Biographies, interviews ( in French )…
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Festival de Marseille – danse et arts multiples MARDI 28 JUIN 24 juin › 19 juillet 2016 MACBETH Bret t Bailey 20:30 MERCREDI 29 JUIN Afrique du Sud | Création 2014 COMPAGNIE Third ARTISTIQUE ET MISE EN SCÈNE CONCEPTION, DIRECTION Brett Bailey Cassol, d’après Macbeth de Verdi 20:30 Premil Petrovic DURÉE World Bunfight 100’ LE SILO Natalie Fisher CRÉATION LUMIÈRE INTERPRÉTATION MUSIQUE Fabrizio DIRECTION MUSICALE Felice Ross CHORÉGRAPHIE Owen Metsileng ( Macbeth ), Nobulumko Mngxekeza ( Lady Macbeth ), avec 8 chanteurs d’opéra Otto Maidi ( Banquo ) Sandile Kamle, Jacqueline Spectacle en italien surtitré en français Manciya, Monde Masimini, Lunga Hallam, Bulelani Madondile, Philisa Sibeko, Thomakazi Holland et le À Goma, des réfugiés trouvent une malle ren- TA R I F S No Borders Orchestra ( Ex-Yougoslavie ) : Stanko Madic fermant les costumes de Macbeth. Ils décident ( premier violon ), Jelena Dimitrijevic ( second violon ), de monter le spectacle en s’exclamant : « Cette Catégorie 1 : 31 / 20 / 10 / 5 € Catégorie 2 : 25 / 15 / 10 / 5 € Abonnement : spectacle A Sasa Mirkovic ( alto ), Dejan Bozic ( violoncelle ), Ilin Dime Dimovski ( contrebasse ), Jasna Nadles ( flûte ), Aleksandar Tasic ( clarinette ), Ivan Jotic ( basson ), Nenad Markovic ( trompette ), Viktor Ilieski ( trombone ) Adams, Dylan Tabisher ADMINISTRATION Munoz Pule Sethlako RÉGIE LUMIÈRE DIRECTION TECHNIQUE Catherine Henegan RÉGIE SON ILLUSTRATION ET ANIMATION VIDÉO Miguel RÉGIE PLATEAU ASSISTANT TECHNIQUE ET VIDÉO Tal Bitton Cherilee DIRECTION DE LA PRODUCTION ET Barbara Mathers RÉGIE GÉNÉRALE PERCUSSIONS Carlo Thompson Pierre-Olivier Boulant Roger Williams PROJECTION histoire est la nôtre ! » Et voilà comment, en un clin d’œil, Brett Bailey, sa troupe de chanteurs lyriques sud-africains, sa compagnie Third World Bunfight et le No Borders Orchestra, dirigé par le Serbe Premil Petrovic, transportent la fable de Shakespeare et la musique de Verdi au Congo d’aujourd’hui. Le décor change mais pas le tyran Macbeth qui, kalachnikov en bandoulière, trouve une seconde vie sous les traits d’un commandant de milice au verbe cru. Oui, la passion du pouvoir est tou- DES PHOTOS Marcus Bleasdale/VII, Cedric Gerbehaye jours l’actualité de cet opéra réinventé comme SUR-TITRAGE Brett Bailey une virulente satire du néocolonialisme. Salvoldi ACCESSOIRES COORDINATION COSTUMES ADMINISTRATION ET PRODUCTION Stephane Payen Penny Simpson Helena Erasmus PHOTOGRAPHES PRODUCTEURS INTERNATIONAUX Cristina Domenica ASSISTANTE COPISTE Morne Van Zyl, Brett Bailey Quaternaire ( Paris ) ; Arts Projects Australia ( Unley, AU ) théâtre musical Spectacle présenté en partenariat avec le Festival de Naples ; en coprésentation avec le Festival d’Aix-en-Provence PRODUCTION Third World Bunfight ( Le Cap ) COPRODUCTION Kunstenfestivaldesarts ( Bruxelles ) ; Wiener Festwochen ( Vienne ) ; Theaterformen Festival ( Braunschweig , DE ) ; The Barbican ( Londres ) ; La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-laVallée ; Festival d’automne à Paris SOUTIEN Programme Culture de l’Union européenne. Festival de Marseille – danse et arts multiples 24 juin › 19 juillet 2016 Macbeth Brett Bailey parcours Brett Bailey Né en Afrique du Sud à la fin des années 1960, Brett Bailey a connu l’apartheid. Auteur dramatique, metteur en scène, scénographe, il fonde en 1995 la compagnie Third World Bunfight et travaille notamment en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en Ouganda, à Haïti, au Royaume-Uni et en Europe. À travers diverses formes artistiques, installations, performances, pièces de théâtre, opéras ou spectacles musicaux, son œuvre questionne les dynamiques du monde postcolonial et les relations de pouvoir et d’assujettissement qui perdurent entre l’Occident et le continent africain. Qu’il s’intéresse au parcours du dictateur ougandais Idi Amin Dada dans Big Dada ou aux origines des inégalités raciales en Afrique du Sud dans Terminal (Blood Diamonds), Bailey questionne sans relâche la responsabilité de l’Occident dans