Dictionnaire de la musique

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Dictionnaire de la musique
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Gallica.
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*Titre : *Dictionnaire de la musique ([Nouvelle éd.]) / Larousse ; sous
la direction de Marc Vignal
*Auteur : *Larousse
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Date d'édition : *2005
*Contributeur : *Vignal, Marc (1933-....). Directeur de publication
*Sujet : *Musique -- Dictionnaires
*Type : *monographie imprimée
*Langue : * Français
*Format : *1 vol. (923 p.-160 p. de pl.) : ill. en noir et en coul.,
couv. et jaquette ill. en coul. ; 29 cm
*Format : *application/pdf
*Droits : *domaine public
*Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200510r </ark:/12148/bpt6k1200510r>
*Identifiant : *ISBN 2035055458
*Source : *Larousse, 2012-129497
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40090332s
*Provenance : *bnf.fr
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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 2001 ;
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
Responsable éditoriale
Dominique Wahiche
Édition
Marie-Claude Khodakov
Lecture-Correction
Service de lecture-correction Larousse-Bordas/HER
Iconographie
Viviane Seroussi
Mise en page des hors-texte
Katy Lhaïk
Mise en page du corpus
Dominique Chapon
Fabrication
Nicolas Perrier
Réalisation de la présente édition
Gilbert Labrune
© Larousse/HER 1999 pour la précédente édition.
© Larousse/VUEF 2001 pour la présente édition.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque
procédé que ce soit,
du texte et/ou de la nomenclature contenus dans le présent ouvrage, et
qui sont la propriété de
l’Éditeur est strictement interdite.
Distributeur exclusif au Canada : Messageries ADP, 1751 Richardson,
Montréal (Québec).
ISBN 2-03-511 354 7
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
Préface
Le Dictionnaire de la musique présente des informations et des analyses
sur la musique et les musiciens de
tous les temps à travers environ 5 000 articles classés par ordre
alphabétique. Il s’agit d’une refonte et d’une
actualisation du Larousse de la musique paru pour la première fois en
1982 en deux volumes et plusieurs fois
réimprimé depuis sous une forme abrégée, éditée sous le titre
Dictionnaire de la musique en un volume.
Le domaine de ce Dictionnaire de la musique s’étend, en ce qui concerne
l’Occident, des origines à l’époque
contemporaine. Les expressions « savantes », en particulier pour l’art
occidental, ont tout naturellement fait
l’objet de notices, mais les expressions des arts dits « populaires » ou
« traditionnels » n’ont pas été délaissées
pour autant. Par ailleurs, une place non négligeable a été réservée à la
musique contemporaine et aux nouvelles technologies, envisagées jusque dans leurs manifestations les
plus récentes, et, ici encore, d’un point de
vue international.
Ainsi défini dans le temps et dans l’espace, le Dictionnaire de la
musique est organisé selon plusieurs
rubriques.
Compositeurs.
Comme dans tous les dictionnaires traditionnels, figurent ici des
articles consacrés aux compositeurs connus par
leur nom, de Pérotin et Guillaume de Machaut à Brian Ferneyhough et à
Pascal Dusapin en passant par Dufay,
Lassus, Monteverdi, Mozart et Berlioz, pour n’en citer qu’un par siècle.
Les articles fournissent des informations
sur la carrière du compositeur, sur son style et ses oeuvres, et
précisent sa place dans l’histoire de la musique.
Chaque notice et l’importance qu’on lui a accordée a nécessairement fait
l’objet d’un choix, discutable comme
tous les choix. Disons, d’une part, que, pour la dimension des articles,
une place plus importante a été attribuée,
sauf exception, aux grands artistes à la célébrité incontestée ; et,
d’autre part, que, pour la présence ou non dans
le Dictionnaire de la musique de compositeurs d’importance très
secondaire, voire négligeable, préférence a
souvent été donnée à ceux dont on a toute chance d’entendre parler à
cause de leur place dans le sillage d’un
« grand ». Ainsi, Neukomm figure dans notre dictionnaire en tant
qu’élève de Haydn (également à cause du rôle
important qu’il joua dans l’introduction au Brésil de la musique
classique européenne). On n’a pas omis non plus
les compositeurs connus par une seule oeuvre, même si c’est pratiquement
aux effets du hasard qu’ils ont dû de
survivre (Addinsell, Ketelbey).
Historiens, musicologues et critiques.
Il a paru également nécessaire de faire connaître au lecteur les grandes
personnalités qui ont écrit sur la musique,
que ce soit comme historiens (Adler, Burney), comme critiques ou comme
musicologues, spécialistes ou non d’un
compositeur ou d’une époque (Deutsch, Einstein, Landon, Mongrédien,
Pincherle, Spitta, Thayer), étant entendu
que très rares sont ceux qui se sont limités à l’une ou l’autre de ces
activités.
Éditeurs, facteurs d’instruments.
Bénéficient aussi d’articles spéciaux des personnalités ayant oeuvré
pour que des partitions musicales puissent
être exécutées, par exemple comme éditeurs (Artaria, Breitkopf, Durand),
ou encore comme facteurs d’instruments (Amati, Broadwood, Érard, Stradivari).
Écoles et tendances.
Artistes et oeuvres sont replacés dans leur cadre historique ou
esthétique grâce à des articles de synthèse, souvent
très développés, consacrés notamment à des grandes périodes (baroque,
romantisme), à des tendances esthétiques (expressionnisme, minimalisme, Vienne [école de]), à des cénacles
(groupe des Six), voire à des mécènes
(Esterházy). D’autres notices traitent des rapports entre la musique et
les différents moyens d’expression (ballet
[musique de], film [musique de]).
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Formes et genres.
Des articles de synthèse, eux aussi souvent très développés, concernent
l’évolution dans le temps et selon les pays
des formes et des genres (cantate, concerto, fugue, opéra, quatuor à
cordes, sonate, symphonie) ainsi que des
catégories (musique de chambre).
Technique, métier et nouvelles technologies.
D’autres notices encore, à caractère parfois plus technique, tentent de
mieux cerner les éléments proprement
dits du métier de musicien, qu’il s’agisse des instruments dont celui-ci
dispose (clavecin, orchestre, orgue, piano,
violon, voix) et de leur technique de jeu (interprétation), d’éléments
de vocabulaire, de langage ou de pensée
(atonalité, contrepoint, croche, dodécaphonique [musique],
électroacoustique [musique], harmonie, intervalle,
rythme, timbre) ou encore de moyens liés aux nouvelles technologies
(composition musicale assistée par ordinateur, compresseur/expanseur/limiteur, échantillonneur, informatique
musicale).
Institutions.
La vie musicale se déroule grâce à divers supports institutionnels qui,
eux aussi, font l’objet d’articles, qu’il s’agisse
de salles de spectacle ou d’Opéras (Bolchoï, Carnegie Hall, Covent
Garden), d’entreprises de concerts (Concert
spirituel, Domaine musical), d’orchestres et de formations
instrumentales ou vocales (Cleveland [Orchestre
de], Ensemble InterContemporain, Paris [Orchestre de]), de festivals
(Ars Musica, Berlin [Festival de], Festival de
musique ancienne d’Utrecht) ou bien d’associations, d’établissements
artistiques ou administratifs plus ou moins
spécialisés (Cité de la musique, I.R.C.A.M., ProQuartet).
Auteurs.
Une vaste équipe de près de 90 personnalités, choisies parmi les plus
autorisées du monde universitaire, de la
musicologie et de la critique, a participé à la réalisation de cette
entreprise. Cette équipe a eu pour dessein de fournir une information objective et sûre, tenant compte des recherches les
plus récentes. Il est bien évident qu’une
totale liberté d’appréciation et d’interprétation a été laissée à chacun
des spécialistes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
Collaborateurs
Josette Aubry
Mari-Danielle Audbourg-Popin
Maria-Madalena de Azeredo
Perdigão
† Pierre Balscheff
Pierre-Emile Barbier
Philippe Beaussant
Marie-Claire Beltrando-Patier
Dominique Bosseur
Jean-Yves Bosseur
† André Boucourechliev
† Jacques Bourgeois
Camille Bourniquel
Agnès de Boysson
† Nanie Bridgman
Hélène Bruce
Remy Campos
Roland de Candé
Gilles Cantagrel
Costin Cazaban
Jean-Claude Ch. Chabrier
† Jacques Chailley
Janine Chatignion
Michel Chion
Nathalie Combase
Gérard Condé
Pascal Contet
† Alain Daniélou
Roger Delage
Pierre Dumoulin
Jean Dupart
Sylviane Falcinelli
Henri-Claude Fantapié
Joël-Marie Fauquet
Alain Féron
Madeleine Gagnard
Jean Gallois
André Gauthier
Yann Geslin
Philippe Godefroi
† Antoine Goléa
Hélène Hachard
Dominique Hausfater
† Colette Herzog
Pascal Huynh
Dominique Jameux
† Gustave Kars
René Koering
Jean-François Labie
François Lafon
Jérôme de La Gorce
Frédéric de La Grandville
Henry-Louis de La Grange
† Paul-Gilbert Langevin
Marie-Claire Le Moigne-Mussat
André Lischke
Emmanuelle Loubet
Jean-Jacques Maltret
Roland Mancini
Guy Maneveau
Gérard Mannoni
Patrick Marcland
Harry Margaritis
Marcel Marnat
Jean-Christophe Marti
Christian Meyer
Denis Morrier
Michel Noiray
Anna Penesco
Mihnea Penesco
Alain Périer
† Michel M. Philippot
Hélène Pierrakos
Alain Poirier
Frédéric Robert
Jacques Rouchouse
Jean-Jacques Rouveroux
Jean Roy
Marie-Louise Sasia
† Pierre Schaeffer
Jérôme Spycket
Ivanka Stoianova
Patrick Szersnovicz
Akira Tamba
Maurice Tassart
Roger Tellart
Jean Terrayre
Robert Trocoire
Pierre Vidal
Marc Vignal
Marcel Weiss
Charles Whitfield
† Stéphane Wolff
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A
A.
1. Lettre par laquelle fut désignée la note
la dans la notation musicale du Moyen
Âge. Elle indique toujours le la dans les
pays de langue anglaise ou de langue allemande, où les syllabes de Gui d’Arezzo ne
sont pas adoptées. Voici, dans trois langues, l’appellation des altérations de cette
note :
français
anglais
allemand
la dièse
A sharp
Ais
la double
dièse
A double
sharp
Aisis
la bémol
A flat
As
la double
bémol
A double
flat
Asas
2. Abréviation d’alto (altus).
AARON ou ARON (Pietro), théoricien
italien de la musique (Florence v. 1489 Venise 1545).
Frère de l’ordre de Malte, il vécut à Imola,
où il fut maître de chapelle, puis à Rimini,
Venise, Padoue, Bergame, avant de s’établir définitivement à Venise. Ses écrits - en
particulier Thoscanello de la musica (1523)
et Lucidario in musica (1545) - témoignent
d’une sensibilité étonnamment moderne
dans le domaine de l’harmonie. En pleine
époque polyphonique, Aaron critiqua la
règle de composition par voix successives
et traita des accords en pensant la musique
« verticalement » et en s’intéressant aux
dissonances.
Il se pencha aussi sur le tempérament
des instruments à clavier. Pour une meilleure compréhension et une plus vaste
diffusion de ses traités, il rédigea ceux-ci
non en latin, comme il était d’usage, mais
en italien.
A. B. A.
Forme musicale en trois sections, où la
troisième est une répétition plus ou moins
variée de la première, la deuxième faisant
contraste.
ABAT-SON.
Ensemble de lames en bois recouvertes de
plomb ou d’ardoises, se trouvant à l’inté-
rieur des baies des clochers, et dont l’inclinaison renvoie le son des cloches vers le
sol.
A BATTUTA.
Expression italienne signifiant « en mesure », « avec la mesure », et indiquant
qu’après un passage joué librement (« ad
libitum »), par exemple une cadence ou un
récitatif, on doit revenir à une « battue »
(à une observation de la mesure) stricte
et régulière.
( ! BATTUTA.)
ABBADO (Claudio), pianiste et chef d’orchestre italien (Milan 1933).
Il est issu d’une famille de musiciens. Son
père était violoniste, son frère Marcello
(Milan 1926) est pianiste et compositeur. Claudio Abbado a fait ses études au
conservatoire de Milan, mais a aussi été
l’élève de Hans Swarowsky à Vienne, pour
la direction d’orchestre. Il a été directeur
de l’orchestre symphonique de la Scala
de Milan et chef principal de l’Orchestre
symphonique de Londres. Son répertoire
est très vaste et la musique contemporaine
y tient une place importante. Ses interprétations de Brahms, Tchaïkovski et Mahler,
de Rossini et Verdi sont particulièrement
renommées. Il a dirigé de 1986 à 1990
l’Opéra de Vienne, et fondé dans cette
ville, en 1986, l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler. En 1989, il a succédé à Karajan
à la tête de la Philharmonie de Berlin. En
1995, son contrat a été prolongé jusqu’en
l’an 2002.
ABBATINI (Antonio Maria), compositeur
italien (Città di Castello, province de Pérouse, v. 1609 - id. 1677).
Il fut maître de chapelle de plusieurs
églises de Rome. Ses nombreuses pièces de
musique sacrée sont d’une écriture complexe, virtuose, à plusieurs choeurs.
En collaboration avec Marco Marazzoli,
il écrivit un ouvrage lyrique, Dal Male il
bene (créé à Rome en 1654), que l’on peut
considérer comme l’un des premiers opéras-comiques. Les récitatifs annonçant
le futur recitativo secco, l’importance des
finales d’actes ouvrent l’avenir. Abbatini
collabora aussi à plusieurs ouvrages théoriques.
ABBEY, famille de facteurs d’orgues
d’origine anglaise, établie en France.
Ses membres - John (1785-1859), son fils
John Albert (1843-1930) et son petit-fils
John Mary (1886-1931) - exercèrent leur
métier un siècle durant, ils construisirent
quelque cinq cents instruments, en France
et à l’étranger. De facture romantique,
puis symphonique, ceux-ci sont réalisés
avec grand soin ; les Abbey ont été les premiers à adopter la machine pneumatique
de Barker. L’orgue de la cathédrale de
Châlons-sur-Marne est considéré comme
le chef-d’oeuvre de John Albert Abbey.
ABBIATE (Louis), compositeur monégasque (Monaco 1866 - Vence 1933).
Il se forma aux conservatoires de Turin
et de Paris, étudiant en particulier dans
ce dernier établissement le violoncelle
avec Franchomme. Il fut violoncelle solo
à l’Opéra de Monte-Carlo, à la Salle Favart à Paris et à la Scala de Milan sous la
direction de Toscanini, et, en 1911, prit
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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la direction d’une classe de violoncelle au
conservatoire de Saint-Pétersbourg où il
resta jusqu’en 1920. Il fut ensuite directeur
de l’Académie de musique de Monaco.
Ses instruments de prédilection étaient
le piano et le violoncelle. Sa production
abondante, d’un lyrisme généreux, comprend notamment : huit sonates pour
piano (no 3, op. 34 Élégiaque ; no 4, op. 47
Quasi sonatine ; no 5, op. 64 1914 ; no 7, op.
74 De profondis ; no 8, op. 79 Liturgique) ;
deux sonates pour violoncelle et piano, op.
12 (1890) et op. 39 (1920), deux quatuors
à cordes, un concerto pour violoncelle qui
subit un échec aux Concerts Lamoureux
en 1898, une symphonie en ré majeur ; le
poème symphonique pour violon et orchestre la Voix du luthier de Crémone et,
pour piano et orchestre, le Concerto italien
op. 96 (Prague, 1922) ainsi que la fantaisie
Monaecensis op. 110 (1925), en forme de
thème varié.
ABEL (Karl Friedrich), gambiste, claveciniste et compositeur allemand (Köthen,
Saxe, 1723 Londres 1787).
Élève de Johann Sebastian Bach à l’école
Saint-Thomas à Leipzig, il entra au service de la cour de Dresde, puis partit à
Londres, où, de 1765 à 1781, il fut l’associé
de Johann Christian Bach pour l’organisation de concerts d’abonnement (concerts
Bach-Abel). Abel fut le dernier grand
virtuose de la viole de gambe. Comme
compositeur, il écrivit, dans le style de
l’école de Mannheim, des symphonies, des
concertos, une symphonie concertante
ainsi que de très nombreuses sonates,
dont une trentaine pour la viole de gambe.
ABÉLARD ou ABAILARD (Pierre), philosophe, poète et musicien français (Le
Pallet, près de Nantes, 1079 - abbaye de
Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône,
1142).
Il doit sa renommée à ses amours célèbres
avec Héloïse. Ses chants d’amour sont
perdus, mais il a laissé des hymnes, six
planctus notés en neumes et conservés à la
bibliothèque Vaticane.
ABELL (John), compositeur, chanteur (falsettiste) et luthiste anglais (?,
Aberdeenshire, 1650 - Cambridge 1724).
Protégé par Charles II, il fit partie de la
Chapelle royale d’Angleterre (1679-1688).
Chassé au moment de la révolution de
1688, il séjourna notamment en Allemagne (1698-99). Il a composé des airs
pour voix et luth, et publié des recueils
de chants de divers auteurs, en plusieurs
langues.
ABENDMUSIK (all. : « musique du soir »).
Ce terme désigna, aux XVIIe et
XVIIIe siècles, des exécutions en concert
de musique sacrée, ou inspirée par le
sacré, qui se déroulaient régulièrement
à la Marienkirche de Lübeck. Établie par
les talentueux organistes successivement
titulaires dans cette église (notamment
Franz Tunder), la tradition des Abendmusiken s’était maintenue grâce au soutien
pécuniaire des riches bourgeois venus à
Lübeck traiter leurs affaires en Bourse ;
les concerts eurent d’ailleurs lieu à l’origine le jeudi soir, jour des cotations en
Bourse, avant d’être fixés au dimanche. À
partir de 1673, l’institution prit une importance grandissante, en particulier en
période liturgique d’avent, sous l’impulsion de Buxtehude, qui, pour elle, composa plus de deux cents pièces instrumen-
tales et vocales. En vue de la réalisation
de ces dernières, des ecclésiastiques, des
médecins confectionnaient des livrets sur
des thèmes tirés de l’Ancien Testament.
Les Abendmusiken, qui se poursuivirent
jusque vers 1810, annoncèrent l’exécution
des oratorios dans les églises.
ABENDROTH (Hermann), chef d’orchestre allemand (Francfort-sur-le-Main
1883 - Iéna 1956).
Élève de Ludwig Thuille (théorie) et de
Felix Mottl (direction d’orchestre), il commença sa carrière à Munich et à Lübeck,
et, de 1914 à 1934, dirigea le conservatoire
de Cologne ainsi que les concerts du Gürzenich dans cette ville. En 1934, il succéda
à Bruno Walter à la tête du Gewandhaus
de Leipzig, poste qu’il conserva jusqu’en
1945. Il fut ensuite directeur du Théâtre
national de Weimar (1945-1949) et chef
de l’orchestre de la radio de Leipzig (19491956). De 1953 à 1956, il dirigea également l’orchestre symphonique de la radio
de Berlin-Est. Il a admirablement servi la
grande tradition symphonique allemande
de Haydn à Bruckner et à Brahms.
ABERT (Anna Amalia), musicologue allemande (Halle 1906 - Kiel 1996).
Fille de Hermann Abert, elle s’est spécialement consacrée aux problèmes de l’opéra,
et en particulier à Gluck.
ABERT (Hermann), musicologue allemand (Stuttgart 1871 - id. 1927).
Professeur à l’université de Leipzig (1920)
puis de Berlin (1923), il a publié une version refondue et élargie de la biographie
de Mozart par Otto Jahn. Il s’agit en réalité
d’un ouvrage par beaucoup d’aspects tout
nouveau, pouvant être considéré comme
le plus important paru sur ce compositeur
au XXe siècle (Mozart, 1919-1921).
ABRAHAM (Paul), compositeur hongrois (Apatin 1892 - Hambourg 1960).
Il a tenté de moderniser l’opérette de tradition hongaro-viennoise en y introduisant des éléments de jazz. Victoria et son
hussard (1930), Fleur de Hawaii (1931) et
le Bal du Savoy (1932) ont connu une certaine popularité.
ABRÉGÉ.
Élément essentiel de la mécanique de
l’orgue, l’abrégé est un dispositif de transmission intermédiaire entre les claviers et
les soupapes des sommiers.
Son but premier est d’espacer en largeur les commandes issues en disposition
serrée des touches des claviers, de façon à
tenir compte de l’écartement des soupapes
dû à la largeur des tuyaux. Il consiste en
une série de rouleaux ou de barres mobiles
autour de leur axe, fixés à une table verticale. Les rouleaux sont reliés à l’une de
leurs extrémités aux touches des claviers ;
à l’autre, aux soupapes, par l’intermédiaire
de vergettes. Grâce à l’abrégé, le facteur
d’orgues peut distribuer les commandes
de l’exécutant à des tuyaux disposés en
des emplacements éloignés des claviers, et
dans un ordre différent de celui des notes.
On désigne également par « abrégé » une
pièce de la mécanique des carillons, intermédiaire entre les touches et les battants
de cloches.
ABRÉVIATION.
Depuis le XVIIe siècle au moins, le nombre
de signes que requiert la moindre notation musicale complète a poussé les notateurs à simplifier chaque fois que possible
leur graphisme au moyen d’abréviations
diverses. Certaines, non codifiables, sont
de simples suggestions graphiques que
copistes ou imprimeurs développent
ensuite ; il en est d’autres qui sont au
contraire passées dans l’usage au point
de faire partie de la notation codifiée ellemême. On relève surtout parmi elles :
- des signes de répétition, très nombreux, parmi lesquels certains, comme
l’arpeggio, ont en musique ancienne
une forme graphique qu’on ne doit pas
confondre avec des graphismes actuels
analogues de sens différent ;
- des indications de mouvements réguliers (batteries de notes répétées, glissandi,
gammes chromatiques, etc.) ;
- des signes d’octaviation ou de redoublement d’octaves au moyen du chiffre 8
ou de ses dérivés (8a ou 8va = octava) ;
- les signes de nuance, normalement
écrits en abrégé (piano = p, crescendo =
cresc., etc.) ;
- les signes d’agrément (trilles, grupetti, etc.) qui donnent lieu, surtout au
XVIIIe siècle, à toute une séméiographie
raffinée et complexe, souvent variable
d’un auteur à l’autre ;
- diverses conventions permettant
d’économiser le nombre d’altérations
écrites (non-répétition des altérations
avant la barre de mesure, armatures, etc.) ;
- diverses indications sommaires d’orchestration dont le développement est
laissé aux soins du copiste (ex. sur une
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portée de flûte on lira col violini, « avec
les violons »). Ce genre d’indications, peu
prisé aujourd’hui, était au contraire très
usuel dans les partitions anciennes, souvent réduites au rôle de simple schéma ;
- le remplacement des accords par des
chiffres conventionnels placés sur ou sous
la basse, et qu’il appartient au lecteur de
développer ; ce système, dit basse chiffrée,
a été très courant du XVIIe au milieu du
XVIIIe siècle ; il n’est plus guère employé
aujourd’hui que dans les brouillons de
compositeurs et les exercices scolaires ;
- les appels à l’improvisation de l’interprète, auquel le compositeur se borne à
fournir un schéma de départ (cadenza, a
piacere, etc.).
On notera que l’italien étant devenu en
quelque sorte la langue officielle de la musique du XVIIe au milieu du XIXe siècle, au
moins, la plupart des abréviations à partir
d’expressions verbales se réfèrent à cette
langue.
ABSIL (Jean), compositeur belge (Peruwelz, Hainaut, 1893 - Bruxelles 1974).
Après avoir été élève au conservatoire
de Bruxelles, il y devint professeur en
1931. Cofondateur de la Revue internationale de musique à Bruxelles, il a publié des
livres didactiques.
Son oeuvre de compositeur, dans une
écriture polytonale mais respectueuse des
grandes formes traditionnelles, comprend
des oeuvres instrumentales (musique pour
piano, musique de chambre, 5 symphonies, 1 poème symphonique, 1 symphonie
concertante, 1 concerto pour piano), de la
musique vocale (mélodies et choeurs), de
la musique de théâtre (opéras et comédie
lyrique).
ACADÉMIE.
Ce nom, qui avait été celui de l’école de
Platon, fut repris au milieu du XVe siècle,
à Florence, par une société d’humanistes
réunis à la cour de Laurent de Médicis,
puis par d’autres groupes semblables,
à Florence même, à Naples, à Rome, à
Bologne où quatre académies devaient
demeurer jusqu’au XVIIIe siècle. Leur rôle
dans l’évolution de la littérature et des arts
fut capital. La plus célèbre fut la Camerata du comte Bardi, à Florence ; de ses
travaux de réflexion, des expériences qui
s’y déroulèrent naquit l’opéra. En France,
le premier des creusets de cette sorte fut
l’Académie de poésie et de musique fondée en 1570 par A. de Baïf et Th. de Courville, où se forgèrent les principes de la
musique mesurée à l’antique. Par la suite,
le terme d’académie évolua et prit différents sens.
Il put désigner, notamment en France,
des institutions officielles suscitées par les
gouvernements : l’Académie française,
l’Académie des sciences, mais aussi l’Académie des beaux-arts, ainsi baptisée lors
du remaniement, en 1816, d’un organisme
fondé en 1795 ; elle compte six sections,
dont celle de musique, formée de sept
membres.
Ce terme s’appliqua aussi à des théâtres
d’opéra et de concert. Le privilège de
l’Académie royale de musique fut créé en
1669 et attribué à Perrin. Lully en prit possession en 1672. L’Opéra de Paris, dont
l’appellation officielle est encore « Académie nationale de musique et de danse »,
est le descendant direct de l’Académie
royale qui, par l’intermédiaire d’une école
de chant dramatique, est également à l’origine du Conservatoire. D’autres académies furent créées en province vers 1650
et demeurèrent jusqu’en 1789.
Dans les pays germaniques, le mot fut
choisi principalement pour désigner des
sociétés organisatrices de concerts, voire
ces concerts eux-mêmes (« académies »
données par Mozart à Vienne). En Angle-
terre, une Academy of Ancient Music fut
fondée à Londres, en 1710. Son but était
de faire revivre le répertoire de madrigaux
du XVIe siècle, ainsi que les oeuvres de
maîtres antérieurs ; une telle initiative est
tout à fait exceptionnelle pour l’époque.
Le titre d’Academy of Ancient Music a été
repris récemment par une des formations
anglaises les plus appréciées dans l’interprétation de la musique ancienne ; elle est
animée par Christopher Hogwood.
Enfin, certaines académies ayant
patronné, au XVIIIe siècle, des écoles de
musique pour enfants, le terme en est
venu à désigner des établissements d’enseignement, et plus spécialement, à partir
du XIXe siècle, d’enseignement supérieur
(Berlin, Londres, ou l’Académie de SainteCécile à Rome).
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
Nom porté lors de sa fondation par ce qui
était en fait l’Opéra de Paris. Le privilège
en fut accordé le 26 juin 1669 par Louis
XIV à l’abbé Perrin (v. 1620 - 1675), poète
et librettiste, et au compositeur Robert
Cambert (v. 1627 - 1677). Ils donnèrent
des « académies d’opéra », mais, malgré le
succès de leur Pomone (1671), l’entreprise
fit faillite (Perrin se retrouva en prison
pour dettes) et le privilège fut racheté par
Lully en mars 1672.
ACADEMY OF SAINT MARTIN IN THE
FIELDS.
Ensemble fondé en 1959 par Neville Marriner pour donner des concerts de midi
dans l’église londonienne dont il porte le
nom.
Au cours des années, son activité s’est
considérablement développée, et il est
devenu l’un des orchestres de chambre
les plus réputés du monde. Son répertoire va de la musique baroque italienne
aux oeuvres les plus modernes. En 1975,
Marriner en transmit la direction à Iona
Brown, qui en resta néanmoins premier
violon. À cette même date, l’Academy
s’est adjoint un choeur dirigé par Laszlo
Heltay.
A CAPPELLA ou A CAPELLA.
Cette locution désignait à l’origine les
compositions polyphoniques religieuses
exécutées dans les églises « comme à la
chapelle ». L’expression était liée à un
style d’écriture bien défini, généralement
de rythme binaire alla breve ( , employé
autrefois notamment dans la messe et le
motet. Par extension, on en est venu, à
partir du XIXe siècle, à appeler ainsi toute
musique vocale privée d’un soutien instrumental.
ACCARDO (Salvatore), violoniste italien
(Turin 1941).
Diplômé du conservatoire San Pietro a
Majella de Naples (1954), Accardo a fréquenté l’Académie d’été de Sienne (19541959) et remporté plusieurs concours
internationaux, notamment le concours
Paganini de Gênes (1958), avant d’entreprendre une carrière de soliste. Il a été
le premier violon de l’ensemble I Musici
(1968-1971), et a fondé, en 1970, un festival de musique de chambre à Naples.
C’est un musicien à la technique exceptionnelle et au style rigoureux. Nommé en
1994 chef permanent de l’orchestre du San
Carlo de Naples, il a enregistré l’intégrale
des concertos de Paganini.
ACCELERANDO (ital. : « en accélérant »).
Indication prescrivant une accélération
progressive du mouvement à un moment
donné de l’exécution musicale.
ACCENT.
Signe musical indiquant l’intensification
conférée à un son, afin d’obtenir un relief
rythmique ou expressif particulier par
rapport aux autres sons d’une ligne mélodique.
L’accent est indiqué au moment même
de l’effet à obtenir, le signe correspondant
étant placé au-dessus ou au-dessous de la
note, selon le sens de la hampe. Plusieurs
signes peuvent marquer l’accent : signifie que la note doit être particulièrement
soutenue, intense ; signifie une attaque
forte suivie d’un decrescendo ; ou , une
attaque vibrante et décidée, sans aucune
atténuation ; sf (sforzando), une attaque
renforcée ; fp, une attaque forte suivie d’un
piano subit.
ACCENTUS.
Dans la pratique liturgique romaine, c’est
le chant du célébrant, auquel répondent le
choeur ou les solistes à l’unisson, appelés
concentus. Dans le chant grégorien, l’accentus est presque continuellement une
récitation sur une seule note, avec une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ponctuation à certains endroits, un accent
aigu étant placé au-dessus de la voyelle accentuée. Par opposition, le concentus désigne aussi un type de chant mélismatique
utilisé pour les alleluias et les graduels.
ACCIACATURA (ital. acciacare : « écraser », « piler »).
Agrément, appoggiature brève particulière aux instruments à clavier.
La petite note barrée et la note réelle
sont frappées simultanément, la première
étant relâchée tout de suite. L’acciacatura
est généralement un demi-ton en dessous de la note qui suit. L’effet produit est
celui d’un écrasement, d’une dissonance
qui était frappante pour les oreilles du
XVIIIe siècle. D. Scarlatti en a fait grand
usage dans ses Essercizi per gravicembalo.
Dans la musique française pour clavier de
la même époque, acciacatura a pour synonyme « pincé étouffé ».
ACCIDENT.
Signe de notation qui indique qu’une note
doit être altérée (élevée ou abaissée), car
elle est étrangère à la tonalité indiquée par
l’armure de la clef.
Ces signes d’altération sont : le dièse
et le double dièse, le bémol et le double
bémol, le bécarre et le double bécarre.
L’accident est placé devant la première des
notes qu’il altère et, de nos jours, le pouvoir d’un tel signe reste en vigueur pour
la durée d’une mesure. Dans la musique
ancienne, l’accident ne concernait que la
note devant laquelle il était placé mais,
avant la seconde moitié du XVIe siècle,
les altérations n’étaient pas souvent indiquées ; les interprètes les ajoutaient automatiquement lors de l’exécution.
ACCOLADE.
Signe réunissant plusieurs portées qui
doivent être jouées simultanément.
Cet ensemble s’appelle également
système.
ACCOMPAGNEMENT.
Ensemble des éléments vocaux et instrumentaux qui, subordonnés à la partie
principale, lui donnent son relief, sa puissance expressive, sa vitalité rythmique, la
signification de son déroulement, enfin
son contenu harmonique.
Il peut être exclusivement ou tout à
la fois rythmique et harmonique, avoir
ou non un déroulement musical propre,
n’être qu’un cadre dans lequel la partie
principale se meut librement, ou encore
un soutien expressif assez développé pour
lui permettre d’acquérir une place prédominante ; il peut être constitué de simples
accords ou ponctuations soutenant le
« chant » instrumental ou vocal ; il peut
être également le prélude et le prolongement de ce chant (lieder de Schubert,
Schumann). L’accompagnement peut être
soit noté, soit improvisé. Il est improvisé,
par exemple, dans la chanson populaire,
la chanson de variétés, et l’était autrefois
dans la musique savante où la basse chiffrée était réalisée à vue par l’interprète
(orgue, clavecin, etc.).
ACCORD.
1. Ensemble de sons entendus simultanément et pouvant donner lieu à une perception globale identifiable comme telle.
À défaut d’une identification de ce genre,
on n’a plus un accord, mais un agrégat
(ou une agrégation) : par exemple un
ensemble de sons formé des notes do, mi,
sol, quelles qu’en soient les dispositions
ou répétitions, est un accord du fait que
l’on ne perçoit pas isolément chaque do,
mi ou sol, mais la sonorité globale que ces
notes forment ensemble, et que l’on identifie en une perception globale d’« accord
parfait ». En revanche, un ensemble do, fa
dièse, la bémol, ré bémol, ne se rattachant
à aucune sonorité d’ensemble identifiable
comme telle, n’est pas un accord, mais un
agrégat.
Les accords avaient été classés au
XVIIIe siècle selon la conception de
l’époque en consonants (accord parfait
avec ses renversements, accord de quinte
diminuée) et dissonants (accords de sep-
tième, et plus tard de neuvième). L’évolution de la notion de consonance a rendu
cette classification caduque, mais elle n’en
est pas moins restée en usage jusqu’à nos
jours dans de nombreux traités.
Le nombre des accords possibles est
considérable. Jusqu’au XXe siècle, ils dérivaient tous des accords naturels, qui reproduisent, parfois avec une légère approximation acceptée par la « tolérance », un
fragment plus ou moins étendu du tableau
des harmoniques. Les accords analogiques
transportent les précédents sur les divers
degrés de la gamme en modifiant leurs
intervalles en fonction de cette gamme.
Dans les accords altérés, une ou plusieurs
notes sont mélodiquement déplacées sous
l’effet de l’attraction. Dans les accords de
notes étrangères, l’accord proprement dit
se voit modifié ou perturbé par l’intrusion de « notes étrangères », qui cependant n’en affectent pas la perception ; les
principaux sont : les accords appoggiaturés
(ou accords d’appoggiatures), dans lesquels
une ou plusieurs notes sont déplacées
au degré voisin, diatonique ou chromatique, formant une « appoggiature » qui
fait attendre son retour ou « résolution »
sur la « note réelle » de l’accord (l’accord
célèbre dit « de Tristan » est un accord
d’appoggiature) ; les accords de broderies,
dans lesquels un ou plusieurs sons, parfois même tous, résultent d’un glissement
au degré voisin des sons correspondants
de l’accord précédent, auquel on revient
ensuite. On note encore des accords d’extension, dans lesquels à l’accord proprement dit s’ajoutent des notes accessoires
qui se fondent avec lui pour en enrichir la
sonorité (l’un des plus fréquents est l’accord parfait à sixte ajoutée). La musique
moderne fabrique en outre des accords
artificiels ne se rattachant pas aux modèles
ci-dessus ; on cite : les accords par étagements d’intervalles (accords de quartes
dans la Kammersymphonie de Schönberg,
de quintes dans Daphnis et Chloé de Ravel,
de tierces chez Darius Milhaud) ; l’accord
de la gamme par tons entiers, très répandu
dans le debussysme, peut s’y rattacher,
mais peut aussi être considéré comme un
accord de treizième naturel amputé de sa
quinte juste ; l’accord mystique de Scriabine (do, fa dièse, si bémol, mi, la, ré) ; les
accords par superposition formés, souvent
de manière polytonale, par la superposition de deux accords indépendants (procédé très fréquent chez Stravinski à partir
du Sacre) ; les accords par consolidation de
notes étrangères lorsque celles-ci cessent
de faire attendre la résolution pour être
considérées comme notes réelles (par
exemple, l’accord à double appoggiature
chromatique familier à Ravel).
Les accords naturels sont formés des
notes correspondant aux sons 1 à x du
tableau des harmoniques, l’emplacement
de x sur ce tableau déterminant la nature
de l’accord : ils prennent le nom de l’intervalle formé avec la fondamentale ou
son octave par la dernière note impaire
utilisée dans le tableau : c’est ainsi qu’on
dit accord de quinte, de septième, de neuvième naturelle ; par exception, on ne dit
pas habituellement accord de tierce naturelle, mais accord parfait majeur (harmoniques 1 à 5). On peut y ajouter l’accord
de onzième et peut-être de treizième augmentée ; l’accord par tons entiers peut,
on l’a dit, se rattacher à ce dernier, étant
constitué des harmoniques 1 à 13, avec
suppression de la quinte juste. Les accords
analogiques prennent le nom de l’accord
naturel correspondant, accompagné de
qualificatifs qui en précisent la nature
(ex. : accord parfait mineur pour l’analogique à tierce mineure de l’accord parfait
majeur, accord de septième majeure pour
l’analogique de 1er degré en majeur, de
septième diminuée pour l’analogique de
7e degré du mineur harmonique, etc.). Il
en est de même de la plupart des autres accords (ex. : accord à quinte altérée, accord
avec sixte ajoutée, le mot « parfait » restant souvent sous-entendu). En outre, certains accords, employés dans un contexte
tonal défini, peuvent prendre un nom de
fonction se référant au degré sur lequel ils
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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se placent (ex. : accord de septième de dominante, de septième de sensible, etc.). Il
est inadmissible d’employer la nomenclature de fonction en raison de la sonorité
lorsqu’elle n’est pas justifiée comme telle ;
par exemple, on ne peut appeler septième
de dominante une septième naturelle ne
jouant pas le rôle de dominante.
Les accords sont dits à l’état fondamental quand leur note de basse est la fondamentale de l’accord naturel correspondant
ou l’une de ses octaves. Quand la note de
basse de l’accord est une autre note de
l’accord, celui-ci est dit renversé ou à l’état
de renversement (expression d’ailleurs fautive qui remonte à une erreur de Rameau
en 1732). La manière dont sont réparties
au-dessus de la note de basse les autres
notes de l’accord, répétées ou non, en
détermine la position ; l’état d’un accord
est un élément important de son analyse ;
par contre, sa position est, sauf cas particuliers, considérée comme sans influence
sur cette analyse.
Les accords dont le modèle naturel
aborde au moins l’harmonique 5 sans
dépasser l’harmonique 11 présentent
la particularité de pouvoir échelonner
leurs notes par tierces, ce qui a fait dire,
en une époque où l’on n’envisageait pas
d’autres accords que ceux entrant dans
cette catégorie, que l’étagement par tierces
pouvait être pris comme définition de la
notion d’accord elle-même. On reconnaît
aujourd’hui la fausseté de cette assertion,
bonne tout au plus à fournir en certains
cas un auxiliaire mnémotechnique de caractère pédagogique assez rudimentaire.
2. Action d’« accorder » un instrument,
c’est-à-dire d’en régler les parties sonores
de manière qu’elles soient conformes
au diapason choisi et aux intervalles en
usage : « Procéder à l’accord d’un piano. »
ACCORDÉON (all. Akkordeon,
monika, Klavier-harmonika,
monika ; angl. accordion ;
a manticino, fisarmonica ;
HandharZiehharit. armonico
russe Bayan).
TECHNIQUE.
Instrument portatif à vent, à anches métalliques libres accordées à hauteur tempérée
et fixées sur des plaquettes en aluminium.
Celles-ci sont soudées sur des sommiers
en bois à l’aide de cire d’abeille. Chaque
sommier compte autant d’alvéoles que de
plaquettes. Une plaquette correspond à
une note et contient deux anches libres de
dimension identique, produisant le même
son sur les accordéons chromatiques. Le
nombre de sommiers dépendra de la tessiture de l’accordéon et du nombre de voix
qu’il comprend. Il existe des accordéons à
une, deux, trois, quatre ou cinq voix. Les
variétés de pression et d’attaque du soufflet donnent à l’accordéon une dynamique
et une expressivité particulièrement
riches. Il existe deux types d’accordéons,
communément désignés « chromatique »
(même son en tirant ou en poussant) et
« diatonique » (un son en tirant, un autre
en poussant). Présent dans la plupart des
musiques traditionnelles des régions françaises, le diatonique colore aussi le riche
folklore des musiques du monde. Grâce à
la passion de virtuoses et à un répertoire
important, il a pu préserver son patrimoine traditionnel et atteindre depuis
plusieurs années un statut ethnologique
considérable.
L’accordéon chromatique peut comporter, au clavier main droite, jusqu’à cinq
rangées de boutons qui donnent toutes les
notes de la gamme chromatique. Le clavier main gauche comporte deux systèmes
dits basses standard et/ou basses chromatiques. Le système de basses standard (80
ou 120 basses) est utilisé principalement
dans le répertoire traditionnel. Il présente deux rangées de basses, et quatre
de « basses composées » fournissant des
accords préfabriqués parfaits majeurs,
mineurs, de septième de dominante et de
septième diminuée. Le système des basses
chromatiques est utilisé dans le répertoire
concertant. Il présente deux rangées de
basses (identiques au système de basses
standard, tessiture : mi 0 à ré 1) et quatre
rangées de boutons (une seule note par
bouton) disposées chromatiquement
comme sur le clavier droit. Les possibilités polyphoniques des deux claviers permettent d’exécuter des pièces complexes
à plusieurs voix, d’écriture tonale ou non.
Grâce à l’utilisation de registres, la tessiture de l’accordéon est égale à celle d’un
piano de concert. Le développement de
modes de jeux inédits (souffles, effets de
percussion, résultantes de sons, glissandi)
en fait un instrument de plus en plus
apprécié par les compositeurs. L’accordéon est doté d’une registration sophistiquée : 15 registres différents à droite et 6
à gauche pour les modèles professionnels
de concert, ainsi qu’un report judicieux de
7 principaux registres placés en haut de
l’accordéon près du menton (d’où l’appellation « mentonnière »).
Ces registres découlent d’un principe
de combinaisons élaborées à partir de
quatre possibilités de base de type organologique : registre 4ʹ (tessiture mi 3 à do
dièse 6), registres 8ʹ« caisse » et 8ʹ « hors
caisse » (mi 1 à sol 6), registre 16ʹ (mi 0 à
sol 5). La tessiture de base (8ʹ) du clavier
gauche s’étend de mi 0 à do dièse 5. Certains modèles sont dotés d’un registre
suraigu (4ʹ), mi 3 à do dièse 6. Un système
de déclenchement (déclencheur) permet
une alternance entre le système des basses
standard et celui des basses chromatiques.
Depuis 1991, une standardisation internationale est effectuée afin de définir les
normes de l’accordéon du XXIe siècle.
HISTOIRE ET RÉPERTOIRE.
L’introduction en Europe du sheng
chinois, rapporté par le père Amiot vers
1777, donnera libre cours aux inventions
diverses basées sur l’anche libre, principe
déjà utilisé 2 700 ans avant Jésus-Christ.
Breveté en 1829 à Vienne (Autriche) par
Cyrill Demian (1772-1847), l’« Accordion » découle de ces recherches et n’est
qu’une petite boîte formant seulement
quelques accords. Dès son entrée en
France vers 1830, les facteurs d’accordéon
(Fourneaux, Kaneguissert, Masspacher,
Reisner) améliorent le système de Demian, placent le système harmonique (accords) à la main gauche et le système mélodique à la main droite. Maniable, petit
et facile à pratiquer, il devient très vite à la
mode dans les salons de l’aristocratie française. Destiné surtout aux jeunes filles de
bonne famille, c’est un bel objet d’art orné
d’une marqueterie richement décorée
(galuchat, nacre, écaille de tortue, cuivre,
bois rares). Autour de 1860, de grandes
fabriques, principalement allemandes et
italiennes, produisent un nombre considérable d’accordéons. Délaissé par la
haute bourgeoisie, l’instrument se popularise et devient l’apanage des émigrants
qui l’emportent au bout du monde. Vers
1900, en France, dans les bals, l’accordéon remplace la musette (cornemuse
améliorée). L’accordéoniste et compositeur Émile Vacher (1883-1969) est, avec
Michel Péguri, le précurseur du style
appelé « musette ». Depuis cette époque,
l’accordéon est considéré comme l’instrument des bals, des danses endiablées et de
la chanson réaliste. Sa facture évolue, le
clavier droit développe une tessiture intéressante et l’accompagnement des basses
précomposées du clavier gauche permet
de riches modulations. Il est adulé dans
les années 30, et son répertoire, dépassant
la simple danse, devient musique à part
entière grâce aux talents de Gus Viseur,
Tony Muréna ou Jo Privat. Remisé dans
les années 60, mais jamais totalement
éteint, il revient en force en France dans
les années 80, tous genres musicaux
confondus : chanson, classique, contemporain, jazz, rock, traditionnel. Universel dans l’âme, l’accordéon suscite aussi
depuis sa naissance l’intérêt des compositeurs classiques, heureux de découvrir
un instrument polyphonique aux riches
possibilités sonores. Si Alban Berg, Serge
Prokofiev, Petr Ilitch Tchaïkovski, Paul
Hindemith ou Dimitri Chostakovitch lui
donnent droit de cité, c’est surtout grâce
aux écoles allemandes, canadiennes, des
pays de l’Est et scandinaves (en particulier
finlandaise) que l’accordéon s’anoblit en
quelque sorte. En 1927, la première partition importante pour accordéon solo,
Sieben neue Spielmusiken, émane du compositeur allemand Hugo Hermann. Parmi
plusieurs interprètes de sa génération, le
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soliste danois Møgens Ellegaard (19351995) contribuera dès 1957 au rayonnement de l’accordéon dans le milieu classique contemporain et collaborera avec
de nombreux compositeurs dont Jindrich
Feld, Per Nørgård, Arne Nordheim, Ole
Schmidt. La reconnaissance de l’accordéon et la fondation de nouvelles classes
dans les conservatoires nationaux supérieurs de ces pays lui confèrent un statut
hautement respecté et facilite son intégration dans le milieu classique. En France,
depuis l’instauration en 1986 d’un certificat d’aptitude et d’un diplôme d’État,
l’accordéon est présent dans bon nombre
d’écoles nationales de musique et de
conservatoires régionaux.
La collaboration étroite entre compositeurs et interprètes de tous pays donne
naissance à un répertoire de concert grandissant dans la plupart des grands festivals
de musique d’aujourd’hui et dans les lieux
habituels de diffusion. Les principaux
auteurs de ces partitions (concerti, formation de chambre ou soli) sont Claude
Ballif, Luciano Berio, Thierry Blondeau,
Harrison Birthwistle, Bernard Cavanna,
Jean-Pierre Drouet, Jean Françaix, Bruno
Giner, Vinko Globokar, Sofia Gubaïdulina, Toshio Hosokawa, Klaus Huber,
Mauricio Kagel, Magnus Lindberg,
Jacques Rebotier, R. Murray-Schäfer,
Isang Yun.
ACCORDER.
Assurer la justesse d’un instrument à son
variable (piano, violon, harpe), selon le
système du tempérament égal. Dans un
orchestre, tous les instruments doivent
être accordés au même diapason donné
(le la = 440 Hz, par ex.). Pour accorder le
piano, l’accordeur se sert d’un accordoir,
clé spéciale pour ajuster les cordes.
ACCOUPLEMENT.
À l’orgue ou au clavecin, l’accouplement
est un dispositif qui permet d’associer
deux claviers, de telle sorte qu’en jouant
sur l’un, on actionne en même temps
l’autre, en faisant entendre simultanément les sonorités propres à chacun. Sur
un orgue à plus de deux claviers, plusieurs
accouplements offrent à l’exécutant les
diverses combinaisons de réunion des
claviers entre eux. Au XIXe siècle, on a
également réalisé des accouplements d’un
clavier à l’autre, voire d’un clavier sur
lui-même, à l’octave aiguë ou à l’octave
grave, de façon à augmenter la puissance
sonore des instruments. Le pédalier peut,
lui aussi, être accouplé à chacun des claviers ; l’accouplement porte alors le nom
de tirasse. Le dispositif d’accouplement est
réalisé soit mécaniquement, soit pneumatiquement, soit électriquement. La commande se fait en tirant un clavier pour
en enclencher la mécanique (clavecins et
orgues jusqu’au XVIIIe s.), ou en appelant
cette combinaison par l’intermédiaire
d’une pédale ou d’un bouton.
ACCROCHE NOTE.
Ensemble français de musique contemporaine fondé en 1981.
Basé sur une structure relativement
classique (soprano, clarinette et percussion), Accroche Note se définit par la souplesse de son effectif, qui va du solo à l’orchestre de chambre. Il s’est imposé aussi
dans le monde des festivals consacrés à la
musique d’aujourd’hui, tels les festivals
Musica de Strasbourg, Manca de Nice,
Nova Musica de São Paulo, Almeida de
Londres, Voix nouvelles de Royaumont,
par son esprit d’ouverture, par la spontanéité et la vivacité de ses interprétations.
L’ensemble a signé de nombreuses créations de Donatoni, Radulescu, Dusapin,
Manoury, Ferneyhough, Monnet, Pesson,
Dillon et réalise des disques chez Montaigne, Accord « Una corda », Erato.
ACHRON (Joseph), violoniste et compositeur américain d’origine lituanienne
(Losdseje, Pologne, 1886 - Hollywood
1943).
Il fit partie du groupe qui fonda en 1908
à Saint-Pétersbourg la Société pour la
musique populaire juive, dont la plupart
des membres étaient amis ou élèves de
Rimski-Korsakov. De 1916 à 1918, il servit
dans l’armée russe. En 1925, il émigra aux
États-Unis et, en 1934, s’installa à Hollywood, où il composa des musiques de
film et poursuivit sa carrière de violoniste.
En 1939, son 3e Concerto pour violon
opus 72 fut créé par Heifetz. Écrite « à la
mémoire de mon père », la célèbre Mélodie
hébraïque opus 33 pour violon et orchestre
(1911), d’après un thème hassidique, fut
largement popularisée par Heifetz également. Il se fit également un nom comme
musicologue et était considéré par Schönberg comme « l’un des compositeurs modernes les plus sous-estimés ».
ACKERMANN (Otto), chef d’orchestre
suisse d’origine roumaine (Bucarest
1909 - Berne 1960).
De 1920 à 1925, il étudie le piano et la
direction de choeurs au Conservatoire de
Bucarest. Entre 1926 et 1928, il étudie à
la Hochschule für Musik de Berlin la
direction d’orchestre, avec Georges Szell
notamment. Sa carrière est surtout consacrée à l’art lyrique, où il illustre parfaitement la tradition germanique. C’est ainsi
qu’il gravit tous les échelons des maisons
d’opéra : de 1928 à 1932, il est répétiteur
puis chef de ballet à l’Opéra de Düsseldorf,
avant de devenir premier chef d’orchestre
de l’Opéra de Brno jusqu’en 1935. Il travaille ensuite à l’Opéra de Berne (193547), au théâtre An der Wien (1947-53) et à
l’Opéra de Cologne (1953-58). Dans le domaine symphonique, il est invité à diriger
le Philharmonia Orchestra. À la tête de cet
orchestre, et avec Elisabeth Schwarzkopf,
il enregistre de nombreuses opérettes
viennoises. Il participe également aux
festivals de Bayreuth et de Salzbourg. En
1958, il est nommé directeur musical de
l’Opéra de Zurich, poste qu’il n’occupe
qu’une seule saison, avant sa disparition
prématurée.
ACKTÉ (Aino), soprano finlandaise (Helsinki 1876 - Nummela 1944).
Elle reçoit ses premiers cours de chant de
sa mère, la soprano Emmy Ackté, qui lui
enseigne surtout le répertoire français.
C’est donc tout naturellement qu’elle va
compléter sa formation à Paris (1894),
avant de débuter à l’Opéra de cette ville
en 1897. Elle y chante jusqu’en 1903 les
grands rôles de Gounod (Juliette dans
Roméo et Juliette, Marguerite dans Faust)
et de Bizet (Micaëla dans Carmen), mais
aussi Elsa dans Lohengrin. C’est largement
grâce à elle qu’en 1900 la Philharmonie
d’Helsinki, dirigée par Kajanus, se produit à Paris dans le cadre de l’Exposition
universelle. Elle est ensuite engagée au
Metropolitan Opera de New York (19051907), puis au Covent Garden de Londres,
où elle assure en 1910, sous la direction
de Beecham, la création anglaise du rôletitre de Salomé de Richard Strauss (qu’elle
avait déjà chanté à Leipzig, en 1907). Elle
vit ensuite surtout en Finlande, où, en
1911, avec le pianiste et impresario Edvard Fazer, elle est à l’origine de la création de l’Opéra national finlandais, dont
elle assume la direction pour la saison
1938-1939. En 1912, elle lance le festival
d’opéra de Savonlinna. Sibelius compose
pour elle Luonnotar (opus 70), qu’elle
crée en 1913. Elle confectionne le livret
de l’opéra Juha d’Aare Merikanto (1922),
et laisse deux ouvrages autobiographiques
(1925 et 1935).
ACOUSMATIQUE.
Se dit de la situation d’écoute où l’on
entend un son sans voir les causes dont il
provient. Ce mot grec désignait autrefois
les disciples de Pythagore, qui écoutaient
leur maître enseigner derrière une tenture. Pierre Schaeffer, inventeur de la musique concrète, a eu l’idée d’exhumer ce
mot pour caractériser la situation d’écoute
généralisée par la radio, le disque, le hautparleur. Dans son Traité des objets musicaux (1966), il a analysé les conséquences
de cette situation sur la psychologie de
l’écoute. Après lui, le compositeur François Bayle a imaginé de récupérer le terme
d’acousmatique pour désigner ce qu’on
appelle plus communément musique électroacoustique. « Musique acousmatique »,
« concert acousmatique » sont pour lui des
termes mieux appropriés à l’esthétique et
aux conditions d’écoute et de fabrication
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de cette musique « invisible », née du
haut-parleur et où le son enregistré est
délié de sa cause initiale.
ACOUSTIQUE.
Étude physique des sons, portant sur leurs
caractéristiques intrinsèques, leur émission, leur mode de propagation et de perception.
On désigne aussi par acoustique l’ensemble des propriétés qu’a un lieu, ouvert
ou clos, de propager et de transmettre les
sons : c’est l’acoustique d’une salle. La
science de l’acoustique touche notamment
à l’analyse physique des sons, à l’organologie, à l’acoustique architecturale, aux
phénomènes de la phonation et de l’audition, et se diversifie aujourd’hui en des domaines spécialisés comme ceux de l’électroacoustique ou de la psycho-acoustique.
