1 Un journaliste et imprimeur bordelais au XIXe siècle : Justin

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1 Un journaliste et imprimeur bordelais au XIXe siècle : Justin
Un journaliste et imprimeur bordelais au XIXe siècle :
Justin Dupuy (1810-1859)
Jean-Claude Drouin
Extrait de
Revue française d'histoire du livre, 1976, n.s. nº 11, pp. 161-193
Seuls les visiteurs qui se promènent dans les allées du cimetière de la Chartreuse de Bordeaux1 connaissent le
nom de Justin Dupuy2, qu'ils ont pu lire sur une tombe, œuvre de l'architecte Garros3. Ils ont pu admirer le
médaillon du sculpteur Louis-André de Coeffard4 qui représente le profil de ce personnage qui a connu la
célébrité dans la Guyenne du milieu du XIXe siècle5, mais que les Aquitains du dernier quart du XXe siècle
ignorent totalement. Enfin, ils ont lu un nom accompagné de deux dates
" A Justin Dupuy - 4 décembre 1810 - 1er mars 1859 ".
Dès le 2 mars 1859, Henry Ribadieu écrivait au préfet de la Gironde:
" J'ai l'honneur de vous annoncer comme collaborateur et comme ami, la perte irréparable que nous venons de
faire en la personne de M. Justin Dupuy, rédacteur en chef de La Guienne, mort hier soir dans sa 48e année "6
Justin Dupuy est un témoin très caractéristique de son époque7, il est au centre d'un groupe d'auteurs bordelais :
Jean-Baptiste Gergerès8, Hippolyte Minier9, Henry Ribadieu10, qui ont assuré au milieu du XIXe siècle la
permanence d'une certaine culture humaniste et chrétienne. Au point que les nombreuses œuvres de ces auteurs
permettent de mieux saisir le climat d'une époque.
Leur production est variée mais dispersée: brochures politiques de circonstance, études, portraits, critique,
discours académiques, recueils d'articles de journaux, feuilletons, poésie11. Elle nous conduit à l'intérieur d'un
univers mental et culturel qui peut déconcerter au premier abord, mais qui, progressivement, révèle ses richesses
et son originalité.
*
***
Pourquoi Justin Dupuy est-il si peu connu plus de cent ans après sa mort ?
Tout d'abord, il n'a été qu'un journaliste. C'est le sort des feuilles quotidiennes que d'être lues un jour, puis de
sombrer ensuite dans l'oubli total.
Cependant, en s'appuyant sur les éloges biographiques publiés en 1859 et 1860, par les abbés J.-L. Thibaut et
Gaussens, et sur les documents des archives départementales de la Gironde, on peut reconstituer les grandes
étapes de la carrière de Justin Dupuy.
Il est né le 5 décembre 1810, rue Reynières, fils de Pierre Dupuy, aubergiste12. Après son enfance passée dans
une famille très modeste du faubourg Saint-Michel, il fit des études au petit séminaire de Bazas. Il eut ensuite de
graves difficultés de santé et d'orientation13 et, après avoir été précepteur dans la famille de Gourgues, il se lança
en 1837 dans le journalisme politique de province. De 1837 à 1841, il fut chargé du feuilleton de la Gazette du
Midi, à Marseille. Comme Dupuy, de nombreux talents firent alors leurs premières armes dans la presse
légitimiste contre le roi des barricades de juillet 1830, Louis Philippe14.
1
Pl. 1 Tombeau Justin Dupuy au cimetière de la Chartreuse
à Bordeaux 27e série n° 69 - n° 41
De retour à Bordeaux, il devint rédacteur du journal légitimiste La Guienne, fondé en 1831, avec Charles-HenriAnnibal Lecoutre de Beauvais comme gérant15. C'est en août 184316 que Dupuy remplaça Jean-Alexandre Culié;
il était alors propriétaire du quart du journal. Onze ans plus tard, le 16 février 1854, Augustinde Comet,
propriétaire à Saint-Loubès, cédait les trois quarts de la propriété du journal à Justin Dupuy et à son épouse,
Mélanie Lavielle17. À titre de nouveau propriétaire, Dupuy versa 25 000 francs de cautionnement18.Mais, en fait,
il semble que la famille des Carayon-Latour venait souvent au secours de la famille royaliste; dès le 13 juillet
1854, un membre de cette famille avait, comme bailleur de fonds, versé 14 250 francs de cautionnement. Encore
en 1863, le commissaire central de Bordeaux écrivait dans son rapport: " La Guienne est le journal fondé,
soutenu et payé par les légitimistes et le parti clérical "19
2
Ardent militant de la cause royaliste et catholique, Justin Dupuy s'est occupé activement de son journal pendant
dix-huit ans. Malgré ce dévouement, les articles du journaliste perdent souvent leur originalité car ils sont avant
tout des réactions à des circonstances précises. On lit le journal, on oublie les journalistes. Même les articles des
plus grands: Girardin, Pontmartin, Veuillot, Nettement, Laurentie, n'ont pas, échappé à la règle commune, sauf si
leurs auteurs ont eu la bonne idée de les réunir sous forme de causeries ou de mélanges.
En second lieu, il semble que Justin Dupuy ait été délibérément oublié par la volonté de ses adversaires
politiques et religieux qui finalement ont été vainqueurs en 1852 et surtout après 1870. Les idéologies
dominantes du second Empire et de la IIIe République, représentées par les libres penseurs et les anticléricaux,
par des républicains libéraux ou radicaux, ne pouvaient faire de place à une œuvre profondément royaliste et
chrétienne, légitimiste et catholique. " L'ordre social n'eut pas à Bordeaux de plus zélé et plus puissant défenseur
" reconnaissait l'abbé Gaussens, en 1860. Justin Dupuy n'a jamais caché ses opinions - opposé à la " quasi
royauté " de Louis Philippe 1er à la République rouge de 1848, à l'Empire héritier de la Révolution20, il fut
toujours le défenseur de la monarchie héréditaire et traditionnelle.
Sur beaucoup de points Dupuy est un élève et un disciple de Joseph de Maistre qu'il considère comme un
interprète et un prophète de la Providence. Il admire particulièrement les Considérations sur la France: " Il en
jaillit une lumière sans laquelle il est impossible de rien comprendre aux terribles catastrophes qui ont couvert,
depuis : soixante ans, la terre de ruines desquelles nous avons vu les rois errants et découronnés "21.
Laurentie, un autre disciple de Joseph de Maistre et doyen de la presse légitimiste22, faisait dans son journal
L'Union, l'éloge du journaliste bordelais, " soldat de la presse, notre compagnon, notre auxiliaire et souvent notre
exemple dans la défense de la liberté et de toutes les doctrines qui la rendent sainte " (9 mars 1859).
Malgré cet éloge d'un ami, Justin Dupuy ne réussit pas à être connu hors des limites de sa province: la Guyenne
était son univers.
Partisan de la décentralisation, littéraire aussi bien que politique, Dupuy a rédigé des éloges pleins de ferveur
consacrés à Jasmin23 et à Rebou24. Il n'hésite pas à recopier de longues citations du poète agenais et raconte
comment, en 1841, il a rendu visite, à Nîmes, au poète boulanger.
Le rédacteur, gérant et propriétaire de La Guienne, se plaisait à Bordeaux où, raconte-t-il, la duchesse
d'Angoulême présidant la distribution des prix des écoles chrétiennes avait mis une couronne sur la tête de
l'enfant qu'il était et, en le touchant, l'avait marqué pour sa mission future, celle de défendre le duc de Bordeaux,
neveu de la duchesse d'Angoulême25.
L'Académie de Bordeaux avait admis en son soin le journaliste bordelais qui, dans son discours de réception
parla de la cité " à laquelle aucune autre n'est supérieure pour l'urbanité des mœurs, par la vivacité de l'esprit et
par l'élégance des goûts "26.
En tant que Bordelais, Justin Dupuy rédigea aussi bien l'éloge de l'ancien ministre Peyronnet, en 1855, que la
biographie de l'abbé Charles Duburg, curé de Saint-Michel. En présentant en 1848 son recueil d'articles sous le
titre Avant l'orage, Dupuy nous apprend qu'il avait d'abord pensé à prendre pour titre Les Abeilles bien qu'il n'eût
pas, affirme-t-il, le talent d'Alphonse Karr, le célèbre auteur des Guêpes, et qu'il ne soit qu'un provincial. Cette
modestie ne l'empêche pas de publier, en 1857, le recueil de poésies, intitulé l'Abeille bordelaise.
