191).
Dans la même veine, même si le point tranché s’écarte légèrement
de la question soulevée par la décision SICLI,le Conseil d’État a jugé,à
propos de la réduction d’impôt pour investissement immobilier locatif prévu à l’article 199 nonies du CGI, que le contribuable qui soutient avoir joint l’engagement d’affecter le bien acquis à la location
pendant une durée de six ans à la déclaration des revenus de l’année
au titre de laquelle il a demandé le bénéfice de la réduction d’impôt ne
peut se voir refuser cet avantage si l’Administration n’a pas entrepris
des démarches en vue de l’inviter à régulariser sa situation (CE, 3e et
8e ss-sect., 30 juin 2008, n° 274512, M. Thomas : JurisData n° 2008081360 ; Dr. fisc. 2008, n° 40, comm. 528, concl. E. Glaser ; FR Lefebvre
41/2008, p. 3).
Ensuite,il a été jugé qu’un contribuable qui avait souscrit des parts
de fonds commun de placement dans l’innovation, sans joindre à sa
déclaration de revenus une copie de l’engagement de conservation de
ces parts,en contravention avec les dispositions de l’article 46 AI quater de l’annexe III au CGI, pris pour l’application de l’article 199
terdecies-0 A du même code, pouvait produire copie de cet engagement dans le délai de réclamation et ainsi bénéficier de la réduction
d’impôt (CE, 10e et 9e ss-sect., 16 juill. 2008, n° 300839, M. Berland et
n° 299862, SARL JMSFB : JurisData n° 2008-081358 ; Rec. CE 2008,
p. 288 ; Dr. fisc. 2008, n° 43, comm. 550, concl. C. Verot, note
M. Guichard et R. Grau ; RJF 11/2008, n° 1210).
Par la suite, il a été reconnu que, même si les dispositions de
l’article 46 quater-0 W de l’annexe III au CGI prévoient que la déclaration d’option pour le report en arrière d’un déficit doit en principe
être souscrite en même temps que la déclaration des résultats de
l’exercice dans le délai légal de déclaration, ces dispositions n’ont pas
pour effet d’interdire à une entreprise qui a déposé sa déclaration de
résultats après l’expiration de ce délai, de régulariser sa déclaration
d’option pour le report en arrière du déficit jusqu’à l’expiration du
délai de réclamation (CE, 3e et 8e ss-sect., 23 déc. 2011, n° 338773, min.
c/ Sté Maysam France : Dr. fisc. 2012, n° 23, comm. 324, concl. É.
Geffray ; RJF 2012, n° 232).
Le Conseil d’État a eu aussi à trancher deux cas dans lesquels le
pouvoir réglementaire puis la doctrine administrative avaient tenté
de se substituer au législateur pour déchoir un contribuable du droit à
un avantage fiscal au motif d’une défaillance déclarative.
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b) b)... que le pouvoir réglementaire ou la doctrine administrative
seraient en droit de combler
7 – Dans une première espèce était en jeu la possibilité, prévue par
l’ordonnance du 17 août 1967 relative à la participation des salariés
aux fruits de l’expansion des entreprises, de constituer, en franchise
d’impôt, une provision pour investissements d’un montant égal à
celui des sommes portées à la réserve spéciale de participation au
cours du même exercice. L’article 171 bis de l’annexe II au CGI créé
par décret prévoyait que la déductibilité de la provision ainsi constituée était subordonnée au respect des conditions de forme imparties
par l’article 39, 1, 5° du CGI et qu’à cet effet, le relevé des provisions
mentionné à l’article 54 du CGI devait être complété de deux états
propres à la provision pour investissements. Le Conseil d’État a jugé
que, s’il appartenait au pouvoir réglementaire de prendre les mesures
rendues nécessaires par l’application de la loi, il ne pouvait en revanche assortir d’une déchéance du droit de constituer une provision
en franchise d’impôt le manquement aux règles de forme qu’il prévoyait, sauf à instituer ainsi une condition supplémentaire non prévue par la loi, portant ainsi atteinte aux règles de l’assiette de l’impôt
que seul le législateur est compétent pour édicter ou modifier en vertu
de l’article 34 de la Constitution (CE, ass., 13 mars 1981 n° 13098 :
JurisData n° 1981-606616 ; Dr. fisc. 1989, n° 29, comm. 1472, concl.