la situation actuelle de l’Afrique, mais aussi plus largement ce qui, consciemment ou inconsciemment, « colonise » toujours les esprits : ce racisme ordinaire qui légitime encore aujourd’hui la violence faite aux étrangers et aux autres, à l’image de la société ségrégationniste dans laquelle Brett Bailey a grandi. Son travail iconoclaste a été présenté en Europe, en Australie et en Afrique. On le découvre en France avec Exhibit B, bouleversante exposition vivante qui déchaîne la polémique. Il remporte de nombreux prix, notamment la médaille d’or de la Quadriennale de Prague en 2007, siège au comité de sélection théâtre du National Arts Festival de Grahamstown, en Afrique du Sud, et est invité en 2014 par l’International Theater Institute (ITI) à prononcer le message international de la Journée du théâtre à l’Unesco. Fabrizio Cassol Compositeur et saxophoniste du groupe Aka Moon depuis vingt ans, Fabrizio Cassol travaille avec des chorégraphes tels Alain Platel, Anne Teresa De Keersmaeker, Lemi Ponifasio et Faustin Linyekula. Il touche également à l’opéra avec Philippe Boesmans, Luc Bondy ou au théâtre avec Tg STAN. Depuis 2012, il est en résidence à la Fondation de l’abbaye de Royaumont, près de Paris, où il prolonge l’étude des cultures du monde, sa création la plus récente étant AlefBa, avec des musiciens d’Égypte, de Syrie, du Liban, d’Irak et de Turquie. Cet intérêt pour les musiques non européennes est lié à un voyage déterminant qu’il a fait chez les Pygmées Aka, en République centrafricaine, en 1992, et à de nombreux voyages en Asie, principalement en Inde, et en Afrique, où il travaille notamment avec la diva malienne Oumou Sangaré, le griot Baba Sissoko et les Black Machine, le maître percussionniste indien U. K. Sivaraman et le Sénégalais Doudou N’diaye Rose. Il approche également la scène des musiques improvisées et travaille avec Mark Turner, Robin Eubanks, David Gilmore, Magic Malik, Marc Ducret et Joe Lovano. Avec le DJ Grazzhoppa, il crée le premier big band de 14 DJs, et avec le fabricant d’instruments François Louis, il participe à la conception de l’aulochrome, premier instrument à vent chromatiquement polyphonique. Sa pratique des expressions issues de l’oralité et de l’écriture, de la musique de chambre aux œuvres symphoniques, l’amène à donner régulièrement des ateliers ou des master classes un peu partout dans le monde, comme au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, à la Royal Academy de Londres, aux Conservatoires de Jérusalem, Alger, Beijing, Berlin, Chennai, Tunis et à Royaumont. Owen Metsinleng Owen Metsileng est né en 1987 dans le village de Manamakgotha, en Afrique du Sud. Issu d’une famille de musiciens, il commence à chanter très jeune à l’église et dans les chorales scolaires, puis se il dirige vers la musique classique. Il prend part à plusieurs concours de chant, notamment la Tirisano Choral Eisteddfod Competition, est sacré champion national de la compétition SACMA 2007 et il est finaliste du concours Belvedere 2014. Membre du Black Tie Ensemble de 2006 à 2008, il rejoint ensuite le Cape Town Opera, dont il suit le programme de formation en 2010 et où il chante dans plusieurs productions (Le Dancaïre dans Carmen, Barone Douphol dans La Traviata, Marcello dans La Bohème, Jake, pendant la tournée au RoyaumeUni du Porgy and Bess de Gershwin). En septembre 2012, Owen Metsinleng se produit avec l’Orchestra Victoria aux concerts de gala du Cape Town Opera, au Hamer Hall de Melbourne. Festival de Marseille – danse et arts multiples 24 juin › 19 juillet 2016 Macbeth Brett Bailey Nobulumko Mngxekeza Eisler, à Berlin, obtient plusieurs bourses d’étude – notamment la Heinrich Böll, ainsi que la prestigieuse « Musik Theater Heute » de l’Akademie der Deutschen Bank. Figure majeure de la scène musicale de sa Serbie natale, il lance en 1996 le théâtre musical au cinéma REX, qui compte parmi les lieux culturels les plus importants et politiquement engagés de Belgrade, dans les années 1990. Résidant à Berlin, il dirige plusieurs orchestres à travers le monde et présente son travail dans des festivals