Journaliste, légitimiste, provincial, ces trois caractères peuvent être aussi bien des handicaps que des atouts. Ils
peuvent expliquer le silence fait autour de Justin Dupuy, ils peuvent aider aussi à le ressusciter.
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Justin Dupuy incarne tout d'abord une politique qui est celle du parti légitimiste, c'est-à-dire des partisans du
Comte de Chambord. Son arme essentielle est la plume, car Dupuy est avant tout un journaliste.
A Bordeaux, l'organe légitimiste La Guienne était un quotidien fondé en 1831. Les rapports de police du Second
Empire nous permettent de donner des précisions sur la diffusion du journal. On lit ainsi en 1853. " Cette feuille
a conservé ses tendances légitimistes. Du reste, la forme de ses articles est toujours convenable et n'a donné lieu
3
à aucune observation. Son existence est subordonnée aux libéralités des légitimistes, le nombre de ses abonnés
étant trop restreint, en réalité, pour lui permettre de vivre de ses propres ressources ".
Dans le second trimestre de 1852, le nombre d'exemplaires distribués par la poste dans le département était de 25
022 par mois ; ce chiffre varie évidemment avec la conjoncture politique: le plébiscite de décembre 1851 avait
fait monter ce chiffre à 36 63027. Lors de la mort de Dupuy, le journal était en déclin surtout par rapport à
certaines feuilles en essor comme La Gironde.
Dans le quatrième trimestre de 1857, chaque mois, 34 681 exemplaires furent distribués dans le département. Ce
chiffre tomba à 28 792 pour le premier trimestre 1858, et à 26 410 pour le premier trimestre 1859. Malgré ce
déclin sensible, La Guienne était encore plus lue que L'Indicateur et Le Mémorial bordelais. Nous pouvons
connaître dans le cadre des arrondissements, la répartition des principaux journaux bordelais pour le premier
trimestre 1858.
REPARTITION
DES PRINCIPAUX JOURNAUX BORDELAIS
(Premier trimestre 1858)
Journaux
Arrondissements
La Guienne
Le Courrier de La
Gironde
la Gironde
Le Mémorial
L'Indicateur
Bordeaux
13260
17510
16130
9180
4780
Bazas
2374
4142
5123
1626
1445
Blaye
2530
5500
7560
2072
900
Lesparre
2790
6604
5682
1895
934
Libourne
4686
13914
7040
4053
2932
La Réole
3112
5676
5454
1470
1386
28792
53346
46989
20296
12377
La Guienne, troisième journal du département, devançait ainsi les journaux parisiens Le Siècle (18494), La
Presse (18564), Le moniteur universel (17046).
Mais il s'agit là de chiffres globaux. En fait, le nombre d'abonnés ne dépassait pas mille. Entre 1855 et 1857, les
abonnés de La Guienne ont diminué, passant de 932 à 922, tandis que La Gironde gagnait 220 abonnés (de 1780
à2 000) et L'Indicateur en perdait 200 (de 1250 à 1050)28.
À la mort de Dupuy, sa veuve et Henry Ribadieu trouvèrent un héritage difficile. Dans le premier trimestre 1859,
la moyenne mensuelle d'exemplaires de La Guienne distribués dans le département tomba à 26 410, tandis que le
Courrier de la Gironde atteignait encore près de 50 000 (49 495) et La Gironde dépassait 46 000 (46 160).
Malgré ce recul, La Guienne, qui en était à son no 12 106 à la mort de Dupuy, restait encore un journal
considérable dans le département, représentant une fraction non négligeable de l'opinion publique. Plus que les
chiffres, c'est le récit ides obsèques de Dupuy qui peut montrer quelle place importante il occupait dans la vie -de
la cité29.
Plus de 1500 personnes accompagnèrent Dupuy à sa dernière demeure. Parmi elles se pressaient les membres de
l'Académie de Bordeaux, des ecclésiastiques, des confrères de la presse bordelaise, des ouvriers typographes.
Neuf personnes tenaient les glands du poêle: H. Minier, l'abbé Lataste, supérieur du Petit Séminaire, le comte de
Lur-Saluces, l'abbé Gaussens, Antoine Saint-Marc, Messier, Charles Desmoulins et Marchandon30. Après une
cérémonie dans la cathédrale Saint-André, le deuil fut conduit par le beau-frère de Dupuy, l'abbé Lavielle,
vicaire de Saint-Martial, et la dépouille du défunt conduite au cimetière de la Chartreuse.
Tous les collègues journalistes déplorèrent la fin prématurée de Dupuy. Les journalistes de province d'abord.
Même André Lavertujon, de La Gironde, reconnut ses qualités. " Il est permis de louer Justin Dupuy même à
ceux qui n'ont connu en lui que le journaliste ". On retrouve les mêmes éloges sous les plumes de J. Courraigne,
du Courrier de la Gironde, de P. Coudert, de L'Indicateur, et dans le discours prononcé sur sa tombe par
Messier, rédacteur en chef de L'Indicateur.
4
La presse parisienne réagit également. Henry de Riancey dans L'Union, H. Ranc dans L'Ami de la religion,
Eugène Tacanet dans l'Univers firent l'éloge de Dupuy qui, selon Minier, " était du nombre des écrivains qui sont
à l'honneur de la province et que Paris jalouse de loin ". Mac Sheeby, toujours dans l'Union, affirmait que la
mort de Dupuy était pour Bordeaux " un deuil public "31.
Parmi les nombreux éloges, deux retiennent spécialement l'attention: ceux de l'abbé Gaussens, à Bordeaux, et de
P. S. Laurentie, à Paris. Le 7 mars 1859, l'abbé Gaussens publie dans La Guienne un long article dédié à la
mémoire de son ami, qu'il connaît depuis le petit séminaire de Bazas en 1826. Il rappelle l'influence exercée sur
Dupuy par les abbés Duburg et Lacombe, respectivement curé de Saint Michel et supérieur du Petit Séminaire.
Enfin, il raconte l'anecdote concernant une " femme du peuple " qui s'était écriée en voyant la foule empressée: "
Ce que c'est que d'être riche ! " L'abbé Gaussens constate, au contraire, que Justin Dupuy n'était ni un prince de
la cité ni un roi de la finance, mais un homme issu du peuple: " Elle se trompait la pauvre femme, c'était le
convoi de l'enfant du peuple, que son courage, que son travail, que ses talents, que ses vertus avaient élevé, et ces
honneurs qu'elle jalousait au nom du peuple, c'était au peuple en définitive qu'ils étaient rendus ! "
Deux jours plus tard, La Guienne répétait les jugements de Laurentie parus dans L'Union: " Cet empressement
de Bordeaux avec ses opinions diverses, autour de l'humble cercueil d'un royaliste catholique nous a vivement
émus. Il honore la mémoire de Justin Dupuy, il n'honore pas moins la ville elle-même ". Ainsi le chef de la
presse royaliste et catholique reconnaissait en Dupuy un de ses pairs et un des artisans les plus actifs du
légitimisme.
" Dieu et le Roi ", telle peut-être la devise de Justin Dupuy. Certes, il n'est ni théologien ni poète mystique, mais
pour comprendre le système de pensée des légitimistes français du XIXe siècle, il faut bien voir qu'il reposait
essentiellement sur la religion catholique comme principe d'autorité et comme fondement de la morale.
La défense de l'orthodoxie catholique est le thème permanent dans tous les articles de Dupuy. Dans un de ses
derniers articles32, le journaliste bordelais s'en prend violemment à Edgar Quinet, auteur d'Ahasvérus et de
Prométhée, " livres qui ont rendu fous ceux qui ont voulu les comprendre ". En fait, l'auteur catholique reproche
surtout à Quinet de voir dans l'Evangile l'apothéose de la personnalité humaine dans un Dieu fait homme. On sait
que pour Quinet la Révolution française ne serait que la réalisation du christianisme dans les faits. Cette thèse ne
peut qu'être insupportable à Dupuy qui considère Quinet comme un " faux prophète fumeux et fou ".
