Quatre gars dans le vent

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Quatre gars dans le vent
Quatre gars dans le vent
Pâques en Provence, ça décoiffe…
Jour J, jour de mistral, le défi est là, nous somme huit le 4 avril de l'an 15, on est pas là pour rigoler,
on se retrouve du côté de la Rotonde pour se faire tirer le portrait, document qui officialise le départ,
et hop c'est parti, en avant toute, direction l'ouest sauvage, où le mistral joue les caïds, mais peu
importe le mollet est frais, et dès Eguilles, le moteur chaud, on se rue sur Pélissanne, le tempo est
donné, du rythme et de la cadence, en deux temps trois mouvements, pied à terre à Tarascon pour la
pause-café, on est pas des bêtes, quoique?... On fait partie du règne animal, philosopher en roulant à
la manière des péripatéticiens… la tête dans le guidon, direction Uzès, week-end pascal, les toutous
sont là à bouchonner sur le boulevard, pause bistrot ravito, et ça repart plein nord, Mistral en pleine
poire, si je me souviens bien routes vallonnées en ligne droite, nous allons frôler le pied des
Cévennes vers St Ambroix, qui nous voyant passer pria pour nous, pauvres rouleurs courbés sur nos
machines, à se rendre au pèlerinage des cyclopastristes provençaux… pédale et souffre, et l'on s'en
va tranquillement si l'on peut dire, au débouché des gorges de l'Ardèche,Vallon-Pont-d'Arc, dans
l'actualité avec sa grotte et ses peintures rupestres, où nos ancêtres, les pauvres ne connaissaient pas
encore les joies de la bicyclette, en tout cas à partir de là, on tourne le dos à l'autre furieux de mistral
(sacré Fredéric), et tout de suite ça va mieux, un collet sur route déserte, on redescend sur L'aven
d'Orgnac en l'évitant oups! Belles routes comme je les aime, loin du bruit et de la furia autoimmobile, et l'on regagne l'entrée des gorges Pont St Esprit, où arrive également l'équipe à Martial,
bravo le maître d'œuvre, maître François pour la synchronisation. Pied à terre, et pendant que la nuit
va s'installer, nous allons nous restaurer dans cette auberge tenue par des Suisses-allemands, il est
vrai que leur accent ne sonnait pas ardéchois méridional, nul n'est parfait. On se cale avec entrecôte
frites, faut ce qu'il faut, et pour faire glisser, le côte du Rhône local bien entendu, c'est un bon
moment de convivialité si l'on en était resté là, mais non !... penses-tu, la nuit est à nous, c'est pas les
folies bergères, mais la route by night, c'est pas la même limonade. Résigné, j'ai signé, en selle pour
une folle nuit printanière, on enjambe le Rhône par son fameux pont médiéval, et on vire plein sud,
le mistral avec nous alléluia ! On roule comme des pros, les bornes défilent, et sous cette lune pleine,
aux abords des dentelles de Montmirail, je distingue Monseigneur le Ventoux, splendide apparition,
est-ce un songe, un mirage ? Non je ne rêve pas, il est une heure du mat, et dans Vaison la Romaine,
une aubaine, une oasis chaleureuse est restée ouverte, on s'y engouffre sans se concerter, deux
moukères lascives bien éméchées, micro en main, font dans la chanson sensuelle, ça vaut le jus, que
le patron du bar, un tatoué tout en biceps, nous offre avec coca et moules froides, ça vous réchauffe
et le corps et le moral, admiratif qu'il était de notre prouesse, à nos âges… Bon, passons, les délais
sans des laids, Malaucène, quelqu'un propose de couper par le Ventoux afin de raccourcir pour
rejoindre Simiane la Rotonde, personne ne relève la proposition, le lever du jour au sommet c'est à
voir, on est pas là pour rigoler, tais-toi et pédale… toi-même ! Bon on passe au pied de Gordes qui
roupille, pour rejoindre St Saturnin, où un peu avant, notre capitaine pique lui aussi un somme sous
un abri bus, faut dire que ces derniers temps le Baroudeur maison en a sa dose, voire plus. Rustrel,
on remonte vers le Nord et son maudit mistral et je dis bien on remonte, ça se sent dans les jambes,
l'heure où la campagne blanchit et la température aussi, on accuse le coup comme l'on dit, on petitdéjeûne au pied de Simiane, avant la dernière marche, la dernière longueur, Banon, sans fromage, et
sans livres, on plonge, Ongles, Limans, Forcalquier et enfin au détour du chemin, la-haut perché le
sanctuaire, Lurs, le bout de nos peines, mais ça se mérite, un dernier coup de rein est nécessaire pour
se retrouver sur la place qui bat son plein, trop tard pour les agapes!... Hagard, je suis rincé, lessivé,
les yeux comme des soucoupes, éclatés, arrivés en ordre dispersé avec mes compagnons de route, je
demande pas mon reste, ne traîne pas sur la piazza, car deux bonnes âmes me proposent de me
ramener au port, illico, je saute sur l'occas, et file à l'anglaise, dans un état second, je serais bien
rentré en ambulance, c'est merveilleux la bagnole avec chauffeur, merci encore à lui et sa compagne
de m'avoir rapatrié… sanitaire.
Depuis, je me dis « fais tes Pâques », à chacun son chemin de croix, ça fait travailler l'endurance, ça
tanne le cuir fessier, et le silence de la nuit et son monde d'ombres, ambiance… Comme le disait un
voyageur célèbre, ce n'est pas toi qui fais le voyage, c'est le voyage qui te fait… ou te défait… Aïe…
Aïe !.. Bonne route à tous.
Fred Parent
Gordes
Vaison la
Romaine
Dentelles de
Montmirail
Simiane la
Rotonde
Forcalquier
Vallon
Pont d’Arc
Uzès
Lurs
Aix Rotonde