internationaux. Son répertoire inclut des interprétations historiques de musiques anciennes, d’opéras classico-romantiques et de répertoires symphoniques, ainsi qu’un grand nombre de premières mondiales de musique contemporaine. Il reçoit le First Hanns Eisler Award à Berlin. Il est très lié à la musique d’Isidora Žebeljan, une des plus célèbres compositrices serbes de musique contemporaine. Premil travaille notamment avec Bruce LaBruce, pour le théâtre musical expérimental Pierrot lunaire, présenté au Hau 1, à Berlin, puis pour le film du même nom qui recevra le Teddy Award de la Berlinale 2014 et pour lequel Premil enregistre une nouvelle interprétation de la musique de Schoenberg. Nobulumko Mngxekeza est née en 1981 à Queenstown, une petite ville d’Afrique du Sud. Elle commence la musique à la chorale de son lycée, puis rejoint en 2001 la formation Musique de l’Université du Cap où elle suit les enseignements de Virginia Davids, Sidwill Hartman, Marisa Mavchio et Angela Gobatto. Elle a notamment joué Micaëla dans Carmen, Bess dans Porgy and Bess, Pamina dans Die Zauberflöte / La Flûte enchantée et Anna dans Nabucco. Nobulumko Mngxekeza a travaillé avec l’Isango Ensemble, avec qui elle joue Impempe Yomlingo (La Flûte enchantée), Abanxaxhi (La Bohème), Aesop’s Fables et The Ragged Trouser Philanthropists. Elle a aussi chanté pour les tournées internationales des productions du Cape Town Opera, dont elle a par ailleurs suivi la formation Studio. Otto Maidi Otto Maidi commence le chant très jeune, à l’école, à l’église et dans plusieurs chorales. Il suit les cours de chant de la Pretoria Technikon Opera School, sous Pierre du Toit, puis s’installe au Texas où il se forme auprès de Barbara Hill Moore, à la Southern Methodist University de Dallas, et où il obtient un diplôme de chant. Il interprète le père de Zeno dans Zeno @ 4 am et Confessions of Zeno, Sacristan dans Tosca, Bonzo dans Madame Butterfly, Colline dans La Bohème, Peter dans Hansel et Gretel, Crown dans Porgy and Bess, Olin Blitch dans Susannah, Banco dans Macbeth, Ramfis dans Aïda, Vodník dans Rusalka, Dulcamara dans L’Elisir d’amore, et un très remarqué Joe dans Show Boat. Otto Maidi a notamment chanté avec le Cape Town Philharmonic Orchestra, la Turtle Creek Chorale (Dallas, Texas, au Meyerson Symphony Center) et le Meadows Symphony Orchestra. Il a aussi chanté les oratorios suivants : Verdi - Requiem, Brahms - Requiem, Mozart - Requiem, Charles Gounod - Messe solennelle, Rossini - Stabat Mater, Telemann - TWV 1:884 « Ich will den Kreuzweg gerne gehen ». Premil Petrovic Premil Petrovic est fondateur, directeur artistique et chef d’orchestre du No Borders Orchestra. Il se forme avec Winfried Müller à l’Académie de musique Hanns rencontre avec Brett Bailey Vous avez déjà monté Macbeth à plusieurs reprises. Pourquoi cette nouvelle version ? Brett Bailey : J’avais travaillé auparavant avec une troupe d’opéra locale qui était assez conservatrice, avec des orientations commerciales. Il y avait des restrictions sur ce que je pouvais faire. J’ai voulu monter Macbeth à ma manière. Je voulais une pièce plus réduite – comme vous le savez, la musique a été adaptée – pour en faire un opéra pour un ensemble réduit. Comment avez-vous travaillé à partir de l’œuvre originale ? Avez-vous fait des coupes ? B. B : Oui, mais j’ai toujours fait des coupes en montant cet opéra. Je l’ai monté deux fois avec un grand orchestre. On est passé de 45 musiciens, la dernière fois, à 12 musiciens aujourd’hui. J’ai coupé des morceaux entiers. J’ai aussi déplacé certaines scènes. Par exemple, au début de l’acte III, il y a le chœur des réfugiés : « Patria oppressa ». J’ai créé un dispositif dans lequel un groupe de réfugiés raconte l’histoire de Macbeth, et ce « Patria oppressa » me sert de cadre. Je l’ai tiré de l’acte III pour le mettre en ouverture et en clôture de l’opéra. Festival de Marseille - danse et arts multiples 24 juin › 19 juillet 2016 Macbeth Brett Bailey Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif ? Comment avez-vous travaillé avec le compositeur Fabrizio Cassol ? B. B : Une troupe de comédiens