La même hostilité envers la " démocratie chrétienne "apparaît lorsque Dupuy porte des jugements sur
Lamennais: " C'est un ange tombé qui se souvient des cieux ". Dans son ouvrage Etudes et portraits, Dupuy
critique l'idée individuelle qui, malgré son ampleur et son audace, ne peut rien contre l'idée souveraine et divine
" sans laquelle le monde s'en irait emporté par les folies de l'orgueil "33. La position religieuse de Dupuy est
développée dans un autre chapitre consacré à la comparaison des morales antiques et chrétiennes, lorsque le
Bordelais prend la défense de la thèse de l'abbé Bautain attaquée par Rigault dans le Journal des débats. Pour
Dupuy, comme pour Bautain, la morale n'a pu pénétrer dans l'esprit des masses que grâce à l'Evangile. Jusqu'au
christianisme, les codes philosophiques de Socrate ou de Sénèque ne touchaient qu'une élite. D'une façon
paradoxale Dupuy fait appel aux opinions de Jouffroy et de Victor Cousin pour démontrer que la philosophie ne
suffit pas au genre humain et qu'elle ne peut qu'être l'auxiliaire du christianisme34.
Le plus souvent Dupuy n'éprouve pas le besoin d'expliciter ses croyances fondamentales. il fait comme s'il allait
de soi que le christianisme est la seule religion compatible avec la morale et l'ordre politique. Son autorité en
philosophie et en politique, en littérature et en religion est toujours Joseph de Maistre " interprète et prophète de
la Providence ".
Le Roi est bien sûr le second pôle de la pensée de Justin Dupuy. Dans ses nombreux articles de La Guienne
parus pendant près de dix-huit ans, le journaliste bordelais a défendu le roi légitime contre le "pseudo-roi" Louis
Philippe, contre la République et contre l'empereur usurpateur. On peut facilement examiner les conceptions
politiques de Dupuy dans une œuvre parue en 1851, à la fois brochure de circonstance et essai de réflexion,
Union et Monarchie35. Ce petit livre répond à la fois aux attaques de la presse orléaniste et aux tentatives
républicaines et révolutionnaires. Son auteur identifie d'ailleurs la Monarchie de Juillet à la Révolution36 et
estime que la République modérée ne peut être autre chose qu'une étape provisoire vers la République féroce,
celle de 1793, celle " qui dresse des autels à Robespierre. "
La Monarchie, seule solution à l'alternative, est définie comme l'union de tous les " gens de bien " contre la
Montagne et le Socialisme. Pour le légitimiste Dupuy, 1848 ne fut que la conséquence logique et inévitable de
5
1830. Contre les Orléanistes il se pose comme le d4fenseur enthousiaste de la Monarchie héréditaire et
traditionnelle qui, selon lui, a détruit l'Ancien Régime en 1789, a délivré la France du despotisme impérial et a
donné aux Français des libertés publiques. Cette thèse conduit l'auteur à un survol rapide de l'histoire de France
et à un éloge de la Restauration: " Aucun autre régime jusque-là n'avait donné plus de libertés à la France et c'est
par l'abus de ces libertés que la Restauration périt " (page 82).
La politique de Dupuy se fonde donc sur une mystique de l'autorité considérée d'origine divine et comme
principe des sociétés: " L'intérêt suprême, celui par lequel tous les autres vivent et prospèrent, c'est l'autorité.
Quand celle-ci manque, tous les autres tombent: c'est l'histoire de la famille comme celle de l'Etat. C'est l'histoire
de France depuis quelle a guillotiné ou chassé ses rois " (page 146).
En même temps, on trouve dans ce petit ouvrage une conception personnelle de l'histoire française depuis le
XVIIIe siècle. Dupuy se félicite de l'action de la noblesse contre le despotisme et il voit même dans Louis XVI
un libéral. L'unique défaut de cette noblesse c'est d'avoir été trop loin. Seule la Charte de 1814, " palladium des
libertés publiques ", a rétabli l'équilibre.
Justin Dupuy mène également une tentative d'analyse du comportement des groupes sociaux. Encore au milieu
du XIXe siècle, certains accusaient la noblesse et le clergé d'aspirer à la domination et de s'appuyer sur la cause
royaliste pour s'imposer. Lors des élections générales du 13 mai 1849, ce thème avait été longuement développé
par la propagande des " démocrates-socialistes ".
Sur ce point Justin Dupuy argumente en détail. D'abord, le clergé peut et doit rester en dehors des luttes
partisanes. Ensuite, il n'y a plus de danger de domination sacerdotale car les prêtres, pour la plupart, sont issus du
peuple. Quant à la noblesse, elle ne fut pas du tout au XVIIIe siècle ennemie des Lumières puisqu'elle est en
grande partie à l'origine de 1789. Dupuy veut démontrer que la noblesse n'a jamais tenté ensuite de restaurer, à
son profit, l'Ancien Régime qui avait été frappé au cœur par Louis XVI lui-même. Enfin, le Tiers état où la
bourgeoisie mène, selon Dupuy, une politique dangereuse en cherchant à raviver les préjugés révolutionnaires
contre l'ancienne aristocratie, travaille, en fait, contre lui-même, car s'il y a une aristocratie possible en 1851,
c'est bien la bourgeoisie. La " bourgeoisie... est en réalité l'aristocratie du siècle et jamais aucune classe n'a été
dans des conditions plus favorables pour diriger une société " (page 138).
Dupuy reproche à une fraction de la bourgeoisie d'avoir voulu un roi pour elle. C'est également l'attitude -des
socialistes qui veulent un pouvoir pour eux. Pour le légitimiste, il ne peut y avoir un roi pour la noblesse, un roi
pour la bourgeoisie, la royauté n'appartient exclusivement à personne et elle appartient à tous. " Hors de la
République, il n'y a de Royauté possible que celle de tous, que celle qui, venant des traditions nationales,
n'appartient à aucun parti " (page 143). Le roi apparaît ainsi comme l'arbitre suprême au-dessus des clans, des
partis et des classes sociales. Dans tous les domaines Justin Dupuy prône l'union. Ce terme qui est le nom d'un
journal légitimiste est également le titre de son essai. " Il ne peut y avoir de classe privilégiée, nobles, bourgeois
ou prolétaires. Les droits à l'influence politique sont fondés non sur la position de la fortune mais sur le mérite et
les services "(page 140).
Il est évident que ces conceptions sociales et politiques ne sont guère originales en 1851. Justin Dupuy se fait le
porte-parole, à Bordeaux, des doctrines du comte de Chambord exposées par Laurentie dans la Politique royale
et dont la publication suscita une vive controverse en 184937.
Mais le mérite d'Union et Monarchie est de résumer sous une forme condensée les centaines d'articles publiés
dans La Guienne et de nous faire pénétrer dans l'univers des Bordelais du milieu du XIXe Siècle.
Ainsi, Justin Dupuy apparaît comme un journaliste militant, profondément engagé dans l'action politique aussi
bien sur le plan local que sur le plan national. Il est un de ces nombreux artisans de la permanence du
légitimisme tout au long du XIXe siècle, courant bien ignoré de nos jours mais qui caractérise une fraction
importante de l'opinion provinciale. Dupuy a été reconnu comme un pair par Pierre-Sébastien Laurentie, qui le
juge ainsi: " Fécond, varié, animé dans son improvisation de chaque jour, Dupuy nous a montré, dans quelques
livres, ce que la méditation pouvait ajouter de force et d'éclat à la soudaineté des inspirations. Et ainsi, rien n'a
manqué à cette nature heureuse pour le bon succès de ces luttes, si ce n'est, peut-être, des temps plus dignes de la
cause qu'il a servie et qui pourtant ne saurait peser ; car c'est la cause de l'ordre chrétien qui est immortelle "38.
Ce point de vue très sympathique montre aussi la réputation nationale du journaliste bordelais.
Sans être romancier ou poète lui-même, Justin Dupuy a été nécessairement un critique et un auteur littéraire.
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Sa critique repose avant tout sur des bases morales et politiques; elle est en quelque sorte l'application pratique
de sa conception du monde. Pour Dupuy la littérature doit être non seulement l'expression de la société mais le
guide de celle-ci. C'est pourquoi il se plaint, dès 1848, de la déchéance morale et constate que l'intelligence en
révolte contre elle-même n'assure plus son rôle moteur de la société. "Notre littérature déclinante annonceraitelle notre fin nationale ? ", ajoute-t-il en 185539.