P. Lobry ; RJF 4/1981, n° 309.–V. Instr. 2 avr. 1982 : BOI 4 N-1-82 ; Dr.
fisc. 1982, n° 17-18, instr. 7327).
A fortiori,la doctrine administrative elle-même ne peut instituer la
déchéance d’un régime fiscal pour non-respect d’obligations déclaratives. Dans l’affaire qui a permis au Conseil d’État de confirmer,
sans surprise, cette solution, des contribuables n’avaient pas porté
dans leur déclaration de revenus les gains provenant de cession d’actions. En réponse à la proposition de rectification qui leur avait été
adressée, ils avaient sollicité le bénéfice du régime d’imposition favorable de l’article 163 bis C du CGI. L’Administration avait refusé de
faire droit à leur demande, motif pris que l’instruction du 21 juin
1991 (Instr. 21 juin 1991 : BOI 5 F-9-91, § 41 ; Dr. fisc. 1991, n° 30,
instr. 10374) indiquait que « le non-respect des obligations déclaratives par la société ou le contribuable entraîne la déchéance du régime
fiscal prévu à l’article 163 bis C du CGI et l’imposition dans les conditions de droit commun de l’avantage obtenu lors de la levée de
l’option. » Contrairement aux situations évoquées précédemment, le
contribuable n’avait pas omis d’invoquer un régime fiscal favorable
auquel il pouvait prétendre ou de joindre un justificatif ou un engagement à sa déclaration mais n’avait pas déclaré le revenu pour lequel il
sollicitait a posteriori le régime fiscal favorable dont il remplissait les
conditions de fond. Constatant que le bénéfice de ce régime n’était
pas réservé par la loi aux seuls gains déclarés, le Conseil d’État a donc
conclu à l’illégalité d’une déchéance fondée sur une interprétation
administrative (CE, 8e et 3e ss-sect., 25 nov. 2009, n° 323334, M. et
Mme Lachmann : JurisData n° 2009-081569 ; Rec. CE 2009, tables
p. 684 ; Dr. fisc. 2010, n° 10, comm. 217, concl. N. Escaut, note
P. Schiele et E. Talec ; RJF 2/2010, n° 122).
Il est des cas toutefois où la loi fait du respect du délai de déclaration une condition substantielle d’obtention d’un avantage fiscal et
d’autres dans lesquels elle confère un caractère irrévocable à la faculté
offerte au contribuable de choisir entre plusieurs régimes d’imposition.
2° ... sauf disposition expresse de la loi ou exercice de sa part
d’une option
a) La loi peut conférer à l’expiration du délai de déclaration le
caractère d’une prescription
8 – La première illustration de l’exception au principe général de
possibilité de régularisation dans le délai de réclamation a été formu-
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Généralités
lée à l’occasion d’un litige portant sur l’exonération d’impôt sur les
sociétés applicable aux entreprises nouvelles (CE, 9e et 8e ss-sect.,
3 mai 1995, n° 134993, SA Gherardi : JurisData n° 1995-610114 ; RJF
6/1995, n° 709 ; BDCF 6/1995, n° 51, concl. F. Loloum). Dans cette
affaire, la requérante avait souscrit sa déclaration de résultats postérieurement à l’expiration du délai de déclaration mais dans le délai de
réclamation et soutenait qu’elle pouvait ainsi bénéficier de l’exonération d’impôt sur les sociétés en tant qu’elle constituait une entreprise
nouvelle. Toutefois, le Conseil d’État a rejeté sa demande en se fondant sur la combinaison des textes suivants :
– l’article 44 quinquies du CGI, qui présente un caractère interprétatif, prévoit que le bénéfice exonéré sur le fondement des articles
44 bis, 44 ter et 44 quater s’entend du bénéfice déclaré selon les modalités prévues à l’article 53 A ;
– l’article 53 A du CGI, qui dispose que les entreprises sont tenues
de souscrire, chaque année, une déclaration de résultats imposables
dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux dans les
conditions et délais prévus aux articles 172 et 175 ;
– l’article 223 du CGI, qui édicte que les personnes morales passibles de l’IS sont tenues de souscrire les déclarations prévues en matière de bénéfices industriels et commerciaux dans les trois mois de la
clôture de leur exercice.