réfugiés a fui les combats dans les villages du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo. Ils s’installent à Goma, la capitale régionale. Des dizaines de milliers de réfugiés s’y trouvent. La troupe découvre une malle pleine d’accessoires et de costumes, de livrets et de vieux enregistrements de Macbeth… En passant en revue ces objets, ils se rendent compte qu’ils font écho à leur propre histoire. Ils utilisent ce matériau pour raconter leur histoire, leur situation dans leur pays. Quels sont ces échos ? B. B : Dans Macbeth comme en République démocratique du Congo, il s’agit d’un pays en état de guerre. Des chefs de milice apparaissent, se battent pour le pouvoir, se trahissent, sont vaincus. Dans la pièce de Shakespeare, on voit un chef de milice qui, avec sa femme, est rongé par l’ambition. Dans un accès de faiblesse, il tue son roi et prend le pouvoir. Dès que son règne est menacé, il sombre dans la violence absolue. Le conflit au Congo est le terrain de jeu de tant de milices différentes, d’armées et de factions. Bon nombre d’entre elles viennent ou reçoivent des fonds des États voisins comme le Rwanda et l’Ouganda. D’autres sont apparues sur place. Et bien sûr, la Force nationale de défense congolaise est aussi complètement impliquée dans les pillages et la violence. Les factions ne cessent de changer d’orientation, de se retourner les unes contre les autres, les chefs sont tués et certains se retrouvent devant la Cour pénale internationale de La Haye. Dans Macbeth, un groupe de sorcières déstabilise aussi la situation. Vous vous souvenez qu’au début, les deux généraux, Macbeth et Banquo, sont de retour de la guerre, lorsqu’ils rencontrent les sorcières qui sèment le vent de la corruption dans l’esprit de Macbeth. Cela m’intriguait de savoir d’où ces sorcières venaient, qui elles étaient, quel était leur but… Dans le conflit au Congo, qui entretient le feu de la guerre ? Je me suis intéressé aux multinationales qui luttent pour accéder aux ressources du Congo, qui sont prêtes à tout pour mettre la main dessus, qui ont financé la milice brutale qui a commis ces atrocités pour avoir accès aux minéraux dont ils tirent profit. Les représentants de l’une de ces multinationales sont mes sorcières. À la fin du Macbeth original, l’ordre est finalement rétabli. Comment avez-vous abordé cette fin ? B. B : J’ai coupé ces scènes ! Je ne suis pas un partisan du retour à la normale. Surtout au Congo, cela ne va tout simplement pas se produire. Il n’y a pas de fin à ce cycle du désespoir. Chaque fois qu’une milice est vaincue, une autre apparaît – le serpent a plusieurs têtes. La pièce de Shakespeare se termine sur la mort de Macbeth et le couronnement de Malcolm, fils du roi Duncan assassiné. Mon opéra se termine avec le corps de Macbeth sur scène et les sorcières qui attendent à l’arrière-plan l’arrivée du nouveau Macbeth. B. B : Je cherchais quelqu’un qui ait une expérience du théâtre musical, qui soit à la fois compositeur et musicien, qui ait eu accès à la musique africaine. Ce type de personnes est assez rare. Fabrizio a toutes ces qualités. Je voulais qu’il apporte une résonnance africaine à Macbeth, mais il a trouvé cela très difficile. Il dit que la musique africaine est complètement différente en matière de rythme et de structure. Mais la texture africaine apparaît quand même par endroits. Fabrizio est un musicien incroyablement sensible, il s’intéresse à la psychologie de la musique. Il parle beaucoup de « vibrations ». On peut vraiment remarquer la façon dont il utilise les cordes dans l’orchestre : on a une toute petite section de cordes, cinq instruments sur douze musiciens, et ces cordes rôdent comme des insectes tout le temps, elles bourdonnent et vrombissent, c’est vraiment extraordinaire. Il amène une vraie dimension mystique à la musique. Je ne voulais pas la lourdeur de Verdi. La pureté de l’opéra ne m’intéresse pas. J’écoute de la pop plus que du classique. Je suis impressionné par la beauté de l’œuvre de Verdi mais je ne veux pas travailler avec l’architecture pesante d’un opéra du xixe siècle. Je veux quelque