En plus de ses principes, son guide personnel est le " bon sens " dont il fait l'éloge très souvent. De quoi s'agit-il
? " Avec le bon sens, quand on tient une plume à la main, on ne croit pas tenir le sceptre du monde... l'écrivain ne
spécule pas sur le scandale pour piquer la curiosité publique... ou recherche à plaire en faisant réfléchir ".
Vers quels auteurs vont les préférences et les admirations de Dupuy ? En 1848, il rend hommage à celui qui
jusqu'à sa mort a incarné - à tort ou à raison - la cause légitimiste: Chateaubriand. " Il va dormir aux bords de
l'océan, dont l'immensité rappelle si bien son génie, sous la garde de la France dont il fut l'honneur, sous l'œil de
Dieu, dont il fut le poète "40.
De M. de Lamartine, Justin Dupuy n'admire que la première manière c'est-à-dire lorsque le poète se contentait de
chanter les merveilles de Dieu, il critique par contre Lamartine historien démagogue: " Le législateur de l'avenir
est descendu de son Sinaï parlementaire avec une multitude de discours que :personne n'a voulu prendre pour les
tables de la Loi "41.
En tant que catholique, Justin Dupuy est très élogieux pour Frédéric Ozanam et Silvio Pellico. Il voit dans le
second un " admirable martyr " un " poète chrétien... plein de sérénité " qu'il compare à Fauteur de l'Imitation de
Jésus-Christ. En citant et en jugeant ces auteurs, Dupuy est le témoin d'une génération de lecteurs qui n'ont pas
suivi les poètes romantiques de 1820-1830 dans leur évolution personnelle.
Plus originale est la position de Dupuy à l'égard de deux poètes plutôt méconnus de nos jours, mais qui ont
représenté au milieu du XIXe siècle une tentative de poésie provinciale; Jasmin et Reboul sont deux poètes fort
goûtés par Dupuy42.
Tout en reconnaissant que l'unité de la langue est aussi nécessaire à une nation que l'unité des lois, Dupuy
remarque que la langue française n'exclut pas les dialectes particuliers. Ainsi il compare Jasmin aux rhapsodes
qui s'en allaient chantant par les villes des vers d'Homère en se faisant le " propagateur de son idiome choisi ".
Certes, Dupuy n'apprécie pas la première manière de Jasmin, alors partisan exalté du libéralisme. Il l'aime mieux
lorsqu' " il ne vise plus au renouvellement de la terre ".
Mais pour la fraîcheur de l'inspiration, Dupuy n'hésite pas à comparer Jasmin à La Fontaine et à Shakespeare. Il
cite souvent de longs passages de son œuvre, Le Prêtre sans église, La Vigne de Jasmin.
Reboul, de Nîmes, est un ouvrier comme Jasmin, d'Agen. Justin Dupuy l'avait rencontré à Nîmes en janvier
1841. Jusqu'à la fin de sa vie, le journaliste bordelais exprima son admiration pour le poète boulanger: " Il a
pensé avec M. de Maistre, avec M. de Lamennais, en même temps qu'il a rêvé avec M. de Chateaubriand ". C'est
surtout la leçon de morale que Dupuy retient dans l'œuvre de Rebouil: " On aime à voir cet enfant du peuple
exprimer énergiquement son indignation contre la lâcheté des intelligences qui tremblent devant l'audace des
sophistes et qui n'osent pas écouter les inspirations de leur conscience ".
C'est donc pour son vers cornélien et pour sa pensée maistrienne que Reboul est apprécié par les royalistes
français du milieu du XIXe siècle. Les mêmes lecteurs reprochent à Lamartine et à Lamennais d'avoir perdu
leurs croyances premières.
On peut définir quelqu'un par ses antipathies et par ses haines. Il va de soi que Dupuy voit dans les philosophes
du XVIIIe siècle, les fauteurs de la Révolution. Dans son discours de réception à l'Académie de Bordeaux, il s'en
prend à J.-J. Rousseau " cet homme qui fit le procès de son siècle en le corrompant ". Voltaire n'est pas plus
épargné. Tous deux sont rendus responsables des décombres et de l'échafaud révolutionnaires43.
Dans ses études et ses articles, Dupuy s'en prend à tous ceux qui représentaient à son époque l'esprit
révolutionnaire: Lamennais, Lamartine, Jules Michelet44 et Edgar Quinet. Plusieurs fois il s'est attaqué à George
Sand: " Une femme, entre autres, mit au service de sophismes anti-sociaux les séductions d'un style tout à la fois
plein de grâce et d'éclat. C'est par le scandale qu'elle a fait violence à la renommée "45. Justin Dupuy, dans un
article d'Avant l'orage, s'attaque aussi à Proudhon, en demandant si M. Proudhon, auteur d'un mémoire sur le vol,
accepterait de partager avec lui le prix qu'il peut gagner devant l'Académie de Dijon.
7
Cette critique ne va pas loin. Plus original est le passage sur Jules Janin dont les articles, extraits du feuilleton du
Journal des Débats, avaient paru en ouvrage. Justin Dupuy ne ménage pas " cet Aristarque multicolore " en qui
il voit " le Tartufe de la phrase ". De petites phrases sèches piquent la curiosité:
- " S'il manque d'idées il ne manque jamais de mots. "
- " Quoi qu'il dise beaucoup trop, il a toujours l'air d'en taire bien davantage. "
- " On voit que M. Jules Janin ne sait jamais ce qu'il va dire quand il prend la plume"
Ces quelques exemples témoignent de la hardiesse du journaliste provincial qui osait s'attaquer au prince de la
critique parisienne46.
Le goût de Justin Dupuy peut nous paraître assez limité, il va de Corneille à Reboul. Cependant, il n'a pas été
insensible aux charmes de l'œuvre de Gérard de Nerval. Mais bien vite Dupuy se reprend et critique la bohème
de la littérature parisienne " où l'imagination est 'constamment à la merci des plus folles excentricités ". Il
manquait à Nerval la " sagesse " et le " bon sens " "47. Dans l'ensemble, Dupuy fut, au sens propre, un "
réactionnaire " qui réagit contre la " phraséologie moderne " de son temps et contre ce qu'il considérait comme
une décadence de la littérature et de la société en général. Dans ses Etudes et portraits, il ne cesse de mettre en
accusation ses contemporains écrivains: " La littérature d'aujourd'hui est hors des conditions de calme, de
réflexion, de dignité, et surtout de conviction qui lui seraient nécessaires pour exercer une action réelle sur la
société "48.
Mais, à travers la littérature, c'est tout l'esprit moderne qui est visé: " L'esprit d'à présent ressemble assez à
Figaro: alerte, outrecuidant et osé comme lui; jouant du rasoir et du sarcasme, ici barbier, là philosophe, plus loin
politique, ailleurs industriel, partout vantard et frivole ".
Pour Justin Dupuy, la littérature est devenue un pur jeu de l'esprit ou pour reprendre ses formules " un jardin
factice dont les fleurs manquent pour vivre des sucs du sol et des rosées du ciel "
Dans le domaine poétique Justin Dupuy est à l'origine d'une importante publication lancée en 1857 dans l'Abeille
bordelaise. " Le poète a donc ouvert sa ruche et ses abeilles se sont dispersées dans Bordeaux ", écrit-il dans
l'introduction en faisant allusion à la Ruche d'Aquitaine. En pleine époque matérialiste et industrialiste, Dupuy a
le courage de réaliser dans son imprimerie de la rue Margaux49 un gros volume de 307 pages. " Des vers, et des
vers en province! Des vers à Bordeaux, des vers quand on n'en veut plus... "
Dans ce recueil, Justin Dupuy n'est l'auteur que d'une pièce, Le Clocher50, composée en 1848 lors des réunions
chez le comte de Peyronnet. En reprenant la tradition du Vieux Caveau de l'époque révolutionnaire et
napoléonienne, des amis se réunissaient et tiraient au sort des mots sur lesquels ils devaient composer une
vingtaine de vers ; à vrai dire la pièce de Dupuy ne brille ni par la forme, ni par son originalité. Elle se termine
par la nostalgie du a bon vieux temps ":
"Quand de l'honneur verrons-nous l'oriflamme, Comme autrefois remonter le
clocher".