Les Anciens avaient une connaissance empirique extrêmement poussée
de l’acoustique, comme en témoignent
les propriétés exceptionnelles de leurs
théâtres. C’est essentiellement cette même
connaissance qui a présidé à la mise au
point des instruments de musique et, dans
une certaine mesure, à l’orchestration
musicale. De Stradivarius, on peut dire
qu’il fut acousticien autant qu’ébéniste
de génie. L’orchestration de Berlioz tient
compte des conditions acoustiques d’exécution de chaque oeuvre. Le Requiem, en
particulier, est étroitement lié à l’acoustique de l’église des Invalides. Les compositions pour orgue de Vierne dépendent,
dans leur écriture même, de l’acoustique
de Notre-Dame de Paris, aussi étroitement que celles de Bach le font d’églises
allemandes dotées d’instruments beaucoup moins importants dans des acoustiques moins réverbérées, permettant
donc une polyphonie plus intelligible dans
sa complexité et un jeu plus rapide. Un
interprète doit savoir modifier le tempo de
son exécution en fonction de l’acoustique
du lieu où il joue, de façon que le tempo
perçu par les auditeurs dans ces conditions acoustiques corresponde au tempo
psychologique de l’oeuvre. En tant que
science, l’acoustique apparaît seulement
dans les temps modernes.
Ayant à saisir un objet fugitif, immatériel et se modifiant dans le temps, l’acoustique n’a pu se développer scientifiquement et aboutir à une théorisation qu’avec
l’invention des moyens de fixer et de reproduire, puis d’analyser, de mesurer et
d’engendrer par synthèse des phénomènes
sonores.
ADAGIETTO (ital. : « petit adagio »).
Ce terme indique un mouvement un peu
moins lent qu’adagio, et surtout un caractère plus léger. La Cinquième Symphonie
de Mahler possède comme quatrième
mouvement un « célèbre » adagietto pour
cordes et harpe.
ADAGIO.
Mot italien signifiant à la fois « à l’aise » et
« lentement ».
Le mouvement ainsi indiqué se situe
entre le largo et l’andante. Le terme revêt
une valeur expressive, impliquant un ton
sérieux, profond et soutenu ; il est souvent
accompagné d’une qualification telle que
cantabile, sostenuto, appassionato, etc.
Apparu pour la première fois au début
du XVIIe siècle, l’adagio indiquait souvent un élargissement du tempo à la fin
d’un mouvement, d’une ouverture par
exemple. Cette invitation à prendre son
temps, à devenir plus solennel paraît avoir
été plus importante que l’implication d’un
tempo bien précis, car, pour certains compositeurs d’autrefois, Purcell et J.-S. Bach
entre autres, adagio pouvait indiquer un
mouvement plus lent que largo, voire plus
grave.
Le mouvement lent d’une symphonie
ou d’une sonate classique est souvent intitulé « adagio ».
ADAM (Adolphe Charles), compositeur
français (Paris 1803 - id. 1856).
D’origine alsacienne, il entra en 1817 au
Conservatoire de Paris, où il étudia avec
une certaine désinvolture jusqu’au jour
où Boieldieu, ayant remarqué sa verve
mélodique, le prit dans sa classe. Il obtint
bientôt le deuxième grand prix de Rome.
Il écrivit d’abord des pièces pour piano,
pour chant, et aborda le théâtre lyrique
avec une comédie de Scribe : le Baiser au
porteur. Il se révéla par la suite comme un
compositeur fécond (53 ouvrages lyriques
et des ballets), aimant plaire, écrivant avec
facilité, clarté, simplicité. D’autre part, il
réorchestra à la demande de Louis-Philippe, pour d’importantes reprises, des
oeuvres comme Richard Coeur de Lion de
Grétry - ce qui lui valut une vive critique
de Wagner - ou le Déserteur de Monsigny.
En 1847, il fonda le Théâtre National, dans
l’intention d’y accueillir les compositeurs
délaissés par les deux scènes lyriques officielles de Paris. Malgré son succès, cet
organisme sombra dès février 1848, au
lendemain de la révolution, pour des raisons pécuniaires. Reçu à l’Institut en 1844,
Adam succéda à son père comme professeur de piano au Conservatoire en 1849.
Parmi ses oeuvres lyriques, certaines
ont été longtemps populaires : le Chalet
(1834), le Toréador ou l’Accord parfait
(1849), le Sourd ou l’Auberge pleine (1853).
D’autres le sont encore et figurent au
répertoire en France et en Allemagne : le
Postillon de Longjumeau (1836), Si j’étais
roi (1852). Le ballet romantique Giselle
(1841) est régulièrement joué par toutes
les grandes compagnies. Adam est également l’auteur de messes et de pièces
religieuses diverses, dont le célèbre noël
Minuit, chrétiens.
ADAM (Theo), baryton-basse allemand
(Dresde 1926).
En 1949, il débute à l’Opéra de cette
ville dans le rôle du prince Ottokar du
Freischütz de Weber. En 1952, il commence une carrière à Bayreuth dans le
petit rôle d’Hermann Ortel, l’un des
« maîtres chanteurs ». Devenu par la suite
un très grand spécialiste de Wagner, il est
le plus célèbre Wotan (la Tétralogie) de
sa génération. Le rôle de Pizarro (Fidelio)
et celui de Wozzeck comptent parmi ses
grands succès. T. Adam se consacre également à l’oratorio et au lied. Il a chanté à
partir de 1968 au Metropolitan Opera de
New York et a créé en 1981 à Salzbourg
Baal de Friedrich Cerha.
ADAM DE GIVENCHI, trouvère du
groupe d’Arras (v. 1220 - v. 1270).
D’abord simple clerc de l’évêché, il devint
chapelain et reçut le titre de messire. On
lui attribue huit pièces, parmi lesquelles
deux descorts et plusieurs jeux partis
composés en compagnie de Jehan Bretel
et Guillaume Le Vinier.
ADAM DE LA HALLE ou ADAM LE
BOSSU, trouvère du groupe d’Arras
(Arras v. 1240 - probablement Naples v.
1287).
Après des études à l’université de Paris où
il obtint sans doute son grade de maître
ès arts, il retourna en Artois, retrouva sa
femme Marie et entra au service de Robert d’Artois (1271). En 1283, il accompagna son maître à Naples. Ce fut à la
cour de Charles d’Anjou, roi de Sicile,
que l’on créa sa fameuse pastourelle, le
Jeu de Robin et Marion (1285). Avec son
autre drame, le Jeu de la feuillée, Robin et
Marion est l’exemple unique d’un théâtre
lyrique profane, au milieu des mystères,
des miracles et des drames liturgiques du
XIIIe siècle. Il s’agit de théâtre parlé avec
intermèdes musicaux : sur 780 vers, 72
seulement sont notés musicalement ; on
compte peu de chants (6 mélodies complètes). La nouveauté du genre, fondé sur
la pastourelle à refrain, consiste dans le
fait que la musique fait partie intégrante
de l’intrigue, même si elle y tient peu de
place. Cette oeuvre est souvent qualifiée de
« premier opéra-comique français « ; ses
personnages sont extrêmement réalistes.
Adam de la Halle est le plus célèbre des
trouvères. Il ne se contenta pas d’écrire
des drames lyriques. Son oeuvre comprend également quelque 35 chansons à
1 voix, 14 rondeaux à 3 voix dans le style
du conduit, 1 rondeau-virelai et 1 ballade,
plusieurs motets et 16 jeux partis. Parmi
ses motets, quelques-uns sont entés, c’està-dire qu’ils comportent l’introduction,
à la partie supérieure, d’un refrain de sa
composition, tiré de ses rondeaux.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
8
OEUVRES.
- oeuvres complètes
de la Halle éditées
ker (Paris, 1872) ;
Halle, rondeaux à 3
du trouvère Adam
par E. de CoussemaJ. Chailley, Adam de la
voix (Paris, 1942).
ADAM DE SAINT-VICTOR, poète et
musicien français d’origine bretonne
(†1177 ou 1192).
Il fut moine de l’abbaye parisienne de
Saint-Victor et un des principaux auteurs
de séquences du XIIIe siècle ; il les porta
à leur plus grande perfection, en s’éloignant des modèles anciens, par l’adoption
d’une structure strophique et l’abandon
de l’alléluia, auquel il substitua une mélodie libre s’apparentant souvent au patrimoine populaire. On lui attribue plus de
cent vingt compositions de ce type, dont
quelques-unes parmi les plus belles furent
traduites en langue vulgaire et devinrent
célèbres. Leur utilisation fut supprimée
par le concile de Trente.
ADAMS (John), compositeur américain
(Worcester, Massachusetts, 1947).
Il étudie d’abord la clarinette avec son père
et fait ensuite des études de composition
au Harvard College (Master of Arts, 1971).
Son éducation, dans l’esprit de l’avantgarde néo-sérielle européenne, ne lui
convient pas tout à fait : il ne trouvera sa
voie qu’après son installation à San Francisco (1971), où il dirige le département de
composition du conservatoire entre 1971
et 1981. Sur la côte ouest, il découvre la
musique de Cage, dont il assume l’héritage
à sa manière, ainsi que l’école répétitive
(Riley, Glass). Adams écrit une musique
volontairement primitive plutôt que minimaliste. Ses références à l’harmonie classique sont fréquentes, mais il cultive dans
ses oeuvres des dérapages voulus qui augmentent leur impact (Shaker Loops pour
instruments à cordes, 1979). Il exploite le
contraste entre l’aspect conservateur du
matériau et une absence totale de volonté
de style (Harmonielehre pour orchestre,
1985), entre l’omniprésence de la référence et une liberté qui ne peut s’exercer, pour avoir un effet sûr, que dans le
cadre d’un langage préalablement codifié
(la Chamber Symphony de 1992 témoigne,
dans ce contexte, d’un travail intéressant
sur le rythme). Il s’agit au fond, plutôt que
d’inconséquence, du plaisir éphémère de
briser des faux interdits. Cette attitude
complaisante est accentuée par la sonorité
crue, mélodramatique, de son orchestre
(Grand Pianola Music pour deux sopranos, deux pianos et ensemble, 1981-1982).
De même, dans les opéras Nixon in China
(1987) et The Death of Klinghoffer (1991),
où il collabore avec le metteur en scène
Peter Sellars, Adams s’intéresse à des su-
jets d’actualité qui lui servent en quelque
sorte d’alibi. On lui doit aussi Phrygian
Gates (1977) et Eros Piano (1989) pour
piano, Light over Water pour cuivres et
synthétiseur (1983), Short Ride in a Fast
Machine pour orchestre (1986), Fearful
Symmetries pour orchestre (1988), I was
looking at the Ceiling and then I saw the Sky
(1995).
ADAM VON FULDA, compositeur et
théoricien allemand (Fulda v. 1440 - Wittenberg 1505).
Il entra au service de Frédéric le Sage de
Saxe (1490), puis enseigna la musique à
l’université de Wittenberg (1502). Son
traité De musica fut publié dans Scriptores
ecclesiatici de musica sacra potissimum de
Gerbert (1784). Auteur d’oeuvres religieuses, il mourut de la peste.
ADAPTATION.
Travail au moyen duquel un auteur, prenant pour point de départ une oeuvre, la
transforme en une autre oeuvre, proche
par certains traits mais différente dans sa
forme, dans son instrumentation ou dans
sa construction.
En musique, la réduction d’une page
symphonique en une page pour piano est
une adaptation. Un livret d’opéra peut
être l’adaptation d’une pièce de théâtre.
De même, un texte profane peut, sur
une même musique, remplacer un texte
religieux. Dans la composition des livrets,
l’auteur respecte parfois le texte original,
se contentant d’effectuer des coupures :
ce fut l’attitude de C. Debussy à l’égard
de Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, et
celle de R. Strauss à l’égard de la traduction allemande de Salomé de O. Wilde.
ADDINSELL (Richard), compositeur anglais (Londres 1904 - id. 1977).
Auteur de chansons, de musiques de
scène et de films, il est surtout connu
pour son Concerto de Varsovie pour piano
et orchestre, écrit pour le film Dangerous
Moonlight (1941).
ADIEUX.
Concert, récital ou représentation d’opéra
voyant un interprète célèbre, le plus souvent un chanteur, se produire pour la der-
nière fois en public.
En tant que telle, une soirée d’adieux
peut avoir été annoncée d’avance ou
non, et certaines ont ensuite été démenties par la réalité (réapparition de l’artiste
concerné, suivie ou non de nouveaux
adieux). Jadis, les théâtres de province
appelaient « adieux » la dernière soirée de
leur saison annuelle : y étaient alors réentendus les artistes et les extraits d’oeuvres
plébiscités par le public. Renata Tebaldi,
par exemple, a fait ses adieux lors d’un
récital à New York le 16 février 1976.
ADLER (Guido), musicologue autrichien
(Eibenschütz, Moravie, 1855 - Vienne
1941).
Élève de Bruckner et de Dessoff au conservatoire de Vienne, il se destina néanmoins au droit avant de s’orienter vers
la musique, et plus spécialement son histoire. En 1884, il fonda avec Chrysander
et Spitta la revue Vierteljahrsschrift für
Musikwissenschaft, et en 1885 fut nommé
professeur de musicologie à l’université
allemande de Prague. Succédant à Hanslick, il enseigna à l’université de Vienne
(1898-1927) et en fonda l’Institut de musicologie (Musikwissenschaftliches Institut),
qui devint un modèle pour de nombreux
pays. Dès leur fondation, il fut l’éditeur
des Denkmäler der Tonkunst in Österreich
(1894-1938), vaste entreprise d’édition de
la musique autrichienne du passé - toujours poursuivie aujourd’hui -, dont il
assuma lui-même plusieurs volumes, et
de leur revue musicologique d’accompagnement Studien zur Musikwissenschaft
(1913-1938). Il attacha surtout son nom
à la critique stylistique : en témoigne son
ouvrage Der Stil in der Musik (1911). On
lui doit aussi Methode der Musikgeschichte
(1919), un livre sur son ami Gustav Mahler
(1916) et Wollen und Wirken (autobiographie, 1935). En 1924, il édita Handbuch
der Musikgeschichte, dont il avait rédigé
lui-même les chapitres Périodes de l’histoire de la musique, l’École classique viennoise et Généralités sur l’époque moderne.
Il organisa les célébrations des centenaires
de la mort de Haydn et de Beethoven (en
1909 et en 1927), et après ces dernières
participa activement à la fondation de la
Société internationale de musicologie,
dont il devint président d’honneur. À l’occupation de l’Autriche (1938), il dut cesser
toute activité.
ADLGASSER ou ADELGASSER (Anton
Cajetan), organiste et compositeur allemand (Innzell, Bavière 1729 - Salzbourg
1777).
Il fut, dès son enfance, chanteur à Salzbourg, où il étudia la musique avec Eberlin, dont il devint plus tard le gendre. Il
passa toute sa vie dans cette ville comme
organiste à la Cour. De son vivant, il fut
déclaré le meilleur de tous les organistes et
clavecinistes. Étant entré en rapport avec
Mozart, alors âgé de dix ans, et avec Michael Haydn, il écrivit avec eux le drame
Die Schuldigkeit des ersten und fürnehmsten
Gebotes (1767). On connaît de lui plus de
vingt opéras et oratorios, des symphonies,
de la musique religieuse et instrumentale.
AD LIBITUM (lat. : « à volonté »).
Comme les expressions a piacere, senza
tempo, a capriccio, ad libitum est employé
pour indiquer à l’interprète qu’une certaine liberté lui est permise dans le mouvement d’un passage, dans une cadence
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ou lors d’une pause (point d’orgue). Dans
la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, ad
libitum indiquait la possibilité de remplacer un instrument par un autre (ex. : la
flûte par le violon). Un autre sens possible
est une liberté offerte à l’exécutant pour
l’interprétation d’une partie vocale ou instrumentale. Le contraire d’ad libitum est
obbligato (« obligé »).
ADORNO (Theodor Wiesengrund),
philosophe, musicologue et critique
allemand (Francfort-sur-le-Main 1903 Viège, Suisse, 1969).
Il étudia la musicologie à l’université de
Vienne, et travailla la composition avec
Alban Berg. Critique musical à l’Anbruch,
il en devint le rédacteur en chef (19281931). Nommé maître de conférences à
Francfort-sur-le-Main (1931), Adorno
dut s’exiler deux ans plus tard, et, après un
bref passage à Paris, s’installa aux ÉtatsUnis. De retour en Allemagne en 1949,
il fut titulaire de deux chaires de philosophie et de sociologie à l’université de
Francfort et, dès lors, occupa une place
éminente tant sur le plan philosophique et
politique que sur le plan musical.
Préoccupé avant tout de l’art actuel,
et de son devenir au sein de la société,
l’auteur de la Philosophie de la nouvelle
musique apparaît comme le créateur d’une
nouvelle critique musicale qui se caractérise par une dialectique rigoureuse, héritée de Hegel. Sans négliger pour autant la
psychologie du créateur et l’aspect concret
des oeuvres, Adorno réserve une part importante à la sociologie. Il ne se contente
pas de superposer les considérations théoriques, techniques, esthétiques et sociologiques, mais les articule entre elles et,
par une analyse pénétrante à plusieurs
niveaux, parvient à une connaissance
globale qui, non seulement ne laisse rien
échapper, mais encore ouvre à la pensée
tant musicale que philosophique de larges
et neuves perspectives.
PRINCIPAUX ÉCRITS :
Versuch über Wagner (Francfort, 193738. Trad. française : Essai sur Wagner,
Paris, 1966) ; Philosophie der Neuen Musik
(Tübingen, 1949. Trad. française : Philosophie de la nouvelle musique, Paris, 1962) ;
Mahler (Francfort, 1960. Trad. française :
Mahler, une physionomie musicale, Paris,
1976) ; Einleitung in die Musiksoziologie (Francfort, 1962) ; Quasi una Fantasia, Musikalische Schriften II (Francfort,
1963. Trad. française partielle : Vers une
musique informelle dans la Musique et ses
problèmes contemporains, Paris, 1963) ;
Moments musicaux (Francfort, 1964) ;
Impromptus (Francfort, 1968) ; Alban
Berg, der Meister des kleinsten Übergangs
(Vienne, 1968).
AÉROPHONE.
Ce terme s’applique à tout instrument
dont le son est produit par la vibration
d’une colonne d’air à l’intérieur d’un
tube. Pour le hautbois et le basson par
exemple, ce sont les anches doubles qui
mettent l’air en vibration. L’élément vibrateur d’un tuyau d’orgue ou de la flûte
est l’orifice latéral du tube. Dans le classement des instruments établi par Hornbostel et C. Sachs (1914), les différentes
familles sont réparties selon l’élément
physique se trouvant à l’origine du son.
Aux côtés des aérophones, on distingue
les membranophones, les cordophones et
les idéophones.
AFFEKTENLEHRE (all. pour « doctrine des
passions »).
Théorie esthétique du XVIIIe siècle, particulièrement associée aux noms de Quantz
et de Carl Philip Emanuel Bach et selon
laquelle la musique devait servir à exprimer les passions et les émotions, à chaque
passion ou émotion correspondant une
« figure » musicale particulière.
S’y ajoutait notamment la question de
savoir, d’une part, si un morceau donné
devait se limiter à un seul Affekt (position
conservatrice) ou s’il pouvait en opposer plusieurs (démarche typique de Carl
Philip Emanuel Bach), et, d’autre part, si
la musique instrumentale, en l’absence
de paroles, pouvait exprimer, et même
« dire » quelque chose de précis. ( ! EMPFINDSAMKEIT.)
AFFETTO.
Terme italien souvent utilisé par
G.Caccini (Nuove musiche, 1602, préface)
et les musiciens de l’époque baroque ; il
possédait un double sens :
1. Un état d’âme.
2. Les embellissements vocaux parfois inspirés par un affetto exprimé dans le texte
poétique. Il y a eu certainement confusion
entre effetto (effet) et affetto, et le sens des
deux mots est assez proche ici. L’affetto
est un élément essentiel dans la musique
de toute l’époque baroque, et Muovere l’affetto dell’animo représentait le but même
de la musique. On trouve de nombreux
exemples de jeux de mots donnant libre
cours à l’utilisation des affetti en musique,
par exemple entre amar (aimer), amaramente (amèrement) et Amarilli (nom de
la femme aimée) : « Cruda Amarilli, che
col nome ancora d’amar, ahi lasso. Amaramente insegni... » (B. Guarini). Le terme
allemand correspondant est Affekt, et, au
XVIIIe siècle, se développa l’Affektenlehre,
associée en particulier à la musique de
Carl Philip Emanuel Bach et selon laquelle
une oeuvre devait « exprimer » une émotion bien précise.
AFFETTUOSO (ital. : « affectueux »).
Ce terme, surtout utilisé à l’époque baroque et qui a pour équivalent l’expression
con affetto, indique l’expression d’un sen-
timent tendre (ex. : andante affettuoso).
AFRIQUE NOIRE (MUSIQUE D’).
Malgré la diversité des ethnies et des
caractères socioculturels, des traits communs suffisamment importants incitent à
élaborer une étude globale de la musique
des nombreux peuples d’Afrique noire.
Qu’ils appartiennent aux groupes bantou (Afrique sud-équatoriale), nilotique
(région du Haut-Nil et du lac Victoria),
« soudanais » (nord de l’Équateur : Sénégal, Guinée, Côte-d’Ivoire, Nigeria, etc.),
ou qu’ils soient issus de tribus nomades ou
semi-nomades (Pygmées, bergers peuls,
Bochimans), les Noirs d’Afrique ont des
comportements musicaux comparables
et des conceptions voisines du rôle de la
musique.
Les Africains ne se recommandent pas
de systèmes musicaux théoriques, mais
leurs traditions sont suffisamment fortes
pour avoir survécu à l’islamisation et à
la christianisation. Leurs musiques sont
conçues comme des expressions collectives dont les professionnels n’ont pas le
monopole, comme des systèmes de communication globaux qu’ils ne songent pas
à expliquer par l’analyse. Dans la plupart
des langues africaines, la hauteur relative
des sons est signifiante, de sorte que les
instruments peuvent non seulement accentuer la « musique » du discours, mais
en imiter les rythmes et les « tons ». Le
« langage » d’un tambour d’aisselle, d’une
cithare-mvet, d’un arc-en-bouche ou d’une
vièle haoussa n’est pas un code : c’est une
langue usuelle, directement intelligible.
Chaque instrument reflète la culture et la
personnalité du musicien qui en joue et
qui en est généralement le luthier. Loin
de chercher le timbre pur et clair par des
raffinements de facture, on s’ingéniera à
brouiller le son, à l’enrichir de bruits qui
accentueront sa singularité : pièces métalliques vibrant avec les cordes des luths ou
les lames des sanzas, mirlitons adaptés aux
caisses et aux résonateurs en calebasse,
sonnailles fixées aux poignets des musiciens ou au pourtour des tambours. Les
voix, elles-mêmes, sont rarement claires
et pures, surtout chez les professionnels :
oreilles bouchées, nez bouché, vibration
de la langue, mirlitons sont des artifices
fréquemment utilisés pour transformer la
voix.
La musique africaine fait souvent appel
à une polyphonie simple, consciente, mais
sans règle à priori : tierces parallèles (ou
quintes dans les régions orientales), imitation canonique rudimentaire, ostinato. Il
est peu probable que cette polyphonie, qui
apparaît surtout dans les régions de forêts
très éloignées du littoral, ait été introduite
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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par les colons et les missionnaires européens. Elle fortifie plutôt l’hypothèse de
traditions polyphoniques primitives, qui
pourraient avoir précédé, dans différentes
civilisations, le développement d’une
musique savante monodique. Ce que nous
appelons « avènement de la polyphonie » n’a sans doute été que la notation
et l’adaptation systématique à la musique
savante occidentale de vieilles pratiques
populaires, considérées antérieurement
comme impures. La polyphonie africaine
ne ressortit pas à une technique comparable à notre contrepoint. Elle est naturelle et s’explique en considérant que, statistiquement, la différence (hétérophonie)
est plus probable que la similitude (homophonie). La polyrythmie très fréquente
peut s’expliquer de la même manière. Les
tambours sont différents et l’ensemble
indissociable que forme chacun, dans la
conception africaine avec les muscles du
tambourinaire, reflète nécessairement une
personnalité singulière.
Bien que tout le monde ou presque soit
musicien en Afrique, il existe une caste de
musiciens professionnels : les griots. Philosophes, conteurs, sorciers, historiens,
ménestrels, ils sont de toutes les fêtes,
rendent d’innombrables services, flattent
et conseillent les riches et les puissants,
dont ils savent exploiter les ressources à
leur profit.
En Afrique, on ne se réfère pas à une
échelle fondamentale fixée par la théorie. Les instruments d’une même famille
sont accordés les uns sur les autres, selon
des règles traditionnelles qui varient
d’une région à l’autre et parfois, dans une
même région, d’une famille d’instruments
à l’autre. Au milieu de la diversité des
accords et, par conséquent, des échelles
usuelles, on observe souvent des gammes
pentatoniques du type do, ré, fa, sol, la,
ou des gammes diatoniques fondées sur
la série des harmoniques (y compris les
harmoniques 7, 11, 13), par imitation des
sons naturels de la trompe en défense
d’éléphant (sur laquelle les plus habiles
parviennent à donner les harmoniques 6,
7, 8, 9, 10, 11, 12). D’autres gammes diatoniques sont de type « pythagoricien »
(cycle des quintes justes) et peuvent ressembler au « phrygien » (octave ré-ré) ou
à l’« hypolydien » (octave fa-fa) des Grecs.
Certains xylophones malinkés (Afrique
occidentale) donnent cinq ou sept intervalles à peu près égaux dans l’octave,
offrant une curieuse analogie avec une
gamme équiheptatonique des pays thaï
et khmer, et avec la gamme équipentatonique indonésienne slendro... Aucune tradition musicale en Afrique noire ne paraît
avoir fait usage d’intervalles inférieurs au
demi-ton.
Notre découverte de la musique africaine se heurte généralement à deux difficultés. D’une part, l’exploitation commerciale d’un primitivisme folklorique met
l’accent sur les étrangetés coutumières,
nous cachant l’essentiel d’une culture très
riche. D’autre part, le sentimentalisme des
intellectuels africains et des ethnologues
sacralise l’art nègre traditionnel, au point
de condamner toute évolution normale.
La transformation de la société africaine,
la régression des langues et des cultures
autochtones, la diffusion croissante de la
musique légère occidentale et de musiques
commerciales africaines sont autant de
facteurs de dissolution d’une civilisation
musicale fertile ; mais, heureusement, des
écrivains et des musicologues africains
s’efforcent aujourd’hui de la protéger et de
la développer. Beaucoup d’Africains pensent que leur musique pourrait survivre
hors de l’ancien cadre social, échappant
ainsi à une sorte d’apartheid culturel qui
l’a trop longtemps isolée.
AGAZZARI (Agostino), compositeur italien (Sienne 1578 - id. v. 1640).
Il fut musicien à la cour de Matthias,
gouverneur de l’Autriche, puis, dès son
retour en Italie, s’affirma comme un des
premiers partisans de la basse continue, et
un de ses premiers théoriciens ; son traité
Del Sonare sopra il basso con tutti li stromenti fut publié à Sienne en 1607. Après
un séjour à Rome où il occupa diverses
fonctions, il revint à Sienne, vers 1630,
pour diriger la musique de la cathédrale.
Parmi ses oeuvres, citons des messes, motets, psaumes, madrigaux et une pastorale,
Eumelio (1606).
AGINCOURT (François d’), compositeur
et organiste français (Rouen 1684 - id.
1758).
Élève de Boyvin à Rouen, il complète ses
études auprès de Lebègue à Paris, où il est
nommé organiste de Sainte-Madeleineen-la-Cité (1701). En 1706, il retourne à
Rouen pour succéder à son maître comme
organiste à la cathédrale Saint-Jean, tout
en étant titulaire des orgues de SaintOuen et, à partir de 1714, l’un des quatre
organistes de la chapelle royale de Versailles. Influencé par Lebègue et surtout
par François Couperin et la musique italienne, il a publié en 1733 un Livre de pièces
de clavecin comptant quatre « ordres » ou
suites. Ses 46 pièces d’orgue, regroupées
en six suites et constituant autant de brefs
interludes pour le Magnificat, sont restées
manuscrites de son temps. Ses quelques
airs à voix seule et basse continue apparaissent dans les recueils de Ballard, édités
en 1713 et 1716.
AGNUS DEI (lat. : « agneau de Dieu »).
Triple invocation faisant allusion à la
métaphore employée par saint Jean-Baptiste pour désigner Jésus dans l’Évangile
selon saint Jean (reprise par l’Apocalypse). Insérée au début du VIIIe siècle
dans l’ordinaire de la messe par le pape
Sergius Ier, elle répétait d’abord trois fois
miserere nobis ; la dernière invocation
fut remplacée au Xe siècle par dona nobis
pacem pour préparer le baiser de paix, puis
cette dernière phrase fut comprise comme
une demande de délivrance des guerres, et
l’est restée spécialement dans les messes
avec orchestre des XVIIIe et XIXe siècles,
où elle s’accompagne souvent d’un figuralisme guerrier (trompettes, etc.). Aux
messes des morts, l’invocation devient
dona ei(s) requiem (sempiternam) [« donnez-lui (leur) le repos » - on ajoute la 3e
fois « éternel »].
L’Agnus Dei était d’abord chanté a clero
et populo (« par le clergé et le peuple »),
puis il est passé au chant de la chorale au
même titre que les quatre autres pièces
chantées de l’ordinaire dont il forme ainsi
le no 5 et dernier ; il fait partie à ce titre de
la messe polyphonique normale, qu’il clôt
à partir du XVe siècle. Au XVIe siècle, il n’est
pas rare de le voir écrit à cinq voix quand
le reste de la messe est écrit à quatre. Toutefois, les messes de Requiem ayant pris
l’habitude de traiter polyphoniquement le
propre aussi bien que l’ordinaire, il n’en
est plus, sauf exception, la pièce terminale.
AGOGIQUE.
H. Riemann, en 1884, employa le premier
ce terme pour désigner les légères fluctuations de mouvement, s’écartant du strict
mouvement métronomique d’ensemble,
qui peuvent parcourir l’exécution d’une
oeuvre, laissant une certaine marge d’interprétation et d’expression. C’est l’agogique qui permet le rubato.
AGOSTINI (Paolo), compositeur et organiste italien (Vallerano v. 1583 - Rome
1629).
Il épousa la fille de son maître, B. Nanini.
Organiste à Santa Maria in Trastevere et
dans plusieurs autres églises romaines, il
prit en 1626 la suite d’Ugolini à la chapelle Vaticane de Saint-Pierre de Rome.
Une partie seulement de son abondante
musique religieuse (psaumes, magnificat,
messes) a été conservée. Il fut maître dans
l’art du contrepoint.
AGRÉGAT ou AGRÉGATION.
Superposition de sons ne présentant aucune cohérence qui permette de les rattacher à un accord ou à ses renversements,
dans le cadre de l’harmonie classique.
AGRÉMENT.
Note ou groupe de notes employés surtout
dans la musique française vocale et instrumentale des XVIIe et XVIIIe siècles pour
orner une phrase mélodique.
Le mot même évoque leur raison
d’être : charmer, toucher, enchanter, être
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
11
agréable à l’oreille. Les luthistes français utilisèrent les agréments pour orner
leurs pièces, mais aussi pour prolonger la
courte durée du son du luth ; les clavecinistes reprirent ce procédé d’écriture. Les
agréments étaient indiqués par des signes
bien connus des interprètes, mais dont le
mode d’exécution pouvait varier selon les
compositeurs, et qui, surtout, laissaient à
l’instrumentiste une certaine liberté d’exécution liée à sa volonté d’expression. Une
notation trop précise eût tendu à détruire
cette liberté et cette souplesse caractéristique de la musique française, qui font
toute la différence entre l’agrément et
l’ornement habituel.
Voici une liste des principaux agréments avec le terme musical courant
auquel ils correspondent : le port de voix
(appoggiature longue), le tremblement
ou cadence (trille), le pincé (mordant),
le doublé ou tour de gosier (grupetto), le
coulé, l’aspiration (sorte de point d’orgue),
l’arpègement dans la musique de clavecin,
de luth ou d’orgue. On trouve une explication détaillée des différents agréments
dans les tables d’ornements des clavecinistes français (Chambonnières, L. Marchand, et surtout F. Couperin, notamment
dans son Art de toucher le clavecin, 1717).
Quant aux ornements vocaux, essentiellement les mêmes d’ailleurs, on peut
consulter à leur sujet les Remarques sur
l’art de bien chanter, et particulièrement
pour ce qui regarde le chant français (1668)
de Bénigne de Bacilly.
Les diminutions, chères aux compositeurs d’airs de cour, peuvent également
entrer dans le cadre des agréments.
AGRICOLA (Alexander), compositeur
qui serait originaire du nord de l’Allemagne (v. 1446 Valladolid, Espagne,
1506).
Il fut au service du duc Galeazzo Maria
Sforza à Milan (1471-1474), du duc de
Mantoue (1474), puis chantre de Laurent
le Magnifique à la cathédrale de Florence.
Regagnant les pays du Nord, il passa par
la cour de France avant d’entrer au service
de Philippe le Beau à Bruxelles (1500).
Suivant la cour en Espagne, il y mourut
de la peste. Agricola n’a guère subi l’influence de l’Italie. Il faut dire que, lors de
son séjour dans ce pays, il côtoya des Italiens sans doute, mais aussi, à Florence,
Obrecht, Isaac et surtout Josquin Des
Prés, dont il se montra l’émule. Un esprit
novateur et indépendant se révèle à travers ses 9 messes, ses 2 credos isolés, ses
quelque 25 motets et ses 82 chansons.
AGRICOLA (Johann Friedrich), compositeur et organiste allemand (Dobitschen,
près d’Altenburg, 1720 - Berlin 1774).
Élève de Bach (dont il fut l’un des nécrologues) à Leipzig et de Quantz à Berlin, il
succéda en 1759 à C. H. Graun à la tête
de la chapelle royale de cette ville et composa surtout des lieder et de la musique
religieuse.
AGRICOLA (Martin Sore, dit Martin),
compositeur et théoricien allemand
(Schwiebus, Silésie, 1486 ? - Magdebourg 1556).
Fils de paysans, autodidacte en musique
selon ses propres dires, Agricola se fixa à
Magdebourg vers 1519-20, y fut nommé
cantor de l’école municipale vers 1527
et le resta jusqu’à sa mort. Par ses compositions, il a contribué à la formation
du répertoire liturgique protestant.
Les quelques pages qui ont échappé à
la destruction de Magdebourg (1632)
permettent de le rattacher à l’école de
Josquin Des Prés. Il joua un rôle pédagogique important en rédigeant des
ouvrages qui servirent ensuite de base à
l’enseignement musical dans les écoles
protestantes : traités de chant choral à
l’usage des jeunes enfants, écrits théoriques dans lesquels, en particulier, il
proposa des équivalents en langue allemande pour des termes latins employés
exclusivement jusqu’alors.
AGUADO Y GARCÍA (Dionisio), guitariste et compositeur espagnol (Madrid
1784 - id. 1849).
Contemporain et ami de Sor, après des
débuts très précoces et une carrière en
Espagne, il vécut à Paris (1825-1838), où il
obtint de grands succès et fit l’admiration
de Rossini, Bellini et Paganini. Il écrivit de
nombreuses pièces diverses pour guitare,
et un manuel, Metodo de guitarro (1825),
encore utilisé de nos jours.
AGUIAR (Alexandre de), compositeur
portugais († Talavera 1600).
Poète et instrumentiste, il fut ménestrel
à la cour du roi Sébastien et du cardinal
Henri de Portugal. Il reçut le surnom
d’Orphée à la cour de Philippe II d’Es-
pagne, où il jouit d’une grande réputation. Ses Lamentations de Jérémie ont été
chantées pendant de longues années à Lisbonne à l’occasion de la semaine sainte.
AGUIARI ou AGUJARI (Lucrezia, dite
La Bastardella ou La Bastardina),
soprano italienne (Ferrare 1743 - Parme
1783).
Sa brève carrière fut éclatante. Elle déchaîna l’enthousiasme en ltalie, puis à
Londres, et se retira de la scène en 1780.
Sa voix très souple, au timbre agréable,
atteignait dans l’aigu des sommets vertigineux. En 1770, à Parme, elle suscita
l’admiration de Mozart en exécutant
devant lui un exercice en vocalises s’étendant de l’ut3 à l’ut6.
AGUILERA DE HEREDIA (Sebastián),
organiste et compositeur espagnol (v.
1560-1570 - Saragosse 1627).
Il fut organiste à Huesca, puis à Saragosse
(1603). Disciple de Peralta, mais influencé
par l’art de Cabezón, il est le meilleur représentant de la musique de l’Aragon. Il a
laissé des pièces pour orgue, des psaumes
et un magnificat (Canticum Beatissimae
Virginis..., 1618).
AHLE (Johann Rudolf), compositeur,
organiste et théoricien allemand (Mühlhausen, Thuringe, 1625 - id. 1673).
Il fut cantor à l’église Saint-André d’Erfurt, puis, dès 1654, revint dans sa ville natale pour y être organiste et bourgmestre.
Il publia divers recueils de compositions,
destinées aux instruments et aux voix,
de caractère presque exclusivement religieux, et deux traités. Son influence sur la
musique protestante fut considérable au
XVIIIe siècle. Son fils, Johann Georg (16511706), devait prendre sa suite dans le domaine de la musique religieuse.
AHO (Kalevi), compositeur finlandais
(Forssa 1949).
Élève de E. Rautavaara à l’académie
Sibelius et de Boris Blacher à Berlin, il
s’imposa avec sa Symphonie no 1 (1969),
influencée par Chostakovitch, et son Quatuor à cordes no 2 (1970), et termina sa
Symphonie no 2 (1970) avant même d’obtenir son diplôme de composition (1971,
année de son Quatuor à cordes no 3). Les
années 70 furent dominées par la sympho-
nie - la violente et massive Cinquième est
de 1975-1976, la « moderniste » Sixième de
1979-1980 - et la musique de chambre. La
Septième Symphonie, dite Symphonie des
Insectes, ne suivit qu’en 1988. Elle est issue
de l’opéra Vie des insectes (1985-1987),
d’après la pièce de Karel et Josef Capek. La
très vaste Huitième (1993) est pour orgue
et orchestre, et la Neuvième (1993-1994),
plus légère, pour trombone et orchestre.
Ses trois Concertos - pour violon (1981),
pour violoncelle (1983-1984) et pour
piano (1988-1989) - sont de conception
nettement symphonique.
On lui doit aussi la Clé, monologue dramatique pour chanteur soliste et orchestre
de chambre (1978-1979). Il a enseigné la
musicologie à l’université d’Helsinki, puis
la composition à l’académie Sibelius de
1988 à 1993. Depuis cette date, une bourse
de quinze ans de son gouvernement lui
permet de se consacrer entièrement à la
composition.
AICHINGER (Gregor), compositeur allemand (Ratisbonne 1564 - Augsbourg
1628).
Il doit à des études universitaires à Ingolstadt ses relations avec la famille des Fugger qui lui confia dès 1584 la charge de
l’orgue de leur fondation à Saint-Ulrich
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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d’Augsbourg. Un voyage en Italie (Venise,
Rome, de 1584 à 1587) lui permet de
suivre l’enseignement de G. Gabrieli. Au
retour d’un pèlerinage à Rome, où il revêt
l’habit ecclésiastique (1600), il reprend
sa charge d’organiste et de vicaire à la
cathédrale d’Augsbourg. De 1603 à 1609,
il publie un grand nombre de recueils de
musique spirituelle, dont les Ghirlanda di
Canzonette spirituali (Augsbourg, 1603),
les Sacrae dei laudes (Dillingen, 1609) et
les Teutsche Gesenglein aus dem Psalter
(Dillingen, 1609). Ses Cantiones ecclesiasticae (Dillingen, 1607) marquent l’introduction en Allemagne de la pratique de
la basse continue, tandis que son oeuvre,
essentiellement vocale, est dominée par
une recherche d’expression influencée par
le nouveau style dramatique italien.
AIMARD (Pierre-Laurent), pianiste français (Lyon 1957).
Élève d’Yvonna Loriod au Conservatoire
de Paris, puis de Maria Curcio à Londres,
il reçoit en 1973 le premier prix du
Concours international Olivier Messiaen,
inaugurant ainsi une carrière largement
dévolue à la création contemporaine. En
1976, il remporte un 2e prix au Concours
international de Genève et il entre à l’Ensemble InterContemporain, où il restera
jusqu’en 1995. Profondément intéressé
par la musique de son temps, il instaure
avec plusieurs grands compositeurs de
ce siècle (Ligeti, Stockhausen, Boulez,
Messiaen, Benjamin, Stroppa, etc.) des
relations fortes et suivies, présentant et
défendant leurs oeuvres lors de concerts
commentés où il mêle le répertoire du
passé et celui du présent.
AIMERIC DE PÉGUILHAN, troubadour
français (Toulouse v. 1170 - Italie v.
1220).
Successivement au service de nombreux
princes, il voyagea beaucoup en Espagne
et en Italie, et serait mort hérétique. Il a
laissé une cinquantaine de pièces, dont six
sont notées.
AIR.
1. Élément gazeux faisant vibrer les cordes
vocales et alimentant le souffle dans le
chant, ainsi que dans le fonctionnement
de l’orgue par l’intermédiaire des soufflets
des tuyaux et des différents instruments
à vent.
2. Mélodie dont on se souvient facilement, qu’on retient, sur laquelle on peut
adapter des paroles différentes des paroles
originales ; dans le sens de ligne générale
d’une mélodie, l’usage du mot est devenu
populaire.
3. Genre musical : le mot « air » est entré
dans le vocabulaire musical français en
1571 avec la publication du Livre d’A.
Le Roy ( ! AIR DE COUR) ; l’origine en
est la chanson au luth du XVIe siècle, qui
devient l’air de cour, puis la chanson ou
l’air à boire ; il se développe intensément
au XVIIe siècle avec le ballet de cour. Vers
1650, ce sera le tour de l’air en rondeau
et plus encore de l’air sérieux, avec, en
général, un second couplet en diminu-
tion, appelé le double et souvent très orné.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, en France, mais
aussi en Italie, l’air est souvent suivi d’un
qualificatif, selon la forme ou le sentiment
exprimé : air tendre, air gai, air en rondeau, air à variations, air de concert, etc.
Dans le théâtre lyrique de cette époque,
l’air est généralement précédé d’un récitatif, mais utilise plusieurs formes, soit anciennes, soit nouvelles comme l’aria col da
capo venant d’Italie. L’oeuvre de Lully peut
servir d’illustration. Au XIXe siècle, on
évite cette forme d’air à reprise, qui interrompt l’action : l’air est en deux sections,
mais celles-ci sont totalement différentes.
Avec Wagner, l’air et le récitatif perdent
leur individualité ; l’action se déroule sur
une musique continue. Après Wagner,
cette tendance s’étend, et, à la suite de Pelléas et Mélisande de Debussy, elle devient
générale.
« Air » est également utilisé, dans la
musique instrumentale, comme titre de
pièces à caractère mélodique ou dont la
forme est proche de la musique vocale ; cet
emploi est, bien sûr, particulièrement fréquent dans la musique française. Parfois,
cependant, des pièces de toute évidence
inspirées par la forme de l’air n’en portent
pas le titre (Adagio du Concerto en « sol »
de Ravel).
AIR À BOIRE.
Petite forme vocale célébrant le vin, dont
l’origine remonte aux Grecs, à Rome, au
Moyen Âge avec les trouvères.
De source populaire, elle passe dans
la chanson savante et paraît dans les recueils d’airs accompagnés au luth et dans
les oeuvres de Lully, Couperin, Campra,
etc., où le genre devient beaucoup plus
raffiné. Au XVIIIe siècle, il est un sujet
d’inspiration pour les chansonniers. Plus
tard, Berlioz (la Damnation de Faust),
Saint-Saëns, Gounod, Ravel (Don Quichotte à Dulcinée) ne dédaignent pas
cette forme d’air, autonome ou encastrée
dans une oeuvre complète.
AIR DE CONCERT.
Page indépendante pour soliste vocal et
orchestre.
Le genre fut surtout pratiqué à l’époque
classique sur des textes en italien. Mozart
en composa un grand nombre, de Va, dal
furor portata K.21 pour ténor (1765) à
Per questa bella mano K.612 pour basse
(1791), la plupart étant cependant pour
soprano, comme Ah, lo previdi !.. Ah
t’invola K.272 (1777), destiné à Josepha
Dusek, ou encore Alcandro, lo confesso...
Non so, d’onde viene K.294 (1778), pour
Aloysia Weber. On peut citer également
Berenice, che fai ? Hob. XXIVa.10 de
Haydn (1795), pour Brigida Banti, Ah
perfido ! opus 65 de Beethoven (1796),
pour Josepha Dusek, et le curieux Infelice opus 94 de Mendelssohn (1834, rév.
1843).
AIR DE COUR.
Ce genre spécifiquement français existait
soit dans une version polyphonique à 4 ou
à 5 voix, soit pour une voix seule (généralement le superius), les autres voix de la
chanson polyphonique étant souvent simplifiées pour être jouées en accompagnement (réduites en tablature) par un instrument tel que le luth. La coupe de l’air de
cour était strophique ; les textes, souvent
signés de grands poètes du XVIIe siècle (Th.
de Viau, Saint-Amant, Tristan l’Hermite,
Malherbe), étaient fondés sur le thème de
l’amour languissant. La ligne vocale, parfois sous l’influence de la musique mesurée à l’antique, épousait la longueur des
vers, et la mélodie était composée sur le
texte de la première strophe. Les autres
strophes devaient se chanter sur la même
mélodie : on attendait du chanteur qu’il
les ornât à son goût, ce qu’il faisait parfois
de manière abusive. Le genre fut illustré
entre 1571, date de la publication du Livre
d’airs de cour mis sur le luth par A. Le Roy,
et 1650 environ, d’abord par Guédron
(qui l’appelle aussi « récit »), G. Bataille et
plus particulièrement A. Boësset, éminent
mélodiste. La grande liberté rythmique
des origines devint petit à petit prisonnière de la barre de mesure.
L’air de cour influença le développement de la monodie a voce sola en Italie et
celui de la technique vocale ; ensuite l’air
de cour du « vieux Boësset » et de ses collègues profita à son tour de la science des
Italiens et amena une réforme du chant
en France (Nyert) ; avec M. Lambert et la
génération suivante, il devint l’air sérieux
dont les célèbres doubles étaient souvent
d’une extrême virtuosité. La basse continue, tardivement introduite en France,
remplaça la tablature ; l’air de cour fut
désormais exclusivement monodique et
contribua directement et de manière déterminante à la formation de l’opéra français avec Lully.
AIR DE SUBSTITUTION (angl. Insertion
Aria ; all. Einlagearie).
Air écrit par un compositeur pour en remplacer un autre lors de la représentation
d’un opéra d’un autre compositeur ou
plus rarement de lui-même, compte tenu
notamment de conditions locales différentes ou d’un changement de distribution.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
13
Cette pratique fut courante dans l’opéra
italien jusqu’au début du XIXe siècle.
Haydn en composa plusieurs pour les
opéras représentés à Eszterhaza, par
exemple en 1786 Sono Alcina e sono ancora Hob. XXIVb.9 pour la scène 5 de
l’acte I de l’Isola d’Alcina de Gazzaniga, ou
en 1790 la Moglie quando è buona Hob.
XXIVb.18 pour la scène 10 de l’acte I de
Giannina e Bernardone de Cimarosa. En
1783, pour une représentation viennoise
d’Il curioso indiscreto d’Anfossi, Mozart
composa pour la soprano Aloysia Lange
(née Weber) Vorrei spiegarvi, oh Dio K.418
et No, che non sei capace K.419, et pour
le ténor Johann Valentin Adamberger
(créateur en 1782 du rôle de Belmonte
dans l’Enlèvement au sérail) Per pietà, non
ricercate K.420. En 1789, il destina à Luisa
Villeneuve (créatrice en 1790 du rôle de
Dorabella dans Così fan tutte) Alma grande
e nobil core K.578 (pour I due baroni di
Rocca Azzura de Cimarosa) ainsi que Chi
sa, chi sa, qual sia K.582 et Vado, ma dove ?
oh Dei K.583 (pour Il burbero di buon
cuore de Martin y Soler). Pour la version
viennoise de Don Giovanni (1788), Mozart
remplaça l’air d’Ottavio Il mio tesoro par
Dalla sua pace. De nos jours, on chante
habituellement les deux.
AIR SÉRIEUX.
Il s’agit du prolongement de l’air de cour
qui prit cette nouvelle appellation avec la
génération de M. Lambert (1610-1696), le
maître du genre, de S. Le Camus (16101677) et de Du Buisson († 1710). La forme
de ces airs, toujours strophique, eut tendance à se limiter à deux couplets, la mélodie étant composée sur le premier ; le
second couplet (le double) devait se chanter sur la base de cette mélodie, mais avec
l’introduction d’une ornementation qui
atteignait souvent une extrême virtuosité,
dont on doit souligner toutefois que le
but était essentiellement expressif ; avec
l’apparition de ces difficultés vocales, l’art
du chant progressa rapidement en France
(Bacilly). Dans les nombreux recueils publiés chez Ballard au XVIIe siècle sous le
titre conjoint d’Airs sérieux et à boire, l’air
sérieux fut illustré par Lorenzani, Charpentier, Couperin, Campra, etc. Après
1720, avec le développement de l’opéra et
le déclin de la maison Ballard, l’air sérieux
disparut peu à peu.
AIX-EN-PROVENCE (festival d’).
Organisé par la ville d’Aix-en-Provence
avec le concours de la Société du casino
d’Aix-Thermal et de divers organismes et
collectivités publics, le « festival international d’art lyrique et de musique d’Aixen-Provence », le plus célèbre festival de
France, naquit du désir de l’imprésario
Gabriel Dussurget de créer et d’animer
une grande manifestation musicale dans
le Midi. Séduit par le calme et les richesses
artistiques d’Aix-en-Provence, G. Dussurget jeta son dévolu sur cette cité et reçut
immédiatement l’appui de plusieurs personnalités locales. Il fut décidé de consacrer ce nouveau festival essentiellement
à Mozart. Le 23 juillet 1948, eut lieu la
manifestation inaugurale, un concert Mozart donné par l’orchestre des cadets du
Conservatoire de Paris, sous la direction
de Hans Rosbaud. Le 28 juillet, ce fut le
premier spectacle d’opéra, Così fan tutte,
donné par la compagnie Marisa Morel et
dirigé par Hans Rosbaud, dans la cour de
l’Archevêché, que le peintre Cassandre
devait aménager par la suite en théâtre
et qui devait devenir le lieu privilégié des
spectacles lyriques aixois.
Les talents conjugués de H. Rosbaud et
de l’organisateur et découvreur de talents
G. Dussurget donnèrent en peu d’années
au festival sa brillante image de marque.
Aix-en-Provence put mériter le nom de
« Salzbourg français » en se distinguant par
une caractéristique très importante : faute
de moyens financiers, Aix présente à son
public, en particulier dans le domaine du
chant, non des vedettes consacrées, mais
de jeunes artistes de talent, le plus souvent
de futures grandes vedettes. À partir du
Don Juan de 1949, et durant quelque vingt
années, Aix fit entendre souvent, à de
nombreuses reprises, de grands chanteurs,
encore inconnus ou peu connus : Renato
Capecchi, Léopold Simoneau, Graziella
Sciutti, Ernst Haefliger, Leonie Rysanek,
Rolando Panerai, Teresa Stich-Randall,
Nicolaï Gedda, Teresa Berganza, Luigi
Alva, Fritz Wunderlich, Pilar Lorengar,
Christiane Eda-Pierre, Gabriel Bacquier,
Jane Berbié, Gundula Janowitz, Josephine
Veasey, sans parler de nombreux autres
artistes tels que le chef d’orchestre Carlo
Maria Giulini.
En dehors des oeuvres de Mozart, qui
demeurèrent alors le coeur du répertoire
aixois, eurent lieu des représentations
mémorables : Orfeo et le Couronnement
de Poppée de Monteverdi, Didon et Énée
de Purcell, et, de même, Platée de Rameau
(avec Michel Sénéchal), Orphée et Iphigénie en Tauride de Gluck, Il Mondo della
luna de Haydn, le Mariage secret de Cimarosa, le Barbier de Séville de Rossini, Falstaff de Verdi, Ariane à Naxos de Richard
Strauss, Pelléas et Mélisande de Debussy.
Cette liste est loin d’être limitative, et il
convient de mentionner aussi les créations
de Lavinia de Barraud (1961), les Malheurs
d’Orphée de Milhaud (1962), Beatris de
Planissolas de Jacques Charpentier (1971).
Sur plusieurs plans, le festival d’Aix
traça alors des voies nouvelles qui devaient avoir une influence profonde sur
la vie lyrique française, innovations qui
consistèrent dans l’élargissement du répertoire, le retour aux opéras classique et
baroque, la restauration des versions originales d’opéras étrangers, enfin l’appel à
des peintres connus qui n’étaient pas forcément décorateurs (Cassandre, Wakhevitch, Lalique, Ganeau, Malclès, Clayette,
Derain, Balthus) et, pour la mise en scène,
à des hommes de théâtre qui n’avaient
pas ou n’avaient guère encore abordé le
domaine du lyrique (Meyer, Sorano, Cocteau, etc.). Pour en terminer avec cette ère,
précisons que les opéras étaient loin de
constituer le seul attrait du festival. L’intérêt des récitals n’était pas moindre et,
dans les nombreux concerts, la musique
moderne et contemporaine fut à l’honneur. Maintes créations ou premières
auditions en France s’y déroulèrent, allant
d’Auric, Sauguet, Dutilleux, Rivier et Bondon à Guézec, Jolas et Koering en passant
par Webern, Petrassi, Henze, Xenakis et
Nono.
Après une période moins éclatante,
Bernard Lefort fut nommé directeur du
festival en avril 1973. L’avènement du
répertoire préromantique et romantique
italien (Cherubini, Rossini, Donizetti,
Verdi), l’appel à une nouvelle génération
de metteurs en scène (Jorge Lavelli, dont
la Traviata en 1976 et Alcina en 1978
ont fait date ; Jean-Pierre Vincent, JeanClaude Auvray, Jean-Louis Thamin), l’utilisation de la place des Quatre-Dauphins
pour certains petits ouvrages (Pergolèse,
Cimarosa, etc.) caractérisent cette nouvelle époque du festival où les concerts
vocaux et instrumentaux demeurent
extrêmement brillants. Des spectacles
comme Così fan tutte de Mozart (1977),
mis en scène par Jean Mercure, et surtout
Alcina de Haendel, mis en scène par Lavelli, avec un plateau de chanteurs d’une
qualité exceptionnelle, montrent que
le changement s’effectue dans une certaine continuité. Mais c’est une ère très
différente qui s’est ouverte avec la direction de Louis Erlo (1982-1996). En 1992,
l’association qui gérait le festival a cédé la
place, à la demande de l’État, à une société
d’économie mixte. Nommé en 1995 alors
qu’il était déjà directeur du Châtelet et
de l’Orchestre de Paris, le successeur de
Louis Erlo, Stéphane Lissner, prendra ses
fonctions en 1998.