chose qui bouge rapidement, où la musique change constamment, où l’histoire ne cesse pas d’avancer. Quelle est votre situation en tant qu’artiste aujour d’hui en Afrique du Sud ? Et celle des artistes sud-africains en général ? B. B : C’est vraiment dur, en Afrique du Sud, il n’y a pas beaucoup d’argent. Il y a des festivals artistiques mais il faut souvent lever les fonds soi-même pour s’y présenter. Il y a peu de théâtres qui produisent, la plupart se contentent de présenter des œuvres. Il y a très peu d’argent public ou privé pour l’art. Les artistes sud-africains ont longtemps dépendu de contributions de donateurs ou d’associations étrangers, mais les fonds de ces institutions se sont asséchés avec la crise financière mondiale. En conséquence, il y a plus d’œuvres commerciales, parce que les gens doivent remplir les salles. Cela s’accompagne d’un certain conservatisme. Il y a toujours des œuvres de qualité qui sortent du pays et des choses intéressantes qui se passent dans les marges, mais ce n’est plus le bouillonnement d’il y a dix ans, quand il y avait beaucoup plus d’argent. propos recueillis par Barbara Turquier Festival de Marseille – danse et arts multiples rencontre avec fabrizio cassol En tant que directeur musical et compositeur, respectivement, de Coup Fatal et de Macbeth, pouvez-vous nous dire en quoi ces deux spectacles se ressemblent et en quoi ils diffèrent ? Comment se répondent-ils, présentés dans un même festival ? F. C : Bien que complètement différents, ils sont un peu les deux faces d’une même pièce. Tout d’abord, les deux parlent du Congo. Dans Macbeth, Brett Bailey observe ce pays depuis l’Afrique du Sud, avec des interprètes sud-africains, et il en fait une œuvre artistique et politique. Il y a ici une forme de ricochet qui passe par l’Afrique et qui est plutôt rare, plusieurs visions qui se rejoignent dans cette observation. Coup Fatal est une explosion de joie, même si la pièce a ses côtés sombres qui dévoilent progressivement d’autres aspects, c’est-à-dire la douleur, la mort, toutes sortes de choses que l’on connaît de ce pays. À cet égard, Freddy Tsimba a réalisé un élément du décor qui symbolise bien cette dualité : sur le plateau, un rideau est composé de douilles ramassées au Congo. Ces douilles ont été fabriquées pour des balles créées pour tuer, et qui ont probablement tué des gens ; d’un seul coup, dans les lumières du spectacle, elles deviennent une pluie d’or, on dirait des bijoux ! On n’est pas censé voir directement que ce sont des douilles ; c’était extrêmement important pour Alain Platel de ne pas trop appuyer sur ce qui ressort habituellement quand on parle du Congo, la misère, toujours, la mort, toujours, les viols, toujours, les enfants soldats, toujours… Tous ces éléments restent présents, mais il faut être attentif pour les déceler. Enfin, Coup Fatal laisse une grande liberté d’expression aux musiciens congolais. La direction artistique canalise toutes les énergies sans pour autant chercher à contrôler, à l’occidentale, leur propre vision expressive. Macbeth est l’exact opposé. On n’est pas ici dans la joie mais plutôt dans l’opéra, dans le frontal ; les choses sont dites de face, ce qui est aussi propre au style de Brett Bailey. Le spectacle commence comme une pièce de cabaret, avec l’ascension de Macbeth et de Lady Macbeth, qui n’hésitent pas à tuer pour accéder au pouvoir et, une fois qu’ils y sont parvenus, c’est la grande dégringolade, un plongeon vers le néant et le vide qui finit dans la désolation et la tristesse. Ces deux spectacles représentent deux manières très différentes d’aborder une même situation, et c’est très intéressant qu’ils soient présentés dans le même festival. Si on voit les deux, on peut mieux comprendre ce qu’est le Congo. Avec Macbeth, on peut mieux comprendre Coup Fatal et avec Coup Fatal, on peut mieux comprendre Macbeth. 