L'originalité de ce recueil est ailleurs. Elle est d'abord de réunir une trentaine de poètes locaux. La liste en serait
fastidieuse, contentons-nous de quelques remarques.
On y trouve évidemment les amis politiques de Justin Dupuy: Edmond Géraud51, le comte de Peyronnet, Charles
de Batz-Trenquelléon. Du premier disparu depuis vingt-six ans, Dupuy publia Le Serin. L'ancien ministre de
Charles X avait rédigé dans sa prison, en attendant le procès52, des strophes pleines de stoïcisme commençant par
a Pourquoi me plaignez-vous ? " et se terminant par " Je ne suis pas malheureux ". Quant à Batz-Tranquelléon,
alors jeune rédacteur du journal La Guienne53, ses opinions contre-révolutionnaires soutiennent sa poésie:
"Les révolutions, sous leur niveau brutal,
Ont tout égalisé: le courage et le buste
Et quand la foule voit singer un front robuste
Elle mine le piédestal ! "
En second rang, viennent les ecclésiastiques et les auteurs religieux. Ont collaboré à l'Abeille bordelaise: l'abbé
Gaussens54, curé de Saint-Seurin, (L'Ange de la fontaine), l'abbé Firminhac55, l'abbé Boyer56, curé d'Arbanats,
l'abbé Donis57 curé de Saint-Louis, l'abbé P.-A. Déjeans58. Ce dernier avait écrit une pièce dithyrambique en
l'honneur de O'Connell, le patriote irlandais59:
8
"Le signal est donné, l'Irlande se réveille,
Tout s'agite et s'émeut, point de cœur qui sommeille,
Cet élan social, ce réveil solennel,
Amène tout un peuple aux pieds d'un O'Connell ".
Bon exemple de l'engagement du clergé dans des causes politiques.
J.-B. Gergerès est l'auteur de vers à tendance mystique. N'oublions pas que l'ensemble de son œuvre, conservée à
la bibliothèque municipale de Bordeaux, porte sur l'enseignement de la religion catholique60. On peut penser que
sa contribution est l'une des plus émouvantes du recueil.
Dans Le solitaire des Queyries et le passant dédié à Jules de Pineau61, on peut relever les vers suivants. Les
premiers sont du style de l'épitaphe:
"Passant, souviens-toi qu'il faut, loin du monde, Aimer le silence et l'obscurité. "
Les seconds sont du genre prophétique:
"Pour tout vrai croyant, l'antique Sibylle,
Quand elle prédit l'âge de Janus,
Ne fit qu'indiquer au tendre Virgile,
Le bien-aimé Jean et l'enfant Jésus. "
Parmi les autres collaborateurs, on retrouve des membres de l'Académie de Bordeaux: le marquis d'Imbert de
Bourdilllon62, Hippolyte Minier, Aurélien Vivie63 (Fontenelle) ainsi que des auteurs dont les opinions politiques
et religieuses différaient de celles de Dupuy. Jules Martinelli64, Gout-Desmartres65 (Les contes de fées) et surtout
André Lavertujon66 (Complainte de printemps). Enfin Dupuy, grand admirateur de Reboul, avait tenu à faire
participer des poètes d'origine populaire: Raganeau, boulanger à Mérignac, et Jouanet, un ouvrier typographe67.
Cette diversité peut déconcerter le lecteur mais elle évite la monotonie. L'humour n'est pas absent comme en
témoigne une pièce satirique due à " un Immortel des bords de la Garonne ":
"Quand ma tête noble et pesante,
Par l'influence bienfaisante
Du sommeil qu'invoquent mes yeux,
A besoin d'être raffermie,
Pouvais-je choisir rien de mieux,
Qu'un fauteuil à l'Académie ? "
L'Abeille bordelaise a aussi le mérite de préciser les idées de Dupuy et de ses amis sur l'évolution de la poésie au
XIXe siècle. Le groupe de Dupuy exprime son regret des époques passées: " Les vers, il est vrai, ressemblent
beaucoup aux rois, ils ont subi depuis soixante ans bien de tristes destinées. Corneille, Molière et Racine les
avaient faits souverains ; leurs tristes imitateurs, au commencement de ce siècle, les firent misérables. "
En réalité, ces critiques s'adressent aux pasticheurs des classiques, et non aux romantiques car un peu plus loin,
Dupuy rend hommage aux " hautes et mélancoliques inspirations " de Lamartine, à la " verve audacieuse " de
Victor Hugo, à la " fantaisie brillante et folle " de Musset. Il regrette seulement l'évolution ultérieure de ces trois
poètes: Lamartine et Victor Hugo se firent tribuns, Musset, " ce jeune homme d'un si beau passé... ne songea plus
qu'à se taire et à mourir ".
Cette décadence de la poésie pendant la première moitié du XXe siècle est attribuée, par Dupuy et Minier, au
développement du machinisme et du capitalisme. Dupuy constate amèrement que les poètes n'ont plus leur place
dans un monde dominé par " un ciel ténébreux que la fumée de l'industrie a fait planer au-dessus de nos têtes ".
On retrouve la même opposition entre le monde moderne et l'univers du poète dans le dialogue entre la Muse et
l'Agio dû à l'imagination d'Hippolyte Minier. L'Agio personnifiant le capitalisme financier annonce triomphant:
•J'élève un gueux hardi plus haut qu'un conquérant,
Arbitre du crédit, on me flatte, on m'encense;
Je traite avec les rois de puissance à puissance:
L'argent que je leur prête au peuple coûte cher.
Du monde financier je suis le Jupiter.
Qu'un instant le sourire abandonne ma lèvre,
Que je digère mal... et l'Europe a la fièvre. "
La Muse lui répond en constatant:
•Le siècle, je le sais, t'a livré ses destins,
Tu règnes, étouffant les généreux instincts,
Sur de lourds coffre-forts, sur d'épais portefeuilles. "
9
Les poètes et les légitimistes manifestent souvent leur hostilité au monde de la Bourse. C'est une façon de
s'opposer aux bourgeois.
Nous avons commencé cette présentation en affirmant que Justin Dupuy avait eu les torts d'être un journaliste
catholique, un légitimiste convaincu et un humaniste provincial dans une société qui, de plus en plus, était
dirigée par des philosophes, auteurs de traités volumineux, par des bonapartistes, par des républicains et des
orléanistes, par des Parisiens plus ou moins internationalistes.
Sa place est donc modeste à côté de Louis Veuillot et de Laurentie, mais on peut partager l'avis de son ami
Gergerès, qui écrivait cinq ans après sa mort68: " Seul parmi les imprimeurs bordelais connus depuis le
commencement du siècle, il eut la gloire d'être jusqu'à sa mort, tout à la fois, éditeur habile69, littérateur
distingué, écrivain brillant, et de plus, publiciste aussi éminent que courageux. "
Mais, plutôt que de répéter des éloges tout faits, et souvent de style académique, je pense qu'on peut rechercher
dans l'œuvre de Justin Dupuy une conclusion provisoire. Dupuy nous ouvre une voie quand il écrit: " Laissez à la
mort et au temps le soin de donner au sépulcre le seul luxe qui lui convienne, le seul qui réponde à l'âme
méditative quand elle va chercher dans ces lieux funèbres l'oubli du monde et la pensée de Dieu "70.
On peut répéter lentement ces lignes lorsque l'on se rend sur sa tombe. Comme il l'avait demandé, il n'y a pas
d'épitaphe bavarde, larmoyante ou emphatique, mais une seule inscription témoignant de sa foi chrétienne et de
sa lecture de Pascal: " Scio cui credidi "71. Sa tombe n'a pas attiré de culte, elle s'est chargée seule d'honorer les
cendres qui lui furent confiées. Elle ne porte aucun signe tapageur si ce n'est ceux de l'espérance et de
l'immortalité.
Les œuvres dont, les titres sont inscrits sur le monument funéraire72 n'ont pas donné à Justin Dupuy une
réputation très solide. Plus de cent ans après sa mort, le nom même de Dupuy est ignoré des Bordelais. C'est
pourtant celui d'un homme qui a joué un rôle important dans la cité comme représentant d'une famille d'esprit et
comme animateur d'un journal. Justin Dupuy fut, en outre à Bordeaux, un des fidèles disciples de Joseph de
Maistre. Comme chez la plupart des contre-révolutionnaires, on retrouve dans la pensée de Justin Dupuy une
profonde nostalgie du passé, une critique impitoyable de la situation présente et un immense espoir dans l'avenir:
" Ce qui a été sera ".
