Mercredi 15 janvier 2014

Transcription

Mercredi 15 janvier 2014
Le Soir Mercredi 15 janvier 2014
25
A suivre
La grande enquête #25 continue sur le blog. Retrouvez
nos articles et les commentaires des internautes sur
http://blog.lesoir.be/hashtag25/
Le Soir s’est donné dix
jours pour démont(r)er
les clichés
qui collent à la peau
de la génération 25 ans.
Retour sur une enquête
par et pour les jeunes
(mais pas que !).
RÉACTIONS
Sur le blog, facebook,
parfois twitter,
ils ont témoigné.
Génération
sacrifiée
« J’ai le sentiment d’une génération sacrifiée qui ne peut que
rêver de survivre, surtout pas
d’avoir une maison et un enfant.
On n’a rien devant nous »
DELPHINE
« L’avenir ne présage rien de bon
mais vous avez la possibilité de le
changer. Soit vous baissez les
bras. Soit vous vous battez et
descendez dans les rues pour
votre avenir et pour celui de vos
enfants » PHIL
« 25 ans, c’est galérer pour payer
ses études, galérer pour trouver
un boulot, être exploité et payer
des loyers hors de prix. (…) C’est
ne pas savoir prendre son indépendance » PETER
« Avoir 25 ans c’est tout vouloir et
ne rien avoir ! » AMC
« C’est enfin le goût de la liberté.
Travailler, gagner sa vie, ne pas
devoir rendre de comptes à papa
et maman, (…). C’est prévoir de
partir à New York avec les amis
prochainement, c’est être invité
au mariage de ses amis et déjà
prévoir le sien. Mais c’est aussi
mettre de côté chaque mois dans le
rêve de construire sa propre
maison, c’est payer un loyer à un
proprio peu scrupuleux, c’est faire
des démarches que papa et maman faisaient pour nous avant…
Bref avoir 25 ans en 2014 ce n’est
pas toujours « easy game » mais
c’est surtout très excitant. On n’a
plus 20 ans mais on a quand
même la vie devant nous… » CYRIL
L’emploi, la grande
angoisse des 25 ans
le bilan
le profil type il y a #25 et vingt-cinq ans
e terme de cette enquête sur les
Belges de 25 ans amène, bien plus
L
que la satisfaction de conclure, le doute
sur la bonne tenue de notre mission.
Sommes-nous parvenus à cerner, de statistiques en témoignages, le profil type de
notre génération ? Son plus petit commun dénominateur ? Et d’abord, y en a-til seulement un ? Non, évidemment.
Si la Game Boy et les Minikeums ont pu
massivement marquer nos souvenirs
d’enfance (voir nos classements sur le
blog #25), nos vies, déjà, se distinguent
remarquablement les unes des autres.
« Pour les 25 ans, on peut relever deux
profils-types aux extrémités d’un spectre
d’une grande variété de parcours de vie,
explique Olivier Servais, professeur de
sociologie à l’Université catholique de
Louvain. Il y a d’abord ceux qu’on appelle
les “Tanguy”. Ils sont ces jeunes adultes,
parfois travailleurs, parfois pas, qui dans tous ses aspects, sans pouvoir se permettre le luxe de développer une spécialivivent encore chez leurs parents. »
« Dans certains milieux urbains, on sation », observe encore Olivier Servais.
n’a plus besoin de voir les enfants partir le Ceux-là sont des adultes bien plus engaplus vite possible. Ceux-ci économisent gés dans la vie. Avec une constante sociologique : le modèle de la famille
les frais de logement pour s’investir
nucléaire tend à éclater.
davantage dans une formation
Entre ces deux pôles, il y a
étudiante ou une expérience
Entre les
tout le reste. « D’un même
professionnelle. Aussi, ils
« Tanguy » et
milieu social, deux jeunes
peuvent mener une vie de
les jeunes
de 25 ans peuvent montrer
couple sous le toit de leurs pades
profils radicalement
rents. Cela ne pose plus de protravailleurs,
différents. C’est typique de
blème et c’est clairement un
il y a tout le cette génération qui connaît
phénomène nouveau, même s’il
reste
une nette singularisation des
s’observe moins dans les camparcours. »
pagnes », explique le chercheur.