24 juin › 19 juillet 2016 Comment voyez-vous le lien entre ces projets et Marseille ? Cette ville peut-elle leur apporter une couleur différente ou représenter un défi supplémentaire ? F. C : Marseille est une ville très intéressante. Je collabore avec Jan Goossens depuis plus de dix ans ; nous avons travaillé avec des artistes venus d’un peu partout dans le monde, dans une conscience que l’on peut qualifier d’universelle parce qu’elle n’est pas simplement localisée. Toutefois, ce travail artistique ouvert sur le monde a toujours été en rapport étroit avec la conscience d’une ville, c’est-à-dire avec la conscience de Bruxelles au KVS, avec celle, singulière, de Kinshasa, lorsque nous y étions. Pour Jan Goossens, il est toujours important d’observer ce qui se passe dans son rapport spécifique au lieu. Son arrivée à Marseille risque d’être fascinante parce que Marseille est une ville à la fois complexe et fascinante, aux yeux du monde entier. Marseille est multiculturelle ; située dans le bassin méditerranéen, elle est forcément connectée à toutes les rives de la Méditerranée, à toutes les cultures méditerranéennes et c’est cette complexité que nous devons découvrir. propos recueillis par le Festival de Marseille « This avarice Sticks deeper, grows with more pernicious root Than summer-seeming lust, and it hath been The sword of our slain kings. » Macduff, in Macbeth, acte IV, scène 3 « L’avarice creuse plus profondément, elle jette des racines plus pernicieuses que la luxure d’un été ; elle est l’épée qui a tué nos rois. » Trad. François-Victor Hugo Festival de Marseille – danse et arts multiples 24 juin › 19 juillet 2016 Macbeth Brett Bailey le conflit au Congo autour du spectacle « Les tensions ethniques et territoriales du Congo se sont soudainement embrasées après le génocide rwandais de 1994, alors qu’un million de réfugiés hutus et les auteurs du massacre traversent la frontière pour le Congo voisin. Dans cette région déstabilisée, les guerres et les violences qui suivent entraînent la mort d’environ 5,4 millions de personnes – ce qui en fait le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Des millions de personnes sont déplacées. Des milices avec des affiliations ethniques et nationales se fragmentent et se réalignent. Les seigneurs de guerre s’établissent, rassemblent autours d’eux voyous, enfants soldats et terrorisent les civils. Le viol et l’esclavage sexuel sont épidémiques. RENDEZ-VOUS.................. CINÉMA .................. Rencontre avec l'équipe artistique Mar. 28 juin – à l'issue de la représentation, au QG du Festival / Théâtre Joliette-Minoterie Projection du film Impempe Yomlingo Mer. 29 juin L’Alcazar - BMVR « L’une des principales causes de cette crise qui n’en finit plus est liée aux richesses minérales de la région. Les milices rivales s’affrontent pour le contrôle des mines. Elles forcent les hommes, femmes et enfants à y travailler et les taxent tous les jours, leur laissant à peine de quoi survivre. Quand une nouvelle milice prend le contrôle d’une mine, elle massacre, mutile et viole afin d’affirmer son pouvoir. Les orphelins sont enrôlés dans les mines ou les armées. Les taxes collectées sont utilisées pour soutenir les opérations et acheter armes et outils. 24, 25 juin - Napoli Teatro Festival Italia / Auditorium RAI Domenico Scarlatti « Ce système est soutenu par les responsables gouvernementaux locaux et voisins, par les multinationales qui exploitent les minéraux de la région et font des profits énormes dans la production de biens électroniques, industriels et de bijoux. Ils injectent des fonds dans la zone de conflit et on sait qu’ils facilitent l’accès aux armes et aux munitions par les milices. Ils sont conscients des atrocités commises. Ils voient les civils en fuite. Ils les voient se déchirer. Mais ce sont des dommages collatéraux. Il ne s’agit pas d’être sentimental, quand le profit est en jeu… » Brett Bailey en tournée 28, 29 mai - Macao Arts Festival 16, 17 sept. - Fairfield University (CT - USA) 24, 25 sept. - Philadelphia Fringe Arts (PA - USA) 4,5 oct. - Quimper / Théâtre de Cornouailles 16 janv. 2017 – Vancouver / Push Festival « When our actions do not, Our fears do make us traitors. » Lady Macduff, in Macbeth, acte IV, scène 2 « À défaut de nos actions, ce sont nos frayeurs qui font de nous des traîtres. » Trad. François Guizot