Cette espérance, Dupuy l'emprunte à Joseph de Maistre: " Quand Dieu efface, c'est pour écrire, et Dieu suit du
regard la plume éternelle et suprême par laquelle l'univers est régi "73. Joseph de Maistre et Justin Dupuy
espèrent que le monde sera bientôt rassis sur les véritables fondements de paix et d'ordre. Sinon on ne peut rien
faire. On connaît le dernier mot de Joseph de Maistre, en 1821, à des ministres qui voulaient " réformer ": " La
terre tremble, et vous voulez bâtir ! "74.
On peut le rapprocher de la dernière phrase écrite par Dupuy:
" La Révolution a toujours dévoré ceux qui l'ont servie "75
***
ANNEXE
PRINCIPAUX OUVRAGES IMPRIMES
PAR JUSTIN DUPUY ET SA VEUVE
BARBEZIÈRES-CHÉMERAULT (marquis Joseph-Charles de):
1866 - Jalousie de clocher, comédie en 2 actes.
Jeune Tante, comédie. In-12.
(Cet auteur a donné d'autres écrits sous le pseudonyme de Ch. de Nogeret.)
BATZ-TRENQUELLÉON (Ch. H. J. de):
1856 - Les Voies perdues, essais poétiques (sous le nom de Georges Linois). In-12, 140 p.
1857 - Le Paupérisme et les souffrances morales de la société. In-16, 62 -p.
1865 - Nos ennemis, comédie en 3 actes, en prose. In-12, 67 p.
1866 - Le Béarnais, drame historique en 5 actes et 9 tableaux. In16, 185 p.
DELPECH (Jean-Henri) :
1857 ? - Satan, poème. Selon le catalogue de la B. M.: Bordeaux, impr. de Mme Crugy. In-81,
16 p.
10
EPHREM (R. P.) :
1863 ? - Voyage de Rome en Terre Sainte et dans l'Inde.
FIRMINHAC (abbé Jean-Jacques) :
1847 - Voyage pittoresque et poétique de Bordeaux en Auvergne: le Mont-d'Or et le Cantal.
In-81, 91 p.
1854 - Ode sur lImmaculée Conception. In-16, 8 p.
Les Pyrénées. In-8º.
1855 - Mélanges poétiques. In-12, 59-12 p.
Judith, Nabuchodonosor, poèmes bibliques. In-8°, 47 p.
GOURGUES (vicomte Alexis de) :
1861 - Dordogne, noms anciens et lieux du département. Gr. in-81, 145 p.
[1863] - Forêt royale de Ligurie, mentionnée dans la Capitulaire de Quierzy. In-8°, 18 p.
1864 - Le Dragon de Bergerac, étude sur une question historique relative à la vie de saint
Front. In-8°, 128 p.
HUYET (J.-B. Bénigne):
1848 - Eponine, épisode dramatique. In-8,, XII-148 p.
1852 - Le Chant de Sainson, drame lyrique. In-12, 11 p.
1855 - La Cité maudite, poème biblique. In-18, 379 p.
1858 - Le Philosophe et le portefeuille, proverbe en un acte et en vers. In-12, 52 p.
MARQUESSAC (baron M. de):
[1862] - Quelques mots sur l'ensemble des possessions de Saint-Jean de Jérusalem dans la
Gironde. In-8°, 8 p.
[1865] - Chronique du XVII, siècle: affaire de la galerie, sauvegarde dHenri IV aux chanoines
de Saint-André; jugement final du Conseil d'Etat. Réponse à la lettre de M. Delpit. In-8°, 30 p.
1866 - Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en Guyenne depuis le XII, siècle jusqu'en
1793. Gr. in-41, X-292 p., fig. et pl.
MINIER (Hippolyte):
[1852] - La Calvacade. In-fol. plane. (Extrait de La Guienne du 3 mai 1852).
1853 - Iris, boutade. In-8°, 10 p.
1854 - L'Argent, satire. In-8', 15 p.
L'Horloge détraquée, conte et moralité. In-8°, 11 p.
1855 - Les Femmes du monde. In-8°, 15 p.
Le Vieux Bordeaux s'en va. In-8°, 14 P.
1857 - La Muse et l'Agio. In-16, 8 p. (Extrait de l'Abeille bordelaise).
1858 - L'Age d'Or. In-16, 8 p.
[1861] - L'Art et la foi. In-16, 7 p.
[1862] - On ne rit plus. In-16, 7 p.
PEYRONNET (comte Pierre-Denis de):
1850 - Le Temps, satire. In-8°, 30 p. (La préface est signée Justin Dupuy.)
RIBADIEU (Henry):
1855 - Les Châteaux en Gironde: moeurs féodales, détails biographiques, légendes, notices
archéologiques, épisodes de l'histoire de Bordeaux, au Moyen Age et dans les temps modernes,
état actuel des domaines. In-8°, 641 p.
1860 - Ed. VINET (Elie), L'Antiquité de Bourdeaus et de Bourg.
1866 - Histoire de la conquête de la Guyenne par les Français, de ses antécédents et de ses
suites. In-8°, XV-541 p., portrait de Talbot.
SABATIER (abbé Germain):
Au moins quinze ouvrages de cet auteur ont été imprimés par Justin Dupuy et par sa veuve. Nous ne citerons que
les principaux.
1847 - Du Catholicisme et de la liberté, lettres à M. A. Nicolas... In-8°, 78 p.
1859 - Nouvelles considérations critiques pour servir à l'histoire de l'ordre de Notre-Dame et
à la vie de Mme de Lestonnac, sa fondatrice. In-8°, V1,162 p.
1861 - Rome et le catholicisme, ou Droits du catholicisme sur Rome. In-8°, 32 p.
1862 - Rome et l'indépendance du Pape. In-8°, 48 p.
1863 - Premiers mélanges. In-8°, 1-395 p.
1866 - Nouveaux mélanges. In-8°, 11-413 p.
***
Notes
11
(1) 27e série, no 69 - no 43, dans La Chartreuse de Bordeaux, par Maurice MARTIN et Maurice FERRUS
(Grandes Nécropoles de France). Nous remercions ici Charles Teisseyre, auteur des photographies qui illustrent
cet article, et qui ont été prises avec l'autorisation de M. le Conservateur du cimetière, auquel nous exprimons
notre gratitude.
(2) Pour Martin et Ferrus : " Publiciste et homme de lettres, né à Bordeaux le 4 décembre 1810. Rédacteur en
chef de La Guienne de 1841 à 1859, il se fit remarquer par son talent de polémiste. Il a publié entre autres
ouvrages Les Bordelai " s en 1845, Union et Monarchie, Etudes et portraits. Mort le 1er mars 1859. Il avait été
élu membre de l'Académie de Bordeaux en 1851 ".
(3) Michel-Louis Garros, né à Barsac en 1833, établi à Bordeaux en 1860, obtint la grande médaille au Congrès
des architectes français, en 1887, après avoir réalisé de nombreux châteaux. chapelles et habitations privées à
Bordeaux et dans la Gironde.
(4) Louis-André de Coeffard de Mazerolles (1818-1887) est, comme Dupuy et Garros, enterré au cimetière de la
Chartreuse. Membre de l'Académie de Bordeaux, il est l'auteur, en particulier, d'une statue du vénérable abbé
Lacombe et du Chemin de Croix de Talence. Il aurait sculpté le médaillon en 1867. Pour d'autres auteurs (B . de
F., dans Biographie de Féret, Bordeaux, 1889): " Son portrait sculpté en médaillon par Jouandot se trouve chez
M. Minier et sur le monument que lui a fait élever à la Chartreuse la piété de ses amis " (p. 221).
(5) La bibliographie sur Justin Dupuy est mince : les Actes de l'Académie de Bordeaux, 1859, p. 453 ; J.-L.
THIBAUT, Eloge historique de François-Justin Dupuy.... Bordeaux, V- Justin Dupuy, 1859. In-8o. 23 p. ; Abbé
GAUSSIENS, Eloge biographique de Justin Dupuy, Bordeaux, G. Gotinouilhou, 1860; ms. 142 des Archives
munipales de Bordeaux, Dictionnaire de Bibliographie Girondine, I. 2 (DU-DY).