ALAIN (Jehan), compositeur français
(Saint-Germain-en-Laye 1911 - Saumur
1940).
Fils du compositeur et organiste Albert
Alain, frère de Marie-Claire et d’Olivier
Alain, Jehan Alain appartient à une famille vouée totalement à la musique. À six
ans, il improvisait déjà sur l’harmonium.
À onze ans, il accompagnait les offices au
grand orgue de Saint-Germain-en-Laye.
Entré en 1928 au Conservatoire de Paris,
Alain y fut l’élève de Ducasse, Dukas,
Dupré. Il remporta en 1933 les premiers
prix d’harmonie et de fugue, et, en 1939,
d’orgue. Avant de quitter le Conservatoire, il était déjà connu comme composidownloadModeText.vue.download 20 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
14
teur. Ses Litanies furent créées le 17 février
1938 à l’église de la Trinité, en même
temps que la Nativité du Seigneur de Messiaen. Mobilisé en 1939, Alain prit part à
la bataille des Flandres, puis à la défense
de Saumur où il mourut héroïquement.
Son oeuvre se compose essentiellement
de musique orchestrale, de musique instrumentale (pièces pour piano et, surtout,
nombreuses pièces pour orgue), d’un
Requiem (1938), d’une Messe brève (1938)
et de la Prière pour nous autres charnels
(1939), partition composée sur un texte de
Péguy et orchestrée par Dutilleux.
ALAIN (Marie-Claire), organiste française (Saint-Germain-en-Laye 1926).
Fille d’Albert Alain, soeur de Jehan et
d’Olivier Alain, elle fit ses études auprès
de son père et au Conservatoire de Paris,
où elle obtint le premier prix d’orgue
dans la classe de Marcel Dupré en 1950.
Elle connut vite la célébrité grâce à ses
concerts et à de très nombreux disques,
dont deux intégrales de l’oeuvre de J.-S.
Bach. Son répertoire, étendu, ne connaît
pas d’exclusive. On lui doit des harmonisations de noëls et de chansons populaires
françaises.
ALAIN (Olivier), compositeur, organiste
et musicologue français (Saint-Germainen-Laye 1918).
Fils d’Albert Alain, frère de Jehan et de
Marie-Claire Alain. Élève d’Aubin et de
Messiaen au Conservatoire de Paris, il a
été directeur du conservatoire de SaintGermain-en-Laye de 1950 à 1964 ; puis,
inspecteur de la musique au ministère de
la Culture, il a continué à s’attacher aux
problèmes de l’enseignement. Il a composé un Chant funèbre (1950), des pièces
d’orgue, des motets, et écrit plusieurs
ouvrages, dont l’Harmonie (Paris, 1965)
et Bach (Paris, 1970). Ses recherches sur
J.-S. Bach l’ont conduit à découvrir, dans
une bibliothèque privée, à Strasbourg,
quatorze Canons inédits, dont la première
audition a été donnée dans cette ville en
1974.
ALARD (Jean-Delphin), violoniste et
compositeur français (Bayonne 1815 Paris 1888).
Il fut professeur au Conservatoire de Paris
de 1843 à 1875 (Sarasate fut l’un de ses
élèves) et premier soliste à la chapelle impériale de Napoléon III à partir de 1858. Il
a écrit des concertos, des fantaisies, des
études, de la musique de chambre et une
méthode pour le violon (l’École du violon,
Paris, 1844).
ALBÉNIZ (Isaac), pianiste et compositeur espagnol (Camprodón, Catalogne,
1860 - Cambo-les-Bains, Pyrénées-Atlantiques, 1909).
Exceptionnellement précoce, il commence l’étude du piano à trois ans et joue
en public l’année suivante. Au cours de
plusieurs tournées de concerts en Espagne, il s’impose à la fois comme virtuose
et comme improvisateur. Une fugue d’un
an (1872-73) le conduit en Amérique du
Sud et aux États-Unis, où il retourne en
1874. Sa vie y est difficile ; Albéniz est victime d’une crise de fièvre jaune.
Grâce à une bourse, il se rend à
Bruxelles où il est l’élève de Brassin. Il
rencontre Liszt en 1880, puis donne des
concerts en Amérique du Sud, à Cuba et
en Espagne, où il écrit des zarzuelas (1882)
avant de se marier et de se fixer à Barcelone, puis à Madrid (1885).
Ses premières oeuvres, très influencées
par Schumann, Mendelssohn et Liszt,
s’effacent alors derrière les différentes
pièces de la Suite espagnole, par lesquelles
il fonde l’école espagnole en s’inspirant
des rythmes et des thèmes populaires. Installé à Londres (1890-1893), Albéniz tente
sa chance dans l’art lyrique, où il connaît
un certain succès. Il se fixe en 1894 à Paris,
où il rencontre les franckistes ainsi que
Dukas, Debussy et Fauré, et devient professeur de piano à la Schola cantorum. Sa
véritable carrière commence avec La Vega
(1897) et les Chants d’Espagne. Déçu par
l’accueil de son pays natal, il se considère
désormais comme un exilé, et les quatre
cahiers d’Iberia, son chef-d’oeuvre, sont
l’écho de cette déception. Il meurt au Pays
basque du mal de Bright à l’âge de 49 ans.
Une fois dégagé de l’académisme de
salon et de l’hispanisme de zarzuela qui ont
marqué ses premières oeuvres, Albéniz fait
figure de pionnier dans la renaissance de
la musique espagnole au début du siècle.
Tempérament généreux et d’une inspira-
tion inépuisable, il a trouvé sa suprême expression dans la musique de clavier et il en
a porté l’écriture à un degré de perfection
insurpassé, synthèse de la virtuosité transcendante et d’une fidélité rigoureuse aux
formes traditionnelles. C’est cependant
dans la couleur et la sonorité que cette
oeuvre, d’esprit rhapsodique, révèle ses
traits les plus originaux : à ses lignes mélodiques généralement simples s’oppose une
harmonie profuse et complexe, souvent
inspirée des modes antiques empruntés au
flamenco et systématiquement pimentée
par des acciacatures savoureuses. Par ailleurs, le souci des sonorités a suggéré des
innovations dans la technique pianistique
(doigtés inhabituels, position des mains,
attaque du clavier) dont se réclament la
plupart des compositeurs contemporains,
de Messiaen à Stockhausen.
Les théories de Pedrell (Pour notre musique, 1891), suivant lesquelles la musique
d’une nation doit être fondée sur les éléments populaires, ont trouvé en Albéniz
leur plus parfaite illustration. C’est assez
curieusement vers l’Andalousie mauresque que le Catalan Albéniz a, du reste,
préféré tourner ses regards, révélant ainsi
le génie de sa province natale à l’Andalou
Manuel de Falla.
ALBERT (Magister Albertus Pariensis),
compositeur français († Paris v. 1180).
Chantre à Notre-Dame de Paris, il composa la première pièce à trois voix connue,
écrite dans le style du conduit. Il s’agit
d’un Benedicamus Domino contenu dans
le Codex Calixtinus de Saint-Jacques-deCompostelle (1140).
ALBERT (Eugen d’), pianiste et compositeur allemand d’origine française (Glasgow, Grande-Bretagne, 1864 - Riga, Lettonie, 1932).
Il fit ses études à la National Training
School de Londres et fut plus tard l’élève
de Liszt à Weimar. Pianiste exceptionnel,
l’un des plus célèbres de son époque, il fut
également chef d’orchestre et fut nommé,
en 1907, directeur de la Hochschule für
Musik à Berlin. Dès le début du siècle, il
se consacra surtout à la composition. Son
oeuvre abondante mêle l’écriture contrapuntique allemande à de nombreuses
autres influences ; dans ses opéras, il se
révèle vériste à la manière italienne, avec
des effets appuyés, mais il cultive aussi le
wagnérisme dans l’emploi du leitmotiv et
la manière d’utiliser la mélodie continue.
Il écrivit de la musique symphonique et
instrumentale, des choeurs, des lieder et
une vingtaine d’opéras, dont seuls Die
toten Augen (1916) et surtout Tiefland
(1903) ont échappé à l’oubli.
ALBERT (Heinrich), compositeur allemand (Lobenstein, Thuringe, 1604 - Königsberg 1651).
Élève de son cousin H. Schütz, il devint
organiste à la cathédrale de Königsberg
en 1630. Il composa pour la scène deux
ouvrages (Cleomedes, 1635, dont il ne
reste que deux airs, et Prussiarchus oder
Sorbuisa, 1645, perdu), ouvrages qui suivirent de près le premier opéra allemand
(Daphne de Schütz, 1627) et comptent
donc parmi les plus anciens du genre.
Mais c’est surtout dans le lied avec basse
continue qu’Albert exerça une influence
considérable. Par ses huit recueils d’Arien
oder Melodien à une ou plusieurs voix
d’inspiration religieuse ou profane, où
il pratique la monodie à la manière italienne, il s’impose, avec son cadet A.
Krieger, comme le père du lied allemand.
Excellent poète, il mettait en musique le
plus souvent ses propres textes ou ceux de
son ami Simon Dach.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
15
ALBERTI (Domenico), compositeur italien (Venise v. 1710 - Rome v. 1740).
Élève de Lotti, il fut claveciniste et chanteur. En 1737, il fit partie de l’ambassade
de Venise à Rome et donna des concerts
dans cette ville. Il a laissé son nom au
procédé « basse d’Alberti », consistant à
jouer décomposé en arpèges l’accord destiné à la main gauche au clavier. Alberti a
composé des opéras (Endimione, Galatea,
Olimpiade), des motets, des cantates et des
sonates pour le clavecin qui parurent à
Londres chez J. Walsh.
ALBIN (Roger), violoncelliste, chef d’orchestre et compositeur français (Beausoleil, Alpes-Maritimes, 1920).
Après des études musicales à Monte-Carlo,
aux conservatoires de Nice et de Paris, il
a fait, à partir de 1935, une remarquable
carrière de violoncelliste, tant comme
concertiste que comme violoncelle solo
de grandes formations tels la Société des
concerts du Conservatoire ou l’orchestre
de l’Opéra de Paris. Il a aussi longtemps
pratiqué la direction d’orchestre, et a été
chef de l’orchestre symphonique de la
radio de Strasbourg (1966). Ayant également, de 1945 à 1948, étudié la composition avec Busser et Milhaud, l’analyse et
l’estéthique avec Messiaen, il a écrit des
oeuvres instrumentales et symphoniques.
ALBINONI (Tomaso), compositeur italien (Venise 1671 - id. 1751).
Peut-être élève de Legrenzi, il étudia le
chant, le violon et le contrepoint. Appartenant à une famille aisée, il resta toute sa
vie, comme son compatriote Benedetto
Marcello, un « amateur » (Il dilettante
veneto), ce qui signifie qu’il n’eut jamais
besoin de composer pour vivre. À part
quelques brefs voyages, il passa toute son
existence à Venise. Son premier opéra, Zenobia, fut représenté en 1694, et, en 1703,
il se rendit probablement à Florence, où
l’on donnait La Griselda. En 1722, il organisa les fêtes musicales en l’honneur du
mariage du prince électeur Albert de Bavière avec la fille de l’empereur Joseph Ier,
et, en 1724, il rencontra Métastase, dont
il mit en musique, l’année suivante, la Didone abbandonata. Mais, de ses quelque 50
opéras, dont le dernier date de 1741, n’ont
survécu entièrement que Zenobia (1694),
Engelberta (1709) et la Statiza (1726), ainsi
que l’intermède bouffe Vespetta e Pimpinone (1708). Ses oeuvres instrumentales le
placent en revanche au premier rang des
compositeurs vénitiens de son temps, à
côté d’Antonio Vivaldi et de Benedetto
Marcello. Tout au long de cette production, dont une partie seulement fut éditée de son vivant, sonates et concertos
alternent, parfois au sein d’un même opus,
et il en va de même des ouvrages adoptant la coupe de l’ancienne sonate d’église
(lent-vif-lent-vif) ou du concerto moderne (vif-lent-vif). De même, des pages
d’écriture polyphonique alternent avec
d’autres où se manifeste une nette volonté
novatrice (rythmes originaux, harmonies
audacieuses). Bach, qui appréciait fort
Albinoni, édifia deux fugues pour orgue à
partir de thèmes de lui. Quant au célèbre
Adagio d’Albinoni, c’est un pastiche réalisé
au XXe siècle mais qui fut néanmoins pour
beaucoup dans la redécouverte du compositeur depuis 1950.
ALBONI (Marietta), contralto italien
(Castello 1823 - Ville-d’Avray 1894).
Elle débuta à Bologne en 1842 dans Saffo de
Pacini, où elle fit d’emblée une impression
considérable. À Londres, en 1847, dans le
rôle d’Arsace de Sémiramis (Rossini), elle
s’affirma comme l’une des plus grandes
cantatrices du XIXe siècle. Elle avait un
timbre d’une beauté exceptionnelle, une
technique et un style exemplaires. Mais
sa corpulence lui valut le surnom d’« éléphant ayant avalé un rossignol ».
ALBORADA (esp. : « aubade »).
Mélodie populaire de la Galice pour instruments seuls, de rythme très libre, mais
martelé par un accompagnement uniforme.
Des compositeurs tels que Rimski-Korsakov (Capriccio espagnol) et Ravel (Alborada del gracioso) l’ont introduite dans la
musique savante.
Par ce même terme, on désigne aussi un
concert vocal simple, ou avec accompagnement instrumental, donné peu avant
l’aube à l’occasion de festivités populaires,
ou une composition que l’on doit chanter
au lever du jour.
ALBRECHTSBERGER (Johann Georg),
compositeur, organiste et théoricien autrichien (Klosterneuburg 1736 - Vienne
1809).
Organiste dans sa jeunesse à Melk, Raab
(Györ, en Hongrie) et Maria Taferl, organiste de la Cour en 1772 et maître de
chapelle à la cathédrale Saint-Étienne de
Vienne en 1793, il fut ami de Mozart et de
Haydn et donna, en 1794-95, des leçons
de contrepoint à Beethoven, un de ses
nombreux élèves. En 1798, il devint, avec
Haydn et Salieri, membre honoraire de
l’Académie royale de musique de Suède.
Il a laissé une importante production
de musique religieuse (dont 26 messes),
d’orgue (fugues) et de musique instrumentale profane (quatuors, musique de
chambre diverse, fugues pour cordes,
concertos, 4 symphonies), ainsi que des
ouvrages théoriques, très célèbres en
leur temps, dont surtout Anweisung zur
Komposition (1790 ; traduction française
Méthode élémentaire de composition, Paris,
1814) et Kurzgefasste Methode, den Generalbass zu erlernen (méthode rapide de
basse continue, 1792). Un contemporain
le qualifia de « fugue ambulante », mais il
fut à son époque le seul Viennois à écrire
une fugue sur les lettres du nom de Bach.
ALBRIGHT (William), compositeur américain (Gary Indiana, 1944).
Élève de G. Schuller, puis de Ross Lee
Finney, il a travaillé à Paris avec Olivier
Messiaen et Max Deutsch. Professeur à
l’université de Michigan, il est excellent
pianiste et organiste. Les influences qu’il
admet sont multiples, de la musique populaire au jazz, de l’écriture traditionnelle
aux moyens les plus modernes d’expression. Ses oeuvres récentes utilisent même
des éléments visuels, par exemple Beulahland Bag avec récitant, quatuor de jazz,
bande et diapositives. On lui doit également des pages orchestrales (MasculineFeminine, Alliance, 1967-1970), Bacchanale (1981), de la musique de chambre
(Caroms, 1966 ; Salvos, 1964 ; ou Foils,
1963-64), des pièces pour piano et pour
orgue (Juba, 1965 ; Choral-Partita in an old
Style ; Pneuma, 1966, et Organbook, 1967).
ALDER (Cosmas), compositeur suisse
(Baden v. 1497 - Berne 1550).
Il fut enfant de choeur, puis cantor à la
cathédrale de Berne. Il est l’un des seuls
compositeurs polyphonistes de la Suisse
réformée au XVIe siècle. Son oeuvre comprend principalement des motets latins
(dont Inclytus antistes, écrit à l’occasion
de la mort de Zwingli) ou allemands, et
57 Hymni sacri à 3 et 5 voix (Berne, 1553).
ALDROVANDINI (Giuseppe Antonio
Vincenzo), compositeur italien (Bologne
v. 1673 - id. 1707).
Élève de G. A. Perti, il fut membre, puis
président de l’Accademia filarmonica et
maître de chapelle honoraire du duc de
Mantoue. Il composa notamment une
vingtaine d’opéras (dont 11 connus), de
la musique sacrée, 5 oratorios, des concertos, des sonates et des Cantate à voce sola
(1701). Par son style, il appartient à l’école
de Bologne.
ALÉA, MUSIQUE ALÉATOIRE.
La musique aléatoire est une musique
présentant un certain degré d’indétermination pouvant affecter soit sa structure
globale, soit un ou plusieurs de ses paramètres, sinon tous, une musique où les
techniques des jeux de hasard sont considérées comme un processus compositionnel, une musique bâtie sur la logique mathématique de la loi des grands nombres,
de la théorie des probabilités, etc.
L’univers du système sériel, avec sa rigidité, ses contraintes, ses contradictions,
est un univers où, d’une part, les relations ne sont plus définies une fois pour
toutes, mais au contraire portées à un
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
16
degré suprême de relativité et où, d’autre
part, la surdétermination a pour conséquence l’imprévisibilité (d’où les surprises
de Polyphonie X de Boulez). Or, précisément, la musique aléatoire se présente,
en Europe, comme une libération de
l’emprise sérielle, mais aussi comme son
aboutissement logique : de l’affirmation
d’un univers relatif, on passe aisément à
l’idée d’une oeuvre mobile, ouverte. À cela
s’ajoute la nécessité d’améliorer le rendement formel de la combinatoire sérielle,
de renouveler la perception globale, d’appréhender un niveau plus subtil de différenciations. C’est dans cette perspective
que s’inscrivent, en 1957, deux oeuvres
marquant un tournant décisif de l’histoire
de la musique au XXe siècle, Klavierstück
XI (1957) de Stockhausen et la 3e Sonate
pour piano de Boulez, toutes deux créées
à Darmstadt, le temple même du sérialisme. Dans Klavierstück XI, Stockhausen
propose une organisation mobile de dixneuf séquences de contenu déterminé
(hauteur, rythme) dans un ordre choisi
arbitrairement par l’interprète, et affectées
des indications (tempo, dynamique, mode
de jeu) notées à la fin de la séquence précédente. Dès lors que le regard de l’interprète tombe pour la troisième fois sur une
séquence, l’oeuvre est achevée. Dans sa 3e
Sonate, Boulez, poussant à bout les problèmes de forme qui lui sont chers, offre
à l’interprète une possibilité de choix portant sur l’ordre des formants (à l’exception
de Constellation, pivot central), l’ordre de
certaines structures, l’élimination volontaire d’autres : un choix de parcours différents, tous néanmoins écrits, prévus,
c’est-à-dire assumés par le compositeur.
Ainsi se trouvent posés une poétique de
l’indétermination et le statut même de
l’oeuvre ouverte. L’article Aléa, publié par
Boulez dans la Nouvelle Revue française
(no 59, 1er nov. 1957) et repris dans son
livre Relevés d’apprenti (1966), reflète les
discussions passionnées qui s’instaurèrent
alors et se veut réflexion sur la problématique de la nouvelle démarche créatrice.
L’obsession formelle de Boulez y rejoint
une certaine mystique du rôle du compositeur. L’acte compositionnel est défini par
Boulez comme un choix constant, avec sa
part d’irrationnel (la divine « surprise »),
à l’intérieur de certains réseaux de probabilités, mais dont la finalité, ultime
ruse du compositeur, est d’absorber le
hasard. D’où une hiérarchie des hasards
et la condamnation d’une démarche uniquement fondée sur la faiblesse ou la facilité, vil renoncement et simple transfert
des responsabilités. « Un parcours problématique, fonction du temps, [...] ayant
toutefois une logique de développement »
serait une manière de concilier le « fini »
de l’oeuvre occidentale, fermée, et la
« chance » de l’oeuvre orientale, ouverte.
Il est clair que dans les exemples cités
plus haut, l’oeuvre se présente comme un
champ de relations mobiles, une combinatoire de circuits ou, disons, une ville que
l’on peut explorer en empruntant divers
parcours pour se rendre d’un point Y à
un point Z sans que son unicité en soit
altérée. Cela revient à souligner qu’il n’y
a pas une seule, mais x bonnes solutions
prévues, en tout cas assumées par le compositeur. C’est ce que Pousseur appelle
la « plasticité des éléments », ajoutant
que « toute création artistique n’est que
manipulation et combinaison d’éléments
préalables ». Ainsi l’idée, chère au monde
occidental, de l’oeuvre-objet - produit fini
et intangible, porteur d’un message lié à
une relation privilégiée du signifiant et du
signifié - est ici battue en brèche. Ajoutons
que ce nouveau type d’oeuvre réintègre le
choix en instaurant une dialectique nouvelle entre l’oeuvre et son interprète, interprète dont elle revalorise le rôle, puisque
l’auteur lui offre son oeuvre à achever au
terme d’un dialogue (cf. Stockhausen demandant à son interprète de s’imprégner
de sa musique pour mieux réussir dans
cette tâche). Les problèmes d’exécution
sont plus secondaires et plus élémentaires
qu’il n’y pourrait paraître, car ils ne font
que relever d’une nouvelle convention
graphique ou gestuelle.
Cette capacité de choix comme l’engagement et la qualité de réaction fondamentale des deux chefs d’orchestre sont
testés dans Available Forms II (1962)
d’Earle Brown, la forme naissant des réactions réciproques et spontanées, qui sont
le vrai sujet d’étude. Cette revalorisation
s’appuie, chez Christian Wolff, sur l’idée
que le concert est un organisme vivant,
une tranche de vie ou sa représentation.
Wolff cherche à faire de l’acte musical
une activité fondée sur l’échange, la coopération (cf. aussi Boulez : 2e Livre de
Structures pour 2 pianos [1961]), à la fois
moyen d’articulation et seules sources de
musique susceptibles, en outre, de transformer les rapports entre les individus. Le
public peut d’ailleurs intervenir (comme
dans Votre Faust, 1967, de Pousseur) et
influer sur le déroulement et le dénouement de la pièce (cf. aussi Kyldex de Pierre
Henry, Hambourg, 1973).
Cage, au contraire, semble avoir comme
démarche de court-circuiter à tous les niveaux les aspects intellectuels des choix
(conditionnés par notre mémoire culturelle) par l’intégration de tout événement
sonore extérieur, par la consultation (à
partir de 1951) du I Ching, livre ancien
d’oracles chinois, et par l’utilisation de
procédés de tirage au sort. C’est une tout
autre orientation.
La part réservée à l’interprète peut
varier considérablement en fonction du
degré d’indétermination de l’oeuvre, qui
concerne la forme, les hauteurs, les durées,
les timbres, les dynamiques, isolément ou
non, être circonscrite à des moments précis ou s’élargir à la dimension de l’oeuvre
entière.
Le mouvement aléatoire devient général et caractérise la création musicale autour des années 1960-1965. Citons Berio
(les Sequenza, Circles, Epifanie), de Pablo
(Movil I, Modulos 1.5), Pousseur (Mobile,
Votre Faust, Scambi), Stockhausen (Zyklus,
Momente et, allant plus loin, Stop 65, Prozession, Plus Minus, Kurzwellen, Ylem, Aus
den sieben Tagen), Kagel, Bussotti (5 Pièces
pour piano pour David Tudor, la Passion
selon Sade), Amy, Haubenstock-Ramati,
etc. Dans son cycle Archipels, Boucourechliev propose à chaque interprète une
série de structures plus ou moins déterminées, présentées avec des paramètres
séparés et dispersés sur l’unique grande
feuille de la partition comme autant d’îles
ou d’archipels, la notation adoptée allant
de l’écriture traditionnelle ou stimulus
graphique. L’exécutant met en oeuvre les
structures qu’il désire en puisant dans les
propositions du compositeur, et les organise suivant sa propre nécessité musicale.
C’est un excellent exemple d’oeuvre ouverte minutieusement élaborée.
Il serait certes aisé de dire que l’histoire de la musique offre à l’aléatoire des
précédents. La non-détermination de
certains paramètres de la musique du
Moyen Âge explique les problèmes que
son interprétation, aujourd’hui, pose à
tous les niveaux. Et Corelli ne confiait-il
pas aux violonistes des andantes en forme
de canevas, pour leur permettre d’y briller
en brodant ? Quant à Veracini, en 1725,
il propose, dans la préface de ses Suites,
de choisir un certain nombre de pièces
ad libitum dont l’agencement constituera
une autre oeuvre parfaite... En réalité, les
techniques nouvelles de création en littérature - Joyce (pour Brown), Mallarmé
et son Livre (pour Boulez) - ou dans les
arts plastiques - Pollock et surtout Calder,
chez qui Brown trouva, outre la mobilité, la précision de l’organisation - servirent de catalyseurs. Ce n’est donc pas
fortuitement qu’Earle Brown intitule en
1951 l’une de ses oeuvres Calder Piece,
puisqu’un mobile du sculpteur y sert de
« chef d’orchestre », déterminant par son
mouvement le comportement des trois
percussionnistes, qui peuvent d’ailleurs
entretenir ledit mouvement.
En relation étroite avec l’évolution artistique générale, le mouvement aléatoire
américain est nettement antérieur à l’européen, mais son influence sur ce dernier n’a
été réellement déterminante qu’à partir
du séminaire assuré à Darmstadt, en 1958,
par Cage sur « la composition comme
processus », bien qu’une première tournée
européenne l’eût conduit en 1954 à Paris,
Milan, Londres et Donaueschingen où il
inaugura ses oeuvres superposables. Ce
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
17
qui intéresse Cage, c’est l’indétermination
au niveau de l’acte compositionnel, c’est
le hasard comme processus de création et,
de Music of Changes à Empty Words, le I
Ching lui permet de pousser plus loin son
expérimentation. Ce hasard peut d’ailleurs
prendre plusieurs formes : détermination
des notes dans l’espace de la feuille-partition en fonction des imperfections du
papier (Concert for piano and orchestra,
Music for piano), calques transparents
(comportant lignes, points, cercles) superposables à volonté (Variations I-IV, 19581963 ; Variations VI, 1966), qui laissent à
l’interprète la responsabilité et la liberté
d’effectuer lui-même les opérations nécessaires à la production des événements
dans le temps et l’espace, examen de cartes
astronomiques anciennes (Atlas eclipticalis, 1962 ; Études australes, 1976). Cage
inaugure en 1964 son idée, généralisée par
la suite, de superposition d’oeuvres distinctes avec 31 57.9 864 et 34 46.776 pour
piano préparé. Avec cette pluralisation
des techniques de hasard, il abandonne
de son propre aveu toute prétention à la
structure (il se situe hors du temps) et
intensifie le sentiment d’espace : ainsi ses
oeuvres ne sont plus des objets délimités,
mais des processus sans commencement
ni fin qui peuvent se combiner en des
oeuvres-en-devenir.
Toutefois, Cage ne cherche pas à produire du hasard mais avant tout, comme
Christian Wolff, à laisser vivre les sons,
c’est-à-dire aussi le silence (défini comme
des événements sonores non voulus), d’où
une série d’oeuvres indéterminées quant
à l’instrumentation et au nombre des
exécutants. Ainsi se traduit une attitude
esthétique nouvelle : l’indifférence quant
à la valeur culturelle ou non du matériau
dans un souci d’objectivisme, dans le sens
d’une écoute du quotidien. Mais, surtout,
cette attitude est teintée de philosophie
orientale : l’initiation de Cage au bouddhisme zen, en 1947, lui a sans doute appris
l’acceptation, ou mieux, l’indifférence à
l’égard de l’événement d’où qu’il vienne.
On retrouve chez Feldman, dans sa musique between categories, cette écoute du
temps et de l’événement (rare) qui invite à
la découverte d’un sentiment plus oriental
de la durée.
On comprend fort bien, dès lors, que
la notation traditionnelle sur portée soit
inadéquate : pour donner des directions
d’exécution, suggérer un climat ou un
espace de transfert du visuel au sonore,
on assiste à la recherche d’une écriture
plus souple, plus plastique, qui aboutit
à l’élaboration d’un système de notation
propre à chaque compositeur, d’où la
nécessité d’une notice explicative parfois
plus longue que la partition elle-même.
Prenons quelques exemples significatifs.
Quand il propose, pour December 52, un
simple ensemble de traits verticaux et horizontaux plus ou moins épais qui doivent
stimuler, à partir de libres conventions,
la créativité de ses interprètes, Brown fait
songer à Mondrian et à Leck (cf. aussi
Folio 52-53). Dès 1950, avec Projection I
et Marginal Intersection (1951), Feldman
se sert d’un ensemble de carrés et de
rectangles répartis sur trois registres : la
hauteur dans chaque registre, les dynamiques, l’expression restent à préciser,
la durée étant à peu près indiquée par la
longueur des rectangles, tandis que, dans
Atlantis (1959), la grille indique le nombre
de sons à jouer pour chaque instrument
dans le laps de temps choisi pour exécuter
l’unité de temps que représente le module.
Cathy Berberian choisit la bande dessinée
pour Stripsody, C. Wolff des quasi-idéogrammes dans Edges ; Ligeti joue, dans
Volumina pour orgue, avec l’épaisseur et
la sinuosité des traits indiquant en gros
la densité des clusters, leurs changements
de hauteur, tandis que Bussotti adopte
systématiquement, dans les 5 Pièces pour
piano pour David Tudor, le principe de
la « page blanche ». Dans cette direction,
l’aléatoire peut déboucher sur le happening, dont l’exemple est Fluxus, un groupe
plutôt qu’un mouvement, né à New York
en 1961 sur la base d’idées émises dans la
publication An Anthology, éditée par La
Monte Young et Mac Low.
Faut-il parler d’une démission du compositeur ? Boulez n’a pas caché qu’il rejetait Klavierstück XI de Stockhausen au
nom d’un excès de liberté accordé à l’interprète, et parce qu’il veut éviter la perte
totale du sens global de la forme ; il restera toujours sur une certaine réserve. Or,
nous avons vu que les multiples visages
d’une oeuvre pouvaient être assumés par
le compositeur, sinon contrôlés, et étaient
une sorte de garant du renouvellement
compositionnel, de sa jeunesse (même si
tout interprète est conditionné). L’accueil
de l’événement fortuit comme partie inté-
grante de l’oeuvre, c’est-à-dire l’attitude de
Cage, relève d’un autre état d’esprit, d’une
autre attitude devant l’art et la vie, et, de
fait, elle dérange par ses implications socioéconomiques et parce qu’elle est une
manière de dérision.
Au nom de la logique, Xenakis récuse
en bloc ces précédentes formes de musique aléatoire et jusqu’à leur appellation,
le hasard étant pour lui une chose rare,
constructible jusqu’à un certain point,
mais jamais susceptible d’improvisation.
L’aléatoire ressort des mathématiques ;
son calcul, la stochastique, « garantit
d’abord dans un domaine de définition
précis les bévues à ne pas commettre, et
ensuite fournit un moyen puissant de raisonnement et d’enrichissement des processus sonores ». Le compositeur peut
alors dépasser les contradictions de la
sérialité, ses combinaisons élémentaires,
sa polyphonie de lignes, pour contrôler
la densité et la répartition des sons sur
tout le spectre sonore, leur distribution de
manière aussi affinée que possible et leurs
transformations graduelles (de continuité
à discontinuité, d’ordre à désordre, d’immobilité à mouvement).
C’est également à la logique mathématique que Xenakis rattache ses musiques
« stratégiques » fondées sur la technique
du jeu (Stratégie, Duel, Linaia-Agon).
Pour Barbaud, la démarche est identique :
soumettre l’apparition des événements
sonores à un calcul, canaliser le hasard
des organigrammes. L’ordinateur est
ainsi l’indispensable outil de travail ; bien
plus, grâce au couplage avec convertisseur
numérique-analogique, il devient un instrument.
ALEGRÍAS (esp. : « allégresses »).
Danse espagnole à 3/4, rapide, joyeuse et
brillante, comme son nom l’indique.
C’est l’une des danses les plus anciennes
et les plus originales de la musique flamenco.
ALEMBERT (Jean Le Rond d’), mathématicien et philosophe français (Paris
1717 - id. 1783).
La musique fut l’une des principales préoccupations de ce représentant de la philosophie des lumières. En 1752 parurent ses
Éléments de musique théorique et pratique,
suivant les principes de M. Rameau, où il
reprit les principes du musicien concernant l’harmonie et la composition. Ardent
défenseur de Rameau, d’abord contre les
lullystes, puis contre la troupe italienne
des Bouffons, il intervint activement dans
la vie musicale et théâtrale de son temps.
ALESSANDRESCU (Alfred), pianiste et
compositeur roumain (Bucarest 1893 id. 1959).
Ses études se déroulèrent au conservatoire
de Bucarest, puis à la Schola cantorum de
Paris. Il fit une brillante carrière de pianiste et de chef d’orchestre. Même quand
s’y décèlent la présence du folklore roumain et l’influence d’Enesco, ses oeuvres
ne se dégagent pas toujours nettement des
modèles de son maître Vincent d’Indy, de
Wagner, Debussy, Dukas et R. Strauss. Il
composa de la musique orchestrale et instrumentale, ainsi que des mélodies sur des
textes de poètes français, ou d’expression
française, et roumains.
ALESSANDRO (Raffaele d’), compositeur suisse (Saint-Gall 1911 - Lausanne
1959).
Il fit des études à Zurich, puis à Paris
auprès de Nadia Boulanger, Roes, Marcel Dupré. D’abord organiste et pianiste
admiré par Lipatti, il se consacra ensuite
entièrement à la composition. Son oeuvre,
d’une syntaxe et d’une esthétique tradidownloadModeText.vue.download 24 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
18
tionnelles, néoromantiques, comprend
des oeuvres orchestrales (symphonies,
concertos pour divers instruments, etc.),
de la musique de chambre, des pages
pour piano, dont six pièces pour la main
gauche, de la musique vocale et un ballet.
ALEXANDROV (Anatole), compositeur
russe (Moscou 1888 - id. 1982).
Encouragé par Taneev, il entra en 1910 au
Conservatoire de Moscou après de solides
études de littérature et d’histoire, y étudia le piano et la composition et reçut une
médaille d’or pour son premier opéra, les
Deux Mondes. Nommé professeur de com-
position dans le même établissement en
1923, il y est resté pendant plus d’un demisiècle, comptant parmi ses élèves Bounine,
Moltchanov, Gadjiev, etc. Il a écrit de la
musique vocale (près de 150 romances, un
millier de chansons enfantines), de nombreux opéras d’un style nettement folklorisant (Bela, 1945 ; le Gaucher, 1974), de la
musique pour orchestre et de la musique
de chambre.
ALFANO (Franco), compositeur italien
(Posilipo 1876 - San Remo 1954).
Auteur d’opéras dont le plus célèbre fut
Risurezzione (Turin 1904), d’après Tolstoï, de ballets dont Napoli (1901), monté
aux Folies-Bergère, et Vesuvius (1938),
ainsi que de trois symphonies (1909, 1932,
1934), il termina la dernière scène du
Turandot de Puccini d’après les esquisses
laissées par ce dernier.
AL FINE.
Expression italienne indiquant que lors de
la reprise de la première partie d’un morceau, il faut la jouer « jusqu’à la fin ».
ALFVÉN (Hugo), compositeur suédois
(Stockholm 1872 - Falun 1960).
Il étudia le violon au conservatoire de
Stockholm (1887-1891) avant de se tourner vers la composition et de travailler
avec Johan Lindegren. Ses oeuvres, que
l’on peut considérer comme postromantiques, sont souvent inspirées par le
folklore suédois. Citons 5 symphonies et
Midsommarvaka (la Nuit de la Saint-Jean,
1904), qui, sous le titre de Rhapsodie suédoise, connut naguère une certaine popularité.
ALGAZI (Léon), compositeur et musicologue français (Epure¸sti, Roumanie,
1890 - Paris 1971).
Il compléta à Paris, auprès de Gédalge et
de Koechlin, la formation musicale qu’il
avait reçue à Vienne. Nommé en 1936
maître de chapelle à la Grande Synagogue
de Paris, il s’est attaché à restaurer les anciens modes du chant hébraïque. Mais il
souhaita également que la musique juive
demeurât un art vivant et organisa à Paris,
en 1957, un Congrès international de musique juive. Son oeuvre compte surtout des
chants liturgiques.
ALGORITHMIQUE (musique).
Forme nouvelle de composition musicale,
faisant appel à un appareil mathématique
complexe dont les calculs, générateurs de
l’oeuvre, ne peuvent être effectués qu’à
l’aide de machines comme l’ordinateur.
Ces algorithmes, ou procédés de calcul,
ont fait leur apparition dans la composition durant les années 50, lorsque, sous
l’influence du postsérialisme, les musiciens ont voulu maîtriser entièrement
par l’intellect les processus de la création
artistique et prévoir les probabilités de
développement des idées génératrices
d’une oeuvre, le programme se substituant
alors aux thèmes et aux séries. En fait, on
refusait le mot « exécré » d’inspiration. Le
principal artisan et défenseur de la musique algorithmique est le compositeur P.
Barbaud, lequel a d’ailleurs utilisé l’appareil mathématique à d’autres applications
dans le domaine musical, par exemple à
des études d’analyse musicologique.
ALKAN (Charles Valentin Morhange,
dit), compositeur et pianiste français
(Paris 1813 - id. 1888).
Premier prix de piano au Conservatoire
de Paris à onze ans, prix de Rome en 1834,
il acquit dans les années 1820 une réputation enviable de virtuose, mais Liszt et
surtout Chopin détournèrent l’attention
du public. Il se produisit alors dans de la
musique de chambre tout en se consacrant
à l’enseignement, et, vers 1848, se retira de
la vie musicale parisienne pour n’y réapparaître sporadiquement qu’à partir de
1873. On l’a appelé le « Berlioz du piano »,
mais son style est plus retenu que celui de
son aîné de dix ans. Sa musique est parfois aussi difficile que celle de Liszt, mais
moins avancée sur le plan harmonique.
Il a consacré à son instrument, outre
quelques pages de musique de chambre et
des transcriptions, une centaine de pièces,
parmi lesquelles des caprices, fantaisies,
impromptus, menuets et autres préludes,
ainsi que la grande sonate op. 33 dite les
Quatre Âges de la vie, parue en 1847. Des
douze Études dans les tons mineurs op. 39,
les no 4 à 7 forment une sorte de Symphonie pour piano seul.
ALLA BREVE (ital. : « à la brève »).
À l’époque de la Renaissance, l’unité de
battue de la mesure, le tactus, était la
semi-brève (la ronde actuelle) ; alla breve
indiquait un changement non du rythme
de la battue, mais de son unité de base, le
tactus tombant dès lors sur la brève (valeur : deux rondes ou deux semi-brèves).
Le signe de mesure C était remplacé par
(« C barré »). La pulsation restant la
même, mais l’intervalle entre deux battues
correspondant à une unité de durée musicale double, alla breve voulait dire que la
musique se jouait ou se chantait soudain
deux fois plus vite.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce principe
resta en vigueur, mais la valeur du tactus devint respectivement la noire et la
blanche. Dans les tragédies lyriques du
style de Lully, pour retrouver les rythmes
« naturels » du langage déclamé, il est fait
grand usage de changements de mesure, et
en particulier du passage de C à , ce dernier étant souvent représenté simplement
par le chiffre 2, l’unité de temps étant la
blanche (deux blanches par mesure),
par opposition à 4/4 (tempo ordinario à
quatre noires par mesure). La battue à 2/2
donne en principe un résultat plus allant
que celle à 4/4. Certaines pages classiques
dont les éditions traditionnelles indiquent
4/4 ont été en réalité conçues par leur
auteur à 2/2 (premiers mouvements des
quatuors à cordes en ut majeur opus 64 no
1 et en mi bémol majeur opus 64 no 6 de
Haydn, 1790).
ALLARD (Maurice),
basson français (Sin-le-Noble, Nord,
1923).
Premier prix de basson au Conservatoire de Paris (1940), premier soliste
à l’orchestre des Concerts Lamoureux
(1942), puis à l’orchestre de l’Opéra de
Paris (1949), Maurice Allard a remporté,
en 1949, le premier prix au Concours de
Genève. Professeur au Conservatoire de
Paris depuis 1957, interprète de toute la
littérature de son instrument, y compris
des oeuvres contemporaines, il dirige une
collection éditant des exercices pour le
basson.
ALLARGANDO (ital. : « en élargissant »).
Terme demandant à l’interprète un élargissement, donc un ralentissement progressif du mouvement initial.
ALLDIS (John), chef de choeur anglais
(Londres 1929).
Après des études au Collège royal de
Cambridge, il a établi sa renommée
comme chef de choeur et chef d’orchestre
spécialisé dans le domaine du chant choral, avant de fonder, en 1962, sa propre
formation. Celle-ci s’est très vite rendue
célèbre par ses interprétations de musique
contemporaine, quoique son activité
s’étende également au répertoire classique
et romantique, aussi bien dans la musique
sacrée que dans l’opéra. Chef du choeur de
l’Orchestre philharmonique de Londres
de 1969 à 1982, Alldis a été de 1979 à 1983
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
19
directeur musical du Groupe vocal de
France.
ALLEGRETTO.
Terme italien, diminutif d’allegro, indiquant un mouvement moins rapide.
Le mot peut être suivi d’un qualificatif précisant le caractère du morceau, par
exemple : giocoso (« joyeux »).
ALLEGRI (Gregorio), compositeur italien
(Rome 1582 -id. 1652).
Chantre à Saint-Louis-des-Français à
Rome, il devint prêtre et fut maître de
chapelle à la cathédrale de Fermo (16071621), où il commença sa carrière de
compositeur d’oeuvres sacrées, puis il fut
nommé chantre de la chapelle pontificale
(1629). Son nom est surtout attaché au
célèbre Miserere pour neuf voix en deux
choeurs, longtemps chanté pendant la semaine sainte à la chapelle Sixtine. L’oeuvre
suscita un tel engouement que le pape
menaça d’excommunication quiconque
sortirait une partition de la chapelle ou
la copierait. Mais Mozart, ayant assisté à
l’office, transcrivit l’oeuvre de mémoire,
après l’avoir entendue, semble-t-il, une
seule fois.
ALLEGRO (ital. : « gai, rapide »).
1. On rencontre ce terme dès le
XVIIe siècle ; pendant un certain temps, il
garda un sens expressif plus qu’il ne désigna un mouvement bien précis. Depuis le
XVIIIe siècle, il indique un mouvement se
situant généralement en dessous du presto.
Mais, souvent, un autre terme vient préciser le caractère du morceau. On trouve par
exemple : allegro con brio, ma non troppo,
moderato, molto, appassionato, etc.
2. « Allegro » désigne aussi le premier
mouvement de la sonate, de la symphonie
ou du concerto classiques.
ALLELUIA.
Expression hébraïque signifiant « louez
(hallelu) Dieu (Yah[veh]) », qui figure notamment en exorde des Psaumes CXIII et
CXVIII, dits pour cette raison « le grand
Hallel ».
Celui-ci, dit le Talmud, devait être
chanté dix-huit fois par an, et notamment
pendant le repas pascal. Le mot hébreu
est passé sans traduction dans la version
grecque des Septante (283 av. J.-C.) et de
là dans l’usage latin, où il a été compris
comme une exclamation de joie. D’où son
emploi privilégié au temps pascal, reflet
de l’usage hébraïque, et, au contraire, son
exclusion des offices de deuil ou des temps
de pénitence. Mais en outre, à l’exemple
du Livre de Tobie (XIII, 22, alleluia cantabitur), il a été employé substantivement,
en latin comme en grec (Apocalypse,
XIX), avec le sens de « chant de louange
joyeux ». D’où ses deux acceptions distinctes, comme exclamation complétive et
comme genre liturgique.
1.Comme exclamation de joie, l’alleluia
est employé en s’insérant au début, au
milieu ou à la fin de textes dont il reste
indépendant. Cette addition, surtout en
finale, est pratiquée au temps pascal de
manière systématique, et parfois doublée
ou triplée ; par exemple, Ite missa est - Deo
gratias devient Ite missa est, alleluia, alleluia - Deo gratias, alleluia, alleluia. Le mot
alleluia s’insère alors dans le texte chanté
sans en modifier la nature. Il est donc
indifféremment syllabique ou mélismatique selon le contexte où il s’insère. On
notera que le mot hébreu est accentué sur
la finale ; le grec et le latin transportent
l’un et l’autre l’accent sur la pénultième
(allelúia), d’où, avec le contre-accent latin,
állelúia ; ce qui serait peut-être, selon Gustave Cohen, l’origine du refrain aoi inséré
de façon mystérieuse dans la Chanson
de Roland ; selon une thèse présentée en
1955, par l’auteur de cet article, le aoi issu
de l’alleluia pénultième aurait pu former
doublet avec l’nterjection de joie eia, fréquente dans la lyrique latine médiévale,
qui serait cette fois dérivée de l’accentuation hébraïque initiale (alléluiá).
2. En tant que morceau autonome, l’alleluia semble avoir été d’abord l’un des
principaux supports du chant responsorial ( ! ALTERNANCE), fournissant un refrain facile à faire répéter à l’assistance.
Conservé dans le chant antiphonique, non
seulement il s’y ajoute à l’antienne pour
en souligner le caractère joyeux, surtout
en temps pascal, mais il va parfois jusqu’à
la supplanter, le mot alleluia répété syllabiquement autant de fois que nécessaire
remplaçant sur la même mélodie le texte
entier de l’antienne ordinaire : ce sont les
antiennes alléluiatiques, qui n’ont pas été
conservées de nos jours. De là peut-être le
caractère populaire que semble avoir pris
l’alleluia au Ve siècle, époque où le poète
Sidoine Apollinaire décrit à Lyon « les
mariniers adressant au Christ des chants
cadencés, tandis que l’alleluia leur répond
de la rive ». Ce caractère est conservé dans
la chanson populaire, comme dans certains tropes tardifs qui s’y apparentent (O
filii et filiae).
3. L’introduction de l’alleluia dans la
messe, où il deviendra un genre musical d’une importance particulière, a été
attribuée à saint Ambroise au IVe siècle.
D’abord réservé au jour de Pâques, pour
faire suite au graduel qui suit lui-même la
lecture de l’épître, il s’est ensuite étendu à
l’ensemble de l’année liturgique, à l’exception des offices des défunts, d’où il a été
retiré par le 4e concile de Tolède, et des
époques de pénitence (avent, carême), où
il a été interdit par le pape Alexandre II
au XIe siècle, de sorte que les fêtes souvent
populaires qui marquaient volontiers les
derniers jours précédant l’entrée dans ces
périodes (cf. Carnaval, qui signifie « adieu
à la viande ») ont parfois pris le nom
d’« adieu à l’alleluia ».
Dans les plus anciens offices, où il
apparaît généralisé (bénévent), l’alleluia
se chante partout sur une formule musicale unique ; on en trouve une dizaine à
peine dans l’office milanais ; par la suite,
il devient l’un des genres de composi-
tion liturgique les plus riches et les plus
abondants, même s’il existe fréquemment
des alleluias refaits sur des modèles antérieurs. Alors que la liturgie hébraïque ne
traite jamais l’alleluia de manière mélismatique, l’alleluia de la messe va devenir
par excellence le type de la mélodie vocalisée : il utilise, en effet, largement des
formules mélismatiques, les neumes dont
le nom (gr. pneuma, « souffle ») évoque
la large envolée et justifie l’appellation de
jubilus qui leur a parfois été donnée.
Dans cette dernière acception, l’alleluia, tout comme l’introït, l’offertoire et
la communion primitives, dérive directement du chant de psaume encadré par son
antienne ; le refrain alleluia tient alors lieu
d’antienne, le psaume se voit réduit à un
ou deux versets, et même parfois remplacé
par un autre texte d’origine biblique ;
mais, contrairement à l’introït, et peutêtre en raison de son caractère jubilatoire,
la cantillation du verset se voit transmuée
elle aussi en chant vocalisé, tandis que le
refrain alleluia prend dans ses vocalises
une ampleur dont saint Augustin a laissé
un commentaire célèbre : « Celui qui jubile ne prononce pas de paroles, mais il
exprime sa joie par des sons inarticulés.
Dans les transports de son allégresse, ce
qui peut se comprendre ne lui suffit plus,
mais il se laisse aller à une sorte de cri de
bonheur sans mélange de paroles. »
L’exécution de l’alleluia, en raison de
son développement, a donné lieu à une
alternance particulière, que l’on peut présenter comme suit :
-chantre soliste : alleluia (sans le mélisme sur le a final) ;
-choeur : reprise alleluia prolongée par le
développement mélismatique ;
-soliste ou petit choeur : verset, arrêté
peu avant les derniers mots du texte (astérisque dans les éditions modernes) ; P
-choeur : achèvement du verset, qui
comporte souvent lui-même un développement mélismatique sur la dernière
syllabe. Reprise intégrale de l’alleluia avec
son mélisme.
Si l’on tient compte du fait que de nombreux alleluias, surtout tardifs (car on en
composa jusqu’au XIIIe s.) reprennent
dans leur mélisme final de verset tout ou
partie du jubilus alléluiatique initial, on
observe que le jeu d’alternance présenté
ci-dessus introduit, peut-être fortuitement, une véritable structure formelle à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
20
refrain aAB. cB. AB, dont l’influence se
retrouvera dans la constitution des formes
poético-musicales (rondeau, virelai, ballade), génératrices à leur tour des formes
musicales pures plus étendues que développera amplement la musique classique
à venir.
ALLEMANDE.
Danse d’origine allemande, de tempo modéré, de rythme binaire, qui apparaît au
début du XVIe siècle (Danceries de C.
Gervaise). En Angleterre, on la rencontre sous les appellations alman ou
almayne dans des titres qui comportent
souvent aussi ce qui est probablement
une dédicace (Dowland : Sir John Smith’s
Almayne). L’allemanda se développe également en Italie. À partir du XVIIe siècle,
l’allemande remplace la pavane et trouve
sa place au début de la suite classique. Sa
forme est généralement en deux parties
avec reprises, sa mesure est toujours binaire et elle commence par une anacrouse.
Le schéma tonal en est le suivant :
tonique/dominante dominante/tonique.
C’est dans cette forme que J.-S. Bach fait
souvent appel à l’allemande dans ses Suites
et Partitas, où il utilise surtout le style
français très contrapuntique et formel. Au
XIXe siècle, l’expression « à l’allemande »
devient synonyme de « danse allemande »,
c’est-à-dire d’un rythme à 3/4 ou 3/2 ; l’allemande se rapproche alors du Ländler ou
de la valse (Beethoven, Schubert).
ALL’OTTAVA (ital. : « à l’octave »).
Procédé qui permet d’écrire des notes
situées au-dessus ou au-dessous de la portée, sans employer de lignes supplémentaires ; il est désigné dans les partitions
par l’abréviation 8va. Cette abréviation est
inscrite au-dessous des notes lorsqu’on
doit descendre d’une octave, au-dessus si
l’on doit exécuter les notes à l’octave supé-
rieure.
On peut également placer une ligne en
pointillés en dessous (notes correspondantes jouées à l’octave inférieure) ou audessus (à l’octave supérieure) de la portée.
ALMEIDA (Antonio de), chef d’orchestre
français, né de parents portugais et américain (Paris 1928).
Il commence ses études musicales en Argentine avec Ginastera, obtient une bourse
pour étudier la physique à l’Institut de
technologie du Massachusetts, mais choisit la voie de la musique. Il travaille aux
États-Unis auprès de Hindemith (1949),
Koussevitski (1949-50) et George Szell
(1953) et, après une période consacrée à
l’enseignement, aborde la carrière de chef
d’orchestre. Directeur de l’orchestre de la
radio portugaise de 1956 à 1960, il poursuit ensuite une carrière internationale. Il
a été directeur de la musique de la ville de
Nice et est depuis 1993 directeur musical
de l’Orchestre symphonique de Moscou,
fondé en 1989. Antonio de Almeida se
livre aussi à des travaux de musicologie.
Il a travaillé à une édition complète des
symphonies de Boccherini (Vienne, 1969
et suiv.) et à un catalogue thématique des
oeuvres d’Offenbach.
ALMEIDA (Francisco Antonio de), compositeur et organiste portugais (1re moitié du XVIIIe s.).
Sa vie reste mal connue. Il fut l’un des
premiers boursiers envoyés par le roi Jean
V à Rome, où il séjourna de 1722 à 1726
environ, et il fut peut-être l’élève d’Alessandro Scarlatti. Plusieurs de ses oratorios
y furent exécutés. De retour à Lisbonne, il
fut maître de chapelle à la Cour jusqu’en
1752. Ses oeuvres religieuses comme ses
opéras marquent l’abandon, au Portugal,
des influences espagnole et flamande au
bénéfice du style italien. La Pazienza di
Socrate (1733) fut le premier opéra portugais écrit à la manière italienne. Le seul
des ouvrages lyriques d’Almeida à avoir
été conservé entièrement, La Spinalba o
vero il Vecchio Muto (1739), a connu à
notre époque des représentations qui ont
soulevé un intérêt certain.
ALMURO (André), compositeur français
(Paris 1927).
Producteur d’émissions radiophoniques,
spécialisé dans l’utilisation des moyens
électroacoustiques, passionné par la poésie et le surréalisme, il a composé dans
son studio personnel un grand nombre
de pièces pour bande magnétique (Ambitus, Va-et-vient, Phonolithe, Mantra, etc.)
et d’« opéras » électroacoustiques où il
recherche un climat cérémoniel de magie
et d’incantation, avec ou sans le support
d’un texte.
ALPAERTS (Flor), compositeur belge
(Anvers 1876 - id. 1954).
Il fit ses études avec Jan Blockx au conservatoire d’Anvers, où il devint ensuite professeur de théorie, contrepoint et fugue
(1903), puis directeur (1933-1941). Il
supervisa l’édition des oeuvres de Peter
Benoît. En tant que compositeur, il peut
être considéré, avec son poème symphonique Pallieter, comme l’un des premiers impressionnistes belges, quoique
l’influence de Paul Gilson et de Richard
Strauss l’ait conduit à une expression qui
doit encore beaucoup au postromantisme.
Alpaerts a composé des oeuvres pour
orchestre (poèmes symphoniques, pièces
concertantes, musiques de scène), de la
musique de chambre, des mélodies et un
opéra, Shylock.