Le Conseil d’État en a conclu que l’exonération prévue à
l’article 44 bis du CGI était subordonnée à la souscription de la déclaration de résultats dans les délais. La solution aurait sans doute été
inverse sans l’interprétation conférée à la notion de bénéfices exonérés par l’article 44 quinquies dans la mesure où l’article 44 bis mentionnait quant à lui les bénéfices industriels et commerciaux réalisés.
b) La loi peut laisser au contribuable la faculté de choisir entre
différentes modalités d’imposition
9 – Lorsque la loi donne au contribuable la possibilité de choisir
entre plusieurs modalités d’imposition, le choix opéré présente un
caractère irrévocable à l’expiration du délai de déclaration.
Tel est le cas de l’option pour le rattachement au foyer fiscal d’un
enfant majeur (CE, 8e et 7e ss-sect., 2 juin 1989, n° 62979, M. Bussoz :
Dr. fisc. 1990, n° 8, comm. 342 ; RJF 8-9/1989, n° 912).
Il en a été jugé de même à propos de l’imposition des produits
attachés aux bons ou contrats de capitalisation et placements de
même nature qui pouvaient être intégrés dans le revenu global annuel
du contribuable ou assujettis à un prélèvement forfaitaire libératoire,
au choix du contribuable ouvert par l’article 125 A du CGI. L’article
41 duodecies E de l’annexe III au CGI précisait que « l’option, qui est
irrévocable, est exercée au plus tard lors de l’encaissement des revenus ».
Le requérant soutenait que le pouvoir réglementaire avait ainsi outrepassé ses pouvoirs et qu’il ne pouvait restreindre un droit ou un avantage fiscal fixé par la loi.
Toutefois, selon le Conseil d’État, la faculté de choix offerte par
l’article 125 A du CGI n’instituait pas un droit ou un avantage fiscal
mais mettait en place une option qui ne pouvait être opérée après le
paiement des produits en cause, pas plus qu’elle ne pouvait être
anéantie ultérieurement, « le caractère irrévocable de ces choix se
justifiant par la nature de prélèvement à la source du prélèvement
forfaitaire libératoire, laquelle implique que le contribuable se soit
déterminé à la date d’encaissement des revenus, ainsi que par l’absence,dans le texte de la loi,de l’organisation d’une éventuelle restitution d’impôt dans le cas où le choix d’exercer l’option ou d’y renoncer
serait postérieur au paiement des revenus de capitaux mobiliers »
(CE, 8e et 3e ss-sect., 24 oct. 2014, n° 366962, M. Davidas : JurisData
n° 2014-025560 ; Dr. fisc. 2014, n° 50, comm. 675 ; BDCF 1/2015, n° 4,
concl. N. Escaut).
Auparavant, le Conseil d’État avait déjà jugé dans le même sens
concernant l’application des dispositions du I ter de l’article 160 du
Généralités
CGI qui permettaient au contribuable réalisant une plus-value lors
d’un échange de droits sociaux résultant d’une fusion, d’une scission
ou d’apports de titres de bénéficier, sur demande expresse, d’un report d’imposition, soit lorsque la fusion, la scission ou l’apport de
titres avaient été préalablement agréés, soit lorsque les droits sociaux
remis à l’échange représentaient ensemble au moins 50 % du capital
de la société et que le bénéficiaire prenait l’engagement de conserver
les titres acquis en échange pendant un délai de cinq ans à compter de
la date de l’opération (CE, 9e et 10e ss-sect., 14 févr. 2001, n° 198470,
M. La Bruyère : JurisData n° 2001-061677 ; Dr. fisc. 2001, n° 16,
comm. 368 ; RJF 5/2001, n° 621).