(6) A. D. Gironde, 143 T 1, dossier La Guienne.
(7) Les oeuvres principales de Justin Dupuy sont deux ouvrages qui traitent l'un de politique, l'autre de littérature
: Union et Monarchie, Bordeaux. impr. de J. Dupuy, 1851. In-12, 147 p. ; Etudes et portraits, Paris, J. Lecoffre.
1855. In-12, 285 p. On a de lui trois essais biographiques : Notice sur Apollinaire de Kontski, sa naissance, sa
vie, ses oeuvres, ses études et ses succès... jusqu'à ce jour, 3e éd., Bordeaux, impr. de J. Dupuy, 1847. In-81, 19
p. ; Vie de M. l'abbé Charles Dubourg, curé de la paroisse de Saint-Michel de Bordeaux, Bordeaux, impr. de J.
Dupuy, 1851. In-12, 100 p.; Eloge de M. le Cte de Peyronnet, prononcé par M. Justin Dupuy à la séance de
l'Académie impériale de Bordeaux, le 28 décembre 1855, extrait du Recueil des actes de l'Académie des
sciences, belles lettres et arts de Bordeaux, 1855, in-8º, p. 775-824, et Paris, E. Dentu. In-12, 72 p.
(8) Gergerès a écrit au moins cinq livres dont quatre sur les questions religieuses Conversion d'Hermann Cohen,
Père Augustin-Marie du Très Saint-Sacrement, carme déchaussé, Paris, Lecoffre, 1852. In-8º, 108 p. ; La
Couronne poétique du catéchisme, recueil d'explications, récits, paraboles, traditions.... Paris, A. Bray, 1857.
In-8º, 304 p. ; Le Culte de Marie, origine, explications, beautés, Paris, A. Bray, 1857 In-18 XII-488 p. ;
Jérusalem à Bordeaux, curieux rapprochements entre Jérusalem au temps de N. S. Jésus-Christ et Bordeaux au
XIXe siècle, Paris, A. Bray, 1859. In-8º, 102 p. Enfin on ne doit pas oublier, dans une revue de bibliophilie, une
étude du bibliothécaire de la ville de 1859 à 1869: Histoire et description de la bibliothèque publique de la Ville
de Bordeaux, et aperçu des principaux ouvrages, soit imprimés, soit manuscrits, qu'elle renferme, Paris,
Dérache, 1864. In-8º, 276 p. (Extrait du Congrès scientifique de France, 28e session, tome V.)Avocat et
magistrat, Jean-Baptiste Gergerès, né à Cenon - La Bastide en 1791, est mort à Bordeaux le 26 juillet 1869.
(9) H. Minier a publié de nombreuses comédies, proverbes, boutades. En collaboration avec Jules Delpit, il
donna en 1883 une étude historique sur Le Théâtre à Bordeaux. Il était membre lui aussi de l'Académie de
Bordeaux, où il fit de nombreuses communications. On a aussi de lui Moeurs et travers, 1- série en 1856, b série
en 1860, à Paris et Bordeaux.
(10) Henry Ribadieu, lui aussi membre de l'Académie de Bordeaux, a écrit de nombreux ouvrages d'histoire
locale: Les Châteaux de la Gironde, Bordeaux, impr. de J. Dupuy, 1855, 641 p. ; Un voyage au bassin
d'Arcachon. Le Sahara de la France. Paris, J. Tardieu, 1859, 163 p.; Histoire de la conquête de la Guyenne par
les Français, de ses antécédents et de ses suites, Bordeaux, impr. de J. Dupuy, 1866, KV-541 p. ; Un procès en
Guienne sous Louis XIV, Paris, E. Dentu, 1881, 189 p. ; La Guyenne d'autrefois, ses clercs, ses abbés, ses
moines, ses églises et ses monastères, Bordeaux, Féret et fils, 1884, IV-232 p. Il est aussi l'éditeur de L'Antiquité
de Rourdeaux et de Bourg, d'Elie VINET, en 1860.
(11) Dupuy a signé la préface du livre de M. Minier, Moeurs et travers, poésies satiriques, Bordeaux, ChaumasGayet, 1856. In-16, 352 p. C'est dans l'imprimerie de J. Dupuy que furent imprimés Le Vieux Bordeaux s'en va, "
boutade ", en 1855, et des pièces de vers, L'Argent, " satire ", en 1854, L'Age d'Or, en 1858.
(12) A. D. Gironde, 143 T 1. Sa mère portait le nom d'Anne Martin. Les deux témoins étaient François-Elisée
Delong, chirurgien, et François-Justin Delong, commisnégociant. D'après l'acte de naissance, le futur journaliste
portait les prénoms de François-Justin.
(13) Nous remercions ici M. Raymond Darricau qui nous a fourni des renseignements sur cette période peu
connue de la vie de Justin Dupuy.
(14) Cf. Histoire générale de la presse, sous la direction de Claude Bellanger, t. II, Paris, P.U.F.
(15) Il avait cessé ses fonctions le 14 janvier 1836 pour être remplacé par Culié, second gérant depuis 1833.
12
(16) On apprend que Dupuy habitait en 1843, 75, quai de la Grave. En 1846, il habitait au 14, quai des
Salinières.
(17) Il est remarquable de souligner que des parents de Justin Dupuy exercent encore en 1976 la profession
d'imprimeurs à Bordeaux-Pessac. Nous remercions vivement M. Lavielle, membre de la Société des bibliophiles
de Guyenne, qui nous a fait don d'un exemplaire précieux des Etudes et portraits de son arrière-grand-oncle.
(18) Le journal fut imprimé d'abord chez Simard, de 1832 à 1836, puis chez Balarac 8, rue des Trois-Conils (5
janvier 1837) et chez Gazay, 7, rue Montréjeau (décembre 1846). Enfin, Dupuy et son épouse eurent leur propre
imprimerie.
(19) Rapport de M. Chauvin, commissaire central. A cette date, le journal appartenait pour moitié à la veuve de
Justin Dupuy, qui habitait 20, rue Gouvion. Henry Ribadieu en était le rédacteur en chef.
(20) Dupuy ne démissionna pas même quand l'Académie de Bordeaux prit le nom d'Académie impériale.
(21) Etudes et portraits : " M. le comte de Maistre est devenu l'une des grandes autorités de ce siècle, en
philosophie, en politique, en littérature, et même en religion " (p, 230).
(22) Sur Laurentie voir notre article, Un écrivain royaliste du XIXe siècle Pierre-Sébastien Laurentie (17911876), dans Revue française d'histoire du livre, 1972, p. 195-218.
(23) Jasmin : il s'agit de Jaquou Jasminé à Agen en 1798 mort en 1864. Fils d'un tailleur, et lui même perruquier,
il est l'auteur de nombreux recueils dont los Lapillotos (1835-1843). Sainte-Beuve lui a consacré une de ses
Causeries du lundi.
(24) Jean Reboul, poète, né à Nîmes en 1796, mort en 1864. Simple boulanger, il fut rendu célèbre par des
recueils de poésie à partir de 1836. F.M.A. de CABRIÈRES a présenté Les Dernières Poésies de Jean Reboul
(Avignon, 1865).
(25) Abbé GAUSSENS, Eloge biographique, p. 5.
(26) La Littéraiture d'aujourd'hui, dans Etudes et portraits, p. 7-40. Il ajoute " Ce sont surtout les Académies
comme la vôtre, Messieurs. qui peuvent diriger le gout de a province, et lui faire produire la régénération des
lettres " (p. 39).
(27) Notre source principale est toujours le dossier 144 T 1 (1820-1860) des A. D. de la Gironde.
(28) " La Gironde est le moins cher des journaux à grand format, ce qui peut expliquer, en grande partie,
l'accroissement rapide de sa publicité au détriment du Mémorial et de L'Indicateur ".
(29) Voir surtout le journal La Guienne à la bibl. mun. de Bordeaux (Pér. 353).
(30) Pour ces personnages, consulter la Biographie de Féret. Messier possédait une riche bibliothèque
particulière. Il fut plus tard conservateur de la bibliothèque de la ville (1869-1885). Marchandon avait été
conducteur des Ponts et Chaussées avant de devenir homme de lettres et journaliste (1793-1877).