ALPHONSE X LE SAGE (Alfonso el
Sabio), roi de Castille et de León, empereur germanique, législateur, guerrier,
mathématicien, astronome, historien,
poète et compositeur espagnol (Tolède
1221 Séville 1284).
Imprégné de culture islamique, il redonna
de l’éclat à l’université de Salamanque, où
fut introduit l’enseignement de la polyphonie. Il s’y entoura des poètes et des
musiciens les plus brillants de son temps chrétiens, arabes, juifs -, ainsi que de baladins mauresques. En collaboration avec
ceux-ci, il écrivit plus de 400 cantigas,
presque toutes consacrées à la louange de
la Vierge. Il mourut, dit-on, du chagrin
d’avoir à lutter contre son fils Sanche, qui
s’était emparé du trône en 1282.
Pièces destinées au répertoire des fêtes
liturgiques et des célébrations populaires,
Las Cantigas de Santa María réalisent une
synthèse magistrale de l’art des troubadours et des trouvères, s’inspirant notamment des Miracles de Gautier de Coincy,
des liturgies et des déchants populaires
de l’époque wisigothique, des hymnes
d’origine orientale et de certaines danses
médiévales.
Écrites en dialecte galicien, elles reprennent le schéma des virelais, des
rondeaux et des laudes. Elles ont une
importance capitale pour l’histoire de la
musique, car elles sont conservées avec
une notation.
ALPHORN ou ALPENHORN.
Nom allemand du « cor des Alpes », instrument folklorique en usage dans les
montagnes de Suisse et des pays voisins.
De perce conique, taillé dans du bois naturel, l’alphorn a l’aspect d’une énorme
pipe, pouvant atteindre plusieurs mètres,
et produit des sons amples d’une portée
considérable. C’est lui qui sonne le fameux
Ranz des vaches, évoqué par Beethoven
dans la Symphonie pastorale et par Rossini
dans Guillaume Tell.
AL SEGNO (ital. : « au signe »).
Cette indication précise qu’une section
doit être répétée à partir de l’endroit
marqué par le signe -S -, et non en son
début, comme dans un da capo ordinaire.
Le terme Da capo al segno indique que le
signe se trouve au début de la section.
ALSINA (Carlos Roqué), compositeur
argentin (Buenos Aires 1941).
Il a débuté comme pianiste avant de se
tourner vers la composition. Artist-inResidence de la Fondation Ford à Berlin
(1964-1966), il a travaillé avec Luciano
Berio en 1965, passé deux ans à l’université de Buffalo, et s’est fixé ensuite à Berlin
(1968), puis à Paris (1973). Cofondateur,
en 1969, du New Phonic Art, groupe spécialisé dans l’improvisation et le « libre
jeu d’ensemble », il s’est souvent orienté
vers le théâtre musical, par exemple dans
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Oratorio 1964 pour 3 solistes, 4 acteurs et
3 groupes instrumentaux (1963-64, inachevé), la scène musicale Text (1965-66,
inachevé), Text II pour soprano et 5 ins-
truments (1966), Consecuenza pour trombone solo (1966). Sa première oeuvre, Trois
Pièces pour chant et piano sur des textes de
Shakespeare, date de 1956. Dans les années 70, il s’est imposé avec Überwindung
pour 4 solistes et orchestre (Donaueschingen, 1970), Schichten pour orchestre de
chambre (Royan, 1971), Omnipotenz pour
orchestre de chambre (Royan, 1972), Approach pour 2 solistes et grand orchestre
(Berlin, 1973). Ont suivi notamment
Étude pour zarb (1973), le ballet Fusion
pour 2 pianos, 2 percussionnistes et instruments annexes joués par les danseurs
(Royan, 1974), le spectacle musical Encore (1976), Stücke pour grand orchestre
(Royan, 1977), Harmonies pour solistes,
récitant, choeur de femmes et orchestre
(Paris, 1979), la Muraille (Avignon, 1981),
Hinterland (créé au G. R. M. en 1982),
Prima Sinfonia pour flûte, soprano, violoncelle et orchestre (1983), Concerto pour
piano et orchestre (1985), Suite indirecte
pour orchestre (Metz, 1989), Symphonie
no 2 (1991).
ALTÉRATION.
1. Modification de la hauteur d’un son
par l’adjonction d’un signe qui le hausse
ou le baisse toujours à partir de son état
« naturel ».
Dans la musique occidentale classique,
où l’unité d’intervalle est le demi-ton, les
altérations usuelles sont le dièse qui
hausse la note d’un demi-ton, et le bémol
qui la baisse d’un demi-ton ; il existe
des altérations doubles (double dièse ,
double bémol ), dont l’effet est de hausser ou baisser la note de deux demi-tons,
c’est-à-dire, dans la pratique, d’un ton,
mais sans que cet intervalle d’un ton puisse
harmoniquement être analysé comme tel,
les deux demi-tons étant rarement de
même nature. Le bécarre n’est pas un
signe d’altération au sens propre, mais un
signe d’annulation qui interrompt l’effet
d’une altération antérieure pour remettre
la note dans son état naturel. Dans certaines musiques orientales, et parfois dans
la musique occidentale, lorsque le quart
de ton intervient, le demi-dièse et le demibémol peuvent être employés. Enfin, les
humanistes du XVIe siècle avaient quelque
temps prôné, en vue d’un « chromatisme »
imité des Grecs, différentes hauteurs de
dièse , , , représentant respectivement un, deux ou trois quarts de ton.
Les altérations peuvent être constitutives ou passagères, selon qu’elles appartiennent ou non à la gamme de la tonalité
en cours. Les altérations constitutives de
la tonalité initiale d’un morceau, écrites
une fois pour toutes au début de ce morceau, forment l’armature (ou armure) et
demeurent valables tant qu’elles figurent à
la clef, même si la tonalité change.
À ces altérations d’armature s’opposent
les altérations accidentelles, qui sont, elles,
écrites en cours de texte et ne restent
valables que la durée d’une mesure, ou
moins encore si plus loin, dans la même
mesure, elles sont annulées par un bécarre
ou une autre altération.
Le sens actuel des altérations, tel qu’il
vient d’être exposé, ne s’est fixé, progressivement, qu’au cours du XVIIIe siècle. Lire
une partition antérieure selon les conventions du solfège actuel exposerait donc à
de graves erreurs.
2. On appelle altération d’un accord la
modification de hauteur d’un ou plusieurs
de ses sons, considérés sur le plan harmonique par rapport à la composition normale de l’accord ( ! ACCORD).
3. On appelle altération d’un intervalle son
extension ou son resserrement au-delà de
son état juste, majeur ou mineur.
ALTERNANCE.
L’alternance, soit entre un soliste et un
groupe, soit entre deux groupes, égaux ou
non, appartient à tous les modes d’expression de la musique, les plus frustes comme
les plus élaborés. En particulier, son rôle
est fondamental dans le développement
de la musique liturgique chrétienne,
source de toute notre musique classique.
Le noyau primitif semble y avoir résidé
dans une lecture psalmodiée des textes
saints, coupée par de brèves réponses des
fidèles. Ce mode d’alternance fut sans
doute supplanté, à la fin du IVe siècle (saint
Ambroise à Milan), par un autre type dit
antiphonie (qui a donné le mot antienne)
entre deux demi-choeurs égaux.
La polyphonie introduisit l’alternance
entre les parties polyphoniques et les passages laissés en plain-chant strict ; par
exemple, dans la Messe de Machaut, la
polyphonie ne concerne qu’un Kyrie sur
deux.
Au XVIIe siècle, apparut une alternance
choeur-orgue, dans laquelle l’un des partenaires prenait les versets pairs, l’autre les
versets impairs. Les messes des organistes
de l’époque sont presque toutes conçues
ainsi ; on ne devrait jamais les exécuter
comme une « suite » (ce qu’elles ne sont
pas), mais toujours avec l’alternance de
plain-chant qui les justifie et pour laquelle
elles ont été faites. Il en est de même des
faux-bourdons, conçus exclusivement
pour alterner avec le plain-chant du
choeur. L’alternance est particulièrement
frappante dans le chant des Passions, où
se répondent récitant, Christ et choeur ou
« turba ». On retrouve le principe d’alternance dans le double choeur, en honneur
au XVIe siècle (Gabrieli à Venise), et, plus
tard, dans l’opposition entre petit et grand
choeur que préfère le XVIIe siècle, notamment en France.
Le principe de l’alternance est à l’origine des nuances, qui furent d’abord par
paliers ou en écho avant l’apparition tardive du crescendo et du diminuendo, et
aussi, à partir du XVIIe siècle, à la source
de l’esthétique du concerto grosso (alternance d’un petit groupe instrumental
avec l’ensemble ou ripieno), qui devait
en se transformant donner naissance au
concerto de soliste.
Sous des formes moins évidentes,
l’alternance a conservé une importance
fondamentale. Après Schönberg, qui
inventa même des signes spéciaux, N
(Nebenstimme) ou H (Hauptstimme) prolongés d’un trait, pour mieux préciser
l’alternance dans un ensemble des parties dominantes et des parties laissées à
l’arrière-plan, nombreuses sont encore les
pièces qui tirent de ce principe un élément
important de leur structure (ex. : Dutilleux, symphonie no 2, dite le Double).
ALTERNATIVO.
Section contrastée jouant en gros le même
rôle que le trio central dans un menuet, un
même morceau pouvant en contenir une
seule ou plusieurs.
On trouve cette indication dans le quatuor à cordes en mi bémol majeur opus
76 no 6 de Haydn (1797), et assez souvent
chez Schumann.
ALTMANN (Wilhelm), musicologue
allemand (Adelnau, Silésie, 1862 - Hildesheim 1951).
Directeur du département musical de la
Bibliothèque royale de Prusse à Berlin de
1915 à 1927, il a édité de nombreux catalogues musicaux ainsi que des oeuvres classiques, et s’est consacré spécialement au
quatuor à cordes.
ALTNIKOL (Johann Christoph), organiste et compositeur allemand (Berna,
Silésie, 1719 - Naumburg, près de Kassel,
1759).
Tout d’abord organiste à Breslau, il étudia ensuite la théologie à Leipzig, où il fut
l’élève de J.-S. Bach, de 1744 à 1748. En
1749, il épousa Élisabeth, fille de Bach, et
écrivit, sous la dictée, le dernier choral de
son beau-père, Vor deinen Thron tret’ ich.
Il fut plus tard organiste à Niederwiesa,
puis à Naumburg. Altnikol a copié de
nombreuses oeuvres de Bach, et ce dernier appréciait ses compositions ; mais de
celles-ci nous ne possédons que quelques
pièces pour clavier et quelques oeuvres
religieuses.
ALTO.
1. instrument à cordes. De même
que le violon, l’alto est issu de la famille
des violes de bras. On trouve la trace de
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
22
cette origine (viola da braccio) dans les
appellations italienne (viola) et allemande
(Bratsche) de l’alto.
L’alto est comme un violon fidèlement
agrandi ; la forme et les matériaux en sont
parfaitement identiques. L’alto mesure en
moyenne 67 cm de long ; son archet est
plus court et plus lourd que celui du violon. Ses quatre cordes sont accordées une
quinte plus bas que celles du violon :
ce qui fait que ses trois cordes les plus
aiguës sont accordées sur les mêmes notes
que les trois cordes les plus graves du violon. L’alto se tient de la même façon que
le violon. Sa musique est écrite en clé d’ut
3e ligne. Sa technique est sensiblement la
même que celle du violon, avec un mécanisme un peu moins agile, en raison de
l’écart plus grand entre les doigts et du
poids de l’archet.
Jusqu’au XIXe siècle, l’alto fait souvent
figure de parent pauvre du violon ; il est
généralement joué par des violonistes
médiocres, et c’est pourquoi on évite de
lui confier des parties importantes. Bach,
pourtant, aime à tenir la partie d’alto
dans des exécutions, et, au XVIIIe siècle,
quelques compositeurs s’intéressent déjà
à l’instrument : Telemann, Bodin de Boismortier, Carl Stamitz, Michael Haydn,
Dittersdorf, Cambini, Campagnoli. Mais
c’est surtout Mozart qui enrichit la littérature pour alto avec des duos pour violon
et alto et la symphonie concertante pour
violon et alto (KV 364). Au XIXe siècle,
de grands solistes, comme Paganini (violoniste, mais aussi altiste), achèvent de
donner à l’alto sa vraie place. Outre les
oeuvres de Spohr, Joachim et Vieux temps,
citons Harold en Italie de Berlioz, « symphonie avec alto principal », écrite à la
demande de Paganini. Schumann compose ses Märchenbilder op. 113 pour alto,
et Brahms est l’auteur de deux sonates op.
120. Au XXe siècle, nombre de compositeurs écrivent pour l’alto : Reger, Koechlin,
Bartók (1 concerto pour alto), Hindemith,
altiste lui-même (1 concerto ; 5 sonates
pour alto et piano), Milhaud (2 concertos ;
2 sonates), Enesco, Ropartz, Kodály, Walton, Britten, Copland, Martinºu. Plus près
de nous, citons encore Bancquart (Écorces
I pour violon et alto) et Berio (Sequenza VI
pour alto solo).
Parmi les ouvrages pédagogiques, nous
mentionnerons ceux de Bruni, Woldemar, Joseph Vimeux, Dancla, Th. Laforge,
Maurice Vieux, Léon Pascal, M.-T. Chailley, C. Lequien, E. Ginot et G. Massias.
2. instrument à vent de la famille
des cuivres, occupant dans le groupe
des saxhorns la place intermédiaire entre
le grand bugle et le baryton. Construit en
mi bémol, il sonne à l’octave inférieure
du petit bugle, et sa morphologie est celle
du baryton et de la basse, pavillon dirigé
vers le haut. Il est très apprécié dans les
formations d’amateurs pour sa tessiture
moyenne et sa facilité d’émission.
ALTO.
Terme général indiquant la voix qui se
situe entre la voix supérieure et le ténor,
par exemple dans la chanson polyphonique des XVIe et XVIIe siècles.
Cette partie, chantée le plus souvent par
une voix élevée d’homme, soit en voix naturelle, soit en voix de fausset (contre-ténor), se notait en clef d’ut 3e ligne. Contratenor altus, traduit en italien, a donné
également par contraction, contralto, la
voix de femme la plus grave.
AMATI, famille de luthiers italiens, établie à Crémone.
Andrea (Crémone v. 1505 -id. v.
Fondateur de l’école de Crémone
lui qui, vers 1555, construisit
véritables violons, issus de la
1578).
; c’est
les premiers
viole de bras.
Antonio, fils d’Andrea (Crémone v.
1555 -id. 1640).
Girolamo, frère d’Antonio (Crémone
1556 -id. 1630).
Nicola, fils de Girolamo (Crémone
1596 -1684). Il fut le plus célèbre des
Amati. Ses violons sont de dimensions
très diverses ; les plus petits ont des formes
gracieuses et une sonorité limpide ; mais
les plus caractéristiques de son art sont
peut-être les plus grands, à la sonorité
puissante et expressive.
Girolamo II, fils de Nicola (Crémone
1649 -1740). De réputation moindre, il
conçut des instruments plutôt plats et
d’assez petite taille.
AMBITUS (lat. : « pourtour », notamment
celui d’une maison, déterminant la propriété).
Dans le vocabulaire du plain-chant, ce
terme signifie, dans chaque mode, l’espace sonore utilisable autour de la finale
tonique. C’est l’un des éléments de l’identification modale et, notamment, de la
distinction entre modes authentes (gr. authentes, « qui domine ») et modes plagaux
(gr. plagios, « situé de [chaque] côté ») :
les authentes ont tout leur ambitus audessus de la finale tonique (sauf tolérance
d’un degré de dépassement ornemental
au grave), tandis que les plagaux répartissent leur ambitus de part et d’autre de
cette finale.
Du plain-chant, le mot s’est généralisé
au sens d’étendue d’une mélodie, d’une
voix ou d’un instrument, entre sa note la
plus grave et sa note la plus élevée. Il ne
faut pas confondre l’ambitus avec la tessiture, terme qui contient une notion de
hauteur absolue : un soprano et une basse
peuvent avoir même ambitus (par ex. une
douzième) sans avoir pour autant même
tessiture.
De plus, la tessiture se réfère plus particulièrement au « bon registre » dans
lequel un chanteur se sent à l’aise, tandis
que l’ambitus désigne la totalité des notes
qu’il peut atteindre. Une note peut donc
être dans l’ambitus d’un chanteur sans
être dans sa tessiture, alors qu’une note
de la tessiture est obligatoirement dans
l’ambitus.
AMBROISE (saint) [Ambrosius Aurelianis], Père de l’Église, théologien et moraliste (Trèves 333 ou 340 - Milan 397).
Évêque de Milan (374), il joua un rôle
important dans la lutte contre l’arianisme,
et aussi, selon la tradition, dans le développement de la liturgie occidentale en
y introduisant de nombreuses pratiques
musicales, pour la plupart empruntées à
l’usage oriental, entre autres le chant de
l’alleluia, des antiennes et le chant antiphonique ( ! ALTERNANCE). Il passe pour
avoir composé lui-même des hymnes, et
a donné son nom au chant ambrosien,
considéré comme l’un des ancêtres du
chant grégorien.
AMBROS (August Wilhelm), musicologue et historien de la musique autrichien (Vysoké Myto, Bohême, 1816 Vienne 1876).
Juriste à Prague et à Vienne, il publia à
partir de 1862 une histoire de la musique
qui, à sa mort, n’en était qu’au 4e volume et
au début du XVIIe siècle, et qui fut ensuite
poursuivie par d’autres. Comme compositeur, on lui doit notamment l’opéra
tchèque Bratislav et Jitka.
AMBROSIEN (chant).
Chant liturgique en usage à Milan jusqu’à
une période très récente, et qui diffère par
de nombreux détails du chant grégorien,
tout en se référant aux mêmes types.
En se couvrant de l’autorité de
l’évêque saint Ambroise († 397), il se
situe deux siècles avant saint Grégoire
(† 604), éponyme du chant grégorien. Le
rôle de ce dernier n’ayant été au mieux
que celui d’un législateur a posteriori, on
ne peut en tirer argument pour l’antériorité du rite milanais. Cette antériorité
n’en est pas moins généralement admise,
mais non sans nuances ni contestations ;
les réticences portent surtout sur l’aspect
composite du répertoire et sur le degré
de fidélité de sa transmission. Le répertoire des hymnes est sans doute celui dont
l’ancienneté et la continuité semblent le
mieux assurées, de même que celui des
« petites antiennes » non ornées et le mode
de psalmodie, plus simple que la grégorienne ; le Gloria ambrosien semble bien,
lui aussi, remonter au IVe siècle. MalheudownloadModeText.vue.download 29 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
23
reusement, aucun témoin écrit conservé
du répertoire ambrosien ne semble avoir
été rédigé avant le XIe siècle. Quelle que
soit la marge d’incertitude sur les détails,
le chant ambrosien reste, avec les quelques
témoignages subsistant des rites prégrégoriens tels que le « vieux-romain » ou ceux
des papes Léon Ier le Grand (440-461) ou
Gélase Ier (492-496), l’un des plus importants éléments dans notre connaissance
des origines du chant liturgique.
Le Te Deum, qui remonte vraisemblablement au début du Ve siècle, porte
parfois le titre d’« hymne ambrosienne »,
mais l’attribution à saint Ambroise n’est
que l’une des cinq attributions anciennes,
et non la plus vraisemblable.
ÂME.
1. Petite pièce cylindrique en sapin, qui,
dans les instruments à archet, est placée entre la table et le fond, sous le pied
droit du chevalet ; l’âme renforce la table
du côté droit, transmet les vibrations de
la table au fond, et joue un rôle essentiel
pour le timbre.
2. Sur la clarinette, petit orifice situé près
de l’embouchure.
AMEN.
Mot hébreu à valeur adverbiale ou exclamative possédant des sens multiples :
affirmation (Amen, dico vobis, « en vérité,
je vous le dis », est une formule souvent
employée par Jésus dans les Évangiles),
conclusion, souhait, adhésion à ce qui
vient d’être dit, acclamation, etc.
Utilisé fréquemment dans la liturgie
juive, le mot est passé tel quel dans la plupart des liturgies chrétiennes, tant latine
que grecque ou slave, où il se prononce
amin. Le psautier latin primitif traduisait
Fiat, ce qui a entraîné l’Ainsi soit-il français, abandonné depuis le concile Vatican
II.
Musicalement, l’amen s’incorpore
liturgiquement au texte qu’il conclut,
à moins qu’il ne forme lui-même une
réponse autonome ; ses formules mélodiques propres sont en ce cas généralement assez simples. En revanche, dès le
XIVe siècle (fin du Gloria et du Credo dans
la Messe de Machaut), les musiciens l’ont
considéré comme matière de choix pour
des développements vocalisés pouvant atteindre une très grande ampleur. À partir
du XVIIIe siècle, dans le même esprit, il devient par tradition la conclusion brillante,
souvent fuguée, de maints morceaux de
messe ou d’oratorio ; d’où les sarcasmes
dont l’abreuve Berlioz dans la Damnation
de Faust (« Pour l’amen une fugue... »),
où il en a rédigé une parodie. Un amen
en faux-bourdon dit Amen de Dresde, en
usage dans la cathédrale de cette ville, a
fourni à Mendelssohn l’un des thèmes de
sa symphonie Réformation (1830), repris
par Wagner comme l’un des motifs essentiels de Parsifal (1882). Messiaen a illustré
à sa manière les différentes acceptions de
ce mot dans ses Visions de l’amen pour
piano (1943).
AMIOT (Jean Joseph Marie), jésuite et
missionnaire français (Toulon 1718 Pékin 1793).
En 1779, il publia une étude de la musique
chinoise, sixième des quinze volumes de
son ouvrage sur la culture chinoise : Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les
arts... des Chinois.
AMON (Blasius), compositeur autrichien
(v. 1558 - Vienne 1590).
Enfant de choeur à la chapelle de l’archiduc
Ferdinand à Innsbruck, il fut envoyé par
celui-ci à Venise pour y faire des études
musicales (1574-1577). Il devint ensuite
frère franciscain à Vienne. Il composa de
la musique religieuse (messes, motets),
adoptant, le premier dans les pays germaniques, la pratique vénitienne des doubles
choeurs (cori spezzati).
AMOYAL (Pierre), violoniste français
(Paris 1949).
Titulaire à l’âge de douze ans d’un 1er Prix
au Conservatoire de Paris, il étudie ensuite
aux États-Unis auprès de Jasha Heifetz,
avec qui il donne ses premiers concerts de
musique de chambre. En 1971 commence
sa carrière internationale. Il interprète
les grands concertos romantiques et modernes, sous la direction de sir Georg Solti,
Seiji Ozawa, Pierre Boulez, Eliahu Inbal,
Lorin Maazel, etc. En 1977, il est nommé
professeur au Conservatoire de Paris et en
1986 à celui de Lausanne. Parmi les violonistes de sa génération, il est l’un de ceux
qui ont su trouver un équilibre harmonieux entre l’enseignement (masterclasses
de violon solo et de musique de chambre)
et la carrière de virtuose. Il possède l’un
des plus célèbres stradivarius du monde,
le Kochansky, qui date de 1717.
AMY (Gilbert), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1936).
Il est né d’un père anglais pour moitié et
d’une mère bourguignonne, et fut, dans
son enfance, attiré par l’architecture (il s’y
intéresse toujours). Ses premiers contacts
avec la musique furent décevants : il apprit
le piano sans entrain. Vint l’année 1948 :
« J’ai eu alors ma nuit de Noël claudélienne, mon père m’emmena au concert
à Paris. C’est alors que la musique m’a
vraiment impressionné. » Il copia Berlioz,
Schubert, Schumann, et se mit à composer. Plus tard, il fut fasciné par Bartók,
Stravinski, le groupe des Six, la polytonalité, les dissonances. À dix-huit ans, il découvrit la philosophie et approfondit ses
choix. Il entra au Conservatoire de Paris
et fut orienté par Michel Fano vers Olivier
Messiaen, avec lequel il travailla deux ans.
Il compta aussi parmi ses professeurs Darius Milhaud. Les cours d’analyse de Messiaen l’aidèrent à « rencontrer » Mozart,
Chopin, Debussy. En 1957, sa Cantate
brève pour soprano, flûte, marimba et vibraphone fut créée à Donaueschingen. La
même année, Amy montra sa Sonate pour
piano à Boulez et étudia avec celui-ci la direction d’orchestre. C’était l’époque brûlante du Domaine musical. Après s’être
« senti dans un climat de solitude totale
au Conservatoire », il fut « soudain jeté
dans la vie ». Il écrivit alors Mouvements
pour 17 instruments (1958). À Darmstadt
(1959-1961), il découvrit Stockhausen et
rencontra Maderna, Nono, Pousseur. Il
composa Inventions (1959-1961) et développa un style personnel fait de rigueur
et de raffinement, de lyrisme contenu et
d’abstraction avec Épigrammes (1961),
Cahiers d’épigrammes (1964) pour piano
et Diaphonies pour orchestre de chambre
(1962). À ces partitions relativement austères en succédèrent d’autres où s’épanouit plus librement son tempérament de
poète : Triade pour orchestre (1963-64 ;
création, Royan, 1966), la première version de Strophe pour soprano dramatique
et orchestre (1964-1966), Trajectoires
pour violon et orchestre (1966 ; création,
Royan, 1968) et Chant pour orchestre
(1967-1969). De cette époque date aussi
Cycle pour percussions (1966). En 1967,
succédant à Pierre Boulez, il prit la direction des concerts du Domaine musical,
qu’il devait conserver jusqu’à leur disparition en 1973. En 1970 fut créé à Royan
Cette étoile enseigne à s’incliner (le titre est
celui d’un tableau de Klee) pour choeur
d’hommes, 2 pianos, bande magnétique
et divers instruments, oeuvre incantatoire
comptant parmi ses plus significatives. Lui
succédèrent notamment Récitatif, air et variation pour 12 voix mixtes (Royan, 1971),
Refrains pour orchestre (Paris, 1972),
D’un désastre obscur pour voix et clarinette
(1971), à la mémoire de Jean-Pierre Guézec, D’un espace déployé pour orchestre et
2 chefs (1972 ; création à l’Orchestre de
Paris, 1973), grande réussite s’il en fut,
Sonata pian’e forte pour 2 voix et ensemble
de chambre (1974), Seven Sites pour 14
solistes (Metz, 1975), Après... d’un désastre
obscur (Châteauvallon, 1976), Échos XIII
pour 13 instruments (1976), Stretto pour
orchestre (Metz, 1977), une version réorchestrée de Strophe (1977 ; création, Paris,
1978), Trois Études pour flûte seule (Grenoble, 1979), Chin’anim Cha’ananim pour
voix et petit ensemble (1979) et Une saison en enfer d’après Rimbaud pour piano,
percussions, chant et bande magnétique
réalisée autour du texte parlé à trois voix
(enfant, femme, homme). Cette partition, une de ses plus ambitieuses, résulta
d’une commande du groupe de recherche
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musicale de l’I. N. A. et fut créée à Paris
en 1980. Suivirent Quasi una toccata pour
orgue (1981), Quasi scherzando pour violoncelle (1981), Messe pour quatuor vocal,
choeur d’enfants ad libitum, choeur mixte
et orchestre (1983), la Variation ajoutée
pour 17 instrumentistes et bande (1984),
Orchestrahl pour orchestre (1985), Choros pour soli, choeur et orchestre (Lyon,
1989), Quatuor à cordes no 1 (1992), Inventions pour orgue (1993-1995), Trois Scènes
pour grand orchestre (1994-1995), Brèves
(quatuor à cordes no 2) [1995].
D’abord conseiller musical, à
l’O. R. T. F. (1973), Amy a été, de 1976 à
1981, directeur du Nouvel Orchestre philharmonique de Radio-France. Il a obtenu
le grand prix musical de la S. A. C. E. M.
en 1972 et le grand prix national de la
musique en 1979. En 1984, il a succédé
à Pierre Cochereau à la tête du Conservatoire national supérieur de musique de
Lyon.
ANACROUSE.
Note ou groupe de notes dépourvues d’accentuation, commençant une phrase musicale ou une composition, et précédant
immédiatement le premier temps fort.
ANALYSE (gr. analusis : « décomposition »).
L’analyse consiste à étudier une oeuvre
pour en définir la forme, la tonalité, la
structure, le rythme, l’harmonie, l’orchestration, la thématique, la mélodie, la dynamique, etc. Au XXe siècle, l’analyse doit
tenir compte des influences musicales primitives et extraeuropéennes, et non plus
être fondée uniquement sur des données
de forme et d’harmonie tonale, comme au
XIXe siècle. Avec la musique sérielle, l’analyse devient un exercice beaucoup plus intellectuel que musical. « Le premier devoir
de l’analyse musicale est de montrer les
fonctions des différentes sections ; le côté
thématique est secondaire » (A. Webern).
Il y a actuellement trois classes d’analyse au Conservatoire de Paris.
ANAPESTE.
Pied ou unité rythmique de la poésie
grecque et latine, formé de l’union de deux
syllabes brèves et d’une longue, et indiqué
par les signes -.
L’origine du quatrième mode rythmique ), aux XIIe et XIIIe siècles, est en
fait anapestique, la noire étant considérée
alors comme une autre valeur brève.
ANCERL (Karel), chef d’orchestre
tchèque (Tucapy, sud de la Tchécoslovaquie, 1908 - Toronto, Canada, 1973).
Né dans un milieu paysan, il étudia la
composition au conservatoire de Prague
avec A. Hába, et la direction d’orchestre,
notamment, avec V. Talich et H. Scherchen, dont il fut l’assistant. À partir de
1931, il dirigea à l’Opéra de Prague et, à
partir de 1933, à la radio de cette ville. Il
entama alors une carrière internationale.
Après un long séjour dans les camps de
concentration durant la guerre, il reprit
ses activités à l’Opéra de Prague et à la
direction de la Philharmonie tchèque.
Contraint à l’exil après le « Printemps de
Prague », dont il fut l’un des artisans, il se
réfugia aux États-Unis et devint directeur
de l’Orchestre symphonique de Toronto.
Il demeure célèbre pour les interprétations de ses compatriotes Dvořák, Smetana, Janáček, Martinºu, mais aussi pour
celles de Bartók, Stravinski et Prokofiev.
ANCHE.
Languette fine et élastique en bois (roseau)
ou en métal (laiton), qui est introduite
dans l’embouchure des instruments à
vent. (Cette languette peut encore être en
argent [Chine, Japon] ou en paille [Soudan, Égypte].) L’anche entre en vibration
grâce au souffle du joueur ou à l’air d’un
soufflet, et communique cette vibration à
la colonne d’air contenue dans le tube de
l’instrument.
Il y a trois sortes d’anches : l’anche
simple, qui ne comporte qu’une seule
languette (ex. : clarinette, saxophone) ;
l’anche double, qui comporte deux languettes superposées (ex. : hautbois, basson) ; et l’anche libre, qui vibre en avant
et en arrière à l’entrée d’une ouverture
qu’elle ferme momentanément au passage
de l’air (ex. : tuyaux d’orgue).
À l’orgue, toute une famille de jeux est
dite « jeux d’anches » ou « jeux à anche ».
Le son est émis par une languette (dont la
longueur est ajustable pour l’accordage au
moyen d’une tige, la rasette) battant sur
une gouttière métallique, l’anche proprement dite. Le tuyau sert de résonateur aux
vibrations émises par la languette ; son
diamètre, sa forme et sa longueur déterminent le timbre et la puissance du son.
Les grands tuyaux coniques donnent le
plus grand éclat : ce sont les jeux du type
trompette ou du type chalumeau (s’ils
sont de taille étroite).
Les tuyaux à corps raccourci et à résonateur fournissent à la famille des anches
les jeux de régale, de ranquette, de douçaine, de clarinette et, principalement, de
cromorne et de voix humaine.
ANCHIETA (Juan de), compositeur espagnol (Azpeitia, province de Guipúzcoa,
1462 - id. 1523).
Chantre à la chapelle d’Isabelle de Castille
et de Ferdinand d’Aragon (1489), maître
de musique du prince don Juan (1495),
puis abbé à Arbos (1499), il retourna, en
1504, à Azpeitia, où il fut recteur jusqu’à
sa mort. Parallèlement, il exerça une
charge de maître de musique à la cour de
Charles V (1519). Considéré comme l’un
des fondateurs de l’école polyphonique
espagnole, Anchieta n’a retenu de l’art
des Flamands que ce qui était nécessaire
à un expressionnisme dramatique caractéristique du style national. Il a souvent
construit ses oeuvres religieuses sur des
thèmes profanes ; ainsi sa messe Eia Judios
s’inspire-t-elle d’une chanson populaire
évoquant les persécutions contre les juifs.
Il a laissé des messes, plusieurs motets et
des chansons polyphoniques profanes.
ANDA (Geza), pianiste suisse d’origine
hongroise (Budapest 1921 - Zurich
1976).
Il fit ses études de piano dans son pays
natal auprès de E. von Dohnanyi et débuta à Budapest sous la baguette de W.
Mengelberg. Il prit la nationalité helvétique en 1942 et vécut dès lors en Suisse.
Parallèlement à sa carrière de virtuose, il
fut titulaire d’une classe de perfectionnement pianistique à Lucerne, poste où il
succéda à Edwin Fischer. Pianiste au jeu
maîtrisé, au style très pur, Anda est resté
célèbre pour ses interprétations de Mozart, Brahms et Bartók.
ANDANTE (ital. : « en allant », « en marchant »).
Ce terme, apparu vers la fin du XVIIe siècle,
désigna longtemps un tempo modéré, se
situant entre l’adagio et l’allegro. Ce n’est
qu’à l’époque romantique que son sens se
modifia et qu’il indiqua un mouvement
plus lent, se rapprochant de celui de l’adagio. N’étant pas très précis, le mot andante
est souvent qualifié : par exemple, andante-allegro, andante ma adagio, andante
sostenuto, andante cantabile. Le terme est
parfois utilisé comme titre de morceau
(Schumann : Andante et variations pour
deux claviers op. 46), ou, souvent, comme
titre de mouvement, par exemple dans
une symphonie.
ANDANTINO.
Diminutif d’andante.
Longtemps imprécis, ce terme indique
en principe, aujourd’hui, un mouvement
un peu plus rapide que l’andante. Il indique également le caractère d’une pièce
moins développée qu’un andante ; il est à
l’andante ce que la sonatine est à la sonate.
ANDERSON (Marian), contralto américain (Philadelphie 1902).
Au cours de sa longue carrière de concertiste, qui débuta en 1925, elle connut, aux
États-Unis, quelques revers, dus au fait
qu’elle était de race noire, mais aussi de
nombreux triomphes (il lui arriva de chanter en plein air devant 75 000 personnes).
En Europe, où elle fit des tournées après
1930, se produisant notamment au festival
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
25
de Salzbourg à partir de 1935, elle acquit
une immense popularité. En 1955, Marian
Anderson fut la première chanteuse noire
à paraître sur la scène du Metropolitan de
New York (Ulrica dans Un bal masqué).
Elle se retira en 1965. Toscanini admirait beaucoup cette forte personnalité,
aux interprétations parfois déroutantes,
mais toujours marquantes, qui fit carrière
essentiellement dans le lied et l’oratorio,
ajoutant aussi, à la fin de ses récitals, des
negro spirituals.
ANDRÉ, famille d’éditeurs et compositeurs allemands.
1. Johann (Offenbach, près de Francfort, 1741 - id. 1799). Il cultiva avec
succès le singspiel, écrivit une trentaine
d’oeuvres dans cette forme et jouit de
l’admiration et de la collaboration de
Goethe. Son style subit l’influence de
l’école de Berlin (Graun, G. A. Benda).
Il écrivit également des ballets, de la
musique de scène et de nombreux lieder.
En 1774, il fonda une maison d’édition,
encore en activité aujourd’hui.
2. Johann Anton (Offenbach 1775 - id.
1842), fils du précédent. Il continua l’activité de son père dans l’édition, publiant,
entre autres et pour la première fois, beaucoup d’oeuvres de Mozart, dont en 1800,
Constance lui vendit en bloc les manuscrits plutôt qu’à Breitkopfu Härtel. Il écrivit deux opéras, des lieder, de la musique
religieuse, de la musique symphonique et
de la musique de chambre.
ANDRÉ (Maurice), trompettiste français
(Alès 1933).
Il travailla dans la mine dès l’âge de 14
ans et fit ses premières armes dans la
musique au sein des harmonies locales.
Puis il étudia au Conservatoire de Paris,
obtenant dès la première année le premier prix d’honneur au cornet et, l’année
suivante, le premier prix de trompette. Il
remporta les concours de Genève (1955)
et Munich (1963). Trompette solo à
l’orchestre des Concerts Lamoureux et
à l’Opéra-Comique, il entreprit une carrière de concertiste qui lui valut rapidement un renom mondial. Doué d’une
aisance et d’une technique prodigieuses,
il domine complètement les difficultés que
présente la musique baroque, qui constitue l’essentiel de son répertoire ; mais
il interprète avec autant de bonheur les
oeuvres contemporaines, aborde parfois
le jazz et la musique légère. Professeur au
Conservatoire de Paris de 1967 à 1978, il
a formé une brillante jeune génération de
trompettistes français parmi lesquels son
fils Lionel, son petit-fils Nicolas, Bernard
Soustrot et Guy Touvron.
ANDRIESSEN, famille de musiciens
néerlandais.
Willem, compositeur et organiste (Haarlem 1887 - Amsterdam 1964). Il dirigea
le conservatoire d’Amsterdam de 1937
à 1953 et fut organiste à la cathédrale
d’Utrecht.
Hendrik, frère du précédent, compositeur, organiste et pédagogue (Haarlem 1892 -id. 1981). Il a été directeur
du conservatoire d’Utrecht, puis de La
Haye (1949), et a enseigné l’histoire de la
musique à Nimègue, de 1952 à 1962. Sa
production religieuse, à partir de la Missa
in honorem Ss. Cordis (1917), a tenté de
retrouver la simplicité médiévale, et les
références sérielles ont été fréquentes chez
lui à partir de 1950. On lui doit beaucoup
de musique religieuse et de nombreuses
pièces d’orgue, Variations et fugue sur un
thème de Johann Kuhnau pour orchestre
(1935), un concerto pour orgue (1950),
cinq symphonies (1930, 1937, 1946, 1954
et 1962) et les opéras Philomela, d’après
Ovide (1948, créé au festival de Hollande
1950), et De Spiegel Van Venetie (1964).
Jurriaan, fils du précédent, compositeur, pianiste et chef d’orchestre (Haarlem
1925). Élève de son père à Utrecht, il a étudié aussi à Paris (1947) et aux États-Unis
(1949-1951), écrivant là sa Berkshire Symphonies (1949), dont le mouvement lent
est une série de variations sur un thème
de la Suite lyrique d’Alban Berg. De tempérament éclectique, il s’est intéressé au
jazz (Concerto Rotterdam, 1967) et a écrit
beaucoup de musiques de film et de scène.
Sa 8e symphonie, La Celebrazione, date
de 1977. Citons encore le monodrame
radiophonique Calchas (1959), d’après
Tchekhov, et les ballets Das Goldfischglas
(1952), De Canapé (1953) et Time Spirit
(1970).
Louis, frère du précédent, compositeur
(Utrecht 1939). Élève de son père et de K.
Van Baaren, puis de Luciano Berio à Milan
et à Berlin (1964-65), il a subi également
les influences de Stockhausen et de Cage.
Il a été en 1969 l’un des auteurs de l’opéra
collectif Reconstruction, donné au festival
de Hollande 1970, et enseigne depuis 1974
au conservatoire de La Haye. Parmi ses
oeuvres, Hoketus pour 2 groupes d’instruments (1976-77), le « triptyque politique »
sur des textes controversés comprenant
Il Duce, d’après Mussolini (1973), Il Principe, d’après Machiavel (1973-74) et De
Staat pour quatre voix de femmes et ensemble instrumental d’après la République
de Platon (1973-1976), Symfonie voor losse
snaren (symphonie pour cordes à vide)
pour 5 violons, 2 altos, 3 violoncelles et
2 contrebasses solistes (1978), Mausoleum pour orchestre (1979), De Tijd pour
ensemble (1981), les opéras Passion selon
saint Matthieu, Orpheus et George Sand,
créés en 1976, 1978 et 1980, De Snelheid
(1981), Danses pour soprano et orchestre
de chambre (1991), Hout (1991).
ANDRIEU (Jean-François d’), compositeur et organiste français (Paris 1682 - id.
1738).
Neveu de Pierre d’Andrieu, virtuose
précoce, il est nommé organiste à SaintMerri dès 1704, poste auquel s’ajouteront
ceux d’organiste de la Chapelle royale
(1721) et de Saint-Barthélemy (1733). On
lui doit un Livre de sonates à violon seul,
trois Livres de pièces de clavecin, un Livre
de sonates en trio, quelques Airs sérieux
ou à boire et un recueil instrumental, les
Caractères de la guerre, ou suite de symphonies ajoutées à l’opéra. Pour l’orgue, il
écrivit un Premier Livre de pièces d’orgue
(1739), où se maintenait la grande tradition liturgique de Lebègue, et un Livre de
noëls, dans lequel il reprenait les oeuvres
de son oncle en ajoutant quelques noëls de
sa composition, pages brillantes, aimables
et pittoresques. Comme pédagogue, enfin,
d’Andrieu a laissé un précieux volume de
Principes de l’accompagnement du clavecin
(Paris, 1718).
ANDRIEU (Pierre d’), compositeur et
organiste français ([ ?] 1660 - Paris 1733).
Il écrivit des Airs sérieux, publiés dans les
recueils de Ballard, et composa des Noëls
à variations pour orgue, réédités par son
neveu Jean-François, a qui on en attribue
souvent la paternité.
ANERIO (Felice), compositeur italien
(Rome v. 1560 - id. 1614).
Il succéda en 1594 à Palestrina comme
compositeur du choeur pontifical et en
1611 réforma avec Francesco Soriano
le graduel romain. Contrairement à lui,
son frère Giovanni Francesco (Rome v.
1567 - Graz 1630) composa aussi bien dans
la prima que dans la seconda pratica et fut
le premier compositeur romain à utiliser
des instruments obligés (dans son Teatro
armonico spirituale de 1619).
ANERIO (Giovanni Francesco), compositeur italien, frère du précédent (Rome v.
1567 - Graz 1630).
Maître de chapelle du roi de Pologne en
1606, puis à la cathédrale de Vérone, il
regagna Rome pour enseigner au Collège romain. Ordonné prêtre en 1616, il
fut maître de chapelle à Santa Maria dei
Monti de 1613 à 1620. C’est un compositeur intéressant, dont l’oeuvre importante
(principalement religieuse) comprend
souvent des titres assez pittoresques, tels
que Ghirlanda di sacre rose et Il dialogo
pastorale al presepio (« le dialogue pastoral
auprès de la crèche »). Il contribua à l’élaboration de la forme qui devint l’oratorio.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ANET (Jean-Baptiste), violoniste et compositeur français ([ ?] 1661 - Lunéville
1755).
Il fut l’élève de Corelli et débuta à Paris
comme virtuose dans le cercle italien
de Saint-André-des-Arcs, que présidait
l’abbé Mathieu. C’est Anet qui, en se produisant à la cour et au Concert spirituel,
révéla à la France l’élégance du violon
dans le répertoire profane et donna à cet
instrument ses lettres de noblesse. Avec
Leclair, il imposa le genre de la sonate ;
son premier Livre de sonates parut en
1724. Nommé au service de l’ex-roi de
Pologne Stanislas Leszczy’nski, il se fixa
à Lunéville en 1736. Anet fut un compositeur fécond et l’un des plus grands violonistes de son temps.
ANFOSSI (Pasquale), compositeur italien (Taggia, près de Naples, 1727 - Rome
1797).
Il étudia d’abord le violon, puis la composition et l’harmonie avec N. Piccinni.
Ses premiers opéras ne connurent pas un
très grand succès, mais avec L’Incognita
perseguitata (Rome, 1773) vint la célébrité.
Bientôt, cependant, il éprouva l’inconstance du public et partit à travers l’Europe.
En 1792, il fut nommé maître de chapelle
à Saint-Jean-de-Latran et se consacra à
la musique d’église. Mozart s’intéressa
à l’oeuvre d’Anfossi, composant des airs
à insérer dans certains des 76 opéras
qu’écrivit ce musicien.
ANFUSO (Nella), soprano italienne (Alia,
près de Palerme, 1942).
Elle suit une double formation, littéraire
et musicale, à l’université et au Conservatoire de Florence. Docteur ès lettres,
elle étudie le chant à l’académie SainteCécile de Rome tout en poursuivant des
recherches sur l’interprétation vocale au
XVIIe siècle. Ces travaux historiques se
révèlent décisifs pour l’originalité de son
style interprétatif. Son but est de « retrouver l’unicité de la poésie et de la musique »
qui, selon elle, caractérise avant tout les
oeuvres de Caccini et de Monteverdi. En
1971, elle débute au Palazzio Vecchio
de Florence et se produit régulièrement
depuis en récital dans toute l’Europe.
Douée d’une tessiture de trois octaves,
elle chante les madrigaux pétrarquisants
de Marchetto, les oeuvres de Rossi, mais
aussi Vivaldi. Professeur de littérature
dramatique et poétique au Conservatoire
Boccherini de Lucca, paléographe des Archives d’État, elle organise des séminaires
pour des étudiants du monde entier, malgré les vigoureuses polémiques suscitées
par son style. Depuis 1989, elle a élargi son
répertoire aux romances de Bellini, Catalani et Paganini.
ANGELICI (Martha), soprano française
(Cargese 1907 - Ajaccio 1973).
Bien que sa vocation ait été marquée
par ses origines corses, c’est à Bruxelles
qu’elle reçoit sa formation à partir de
1928. Apprenant les rôles du répertoire
italien, elle chante la Bohème à Marseille en 1936. L’année suivante elle
débute à Paris, avant de suivre la troupe
de l’Opéra-Comique au Brésil, lors de la
tournée de 1939. Elle sera membre de cette
troupe jusqu’en 1953, dans une période
où de nombreuses créations s’ajoutent
aux productions du répertoire. De 1953
à 1960, elle chante à l’Opéra de Paris.
Ses triomphes dans le rôle de Micaëla
amènent Karajan à l’engager dans Carmen
à la Scala de Milan. Ses récitals furent également fameux, qu’elle concluait le plus
souvent par des chants populaires de son
île natale.
ANGELIS (Nazzareno de), basse italienne (Aquila, près de Rome, 1881 Rome 1962).
Enfant, il fit partie de la Capella Giulia,
puis de la chapelle Sixtine. Il débuta à
Aquila dans Linda di Chamounix de Donizetti (1903) et devint rapidement célèbre.
Il se produisit beaucoup aux États-Unis et
en Amérique du Sud, mais sa carrière est
essentiellement liée à la Scala de Milan,
où il chanta de 1907 (débuts dans La Gioconda de Ponchielli) à 1933. Sa voix était
d’une beauté et d’une puissance exceptionnelles, sa technique accomplie et sa
présence scénique impressionnante. Donnant aux personnages qu’il incarnait une
dimension hors du commun, il a marqué,
en particulier, les rôles de Moïse dans
l’opéra de Rossini et de Mefistofele dans
l’opéra de Boito, qu’il chanta 987 fois. Il
se consacra aussi beaucoup aux oeuvres
de Wagner.
ANGERER (Paul), compositeur et altiste
autrichien (Vienne 1927).
Il a étudié le violon avec Franz Bruckbauer
et F. Reidinger et la composition avec A.
Uhl, à Vienne. Altiste dans l’Orchestre
symphonique de Vienne, il a été de 1971
à 1986 directeur musical de l’orchestre
de chambre de Pforzheim. Le style polyphonique de ses oeuvres rappelle Hindemith. Auteur de musique d’orchestre, le
plus fréquemment écrite pour orchestre
de chambre, il utilise des procédés anciens
comme l’organum et le faux-bourdon.
ANGERMULLER (Rudolph), musicologue allemand (Bielefeld 1940).
Il a étudié à Mayence, Münster et Salzbourg (langue et civilisation françaises,
histoire, musicologie). Assistant à l’Institut de musicologie de l’université de Salzbourg de 1967 à 1972, il est depuis cette
dernière date bibliothécaire de l’Internationale Stiftung Mozarteum et codirecteur
de la Neue Mozart Ausgabe. Sa thèse Antonio Salieri : sein Leben und seine weltliche
Werke est parue en 1971. Il a publié également Sigismund Neukomm : Werkverzeichnis - Autobiographie - Beziehung zu seinen
Zeitgenossen (1977), W. A. Mozarts musikalische Umwelt in Paris (1777-78) : eine
Dokumentation (1982), ainsi que de nombreux articles.
ANGIOLINI (Gasparo), danseur, chorégraphe et compositeur italien (Florence
1731 - Milan 1803).
Arrivé à Vienne en 1754, il succéda en
1758 à son maître Franz Hilverding au
poste de maître de ballet de la cour. Il
connut son plus grand triomphe le 17 octobre 1761 avec la création au Burgtheater
de Don Juan ou le Festin de pierre (musique
de Gluck), le premier grand ballet d’action, dont il assura l’argument et la chorégraphie et dansa le rôle-titre. L’année
suivante (5 octobre 1762), il assura la chorégraphie d’Orfeo ed Euridice. En 1765, il
succéda à Hilverding à Saint-Pétersbourg,
puis revint à Vienne en 1774 comme successeur de Noverre. Il séjourna à nouveau
à Saint-Pétersbourg de 1776 à 1779 et termina sa carrière en Italie.
ANGLAISE.
Terme désignant aux XVIIe et XVIIIe siècles
diverses danses anglaises diffusées en
Europe, telles que la contredanse (country
dance) ou encore le hornpipe.
Il est curieux de noter que l’anglaise
fut connue en Allemagne sous le nom de
« française », et que J.-S. Bach introduisit
une anglaise dans sa troisième Suite française en si mineur. Le tempo de l’anglaise
est généralement assez vif avec une mesure binaire.
ANGLEBERT (Jean Henri d’), compositeur, claveciniste et organiste français
(Paris 1628 - id. 1691).
Élève et successeur de Champion de
Chambonnières, il occupa quelques postes
d’organiste avant d’être nommé en 1662
dans l’ordinaire de la chambre du Roy
pour le clavecin, charge plus tard confiée à
François Couperin. Il abandonna ce poste
à son tout jeune fils Jean-Baptiste Henri
en 1674, date après laquelle on ne lui
connaît plus d’activité. En 1689, il fit paraître un livre de Pièces de clavecin, regroupant 60 pièces en quatre ordres ; le livre est
complété par un tableau des agréments,
des Principes de l’accompagnement, Cinq
Fugues pour l’orgue sur un même sujet et un
Quatuor sur le Kyrie. À côté de quelques
transcriptions de Lully, on y trouve le
témoignage de l’un des maîtres du pre-
mier âge de l’école française de clavecin.
Ses deux fils, Jean-Baptiste Henri (Paris
1661 - id. 1735) et Jean Henri (Paris 1667 id. 1747), furent tous deux clavecinistes.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ANGLÉS (Mgr Higinio), musicologue espagnol (Maspujols, prov. de Tarragone,
1888 - Rome 1969).
Il fit des études de philosophie et de théologie à Tarragone, de musique à Barcelone (orgue, harmonie, composition) et
de musicologie, d’abord à Barcelone avec
F. Pedrell, puis à Fribourg avec W. Gürlitt et à Göttingen avec F. Ludwig. Après
la guerre civile, durant laquelle il s’exila
à Munich, il dirigea l’Institut espagnol
de musicologie, à Barcelone, à partir de
1943, et fut président de l’Institut pontifical de musique sacrée de Rome, à partir
de 1947. Spécialiste du Moyen Âge et de la
Renaissance, véritable fondateur de l’école
de musicologie espagnole, Anglés a laissé
un grand nombre d’ouvrages et d’articles
fondamentaux sur la musique de son pays
et édité les oeuvres de Cabanillés, Morales,
Alphonse X le Sage et Juan Pujol. Il a réalisé un catalogue musical de l’Espagne du
XIIe au XVIIe siècle.
ANHALT (Istvan), compositeur canadien
d’origine hongroise (Budapest 1919).
Il fait ses études en Hongrie avec Kodály
et en France avec Nadia Boulanger et
L. Fourestier. Il s’installe au Canada en
1949. Son style, fondé à l’origine sur le
néoclassicisme, assimile, à partir de 1959,
la musique électronique et les techniques
modernes, unissant Varèse et Stockhausen aux musiques indienne, javanaise et
africaine. Parmi ses oeuvres, citons 2 symphonies, Cento pour choeur à 12 voix et
bande magnétique (1967), Welche Töne ?
pour orchestre (1989).
ANIMANDO (ital. : « en animant »).
Terme indiquant que le tempo devient
plus allant.
ANIMATO (ital. : « animé »).
Terme employé pour qualifier un tempo
donné, exemple : andante animato.
ANIMUCCIA (Giovanni), compositeur
italien (Florence v. 1514 - Rome 1571).
Il reçut sa formation dans l’entourage de
Francesco Corteccia, puis entra au service du cardinal Ascanio Sforza à Rome.
En 1555, il succéda à Palestrina comme
maître de la chapelle Giulia. Avec un talent
qui le rend digne de son grand prédécesseur, il écrivit surtout des madrigaux, de la
musique religieuse (messes, magnificat),
et, pour les réunions de son ami saint Philippe Neri, deux livres de Laudi spirituali
(1563-1570) qui préfigurent l’oratorio et,
par leur style déclamatoire, la monodie
accompagnée.
ANNIBALE (Il Padovano), compositeur
italien (Padoue 1527 - Graz, Autriche,
1575).
Premier organiste à Saint-Marc de Venise
de 1552 à 1565, il s’établit à Graz, où il fut
organiste, puis maître de chapelle de l’archiduc Charles d’Autriche. Il composa des
madrigaux, des motets, une messe et des
pièces pour orgue, édités chez Gardano
à Venise. Ses ricercari et toccate furent
parmi les premiers du genre.
ANSERMET (Ernest), chef d’orchestre
suisse (Vevey 1883 - Genève 1969).
Il étudia parallèlement les mathématiques
et la musique à Lausanne, puis à Paris, et
fut nommé professeur de mathématiques
à Lausanne (1906). Mais, après avoir
travaillé la direction d’orchestre auprès
de Mottl et Nikisch en Allemagne, il revint à la musique, en 1912, comme chef
d’orchestre au casino de Montreux, où il
devint l’ami de Ramuz et de Stravinski.
Directeur musical des Ballets russes de
Diaghilev de 1915 à 1923, il fonda en 1918
l’orchestre de la Suisse romande, dont il
resta le directeur jusqu’en 1966. Chef au
style plein d’acuité et de raffinement, Ansermet demeure particulièrement célèbre
pour ses interprétations de Stravinski,
Debussy et Ravel. Il a exposé sa conception de la musique dans un livre, les Fondements de la musique dans la conscience
humaine (Neuchâtel, 1961), où il avoue
sa fidélité exclusive au système tonal. Il
composa quelques oeuvres et orchestra les
Six Épigraphes antiques et deux des Ariettes
oubliées de Debussy.
ANTEGNATI, famille de facteurs d’orgues italiens établis à Brescia, dont l’activité est connue de 1480 environ jusqu’à
la moitié du XVIIe siècle.