Une dispersion confirmée par Bruno
« À l’inverse, pour certaines raisons,
comme un environnement familial peu Colmant, économiste : « Pour les
accueillant ou de réelles difficultés finan- banques, cette tranche d’âge est un marcières, d’autres sont amenés à assumer ché très flottant, extrêmement fluctuant
d’emblée toute la complexité de la vie, dans le temps. Si bien qu’elles ne fonc-
tionnent plus selon des segments linéaires mais selon des profils. Aujourd’hui, le banquier s’intéressera davantage aux événements de vie, indépendamment de l’âge. » Bruno Colmant observe
toutefois que « cette génération maîtrise
globalement beaucoup mieux les outils
technologiques d’information et de communication ».
Pour le psychiatre Albert Bogaerts,
« notre société tend à pénaliser ceux qui
traînent aux études ou manquent d’expérience. Au nom d’une compétitivité qui
n’est rien d’autre qu’un nouvel esclavagisme, elle marginalise plus qu’elle n’intègre. »
Bref, à ceux qui ne se sont pas retrouvés
dans notre enquête, n’hésitez pas à la
prolonger sur le blog #25, il n’attend que
vous. ■
OLIVIER CROUGHS
Après 10 jours
d’enquête sur
la génération
25 ans, l’heure
est au bilan.
Entre les difficultés rencontrées et
les résultats obtenus, voici donc
nos trois grands
enseignements.
Engagement
« Je m’engagerai le jour où un
mouvement belge prend place.
Finissons-en avec le communautarisme. Je rêve de voir dans mon
pays des partis qui défendent les
intérêts de tous les Belges » DAVID
le travail
la diversité ,
incertitude, stress, précarité un pari compliqué
« Faire changer les choses, c’est
plus facile de l’intérieur. Tant en
matière environnementale, sociale, éthique, que communautaire. La meilleure manière d’exprimer son avis, c’est de le défendre soi-même » FLORENT
’enquête menée par Le Soir durant
10 jours visait à explorer toutes les
L
facettes de notre génération. Force est
Décomplexée
« On est à une époque où le sexe
est tellement partout sous toutes
ses formes que ça en devient perturbant… C’est la rivalité à qui a
fait le plus de trucs, avec le plus de
gens, etc. Je trouve ça pas plus
mal que les jeunes aient un peu de
pudeur » DELPHINE
Emploi
« Boulot, boulot, boulot… Est-ce
qu’une vie se résume à un boulot ?
Vraiment, si ce n’est qu’une question d’argent, faites une formation qui ne vous plaît pas dans un
métier d’avenir. (…) Mais vous
n’aurez peut-être pas réalisé vos
rêves » ASSIA
« Considérer le travail comme la
valeur suprême, c’est ça le problème. (…) Ok, quand nos parents
avaient notre âge, avec leur diplôme universitaire en poche, ils
étaient assurés de travailler
immédiatement. Nous plus… Et
alors, après tout ? On a mille
autres possibilités et libertés
qu’eux n’avaient pas, il ne faut
pas l’oublier ! » JULIETTE
recteur d’Actiris et Bernard Delvaux, patron de la Sonaca et de notre chat avec le
recteur de l’ULG intitulé : « les #25 sans
pourtant de constater qu’une préoccupa- travail, la faute aux unifs ? ». Deux évétion majeure s’est imposée, jusqu’à en nements web suivis en moyenne par
éclipser d’autres : le travail. Dès le lance- 2.500 à 3.000 personnes, soit nettement
ment de notre blog, le 16 décembre der- plus qu’à l’habitude pour ce type de fornier, l’expression était lâchée : « généra- mat. Le billet d’humeur d’une « desperate diplômée », un témoignage que
tion sacrifiée ». Et les réactions de se
nous avons reçu d’une jeune interbousculer sur cette angoisse manaute, Nikka Veracchi, 24 ans,
jeure : la quête, de plus en
Très tôt,
à la recherche d’un job depuis
plus difficile, d’un emploi,
et, ensuite, d’un boulot l’expression est un an et demi, a suscité plus
de 3.000 « like » sur Facestable, fixe, décent, face à la
lâchée :
book.
pléiade de petits jobs et
« génération
Tout article, ou presque,
autres contrats précaires
sacrifiée »
nous ramenait inlassable(voir nos commentaires
ment à cette problématique…
d’internautes ci-contre).