Dans cette affaire, le contribuable n’avait pas mentionné dans sa
déclaration de revenus la plus-value d’apport de droits sociaux et
avait sollicité le bénéfice du report d’imposition, dont la plus-value
remplissait les conditions de fond, dans le délai de réclamation
contentieuse pour s’opposer à la rectification opérée par le Service.
La Haute assemblée a refusé de faire droit à cette demande alors
même que le texte de l’article 160 n’édictait aucune règle relative au
délai dans lequel la demande expresse du report d’imposition devait
être formulée. Bien plus, il ne pouvait être inféré d’autres dispositions
du CGI auxquelles l’article 160 aurait pu renvoyer que la demande
devait nécessairement être formulée, sous peine d’irrecevabilité, au
moment de la souscription de la déclaration.
Toutefois, bien que le mot « option » ne soit pas employé par
l’article 160 du CGI, le contribuable disposait bien d’un choix entre
l’imposition immédiate de la plus-value ou le sursis d’imposition de
cette plus-value sans que ce choix institue un droit ou un avantage
fiscal à son profit. Les commentaires expliquaient la décision du
Conseil d’État, soit par la difficulté qu’aurait fait naître une solution
contraire au regard du caractère rétroactif qu’aurait revêtu alors l’engagement de conservation des titres, soit par le caractère dérogatoire
du sursis d’imposition lié à l’agrément préalable de l’opération donnant lieu à l’échange de droits sociaux. Il nous semble cependant que
c’est bien l’existence d’une option offerte au contribuable qui explique que, à l’inverse de la solution retenue dans les décisions Thomas et Berland précitées, l’absence de production du document
matérialisant le point de départ de l’engagement de conservation
avant l’expiration du délai de déclaration a été regardé comme faisant
obstacle à l’application de l’avantage fiscal sollicité, malgré le silence
des dispositions légales applicables.
C’est d’ailleurs sur les contours de la notion d’option que la décision SICLI apparaît tout particulièrement intéressante.
B. - Les apports de la décision SICLI
10 – La contribution économique territoriale,en se substituant à la
taxe professionnelle, a définitivement abandonné la taxation des
équipements et biens mobiliers. Anticipant la fin de la taxation de ces
investissements, le législateur avait introduit, au I de l’ancien
article 1647 C quinquies du CGI un dispositif de dégrèvement des
investissements nouveaux (DIN) aux termes duquel « pour bénéficier
du dégrèvement, les redevables indiquent chaque année sur les déclarations prévues à l’article 1477 la valeur locative et l’adresse des biens
éligibles ». L’article 1477 du même code disposait « I. Les contribuables doivent déclarer les bases de taxe professionnelle avant le 1er mai
de l’année précédant celle de l’imposition (...) ».
La SCS SICLI avait omis de déclarer les investissements éligibles au
DIN dans sa déclaration de taxe professionnelle au titre des années
2007 et 2008. Elle avait alors sollicité le bénéfice du DIN par voie de
réclamation avant le 31 décembre de l’année suivant celle de la mise
en recouvrement des rôles pour plusieurs de ses établissements. Si
certaines réclamations ont été favorablement accueillies et ont abouti
à un dégrèvement,d’autres ont été rejetées au motif que le bénéfice du
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DIN aurait été subordonné à la souscription, dans les délais, de la
déclaration prévue à l’article 1477 du CGI.