Des sept générations successives d’Antegnati, l’organier le plus célèbre est Costanzo (Brescia 1549 - id. 1624), qui fut
aussi organiste de la cathédrale de Brescia,
compositeur et théoricien. Auteur de motets, messes et madrigaux, il a rédigé un
traité, L’Arte organica (1608), où il donne
notamment la liste et les caractéristiques
de tous les instruments construits par la
famille, ainsi que des indications sur l’accord et la registration.
L’orgue des Antegnati est un instrument à un clavier et à pédalier rudimentaire ; il est riche en flûtes et principaux et
en jeux de mutation aigus constituant un
ripieno* par rangs séparés. Parmi les très
nombreux instruments qu’ils établirent
dans toute l’Italie du Nord, les principaux
sont ceux de la cathédrale de Brescia (Bartolomeo Antegnati, 1481), de Sainte-Marie-des-Grâces à Brescia (Gian Giacomo
Antegnati, 1533) et de la cathédrale de
Milan (id., 1552).
ANTES (John), compositeur américain
(Frederick, Pennsylvanie, 1740 - Bristol,
Angleterre, 1811).
Membre de la communauté morave de
Pennsylvanie, il partit pour l’Europe en
1764, devint pasteur en 1769, et s’embarqua la même année comme missionnaire
pour Le Caire, où il devait rester jusqu’en
1781. De 1783 à sa mort, il vécut en Angleterre, continuant à s’intéresser non
seulement à la musique, mais aussi à la
mécanique et à la facture d’instruments.
On lui doit des oeuvres sacrées préservées
uniquement en Amérique, pour la plupart dans les archives de Bethlehem et de
Winston-Salem (ont subsisté 25 pièces vocales concertantes et 13 mélodies de cantiques). Il fut aussi le premier Américain
de naissance à avoir écrit de la musique
de chambre (quatuors à cordes, trois trios
à cordes op. 3 composés au Caire et parus
chez John Bland comme étant de Giovanni A-T-S Dilettante americano). Dans
un des carnets tenus par Haydn à Londres
en 1791-92, on trouve cette notice le
concernant : « Mr. Antis, évêque (sic) et
petit compositeur. »
ANTHEIL (George), compositeur améri-
cain d’origine polonaise (Trenton, New
Jersey, 1900 - New York 1959).
Il fait ses études au Curtis Institute de
Philadelphie, puis à New York avec Ernest Bloch. Après un bref séjour à Berlin
où il présente sa Première Symphonie, il
s’installe à Paris, s’intéresse au mouvement dada et compose son Ballet mécanique, « musique ultraviolette où l’idée est
d’atteindre le plus abstrait de l’abstrait « :
dix pianos y sont utilisés, ainsi que des
trompes d’auto, enclumes, scies circulaires, etc. Cette tentative empirique d’extension de l’univers sonore n’est pas sans
annoncer celles de Feldman et Cage. À la
même époque, Antheil incorpore le jazz à
ses ouvrages symphoniques ou lyriques.
De retour aux États-Unis (1933), il renonce à l’avant-garde et revient à une esthétique néoromantique qui marque tous
ses ouvrages ultérieurs. Fixé à Hollywood,
il travaille dès lors dans les genres les plus
divers, y compris la musique de film.
ANTHEM (du grec latinisé, antiphona).
Terme anglais désignant une composition chorale sur un texte sacré en langue
anglaise, en usage dans l’Église anglicane.
Au XVIe siècle, il existe deux types d’anthems, le full-anthem, qui peut être soit a
cappella, soit accompagné à l’orgue, et le
verse-anthem, qui se place entre les parties
chorales, chanté par une voix soliste accompagnée à l’orgue ou aux instruments
à archet. Avec Blow, Purcell et Pelham
Humphrey, le verse-anthem se développe ;
les anthems de Haendel atteignent des
proportions grandioses au siècle suivant (par exemple : Zadok, the Priest).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
28
On continue à composer des anthems
au XIXe siècle ; de nos jours, avec ou sans
accompagnement, le genre inspire encore
les compositeurs.
ANTICIPATION.
Procédé musical consistant en l’émission
d’une note qui est étrangère à l’harmonie
et qui appartient à l’accord suivant.
Cette anticipation crée une dissonance, parfois chargée d’un grand pouvoir expressif, comme chez Monteverdi.
Exemple : J. S. Bach, choral Ermunt’re
dich, mein schwachen Geist.
ANTIENNE (grec latinisé, antiphona :
« voix en réponse »).
Chant destiné primitivement à encadrer
la psalmodie, c’est-à-dire la récitation modulée des psaumes.
Le fait que cette récitation était pratiquée en « antiphonie » - par demi-choeurs
alternés ( ! ALTERNANCE) - a donné naissance à ce terme impropre, car l’antienne
ne semble jamais avoir été chantée ellemême en antiphonie. Les antiennes sont
parmi les éléments les plus anciens de la
liturgie. Les antiennes primitives, ambrosiennes, puis grégoriennes, étaient
simples, syllabiques et courtes, souvent
calquées sur un timbre stéréotypé et adapté
au ton de la psalmodie ; beaucoup portent
la trace d’un pentatonisme archaïque très
accusé. Plus tard, les antiennes se développèrent, devinrent de plus en plus longues
et relativement mélismatiques ; certaines
antiennes tardives (Salve Regina) sont de
véritables compositions, développées et
isolées de leur contexte d’encadrement.
Les introïts sont d’anciennes antiennes
dont le psaume a été raccourci ; d’autres
pièces (offertoire, communion) sont d’anciennes antiennes dont le psaume a ultérieurement disparu.
ANTIPHONAIRE.
Au sens ancien strict, ce terme désignait
le livre liturgique contenant les antiennes
(liber antiphonarius) pour l’office et celles
pour la messe (introït, offertoire, communion). Ces pièces étaient chantées par
le choeur, en alternance avec les répons,
contenus dans un autre livre, le cantatorium, réservé aux solistes et plus tard appelé le graduel (liber gradualis) [trait, graduel, alleluia]. Plus tard, les répons furent
insérés dans l’antiphonaire.
ANTONIOU (Theodor), compositeur
grec naturalisé américain (Athènes
1935).
De 1945 à 1958, il étudie le violon, le chant
et, avec M. Kalomiris, au conservatoire
d’Athènes, la composition. Il travaille de
1958 à 1961 avec Y. Papaioannou, de 1961
à 1965 avec G. Bialas à Munich et, de 1964
à 1966, au studio de musique électronique
de la radio bavaroise. En 1969, il obtient
une chaire de composition à l’université
de San Francisco. Malgré ses passages dans
les studios d’électroacoustique, Antoniou
compose avec des moyens traditionnels.
Sa production comprend des oeuvres pour
choeur, pour voix et instruments (Meli,
pour chant et orchestre, 1963 ; Épilogue,
pour mezzo-soprano, hautbois, guitare,
cor, piano, contrebasse et percussion,
1963 ; Kontakion, pour solistes, choeur
mixte et cordes, 1965 ; Klytemnestra, pour
une actrice, ballet et orchestre, etc.), pour
divers ensembles instrumentaux et pour
orchestre, ces dernières oeuvres incluant
des musiques de scène, de film et de la
musique radiophonique.
ANTUNES (Jorge), compositeur brésilien (Rio de Janeiro 1942).
Il fait ses études à l’université du Brésil (master de violon et de composition)
et passe son doctorat à Paris (Sorbonne,
1977). Il enseigne à l’université de Brasilia, dont il dirige aussi le département de
musique. Pionnier de l’électroacoustique
dans son pays, il fonde, à Rio de Janeiro,
un centre de recherches « chromo-musicales » (1962), avant de travailler au studio
de l’Institut Torcuato di Tella à Buenos
Aires ainsi que dans différents studios européens, notamment à Utrecht et à Paris
(GRM). On lui doit en particulier Catastrophe ultra-violette (1974), Simfonia das
Directas (1984), la série des Meninos pour
jeune violoniste et bande (1986-87). Il a
fondé un groupe de musique expérimentale, le GeMUnB, et publié un livre sur la
notation dans la musique contemporaine
(1988).
APERGHIS (Georges), compositeur grec
(Athènes 1945).
Venu à Paris en 1963, il y entreprend des
études musicales et y suit des cours de
direction d’orchestre (avec Pierre Dervaux) et de percussion. En 1967, sont créés
Antistixis pour trois quatuors à cordes et
Anakroussis I. Suivent notamment Symplexis pour orchestre symphonique et
vingt-deux solistes de jazz et Kryptogramma pour percussions (1970). Frappé
par Sur scène de Kagel, il s’oriente de plus
en plus vers le théâtre musical : « Ce que
je veux ? Répartir des scènes dans l’espace,
accomplir un travail critique : il ne faut
donc pas une pièce déjà existante ou des
situations déjà imaginées par quelqu’un. »
Le festival d’Avignon révèle en 1971
l’originalité d’Aperghis avec la Tragique
Histoire du nécromancier Hieronimo et de
son miroir pour voix de femme chantée,
voix de femme parlée, luth et violoncelle.
Puis sont créés Oraison funèbre (pour 2
barytons, une actrice et 10 instruments,
Paris, 1972), Hommage à Jules Verne
(Royan, 1972), Concerto grosso (pour chanteurs-acteurs, instruments et bande, Paris,
1972), les opéras Pandemonium (pour 4
voix de femmes, 4 barytons, 4 acteurs et 7
instrumentistes, Avignon, 1973), Jacques
le Fataliste d’après Diderot (Lyon 1974) et
Histoires de Loups (pour 5 voix de femmes,
voix d’hommes et 9 musiciens, Avignon
1976), Je vous dis que je suis mort (Paris,
1979), Liebestod (Metz, 1982), oeuvres
nourries d’autres disciplines artistiques.
Les préoccupations sociales d’Aperghis
apparaissent notamment dans la Bouteille
à la mer (1976). Depuis 1976, le compositeur est animateur de l’A. T. E. M. (Atelier théâtre et musique) de Bagnolet. De
l’action menée par l’A. T. E. M. avec les
habitants de Bagnolet, sont nés divers
spectacles, dont la Pièce perdue (1979).
Le festival de La Rochelle de 1980 a vu la
création de Quatre Récitations pour violoncelle seul. Citons encore l’Adieu pour
orchestre (Paris, 1988), l’opéra Jojo (Strasbourg, 1990).
A PIACERE (ital. : « à volonté », « à plaisir »).
Terme indiquant qu’une certaine liberté
dans le mouvement est laissée à l’initiative
de l’interprète. Syn. : ad libitum.
APOSTEL (Hans Erich), compositeur autrichien d’origine allemande (Karlsruhe
1901 - Vienne 1972).
Il fit ses études au conservatoire Munz à
Karlsruhe, puis travailla à Vienne avec
Schönberg (1921) et Berg (1925). Il fut
chef d’orchestre au Landestheater de
Karlsruhe, puis professeur de piano et de
composition à Vienne, et lecteur aux Éditions Universal. Il écrivit de la musique
d’orchestre, des oeuvres pour piano,
deux quatuors à cordes, des lieder sur
des poèmes de Rilke, Hölderlin, Stefan
George, et un Requiem.
Appartenant à la seconde école de
Vienne, ses oeuvres relèvent de la technique sérielle, qu’Apostel utilisa avec
beaucoup de maîtrise et un rien d’académisme.
APPASSIONATO (ital. : « passionné »).
Terme indiquant dans une partition un
style soutenu, tendu, avec de l’élan, de
l’ardeur, de la passion.
Employé surtout par les compositeurs
de l’époque romantique, ce mot la caractérise d’ailleurs parfaitement.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
29
APPENZELLER (Benedictus), compositeur flamand (1re moitié du XVIe s.).
De 1539 environ à 1551, il fut, à Bruxelles,
maître des enfants de choeur de la chapelle
de la reine Marie de Hongrie. Peut-être
a-t-il été l’élève de Josquin Des Prés dont,
en tout cas, il célébra la mort dans une
déploration.
Parmi ses oeuvres, jadis attribuées à
Benedictus Ducis, citons une messe, des
psaumes, des répons, des motets, des
chansons, dont 22 furent publiées dans le
recueil Chansons a quattre parties (Anvers,
1542).
APPIA (Adolphe), metteur en scène
suisse (Genève 1862 - Nyon 1928).
Après des études à Vevey, Genève, Zurich,
Leipzig, Paris et Dresde, il fut amené
par sa passion wagnérienne à étudier la
mise en scène dans des essais : la Tétralogie (1892), la Mise en scène du drame
wagnérien (1895), Die Musik und die Inszenierung (1899). Après cette première
période inspirée par le néoromantisme
et le symbolisme, l’influence de la « rythmique » de Jaques-Dalcroze devint visible
dans ses travaux ultérieurs : l’OEuvre d’art
vivant (1921), la Mise en scène et son
avenir (1923). C’est seulement à partir
de cette époque qu’il mit lui-même en
scène les drames wagnériens : Tristan et
Isolde à Milan (1923), l’Or du Rhin et la
Walkyrie à Bâle (1925). Il atteignit alors à
l’abstraction avec des éléments scéniques
constitués uniquement par des escaliers,
des paliers, des tentures, des piliers et des
éclairages.
Appia fut le premier théoricien de
la mise en scène moderne. Parmi bien
d’autres, Wieland Wagner lui a été particulièrement redevable, et son influence est
encore très perceptible de nos jours.
APPLETON (Jon H.), compositeur américain (Los Angeles 1939).
Il a fondé, en 1967, au Dartmouth College
de Hanover (New Hampshire), un studio
de musique électronique qui est devenu
sous sa direction l’un des centres les plus
ouverts et les plus actifs de cette technique
aux États-Unis. Il y a mis au point, notamment, avec les ingénieurs Alonso et Jones,
des systèmes informatiques de synthèse
sonore (Synclavier) et d’enseignement
musical, dont l’originalité tient dans leur
facilité de manipulation, laquelle les rend
accessibles au plus grand nombre. Dans
son éclectique production musicale, où
voisinent oeuvres chorales, travaux d’application et expériences audiovisuelles,
domine cependant la musique électroacoustique. Il fut l’un des premiers Américains à utiliser les sons concrets pour des
musiques très vivantes de « collage » ou
d’évocation (Chef-d’oeuvre, 1967 ; Times
Square Times Ten, 1969), avant de s’intéresser au synthétiseur comme source sonore exclusive (Stereopticon, 1972) et aux
sons créés par ordinateur (Kungsgatan 8,
1971).
APPOGGIATURE (ital. appoggiare : « appuyer »).
Il s’agit d’une note étrangère à l’harmonie
de l’accord avec lequel elle est entendue.
La dissonance ainsi produite peut être
plus ou moins prononcée. L’appoggiature,
ou note appuyée, se trouve à une distance
d’un demi-ton ou d’un ton (supérieur
ou inférieur) de la note réelle de l’accord
sur laquelle elle est résolue. L’appoggiature peut être longue (employée surtout
à des fins expressives dans les morceaux
plus tendres, moins dans les mouvements rapides) ou brève. Au XVIIe et au
XVIIIe siècle, le bon goût en décidait la longueur. Cet ornement pouvait être :
- soit indiqué par une petite note,
comme chez L. Marchand,
- soit sous-entendu, afin d’éviter une
écriture défectueuse, comme dans les
cadences de récitatifs. Par exemple, Haendel, cantate Della guerra amorosa,
Exécutée avec une certaine liberté, le plus
souvent sur le temps, l’appoggiature devait prendre une partie de la valeur de la
note réelle. Elle en prenait la moitié dans
une mesure binaire, les deux tiers dans
une mesure ternaire et, lorsqu’elle précédait une note prolongée par une liaison,
elle prenait toute la valeur de la première
note réelle. Par exemple :
Les compositeurs romantiques l’employaient généralement en notes normales.
Par exemple : Wagner, Tristan et Isolde,
Parfois, ils en supprimaient la résolution,
c’est-à-dire la note réelle. Par exemple :
Mahler, Ich bin der Welt abhanden gekommen (Rückert Lieder),
Barrée, la petite note de l’appoggiature
était très brève et exécutée avant le temps.
( ! ACCIACATURA.)
APPUI.
Dans la terminologie de la technique vocale, ce terme désigne soit la région abdominale, soit la région thoracique où se
manifeste la tension musculaire pendant
le chant.
APPUYER.
Renforcer un son, l’accentuer à un moment donné, indiqué par l’abréviation
sf. (sforzando) ou par l’un des signes suivants : -, v, .
AQUIN (Louis-Claude d’), organiste et
compositeur français (Paris 1694 - id.
1772).
Enfant précocement doué, issu d’une modeste famille d’intellectuels et d’artistes dont François Rabelais en personne -,
il est le filleul d’Élisabeth Jacquet de la
Guerre, claveciniste et compositeur, à qui
il devra peut-être son initiation musicale.
Dès l’âge de six ans, il joue du clavecin devant Louis XIV et la Cour. Devançant l’enseignement de ses maîtres, il s’impose très
tôt comme organiste et comme compositeur. En 1727, il triomphe devant Rameau
dans le concours pour le poste d’organiste
à Saint-Paul, puis, quatre ans plus tard, il
succède à Marchand aux Cordeliers.
En 1739, c’est la consécration officielle,
avec sa nomination, sans concours, au
poste d’organiste de la chapelle royale, où
il remplace d’Andrieu. Fêté par le public,
il demeure simple et bon, farouchement
indépendant et passablement bohème.
Improvisateur stupéfiant, il répond au
goût du jour sans y sacrifier. Au contraire,
il s’efforce de maintenir l’orgue dans la
grande tradition, en train de se perdre.
Rameau lui-même le reconnaîtra : « On
change de goût à tout moment. Il n’y a
que M. d’Aquin qui ait eu le courage de
résister à ce torrent ; il a toujours conservé
à l’orgue les majestés et les grâces qui lui
conviennent. » Les documents sont hélas !
trop peu nombreux pour étayer ce jugement : négligent et imprévoyant, il n’a que
très peu publié de ses multiples compositions, en grande partie perdues ou restées manuscrites (Te Deum, Leçons de
Ténèbres, Messes, Miserere, Cantates, etc.),
tout comme ont été perdues les oeuvres
manuscrites de Calvière, que sa veuve lui
avait confiées pour les faire éditer. À part
une cantatille, la Rose (1762), son oeuvre
connue se résume à deux livres : Premier
Livre de pièces de clavecin (1735) et Nouveau Livre de noëls pour l’orgue et le clavecin, dont la plupart peuvent s’exécuter sur
les violons, flûtes, hautbois, etc. Les pièces
descriptives pour le clavecin (le Coucou)
s’inscrivent dans la lignée de celles de
Couperin et de Rameau. Quant aux noëls
pour orgue, ce sont de brillantes variations sur de populaires thèmes de chants
traditionnels de Noël, genre très prisé à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
30
l’époque et dont d’Aquin fut incontestablement le maître.
ARABE (musique).
Musique modale, monodique, de transmission orale ou codée.
Les termes de « musique arabe « ou «
musique orientale « ont longtemps désigné
les musiques conçues ou interprétées au
sein de l’islām arabo-irano-turc, sans dif-
férencier les spécificités nationales ou locales ou les hybridations exotiques. Si l’on
se réfère aux structures modales maqām
(modes arabo-irano-turcs), est arabe une
musique mettant en jeu des structures :
intervalles, genres tétracordes, formules
mélodico-rythmiques, modes traditionnels développés au sein de l’islām araboirano-turc et dont la forme, improvisée ou
composée, les thèmes, les particularités,
le rythme, etc., relèvent plus précisément
de traditions arabes ou assimilées. On y
utilise, entre autres, des intervalles spécifiques que les musicologues mesurent
en quarts de ton ou en commas. Si l’on se
réfère aux rythmes, la musique arabe (de
même que les musiques iranienne, turque,
etc.) peut faire appel à une multitude de
rythmes binaires ou boiteux dont les cellules juxtaposent, en application de codes
précis, des temps denses (dum) et des
temps clairs (tak), selon le point d’impact
sur l’instrument de percussion. Si l’on se
réfère à un critère ethnique, on considère
comme arabe toute musique perpétuée ou
créée dans un pays arabe, à l’exception des
compositions ou interprétations délibérément occidentales. Si l’on se réfère à la
langue, on remarque que de nombreuses
chansons arabes du XXe siècle, composées
sur un livret arabe classique ou contemporain, sont habillées d’orchestrations ou
d’harmonisations occidentales et néanmoins considérées comme arabes.
DES ORIGINES AU VIIE SIÈCLE.
À l’origine, la musique « bédouine » de la
période antéislamique (jāhilīya) est essentiellement vocale, de tradition orale, et
utilise la psalmodie (tartīl), la récitation
modulée (inchād), la poésie (chi`r) scandée par des percussions ou la mélopée
du caravanier (hudā’). Outre le tambourin (daff), les instruments accompagnateurs sont le hautbois (mizmar, zamr), la
vièle monocorde (rabāba) ou des luths
archaïques (mizhar, muwattar, kirān, puis
tunbūr et tanbūra). Des joutes et tournois
poétiques ont lieu à La Mecque autour
de la Pierre noire (Ka`ba). Au XXe siècle,
on peut avoir une idée de ce que fut cette
musique archaïque en découvrant les manifestations traditionnelles des Bédouins,
nomades et villageois, les fêtes collectives
de la péninsule et du golfe arabiques (sawt
et fjirī, etc.), les joutes scandées du Liban
(zajal), qui minimisent le rôle des instruments.
Dès le VIe siècle, s’amorce au MoyenOrient une confluence artistique entre
les traditions bédouines et les cultures
byzantine et perse sassanide, autour des
principautés de Hīra et de Ghassān. Au
VIIe siècle, l’essor de l’islām va catalyser
cette confluence et établir ses fondements
techniques avec le rythme (īqā`), le chant
élaboré (ghinā`) et le luth à manche court
(`ūd). Ces trois éléments définissent une
musique « méta-hellénique », monodique,
improvisée sur un code modal, dont les
intervalles, les genres tétracordes, les
modes et les mélodies sont conçus sur le
`ud avant d’être confiés à la voix du chanteur qui véhicule les mots, la poésie et
l’émoi (tarab) en fonction de l’état d’âme
(rūh) de l’assemblée.
APOGÉE `ABBĀSSIDE (VIIIE-XIIIE S.).
Sous les califes omeyyades, les musiques
de Médine, La Mecque et Damas restent
tributaires de préjugés « sémitiques » et
confessionnels ; jugées comme un art ludique, elles sont plus volontiers confiées
à des esclaves, à des étrangers (Persans ou
Noirs), à des minoritaires non musulmans
ou à des « entraîneuses » (qayna, qiyāna).
Du VIIIe au XIIIe siècle, le mécénat des
califes `abbāssides d’Iraq accentue les influences helléniques et persanes et marque
les âges d’or de la musique au sein de
l’islām, en dehors de tout préjugé racial ou
religieux, d’où la prolifération des manuscrits et l’hégémonie des savants et artistes :
Zalzāl, Ibrāhīm Mawsilī (VIIIe s.), Ishāq
Mawsilī, Ziryāb, Kindī (IXe s.), Munajjim,
Isfahānī, Fārābī (Xe s.), Ibn-Sīnā, dit Avicenne (XIe s.), Safiy al-Dīn (XIIIe s.), oeAbd
al-Qadir Ibn-Ghaibī al Hāfiz al Maraqī
(XIVe s.), etc., conduisant à une musique
de haute technique conçue sur des `ūd à
cinq rangs couvrant plus de deux octaves,
admettant le démanché et les nuances dynamiques et décrivant les genres et modes
selon un système commatique. Improvisée
au sein des cénacles savants ou à la cour,
cette musique raffinée a parfois utilisé des
notations alphabétiques. Au XXe siècle, les
intervalles commatiques sont encore utilisés en Turquie, par l’école de luth de Bagdad et dans des églises d’Orient (Grèce,
Syrie, Iraq, etc.). Ils donnent une idée
de ce que fut la technique à l’apogée du
XIIIe siècle.
EXPANSION ANDALOUSE (IXE S.).
Au IXe siècle, une rivalité entre deux solistes de Bagdad, Ishāq Mawsilī et Ziryāb,
provoque le départ de Ziryāb pour le Maghreb et l’Espagne musulmane, où il est
accueilli à Cordoue par le calife omeyyade.
Ziryāb, muni d’un `ūd à cinq rangs et créateur d’une école rationnelle de musique,
aurait ainsi favorisé l’essor de la musique
arabo-andalouse, illustrée par vingtquatre « suites » (nawba). Au XXe siècle,
cette musique survit au Maghreb (Maroc,
Algérie, Tunisie). Elle a conservé des aspects archaïques et ne module pas, restant
dans un mode unique durant le déroulement de la « suite ». Afin de pallier les imprécisions dues aux périodes coloniales, il
importe de bien restaurer son esprit et sa
technique avant de la diffuser.
Également amorcée à Bagdad et développée en Andalousie au IXe siècle, une
réforme de la prosodie conduit à une nouvelle forme poétique, le muwachchah, qui,
supplantant l’ancienne qasīda, est encore
considéré au XXe siècle comme le symbole
du classicisme arabe musico-poétique,
sous forme de longues suites modulantes
appelées fasil ou wasla, et présentant de
nombreuses variantes locales.
RÉCESSION (XIVE-XIXE S.).
La prise de Bagdad par les Mongols (1258)
et celle de Constantinople par les Turcs
(1453) modifient l’équilibre de l’islām
arabo-irano-turc. L’élitisme musical passe
du mécénat des califes `abbāssides à celui
des empereurs ottomans, et les meilleurs
artistes sont consacrés à Istanbul. La musique des « provinces arabes » devient un
art récessif de colonisés, d’où la régression
des formes savantes ou instrumentales et
le regain des formes populaires ou vocales,
qui se différencient mieux de l’art ottoman.
RÉVEIL DU XIXE SIÈCLE.
Au XIXe siècle, la musique ottomane
est florissante et la situation des pays
arabes limitrophes de la Turquie reste
acceptable. L’Iraq maintient la tradition confluentielle arabo-irano-turque
à Bagdad et à Mossoul, avec le genre dit
maqām al-`irāqī, poème chanté par un
soliste, le maqāmtchī, accompagné par un
quatuor spécifique, le tchalghī, comportant une cithare-tympanon (santūr), une
vièle (jawza), un tambour-calice (tabla)
et un tambour de basque (daff ou reqq).
Ce maqām va être rénové par Rahmallah
Chiltag, Ahmad Zaydān et Molla Othmān
Mawsilī, avant d’être repris par les grands
chanteurs iraqiens du XXe siècle : Rachīd
Kundarjī, Muhammad Qubbānjī et Yusuf
`Omar. Mais la résurgence de la tradition
`abbāsside élitaire du `ūd ne se fera qu’en
1936 avec Cherif Muhieddin et son école
de luth de Bagdad.
En Syrie, Alep perpétue le muwachchah, et Damas la notion de classicisme.
Au milieu du XIXe siècle, Michel Muchāqa
propose une réforme de la théorie et de la
pratique du `ūd et Abū-Khalīl Qabbānī
rénove le style des chants profanes. Ils annoncent les grands artistes du XXe siècle :
le « prince du luth » `Omar Naqichbendī
et le chanteur Sabāh Fākhrī.
En Égypte et au Maghreb, la musique
s’est appauvrie. À la fin du XIXe siècle, un
musicien du Caire, Abdū al-Hammūlī,
a l’idée d’emprunter à Istanbul de nouveaux modes (maqām) et à Alep son art du
muwachchah. De toutes parts jaillit l’idée
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
31
de retourner aux âges d’or et d’analyser les
musiques arabes pour mieux les confronter aux musiques européennes. C’est le
réveil du nationalisme arabe.
MÉDIAS DU XXE SIÈCLE.
Au début du XXe siècle, l’effondrement
de l’Empire ottoman facilite le réveil du
nationalisme arabe et une renaissance
(nahda) littéraire et musicale très active
en Égypte. Cette renaissance s’attache au
renouveau folklorique (Sayyīd Darwīch)
et classique (Congrès de musique arabe,
Le Caire, 1932). Deux talents vocaux exceptionnels (Umm Kulthūm et Muhammad Abd al-Wahhāb) vont régner sur un
demi-siècle de chanson arabe et enchanter les foules. La qualification des artistes
égyptiens les incite rapidement à dominer
les médias arabophones (cylindre, disque,
film, radio, télévision, cassettes), imposant
leur style et leurs productions. Mais cette
suprématie finit par se changer en monopole du divertissement, étayé par des
oeuvres commerciales ou démagogiques
abusant du mélodrame et des effets faciles.
À ce jour, les masses arabes sont dominées par les « variétés » égyptiennes, effet
encore accentué par les télévisions qui ont
imposé au sein des familles le visage des
vedettes élues, les mélodies et les formules
stéréotypées.
Après 1950, le Liban amorce une renaissance folklorique concrétisée par des
opérettes - destinées aux festivals de Baalbek et confiées principalement à la plume
des frères Rahbānī ou à la voix tendre de la
chanteuse Fayrouz -, colportant une musique hybride promouvant modes orientaux, orchestrations occidentales et danses
populaires arabes (surtout la dabka). De
réels talents, comme ceux du chanteur
Wadi` al-Safī ou du joueur de buzuq
Matar Muhammad, doivent se frayer un
chemin ardu entre les monopoles du Caire
et de Baalbek.
FOLKLORES CONTEMPORAINS.
Actuellement, en rapport avec la tendance
mondiale, tous les pays arabes s’efforcent
de ranimer leurs patrimoines populaires.
Ces traditions, mieux différenciées d’une
région à l’autre que les traditions savantes,
sont toujours vivantes et pratiquées au
village à l’occasion des festivités. Elles reflètent aussi les survivances de certains patrimoines antéislamiques ou minoritaires
(araméens, kurdes, coptes, berbères, etc.).
Elles reposent néanmoins sur les mêmes
structures modales que les musiques savantes, moyennant réduction de l’ambitus
à une octave ou à un pentacorde.
Ces manifestations populaires sortent
désormais des campagnes et atteignent
les théâtres nationaux, les lieux de villégiature, les festivals locaux ou internationaux ; d’où leur prise en charge par
les administrations et une tendance à la
normalisation, doublée de mises en scène,
d’orchestrations et de chorégraphies spectaculaires qui soignent l’effet au détriment
de l’authenticité.
RÉSURGENCE DU RÉCITAL INSTRUMENTAL.
La suprématie des chansons de variétés
véhiculées par les médias a accentué la
domination de la musique vocale et des
orchestres pléthoriques ont étouffé le
quatuor traditionnel (takht) et les instruments millénaires. Le luth court (`ūd),
le luth long (tanbūra, buzuq), la citharetympanon (santūr), la cithare-psaltérion
(qānūn), la flûte oblique (nāy) et leurs
solistes ont été réduits aux rôles d’accompagnateurs. Les solos instrumentaux improvisés (taqsīm) sont devenus de brefs
intermèdes.
Cependant, à Bagdad, entre 1936 et
1948, se concrétise une résurgence de la
pratique élitaire du `ūd, selon l’éthique
de la période `abbāsside, avec l’école de
luth de Bagdad, fondée et dirigée par Cherif Muhieddin. Cette institution ranime
les intervalles commatiques, les nuances
dynamiques, le démanché et les doigtés
savants sur des `ūd à six rangs couvrant
trois octaves. Elle va former les plus
grands luthistes du monde arabe contemporain : Jamīl Bachīr (le plus subtil poète
du luth), Salmān Chukur, Munīr Bachīr
(le pionnier de la musique arabe en Occident), Jamīl Ghānim, Alī Imām...
La délicatesse de leur jeu en récital
oriental solo et la complexité de leurs
modulations les rendent d’abord inaccessibles aux foules soumises à la chanson
ou habituées à la pratique banale du `ūd
usuel. Mais, à partir de 1970, le taqsīm
arabe prend place dans le nouveau courant d’intérêt porté par l’Occident aux
instruments orientaux. Et la consécration
des grands solistes arabes par les médias
occidentaux suscite un regain d’intérêt
dans leurs pays d’origine pour la musique
instrumentale.
ARABESQUE.
Nom donné à des pièces pour piano par
certains compositeurs, tels que Schumann
(op. 18) et Debussy (pour deux oeuvres de
jeunesse). L’idée d’ornement, de ciselure
est sans doute à l’origine du choix de ce
titre, qui évoque, au sens propre, des entrelacements de feuillages et de figures de
fantaisie que l’on trouve dans l’art arabe.
ARAUJO (Pedro), compositeur portugais († Braga 1684).
Il fut maître de chapelle et professeur au
séminaire de Braga, de 1663 à 1668. À une
époque où la musique d’orgue connaissait au Portugal un grand développement,
Araujo se plaçait, par la qualité de ses
oeuvres, à la tête d’une école de musiciens
située dans le nord du pays et caractérisée
par l’assimilation du style des organistes
espagnols.
ARBEAU (Thoinot, anagramme de Jehan
Tabourot), théoricien français (Dijon
1519 - Langres 1595).
Prêtre, chanoine de Langres, il est l’auteur
d’un très important ouvrage : Orchésographie et traité en forme de dialogue par
lequel toutes personnes peuvent apprendre
et pratiquer l’honneste exercice des dances
(1588). C’est le plus ancien traité concernant la danse et contenant la notation des
musiques et des mouvements des diverses
danses pratiquées à l’époque, les basses
danses particulièrement. On y trouve des
indications précises sur le jeu des instruments et l’accompagnement polyphonique, ainsi que des illustrations représentant les différentes phases d’exécution des
danses.
ARCADELT ou ARCHADELT, ARCADET,
HARCHADELT (Jacques), compositeur
franco-flamand (v. 1514-1568).
Parti vraisemblablement très jeune en
Italie, il est signalé à Florence vers 1530,
puis en 1532, à l’issue d’un séjour lyonnais. Nommé en 1540 maître de la chapelle Sixtine, il se voit également attribuer
le titre de chanoine de Liège. En 1546-47,
il passe une année en France, puis rentre
à Rome jusqu’en 1551, date à laquelle il
devient maître de chapelle du cardinal de
Lorraine ; il appartient à la chapelle royale
de 1554 à 1562. La publication de son
Premier Livre de madrigaux (Gardane, Venise, 1539), réédité quarante fois jusqu’en
1654, le place d’emblée parmi les grands
madrigalistes de la première époque. Il
est un de ceux qui donnent au genre sa
forme définitive, dégagée de la frottola, et
publie, entre 1539 et 1544, 250 madrigaux
à 3 et à 4 voix, dont le célèbre Il Bianco e
Dolce Cigno. Lorsque les luthistes mettent
en tablature les premiers madrigaux, ils
s’adressent aux musiciens ultramontains :
un recueil entier, celui des Vindella, est
alors consacré à Arcadelt, qui assumera
bien souvent par la suite des paternités
douteuses.
S’il sait trouver le ton juste, fait de
charme, de douceur et de mélancolie, qui
convient au madrigal, Arcadelt ne renie
pas pour autant ses origines, tantôt employant le style de la chanson française,
tantôt cultivant celle-ci pour elle-même ;
il joue même un rôle de précurseur en
publiant à Paris, dès 1547, ce qui peut être
considéré comme les premières chansons
en forme d’air.
ARCHET.
Baguette, généralement en bois de Pernambouc, sur laquelle est tendue une
mèche en crins de cheval, que l’on enduit
de colophane.
Il permet de mettre en vibration les
cordes des instruments à cordes frottées,
comme le violon, le violoncelle, la viole.
L’extrémité inférieure de l’archet, le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
32
« talon », comporte une hausse mobile qui
permet de régler la tension de la mèche,
grâce à une vis à écrou actionnée par un
bouton. Pendant des siècles, la baguette
eut un profil convexe, en arc, d’où le mot
« archet ». La facture de l’archet a évolué
progressivement, mais, depuis toujours,
les meilleurs « archetiers » sont français.
ARCHILEI (Vittoria, dite LA ROMANINA),
cantatrice italienne (Rome 1550-Florence apr. 1618).
Un des premiers grands noms de l’histoire
du chant soliste, elle épousa Antonio Archilei, lui-même compositeur et luthiste.
Appelée à Florence par les Médicis pour
les noces d’Éléonore avec Vincenzo di
Gonzaga, elle commenca une carrière glorieuse.
Appartenant à la Camerata de Bardi,
elle créa notamment la plupart des opéras
de Peri et de Caccini. On peut constater,
en lisant la préface de l’Euridice de Peri,
que celui-ci l’avait en très haute estime.
ARCHILUTH.
Terme désignant un groupe d’instruments
à cordes pincées issus du luth : le théorbe,
le luth théorbé et le chitarrone.
Inventés en Italie vers la fin du
XVIe siècle, les archiluths répondaient au
désir des luthistes chanteurs de posséder
des cordes graves supplémentaires, afin de
mieux soutenir la voix. L’instrument tra-
ditionnel à 6 cordes était conservé, mais
il venait s’y ajouter des cordes graves (6 à
8), dites « sympathiques », montées hors
manche. Ces cordes sonnaient à vide et
étaient accordées dans la tonalité du morceau à interpréter. Parmi ces archiluths,
seul le théorbe paraît avoir connu une
vogue en France ; on y avait recours notamment pour jouer les basses continues.
« Il ne faut pas s’étonner si plusieurs le
préferrent au clavessin... » (S. de Brossard,
Dictionnaire de la musique, 1703.)
ARC MUSICAL.
Instrument à corde, joué en Afrique, en
Amérique du Sud, en Inde et en Océanie.
Il se compose d’une corde tendue sur
un bâton flexible, et pincée par le doigt ou
par un bâtonnet de bois ou de bambou. La
caisse de résonance est soit la bouche du
joueur, lorsqu’il tient l’instrument serré
entre les dents, soit une calebasse attachée
à la corde ou au manche et en contact avec
le buste de l’exécutant. L’arc musical peut
aussi comporter des grelots. Par sa forme,
il serait un ancêtre de la harpe. Il remonterait même au paléolithique, puisqu’on en
trouve une représentation sur une gravure
de la grotte des Trois-Frères, en Ariège,
datant de l’époque magdalénienne (15 000
ans env. av. J.-C.).
ARCO.
Dans une partition, après un passage joué
par les instruments à cordes sans l’aide de
l’archet, c’est-à-dire pizzicato, le terme
arco indique que l’instrumentiste doit
reprendre son archet.
ARCUEIL (école d’).
En réaction contre la tendance agressive
du groupe des Six, l’école d’Arcueil fut
imaginée en 1924 par Maxime Jacob qui,
associé à trois musiciens de ses amis,
Henry Cliquet-Pleyel, Roger Désormière
et Henri Sauguet, la plaça sous le patronage d’Erik Satie, lequel habitait précisément Arcueil. Ce groupe déclarait vouloir revenir à la simplicité, à la mélodie,
à la pureté harmonique de Bach, tout en
admettant les rythmes et les sonorités du
jazz, voire l’esthétique du café-concert.
Mais cette école d’Arcueil ne fut rien
d’autre qu’une idée. Elle n’eut jamais
de réalité juridique, de professeurs ou
d’élèves, et se contenta d’attirer l’atten-
tion du public sur quatre musiciens, qui,
groupés autour de Satie, conservèrent
chacun leur personnalité. La vie sépara
vite ses membres : Satie mourut en 1925 ;
Jacob, particulièrement doué, rentra
dans les ordres ; Cliquet-Pleyel s’orienta
vers la musique légère et la musique de
film ; Désormière abandonna très vite la
création pour se consacrer uniquement
à la direction d’orchestre. Seul, Sauguet
poursuivit une heureuse et longue carrière de compositeur, fidèle au conseil de
Satie : « Marchez seuls. Faites le contraire
de moi. N’écoutez personne ! ».
ARENSKI (Antoni Stepanovitch), compositeur russe (Novgorod 1861 - Terioki,
Finlande, 1906).
Élève de Rimski-Korsakov au conservatoire de Saint-Pétersbourg, Arenski
fut nommé professeur d’harmonie et de
contrepoint au conservatoire de Moscou
(1882). On lui doit, à ce titre, un Traité
d’harmonie (1891) et un ouvrage sur les
Formes musicales (1893-94). Par la suite, il
succéda à Balakirev à la tête de la chapelle
impériale (1895-1901). Fortement influencé par Tchaïkovski, Arenski semble
n’avoir pas « donné toute la mesure de son
très grand talent » (M.-R. Hofmann), et,
malgré une nature généreuse et sensible
qui se complaît dans les tonalités du mineur, ses oeuvres sont souvent d’inégale
valeur.
OEUVRES PRINCIPALES.
Musique instrumentale : 2 symphonies ;
1 quatuor à cordes (dédié à Tchaïkovski) ;
une centaine de pièces pour piano, dont 3
suites pour 2 pianos ; Nuit d’Égypte, ballet
(1900).
OEuvres lyriques et vocales : 3 opéras :
Un songe sur la Volga (1892), Raphael
(1894) ; Nal et Damayanti (1904) ; 1 cantate : la Fontaine de Bakhtchissarai (d’après
Pouchkine).
ARGENTA (Ataulfo), pianiste et chef
d’orchestre espagnol (Castro Urdiales,
Santander, 1913 - Los Molinos, Madrid,
1958).
Après des études au conservatoire de Madrid, puis à Liège et à Berlin, il enseigna le
piano au conservatoire de Kassel. Appuyé
par Carl Schuricht, il s’orienta ensuite
vers la direction d’orchestre et fonda l’Orchestre de chambre de Madrid. En 1947,
il fut chargé de la direction de l’Orchestre
national d’Espagne. Spécialiste des grands
romantiques de la musique allemande,
mais aussi des compositeurs espagnols,
Ataulfo Argenta sut imposer un art à la
fois sensible, dépouillé et empreint d’une
fierté tout espagnole.
ARGERICH (Martha), pianiste argentine
(Buenos Aires 1941).
Élève de V. Scaramuzza, Friedrich Gulda,
Madeleine Lipatti et Nikita Magaloff, elle
a obtenu, en 1965, le 1er prix au concours
Chopin de Varsovie et a très vite acquis
une réputation mondiale. La puissance de
son jeu la fait admirer dans Prokofiev ou
Bartók, mais sa nature impulsive et son
humeur profondément romantique la
rendent particulièrement proche de Schumann, Chopin et Liszt, dont elle est une
interprète inspirée.
ARGUMENT.
Résumé de l’intrigue d’un opéra ou d’une
oeuvre musicale dramatique.
Au XVIIe siècle, en Italie, et notamment
à Venise, on appelait « argomento » le
résumé des événements survenus avant
le début de l’ouvrage, de l’action proprement dite.
ARIA.
Équivalent italien d’air, mais dont le sens
est moins vaste que celui du mot français ;
il désigne plutôt une forme assez précise :
une mélodie vocale ou instrumentale, monodique ou accompagnée.
Au XVe siècle, on chantait des vers sur
des mélodies connues (poesia per musica).
Cette habitude prit son ampleur au siècle
suivant, et ces mélodies recevaient souvent le titre d’une région (ex., la Romanesca). Des formes polyphoniques existaient aussi, des petites pièces telles que
la villanella, la frottola, la canzona, pièces
homorythmiques où la voix supérieure
dominait. Bientôt, avec le mouvement
humaniste des académies, l’aria monodique se développa, devint une sorte de
récit (recitar cantando) soutenu par une
basse continue. À la tête de ce mouvement, nous trouvons G. Caccini, avec son
recueil Nuove Musiche (1601).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
33
Au XVIIe siècle, « aria » désignait essentiellement un style mélodique qui se
distingua vite de celui du récitatif, il fut
l’élément le plus important d’un genre
nouveau : l’opéra, où le bel canto dominait
la scène. Plusieurs formes d’aria coexistaient : l’aria strophique, l’aria en deux
sections (AB) et l’aria col da capo (ABA’)
qui devint vite la forme la plus utilisée durant toute l’époque baroque ; on la trouve
également dans la cantate et la musique
religieuse. Dans cette forme fermée qui
coupait net toute action dramatique, le
chanteur devait orner la reprise (A’) selon
son goût et les possibilités de sa technique vocale, principe qui entraîna parfois
certains abus. L’aria était généralement
précédée d’un récitatif exigeant un style
plus déclamatoire. En général, l’aria commençait par une ritournelle instrumentale, et, comme en France, elle adoptait
un tour et portait un titre différent selon
les sentiments à exprimer : aria cantabile,
di bravura, da caccia, di guerra, del sonno
(du sommeil). En Allemagne, J.-S. Bach
surtout utilisa l’aria en la traitant dans un
style concertant, avec une grande variété
d’instruments obligés.
Au XVIIIe siècle, afin d’éviter le da capo
qui interrompt l’action, on employa parfois la cavatine de forme A B (Mozart :
Cosi fan tutte, cavatine. Tradito, schernito).
Au XIXe siècle, et pour la raison citée plus
haut, on préféra souvent la cavatine à
l’aria. Verdi, puis Wagner abandonnèrent
cette forme fermée. Récit et aria devinrent
une sorte d’arioso perpétuel, une « mélodie infinie », sans conclusion. Debussy
ne composa aucune forme close, mais,
au XXe siècle, avec les tendances néoclassiques, R. Strauss, Stravinski, Hindemith
retrouvèrent l’aria traditionnelle et l’adaptèrent à la sensibilité contemporaine.
Berg, dans Wozzeck, employa cette forme
et l’intégra dans des pièces instrumentales ; dans Lulu, il l’utilisa de manière très
classique, comme l’a fait plus récemment
Henze (Nachstücke und Arien, 1977).
ARIETTE.
Pièce vocale de forme strophique, de style
léger, d’allure dansante, semblable à l’aria,
mais de dimensions moindres.
Dans son Dictionnaire de 1703, S. de
Brossard écrit : « Une ariette a ordinairement deux reprises, ou bien elle se recommence da capo, comme un rondeau. » On
trouve souvent cette forme dans la cantate
française (Bernier, Monteclair) et dans les
opéras de Rameau ; elle fut introduite ensuite dans les opéras italiens de Bononcini
et dans les opéras-comiques français de
Monsigny et Grétry.
ARIOSO.
Pièce vocale de structure intermédiaire
entre l’air, auquel appartient l’expression
lyrique, et le récitatif, qui conserve le
rythme de la parole.
En 1703, S. de Brossard écrit : « Arioso
veut dire d’un même mouvement que si
l’on chantait un air. » C’est une forme
plus développée, plus mesurée de récitatif,
qui, tendant vers un plus grand lyrisme
d’expression, se souvient des caractéristiques de l’air. Souvent, par exemple à un
moment pathétique vers la fin d’un récitatif, la basse continue devient plus animée,
voire mesurée, et le récit se transforme en
arioso (J.-S. Bach : cantate BWV 82, fin
du récitatif « Mein Gott ! Wann kommt
das schöne : Nun ! »). L’arioso peut être un
morceau mesuré indépendant, sans être
pour autant un air (J.-S. Bach : cantate
BWV 56, arioso « Mein Wandel auf der
Welt »). L’arioso est typique du style de
l’école de Monteverdi, de Cavalli.
ARIOSTI (Attilio), compositeur italien
(Bologne 1666 - ? v. 1729).
Moine et courtisan, doué aussi bien pour
l’orgue que pour le clavecin, le violoncelle
et la viole d’amour, il séjourna à Mantoue,
à Berlin - où sa présence fit scandale (il
était moine et catholique) et où il composa
les premiers opéras italiens donnés dans
cette ville -, à Vienne - d’où il retourna en
Italie comme agent de l’empereur Joseph
Ier - et à Londres - où il joua de la viole
d’amour durant les entractes d’Amadigi
di Gaula de Haendel et dédia Six Lessons
pour viole d’amour à George Ier.
ARISTOTE, philosophe grec (Stagire 384
ou 383 - Chalcis 322 av. J.-C.).
Élève de Platon, précepteur d’Alexandre
le Grand, ce penseur, dont l’oeuvre est une
somme des connaissances de son époque,
voit dans la musique une imitation des
états psychiques et, lui reconnaissant
une valeur éthique, estime très important le rôle qu’elle joue dans l’éducation
du citoyen. S’il a maintes fois écrit sur
la musique, Aristote ne lui a pas consacré d’ouvrage particulier. Toutefois, ses
connaissances sont précises. Redevenues
vivantes au XIIIe siècle, ses idées ont considérablement influencé l’évolution de la
musique occidentale.
ARISTOXÈNE DE TARENTE, philosophe
grec (354 av. J.-C. - ?).
Sa pensée est celle d’un conciliateur qui
voudrait harmoniser les conceptions
pythagoriciennes et la théorie aristotélicienne. Élève d’Aristote, il est surtout
connu comme théoricien de la musique.
Dans ses ouvrages, Éléments de l’harmonie
et Éléments de la rythmique, il donne des
bases scientifiques à la rythmique, défend
la théorie du tempérament égal, et rejette
les calculs purement mathématiques des
pythagoriciens au profit d’une appréciation qualitative et psychologique du son.
Considéré comme l’un des plus grands
théoriciens de l’Antiquité, il exerça une
influence jusqu’à la fin du Moyen Âge.
ARMA (Paul, pseudonyme d’lmre Weisshaus), compositeur français d’origine
hongroise (Budapest 1905 - Paris 1987).
Il fait ses études musicales à l’Académie
Franz-Liszt de Budapest, notamment avec
Bartók. En 1933, il s’établit à Paris. Il étudie les folklores de nombreux pays, tout
particulièrement ceux de la Hongrie et de
la France, et leur fait une large place dans
son oeuvre. Il écrit des pièces pour piano,
de la musique de chambre, de la musique
d’orchestre, des oeuvres vocales et, plus
récemment, de la musique pour bande
magnétique.
ARMATURE ou ARMURE.
Terme désignant la ou les altérations
constitutives d’une tonalité, écrites immédiatement après la clef, affectant toutes les
notes de même nom, quelle que soit leur
octave, et dont l’effet se prolonge pendant
toute la durée du morceau.
Les dièses et les bémols constitutifs du
ton majeur ou mineur sont écrits dans un
ordre établi.
ARNAULT DE ZWOLLE (Henri), organiste, théoricien, ingénieur, astronome
et médecin néerlandais, probablement
d’origine française. (Zwolle ? - Paris
1466).
Il exerça la médecine au service du duc de
Bourgogne, Philippe le Bon, puis des rois
de France, Charles VII et Louis XI. C’est
en soignant ses malades qu’il succomba
de la peste. Il composa, en latin, plusieurs
traités, illustrés de figures, sur les instruments à clavier (orgue, clavicorde, clavicymbalum) et les instruments à cordes
(harpe, luth). Ces traités, édités depuis,
forment le premier grand document
d’organologie connu et constituent une
source inestimable sur les instruments de
musique du XVe siècle.
ARNAUT DANIEL, gentilhomme et troubadour originaire de Ribérac (Dordogne)
[seconde moitié du XVIIe siècle].
Jongleur, il voyagea aux côtés de Richard
Coeur de Lion et acquit une grande notoriété par la richesse de son inspiration
mélodique et sa façon, très personnelle
selon Dante, de « ciseler » la langue d’oc.
Pétrarque aussi l’apprécia beaucoup et le
désigna comme le premier entre tous et le
grand « maître d’amour « ; il nous a laissé
18 pièces poétiques, dont 2 seulement sont
notées.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
34
ARNAUT DE MAREUIL, troubadour de
la région de Mareuil, dans le nord de la
Dordogne (fin du XIIe s. - début du XIIIe s.).
D’abord clerc, puis jongleur, il fut protégé
par le vicomte de Béziers, Roger II, avant
de l’être par Guillaume VIII de Montpellier. On lui a attribué une quarantaine de
chansons, mais il semble que 26 seulement
soient authentiques, dont 6 notées ; il
cultiva également le genre courtois appelé
« salut d’amour », épître en vers d’une
qualité poétique remarquable.
ARNE, famille de musiciens anglais.
Thomas Augustine (Londres 1710 - id.
1778). Avec W. Boyce, il est le plus important compositeur anglais de son époque,
et son oeuvre fait date dans l’histoire de
l’opéra de son pays. Travaillant le jour
chez un notaire, il s’exerçait la nuit sur
une épinette introduite en cachette dans
sa chambre, car son père ne voulait pas
qu’il devînt musicien. Il triompha néanmoins de la volonté paternelle et, pour son
premier opéra, choisit un texte d’Addison
pour écrire une Rosamond. Il composa
ensuite des opéras, des masques et de la
musique d’église. Pour les représentations
des pièces de Shakespeare au Dury Lane,
il composa de nouvelles mélodies pleines
de charme, par exemple, pour As you like
it, Under the Greenwood Tree et Blow, blow
thou Winter Wind. Sa chanson la plus célèbre reste Where the Bee sucks (dans The
Tempest) ; réunis, ses airs remplissent 20
recueils.
T. A. Arne naquit au moment où Haendel s’établissait en Angleterre. Jusqu’à nos
jours, sa musique, fraîche, spontanée et
originale, a souffert du voisinage écrasant
de son aîné. Pourtant, c’est lui, et non
Haendel (à l’exception de Semele, 1743),
qui continua la tradition de l’opéra anglais
après Purcell. Citons Thomas and Sally
(1733) et Alfred (1740) dont un passage du
final, le Rule, Britannia !, est resté l’une des
mélodies patriotiques les mieux connues
en Angleterre. T. A. Arne ne négligea pas
la musique instrumentale, écrivant des
sonates pour le clavecin, des ouvertures
et des concertos pour orgue. Il faut mentionner également ses deux oratorios, Abel
(1744) et Judith (1761).
Michael, fils du précédent (Londres 1740 id. 1786). Il composa de la musique théâtrale, se ruina pour essayer de découvrir
la pierre philosophale, puis revint à la
composition. Pendant quelques années, il
dirigea les oratorios de carême à Londres.
ARNOLD (Malcolm), compositeur et
trompettiste anglais (Northampton
1921).
Il étudia avec Gordon Jacob au Collège
royal de musique de Londres et fut premier trompettiste de l’Orchestre philharmonique de Londres (1942-1944 et 19461948). Maître de
dans des oeuvres
cinq ouvertures.
huit symphonies,
l’orchestration, il excelle
brillantes, telles que ses
Il a également composé
des concertos pour di-
vers instruments, le ballet Hommage to the
Queen, un masque, les opéras The Dancing
Master (1951) et The Open Window (1956),
et des musiques de film, dont celle du Pont
sur la rivière Kwaï.
ARNOLD (Samuel), compositeur, organiste et éditeur anglais (Londres 1740 id. 1802).
Auteur d’une cinquantaine d’opéras et
pastiches et de neuf oratorios, docteur
d’Oxford en 1773, organiste de la chapelle royale en 1783 et de la cathédrale de
Westminster en 1793, il édita de 1787 à
1797 de nombreuses oeuvres de Haendel.
Il fonda en 1787 le Glee Club et en 1790 la
Society of Musical Graduates, où Haydn
fut admis en 1791 après avoir été fait docteur d’Oxford.
ARNOLD DE LANTINS, compositeur
belge, originaire de Liège (XVe s.), peutêtre apparenté à Hugo de Lantins.