Les jeunes plus angoissés ? Oui, et
Le premier cliché démonté/
principalement par le travail. Une gédémontré dans nos pages entrait
d’emblée dans le vif du sujet : « les jeunes nération plus débrouillarde ? Au vu de
sont tous diplômés mais sans travail ». Il ses revenus, il est clair que la colloc’ est
en ressort qu’en effet, les jeunes accèdent parfois la seule option. Des 25 ans moins
davantage aux diplômes de l’enseigne- engagés ? « Survivre indépendamment
ment supérieur : ils sont 42 % dans les est déjà un combat pour eux », nous
25-29 ans, contre 30 % dans les 50-54 souffle une grand-mère.
Pourtant, cette génération a le monde
ans. Pourtant, plus d’un jeune sur sept né
en 1989 est au chômage. Si certains uni- à portée de main, à portée de clic… Et,
versitaires passent par cette case, ils surtout, elle possède de nouveaux outils,
trouvent généralement un emploi dans s’adapte mieux, ose faire preuve de mobiles six mois suivant la fin de leurs études. lité, place son bien-être avant ses ambiLe véritable problème concerne les tions rémunératrices… Autant de points
jeunes peu voire pas qualifiés, deman- forts pointés par Jean-Claude Daoust,
patron de la société d’intérim du même
deurs d’emploi de plus longue durée.
Une preuve de l’intérêt énorme pour nom, et qui seraient peu à peu intégrés
cette thématique ? Les succès de notre par les entreprises… Y’a de l’espoir ! ■
débat vidéo entre Grégor Chapelle, diELODIE BLOGIE
s’il y en a un sur mille, il faut montrer
tous les types de populations. Il faut laisser la possibilité aux autres jeunes de
fendue d’un tweet listant les prénoms des s’identifier. Qu’ils puissent se dire “moi
journalistes chargés d’enquêter sur les aussi je peux le faire”. C’est la seule majeunes de 25 ans. Une manière pour elle nière d’avoir un impact sur la génération
de pointer le manque de diversité dans suivante : en supprimant les freins. »
Aurions-nous dû instaurer des quol’équipe. « C’était une réaction spontanée. Ce n’était pas une condamnation tas ? La sénatrice et notre expert ne
ferme mais quand on sait que la jeunesse jugent pas la mesure nécessaire. Pour
bruxelloise est multiple et variée, c’était Frédéric Antoine, « l’intégration de
un peu étonnant. Je râle aussi dans les Belges issus de l’immigration s’est faite
débats du dimanche où tous les experts naturellement. Certains sont parvenus à
sont toujours des hommes ! » Et pour- se faire une place tout à fait remarquable.
tant, notre volonté était claire : donner la Même dans la presse, on voit de plus en
parole à tous les jeunes de 25 ans mais le plus souvent des signatures provenant de
fait est que cela fut difficile car nous l’immigration. »
Enfin, la difficulté à représenter la din’avions pas dans nos réseaux des personnes issues de l’immigration, de jeunes versité reposerait sur une dernière explichômeurs... Même en passant par des as- cation, à savoir le fait qu’un système a
pour habitude de se reproduire luisociations, cela fut compliqué.
Pour Frédéric Antoine, membre de même. Et les médias n’y échapperaient
pas. De quoi relancer le débat pour
l’Observatoire du récit médiatique
Frédéric Antoine : « En France,
à l’UCL, chercher la représen^Faut-il
des formations spécifiques en
tativité à tout prix n’est pas le
journalisme pour des jeunes
plus important pour un
faire
issus de l’immigration ou de
journaliste. « Si la démarche se base sur une vo- de la sociologie milieux défavorisés se dévelonté de trouver des équi- de la population loppent. Chez nous, c’est plus
marginal même si je relibres, il risque de passer à
à chaque
marque une ouverture aux
côté des gens les plus intéressujet ?
filles qui proviennent de l’immisants ou représentatifs. La
gration ces dernières années bien
question est de savoir s’il faut faire
de la sociologie de la population chaque qu’elles continuent à préférer des études
fois qu’on traite un sujet. » Zakia Khatta- professionnalisantes aux filières univerbi n’est pas d’accord. Pour elle, il faut da- sitaires. » ■
vantage montrer les minorités : « Même
MAXIME BIERMÉ
ors du lancement de notre blog le
mois dernier, Zakia Khattabi, présiL
dente du groupe Écolo au Sénat s’était
)G
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