La différence de traitement au regard des mêmes réclamations
pourvues d’une identité de cause et d’objet présentées par le même
contribuable ne pouvait qu’être combattue : non seulement en ce
qu’elle révélait une différence d’appréciation de la règle de droit applicable selon le service des impôts des entreprises territorialement
compétent,mais,surtout,en ce que le motif du rejet était dépourvu de
fondement légal.
Alors que le tribunal administratif de Montreuil (TA Montreuil,
21 févr. 2012, n° 1007713, SCS SICLI) avait rejeté la demande de la
société en faisant sienne la position de l’Administration, la cour administrative d’appel deVersailles (CAAVersailles, 3e ch., 18 juill. 2013,
n° 12VE01587, SCS SICLI : RJF 12/2013, n° 1153) avait statué en sens
contraire en considérant que la circonstance que la société eût omis de
porter, dans les déclarations prévues à l’article 1477 du CGI, la valeur
locative et l’adresse des biens qu’elle estimait éligibles au mécanisme
du DIN, ne faisait pas obstacle à ce qu’elle en sollicitât le bénéfice par
voie de réclamation contentieuse.
Le pourvoi formé par le ministre dans cette affaire a permis au
Conseil d’État de poser le considérant de principe suivant : « les dispositions qui prévoient que le bénéfice d’un avantage fiscal est demandé par voie déclarative n’ont, en principe, pas pour effet
d’interdire au contribuable de régulariser sa situation dans le délai
prévu à l’article R. 196-2 du Livre des procédures fiscales, sauf si la loi
a prévu que l’absence de demande dans le délai de déclaration entraîne la déchéance du droit à cet avantage, ou lorsqu’elle offre au
contribuable une option entre différentes modalités d’imposition ».
Ainsi, le Conseil d’État a rappelé clairement les deux situations
alternatives dans lesquelles le contribuable ne peut solliciter le bénéfice d’un avantage fiscal par voie de réclamation contentieuse :
– soit lorsque le législateur a expressément prévu la déchéance du
droit à un avantage fiscal en cas de carence du contribuable dans le
délai de déclaration ;
– soit lorsque, au moment de sa déclaration, le contribuable dispose d’un choix entre plusieurs modalités d’imposition, l’option
exercée présentant alors un caractère irrévocable.
À défaut d’être placé dans l’une de ces deux situations, le contribuable est en droit de solliciter, dans le délai de réclamation, le bénéfice d’un avantage fiscal dont il aurait omis de faire état dans sa
déclaration, qu’il ait souscrit une déclaration lacunaire ou qu’il ait
failli à son obligation déclarative.
Au cas présent et s’agissant du premier point, ni l’article 1647 C
quinquies ni l’article 1447 du CGI ne prévoyaient que la méconnaissance de l’obligation de déclarer les biens éligibles avant le 1er mai de
l’année précédant celle de l’imposition était sanctionnée par la déchéance de ce droit. Et, comme l’a souligné le rapporteur public dans
ses conclusions (non reproduites), il ne ressort nullement des travaux
préparatoires de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 que le législateur
ait voulu écarter du bénéfice du dégrèvement les contribuables ayant
omis d’indiquer, avant le 1er mai, qu’ils avaient acquis des biens ouvrant droit à cet avantage. Bien au contraire, le Conseil d’État a considéré que la mention formelle prévue par l’article 1647 quinquies des
investissements nouveaux dans la déclaration de taxe professionnelle
avait « pour objet de permettre à l’administration fiscale de s’assurer
de l’éligibilité des immobilisations concernées au dégrèvement ainsi
que de son montant ». En d’autres termes, les obligations déclaratives
mises à la charge des contribuables constituent une modalité d’exercice du contrôle de l’Administration et non une formalité substantielle d’obtention du dégrèvement.