Ce musicien, qui se rattache à l’école
franco-flamande, séjourna vraisemblablement à Venise (deux chansons, Se ne prenez de moi pitié et Quand je mire vo doulce
portraiture, sont datées de cette ville, mars
1428) avant de devenir chantre à la chapelle pontificale
d’Eugène IV en 1431. Ses audaces
comme ses hésitations caractérisent cette
époque de transition. Il fut un des premiers à écrire une messe unitaire (Missa
verbum incarnatum) et affectionna la
chanson à 2 voix avec contratenor instrumental, manifestant dans ce genre une
grande facilité d’improvisateur et une sensibilité nouvelle.
ARNOLD VON BRUCK, compositeur
flamand, d’origine suisse (Bruges 1490 Linz, Autriche, 1554).
Ce musicien, qui devint premier maître
de chapelle de l’empereur Ferdinand I, est
l’un des compositeurs les plus importants
du XVIe siècle par la manière de déclamer
un texte en musique et par le style harmonique, proches de Josquin Des Prés. On
connaît de lui 22 motets (de 2 à 6 voix),
des hymnes et des lieder (de 3 à 6 voix),
ainsi que des pièces écrites sur des chorals luthériens et des chansons profanes.
Son oeuvre a été rééditée in O. Kade, Auserwählte Tonwerke ... des 15. und 16. Jahrhunderts (Leipzig, 1882).
ARNOULD (Sophie), soprano française
(Paris 1740 - id. 1802).
Elle débuta en 1757. Dotée d’une voix plus
belle que puissante, grande actrice, très recherchée dans les salons, elle créa en 1774
le rôle d’Euridyce dans l’Orphée de Gluck
et le rôle-titre de son Iphigénie en Aulide.
Elle se retira en 1788 et laissa des Souvenirs
ainsi qu’une abondante correspondance.
ARPÈGE (littéralement : « comme le jeu
de la harpe »).
Exécution successive des notes d’un
accord, généralement de la note la plus
grave à la note la plus aiguë, parfois inversement.
Un accord arpégé est tout le contraire
d’un accord plaqué, où les notes sont entendues ensemble. Dans l’accord arpégé,
elles peuvent être lâchées immédiatement,
comme par exemple dans la basse d’Alberti au XVIIIe siècle, ou alors tenues pour
devenir un accord complet.
Par exemple, François Couperin, les
Vieux Seigneurs.
L’accompagnement d’une mélodie est
souvent fondé sur l’arpègement de l’accord.
Par exemple, Chopin, Valse, opus posthume.
ARPEGGIONE.
Instrument à archet dérivé de la viole de
gambe, à mi-chemin entre le violoncelle
(par sa forme) et de la guitare (par ses
six cordes), mis au point en 1823 par le
luthier viennois Johann Georg Staufer et
appelé également guitare-violoncelle ou
encore guitare-archet.
En 1824, sans doute sur commande
de Staufer, Schubert écrivit pour arpeggione et piano une sonate (D.821) qu’aujourd’hui on joue en général au violoncelle.
ARRANGEMENT.
Transcription d’une oeuvre musicale pour
un ou plusieurs instruments différents de
ceux pour lesquels elle avait été primitive-
ment écrite.
L’adaptation d’une oeuvre symphonique pour un orchestre harmonique est
un arrangement, de même que la transcription d’un solo de clarinette pour le
violon en est un autre. Les réductions pour
piano de pages symphoniques ou d’opéras
sont également des arrangements.
ARRAU (Claudio), pianiste américain
d’origine chilienne (Chillan 1903 Mürzzuschlag, Autriche, 1991).
Enfant prodige, il se produisit en public à
cinq ans. Il fit ses études au conservatoire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de Santiago, puis à Berlin où il travailla de
1913 à 1918 avec un élève de Liszt, Martin
Krause. Nommé professeur au conservatoire de Berlin dès 1925, il se fixa dans
cette ville pour de longues années, tout en
commençant une longue et prestigieuse
carrière de concertiste. Arrau allie une
technique éblouissante et souple à un style
d’une beauté souveraine. Ses interprétations sont sérieuses, profondes, mûrement
construites. Bach, Beethoven, Schumann,
Liszt et Brahms sont ses compositeurs de
prédilection.
ARRIAGADA (Jorge), compositeur
chilien (Santiago du Chili 1943).
Élève de Max Deutsch à Paris, il s’installe
dans cette ville et y fonde, en 1970, le Studio de musique expérimentale du centre
américain (S.M.E.C.A.), aujourd’hui
disparu, qu’il anime jusqu’en 1975 avec
le concours de son compatriote Ivan
Pequeño. Ce studio modeste, mais actif,
a accueilli de nombreux compositeurs
boursiers de toutes nationalités et organisé des manifestations. Après plusieurs
oeuvres sérielles, Arriagada a composé,
au S.M.E.C.A. ou dans d’autres studios,
un certain nombre d’oeuvres électroacoustiques, colorées et solides, qui se souviennent fréquemment de la musique traditionnelle de son pays, reprise de façon
directe ou transposée, ou encore évoquée
par l’utilisation d’instruments typiquement sud-américains : Quatre Moments
musicaux (1970), Chili 70 (1970), Indio
(1972), Arenas y màs alla (1974), Concierto
Barocco (1975).
ARRIAGA Y BALZOLA (Juan Crisóstomo de), compositeur espagnol (Bilbao
1806 - Paris 1826).
Exceptionnellement précoce, il composa à
onze ans un Octuor et, un an plus tard, une
Ouverture pour orchestre. À treize ans, il
écrivit un opéra, les Esclaves heureux, qui
obtint un succès considérable à Bilbao. En
1822, il vint à Paris travailler avec Baillot
(violon) et Fétis (harmonie et contrepoint), et fut répétiteur au Conservatoire
à dix-huit ans. C’est alors qu’il écrivit ses
oeuvres les plus importantes. Le surmenage qu’il s’imposait eut raison de sa santé
fragile, et il mourut de tuberculose dix
jours avant son vingtième anniversaire.
En dépit des influences - notamment
celle de Mozart - que son écriture révèle,
l’expression d’Arriaga est parfaitement
originale par sa couleur espagnole et par
la vie intense qu’il sut conférer à des partitions de musique pure : quatuors, symphonie. Son aptitude à vaincre toutes les
difficultés techniques lui permit de réaliser, au cours de sa brève existence, une
oeuvre à la fois solide et inspirée.
ARRIEU (Claude), femme compositeur
française (Paris 1903 - id. 1990).
Elle a fait ses études classiques à Paris,
puis ses études musicales au Conservatoire, dans les classes de Dukas, RogerDucasse, G. Caussade et N. Gallon, et a
obtenu un premier prix de composition
en 1932. Jusqu’en 1946, elle a occupé des
fonctions à la Radiodiffusion nationale
(metteur en ondes, chef adjoint du service des illustrations musicales). En 1949,
la première attribution du prix Italia de
musique a été décernée, à Venise, à son
oeuvre Frédéric général. Bien qu’elle ait été
l’un des premiers compositeurs à participer aux recherches de P. Schaeffer, Claude
Arrieu écrit une musique sans audaces,
claire, élégante, d’un ton personnel, d’une
très belle facture. Elle a composé pour le
théâtre (Noé, texte d’A. Obey ; la Princesse
de Babylone, texte de P. Dominique d’après
Voltaire ; Cymbeline, d’après Shakespeare,
Un clavier pour un autre, texte de J. Tardieu), pour l’orchestre (ballets, concertos
pour divers instruments), pour le piano
et pour des formations de chambre. Elle a
écrit aussi des oeuvres vocales telles que la
Cantate des sept poèmes d’amour en guerre
(poème d’Eluard, 1946), des mélodies, des
pièces chorales, de la musique de film et
des oeuvres radiophoniques, dont la Coquille à planètes (texte de P. Schaeffer).
ARRIGO (Girolamo), compositeur italien
(Palerme 1930).
Dans sa ville natale, il étudie le cor, puis
la composition avec Turi Belfiore. Il
vient travailler à Paris avec Max Deutsch
(1954-1958) et retient l’attention des auditeurs de son trio à cordes. Tre Occasioni
obtient le prix de la Biennale de Paris en
1965. Plusieurs autres de ses oeuvres sont
données en France : à Paris, Thumos ; à
Avignon, l’opéra Orden (livret de Pierre
Bourgeade, 1969) ; à Paris encore, son
deuxième opéra, Addio Garibaldi (1972).
Ces derniers titres, auxquels il faut ajouter
Cantate pour Urbinek (1969) ou encore Solarium pour orchestre (1976), cernent un
paysage et une angoisse qui sont caractéristiques d’Arrigo. Comme plusieurs Italiens (ses aînés Nono et Dallapiccola), le
compositeur est obsédé par la liberté, dont
il fait chanter la voix en prenant appui
sur des textes beaux et denses. Son Addio
Garibaldi est tout empli de Verdi, autre
amoureux de la liberté. Une couleur italienne est d’ailleurs toujours perceptible,
dominante même chez Arrigo. Son style
vocal est souvent proche de celui des madrigalistes et, pour ses Épigrammes, pour
ses 3 Madrigaux, il fait appel à des sonnets
de Michel-Ange. Des poètes modernes tels
que Montale l’attirent aussi. Des « sons
cris », des « sons lamentos » apparaissent
dans des oeuvres vocales comme Episodi
(monodrame sur des textes de poètes
grecs anciens, 1963). Une prédilection
pour les combinaisons instrumentales,
peu habituelles, se fait jour dans la Cantate
pour Urbinek (6 joueurs d’harmonica) et
Addio Garibaldi (24 flûtes à bec). Ces deux
dernières oeuvres, avec Orden, sont sans
doute les plus originales, par leur thème
comme par le témoignage de l’artiste qui
regarde son temps, le vit, le retransmet.
Actuellement directeur du Teatro Massimo de Palerme, Arrigo demeure un
passionné, farouchement indépendant et
même solitaire. « Je suis musicien, dit-il,
par ma condition... Je n’ai qu’une possibilité : écrire de la musique. »
ARS ANTIQUA.
Terme appliqué à la musique allant des
débuts de la polyphonie (fin du IXe s.) à
1320 environ, mais en particulier à celle
du XIIe et du XIIIe siècle.
L’Ars antiqua atteignit son apogée sous
les règnes de Philippe Auguste et de Saint
Louis. Cet art a cinq formes principales :
1.L’organum. Il est d’abord écrit à deux
voix évoluant de façon parallèle : une voix
chante la teneur (ou vox principalis), qui
est une mélodie grégorienne, et l’autre
donne la même mélodie à la quarte supérieure ou à la quinte inférieure ; c’est l’organum parallèle. Au début du XIIIe siècle,
Pérotin compose des organa à 4 voix,
beaucoup plus élaborés.
2.Le déchant. C’est une écriture essentiellement syllabique (note contre note),
formée de la voix principale avec, au-dessus, la voix organale qui évolue par mouvement contraire avec des consonances
d’unisson ou d’octave, de quarte ou de
quinte. Cette technique, pratiquée vers les
XIe et XIIe siècles, est employée également
au XIVe siècle et une grande part d’improvisation est laissée aux « déchanteurs ».
3.Le motet. Il commence à se développer, pendant la seconde moitié du
XIIIe siècle, aux dépens de l’organum. La
forme est généralement à 3 voix :
- la première voix, ou teneur, est écrite
en valeurs longues sur un texte liturgique
ou profane ;
- la deuxième voix, ou duplum (motetus), évolue parallèlement en langue vulgaire, sur un texte différent ;
- la troisième voix, ou triplum, chante
un troisième texte. Ce mélange de textes,
liturgiques ou profanes, va caractériser également le motet à l’époque de
Guillaume de Machaut.
4.Le conduit (conductusb. Cette
forme semble avoir été créée par l’école
de Notre-Dame de Paris pour accompagner des processions. La teneur n’est plus
une mélodie grégorienne, mais elle est
librement inventée. Le conduit peut être
à 1, 2 ou 3 voix, mais se caractérise par un
style d’écriture plus syllabique que celui
de l’organum.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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5.Le rondeau. Il est écrit comme un
conduit à 3 voix et se singularise par sa
forme, qui obéit à la forme littéraire du
même nom comprenant plusieurs couplets et un refrain qui revient entre chacun
des couplets. C’est dans cette forme que
le contrepoint s’emploie avec le plus de
liberté (Adam de la Halle).
Ces différentes formes, développées,
ouvrent la voie aux compositeurs du siècle
suivant : ceux de l’Ars nova.
ARSIS.
Terme de métrique qui, dans l’Antiquité,
indiquait que, dans la danse, le pied ou la
main du danseur était en position élevée.
Le mot thésis, en revanche, désignait
l’abaissement, c’est-à-dire la pose ou la
frappe du pied. Par extension, on désigne,
en musique, par thesis, le temps fort, et par
arsis, le temps faible.
ARS NOVA.
Terme qui signifie « art nouveau ».
C’est le titre donné par Philippe de Vitry
(1291-1361) à un traité qui nous renseigne
sur ce que pouvait être l’enseignement de
la théorie musicale au début du XIVe siècle.
C’est aussi le nom donné au style polyphonique français (mais il s’applique également aux musiciens italiens du trecento)
qui s’étend approximativement de 1300
jusqu’à la mort de Guillaume de Machaut
en 1377. Il y a, à cette époque, une volonté
profonde de renouvellement, due à une
évolution des esprits liée à des événements
historiques tels que la guerre de Cent Ans.
L’Ars nova est caractérisé par différentes
recherches : des formes nouvelles (le
motet à 3 ou à 4 voix qui emploie souvent
la technique de l’isorythmie, et les trois
formes fixes de la chanson : ballade, rondeau et virelai), des sujets d’inspiration
différente, des textes d’une plus grande
qualité poétique (notamment dans le cas
de Machaut), des thèmes musicaux plus
lyriques (la voix supérieure, cantus, étant
plus travaillée, voire ornée), des rythmes
utilisés plus souplement, un contrepoint
plus libre, des nouveautés tonales (notes
sensibles et cadences à double sensible).
Tous ces éléments de l’Ars nova annoncent l’âge d’or de la polyphonie franco-flamande au XVe siècle, préparée par une période de transition appelée l’Ars subtilior.
ARS SUBTILIOR.
Terme introduit en 1963 dans le langage
de l’histoire de la musique par Ursula
Günther, pour désigner la période qui
s’étend entre la mort de Guillaume de Machaut (1377) et les premières oeuvres de G.
Dufay, soit entre l’Ars nova et le début
de la Renaissance. Le mot choisi est lié au
caractère d’extrême raffinement propre à
la musique de cette période. Parmi les musiciens de l’Ars subtilior, on peut compter
ceux du manuscrit de Chantilly, notamment Baude Cordier.
ARTARIA.
Maison d’édition viennoise qui exista de
1769 à 1932.
Les fondateurs en furent deux cousins,
Carlo (1747-1808) et Francesco (17441808) Artaria, originaires de Blevio, sur le
lac de Côme. Après avoir débuté dans les
objets d’art, comme déjà à Mayence leurs
pères Cesare et Domenico, et leur oncle
Giovanni, ils se tournèrent vers l’édition
musicale, d’abord en reprenant des publications étrangères (première annonce
le 19 octobre 1776), puis en réalisant des
éditions originales (première annonce le
12 août 1778).
La firme devint rapidement la principale de Vienne. Au tournant du siècle,
deux de ses collaborateurs fondèrent leur
propre maison : en 1798 Tranquillo Mollo
(plus tard Tobias Haslinger), et en 1801
Giovanni Cappi (plus tard Diabelli). Carlo
et Francesco s’étant retirés dans leur ville
natale, le fils de Francesco, Domenico
Artaria (1775-1842), devint en 1804 seul
propriétaire de la firme, non sans avoir
épousé la fille de Carlo. Il eut comme successeur son fils August (1807-1893), et celui-ci, ses trois fils, Carl August, Dominik
et Franz, morts respectivement en 1919,
en 1936 et en 1942.
Parurent chez Artaria beaucoup
d’oeuvres de Haydn (les premières furent,
en avril 1780, six sonates pour piano) et
de Mozart (dont, en 1785, les six quatuors dédiés à Haydn), puis certaines de
Beethoven et de Schubert. On possède
plus de 70 lettres de Haydn à la firme, qui
de son côté consacra à ce compositeur,
de son vivant, environ 150 publications
originales ou non. Mathias Artaria (17931835), de la branche de Mayence (plus
tard Mannheim), mais installé à Vienne,
fit paraître notamment en mai 1827 l’opus
133 (grande fugue) et l’opus 134 (transcription de la grande fugue pour piano à
quatre mains) de Beethoven, qui venait de
mourir ; Mathias Artaria s’intéressa aussi
à Schubert. La dernière grande activité de
la maison Artaria fut la publication, de
1894 à 1920, de la série des Denkmäler der
Tonkunst in Oesterreich (reprise ensuite
par Universal Edition).
ARTAUD (Pierre-Yves), flûtiste français
(Paris 1946).
Après avoir obtenu les 1ers Prix de flûte et
de musique de chambre au Conservatoire
de Paris, il étudie l’acoustique musicale à
l’université de Paris-IV. À partir de 1972,
il est flûte solo aux ensembles l’Itinéraire
et 2e2m, dévolus à la musique contemporaine. Il enseigne la flûte depuis 1965,
a été musicien-animateur des J.M.F. de
1973 à 1980, responsable de 1981 à 1986
de l’atelier de recherche instrumentale de
l’I.R.C.A.M., professeur à l’Académie de
Darmstadt en 1982. En 1985, il est nommé
professeur de musique de chambre au
Conservatoire de Paris. Il a appartenu
à plusieurs formations de musique de
chambre, dont le quatuor de flûtes Arcade, qu’il a créé en 1964. Parallèlement
à son activité de flûtiste et d’enseignant, il
a dirigé plusieurs collections de musique
contemporaine pour différents éditeurs.
Comme concertiste, pédagogue et chercheur, il a contribué à développer l’art
de la flûte, proposant un nouveau regard
sur le répertoire traditionnel et suscitant
de nombreuses créations. Il a obtenu en
1982 le Grand Prix d’interprétation de la
musique française d’aujourd’hui, décerné
par la S.A.C.E.M., et plusieurs grands prix
du disque.
ARTICULATION.
Terme de phonétique désignant l’émission claire et précise des consonnes, qui
permet la compréhension des syllabes et
des mots.
En chant, la bonne projection des
consonnes, des voyelles, des syllabes est
un élément indispensable de la technique
vocale. Par extension, la musique instrumentale a repris ce terme pour désigner
une exécution claire et une compréhension exacte du phrasé musical. On l’emploie aussi dans la technique d’un instrument (piano, violon, ...) nécessitant un
délié des doigts.
ARTS FLORISSANTS (les).
! CHRISTIE (WILLIAM).
ARTUSI (Giovanni Maria), théoricien italien (Bologne v. 1540 - id. 1613).
Cet élève de Zarlino, auteur de canzonette
à 4 voix, éditées à Venise en 1598, serait
oublié aujourd’hui si ses attaques contre
Monteverdi ne l’avaient promu à une certaine célébrité. Dans le plus connu de ses
pamphlets, L’Artusi ovvero delle imperfectioni della musica moderna (2 vol., Venise,
1600-1603), il condamne sans appel les
audaces des novateurs. Particulièrement
visé, Claudio Monteverdi répondit dans la
préface de son livre de Madrigaux (1605)
que le « compositeur moderne construit
ses oeuvres en les fondant sur la vérité ».
ASHKENAZY (Vladimir), pianiste russe
(Gorki, Ukraine, 1937).
Élève d’Oborine au conservatoire de Moscou, il a remporté en 1955 le second prix
au concours Chopin de Varsovie, en 1956,
le premier prix au concours de la reine Élisabeth de Belgique à Bruxelles et a été lauréat du concours Tchaïkowski (1962). Sa
carrière a été lente, mais il est considéré,
à l’heure actuelle, comme l’un des plus
grands pianistes de sa génération. Il vit
en Islande. Son répertoire est vaste, mais
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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on peut citer Beethoven, Chopin, Brahms,
Prokofiev parmi les compositeurs dont il
donne des interprétations marquantes. Sa
technique est étincelante, sans être jamais
envahissante. Il joue les romantiques
d’une manière limpide, sobre, presque
classique, en fait très mûrie et profonde.
Il consacre une grande part de son activité
à la musique de chambre et à la direction
d’orchestre.
ASHLEY (Robert), compositeur américain (Ann Arbor, Michigan, 1930).
Il étudie la composition à l’université du
Michigan et à la Manhattan School of
Music de New York (Master of Music,
1954). Collaborateur du Space Theatre,
créé par le peintre Milton Cohen, cofondateur, avec le compositeur Gordon
Mumma, de l’association ONCE, destinée
à promouvoir un art syncrétique, Ashley
s’est affirmé, depuis ses débuts, comme un
auteur multimédia doublé d’un « performer ». Il utilise la vidéo, l’électronique et
l’ordinateur pour réaliser une approche
globale des phénomènes artistiques ayant
une existence temporelle (bruits, gestes,
paroles, sons). Son écriture vocale avoue
les origines les plus diverses, du blues au
Sprechgesang, de la chanson au sermon
religieux. Reflet de ces préoccupations,
l’opéra pour télévision Perfect Lives (19781984) évoque, avec les moyens des médias
de masse, les animateurs de ces médias,
dans un style où le théâtral se mêle au
quotidien le plus banal et où l’action scénique se confond avec la vie propre des
interprètes et des spectateurs (Ashley est
souvent l’interprète de ses propres partitions, notamment vocales). Le compositeur traite l’actualité d’une manière
volontairement immédiate, rudimentaire ; son style est proche de celui de la
musique minimaliste, mais ce quotidien
est en quelque sorte mythifié, dans un
esprit très américain rappelant la littérature d’un John Dos Passos, comme dans
l’opéra Improvement (Don Leaves Linda),
élément d’une tétralogie C Now Eleanor’s
Idea), dont l’élaboration doit s’étendre sur
plusieurs années. Ashley a écrit d’autres
opéras (That Morning Thing, 1967 ; Strategy, 1984 ; My Brother Called, 1989), des
pièces de « théâtre électronique » (Kityhawk, 1964), des pièces « multimédia »
(In Sara, Mencken, Christ and Beethoven,
There Were Men and Women, 1972).
ASIOLI (Bonifazio), compositeur et théoricien italien (Correggio 1769 - id. 1832).
Compositeur très précoce, il vécut de 1799
à 1813 à Milan, où en 1808 il fut nommé
directeur des études au conservatoire
nouvellement fondé. On lui doit de la
musique religieuse, des opéras, l’oratorio
Jacob, de la musique instrumentale, dont
d’intéressantes sonates pour piano, et des
ouvrages théoriques parmi lesquels Principi elementari di musica (Milan, 1809). De
1806 à 1810, il eut comme élève le fils aîné
de Mozart, Karl Thomas, arrivé chez lui
muni d’une lettre de recommandation de
J. Haydn.
ASPIRATION.
1. Terme parfois employé, mais non
généralisé (cf. Couperin), pour désigner
un signe en forme d’accent vertical surmontant une note, pour l’abréger en la
détachant de celle qui suit ; l’aspiration
est en quelque sorte le superlatif du point
désignant les « notes piquées », en les rendant plus brèves encore, bien que certains
auteurs emploient parfois indifféremment
les deux signes l’un pour l’autre.
2. Ornement usité au XVIIIe siècle dans la
musique vocale et pour certains instruments à vent (flûte), consistant à toucher
très légèrement le degré supérieur, sans
lui donner la valeur d’une note véritable,
entre deux notes qui se suivent à l’unisson,
surtout quand la première est longue ; on
peut aussi l’employer dans un mouvement
mélodique légèrement descendant. L’aspiration n’est usitée que dans les morceaux
de caractère grave ou pathétique, jamais
dans les airs vifs ou gais. Les instruments,
qui, comme le clavecin, ne peuvent toucher une note sans la jouer réellement,
sont impropres à l’aspiration, encore
qu’ils s’y essaient quelquefois (Saint-Lambert). Certains auteurs assimilent l’aspiration aux ornements appelés « accent »,
« plainte » ou « sanglot ». Lorsqu’elle est
notée, ce qui n’est pas obligatoire, cette
sorte d’aspiration peut s’écrire soit par
une petite note, soit par un signe analogue
à celui qui est présenté dans la première
définition, mais placé entre les 53 41 26
notes et non au-dessus d’elles.
ASPLMAYR (Franz), compositeur et violoniste autrichien (Linz 1728 - Vienne
1786).
Il écrivit surtout de la musique de chambre
et des ballets pour Noverre (après l’installation de ce dernier à Vienne en 1771),
et, en décembre 1781, participa comme
second violon à la fameuse exécution des
quatuors opus 33 de Haydn devant l’empereur Joseph II et le grand-duc Paul de
Russie (futur tsar Paul Ier).
ASSAFIEV (Boris), compositeur et musicologue russe (Saint-Pétersbourg 1884 Moscou 1949).
Il fut élève de Liadov (composition) et
de Rimski-Korsakov (orchestration)
au conservatoire de Saint-Pétersbourg
(1904-1910), puis pianiste accompagnateur du corps de ballet au théâtre Mariinski. Conseiller du théâtre du Bolchoï,
de 1925 à 1943, il accéda à la présidence
de la Direction de l’union des compositeurs en 1948. Parallèlement, il exerça une
activité de critique musical et consacra
beaucoup de temps à la recherche. On
lui doit de nombreuses biographies sur
des compositeurs russes, essentiellement
Tchaïkovski, Scriabine, Rimski-Korsakov,
Moussorgski, Prokofiev, ainsi qu’une Histoire de la musique russe depuis le début du
XIXe siècle.
Assafiev fut un compositeur prolixe : 4
symphonies, 10 opéras, 28 ballets (dont
plusieurs, comme la Fontaine de Bakhtchissaraï, 1933-34, appartiennent, en
Union soviétique, au répertoire courant),
de la musique de chambre et nombre de
pièces et cycles vocaux.
ASSAI (ital. : « beaucoup »).
Ce terme, ajouté à d’autres indications de
mouvement, en modifie ou complète le
sens. Exemple : allegro assai, très animé,
très vite.
ASSOUCY (Charles Coypeau d’), poète
et luthiste français (Paris 1605 - id. 1679).
Personnage pittoresque, il voyagea beaucoup en France et en Italie et connut une
vie riche en aventures. Il fut au service de
Louis XIII (1635) et de Louis XIV (1653).
Poète burlesque, il s’apparenta par son
style à Scarron. Compositeur, il écrivit
la musique d’Andromède de Corneille et
plusieurs ballets. Il mettait lui-même ses
nombreuses chansons en musique, mais
la plupart de ses partitions sont perdues.
ASTON ou ASHTON (Hugh), compositeur anglais (v. 1480 - en 1522).
Les détails de sa vie sont mal connus.
L’importance de son oeuvre est reconnue
par tous, car on voit généralement en lui
le premier compositeur de musique non
vocale. Son Hornpipe pour le virginal est
un exemple à peu près unique de l’écriture pour clavier de l’époque et annonce
le style repris plus tard par John Bull.
Aston est peut-être l’inventeur de la variation. Outre des oeuvres instrumentales, il
composa sept motets, une messe et un Te
Deum.
ASUAR (José-Vicente), compositeur
chilien (Santiago 1933).
Après des études à l’université de Santiago, puis à Berlin avec Boris Blacher,
il suivit les séminaires de Boulez, Stockhausen, Maderna et Ligeti à Darmstadt
(1960-1962). Il dirige le département de
technologie sonore à l’université de Santiago depuis 1969. Parmi ses oeuvres,
citons : Encadenamientos pour flûte, basson, violon et violoncelle, plusieurs pièces
avec bande magnétique, Guararia repano
(bande et instruments typiques vénézuéliens) et Imagen de Caracas (voix, bande et
instruments).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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A TEMPO (ital. : « au mouvement »).
Locution utilisée dans le cours d’une partition pour ramener au mouvement initial
une séquence qui vient d’être ralentie ou
accélérée.
La même indication peut être aussi
donnée par la mention : tempo primo
(« mouvement primitif »).
ATHÉMATISME (gr. a privatif, et thema,
« sujet posé »).
L’athématisme qualifie une musique dans
laquelle toute trace de thème véritablement posé est absente. Si l’on peut à la
limite qualifier d’« athématique » le chant
grégorien, où le « thème » n’est qu’une
inflexion de la voix déterminant certains
traits dans le cadre du mode, le terme est
surtout employé à propos d’une grande
partie de la musique du XXe siècle, à partir de Schönberg, plus encore de Webern,
et de leurs successeurs. Schönberg utilisa parfois ses séries un peu comme des
thèmes, mais Webern établit que l’utilisation de la série avec toutes ses conséquences logiques était en fait incompa-
tible avec le principe du développement
thématique. Dans une première étape,
l’athématisme contraignit les compositeurs à employer de « petites formes », à
se limiter à des oeuvres brèves (Webern).
Plus tard, l’approfondissement du système
de la série et de ses combinaisons diverses
fit découvrir, dans le cadre de l’athématisme, de nouvelles lois d’articulation sonore, ce qui a permis de rendre sans cesse
plus étendu ce monde sonore nouveau.
ATONALITÉ.
C’est l’état d’une musique dans laquelle
sont suspendues les fonctions et lois tonales sur lesquelles reposait la musique occidentale depuis les précurseurs de Bach :
tonique, hiérarchie des degrés, notion de
consonance* et de dissonance, cadences,
etc. Elle utilise de manière conséquente
la totalité des ressources de la gamme
chromatique (total chromatique), dont les
douze demi-tons sont considérés comme
équivalents, et se fonde sur le concept de
l’émancipation de la dissonance.
Il est difficile de fixer le moment de
la naissance de l’atonalité. Elle était en
germe dans le chromatisme de plus en
plus exacerbé de Wagner et de la fin du
XIXe siècle. Ce chromatisme finit par
« envahir de façon définitive l’écriture
harmonique ou contrapuntique, rendant
les rencontres de sons inanalysables par
une pensée tonale rationnelle » (P. Boulez). Les premières oeuvres de Schönberg
(par ex., le sextuor Nuit transfigurée, 1899)
témoignent de cet envahissement. Si l’on
trouve des passages entièrement atonaux
dans certaines oeuvres d’Ives, datées des
alentours de 1900, c’est à Schönberg qu’il
convient d’attribuer la paternité d’un atonalisme conscient et systématique, dans
le dernier mouvement de son quatuor à
cordes no 2 (1907-08). Cette tendance,
chez Schönberg, s’affirme dans son cycle
de mélodies le Livre des Jardins suspendus
(1908-09) et culmine dans son Pierrot lunaire (1912). La dissolution de l’ensemble
des lois, la liberté et l’indépendance complètes qui se manifestent dans cette dernière partition ne suffirent cependant pas
au compositeur, qui ressentit le besoin
d’introduire des règles dans cet univers
informe ; le dodécaphonisme est une manière d’organiser l’atonalité, et il faut ici
rappeler la phrase de P. Boulez : « L’atonalité est essentiellement une période de
transition, étant assez forte pour briser
l’univers tonal, n’étant pas assez cohérente
pour engendrer un univers non tonal. »
Pourtant, même après l’instauration de la
musique sérielle, beaucoup de compositeurs ont préféré demeurer dans la liberté
de l’atonalisme.
Quoique l’atonalité, au sens strict du
terme, caractérise particulièrement l’école
de Vienne et ses divers descendants, elle
n’est pas leur apanage exclusif. Dès les
premières expériences de Schönberg, auxquelles s’ajoutaient les coups de boutoir
donnés au système tonal par les impressionnistes français, la notion d’atonalité
se répandit et irrigua, à des degrés divers,
l’oeuvre de nombreux compositeurs comme
Stravinski, Bartók, Hindemith, Honegger,
voire Puccini. Elle contamina non seulement l’ensemble de l’écriture musicale de
notre siècle, mais même la façon d’écouter
la musique : un auditeur qui a entendu de
la musique atonale ressent d’une manière
nouvelle la musique tonale.
Dans un sens élargi, atonalité peut qualifier la musique employant des micro-intervalles (quarts de ton et autres) et celle
qui provient de matériaux sonores non
traditionnels (musique concrète, musique
électronique). L’atonalité est dorénavant
un des traits dominants de tout le paysage
musical.
ATTACA (ital. attaccare, « attaquer », « attacher », « entamer un discours »).
Dans une partition, à la fin d’un mouvement ou d’une partie d’une oeuvre, ce
terme indique qu’il faut attaquer la partie
suivante en enchaînant, sans coupure ou
après un très court silence, et en adoptant
aussitôt le nouveau tempo sans considérer ce qui précédait immédiatement (par
exemple, passage du deuxième au troisième mouvement du 5e concerto pour
piano de Beethoven).
ATTAINGNANT ou ATTAIGNANT
(Pierre), imprimeur et éditeur français
(nord de la France ? - Paris 1552).
Établi à Paris à partir de 1514, il fut le premier Français à éditer de la musique. Son
activité fut considérable ; plus de cent recueils sortirent de ses presses : chansons et
motets polyphoniques, pièces instrumentales, notamment ses célèbres Danceries,
qui furent diffusées dans toute l’Europe. Il
permit ainsi le rayonnement de la chanson
polyphonique française de l’école de Paris,
particulièrement des oeuvres de Sermisy,
de Janequin, mais également des chansons
de Josquin Des Prés. En 1538, il obtint le
titre de « Libraire et imprimeur de musique du Roi », titre que la maison garda
jusqu’en 1557, date à laquelle sa veuve
céda devant la concurrence des éditeurs
Le Roy-Ballard.
ATTAQUE.
Terme désignant la première ou les premières notes d’un morceau de musique
(synonyme de « début »).
Il désigne également le geste du chef
d’orchestre précédant l’exécution des premières notes d’une oeuvre ou d’une partie
d’oeuvre. Dans le vocabulaire du contrepoint, l’attaque s’identifie avec l’entrée
du thème ou d’un sujet. Enfin, dans le
domaine du chant ou de l’exécution instrumentale, on appelle « attaque » le geste
de l’interprète provoquant le début de
l’émission d’un son (attaque de la touche
au piano ; position des lèvres pour les instruments à vent, etc.).
ATTERBERG (Kurt), compositeur suédois (Göteborg 1887 - Stockholm 1974).
Tout comme Alfvén, Atterberg peut être
considéré comme un national-romantique tardif, mais à ce titre il est l’un des
plus remarquables symphonistes suédois
de ce siècle. En témoignent notamment,
parmi ses neuf symphonies (composées
de 1909 à 1956), les nos 2 (1913), 3 (Images
de la côte ouest, 1916), 4 (Sinfonia piccola,
1918) et 6 (1928), mais aussi De fävitska
jungfrurna (commande des Ballets suédois
de Paris en 1920) et Fanal (1932), l’un de
ses cinq opéras.
ATTRACTION.
C’est l’un des principes fondamentaux qui
régissent la significabilité du langage musical dans la quasi-totalité de ses idiomes.
L’attraction, qui motive les rapports de
dynamisme entre sons successifs, est ainsi
complémentaire de la consonance, qui
règle les rapports de statisme entre sons
indifféremment successifs ou simultanés.
De par sa stabilité, en effet, la consonance
tend vers l’immobilité, mais en même
temps elle exerce sur ses voisins une attirance qui crée une tension, génératrice de
mouvement et d’expressivité.
L’attraction s’exerce de manière différente selon que le langage est mélodique ou harmonique, mais le principe
reste identique. Il s’agit toujours d’une
attirance du degré faible vers le degré fort
voisin, sans que jamais puisse se manifester l’appel inverse : l’irréversibilité est une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
39
loi fondamentale de l’attraction. Celle-ci
peut avoir des effets très divers ; elle peut
notamment déplacer les notes attirées en
rapprochant leur hauteur de celle de la
note attirante (échelles attractives en ethnomusicologie, accords altérés en harmonie classique). Elle peut aussi donner à un
degré ou un accord du ton employé une
tension particulière : cette tension appelle
dès lors une détente, ou résolution, qui
consiste pour le degré attiré à rejoindre
le degré attirant (dans l’ancienne théorie,
on disait sauver au lieu de résoudre). Selon
que cette résolution se produit ou non, il
se crée une sémantique particulière qui est
spécifique du langage musical, et qui correspond aux divers éléments de syntaxe
de la phrase parlée : accords ou notes suspensives, conclusives, interrogatives, etc. ;
Beethoven en donne un exemple célèbre
en commentant le thème de l’un de ses
quatuors : Muss es sein ? (interrogation :
« cela doit-il être ? »), Es muss sein (affirmation : « cela doit être »).
La dissonance, dès lors qu’elle est perçue comme telle (car on doit toujours rappeler son caractère relatif et partiellement
subjectif), peut être, elle aussi, génératrice
d’attraction, en faisant attendre une résolution vers la consonance la plus proche,
résolution à laquelle le musicien reste libre
de céder ou non ; c’est essentiellement par
la manière dont il dose acceptations et
refus, tensions et détentes, que le musicien
parvient à rendre son discours signifiant
et expressif.
On peut classer les différentes attractions en deux catégories, selon qu’elles
sont grammaticales ou expressives. L’attraction grammaticale est celle qui établit
l’alternance des tensions et détentes en
fonction de la seule significabilité de la
syntaxe, sans leur donner de valeur affective particulière (par ex., dominante-tonique de la cadence « parfaite », ou rôle
de la sensible, du triton, qui créent des
attractions particulières sur lesquelles se
fonde la phrase musicale). L’attraction
expressive, elle, va au-delà des rapports
syntaxiques minimaux et cherche à les intensifier par divers procédés, dont le chromatisme est l’un des plus importants : elle
engendre ainsi une expression passionnelle dont certains auteurs (Monteverdi,
Wagner) ont su faire un usage saisissant.
En incluant dans sa théorie l’« émancipation de la dissonance », autrement dit en
entendant abolir la distinction cependant
naturelle entre consonance et dissonance,
Schönberg, suivi par ses disciples, entendit négliger le phénomène de l’attraction
ou, du moins, lui enlever toute occasion
de se manifester. Il n’en est pas moins le
moteur essentiel de la sémantique musicale, et l’on ne connaît guère d’autre
langage que le langage atonal, sériel ou
non, qui soit soustrait à son influence, si
ce n’est quelques idiomes très primitifs
ou, au contraire, des musiques traditionnelles d’un caractère rituel accusé qui en
assure l’immobilisme - le nô japonais,
par exemple. Ce sont là des exceptions
qui ne peuvent entamer l’universalité du
principe attractif dans presque toutes les
musiques existantes.
ATWOOD (Thomas), compositeur et organiste anglais (Londres 1765 - id. 1838).
Protégé du prince de Galles, il séjourna de
1783 à 1785 à Naples, et de 1785 à 1787
à Vienne, où il fut élève de Mozart, qui
semble l’avoir fort apprécié. Organiste à
Saint-Paul de Londres en 1795, il écrivit les hymnes pour les couronnements
de George IV (1821) et de Guillaume IV
(1831), et, à cette époque, se lia d’amitié
avec Mendelssohn. Il écrivit d’abord beaucoup pour la scène, puis se tourna surtout
vers la musique religieuse. Ses devoirs de
théorie et de composition avec Mozart ont
été publiés en 1965.
AUBADE.
Concert de voix ou d’instruments donné
à l’aube sous les fenêtres d’un personnage
important ou d’un être cher.
Son origine remonte au XVe siècle et
sa pratique fut fréquente au XVIIe et au
XVIIIe siècle, pour honorer de hauts personnages. À partir du XIXe siècle, plusieurs
compositeurs, Bizet, Lalo, Rimski-Korsakov, Ravel (Alborada del gracioso), Poulenc, ont donné ce titre à des oeuvres de
même esprit, de forme libre, instrumentales ou symphoniques.
AUBER (Daniel François Esprit), compositeur français (Caen 1782 - Paris 1871).
Son père recevait chez lui musiciens et artistes ; cette atmosphère eut une influence
sur l’enfant. Celui-ci composa très tôt des
romances qui enchantèrent les salons du
Directoire. Envoyé en Angleterre pour
s’initier au négoce, il revint en France en
1804 sans avoir oublié sa vocation musicale. Un concerto pour violon et un ouvrage lyrique, l’Erreur d’un moment, furent
joués en 1806. Sous la férule de Cherubini,
qui s’intéressait à lui, il écrivit des oeuvres
religieuses et un opéra-comique, Jean de
Couvin (1812). Mais ses premiers succès
à Paris ne vinrent qu’avec la Bergère châtelaine (1820) et Emma (1821), joués à
l’Opéra-Comique.
Avec Leicester (1823) commença la
collaboration d’Auber avec Scribe. Tous
deux devinrent les meilleurs fournisseurs
de l’Opéra et de l’Opéra-Comique. Près
de cinquante partitions lyriques d’Auber
y furent créées. Le compositeur toucha à
tous les sujets, tous les genres, mais non à
tous les styles de musique. La Neige (1823)
reste une exception dans son oeuvre par
son caractère rossinien et ses abondantes
vocalises. Le compositeur demeura dans
l’ensemble fermé aux influences italienne
et allemande. Le Maçon (1825) illustre
parfaitement son inspiration dans le domaine de l’opéra-comique, élégante, pétulante, nuancée, recourant à des thèmes
très caractéristiques, qui se gravent dans
la mémoire, et à une écriture extrêmement
sûre. Avec la Muette de Portici (1828), qui
précède d’un an Guillaume Tell de Rossini et de trois ans Robert le Diable de
Meyerbeer, il ouvrit l’ère du grand opéra
historique, à mise en scène spectaculaire.
Cette oeuvre est d’une puissance et d’une
passion surprenantes et convaincantes :
lors de son exécution à Bruxelles en 1830,
le duo « Amour sacré de la patrie » donna
le signal des troubles révolutionnaires qui
entraînèrent la séparation de la Belgique
et de la Hollande. La Fiancée (1829), le
Philtre (1831), le Cheval de bronze (1835),
le Domino noir (1837), les Diamants de la
Couronne (1841) connurent une faveur
durable. Quant au succès de Fra Diavolo
(1830), il s’est prolongé jusqu’à nos jours.
Ajoutons qu’Auber écrivit une Manon
Lescaut (1856) et un Gustave III (1833),
dont le sujet est le même que celui d’Un
bal masqué de Verdi.
Auber entra à l’Institut en 1829, fut
nommé l’année suivante directeur des
concerts de la Cour, succéda à Cherubini
comme directeur du Conservatoire en
1842 et fut maître de Chapelle de la Cour
impériale à partir de 1857.
AUBERT (Jacques), dit le VIEUX, violoniste et compositeur français (? 1689 Belleville, Paris, 1753).
Élève de J.-B. Senallié, il fut nommé musicien du prince de Condé, en 1719, et devint intendant de la musique à Chantilly,
probablement en 1722. Son opéra la Reine
des Péris, représenté en 1725, déconcerta le
public, habitué aux sujets mythologiques.
Aubert a introduit en France le concerto
pour violon en trois mouvements (1735),
emprunté aux Italiens, ainsi que leur instrumentation (deux parties de violon et
basse continue). Il a composé 5 livres de
sonates pour son instrument.
AUBERT (Louis), pianiste et compositeur
français (Paramé, Ille-et-Vilaine, 1877 Paris 1968).
Venu à Paris à dix ans, il y devint immédiatement célèbre grâce à sa voix de soprano
et fut, en 1888, le créateur du Pie Jesu dans
le Requiem de Fauré. Ce dernier fut son
professeur de composition au Conservatoire. Dans un style sensible et distingué
procédant de Fauré et de Debussy, Aubert
écrivit de la musique instrumentale, en
particulier pour piano, des poèmes symphoniques, des oeuvres chorales, de nombreuses mélodies et des ballets. Excellent
orchestrateur, il fit des arrangements de
partitions de Tchaïkovski, Chopin, Offenbach pour des spectacles de ballets à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
40
l’Opéra. Il pratiqua aussi la critique musicale. Il fut élu à l’Institut en 1956.
AUBIN (Tony), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1907 - id. 1981).
Au Conservatoire, il travailla la direction
d’orchestre avec Philippe Gaubert et la
composition avec Paul Dukas. Il obtint, en
1930, le premier grand prix de Rome pour
sa cantate Actéon. En 1944, il fut nommé
chef d’orchestre à la radio et commença à
diriger des concerts dans les associations
symphoniques de la capitale. Professeur
de composition au Conservatoire à partir
de 1946, il devint membre de l’Institut en
1975. Aubin possède le sens de la poésie
et de l’émotion intérieure, et, s’il s’inspire
volontiers de l’austérité de César Franck,
il s’abandonne sans effort à la délicatesse
d’un Ravel. Son écriture méticuleuse
est dans l’ensemble traditionnelle, mais
non conventionnelle. Sa production, peu
abondante, est de grande qualité : musique
de piano, musique de chambre, oeuvres
vocales et symphoniques, ces dernières
incluant des musiques de film ; pour le
théâtre, il a écrit des ballets et l’opéra Goya
(1974).
AUBRY (Pierre), musicologue français
(Paris 1874 - Dieppe 1910).
Ce chartiste, qui enseigna à l’Institut catholique de Paris et à l’École pratique des
hautes études, fut un des pionniers de la
musicologie médiévale. Dès 1898, il entreprit d’étudier les troubadours et les trouvères à la lumière de la doctrine des modes
rythmiques élaborée par les théoriciens
du XIIIe siècle. Ses écrits comprennent : les
Proses d’Adam de Saint-Victor (1900), Lais
et descorts français du XIIIe siècle (1901),
Trouvères et troubadours (1909).
AUDITION.
Dans le phénomène de l’ouïe, on désigne
plus particulièrement par audition l’ensemble des processus qui font percevoir
et reconnaître comme des sons, par notre
conscience, les différences de pression
à certaines fréquences, de l’air qui nous
entoure et qui frappe les tympans de nos
oreilles. Si l’anatomie de l’oreille est aujourd’hui bien connue, la transformation
physiologique des différences de pression
en influx nerveux (c’est-à-dire en « courant électrique » qui leur soit proportionnel) et celle de ces influx en sensations
auditives n’ont pas reçu d’explication
généralement admise ; la théorie de l’information et le principe de l’ordinateur
fournissent à ce processus un modèle
intéressant, mais ne suffisent pas à interpréter ces phénomènes de façon convaincante. En fait, de nombreux facteurs
interviennent dans l’audition, comme la
culture musicale du sujet et la prévision
mentale qu’il peut faire de l’irruption d’un
événement sonore, ce qui met en cause
un autre phénomène mental, celui de la
mémoire auditive. On n’explique guère,
non plus, la faculté qu’ont certains individus d’identifier avec précision la hauteur
absolue des sons, sans élément de comparaison - ce que l’on appelle l’« oreille absolue « ; encore faut-il signaler qu’avec l’évolution rapide du diapason, cette oreille
absolue peut être remise sérieusement en
question : elle serait surtout fonction du
timbre et des rapports d’intervalles avec
d’autres sons.
Il est possible de mesurer le seuil
d’audition de chaque oreille pour toutes
les fréquences, du grave à l’aigu. Le tracé
obtenu, ou audiogramme, permet des
études statistiques sur l’audition. On
constate ainsi que la sensibilité de l’oreille
varie considérablement en fonction de
la fréquence, la zone de plus grande sensibilité se situant entre 1 kHz et 2 kHz.
Chez un sujet jeune, la bande passante
s’étend approximativement de 20 Hz à 18
ou même à 20 kHz ; dès le début de l’âge
mûr, l’acuité auditive se perd progressivement aux fréquences élevées, pour ne pas
dépasser 8 à 10 kHz chez le vieillard, au
maximum. C’est le phénomène de presbyacousie. On peut également observer
sur les audiogrammes des distorsions de
non-linéarité dans la courbe de réponse
de l’oreille, pouvant aller jusqu’à de véritables surdités partielles à des fréquences
bien déterminées : c’est le phénomène de
socioacousie, provoqué par des lésions de
l’oreille interne dues à la persistance de
bruits intenses de même fréquence dans
l’environnement sonore (c’est le cas d’ouvriers dans la métallurgie, par exemple).
On a aussi généralement noté des pertes
de sensibilité de l’audition et des surdités partielles chez les individus fréquentant régulièrement les discothèques, où le
niveau de diffusion sonore est très élevé,
de même que chez les amateurs de musique pop, dont les concerts sont, au sens
propre, assourdissants. Il faut enfin mentionner le cas très particulier et inexpliqué
du compositeur Olivier Messiaen, chez
qui l’audition provoque des associations
mentales avec des couleurs.
AUDRAN (Edmond), compositeur français (Lyon 1842 - Tierceville, Seine-etOise, 1901).
Fils d’un ténor connu, Marius Audran, il
envisagea une carrière de maître de chapelle et entra à l’école Niedermeyer, où il
fut le condisciple de Messager et de SaintSaëns. Ses parents s’étant fixés à Marseille, il y devint en 1861 organiste, puis
maître de chapelle. Il écrivit des motets,
mais aussi des romances et des partitions
lyriques, parmi lesquelles le Grand Mogol,
dont la création à Marseille en 1877 fit
sensation. Il regagna alors Paris et s’y imposa sans coup férir avec les Noces d’Olivette (1879) et surtout la Mascotte (1880).
Dès lors célèbre, il alimenta les théâtres
d’opérette avec une trentaine de partitions
souriantes, à l’écriture claire, parmi lesquelles Gilette de Narbonne (1882), Miss
Helyett (1890) et la Poupée (1896), qui,
sans atteindre la popularité de la Mascotte,
demeurent parfois représentées de nos
jours.
AUER (Leopold von), violoniste hongrois
(Veszprém 1845 - Dresde 1930).
Enfant prodige révélé à Budapest puis à
Vienne, il devient en 1863 le disciple de
Joseph Joachim à Hanovre. Premier violon des orchestres de Düsseldorf et de
Hambourg, il s’installe en Russie en 1868
pour enseigner au Conservatoire de SaintPétersbourg. Il y demeure jusqu’à la révolution de 1917 et devient l’un des plus
grands pédagogues de son temps, publiant
même deux méthodes d’interprétation.
De 1868 à 1906, il est premier violon du
Quatuor de la Société russe de musique,
tout en jouant les solos au Ballet Impérial.
Soliste prestigieux, il reproche d’abord ses
extravagances techniques au Concerto de
Tchaïkovski, qu’il jouera finalement en
1893. Glazounov, Taneïev et Arenski lui
dédient également des oeuvres. Héritier
spirituel de Joachim, il incarne un style
d’excellence technique et de classicisme
perpétué par ses élèves, dont Jascha Heifetz et Nathan Milstein. De 1928 à 1930, il
dispense ses derniers cours au Curtis Institute de Philadelphie.
AUGMENTATION.
Dans un sens général, ce terme désigne la
prolongation de la durée d’une note. On
peut adjoindre à la note un point pour
l’augmenter de la moitié de sa valeur, mais
on peut également, dans un morceau, augmenter la durée de toutes les valeurs d’une
manière égale proportionnellement à chacune. Dans une messe de Dufay (XVe s.)
par exemple, les notes de la teneur, base de
toute la structure polyphonique, peuvent
être prolongées. Plus tard, une technique
contrapuntique, fréquemment employée,
est de faire réentendre un thème, un choral par exemple, en valeur plus longue.
Ce procédé se rencontre chez Bach et ses
contemporains, mais aussi parfois chez les
compositeurs romantiques (Schumann,
Brahms).
AUGMENTÉ (intervalle).
C’est un intervalle plus grand d’un demiton que l’intervalle habituel de même
nom. Par exemple, do. fa est une quarte
juste, do. fa dièse une quarte augmentée.
Un accord étant parfois désigné par le
nom de son plus grand intervalle, l’accord
do. mi. sol dièse, par exemple, peut être
appelé accord de quinte augmentée.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
41
AUGUSTIN (saint), [de son nom latin,
Aurelius Augustinus],
Père de l’Église, évêque d’Hippone (Tagaste, Est algérien, 354 - Hippone, auj.
Annaba [Bône], 430).
Il intéresse l’histoire de la musique par
la place qu’il accorde à celle-ci dans ses
spéculations symboliques (Enarrationes
super psalmes) et par son traité De musica.
Malgré son titre, les six livres de ce dernier traitent surtout de métrique et de
rythmique poétique. Sans doute constituaient-ils la première partie d’un ouvrage
inachevé, dont une seconde partie aurait
été probablement consacrée à la mélodie.
Saint Augustin a été le premier à relier la
musique à l’idée d’amour, principalement
d’amour de Dieu (cantare amantis est).
Son commentaire sur les longues vocalises
de l’alleluia (jubilus), considérées comme
une expression de joie si intense qu’elle
en déborde les possibilités de la parole, est
resté justement célèbre. Il a joué un rôle
important dans la formation d’une culture
chrétienne et, dans tout l’Occident, son
influence s’est exercée jusqu’à la Renaissance.
AULOS (pluriel : auloi).
Terme général pour désigner un instrument à vent employé par les Grecs et les
Romains.
Formé à l’origine d’un roseau, l’aulos
fut ensuite fait en bois, en métal ou en
ivoire. C’était une sorte de chalumeau
commun à plusieurs civilisations antiques : Sumer, Babylone, l’Égypte. Les
céramiques grecques, du VIIIe au IVe siècle
av. J.-C., représentent de nombreux instruments, très souvent faits de 2 tuyaux ;
l’un d’eux, plus grave, servait de basse et
l’autre de chant. Le nombre de trous pouvait varier de 4 à 15, selon les époques.
On observe 2 sortes d’auloi : les auloi
à embouchure de flûte, parmi lesquels on
trouve le monaulos, ou flûte droite, et la
syrinx, ou flûte de Pan, à plusieurs tuyaux,
très répandue ; et les auloi à anche double
qui ont une tessiture plus grave.
Certains auloi avaient des fonctions
précises : le plus petit, ou parthenos,
accompagnait les funérailles ou les sérénades ; le païdikon accompagnait les fêtes
et les banquets ; le kitharisteros était joué
dans les tragédies ; le teleios accompagnait
les « pean « ; enfin, l’hyperteleios, le plus
grave, accompagnait les libations aux
dieux.
Les auloi étaient non seulement des
instruments orgiastiques, mais aussi des
instruments très utilisés dans les grands
concours musicaux. Bien que n’ayant
pas un son très puissant, ils pouvaient
être utilisés pour marquer la cadence des
rameurs ou faire défiler les gymnastes ou
les soldats, car le son en était pénétrant. Il
semble que l’aulos double devait toujours
faire entendre deux sons à la fois, car il
était impossible à l’aulète de souffler dans
un seul tuyau sans souffler dans l’autre.
Dans les comédies d’Aristophane, on joue
de l’aulos durant les intermèdes. On disait
que les dieux de l’Olympe avaient peu de
goût pour l’aulos, car il appartenait à Dionysos, aux silènes et aux ménades.
AURIACOMBE (Louis), chef d’orchestre
français (Pau 1917 - Toulouse 1982).