(31) Ribadieu écrivait dans La Guienne : " Dans une profession où l'état de guerre n'est que trop souvent l'état et
la condition de vie, il n'avait rencontré que des adversaires, il ne comptait pas un ennemi ".
(32) Le 17 février 1859.
(33) Etudes et portraits, " M. de Lamennais ", p. 51-78.
(34) Ibid., " M. l'abbé Bautain. M. Rigault. M. Cousin ", p. 155-180.
(35) Imprimé 12, rue de la Devise, en 1851.
(36) " Toute autre Royauté que celle des siècles et de la tradition n'est que la Révolution même et... par
conséquent l'Orléanisme ne peut rien lui-même pour reconstituer une Monarchie forte et durable ". Dupuy juge
ainsi la royauté de Louis-Philippe : " Royauté qui n'a pour elle ni le droit de l'insurrection, auquel clle doit sa
naissance et sa mort, ni le droit d'hérédité dont elle est la négation "(p. 38).
(37) Ouvrage paru à Paris, chez Lagny, et qui connut cinq éditions en 1848 et 1849.
(38) Dans L'Union, cité par La Guienne du 8 mars 1859, Laurentie lui-même avait publié en 1849 une brochure
politique De la démocratie et des périls de la société.
(39) Etudes et portraits. Il baptise la période 1755-1855 le " siècle des ruines "(p. 13).
(40) Avant l'orage.
(41) Etudes et portraits, " M. de Lamartine ", p. 79-94.
(42) Ibid.," Jasmin ", p. 107-132. et " Jean Reboul ", p. 197-228.
(43) Ibid. Rousseau est " le sophiste de Genève " (p. 12).
(44) La Guienne, 2 février 1859.
(45) Avant l'orage, " Les femmes de George Sand ".
(46) Ibid. On trouve aussi dans ce recueil d'autres pièces : " Les Fumeurs ",
" Le Progrès ", " Un roi qui s'en va " (le père de famille), " Le Triumvirat des petites villes " (l'avocat sans cause,
le médecin sans malade et le poète sans verve, comme atteints par la fièvre révolutionnaire).
(47) Etudes et portraits. " Gérard de Nerval - Hégésippe Moreau - Ozanam ", p. 133-154. " On a tant vanté sa
première folie, on a tant exalté ses extravagances, qu'il a fini par les chérir et par s'en draper ".
(48) Voir les deux premières contributions, " La littérature d'aujourd'hui ", p. 7-40, et " Explications ", p. 41-50.
(49) Alors que la rédaction du journal La Guienne se tenait 20, rue Gouvion.
(50) On trouve égalemew cette pièce dans l'ouvrage de Henry RIBADIEU, Les Chàteaux en Gironde, 1855.
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(51) Edmond Géraud (1775-1831). Les poésies de Géraud ont été publiées dès 1818 et 1820, à Paris. Des
fragments de son journal intime furent publiés, en 1892, par Charles Bigot et, en 1893, par Maurice Albert : Un
homme de lettres sous l'Empire et la Restauration et Un témoin des deux Restaurations.
(52) Peyronnet est l'auteur de Satires, Paris, E. Dentu, 1853. In-8º, 283 p. A Bordeaux il a publié Le Progrès,
satire, impr. de Balarac jeune, 1846. In-8-, 8 p., et Vincennes, impr. de J. Lebreton, (s.d.), in-8, 16 p.
(53) Cet écrivain dramatique (Le Béarnais, La Fille de Washington, etc.) est également l'auteur d'un mémoire
couronné par l'Académie de Bordeaux, Le Paupérisme et les souffrances morales de la société, 1857. Né en
1835, il avait déjà collaboré au Journal de Calais, sous le pseudonyme de Georges LINOIS (1851-1853), à la
Revue de Toulouse et à La France Centrale de Blois. De 1856 à 1883, il collabora à la Guienne dont il devint le
rédacteur en chef.
(54) L'abbé Etienne-Marie Gaussens est l'auteur de très nombreux ouvragos religieux et d'Eloges, oraisons
funèbres et discours, académiques, Paris, Lecoffre, 1878, 2e éd., 2 vol. in-18. L'abbé Gaussens, curé de ueyrac
en 1855, venait d'être nommé curé-archiprêtre de la basilique Saint-Seurin (1856). Il avait été élu membre de
l'Académie de Bordeaux en 1854.
(55) L'abbé Jean-Jacques Firminhac avait publié, dès 1839, Les Poésies de la foi, Paris., Hivert, in-81, 204 p.
(Voir plus loin ses ouvrages publiés par Justin Dupuy).
(56) S'agit-il de l'abbé Jean-Baptiste A. Boyer qui était en 1871 curé de CussacMédoc ?
(57) L'abbé P. DoNis publia plus tard Mois de Marie immaculée, Bordeaux, 1869. In-18, 33 p. L'imprimerie
Justin Dupuy avait publié, en 1857, le Discours prononcé par M. Donis à l'occasion de la bénédiction de la
cloche destinée à l'église provisoire Saint-Ferdinand, in-18, 12 p.
(58) L'abbé DÉJEANS est l'auteur d'un Manuel d'histoire mnémonisée, à l'usage (les aspirants au baccalauréat
ès-lettres, Bazas, impr. de J. Labarrière, 1852. In-8º, IV-133 p.
(59) Daniel O'CONNELL, le Grand Agitateur, le Libérateur de l'Irlande, était mort à Gênes en 1847. Le Père
Lacordaire, à Paris, et le Père Ventura, à Rome, avaient prononcé son Eloge.
(60) Voir supra, note 8.
(61) Jules de, Pineau (1795-1878), magistrat démissionnaire en 1830, était très écouté dans la partie légitimiste
de Bordeaux. Il possédait le domaine de Loudeix, près de Captieux.
(62) IMBERT de BOURDILLON (Raymond-Maurice marquis d'), OEuvres... Discours et poésies, Bordeaux,
impr. de G. Gounouilhou, 1867. Gr. inº, 211 p.
(63) Aurélien Vivie, qui écrivit plus tard l'Histoire de la Terreur à Bordeaux, (1877). Il était né à Bassens le 20
avril 1827.
(64) Martinelli (Jules), économiste. disciple de F. Bastiat. est l'auteur d'un Manuel d'agriculture et d'un recueil de
vers, La Muse en sabots, Paris, Ledoyen, 1858. In-8-, 111-155 p.
(65) Gout-Desmartres (Edouard) combinait, lui aussi, l'économie politique et la poésie. Il est l'auteur de
nombreuses brochures (parmi lesquelles Sir Robert Peel et la liberté commerciale, 1848) et de recueils divers
(Gestes de poésie, Paris, Gosselin, 1841),
(66) A. Lavertujon, rédacteur en chef de La Gironde depuis 1855, prit, à partir de 1857. vigoureusement parti
pour Curé et commença ses attaques contre la municipalité Gautier. Voir Bordeaux au XIXe siècle, tome VI, de
l'Histoire de Bordeaux, sous la direction de Louis Desgraves et de Georges Dupeux. Bordeaux, Fédération
historique du Sud-Ouest, 1969.
(67) Nous n'avons pas trouvé de renseignements complémentaires sur Jouanet. Par contre, il semble que J.
Raganeau ait vécu jusqu'à la fin du siècle. Il a écrit des pièces de théâtre, Un mari qui se trompe (1877), et des
ouvrages politiques àtendance républicaine dont République nouvelle : nos rapports politiques, Bordeaux, impr.
de A. Bellier, 1882-1884, 3 vol. in-8º.
(68) 28e session du Congrès scientifique de France, 1864.
(69) Nous donnons en annexe, infra, les principaux ouvrages publiés par l'imprimerie de Justin Dupuy.
(70) Avant l'orage, p. 121.
(71) Ce rapprochement nous a été indiqué par nos collègues de l'Université de Bordeaux III, M. Georges Buisson
et Michel Adam.
(72) Il s'agit de Union et Monarchie, Etudes et portraits sur le côté droit du monument, Eloges historiques et
Avant l'orage sur le côté gauche.
(73) Etudes et portraits, Joseph de Maistre, p. 229-283. " Le mot Providence est devenu à la mode ; il a remplacé
celui de la Nature, tant employé dans le siècle dernier ".
(74) Cité dans Etudes et portraits, p. 282.
(75) La Guienne, 23 février 1859.
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