L’examen du second point constitue le principal intérêt de la décision en ce qu’il a permis de trancher le point de savoir si le caractère
alternatif d’avantages fiscaux offerts au contribuable caractérisait
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une « option » ouverte à ce dernier. Plus précisément, le dernier alinéa du I de l’article 1647 C quinquies prévoyant que le bénéfice du
DIN était exclusif des autres dégrèvements mentionnés aux articles
1647 C à 1647 C quater du CGI susceptibles d’être appliqués en matière de taxe professionnelle, fallait-il en conclure que la société SICLI
avait exercé une option en ne le sollicitant pas dans sa déclaration ?
Comme l’a relevé le rapporteur public, la SCS SICLI n’avait, au cas
présent, sollicité le bénéfice d’aucun dispositif dans sa déclaration de
taxe professionnelle. Elle ne pouvait donc être regardée comme ayant
formulé une « option » en faveur d’un dispositif mais plutôt comme
ayant omis de solliciter,dans le délai de déclaration,le bénéfice de l’un
des avantages fiscaux qui lui était offert. Dans l’hypothèse où la société SICLI aurait obtenu un dégrèvement de taxe professionnelle
fondé sur un autre dispositif que le DIN, le sens de la décision en
aurait-il été modifié ? Rien ne semble pouvoir permettre de l’affirmer, le choix pour l’un des dégrèvements ne présentant pas un caractère irrévocable : il apparaît en effet que l’objectif poursuivi par le
législateur est celui d’éviter un cumul d’aide, non de priver le contribuable du droit à renoncer à un dispositif pour pouvoir profiter d’une
autre mesure fiscale favorable, sous réserve bien entendu que cette
demande de substitution intervienne dans le délai de réclamation.
Mais au-delà des précisions apportées quant à l’existence ou non
d’une option offerte par la loi, la décision SICLI peut aussi constituer
le point de départ d’une réflexion sur la portée de la jurisprudence du
Conseil d’État au regard d’autres dispositifs offrant au contribuable
« un droit ou un avantage fiscal ».
2. Au-delà des cas déjà tranchés par le
Conseil d’État, d’autres dispositifs
pourraient donner lieu à application
de ce principe
11 – Ainsi que la revue de jurisprudence succincte effectuée cidessus le confirme, c’est la volonté du législateur, telle qu’elle ressort
de la rédaction du texte en cause, qui permet au Conseil d’État de
déterminer si l’extinction du délai de déclaration emporte extinction
d’un droit pour le contribuable, i.e. la prescription de son droit à
corriger une défaillance déclarative ou à revenir sur le choix opéré
entre différentes modalités d’imposition.
Au-delà des cas déjà tranchés par la Haute assemblée, il a semblé
intéressant de s’arrêter sur trois dispositifs instituant un droit ou un
avantage fiscal en faveur du contribuable et dont la rédaction illustre
les différents cas de figure susceptibles d’être rencontrés.
A. - Le silence de la loi : le crédit d’impôt recherche
12 – Le I de l’article 244 quater B du CGI, dans sa rédaction issue
du décret n° 2015-608 du 3 juin 2015 prévoit que « Les entreprises
industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice
réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44
septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies
peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche
qu’elles exposent au cours de l’année »,tandis que leVI du même article
précise que « Un décret fixe les conditions d’application du présent
article ».
À cet égard, l’article 49 septies M de l’annexe III au CGI dispose
que « les entreprises souscrivent une déclaration spéciale conforme à un
modèle établi par l’Administration », avec le relevé de solde prévu à
l’article 360 de l’annexe III au CGI pour les personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés et, pour les autres entreprises, « dans
les mêmes délais que la déclaration annuelle de résultat qu’elles sont
tenues de souscrire en application de l’article 53 A du Code général des
impôts. »
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REVUE DE DROIT FISCAL N° 37. 10 SEPTEMBRE 2015
Généralités
L’article 360 de l’annexe III au CGI ne mentionne aucun délai
pour la fourniture du relevé de solde et ne renvoie pas à une autre
disposition qui fixerait un tel délai. Il y a donc lieu d’en conclure que,
pour les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés,dans le
silence de la loi, l’absence de souscription ou la souscription erronée
de la déclaration spéciale peut être rectifiée jusqu’à l’expiration du
délai de réclamation.