De 1930 à 1939, il apprend le violon
et le chant à Toulouse, ville à laquelle il
demeurera attaché toute sa vie. D’abord
violoniste à l’Orchestre radio-symphonique de Toulouse, il apprend la direction
d’orchestre à partir de 1951 auprès d’Igor
Markevitch, dont il sera l’assistant de 1957
à 1968. En 1953, il fonde l’Orchestre de
chambre de Toulouse, composé d’une
vingtaine de cordes. Vivaldi et d’autres
compositeurs baroques sont l’essentiel
du répertoire de son ensemble, qui grave
plusieurs disques. Il dirige souvent des
orchestres d’étudiants de haut niveau, au
Conservatoire de Paris et au Mozarteum
de Salzbourg. Il crée aussi des oeuvres
d’Ohana et, en 1970, donne la première
américaine de Ramifications de Ligeti.
Gravement malade, il abandonne ses activités en 1971.
AURIC (Georges), compositeur français
(Lodève 1899 - Paris 1983).
Il fait ses études au conservatoire de
Montpellier, puis à celui de Paris, où il
est l’élève de G. Caussade pour le contrepoint et la fugue, et se lie avec Honegger
et Milhaud ; à la Schola cantorum, il suit
les cours de composition de V. d’Indy.
Il admire Satie, Stravinski et Chabrier.
Ce n’est pas par hasard que Cocteau lui
dédie, en 1919, le Coq et l’Arlequin, véritable manifeste de l’esprit nouveau placé
sous la houlette de Satie : membre du
groupe des Six, Auric est sans nul doute
le plus authentique représentant de l’esprit contestataire, voire provocateur, qui
anime ces musiciens. Plus tard, il accède
à de hautes fonctions officielles : président
de la S. A. C. E. M. (1954), administrateur
général de la réunion des théâtres lyriques
nationaux (1962-1968) ; il devient aussi
membre de l’Institut, en 1962. Mais il ne
se coupe jamais de la création vivante et,
avec une inlassable curiosité, sait se tenir
au courant des tendances les plus avantgardistes.
La peur de se prendre au sérieux engendre le ton désinvolte d’Auric, sa verve,
son ironie, qui s’expriment à travers un
langage clair, concis. Le compositeur aime
travailler en étroite relation avec les autres
arts, d’où un goût marqué pour la musique
de scène (Malbrough s’en va-t-en guerre de
Marcel Achard, 1924 ; le Mariage de M.
Le Trouhadec de Jules Romains, 1925 ; les
Oiseaux d’Aristophane, 1927 ; Volpone
de Ben Jonson, 1927, etc.), les ballets et
la musique de film. Étroitement mêlé au
second souffle des Ballets russes, il compose pour Diaghilev les Fâcheux (1924),
les Matelots (1925), la Pastorale (1926).
Plus tard, le Peintre et son modèle (1949),
Phèdre (1950), Chemin de lumière (1952)
révèlent la seconde manière d’Auric,
puissamment vivante et tragique ; ce sont
presque des oeuvres de théâtre, « car Auric
considère et traite les ballets comme des
opéras où la danse tient le rôle du chant »
(A. Goléa). Dans la musique de film, il voit
une occasion de rappro chement avec le
grand public, une expérience novatrice,
peut-être un moyen de renouer avec l’idée
de « musique d’ameublement » chère à
Satie. Dans ce domaine, le Sang du poète
(1931), écrit pour Cocteau, précède une
quarantaine de partitions, dont À nous la
liberté (René Clair, 1932), l’Éternel Retour
(Cocteau, 1943), la Symphonie pastorale
(Delannoy, 1946), la Belle et la Bête (Cocteau, 1946), les Parents terribles (Cocteau,
1946), Orphée (Cocteau, 1950), MoulinRouge (Huston, 1953). Parallèlement, dans
sa musique instrumentale, il sait retrouver
les ressources du contrepoint et manifeste
son sens aigu de la construction, en particulier dans la Sonate pour piano en fa
majeur (1931) et la Partita pour 2 pianos
(1955), conjonction de Satie et de Schönberg, méditation sur l’écriture sérielle. La
série tardive des Imaginées (1965-1973)
témoigne d’une réflexion sur les possibilités et la signification de la musique pure.
AUSTIN (Larry D.), compositeur américain (Duncan, Oklahoma, 1930).
Après ses études, il enseigne à l’université de Californie à Davis. Intéressé par
le jazz moderne, il cherche d’abord à en
étendre les possibilités, puis, ayant fondé
le New Music Ensemble, il opte pour une
« musique ouverte », plus ou moins libre
dans une rythmique non métrique. Ses
recherches se portent enfin vers l’union
de la « musique ouverte », de la technologie moderne et des ressources théâtrales. Ainsi réalise-t-il un certain nombre
d’oeuvres dites « theatrical pieces in open
style » comme The maze, Bass ou The magicians (pour enfants, sons vivants et électroniques, lumière noire, diapositives et
film), qu’il présente lui-même non comme
pièces de musique, mais comme « objets
de temps ». À partir de 1967, il a édité
Source, publication de musique d’avantgarde.
AUTHENTE (gr. : « qui domine », « principal »).
1. D’abord employé pour désigner trois
modes de la musique grecque antique, ce
terme sert, dans le système des huit modes
ecclésiastiques, à distinguer quatre modes
principaux, dits authentes, dont la mélodie
se déroule au-dessus de la finale, et quatre
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
42
autres, dits plagaux. Les quatre modes authentes sont le dorien (sur ré), le phrygien
(sur mi), le lydien (sur fa) et le mixolydien
(sur sol).
2.L’expression cadence authente est un
synonyme peu employé de cadence parfaite.
AUZON (Bruno d’), compositeur français
(Dijon 1948).
Spécialisé dans la musique électro acoustique, qu’il pratique surtout avec ses
moyens personnels au Studio de la Noette,
en Provence, il a fondé avec le pianiste
Jacques Raynaut et le flûtiste Gérard
Garcin un groupe d’interprétation de
musiques « mixtes » (pour instruments et
bande) et électroacoustiques. Ses Triades
1 et 2 (1977-78), Par la fenêtre entrouverte
(1978) et Des arbres de rencontre (1979),
pour percussion et bande, révèlent un
auteur sensible et personnel.
AVE MARIA.
La plus usuelle des prières à la Vierge. Sa
première partie réunit les deux salutations
adressées à Marie dans l’Évangile de saint
Luc, l’une par l’Ange (Ave gratia plena...
Dominus tecum) lors de l’Annonciation,
l’autre par Élisabeth à l’occasion de la
Visitation (Benedicta tu... fructus ventris
tui) avec ou sans l’addition des deux noms
propres, Maria et Jesus. Cette partie est
entrée très tôt dans l’office, d’abord sous
forme d’antienne jusqu’à in mulieribus,
puis d’offertoire, soit jusqu’à in mulieribus, soit jusqu’à ventris tui ; elle figure
déjà dans la liturgie dite de saint Jacques
le Mineur et dans l’antiphonaire grégorien
primitif. Sa seconde partie est une invocation ; elle n’est pas tirée de l’Écriture sainte
et date probablement du concile d’Éphèse
(431), sauf la partie terminale (nunc et in
hora mortis nostrae), qui serait une addition franciscaine du XIIIe siècle. Le texte
musical de l’antienne a souvent été pris
dans l’Ars antiqua comme teneur de motet
et, au XVIe siècle, comme thème de messe ;
mais, contrairement à ce qu’on pourrait
penser et malgré son extrême diffusion
dans la piété populaire, l’Ave Maria, en
tant que prière et sous sa forme usuelle,
n’a pas été très souvent mis en musique
en dehors de l’antienne ou de l’offertoire
liturgique. L’Ave Maria de Josquin Des
Prés est fondé sur une séquence qui développe elle-même un trope de l’antienne,
Ave Maria, Virgo serena. Celui d’Arcadelt
est un faux du XIXe siècle, dû au maître de
chapelle de la Madeleine à Paris, Dietsch.
Le célèbre Ave Maria de Schubert, écrit sur
une poésie allemande, que l’on a ensuite
réadaptée en latin de manière apocryphe,
est en réalité l’un des trois chants d’Ellen
dans la Dame du lac de Walter Scott. Et
le non moins célèbre Ave Maria de Verdi
est une prière d’opéra, celle de Desdémone au dernier acte d’Othello. Quant
à celui de Gounod, il s’agit de l’addition
arbitraire d’une mélodie au premier prélude du Clavier bien tempéré de Bach, ainsi
ravalé au rang d’accompagnement ; l’Ave
Maria a remplacé dans ce rôle, en 1859,
une première version datant de 1853, qui
comportait des paroles de Alphonse de
Lamartine.
L’Ave Maria dit « de Lourdes » est un
simple refrain de cantique populaire.
Jadis célèbres, les Ave Maria de Fenaroli
(1730-1818) et de Carafa (1787-1872) sont
aujourd’hui oubliés. Le seul Ave Maria
musical digne de ce nom est peut-être la
Salutation angélique des Prières (19141917) d’André Caplet.
À VIDE.
Expression relative à la manipulation
d’instruments à cordes.
Jouer une corde à vide, c’est faire résonner la corde en entier sans poser le doigt
dessus, ce qui raccourcirait la longueur de
la partie résonnante.
AVIDOM (Menahem), compositeur
israélien d’origine polonaise (Stanislas,
Pologne, 1908).
Après des études à Paris, il est professeur
à Tel-Aviv (1935-1945), secrétaire général de l’Orchestre philharmonique d’Israël
(1945-1952), conseiller artistique au ministère du Tourisme, et il devient président de la Ligue des compositeurs d’Israël
en 1955. Dans sa musique, les techniques
modernes se mêlent à des éléments de musique orientale et aux rythmes de danse de
son pays d’adoption. Il a composé 9 symphonies, 2 quatuors à cordes, 2 opéras et
un opéra bouffe.
PALAIS DES PAPES (chapelle du).
La papauté siégea en Avignon de 1305 à
1377. Le Grand Schisme suivit alors, avec
ses deux papes, l’un à Rome et l’autre
en Avignon, situation précaire qui dura
jusqu’en 1417. C’est durant la première de
ces deux périodes que la chapelle du palais
des Papes constitua non à proprement
parler une école, mais un important foyer
d’activité et de réforme musicale. Malgré
un fort penchant des compositeurs pour
la musique profane, qui fit l’objet d’une
bulle de Jean XXII en 1324, on possède
deux manuscrits, ceux d’Ivrée et d’Apt,
qui semblent représenter une partie du
répertoire de la chapelle. Ils contiennent
des pièces à 3 voix traitant l’ordinaire de
la messe, et font apparaître les noms de
Philippe de Vitry, Baude Cordier, Jean
Tapissier, etc. On sait aussi que Johannes
Ciconia fut au service de Clément V, aux
alentours de 1350.
AVIGNON (festival d’).
Ce fut initialement un festival d’art dramatique, créé en septembre 1947 sous
l’impulsion de l’acteur et metteur en scène
Jean Vilar, du poète René Char et de personnalités avignonnaises. Dès l’origine,
la musique fit partie intégrante des spectacles de théâtre. Elle était signée par M.
Jarre, G. Delerue, J. Besse, K. Trow, J. Prodromidès. Au bout de quelques années,
des concerts vinrent s’ajouter aux programmes, en particulier des cycles d’orgue
donnés dans les églises de la région. En
1968, un concert de l’Ensemble polyphonique de Paris, dirigé par Charles Ravier, comportant des oeuvres de B. Jolas,
C. Ballif et G. Arrigo où « les limites de
l’exploration vocale étaient diversement
élargies » (G. Erismann), ouvrit l’ère du
théâtre musical. Dès 1969, cette forme, où
l’esprit d’ouverture, la participation du
public, la polyvalence des exécutants s’accordaient à l’évolution de l’ensemble du
festival, prit une part importante dans les
programmes. Depuis, plusieurs dizaines
d’oeuvres ont été jouées, le plus souvent en
création. Les auteurs en sont, entre autres,
C. Prey (Fêtes de la faim, 1969 ; On veut la
lumière... allons-y !, 1969 ; les Liaisons dangereuses, 1974), G. Aperghis (Pandaemonium, 1973 ; Histoires de loups, 1976, etc.),
G. Arrigo (Orden, 1969), A. Boucourechliev, P. Drogoz, A. Duhamel, A. Essyad,
H. W. Henze, B. Jolas, M. Kagel, G. Ligeti,
F.-B. Mâche, I. Malec, M. Ohana, M. Puig,
R. Wilson et Ph. Glass, S. Yamashta.
AVISON (Charles), compositeur et organiste anglais (Newcastle 1709 - id. 1770).
Auteur de sonates et de concertos, il organisa dans sa ville natale et à Durham des
sociétés musicales et des concerts par
abonnement. Il est surtout connu par
son traité An Essay on Musical Expression
(1752) et par ses arrangements sous forme
de concertos grossos de douze sonates de
Domenico Scarlatti.
AX (Emmanuel), pianiste polonais naturalisé américain (Lvov 1949).
Il travaille d’abord le piano avec son père
en Pologne. Après l’installation de sa
famille à New York en 1961, il entre à la
Juilliard School où il reçoit l’enseignement de Mieczyslaw Munz. Un premier
concert à New York en 1973 marque le
début de sa carrière, qui devient rapidement internationale. Après avoir été
lauréat des Concours Chopin à Varsovie (1970) Vianna da Motta à Lisbonne
(1971) et Reine Élisabeth de Belgique
(1972), il remporte en 1972 le Ier Prix du
Concours Rubinstein de Tel-Aviv, puis
en 1979 l’Avery Fisher Prize. Les années
80 sont marquées par la création d’un
trio avec le violoniste Young Uck Kim
et le violoncelliste Yo-Yo Ma (avec lesquels il enregistre plusieurs oeuvres de
Brahms), et d’un duo avec Yo-Yo Ma.
Depuis 1990, Emmanuel Ax s’est aussi
beaucoup intéressé à Haydn, dont il a
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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enregistré plusieurs sonates, et à la musique du XXe siècle, interprétant Tippett,
Henze ou Copland et créant des oeuvres
d’Ezra Ladermann, William Bolcom et
Joseph Schwantner.
AYRE.
Équivalent de l’air de cour, en France, à
la même époque, ayre est le nom donné à
la chanson anglaise à la fin du XVIe siècle,
et surtout pendant une courte période de
trente années environ au début du siècle
suivant.
Cette chanson était généralement
conçue pour une voix seule (parfois deux,
en dialogue) accompagnée au luth avec
l’adjonction toujours possible d’une basse
de viole. Souvent le luthiste était luimême le chanteur. C’était le cas du maître
incontesté du genre, John Dowland. Mais
d’autres musiciens illustrèrent cette forme
avec autant de talent. Nous ne citons ici
que quelques noms : Th. Morley, Ph. Rosseter, Th. Campion, Th. Ford.
Comme pour l’air de cour français, la
forme de l’ayre anglais est généralement
strophique, la musique étant composée
sur le texte de la première strophe. Cela
pose souvent des problèmes de prosodie
lors d’une exécution des autres strophes
sur la même musique. Parfois, cependant, un ayre est durchkomponiert, par
exemple l’admirable plainte de Dowland,
In Darkness Let Me Dwell. Une grande
importance est accordée à la beauté mélodique et à des recherches harmoniques.
Il est fréquent que l’ayre anglais soit plus
strictement mesuré que son équivalent
français.
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B.
Lettre par laquelle a été désignée d’abord
la note ré dans la notation médiévale du
système de Notker Balbulus, puis la note si
dans le système d’Odon de Cluny.
Elle indique toujours le si naturel
dans les pays de langue anglaise, mais le
si bémol (B flat en anglais) dans ceux de
langue allemande, où le H représente le si
naturel. En ce qui concerne la désignation
des tonalités, B et b (majuscule et minus-
cule) indiquent respectivement, pour les
Anglais, si majeur et si mineur, pour les
Allemands, si bémol majeur et si bémol
mineur ; pour ces derniers enfin, Bes représente si double bémol.
BABBITT (Milton), compositeur et théoricien américain (Philadelphie 1916).
Mathématicien, il ne vint à la musique
qu’à la suite de ses rencontres avec Marion Bauer, Philip James et surtout Roger
Sessions, qui l’incita à mettre rapidement
un terme à une carrière de compositeur
de chansons et de comédies musicales.
Subtil théoricien de la technique sérielle,
reprenant et étendant la dernière manière
de Schönberg dans l’utilisation des douze
sons, il a créé un système personnel reposant sur une plus grande complexité et un
plus grand raffinement des intervalles, liés
à l’idée structurale qui sert de point de
départ à l’oeuvre. Cette reformulation de
la base empirique de la tradition musicale
s’accompagne d’une exploration logique
de la matière sonore dans ce qu’elle a de
plus abstrait, qu’il s’agisse des possibilités
des instruments ou de l’électronique. Professeur à l’université de Princeton, puis à
la Julliard School, directeur du Centre de
musique électronique de Columbia-Princeton et directeur de la musique à l’université de New York, il exerce une très
grande influence sur les jeunes composiB
teurs, et, s’il n’est pas absolument reconnu
comme le chef de file de l’école américaine
(notamment par le groupe de John Cage),
il en demeure l’une des personnalités les
plus importantes. Son rayonnement s’est
également exercé à travers ses ouvrages
théoriques (Some aspects of 12 tones compositions ; Past and present of the nature
and limits of music ; The use of computers
in musicological research ; 12 tones rhytm
structure and the electronic medium),
ainsi que par ses conférences, données
aux États-Unis et en Europe (Salzbourg,
Darmstadt), où il analyse ses conceptions
avec brio.
L’oeuvre de Babbitt comprend de la musique de piano, de la musique de chambre,
de la musique pour voix et piano ou bande
magnétique et des compositions pour instruments électroniques.
BACARISSE (Salvador), compositeur es-
pagnol (Madrid 1898 - Paris 1963).
Prix national de composition musicale
dans son pays en 1923, 1930 et 1934,
critique musical, directeur artistique de
l’Unión Radio de Madrid et de différents
organismes culturels jusqu’à la guerre
civile, Salvador Bacarisse vécut exilé en
France à partir de 1939. C’était un traditionaliste, dont l’oeuvre, en majeure
partie orchestrale, franche d’accent et ardemment optimiste, ne conservait qu’un
contact discret avec l’art et le folklore
espagnols.
BACCALONI (Salvatore), basse italienne
(Rome 1900 - New York 1969).
Enfant, il fut soprano dans les choeurs de
la chapelle Sixtine. Il débuta au théâtre
Adriano de Rome dans le Barbier de Séville
(rôle de Bartholo) et fut engagé à la Scala
de Milan par Toscanini en 1927. Dès lors,
il s’imposa comme la plus célèbre basse
bouffe de son époque. Il chanta aux festivals de Glyndebourne (1936-1939) et de
Salzbourg avant d’émigrer, au moment de
la guerre, aux États-Unis, où il demeura
longtemps attaché au Metropolitan Opera
de New York. Salvatore Baccaloni possédait un timbre profond, que pourraient
envier nombre de basses dramatiques, et
un talent d’acteur exceptionnel. Bartholo
(le Barbier de Séville, les Noces de Figaro),
Osmin (l’Enlèvement au sérail), Alfonso
(Cosi fan tutte), Leporello (Don Juan) et
Don Pasquale furent ses rôles les plus
marquants.
BACCHANALE.
Morceau de musique ou de danse dans le
caractère des fêtes bachiques, lesquelles
célébraient, dans le monde antique, le
culte de Dionysos (Bacchus).
À l’époque de la Renaissance, le terme
a été appliqué à des compositions vocales,
sur des thèmes populaires et burlesques,
qui se chantaient à Florence. Mais il désigne surtout les divertissements d’opéra
qui s’inspirent des danses des bacchantes,
traditionnellement désordonnées et
teintées d’érotisme. La bacchanale de
Tannhäuser de Wagner et celle de Samson et Dalila de Saint-Saëns sont les plus
typiques.
BACEWICZ (Grażyna), femme compo-
siteur polonaise (Ðód’z 1913 - Varsovie
1969).
Elle étudia au conservatoire de Varsovie la composition avec K. Sikorski et le
violon avec J. Jarzebski, puis travailla à
Paris avec Nadia Boulanger. En tant que
violoniste, elle donna pendant plusieurs
années des séries de concerts en Pologne
et à l’étranger, avant de se consacrer à la
composition. Elle a reçu dans son pays le
prix d’État en 1950 et 1952. La démarche
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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musicale de ses débuts était d’expression
néoclassique et fortement teintée par la
musique populaire. Ultérieurement,
Grażyna Bacewicz s’est ouverte à la nouvelle musique et a participé à son développement, notamment dans le cadre du
sérialisme. Son oeuvre comprend essentiellement des compositions orchestrales,
ainsi qu’un ballet (le Paysan qui devint un
roi, 1953) et un opéra radiophonique (les
Aventures du roi Arthur, 1959).
BACH (Carl Philip Emanuel), compositeur allemand (Weimar 1714 - Hambourg 1788).
Deuxième fils de J. S. Bach et de sa première femme Maria Barbara, et deuxième
de ses quatre fils musiciens, le « Bach de
Berlin et de Hambourg » fut l’élève de son
père à Saint-Thomas, grava lui-même à
17 ans son premier menuet, et, après de
solides études de droit, devint en 1738
claveciniste dans l’orchestre du prince
héritier de Prusse. Lorsque celui-ci accéda
au trône sous le nom de Frédéric II, il le
suivit à Potsdam. Il se révéla rapidement
un maître de la musique instrumentale,
en particulier du clavier, et, à ce titre,
marqua profondément son époque, aussi
bien par ses Sonates prussiennes (1742),
ses Sonates wurtembergeoises (1744) ou ses
Sonates avec reprises variées (1760) que par
son Essai sur la véritable manière de jouer
des instruments à clavier (Versuch über die
wahre Art, das Clavier zu spielen, 1753 et
1762, traduction française, Paris, 1979).
Ce traité est fondamental pour la connaissance des questions d’interprétation au
XVIIIe siècle. Des années berlinoises ne
datent que deux ouvrages religieux, la
cantate de Pâques Gott hat den Herzn
auferwecket (1756) et surtout le Magnificat en ré (1749). À la mort de son parrain,
Telemann (1767), il lui succéda comme
directeur de la musique à Hambourg et
occupa ce poste de 1768 à sa mort. Là, il
fit entendre le Messie de Haendel, le credo
de la Messe en si de son père, le Stabat
Mater de Haydn et composa lui-même
une assez grande quantité de musique
religieuse dont les oratorios Cantate de
la Passion (1769 ?), Die Israeliten in der
Wüste (« Les Israélites dans le désert »,
version originale 1769) et Die Auferstehung und Himmelfahrt Jesu (« La résurrection et l’ascension de Jésus », version
originale 1774), de nouveaux ouvrages
pour clavier (6 recueils de Sonates, rondos
et fantaisies pour connaisseurs et amateurs
parurent de 1779 à 1787), de la musique
de chambre et 10 symphonies (la moitié
de sa production en ce domaine) : 6 pour
cordes à l’intention du baron Van Swieten
(1773) et 4 pour grand orchestre, parues
en 1780. Dans son héritage se trouvaient
la plupart des documents originaux de
la famille Bach. Contrairement à celle de
son frère, Wilhelm Friedemann, sa musique fut largement éditée de son vivant
et sa renommée fut grande. Haydn (qui
travailla ses sonates dans sa jeunesse) et
Mozart l’admirèrent profondément, et le
premier surtout, par certains côtés, fut son
continuateur. Pionnier du concerto pour
clavier (une cinquantaine), il fut, par ses
brusques modulations dramatiques, ses
rythmes imprévus, sa démarche parfois
velléitaire, le plus grand représentant en
musique de l’Empfindsamkeit. « Un musicien ne peut émouvoir que s’il est ému
lui-même », disait-il volontiers, et, sous
les notes d’un des dix-huit Probe-Stücke
accompagnant l’Essai..., à caractère de
récitatif, le poète Heinrich Wilhelm von
Gerstenberg (1727-1823) put inscrire les
paroles du monologue d’Hamlet. Son instrument préféré était le clavicorde. Parmi
les domaines injustement méconnus de sa
production, une vaste série d’Odes et lieder
pour voix avec accompagnement de clavier. De la galanterie il sut éviter les écueils
et il occupa en son siècle, pas seulement
comme adepte de la nouvelle « forme
sonate », une position unique. Il fut d’ailleurs le seul musicien de son rang à avoir
couvert, par une production abondante,
tout le deuxième tiers et une bonne partie du troisième tiers du XVIIIe siècle. Le
catalogue de ses oeuvres dressé par Alfred
Wotquenne (1905) est à peu de choses
près une copie de celui, incomplet, réalisé
après la mort du compositeur par un de
ses amis, l’organiste Johann Jacob Heinrich Westphal (1756-1825). Un autre, dû à
Eugen Helm, est paru en 1989.
BACH (Georg Christoph), compositeur
allemand (Erfurt, Saxe, 1642 - Schweinfurt, Basse-Franconie, 1697).
Fils de Christoph Bach (1613-1661),
Georg Christoph occupa, vingt ans durant,
le poste de cantor à Themar (Saxe), avant
d’obtenir la même charge à Schweinfurt.
Là, il reçut la visite de ses frères Johann
Christoph et Johann Ambrosius et, pour
cette occasion, il composa une cantate sur
le psaume 133 : Siehe wie fein und lieblich...
(Oh ! qu’il est agréable et doux pour des
frères de demeurer ensemble !).
BACH (Heinrich), compositeur allemand
(Wechmar 1615 - Arnstadt 1692).
Fils de Johannes Bach, il fut d’abord musicien de la ville d’Erfurt, puis organiste à la
Liebfrauenkirche et à l’Oberkirche d’Arnstadt. Il composa de nombreux concertos,
des préludes de choral, des chorals, des
motets et des cantates. Comme organiste,
il jouit d’une assez grande réputation à
son époque.
BACH (Johann Bernhard), compositeur
allemand (Erfurt, Saxe, 1676 - Eisenach,
Saxe, 1749).
Fils de Johann Aegidius, il étudia Erfurt
avec Pachelbel avant de débuter comme
organiste à la Kaufmannskirche (1695). Il
fut ensuite nommé à Magdebourg, puis à
Eisenach où il resta jusqu’à sa mort. Une
partie seulement de ses compositions a été
conservée (oeuvres pour orgue, chorals,
fugues et 4 suites pour orchestre).
BACH (Johann Christian), compositeur
allemand (Leipzig 1735 - Londres 1782).
Dernier enfant de J. S. Bach et de sa seconde femme Anna Magdalena, et dernier de ses quatre fils musiciens, le « Bach
de Milan et de Londres » - appelé aussi
Jean Chrétien - n’avait que quinze ans à
la mort de son père et profita moins que
ses deux demi-frères et que son frère de
son influence et de ses conseils. Après
1750, il poursuivit sa formation à Berlin auprès de son demi-frère Carl Philip
Emanuel, et, en 1755, alla en Italie, voyage
qu’auparavant aucun Bach n’avait effectué. Là, il fut protégé par le comte Litta,
devint l’élève du padre Martini, composa
de la musique sacrée (Dies irae) et des
opéras (genre qu’avant lui aucun Bach
n’avait pratiqué), se lia avec Sammartini,
et, pour devenir organiste à la cathédrale
de Milan, se convertit au catholicisme. Il
donna à Turin Artaserse (1760) et à Naples
Catone in Utica (1761) et Alessandro nell’
Indie (1762). En 1762, il arriva à Londres
comme compositeur attitré du King’s
Theatre, et pendant vingt ans, premier
Bach cosmopolite, premier Bach mondain, il participa activement à la vie musicale et théâtrale intense de la capitale britannique (où il accueillit en 1764 l’enfant
Mozart et sa famille). Il organisa et dirigea
à partir de 1765 avec le gambiste Carl Friedrich Abel les concerts par abonnements
Bach-Abel (tenus à partir de 1775 à Hanover Square Rooms), fit chaque mercredi de
la musique chez la reine, devint professeur
des enfants royaux, introduisit en Angleterre le piano-forte. Dès 1763, il donna à
Londres les opéras Orione et Zenaida, et en
1778 encore La Clemenza di Scipione. On
le vit à Mannheim en 1772 et peut-être en
1775 pour les créations respectives de Temistocle et de Lucio Silla, et en 1778 à Paris
(où il retrouva Mozart) afin de signer un
contrat pour un opéra français (Amadis
de Gaule, 1779). Sa mort prématurée émut
surtout ses créanciers, mais provoqua
chez Mozart cette réaction rare : « Bach
n’est plus, quelle perte pour la musique ! »
Ivresse mélodique, élégance, sensualité,
facilité apparente caractérisent son style
(il fut l’un des créateurs de l’allegro chantant repris par Mozart), mais n’en cachent
pas moins le métier le plus sûr. D’une production très abondante, mais dont seule
une partie fut éditée de son vivant, citons
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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les douze sonates pour clavier op. 5 et op.
17, les six quintettes op. 11, les dix-huit
concertos pour clavier op. 1 (le finale du
sixième et dernier est une série de variations sur le God Save the King), op. 7 et op.
13, les vingt-quatre symphonies op. 3, op.
6, op. 8, op. 9 et op. 18. Certaines de ces
symphonies sont en fait des ouvertures
d’opéra, comme par exemple le célèbre op.
18 no 2 (ouverture de Lucio Silla). On lui
doit aussi de très nombreuses symphonies
concertantes et des airs de concert dont
l’un (Ebben si vada) avec piano obligé. Il
sacrifia largement au style galant, mais
des oeuvres comme la sonate en ut mineur
op. 5 no 6 ou la symphonie en sol mineur
op. 6 no 6 nous montrent (comme ses
improvisations au clavier montraient à
ses contemporains) que lui aussi savait
explorer profondeur et passion. Une des
clés du personnage réside sans doute dans
cette confidence à un ami : « Mon frère
Carl Philip Emanuel vit pour composer,
et, moi, je compose pour vivre. »
BACH (Johann Christoph), compositeur
allemand (Arnstadt, Saxe, 1642 - Eisenach, Saxe, 1703).
Fils de Heinrich et petit-fils de Johannes,
il fut organiste à Arnstadt, puis à Eisenach
où il joua dans les trois églises, notamment à la Georgenkirche. Excellent musicien, il composa beaucoup. J. S. Bach joua
quelques-unes de ses oeuvres à Leipzig et
C. Ph. E. Bach le tenait en estime. Johann
Christoph laissa des oeuvres pour le clavier
(orgue ou clavecin), dont 44 chorals pour
le service divin, des cantates et des motets.
Ses quatre fils furent également musiciens.
On le considère généralement comme le
plus grand musicien de la famille Bach,
antérieur à Jean-Sébastien.
BACH (Johann Christoph Friedrich),
compositeur allemand (Leipzig 1732 Bückeburg 1795).
Fils aîné de J. S. Bach et de sa seconde
femme Anna Magdalena et troisième de
ses quatre fils musiciens, le « Bach de Bückeburg » fut éduqué par son père et mena,
contrairement à ses frères, une carrière
modeste et peu agitée. Engagé au début
de 1750, juste avant la mort de son père, à
la cour du comte de Schaumburg-Lippe à
Bückeburg (Westphalie), il devait y rester
jusqu’à sa mort, au service des comtes Wilhelm (jusqu’en 1777) et Friedrich Ernst
(1777-1787), puis de la régente Juliane.
Il dut d’abord se consacrer surtout à la
musique italienne, en particulier jusqu’au
départ en 1756 du maître de concerts Angelo Colonna et du compositeur G. B. Serini. La fin de la guerre de Sept Ans (1763)
marqua pour la chapelle de Bückeburg un
nouveau départ. L’écrivain Johann Gottfried Herder, qui séjourna à Bückeburg
de 1771 à 1776, écrivit pour J. C. F. Bach
les textes des oratorios Die Kindheit Jesu
(« l’Enfance de Jésus », 1773) et Die Auferweckung des Lazarus (« la Résurrection
de Lazare », 1773) et de diverses cantates.
En 1778, il rendit visite, à Londres, à son
frère Johann Christian. La plupart de ses
oeuvres ne franchirent jamais les limites
de Bückeburg. De ses vingt symphonies,
dont sept seulement ont été préservées intégralement, la dernière, en si bémol majeur (1794), est un chef-d’oeuvre durable
de l’époque classique. Dans les quinze
dernières années de sa vie, surtout dans le
domaine instrumental (sonates, musique
de chambre, concertos), il fut moins influencé qu’auparavant par son demi-frère
Carl Philip Emanuel et par les maîtres de
l’Allemagne du Nord et se rapprocha du
style de son frère Johann Christian et de
l’équilibre classique. Il mit en outre à ses
programmes des oeuvres de ses contemporains « avancés », dont Mozart. Avec son
fils Wilhelm Friedrich Ernst (1759-1845),
également musicien, devait s’éteindre la
descendance mâle de Jean-Sébastien. Un
catalogue des oeuvres de J. C. F. Bach a été
réalisé par Hannsdieter Wohlfarth (1960,
réimpr. 1971). ( ! NEUBAUER.)
BACH (Johann Ernst), compositeur allemand (Eisenach, Saxe, 1722 - id. 1777).
Il étudia avec son père, Johann Bernhard
Bach, et avec son petit cousin, Johann
Sebastian. D’abord élève à l’école SaintThomas de Leipzig, il entreprit ensuite son
droit à l’université de la même ville. En
1749, il fut nommé organiste à la Georgenkirche d’Eisenach. La même année, il
dédia au prince de Weimar une série de
fables mises en musique. Lorsque le prince
accéda au pouvoir (1756), Johann Ernst
devint chef d’orchestre de la Cour tout
en conservant ses fonctions d’organiste à
Eisenach.
Johann Ernst Bach a laissé des sonates
pour clavier ou pour violon et clavier, des
cantates d’église, des cantates profanes,
une messe, un Magnificat, des psaumes.
Outre ses compositions, il écrivit la préface d’un ouvrage du théoricien Jakob
Adlung, Anleitung zu der musikalischen
Gelahrtheit (méthode d’éducation musicale).
BACH (Johann Ludwig), compositeur
allemand (Steinbach 1677 - Meiningen,
Saxe, 1741).
Surnommé le « Bach de Meiningen », il
étudia la théologie avant d’être musicien
à Salzungen. En 1708, il fut nommé cantor et maître des pages de Bernhard Ier à
Meiningen, puis, en 1711, directeur de
l’orchestre de la Cour. Johann Sebastian
a recopié de sa main les 18 cantates allemandes de Johann Ludwig Bach. Celuici est également l’auteur d’une Suite pour
orchestre.
BACH (Johann Michael), compositeur
allemand (Arnstadt, Saxe, 1648 - Gehren,
Saxe, 1694).
Fils de Heinrich Bach et frère de Johann
Christoph, il était le père de Maria Barbara, première femme de Johann Sebastian. Il étudia avec son père et fut, jusqu’en
1673, organiste à la cour d’Arnstadt, puis
organiste à Gehren. Il fut également facteur d’instruments, expert en instruments
à clavier et en violons. Ses oeuvres, essentiellement destinées à l’orgue, comptent
aussi des motets et des cantates.
BACH (Johann Nicolaus), compositeur
allemand (Eisenach, Saxe, 1669 - Iéna,
Saxe, 1753).
Fils de Johann Christoph, il commença
ses études à Eisenach, puis, en 1689, entra
à l’université d’Iéna. En 1695, il obtint
un poste d’organiste dans deux églises
d’Iéna ; il en conserva un jusqu’à l’âge de
80 ans.
Il construisit des clavecins et inventa
le Lautenwerk, sorte de luth muni d’un
clavier. L’organiste Jakob Adlung fut l’un
de ses élèves. De ses oeuvres, il reste une
messe brève, un Bicinium pour orgue et
une cantate burlesque (le Crieur de vin et
de bière d’Iéna).
BACH (Johann Sebastian), compositeur
allemand (Eisenach, Saxe, 1685 - Leipzig
1750).
Issu d’une lignée de musiciens-ménétriers - organistes et cantors fixés en Thuringe depuis le XVIe siècle, dont l’un au
moins, Johann Christoph (1642-1703),
cousin germain de son père, avait été un
compositeur d’une importance particulière -, il naquit le 23 mars 1685, la même
année que Haendel et D. Scarlatti. Il était
le dernier des huit enfants de Johann
Ambrosius Bach (1645-1695), musicien
des villes d’Erfurt et d’Eisenach, et d’Elisabeth Lämmerhirt (1644-1694). Johann
Sebastian Bach fit des études générales,
brillantes, au gymnasium d’Eisenach et
eut l’occasion d’entendre son cousin Johann Christoph au clavecin et à l’orgue.
Une oeuvre de ce dernier - le motet à 8
voix Ich lass dich nicht - devait lui être plus
tard attribuée.
ÉTUDES ET APPRENTISSAGE.
Recueilli, à la mort de son père, par son
frère aîné Johann Christoph (1671-1721),
élève de Pachelbel et organiste à Ohrdruf,
Bach poursuivit son instruction générale
au lyceum d’Ohrdruf et fit ses études musicales avec son frère. À 15 ans, grâce à sa
belle voix, il fut admis dans la manécanterie de la Michaeliskirche de Lüneburg :
d’après les statuts, les choristes devaient
être « nés de pauvres gens, sans aucune
ressource, mais possédant une bonne
voix ». Là, il lut et copia beaucoup de musique, fit la connaissance des organistes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
47
J. J. Löwe, ancien élève de Schütz, et de
G. Böhm. Il effectua plusieurs voyages
à Hambourg pour y écouter J. A. Reinken, entendit la chapelle française du duc
de Celle et découvrit ainsi, entre autres,
les oeuvres instrumentales de François
Couperin. Avec le facteur d’orgues J. B.
Held, il apprit à construire, à expertiser
et à réparer les orgues, domaine où sa
réputation dépassa bientôt celle de ses
contemporains.
LES DÉBUTS D’ORGANISTE.
Quelque temps violoniste dans l’orchestre
privé du duc Johann Ernst de Weimar,
Bach fut nommé, en août 1703, organiste à
la Neue Kirche d’Arnstadt, où il composa
ses premières oeuvres religieuses - la cantate Denn du wirst meine Seele nicht in der
Hölle lassen (« Car tu ne laisserais pas mon
âme en enfer ») BWV 15 - et ses premières
pages pour clavier, dont le Capriccio sopra
la lontananza del suo fratello dilettissimo
(« Caprice sur l’éloignement de son frère
bien-aimé »). Il s’essaya à la toccata, au
prélude et fugue, au prélude de choral.
En octobre 1705, il fit à pied le voyage
d’Arnstadt à Lübeck pour y entendre le
célèbre organiste Buxtehude, qui lui offrit
sa succession : mais Bach, comme d’autres
avant et après lui, recula à la perspective
de devoir épouser la fille du vieux maître.
De retour à Arnstadt, il attira sur lui
les foudres de ses supérieurs à la fois en
raison de son absence prolongée et de
par sa façon « inhabituelle » de jouer de
l’orgue. Ces incidents et d’autres - comme
l’indiscipline et le manque de dons pour
la musique des choristes dont il avait la
charge - le décidèrent à accepter, au cours
de l’été 1707, la succession de Johann
Georg Ahle à la Blasiuskirche de Mühlhausen. Le 17 octobre de la même année,
il épousa sa cousine Maria Barbara (16841720), fille de Johann Michael Bach (16481694), organiste à Gehren. Celle-ci devait
lui donner sept enfants, dont deux grands
musiciens, Wilhelm Friedemann (17101784) et Carl Philip Emanuel (1714-1788).
À Mühlhausen, il composa trois cantates
d’église : Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu
dir (« Des profondeurs, je t’appelle, Seigneur ») BWV 131, Gott ist mein König
(« Dieu est mon roi ») BWV 71, et Der
Herr denket an uns (« Le Seigneur pense à
nous ») BWV 196.
D’UNE COUR À L’AUTRE.
En 1708, Bach devint musicien de chambre
et organiste à la cour de Weimar, où en
Thuringe, depuis 1707, son cousin Johann
Gottfried Walther était organiste et enseignait la musique aux jeunes princes. Plus
tard, sous le règne de Charles Auguste
(1775-1828), cette Cour devait devenir
« l’Athènes de l’Allemagne », devenir le
lieu de résidence de Goethe et de Schiller, et attirer des hommes célèbres dans
tous les domaines de la culture. Du temps
de Bach, elle se distinguait déjà des autres
cours allemandes, en particulier par une
atmosphère d’austérité qui contrastait fortement avec le faste et la frivolité de mise
ailleurs. Tout tournait autour de la religion, et Bach eut la chance de trouver là
un patron dont les idées musicales allaient
en gros dans le même sens que les siennes.
Plusieurs voyages le menèrent à Cassel
(1714), à la cour du duc Christian de SaxeWeissenfels (1716) et à Dresde (1717), où
il devait rencontrer Louis Marchand pour
une sorte de joute musicale, mais l’organiste français, craignant sans doute une
défaillance, se déroba. À Weimar, Bach
composa ses premières grandes oeuvres
pour orgue (en particulier, le début de
l’Orgelbüchlein, recueil de 46 chorals, et
des pièces très célèbres comme la Toccata
et fugue en « ré » mineur et la Passacaille
et fugue en « ut » mineur) et pour clavier
(toccatas, concertos d’après Vivaldi, Telemann, A. Marcello et le duc Johann Ernst
de Weimar). La Cour était luthérienne
et fort pieuse : d’où, chaque mois, de la
part de Bach, une nouvelle cantate pour
l’excellent ensemble de chanteurs et d’instrumentistes dont il disposait.
Toutefois, à la mort du maître de chapelle J. S. Drese (décembre 1716), Bach
n’obtint pas sa succession, et, pour exprimer son mécontentement, il fit une sorte
de « grève sur le tas » tout en cherchant
un autre poste ailleurs. Une offre lui était
justement parvenue du prince Léopold
d’Anhalt-Köthen, mais, quand il fit part
de ses intentions au duc régnant de Weimar, celui-ci le mit aux arrêts « pour avoir
sollicité son congé avec trop d’obstination ». En 1717, Bach arriva néanmoins
à Köthen, où ses tâches allaient être bien
différentes de celles qu’il avait connues à
Weimar.
La cour de Köthen était réformée (calviniste) : Bach ne devait donc ni jouer
de l’orgue ni composer de la musique
d’église. En revanche, le prince Léopold,
passionné de musique instrumentale,
attendait beaucoup en ce genre de son
nouveau maître de chapelle. Il en obtint
plus qu’il n’avait jamais espéré : Concerts
brandebourgeois, dédiés, au printemps
1721, à Christian Ludwig, margrave de
Brandebourg ; suites, partitas et sonates
pour orchestre, violon seul, violoncelle
seul, viole de gambe, flûte ou violon avec
clavecin obligé ou continuo ; concertos
pour violon ; et pour clavier (clavecin),
le livre I du Clavier bien tempéré (1722),
les 30 inventions et sinfonie, la Fantaisie
chromatique et fugue (1720), le Petit Livre
de clavier de Wilhelm Friedemann Bach
(1720) et celui d’Anna Magdalena (1722),
les suites anglaises et françaises. Ayant
perdu Maria Barbara (juin 1720), Bach se
remaria, en décembre 1721, avec la cantatrice Anna Magdalena Wilcken (17011760), qui allait lui donner treize enfants,
parmi lesquels deux autres grands musiciens, Johann Christoph Friedrich (17321795) et Johann Christian (1735-1782).
LE CANTORAT À SAINT-THOMAS.
À l’automne 1720, Bach se rendit à Hambourg et improvisa devant le vieux Reinken sur le choral An Wasserflüssen Babylon (c’est ce choral qui, dans l’éblouissante
exécution de Reinken, l’avait tenu luimême sous le charme quelque vingt ans
auparavant). À la fin, Reinken, d’ordinaire
avare de louanges, s’écria : « Je pensais
que cet art était mort, mais je vois qu’il vit
encore en vous. »
En 1722, le prince Léopold, au service
duquel Bach pensait passer le reste de ses
jours, se maria. Or sa femme n’aimait ni
la musique - Bach la traita d’amusa - ni
l’art en général, et les conditions à la cour
de Köthen changèrent totalement. Mais
il se trouva qu’après la mort de Johann
Kuhnau, cantor à l’école Saint-Thomas de
Leipzig, le conseil de la ville avait proposé
le poste à Telemann et à Johann Christoph
Graupner, qui, tous deux, l’avaient refusé,
puis à Bach. Celui-ci, ayant accepté, fut
nommé en mai 1723 ; il devait rester à
Leipzig jusqu’à sa mort.
À Saint-Thomas, Bach assurait l’enseignement musical aussi bien que les cours
de latin. La chorale de l’école était formée
de musiciens médiocres ; sur 55 élèves, 17
seulement étaient capables de remplir correctement leur tâche. Outre ces fonctions,
il était chargé de la musique des églises
Saint-Thomas et Saint-Nicolas, ainsi que
de celles de la ville et de l’université pour
les cérémonies officielles. Ses relations
avec l’université, le recteur Ernesti et le
conseil de la ville allaient être marquées
par d’incessantes disputes. Le conseil se
plaignait des fréquentes absences de Bach,
qui se rendait à Weimar, à Cassel - où il
joua sur l’orgue de la Martinuskirche
(1732) -, à Dresde, où vivaient Johann
Adolf Hasse et son épouse, la célèbre cantatrice Faustina Bordoni. Dans cette dernière ville, il jouissait de l’estime du comte
Hermann Carl Keyserling, pour qui il
composa les Variations Goldberg (publiées
en 1742), et joua sur l’orgue Silbermann
de la Sophienkirche.
En 1741, Bach visita Berlin, et, au printemps 1747, il se rendit à Potsdam sur l’invitation de Frédéric II de Prusse, au service duquel se trouvait son fils Carl Philip
Emanuel. Bach improvisa une fugue sur
un sujet donné par le roi, et, à son retour
à Leipzig, en tira l’Offrande musicale.
Mais une maladie des yeux, s’aggravant
durant les dernières années, devait lui
ôter presque entièrement la vue à la fin
de 1749. Son élève - et gendre - Johann
Christoph Altnikol allait écrire, sous sa
dictée, ses dernières oeuvres.
Dans les premières années de son cantorat à Leipzig, Bach composa surtout des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
48
cantates d’église, ainsi que l’Oratorio de
Pâques et le Magnificat. Cette période fut
couronnée par la Passion selon saint Matthieu, exécutée en 1729, le jour du vendredi saint. Bach écrivit ensuite des cantates profanes pour les fêtes en l’honneur
de la famille régnante de Saxe, duché dont
la capitale était Dresde, mais sur le territoire duquel se trouvait Leipzig (de 1697 à
1763, les princes-électeurs de Saxe furent
en même temps rois de Pologne). L’année
1733, qui vit Frédéric Auguste II succéder à son père, fut marquée par de nombreuses festivités, auxquelles Bach contribua par trois cantates différentes pour la
fête du nouveau monarque et les anniversaires de son fils le prince héritier et de
son épouse. À cette époque appartiennent
aussi les deux premières parties de la Klavierübung : d’une part, les 6 partitas dont
la publication s’étendit jusqu’en 1731 et,
d’autre part, l’Ouverture dans le style français et le Concerto italien, publiés en 1735
(la troisième partie de la Klavierübung devait être constituée d’oeuvres pour orgue
et la quatrième des Variations Goldberg).
L’Oratorio de Noël, en réalité succession de
6 cantates, date de 1734, l’Oratorio pour le
jour de l’Ascension de 1735 et le livre II du
Clavier bien tempéré de 1744.
Au cours des dernières années de sa
vie, Bach transcenda le passé, donnant
la quintessence de l’art contrapuntique
avec l’Art de la fugue, révisant des chorals
pour orgue et complétant la Messe en « si »
mineur, qui l’avait occupé de façon intermittente depuis 1733. Le 18 juillet 1750,
il recouvra soudain la vue, mais il eut
quelques heures après une attaque, suivie
d’une fièvre qui l’emporta dix jours plus
tard.
UNE SYNTHÈSE GÉNIALE.
De toutes les formes musicales, l’opéra
est la seule à laquelle Bach ne se soit pas
essayé (mais de nombreux épisodes des
cantates s’en rapprochent fort par l’esprit). Comme de coutume à son époque,
sa production comporte presque entièrement des oeuvres de circonstance étroitement liées aux exigences des postes qu’il
occupait. Il ne fut pas créateur de formes
ni de genres, mais il reprit ceux légués par
ses prédécesseurs en les élargissant considérablement tant sur le plan structural
qu’expressif, en les portant à un degré de
perfection et d’universalité inconnu avant
lui. Du point de vue architectural, il se
renouvela sans cesse : ses inventions, ses
fugues, ses cantates sont toutes construites
différemment. L’oeuvre de Bach se distingue également par un caractère nettement polyphonique allant néanmoins de
pair avec la clarté et l’abondance mélodique. On peut, à ce propos, parler de synthèse d’éléments germaniques et italiens ;
cela sans oublier les influences françaises,
elles aussi miraculeusement assimilées et
magnifiées, en particulier dans les suites ou ouvertures - pour orchestre, qui approfondissent un modèle jadis créé par Lully.
Si Bach fut l’héritier de la longue tradition polyphonique occidentale, il assuma parallèlement la grande révolution
du XVIIe siècle (réduction de la structure
sonore à une mélodie accompagnée par
une basse) : son originalité essentielle est
d’avoir été à la croisée de ces deux chemins, raison pour laquelle il ne devait pas
avoir d’héritier musical direct. Sa synthèse
ne pouvait intervenir qu’entre 1700 et
1750. L’évolution de l’esthétique musicale la rendait impossible ultérieurement,
et, déjà à la fin de sa vie, Bach se trouva
incompris et « dépassé » aux yeux de ses
contemporains. À la tradition allemande,
il reprit le choral luthérien, qui vivifia
toute son oeuvre, vocale et instrumentale.
LES OEUVRES INSTRUMENTALES.
Bach conçut la plupart de ses oeuvres
instrumentales à Weimar et à Köthen,
où ses activités lui permirent d’acquérir
la maîtrise des formes, du style, des combinaisons instrumentales. Il exploita les
perfectionnements techniques apportés
à la facture du violon, du violoncelle ou
de la flûte. Le concerto à l’italienne l’intéressa particulièrement. Il transcrivit de
nombreux concertos d’auteurs italiens,
en écrivit lui-même pour violon et il fut
aussi le premier à concevoir de véritables
concertos pour clavecin et orchestre.
Ceux-ci sont, presque tous, des transcriptions. Cependant, pour le 5e Brandebourgeois, il confia au clavecin non seulement
un rôle de soliste, mais une audacieuse
cadence de 65 mesures : on a pu dire de
cet ouvrage qu’il était le premier en date
de tous les concertos pour clavier. Sur
les six Brandebourgeois, trois (nos 1, 3 et
6) font dialoguer divers « choeurs instrumentaux » d’égale importance, alors que
les trois autres opposent aux cordes un
groupe d’instruments solistes, et à ceux-ci
un soliste principal (trompette dans le no
2, flûte dans le no 4, clavecin dans le no 5).
Bach se passionna également pour le
clavier (clavecin) seul. Là, il mena à terme
les deux grandes formes léguées par ses
prédécesseurs. Outre des oeuvres plus ou
moins isolées, mais d’une grande importance comme la Fantaisie chromatique et
fugue ou le Concerto italien, il y eut, en
effet, d’une part les trois recueils de six
suites chacun - françaises (1722), revêtant
encore le caractère de la danse populaire,
anglaises (avant 1722), adoptant davantage
celui de la danse de cour, et allemandes ou
partitas (1726-1731), plus proches de la
musique pure - et, d’autre part, les deux
livres du Clavier bien tempéré (1722, 1744),
comprenant l’un et l’autre 24 préludes et
fugues dans toutes les tonalités majeures
et mineures et démontrant l’intérêt musical - pas seulement théorique - du tempérament égal (division de l’octave en douze
demi-tons strictement égaux).
Quant aux Variations Goldberg, elles témoignent d’une grande richesse d’invention et d’une science extrême du contrepoint, du canon en particulier : Bach y
présente 9 genres différents de canons.
Synthèse de formes - l’air varié s’y mêle à
la passacaille -, cette oeuvre est aussi une
synthèse de procédés d’écriture. Dans le
quodlibet final, deux mélodies populaires
viennent se superposer au thème de la
passacaille. Bach jeta ici les solides fondements de la grande variation moderne.
De l’écriture canonique, le sommet fut
l’Offrande musicale, série de variations
contrapuntiques sur le thème proposé
par Frédéric II. Cette oeuvre, construite
selon une structure symétrique chère à
Bach, présente le plan suivant : ricercare/5
canons/sonate en trio/5 canons/ricercare.
Cinq des canons sont à deux voix avec
une troisième voix utilisant le thème
royal comme cantus firmus, les cinq autres
traitent des variations du thème de façon
canonique. Sauf pour la sonate en trio et
pour le 9e canon (flûte, violon et basse
figurée), Bach n’a laissé aucune indication
d’instruments pour cet ouvrage prenant
appui, par sa virtuosité et sa rigueur polyphoniques, et en particulier par son usage
du canon-énigme, sur la grande école
franco-flamande des XVe et XVIe siècles.
Pour le violon, Bach a écrit notamment 2 concertos, 1 concerto pour deux
violons, 6 sonates avec clavecin adoptant
la structure quadripartite de la « sonata
da chiesa » (sonate d’église) et, surtout, 3
sonates et 3 partitas pour violon seul où il
parvint à faire de cet instrument, en principe purement monodique, un instrument
polyphonique. La chaconne en ré mineur
de la 2e partita, avec ses 32 variations, est
une page unique dans le répertoire du violon.
UN DOMAINE PRIVILÉGIÉ : L’ORGUE.
La musique pour orgue occupa Bach toute
sa vie durant. Il écrivit environ 250 oeuvres
pour orgue, soit fondées sur le choral, soit
librement inventées. La usion d’éléments
de provenances diverses, caractéristique
de l’oeuvre de Bach en général, est ici particulièrement évidente.
Bach composa plus de 150 chorals
d’orgue, et les groupa en 4 grands recueils
(Orgelbüchlein, chorals du cathéchisme
formant la 3e partie de la Klavierübung,
chorals de Leipzig, recueil de Schübler)
tout en les traitant de manière très différente, en soumettant ces simples airs de
cantiques à toutes les formes possibles
de métamorphose : chorals ornés, figurés, contrapuntiques, en trio, variés, harmonisés, fugués, en canon, en fantaisie
sur le choral, etc. Mais le choral se veut
toujours expressif, traduction d’une idée
clé s’imposant avec force, grâce, notamdownloadModeText.vue.download 55 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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ment, à divers procédés symboliques.
Quand il mit en musique un texte - et ce
fut presque toujours un texte religieux -,
Bach ne laissa jamais passer une idée,
une image ou un mot important sans en
donner musicalement une transcription
symbolique. De même, son élève Gottfried
Ziegler put écrire : « Pour le jeu du choral, mon professeur, le maître de chapelle
Bach, me l’enseigna de telle sorte que je ne
joue pas les chorals simplement tels quels,
mais d’après le sentiment indiqué par les
paroles. » Le dernier choral de Bach, Vor
deinen Thron tret’ich (« Je comparais devant ton trône »), atteste le goût du compositeur pour les symboles numériques :
la première période du choral est énoncée
en 14 notes et la mélodie entière en 41
notes rétrograde de 14.