En revanche, sur le fondement de la jurisprudence Gherardi, la
référence faite à l’article 53 A par l’article 49 septies M pour les entreprises qui ne relèvent pas de l’impôt sur les sociétés pourrait laisser
craindre que l’admission de la déclaration spéciale soit subordonnée
à ce qu’elle soit souscrite dans le délai de la déclaration de résultats.
Toutefois, à la différence de l’affaire Gherardi, ce n’est pas un texte
législatif (CGI, art. 44 quinquies) qui renvoie à un autre texte législatif
(l’article 53 A) mais un texte réglementaire (CGI, ann. III, art. 49
septies M) qui institue le renvoi à l’article 53 A. Or, le VI de
l’article 244 quater B a confié au pouvoir réglementaire le soin de fixer
les conditions d’application du texte, non d’en prévoir les conditions
de déchéance. Dès lors, il paraît possible de soutenir que l’article 49
septies M de l’annexe III ne peut instituer la prescription du droit au
crédit d’impôt recherche du fait de l’absence de souscription de la
déclaration spéciale dans le délai de souscription de la déclaration de
résultats, sauf à empiéter sur les attributions du pouvoir législatif en
contravention des dispositions de l’article 34 de la Constitution.
B. - L’instauration d’une option : le crédit d’impôt en
faveur des investissements productifs outre-mer
13 – Créé par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 et modifié
par la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, le crédit d’impôt en
faveur des investissements productifs outre-mer est codifié à
l’article 244 quater W du CGI, dont le V est ainsi rédigé :
« 1. Lorsque l’entreprise ou l’organisme qui exploite l’investissement
réalise un chiffre d’affaires, apprécié selon les règles définies au premier
alinéa du I de l’article 199 undecies B, inférieur à 20 millions d’euros, le
bénéfice du crédit d’impôt est subordonné à l’exercice d’une option.
Cette option est exercée par investissement et s’applique à l’ensemble
des autres investissements d’un même programme. L’option est exercée
par l’entreprise ou l’organisme qui exploite l’investissement, au plus
tard à la date à laquelle celui-ci est mis en service ou est mis à sa disposition dans les cas mentionnés au 3 et au 2° du 4 du I ; l’option est alors
portée à la connaissance du loueur ou du crédit-bailleur. Elle est formalisée dans la déclaration de résultat de l’exercice au cours duquel l’investissement a été mis en service ou mis à disposition et est jointe à la
déclaration de résultat du loueur ou du crédit-bailleur de ce même exercice.
2. L’exercice de l’option mentionnée au 1 emporte renonciation au
bénéfice des dispositifs définis aux articles 199 undecies B et 217
undecies. »
Conformément aux principes dégagés par le Conseil d’État, le
contribuable qui entend bénéficier du crédit d’impôt en cause dispose d’une option qu’il devra nécessairement formuler dans le délai
de déclaration. Au-delà de ce délai, son choix sera considéré comme
irrévocable et il ne pourra régulariser une éventuelle carence ou défaillance déclarative. Toutefois les « options » ne sont pas toutes de
même nature...
C. - Un cas particulier : le report en arrière du déficit
14 – Dans sa rédaction applicable aux faits ayant donné lieu à la
décision Maysam précitée, soit 1999, le I de l’article 220 quinquies
disposait que « Par dérogation aux dispositions des troisième et quatrième alinéa du I de l’article 209, le déficit constaté au titre d’un exercice
ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l’im-
Généralités
pôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge
déductible du bénéfice de l’antépénultième exercice et, le cas échéant, de
celui de l’avant-dernier exercice puis de celui de l’exercice précédent,
dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l’exclusion
des bénéfices exonérés en application des articles 44 bis, 44 septies et 207
à 208 sexies ou qui ont bénéficié des dispositions du premier alinéa du f
du I de l’article 219 ou qui ont ouvert droit au crédit d’impôt prévu aux
articles 220 quater et 220 quater A ou qui ont donné lieu à un impôt payé
au moyen d’avoirs fiscaux ou de crédits d’impôts. » Or, dans les décisions Bussoz, Davidas et Labruyère citées ci-dessus, l’existence d’une
option, même non formulée expressément par la loi, avait été jugée
comme marquant un choix irrévocable du contribuable, insusceptible d’être rectifié après l’expiration du délai de déclaration. Le
Conseil d’État a toutefois fait prévaloir la qualification de réclamation
contentieuse conférée à la déclaration d’option pour le report en arrière des déficits sur celle de support d’expression d’un choix entre
deux modalités d’imputation de déficits. Il en a déduit qu’elle relevait
des dispositions de l’article L. 190 du LPF et qu’elle pouvait donc
s’exercer dans les formes, conditions et délais prévus au même livre
(CE, 8e et 9e ss-sect., 30 juin 1997, n° 178742, SA Sectronic : JurisData
n° 1997-045738 ; Dr. fisc. 1997, n° 50, comm. 1301 ; RJF 8-9/1997,
n° 776, concl. J. Arrighi de Casanova, p. 511. – CE, 10e et 9e ss-sect.,
19 déc. 2007, n° 285588 et n° 294358, SA Vérimédia : JurisData
n° 2007-081243 ; Dr. fisc. 2008, n° 7, comm. 173, concl. C. Landais,
note J.-L. Pierre ; RJF 3/2008, n° 347, chron. J. Burguburu, p. 211).
Ainsi que l’écrivait Claire Landais dans ses conclusions sous l’affaire
Verimedia à propos de la solution dégagée par la décision Sectronic,
l’assimilation de la déclaration d’option à une réclamation au sens de
l’article L 190 du LPF a été opérée « de façon quelque peu artificielle
(...) pour lui appliquer les règles du contentieux fiscal ».
Il n’en demeure pas moins que, malgré les différences notables
dans les circonstances de fait ayant donné lieu aux décisions Sectronic,
539
Verimedia et Maysam, la rédaction de l’article 220 quinquies du CGI
était quant à elle restée, peu ou prou, identique.
Or, l’article 2 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 a introduit la phrase suivante au II de l’article 220 quinquies : « L’option
visée au I est exercée au titre de l’exercice au cours duquel le déficit est
constaté et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la
déclaration de résultats de cet exercice ».
À la lumière des objectifs poursuivis par le projet de loi et qui sont
ainsi exprimés par le rapport de la Commission des finances de l’Assemblée nationale (« l’option devra désormais être exercée dans le
délai de dépôt de la déclaration de résultats de l’exercice au cours
duquel le déficit reporté est constaté et ne pourra porter que sur le
déficit constaté au titre de l’exercice. Le report en arrière ne sera donc
plus possible qu’au titre du déficit du dernier exercice déclaré. ») et
plus encore par le rapport de la Commission des finances du Sénat
(« revenir sur certains aspects de la jurisprudence du Conseil d’État
(...) qui contribue à assouplir les régimes existants »), il peut être
inféré que la nouvelle rédaction du II de l’article 220 quinquies pourrait être interprétée comme instituant une prescription du droit à
l’option pour le report en arrière du déficit à l’expiration du délai de
dépôt de la déclaration de résultats,à l’instar de la conclusion tirée par
le Conseil d’État de la combinaison des articles 44 septies et 53 A dans
l’affaire Gherardi précitée.
Charles Ménard,
avocat associé, EY Société d’avocats,
Tax Controversy Leader France pour EY
Benjamin Bardet,
avocat, directeur associé,
EY Société d’avocats
Mots-Clés : Avantages fiscaux - Obligations déclaratives - Nonrespect - Portée - Possibilité d’obtention dans le délai de réclamation
(oui)
JurisClasseur : Procédures fiscales, Fasc. 410
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