Par opposition aux chorals, les fantaisies, les toccatas, les préludes et fugues
sont des pages brillantes illustrant les
éléments décoratifs du culte. Avec le
Clavier bien tempéré, ce sont là les pages
de Bach qui, même durant son éclipse à
la fin du XVIIIe siècle et pour une bonne
partie du XIXe, ne cessèrent jamais d’être
jouées. Les plus anciennes de ces pièces
portent la marque à la fois d’une jeunesse
bouillonnante et de l’influence des maîtres
de l’Allemagne du Nord, avec, à leur tête,
Buxtehude : ainsi la célèbre Toccata et
fugue en « ré » mineur. Plus tard, à partir
du séjour à Weimar et sous l’influence des
Italiens et des maîtres de l’Allemagne du
Sud (Pachelbel), la beauté plastique de
la forme s’impose, mais toujours avec de
saisissants contrastes (Toccata, adagio et
fugue en « ut » majeur).
Dernière grande oeuvre instrumentale
entreprise par Bach, même si ce ne fut pas
la dernière à laquelle il travailla, l’Art de la
fugue (inachevé) devait réunir 24 fugues
réparties en 6 groupes comprenant chacun 2 paires de fugues (rectus et inversus).
Nous ne possédons que 20 de ces fugues,
dont la dernière est incomplète. L’oeuvre,
dont nous ignorons à quels effectifs elle
était destinée - il est fort probable que
Bach lui-même ne se posa jamais la question -, explore toutes les possibilités de
l’écriture fuguée, et édifie à partir d’un
thème court et très simple un monument
grandiose - fugues simples à développement libre, fugues à conséquent obligé,
fugues à plusieurs sujets - faisant un usage
des plus savants de tous les procédés
contrapuntiques connus. Cette partition
didactique, d’une écriture transcendante,
n’en est pas moins d’une grande beauté
expressive, Bach n’ayant jamais été plus
à l’aise, plus libre, plus inventif, que dans
la fugue.
LA MUSIQUE VOCALE.
La musique vocale de Bach, comme sa
musique instrumentale, est dominée par
le choral, grand principe de la musique
luthérienne. Les chorals sont présents
dans les motets, les oratorios, les Passions
et surtout dans les cantates, genre qui en
est le plus directement issu.
La cantate est au centre de l’oeuvre
vocale de Bach, qui en écrivit cinq séries
pour tous les dimanches et fêtes de l’année
ecclésiastique. De ces quelque 300 cantates sacrées où se mêlent les influences
du concerto profane, du concert sacré
et de l’opéra italien, moins de 200 nous
sont parvenues. La plupart reposent sur
deux piliers extrêmes : au début, un grand
choeur d’introduction presque toujours
construit sur une mélodie de choral ; à
la fin, le chant très simple du même choral (entonné également à l’époque, selon
toute probabilité, par la foule des fidèles).
Entre ces deux éléments, la liberté la plus
complète dans la nature et l’enchaînement
des pièces : airs à une ou plusieurs voix
accompagnés par l’orchestre ou des instruments solistes, récitatifs, ariosos, autres
choeurs construits ou non sur le choral.
Dans ses cantates religieuses, qui musicalement ne contiennent guère de faiblesses,
mais dont les textes - empruntés au pasteur Neumeister, à Salomon Franck, à
Henrici (dit Picander), à Ch. M. von Ziegler ou à Christian Weiss, père et fils - sont
souvent médiocres, Bach réutilisa à l’occasion, non sans parfois les métamorphoser
en profondeur, des morceaux tirés de ses
cantates profanes, voire de pages instrumentales.
Il en va de même pour les trois oratorios, qui proviennent essentiellement
de compositions (surtout profanes) antérieures. La musique de l’Oratorio de
Pâques est composée à partir de cantates
pastorales, celle de l’Oratorio de Noël,
suite de six cantates, provient de diverses
sources dont la cantate profane Preise dein
Glücke, gesegnetes Sachsen (« Chante bien
haut ton bonheur, Saxe bénie »), composée pour l’anniversaire de l’accession
d’Auguste III de Saxe au trône de Pologne,
celle de l’Oratorio de l’Ascension correspond à la cantate BWV 11.
La pratique de la transcription fut d’ailleurs une des constantes de l’évolution de
Bach, qui poursuivit ainsi l’identité du
profane et du sacré, du vocal et de l’instrumental. De ses motets allemands, six nous
sont parvenus, datant tous de la période
de Leipzig. Il n’a pas composé de motets
latins, mais a utilisé la langue latine pour
le Magnificat et la Messe en « si » mineur.
Du Magnificat, écrit à Leipzig, la première
version fut composée en 1723 pour le jour
de Noël : elle était en mi bémol majeur
et comprenait, outre les douze morceaux
du Magnificat latin, quatre interpolations
en langue allemande, étroitement rattachées à la liturgie de Noël. Vers 1730,
Bach révisa l’ouvrage, le transposa en ré
majeur, permettant d’y introduire l’éclat
des trompettes et des timbales et supprima
les quatre interpolations (ce qui permit de
le chanter également à Pâques et à la Pentecôte). La Messe en « si » mineur, monumental édifice, « catholique » par le texte
mis en musique, mais véritablement oecuménique par sa portée spirituelle (voire
par les emprunts qui y sont faits aux « cantates luthériennes » de l’auteur), fut entrepris en 1733 et comprend 25 morceaux
(dont plusieurs repris de compositions
antérieures) disposés en 4 sections. Bach
écrivit aussi 4 messes brèves luthériennes.
Des 4 Passions qui nous sont parvenues, la Passion selon saint Luc n’est probablement pas de Bach. De la Passion
selon saint Marc, seul le livret de Picander
a été conservé. Mais certains de ses airs
et choeurs se retrouvent notamment dans
l’Ode funèbre de 1727, dans la cantate
pour alto solo Widerstehe doch der Sünde
(« Résiste donc au péché ») BWV 54, de
1730 environ, et dans l’Oratorio de Noël.
Restent la Passion selon saint Jean et la
Passion selon saint Matthieu, datées respectivement de 1723 et de 1729. Ce sont
comme d’immenses cantates où le récitatif prend une place importante. Le texte
de l’Évangile en constitue la trame essentielle. Dans ces véritables drames sacrés,
Bach se révèle comme un extraordinaire
homme de théâtre sans théâtre. La Passion
selon saint Jean, qui fait des emprunts au
livret de Brockes déjà utilisé par Haendel pour tout ce qui est en marge du récit
évangélique, est à la fois la plus intime et
la plus violente. La Passion selon saint Matthieu, sur un livret de Picander, fait appel
aux effectifs les plus importants jamais
utilisés par Bach : deux choeurs (et choeur
d’enfants), deux orchestres, deux orgues
se répondant de part et d’autre de l’église,
solistes vocaux et instrumentaux. L’une et
l’autre combinent et opposent le récit dramatique avec intervention (aux côtés de
l’évangéliste) de certains personnages (Pilate, Pierre, Judas) et du choeur (la foule,
les apôtres), la méditation lyrique et individuelle (ariosos, airs), et enfin la prière (le
choral). Avec ses 78 morceaux regroupés
en une architecture sans faille, sa synthèse
unique de bonheur et de tristesse et son
rayonnement de tendresse et d’amour, la
Passion selon saint Matthieu représente le
plus haut sommet de ce que Bach écrivit
pour l’Église protestante et l’un des plus
hauts de la musique religieuse de tous les
temps.
OEUVRES PRINCIPALES DE MUSIQUE VOCALE.
Cantates : 224 cantates, la vaste majorité étant des cantates d’église, 25 sont des
cantates profanes ; quelques cantates sont
d’une authenticité douteuse. 7 motets.
Messes : Messe en si mineur ; 4 messes
« luthériennes « ; 5 sanctus. Magnificat :
Magnificat en ré majeur. Passions : Passion selon saint Matthieu ; Passion selon
saint Jean ; Passion selon saint Luc. oradownloadModeText.vue.download 56 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
50
torios : Oratorio de Noël ; Oratorio de
Pâques. Chorals : à 4 voix et instruments ;
à 4 voix, environ 185. ARIAS ET LIEDER du
Notenbuch (« Petit livre ») d’Anna Magdalena. Lieder spirituels.
MUSIQUE INSTRUMENTALE.
OEuvres pour orgue : 6 sonates, 24
préludes, toccatas ou fantaisies et fugues.
8 petits préludes et fugues ; environ 145
chorals, dont 46 de l’Orgelbüchlein, les 6
transcriptions « Schübler », chorals du
livre III de la Clavier-Übung ; 6 concertos
d’après Vivaldi et d’autres compositeurs ;
5 fantaisies ; 3 toccatas ; 3 préludes ; 8 fugues ; 4 trios ; aria.
OEuvres pour clavier : inventions
à 2 et 3 voix ; duos de la 3e partie de la
Clavier-Übung ; suites anglaises ; suites
françaises ; d’autres suites ; partitas ; Das
Wohltemperierte Clavier (le Clavier bien
tempéré I, II), 48 préludes et fugues ; 9 préludes et fugues ; 19 fugues ; fantaisie chromatique et fugue ; 5 fantaisies et fugues ; 5
fantaisies ; concerto et fugue ; 7 toccatas ;
4 préludes ; 9 petits préludes du Clavierbüchlein pour W. Friedemann ; 11 petits
préludes ; 5 sonates ; Concerto italien ; 16
concertos d’après Vivaldi et d’autres compositeurs ; Variations Goldberg ; Capriccio
sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo.
OEuvres pour luth : 2 suites ; 1 partita ;
prélude, fugue et allegro ; prélude ; fugue.
OEuvres pour instruments divers :
sonates, suites et partitas pour le violon,
la viole de gambe, flûte traversière, etc.,
avec ou sans la basse continue. Concertos :
2 concertos pour violon et 1 concerto pour
deux violons ; concerto pour flûte traversière, violon et clavier ; 6 concertos brandebourgeois ; 7 concertos pour clavier ;
3 concertos pour 2 claviers ; 2 concertos
pour 3 claviers ; 1 concerto pour 4 claviers.
OEuvres diverses : 4 suites pour ensemble instrumental (ouvertures) ; sinfonia ; 7 canons ; Offrande musicale ; l’Art
de la fugue.
BACH (Wilhelm Friedemann), compositeur et organiste allemand (Weimar
1710 - Berlin 1784).
Deuxième enfant et fils aîné de J. S. Bach
et de sa première femme Maria Barbara,
il étudia surtout auprès de son père, dont
il fut le premier des quatre fils musiciens,
et qui écrivit pour lui, entre autres, le Clavierbüchlein. Nommé organiste à Dresde
(1733), il quitta cette ville, trop férue à son
goût de musique italienne et où le prince
électeur et sa femme favorisaient la religion catholique, et devint en 1746 organiste et directeur de la musique à Halle.
Il conserva ces fonctions dix-huit ans en
se consacrant beaucoup, comme compositeur, au domaine religieux (cantates),
alors que les années de Dresde avaient
été dominées par la musique instrumentale (symphonies, concertos, pièces pour
clavier). Ayant eu avec les autorités de
Halle de nombreux démêlés, notamment
au moment de la mort de son père, il
accepta, sans aller l’occuper, un poste à
Darmstadt (1762) et finalement renonça à
ceux dont il jouissait à Halle sans en avoir
d’autres en vue (12 mai 1764) : dix-sept
ans avant Mozart, il prit ainsi le risque de
la liberté. Il resta à Halle jusqu’en 1770,
séjourna quelque temps à Brunswick, et,
en 1774, s’installa à Berlin. Il y fut bien
reçu par Kirnberger et par la princesse
Amélie de Prusse, à qui il dédia, en 1778,
huit fugues à trois voix pour clavier (une
transcription pour trio à cordes précédée
d’un prélude de celle en fa mineur est
attribuée à Mozart) ; il y subsista grâce
à des leçons et à des récitals d’orgue (le
premier fit sensation), mais y mourut en
laissant sa femme et sa fille dans la plus
complète misère. Une légende entretenue
au XIXe siècle par le roman pseudo-historique de Brachvogel s’édifia rapidement
autour de son nom et le présenta comme
un ivrogne et un malhonnête homme. On
peut en faire bon marché, tout comme de
l’incompréhension et de l’irrespect qu’il
aurait manifestés envers l’art de son père
(dont néanmoins il prit moins soin des
manuscrits que son frère Carl Philip Emanuel). Il souffrit particulièrement de sa
situation entre deux âges, l’attachement
à son père s’opposa chez lui à la fidélité à
son temps : même sa production instrumentale, particulièrement réussie (Polonaises, Fugues, Sonates et Fantaisies pour
clavier), sembla à ses contemporains surannée et inutilement compliquée. Il lui
manqua la concentration et la force de
volonté nécessaires pour faire bon usage
de sa liberté et exploiter à fond ses intuitions géniales, mais ses oeuvres reflètent la
personnalité sinon la plus forte, du moins
la plus visionnaire, parmi les fils de JeanSébastien. Pionnier de la « forme sonate »,
il se réfugia dans un monde à lui, d’une
rare intensité d’expression mais offrant
peu de prises à ses successeurs immédiats.
On lui doit, outre sa musique pour clavier,
des pièces pour orgue, de la musique de
chambre faisant souvent appel à la flûte,
des symphonies et des concertos, des cantates et de la musique d’église. À sa mort,
la seule notice nécrologique à laquelle il
eut droit le qualifia de « plus grand organiste d’Allemagne ». Ce fut, en effet, le seul
des quatre fils musiciens de Jean-Sébastien
à perpétuer sur ce plan la tradition de la
famille Bach. Un catalogue de ses oeuvres a
été dressé par Martin Falck (1913).
BACHAUER (Gina), pianiste grecque
naturalisée anglaise (Athènes 1913 id.1976).
Elle doit vaincre les résistances de son
père qui refuse l’idée qu’une femme soit
musicienne professionnelle, et suit deux
années de droit à l’université d’Athènes.
Elle remporte cependant en 1933 le Prix
d’honneur du Festival international de
Vienne. Elle étudie ensuite avec Cortot à
l’École normale de musique de Paris et, en
1935, reçoit les conseils de Rachmaninov.
La même année, Dimitri Mitropoulos la
fait débuter avec l’orchestre du Conservatoire d’Athènes. Pendant la guerre, elle se
réfugie en Égypte et donne de nombreux
concerts de bienfaisance pour les armées. En 1947, sa carrière anglo-saxonne
commence à l’Albert Hall de Londres.
En 1950, seules trente-cinq personnes
assistent à ses débuts au Carnegie Hall !
C’est pourtant en Amérique qu’elle s’impose comme une artiste marquante avec
des récitals-fleuves qu’elle reprend aussi
bien en Australie qu’en Nouvelle-Zélande
ou en Israël. En 1966, elle triomphe enfin
à New York, et aborde plusieurs concertos
avec le Houston Symphony Orchestra.
BACHELET (Alfred), compositeur et chef
d’orchestre français (Paris 1864 - Nancy
1944).
Il fut l’élève d’E. Guiraud au Conservatoire de Paris et obtint le grand prix de
Rome en 1890 avec sa cantate Cléopâtre.
Ensuite, il entra à l’Opéra Garnier comme
second chef des choeurs avant d’y entamer,
en 1907, une carrière de chef d’orchestre.
Comme compositeur, Alfred Bachelet
a manifesté un puissant tempérament
dans trois oeuvres lyriques écrites sans la
moindre concession au goût populaire,
mais cependant riches de mélodies attachantes : Scemo (1914), Quand la cloche
sonnera (1922), Un jardin sur l’Oronte
(1932). Il succéda à Guy Ropartz à la tête
du conservatoire de Nancy (1919).
BACILLY (Bénigne de), compositeur,
chanteur et théoricien français (Normandie v. 1625 - Paris 1690).
Sa réputation de maître de chant fut
grande sous Louis XIV, et il publia de
nombreux volumes d’airs avec basse
continue. Son ouvrage principal, traité
intitulé Remarques curieuses sur l’art de
bien chanter (1668), est très précieux pour
la connaissance de la technique vocale, des
ornements et de la prononciation dans la
musique française du XVIIe siècle. Bénigne
de Bacilly est également l’auteur d’un Recueil des plus beaux vers qui ont esté mis en
chant (3 vol.), qui a permis l’identification
de nombre d’auteurs des textes des airs de
cour de l’époque.
BÄCK (Sven Erik), compositeur suédois
(Stockholm 1919 - id. 1994).
Entré en 1938 à l’Académie royale de Stockholm pour suivre les classes de violon
et d’alto, il y travailla la composition de
1940 à 1944 avec Hilding Rosenberg, puis
poursuivit ses études à la Schola cantodownloadModeText.vue.download 57 sur 1085
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rum de Bâle (1948-1950) et à l’académie
de Sainte-Cécile, à Rome, auprès de G.
Petrassi. Après avoir appartenu à des formations de musique de chambre, il dirige
depuis 1959 l’École de musique de la radio
suédoise. Dans un style éclectique, empreint d’une profonde connaissance de la
musique du passé, il a composé 3 quatuors
à cordes et diverses pièces instrumentales,
de la musique vocale, dont un Concerto
per bambini (1952) pour choeur d’enfants,
des opéras de chambre, des ballets, des
musiques de scène et de film.
BACKHAUS (Wilhelm), pianiste allemand (Leipzig 1884 - Villach, Autriche,
1969).
À dix ans, il entra au conservatoire de
Leipzig et travailla avec Alois Reckendorf.
Il entendit le 2e concerto pour piano de
Brahms, joué en soliste par E. d’Albert
sous la direction du compositeur, et reçut
des conseils de ce dernier. En 1900, ses premiers concerts, à Londres, inaugurèrent sa
longue carrière. Interprète, au début, de
tous les romantiques, Backhaus finit par
ne jouer pratiquement que Brahms et surtout Beethoven. Son jeu alliait grandeur,
sobriété et pureté de style.
BACON (Ernst), compositeur américain (Chicago, 1898 - Orinda, Californie,
1990).
Élève d’Eugène Goossens et d’Ernest
Bloch, il a été professeur au conservatoire
de San Francisco, directeur des activités
musicales régionales dans le cadre du Federal Music Project (1934-1937), professeur à l’école Eastman de Rochester, direc-
teur de la faculté de musique à l’université
de Syracuse. Il a obtenu le prix Pulitzer
(1932) et le prix de la fondation Guggenheim (1939 et 1942). Son oeuvre, d’esprit
néoclassique, inspirée par son pays et ses
traditions musicales, comporte deux symphonies, des suites d’orchestre, un opéra
folklorique (A tree on the plains, 1942), des
cantates, de la musique de chambre et des
mélodies.
BACQUIER (Gabriel), baryton français
(Béziers 1924).
Après des études au Conservatoire de
Paris, il chante, plusieurs années durant,
dans les théâtres de province et, à partir
de 1953, à la Monnaie de Bruxelles, puis,
à Paris, à l’Opéra-Comique (débuts, en
1956, dans Sharpless de Madame Butterfly) et à l’Opéra (1958, d’Orbel de la Traviata). Son incarnation de Don Juan au
festival d’Aix-en-Provence (1960) inaugure une carrière exceptionnelle qui le
conduit sur toutes les grandes scènes du
monde. Gabriel Bacquier est un chanteur
à la voix peu spectaculaire, mais d’une
extrême habileté. Son expression et son
jeu scénique sont très raffinés, et son vaste
répertoire va du bouffon au tragique. Le
comte (dans les Noces de Figaro), Alfonso
(Cosi fan tutte), Scarpia (Tosca), Golaud
(Pelléas et Mélisande) lui ont, entre autres,
valu la renommée. Il a enseigné l’art lyrique au Conservatoire de Paris jusqu’en
1987.
BADINERIE.
Ce terme a le même sens que bagatelle,
mais avec une nuance de naïveté. On le
rencontre dans la musique des XVIIe et
XVIIIe siècles. Le plus célèbre exemple est
la badinerie qui sert de finale à la Suite no
2 en si mineur, pour flûte et cordes, de J.
S. Bach.
BADINGS (Henk), compositeur néerlandais (Bandoeng, Indonésie, 1907 Maarheze 1987).
Il écrivit ses premières oeuvres en autodidacte, travailla ensuite avec Wilhelm
Pijper, donna sa symphonie no 1 en 1930,
la no 2 en 1932 et devint célèbre avec la no
3 (1934). Il fut professeur aux conservatoires de Rotterdam et d’Amsterdam, puis
dirigea celui de La Haye de 1941 à 1945. Il
a enseigné ensuite à Utrecht (1961) et à
Stuttgart (1962-1972). Son opéra radiophonique Oreste (1954) lui valut le prix
Italia. Parti du langage classico-romantique, il en vint à explorer toutes les
découvertes de son temps (polytonalité,
emploi original des modes) et fut en son
pays, à partir de 1952, un des pionniers
de la musique électronique (ballet Kain,
1956). Sa production abondante comprend notamment 14 symphonies pour
diverses formations (de 1930 à 1968), dont
la 6e avec choeurs (Symphonie de Psaumes,
1953) ; des oeuvres symphoniques diverses
et des ballets ; des concertos dont deux
pour 2 violons (1954 et 1969), un pour 2
pianos (1954) et un pour basson et contrebasson (1963) ; de la musique de chambre,
de piano et d’orgue ; de nombreuses partitions électroniques ; l’oratorio Apocalypse
(1940) et une Passion selon saint Marc
pour solistes, choeur d’hommes, orchestre
et bande magnétique (1970-71) ; des opéras dont Martin Korda (1960).
BADOARO, BADOERO ou BADOVERO
(Giacomo), librettiste italien (Venise
1602 - id. 1654).
Gentilhomme dilettante, il fournit à Monteverdi deux livrets d’opéra (Il Ritorno
d’Ulisse in patria, 1641 ; Le Nozze di Enea
con Lavinia, 1641). Il fit preuve d’une
conception dramatique hardie pour
l’époque et ne respecta pas toujours les
règles traditionnelles.
BADURA-SKODA (Paul), pianiste autrichien (Vienne 1927).
Il a étudié le piano avec Viola Thern à partir de 1939 et au conservatoire de Vienne
à partir de 1948, avant d’être, à Lucerne,
l’élève, puis l’assistant, d’Edwin Fischer.
Depuis 1960, il dirige des cours de perfectionnement à Vienne et à Édimbourg, et,
depuis 1962, au Mozarteum de Salzbourg.
Il s’est rendu célèbre par ses interprétations de Haydn, de Mozart, de Beethoven
et de Schubert, souvent sur des instruments d’époque (il en possède une vaste
et remarquable collection). Sa recherche
de l’authenticité s’est aussi exprimée dans
des ouvrages tels que Mozart-Interpretation, Anregungen zur Interpretation der
Klavierwerke (initiation à l’interprétation
des oeuvres pour piano de Mozart, en collaboration avec son épouse Eva Halfar,
Vienne, 1957), Die Klaviersonaten von L.
van Beethoven (en collaboration avec Jörg
Demus, Vienne, 1970) et Bach-Interpretation (1990).
BAER (Olaf), baryton allemand (Dresde
1957).
Dès 1967, il fait partie du Kreuzchor
de Dresde puis, à partir de 1978, étudie
à la Musikhochschule de la même ville.
Il devient membre du Semper Oper de
Dresde et ne tarde pas à connaître ses
premiers engagements internationaux.
En 1983, il débute au Wigmore Hall de
Londres, puis, en 1985, à Covent Garden
dans le rôle d’Arlequin d’Ariane à Naxos
de Richard Strauss. En 1986, il chante à
nouveau cet opéra à Aix-en-Provence et
débute comme Papageno à la Scala de
Milan. En 1987, il chante dans Capriccio
à Glyndebourne, où il incarne Don Juan
en 1991. La même année, il chante la Flûte
enchantée à Vienne sous la direction de
Solti. Avec le pianiste Geoffrey Parsons,
il consacre aussi une grande part de son
travail aux lieder. Ses interprétations de
Schubert et de Wolf, notamment, sont très
appréciées.
BAGATELLE.
Composition musicale vive, légère et
brève, présentée par son auteur comme
une petite chose sans importance, conformément au sens général du terme (ital.
bagatella, qui désigne un tour de bateleur).
Ce genre, qui n’obéit à aucune règle
précise, a été illustré notamment par
Beethoven (bagatelles pour piano op. 33,
op. 119 et op. 126 ; Bagatelle en « la » mineur « pour Élise »).
BAGGIANI (Guido), compositeur italien
(Naples 1932).
Auteur d’oeuvres instrumentales,
d’oeuvres mixtes utilisant des instruments
traditionnels et des moyens électroacoustiques et d’oeuvres sur bande réalisées par
ordinateur. Il a étudié avec Stockhausen
à la Rheinische Musikschule de Cologne
et a été membre de l’association Nuova
Consonanza (1965-1975). Sa première
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oeuvre importante, Mimesi pour violon,
alto, violoncelle, flûte, clarinette et basson
(1967), fut jouée par Nuova Consonanza
sous la direction de Gilbert Amy. Il a enseigné au conservatoire de Pesaro (19741978), et a réalisé vers la même époque
trois oeuvres électroacoustiques : Twins
pour piano, bande à deux pistes et appareils électroacoustiques (1971), Accordo
presunto pour deux groupes instrumentaux et dispositif électronique (1973) et
Senza voci I, bande magnétique à quatre
pistes pour instruments électroniques et
micro-ordinateur (1977-78). Particulièrement attiré par Charles Ives, il a consacré
à sa mémoire Contr-Azione, pour deux
orchestres (1975-76). En 1977, il a fondé
avec W. Branchi l’association Musica verticale, qui se propose l’étude et la diffusion
de la technologie musicale contemporaine. Il enseigne actuellement la composition au conservatoire de Pérouse. Ses
oeuvres traduisent une méfiance profonde
à l’égard du système tempéré traditionnel.
Citons encore Senza voci II, pour bande à
quatre pistes et ordinateur (1979-80) et 4
Studi pour 2 pianos (1981).
BAGLAMA.
Luth à manche long et à trois ou quatre
rangs de cordes, utilisé en Turquie dans la
musique populaire ou par les troubadours
du Moyen-Orient.
BAGPIPE.
Littéralement, « pipeau à sac ». Cette version écossaise de la cornemuse ne diffère
pas sensiblement du biniou breton. Le
souffle de l’exécutant gonfle une outre de
peau, doublée de tissu de laine, qui alimente en air sous pression quatre tuyaux à
anche double, dont un chanter modulant,
à huit trous et trois bourdons. Les régiments écossais de l’armée britannique ont
encore leurs bagpipers, qui maintiennent
une tradition militaire très ancienne.
BAGUETTE.
1.Terme d’organologie qui désigne la partie de l’archet (ronde ou octogonale), aujourd’hui légèrement concave, où les crins
sont attachés grâce à un coin de bois ; la
baguette est généralement en pernambouc, bois dur et élastique.
2.Mince bâton à l’extrémité arrondie,
dont on frappe la peau du tambour. -
3.Mince bâton en bois ou parfois en
métal, de couleur claire, que tient le chef
d’orchestre pour prolonger les gestes de
sa main droite et rendre ceux-ci plus visibles pour les musiciens ; cet usage de la
baguette ne remonte qu’au XIXe siècle.
BAÏF (Jean Antoine de), poète, humaniste et musicien français (Venise 1532 Paris 1589).
Il fit siennes les théories musicales de Platon, selon lesquelles la soumission de la
musique à la poésie et l’union des deux
à la danse engendrent les « effets » bénéfiques qu’on attend de l’éducation des
futurs citoyens, dans une société harmonieuse. Pour produire ces effets, que les
Grecs avaient obtenus par leur théâtre,
Baïf fonda une Académie de poésie et de
musique (1570) qui tint séance sous le
patronage - et souvent en la présence - du
roi Charles IX, dans la propre demeure du
poète. Pour unir la poésie à la musique,
Baïf agit en musicien et en orthophoniste : il écrivit une poésie mesurée d’après
la durée relative des syllabes, longues ou
brèves selon leurs sonorités, et d’après la
combinaison de l’accent tonique avec les
accents d’intonation. Mais, à son époque,
la prononciation et l’orthographe françaises étaient indécises ; pour que le compositeur éventuel ne se trompât point sur
les durées ni les interprètes sur la prononciation, il mit au point un système
orthographique apte à transcrire avec précision la couleur des voyelles et le son des
consonnes. Les plus grands musiciens de
son temps tels Roland de Lassus, Nicolas
de La Grotte, Claude Le Jeune et Jacques
Mauduit, composèrent sur ses Chansonnettes et sur ses Psaumes. Il est juste de dire
que, si la poésie mesurée n’a pas eu d’avenir, Baïf est, de tous les poètes français,
celui qui a exercé la plus forte influence
sur la musique de son époque.
BAILLEUX (Antoine), compositeur, pédagogue et éditeur français ( ? v. 1720 Paris v. 1798).
À partir des années 1760, et durant une
trentaine d’années, il fut l’un des plus importants éditeurs de musique parisiens,
publiant des oeuvres de Vivaldi ou Corelli
mais aussi de compositeurs « modernes »
comme Carl Stamitz ou Boccherini. Dès
1769 parut chez lui un groupe de six symphonies de Haydn (dont une apocryphe).
Il publia en 63 volumes, réunissant 240
oeuvres, un Journal d’ariettes des plus célèbres compositeurs (1779-1788) et rédigea
une Méthode raisonnée pour apprendre à
jouer du violon (Paris, 1798). À sa mort, sa
firme fut reprise par Erard.
BAILLOT (Pierre), violoniste et compositeur français (Passy 1771 - Paris 1842).
À dix ans, il entendit Viotti jouer un de
ses concertos et ce musicien demeura
toujours son modèle. En 1795, il travailla
l’écriture avec Catel, Reicha et Cherubini.
Sa réputation le fit nommer, la même
année, professeur de violon au Conservatoire. De 1805 à 1808, il fit une tournée à Vienne (où il rencontra Haydn et
Beethoven) et en Russie avec le violoncelliste Lamare, et fut premier violon solo à
l’Opéra de Paris de 1821 à 1832. De 1814
à sa mort, il organisa à Paris d’importants
concerts publics de musique de chambre.
Baillot fut le dernier représentant français
de la grande école classique du violon. Ses
compositions (concertos, quatuors, trios,
duos) sont aujourd’hui oubliées, mais son
Art du violon (1834) sert encore de référence.
BAIRD (Tadeusz), compositeur polonais
(Grodzisk Mazowiecki 1928 - Varsovie
1981).
Il étudia la composition avec Kazimierz
Sikorski, puis avec P. Rytel et P. Perkowski
à l’École nationale supérieure de musique
de Varsovie, où il travailla aussi le piano
avec Wituski. Parallèlement, il suivit des
cours de musicologie à l’université.
Tadeusz Baird appartient à cette génération de compositeurs qui s’est trouvée
isolée du développement de la nouvelle
musique en Europe occidentale et aux
États-Unis à partir des années 50, et qui,
restant ainsi à l’écart du sérialisme, a, d’une
manière générale, pratiqué une approche
de la musique bien plus immédiate, axée
sur l’exploration de la matière sonore et
l’affinement du jeu instrumental. Ses premières oeuvres (symphonie no 1, concerto
pour orchestre, quatuor à cordes, etc.)
témoignent de cette tendance. Comme ses
contemporains, il bénéficia de la création
du festival d’automne de Varsovie (1956),
dont la vocation est la promotion de la
jeune musique ; la confrontation avec des
compositeurs venus d’autres horizons et
le contact avec d’autres styles d’écriture et
conceptions musicales ne peuvent qu’élar-
gir leur propre façon d’envisager l’univers
du son.
Si, pour lui, la musique continua
« d’être une manière d’exprimer les émotions, les sentiments et les aventures intérieures » de sa vie, ses oeuvres, « une sorte
de carnet de notes », son « autobiographie
écrite en sons », Baird expérimenta différentes utilisations formelles d’organisation des sonorités. À partir du moment
où sa musique suit en quelque sorte
l’évolution de sa propre vie intérieure, les
méthodes de composition doivent suivre
le même itinéraire, comme si chaque nouvelle problématique musicale devait décider de sa mise en forme ; aussi bien est-il
difficile de parler d’un style spécifique à
Baird, mais faut-il au contraire souligner
la multiplicité de sa démarche. Cela explique sans doute son incursion dans le
drame musical (Demain, 1966), la diversité de son travail sur la voix - des Quatre
Sonnets d’amour pour baryton et orchestre
de chambre sur des textes de Shakespeare
(1956) aux Quatre Chants pour mezzosoprano et orchestre de chambre (1966)
ou aux Lettres de Goethe, cantate pour
baryton, choeur et orchestre (1970) -, ou
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encore son exploration des possibilités de
l’orchestre - du concerto pour orchestre
(1953) aux Scènes pour violoncelle, harpe
et orchestre (1977).
BAKER (Janet), mezzo-soprano anglaise
(Hatfield, Yorkshire, 1933).
Profondément émue dès son jeune âge par
le chant religieux, elle travaille le chant à
Londres avec Helen Isepp, remporte en
1956 le prix Kathleen Ferrier et débute à la
scène en 1959, au festival de Bath, dans le
rôle de la sorcière de Didon et Énée de Purcell, ouvrage dans lequel elle interprétera
plus tard le personnage de Didon. Ses succès en concert au festival d’Édimbourg, en
1960 et 1961, lui ouvrent une carrière internationale qu’elle mène de front comme
récitaliste et comme cantatrice de théâtre
dans les répertoires anglais, italien, français et allemand. Ses interprétations de
Purcell, Haendel, Bach, Monteverdi, Cavalli, Gluck, Mozart, Berlioz (les Troyens),
Mahler, Britten (le Viol de Lucrèce) sont
particulièrement remarquables. Sa voix
est longue, souple, et son timbre a une
grande personnalité.
BAKFARK (Bálint) ou Valentin Greff-Bakfark, luthiste et compositeur hongrois
(Brassó-Kronchtadt, Transylvanie, 1507
? - Padoue 1576).
Il passa sa jeunesse à la cour de Jean de
Zápolya, futur roi de Hongrie, et y apprit le luth. À la mort de son protecteur,
il s’installa à la cour du roi de France,
Henri II, puis à celle du roi de Pologne.
Un long voyage le conduisit notamment
à Lyon, où il fit imprimer son premier
livre de pièces pour luth chez J. Moderne
(1553). Après divers voyages et un séjour à
Vienne au service de l’empereur Maximilien, il s’établit à Padoue, où il mourut de
la peste, cinq ans plus tard. Avec les frères
Neusiedler, Bakfark est l’un des premiers
luthistes à avoir écrit des pièces de virtuosité pour l’instrument polyphonique seul.
Son oeuvre conservée est généralement
regroupée par genres : oeuvres originales
pour le luth (fantaisies), transcriptions de
motets, madrigaux et chansons d’autres
compositeurs (Janequin, Sandrin, Arcadelt, etc.).
BAL.
Danse folklorique de caractère vif et de
rythme binaire, en usage dans l’ouest de
la France.
BALAFON.
Xylophone africain, portatif, composé
d’une douzaine de grandes lames de bois
dur reposant sur autant de calebasses faisant office de caisses de résonance.
Avec de nombreuses variantes, le balafon est répandu dans toute la partie occidentale du continent noir.
BALAKAUSKAS (Osvaldas), compositeur lituanien (Vilnius 1937).
Il étudie la musique à Vilnius, puis à Kiev
(1966-1969). Il compose essentiellement
de la musique de chambre, mais écrit aussi
quelques pièces pour orchestre : Symphonie (1973), Ad astra (1976). Son langage est
d’essence webernienne, mais, depuis 1970,
il tente de retrouver, par des modes de 8
et 9 tons, de nouvelles possibilités harmo-
niques comparables aux modes, surtout
pentatoniques, de la musique paysanne.
Dans le domaine des rythmes, chez lui
très organisés, il reprend à son compte les
résultats acquis par B. Blacher et H. Searle.
Fort élaborée techniquement, la musique
de Balakauskas s’oppose à la tradition soviétique, vouée à la cantate académique et
à la symphonie miaskovskienne.
BALAKIREV (Mili Alexeïevitch), compositeur russe (Nijni-Novgorod 1837 Saint-Pétersbourg 1910).
Cet autodidacte naquit dans un milieu de
toute petite noblesse ruinée. Oulibichev,
riche gentilhomme et excellent biographe
de Mozart, lui permit de se former au
contact de l’orchestre qu’il entretenait et,
en 1855, le présenta à Glinka. En 1877,
Balakirev entreprit la réédition de l’oeuvre
de Glinka. La même admiration le poussa,
pour tenter une réforme musicale fondée sur les principes de ce maître, à réunir autour de lui, à Saint-Pétersbourg,
de jeunes dilettantes : Cui, Moussorgski,
Rimski-Korsakov et Borodine ; ce fut la
« puissante petite bande », plus connue
sous le nom de « groupe des Cinq ». Pour
divulguer et mettre en pratique les idées
du groupe, Balakirev créa, en 1862, l’École
libre de musique, consacrée à la diffusion des oeuvres russes. Il vivait au jour
le jour : leçons de piano, prestations dans
des salons ; il fut même employé de gare,
mais trouva enfin une relative sécurité
matérielle comme directeur de la Chapelle impériale (1883-1895), institution
qu’il réorganisa profondément. Souvent
souffrant, atteint d’une grave maladie, il
avait un tempérament autoritaire qui fut
cause de l’isolement dont il souffrit à la
fin de sa vie.
Sur le plan de la composition, une soif
de perfection dans sa propre musique peut
sembler une fuite devant l’achèvement
d’un acte : il mit seize ans pour écrire
Thamar, oeuvre de vingt-trois minutes, et
trente-six ans pour sa première symphonie. Le folklore fut une source importante
de son inspiration. Balakirev manqua sans
doute de souffle et de spontanéité, mais,
sans lui, il n’y aurait pas eu de continuateur de Glinka, et, peut-être, pas de musique nationale russe.
OEUVRES PRINCIPALES
. - Ouvertures, 2 symphonies, 2 poèmes
symphoniques, 2 concertos pour piano et
orchestre, oeuvres pour piano seul (sonate,
mazurkas, valses), nombreuses mélodies,
choeurs.
BALALAÏKA.
Instrument populaire russe de la famille
du luth, à caisse triangulaire montée de
trois cordes simples ou doubles.
Comme la mandoline, dont elle se
rapproche aussi par sa touche garnie de
frettes, la balalaïka se prête au jeu mélodique par le va-et-vient rapide d’un
plectre sur la corde, qui produit ainsi un
son tremblé continu. Elle existe en plusieurs tessitures, de la basse au soprano.
On peut rencontrer des ensembles de balalaïkas très fournis.
BALASSA (Sandor), compositeur hongrois (Budapest 1935).
Ayant abordé la musique à l’âge de dixsept ans, il étudia d’abord la direction
chorale (1952-1956), puis la composition
à l’Académie de musique de Budapest
avec E. Szervansky (1960-1965). Depuis
1964, il est producteur au département
musical de la radio hongroise. Il écrivit la
cantate Âge d’or pour soprano, choeur et
orchestre en 1965, Zénith pour contralto
et orchestre en 1967, et parvint à la célébrité avec son Requiem pour Lajos Kassak
pour soprano, ténor, basse, voix mixtes
et orchestre (1969). Cette oeuvre obtint le
premier prix de la Tribune internationale
des compositeurs, à Paris, en 1972. La
même année, Balassa reçut le prix Erkel.
Ses oeuvres suivantes, parmi lesquelles
Iris pour orchestre (1971) ou Lupercalia,
« concerto in memoriam Igor Stravinski »
pour ensemble d’instruments à vent
(1972), lui ont valu une audience internationale. On lui doit aussi de la musique
de chambre et des mélodies. Son esthétique, dans la tradition expressionniste
d’Emil Petrovics, révèle une personnalité
inquiète, parfois violente, mais aux dons
mélodiques évidents. En témoigne l’opéra
Sur le seuil, sur un livret de Gaza Fodor
d’après Draussen vor der Tür de Wolfgang
Borchert, composé de 1973 à 1977 et créé
à Budapest en 1978.
BALÁZS (Árpád), compositeur hongrois
(Szentes 1937).
Il fait ses études au conservatoire de
Szeged, puis à l’Académie F.-Liszt de
Budapest, dans la classe de composition
de F. Farkas (1961-1964). Successeur spirituel de Bartók, utilisant fréquemment
la veine populaire, il ne s’est pas limité à
un postsérialisme d’éthique bartókienne.
L’importance de son oeuvre chorale en
fait un continuateur de Kodály. Balázs a
également composé de la musique symphonique, une musique de ballet, Quatorze Pièces faciles pour piano, des arrangements de chansons populaires et des
musiques de film et de scène.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
54
BALBASTRE (Claude), compositeur,
organiste et claveciniste français (Dijon
1727 - Paris 1799).
Élève de Claude et de Jean-Philippe Rameau, il s’établit, en 1750, à Paris, où il fut
titulaire des orgues de Saint-Roch (1756)
et de Notre-Dame (1760). Il occupa plusieurs fonctions à la Cour, notamment
celles de maître de clavecin de Marie-Antoinette et du duc de Chartres et d’organiste de la chapelle royale. Il survécut à la
Révolution en composant des hymnes de
circonstance, qu’il jouait à Notre-Dame,
désaffectée. Virtuose et improvisateur
acclamé, il écrivit dans le style rococo
de son temps des pièces agréables, mais
assez pauvres d’invention : airs et ariettes,
sonates en quatuor, pièces de clavecin, 14
concertos pour orgue (perdus), et, son
oeuvre la plus populaire, un recueil de
Noëls formant 4 suites avec des variations
pour le clavecin ou le forte-piano, que l’on
joue aussi à l’orgue, comme le faisait Balbastre lui-même.
BALFE (Michael William), chanteur et
compositeur irlandais (Dublin 1808 Rowney Abbey, Hertfordshire, 1870).
D’abord violoniste, il devint à Londres
l’élève du chanteur Ch. Horn et s’initia
aussi à la composition. En 1825, il se rendit en Italie pour se perfectionner en chant
et en contrepoint. Engagé par Rossini, à
Paris, comme premier baryton, il chanta
Figaro (le Barbier de Séville) avec succès en
1827. Il passa la saison 1829-30 à Palerme
comme chanteur et y fit créer son premier
opéra, I Rivali di se stessi. Après avoir été le
partenaire de la Malibran à la Scala, il regagna l’Angleterre et, sans abandonner le
chant ni renoncer à ses nombreuses tournées à travers l’Europe, il composa une
trentaine d’opéras d’une écriture agréable,
parmi lesquels The Bohemian Girl (1843)
connut la célébrité dans plusieurs pays.
BALLAD.
Mot anglais désignant une chanson sentimentale, dont on trouve de multiples
exemples dans la comédie musicale américaine.
La ballad a été l’objet d’innombrables
emprunts de la part des musiciens de jazz,
qui l’interprètent généralement en tempo
lent. Au répertoire des ballads de Hoagy
Carmichael (Star Dust), Vernon Duke,
George Gershwin, Jerome Kern, Cole Porter (Body and Soul), Richard Rodgers, les
musiciens de jazz ont ajouté des pièces
telles que I let a Song go out of my Heart, de
Duke Ellington, et Round’bout Midnight,
de Th. Monk.
BALLADE.
Une des formes fixes de la poésie lyrique
du Moyen Âge, la ballade est une composition strophique, à l’origine monodique,
puis polyphonique. Il s’agit d’une chanson à danser, formée d’une ou plusieurs
strophes identiques et reliées entre elles
par un refrain. Chaque strophe comporte
deux phrases musicales (la première répétée), suivies généralement du refrain
(schématiquement : AAB+ refrain). Au
XIIIe siècle, la ballade est illustrée par les
trouvères, notamment Adam de la Halle,
au XIVe par les musiciens de l’Ars nova,
comme Guillaume de Machaut, auteur de
42 ballades (1 seule monodique, 16 à deux
voix).
Au siècle suivant, la ballade poursuit
son développement avec G. Dufay et G.
Binchois. La plupart des textes mis en
musique parlent d’amour courtois pour
une dame chère et inaccessible. La forme
disparaît à la fin du siècle ( ! BALLATA).
En Angleterre, la ballad, chantée au
XIIIe siècle par des ménestrels et des jongleurs, épouse la forme des quatrains, et la
musique des différentes strophes ne varie
pas. Comme la ballata et la ballade fran-
çaise, la ballade anglaise n’est pas
par les musiciens du XVIe siècle. Le
réapparaîtra plus tard pour désigner
pièce narrative (par exemple, Keats,
Belle Dame sans merci).
traitée
terme
une
la
En Allemagne, la ballade est également
un genre narratif, cultivé au XVIIIe siècle
sous l’influence anglaise (par exemple,
Bürger, Lénore). À l’époque du « Sturm
und Drang », des poètes romantiques, tels
Schiller, Goethe, s’inspirent des légendes
anciennes. Schubert, Schumann, Brahms
les mettent en musique, avec accompagnement de piano.
Enfin apparaît au XIXe siècle, la ballade
instrumentale, dont les 4 ballades pour
piano de Chopin sont le modèle. Citons
aussi Fauré (Ballade pour piano et orchestre) et Ibert (Ballade de la geôle de Reading pour orchestre, d’après O. Wilde).
BALLAD OPERA.
Forme anglaise de théâtre lyrique au
XVIIIe siècle, différente aussi bien de
l’opéra que de l’opéra-comique.
Les dialogues sont parlés, les airs et les
choeurs sont empruntés soit à des chansons populaires, soit à des oeuvres de
maîtres renommés (Purcell, Haendel). Les
plus célèbres parmi les compositions de ce
genre sont le Beggar’s Opera (l’Opéra des
gueux) de J. Gay et J. Pepusch (1728) et
The Devil to pay de Ch. Coffey (1731), qui,
traduit en allemand sous le titre Der Teufel
ist los, fut à l’origine du Singspiel en Allemagne et en Autriche. Vers la fin du siècle,
les ressources des chansons populaires
s’épuisant, on eut de plus en plus recours
à une musique originale et le genre se rapprocha de l’opéra-comique.
BALLARD. Famille d’éditeurs et d’imprimeurs de musique français.
La maison fut fondée en 1551 par Robert Ballard († 1588) avec son cousin, le
luthiste, Adrien Le Roy et reçut un privilège du roi Henri II. Pendant cette période
furent imprimés nombre de chansons polyphoniques, de messes, de psaumes et de
motets (Sermisy, Janequin, Le Jeune, Goudimel, Lassus). La direction de l’entreprise
se transmit ensuite strictement de père
en fils jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et à la
septième génération. Pierre († 1639) reçut
de nouvelles lettres patentes en 1633. Il
publia des pièces pour luth et des oeuvres
de Du Caurroy, Moulinié, Titelouze ;
Robert II après 1650, les oeuvres de Du
Mont et des opéras de Cambert comme
Pomone (1671) ; Christophe (1641-1715),
qui fut imprimeur de l’Académie royale
de musique, d’innombrables airs à boire
ainsi que les tragédies lyriques de Lully et
les opéras de Campra, Destouches, Desmarets. Sous la direction de Jean-Baptiste
Christophe (v. 1663-1750), la concurrence
devint redoutable et la maison commença à perdre son hégémonie tout en
éditant Charpentier, Delalande, Couperin et Rameau. Suivirent Christophe Jean
François (v. 1701-1765) et Pierre Robert
Christophe († 1812), qui dirigea la maison
jusqu’en 1788.
BALLATA (ital. ballare, « danser »).
Forme répandue en Italie de la fin du XIIIe
au XVe siècle.
C’est une composition strophique, à
l’origine monodique, plus tard polyphonique, destinée au chant et à la danse, dont
la structure correspond, dans le domaine
français, non à la ballade, mais au virelai.
La forme fondamentale est la suivante : un
refrain (ripresa) ; deux phrases (piedi) qui
se chantent sur une même mélodie ; puis
le retour, sur un texte nouveau, mais empruntant les rimes du refrain, de la phrase
musicale du début (c’est la volta) ; enfin,
le retour du refrain (ripresa), texte et musique. Soit, schématiquement : A BB A’A.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle,
la ballata fit fureur, notamment à Florence, avec Landini. Elle fut cultivée aussi
par Nicolaus da Perugia, Bartolino da Padova, Ciconia, puis Dufay et A. de Lantins,
avant d’être détrônée par la frottola.
BALLET (MUSIQUE DE).
La musique et la danse étroitement unies
dans un spectacle habilement conçu, cela
arrive parfois, et l’on assiste à ce que l’on
appelle « une parfaite réussite ». Cette
fusion s’est réalisée en mainte occasion
depuis que la danse est montée sur la
scène (le Triomphe de l’Amour, mus. de
Lully, chorégr. de Beauchamp et de Pécourt, 1681), depuis qu’elle est devenue
théâtrale.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
55
Au fil des siècles, le public a pu bénéficier d’un certain nombre de ces réussites.
De ces chefs-d’oeuvre, quelques-uns sont
arrivés jusqu’à nous ; nous pouvons donc
les voir et les entendre, tout à la fois, dans
leurs formes premières, grâce à des documents, des partitions intactes, des notations.
Peut-on expliquer ce qui a si parfaitement réussi à un chorégraphe et à un
musicien dont la collaboration se voit
couronnée de succès ? Peut-on oublier
que certains prônent la composition d’un
ballet sur n’importe quelle musique, que
d’autres, des compositeurs de renom ou
qui se jugent eux-mêmes plus artistes
que le chorégraphe, pensent que leur
musique souffrirait d’une adaptation chorégraphique ? Peut-on oublier aussi que
des chorégraphes, au nom de leur inspiration, « massacrèrent » des partitions
exceptionnelles, que des danseurs - hélas
sans rythme - ratèrent de beaux ballets
bien construits et que des compositeurs
médiocres eurent quand même droit à
des morceaux chorégraphiques d’une rare
qualité ?
Le problème des rapports entre la musique et la danse, la musique et le ballet, a
toujours été soulevé et nul n’a pu y apporter de véritable solution. La question est
encore entière. Musique préexistante ou
musique composée spécialement ? Le chorégraphe doit-il suivre fidèlement la partition sans trahir le compositeur ou même,
dans certains cas, le librettiste ? Doit-il
écrire son propre argument, réaliser son
canevas chorégraphique et commander
sa musique à un compositeur qu’il aurait
préalablement choisi ? Ou bien, encore,
doit-il composer dans le silence et chercher ensuite une musique adéquate ?
Au-delà de ces questions, on peut,
pourtant, affirmer que la musique et la
danse ont eu de tout temps des rapports
étroits et privilégiés. N’y avait-il pas qu’un
seul mot, « danse », pour désigner la suite
de pas et l’air sur lequel elle s’exécutait ?
Peut-être cette interdépendance est-elle à
l’origine d’une émancipation que la musique et la danse recherchaient depuis que
les premiers auteurs du XVe siècle tentèrent de codifier les pas de danse et de défi-
nir la danse dans son unicité. Plus la danse
s’élaborait, plus elle tendait à son autonomie. Engendrant son propre rythme,
la danse pouvait donner son tempo à la
musique qui la soutenait. Danses de cour
ou danses villageoises, divertissement de
l’homme civilisé de la cité ou de l’homme
rustique, les danses franchirent un pas
considérable à partir du moment où la
danse, expression première de l’homme,
devint spectacle. La musique devint support, soutien, faire-valoir ou, au contraire,
impulsion, élément essentiel de la composition dansée.
C’est sensiblement vers le XVIe siècle
que danse et musique eurent leur identité propre. Les danses de cour (gaillardes,
pavanes), les danseries issues de chansons
s’ordonnancèrent peu à peu, se construisirent dans un lieu, non pas clos, mais
délimité, où, au niveau du sol, on pouvait suivre les évolutions, et où, au niveau
d’une galerie surélevée, on pouvait lire les
dessins et la géométrie des évolutions des
danseurs. Les premières danses décrites
s’ornèrent d’additions, de variations rythmiques dont on retrouve l’existence dans
les musiques correspondantes.
Au Moyen Âge, dans les fêtes et les
festivités, la danse est déjà un spectacle.
Mais la forme de ces spectacles n’est pas
définie : on y donne pêle-mêle, à côté de
la danse, des chants, des pantomimes, des
acrobaties, des pièces de poésie. Mais c’est
à cette époque que la danse commence à
devenir figurative, encore qu’il faille noter
que les danses portées à la scène et celles
dansées dans les salles de bal sont presque
identiques. Leur amalgame en forme de
ballet se fera sous l’emprise de la musique
et leur structure se pliera aux règles musicales. En fait le ballet « spectacle » sera
toujours associé - du moins jusqu’à la fin
du XVIIIe siècle - au théâtre et à l’opéra.
DU BALLET DE COUR À L’OPÉRA-BALLET.
L’engouement pour le ballet français et la
quasi-faillite de l’implantation de l’opéra
italien en France, en dépit des tentatives
de Mazarin, sont deux faits bien réels. Le
ballet de cour vécut trois décennies.
Dans ce divertissement, il faut distinguer, dès le début, les parties vocales
avec leur accompagnement, et la partition
instrumentale dédiée exclusivement à la
danse, aux danses. Il est clair qu’il y a une
nette séparation des compétences. Sous
le règne de Louis XIII, les musiciens de
la Chambre du roi ne s’abaissent pas à
ce genre de composition ; ils en laissent
le soin à d’autres artistes, mais non des
moindres, tel Cambefort. Pierre Guédron
compose pour sa part la musique du Ballet
de la délivrance de Renaud (1617). Antoine
Boesset, musicien favori du roi, collabore
à presque tous les ballets de cour et son fils
Jean-Baptiste travaille avec Lully.
Au début du règne de Louis XIV, le ballet de cour a déjà une structure bien définie. C’est, de plus, un genre musical qui a
la faveur des courtisans et du peuple ; c’est
un genre musical essentiellement français.
Jusqu’au début du XVIIe siècle, les
genres lyriques et chorégraphiques demeurent séparés. Pour la création d’un
ballet de cour, le musicien travaille en
collaboration directe avec le chorégraphe
(on disait, alors, le compositeur de ballet).
La réputation des musiciens français est
telle que les compositeurs italiens, appelés par Mazarin, sollicitent toujours le
concours des compositeurs français pour
créer la musique des différentes entrées.
Cette façon de valoriser la danse par rapport à la partie lyrique est très significative
de l’époque. Partitions de qualité pour la
danse, passages plus simples pour les parties chantées et purement musicales.
Ni Luigi Rossi ni Francesco Cavalli
ne peuvent faire vivre l’opéra italien en
France. C’est pourtant un autre Italien,
Jean-Baptiste Lully, venu très jeune en
France, qui, de l’emploi le plus humble,
s’élève à la charge de surintendant de la
musique et crée l’opéra français. Il écrit
d’abord la musique de ballet des opéras
de Cavalli et danse lui-même. Il collabore
avec Molière et Beauchamp. Maître du
menuet, Lully l’a mis à la mode à la Cour.
Devenu danse royale par excellence, le
menuet prend alors place dans la suite
instrumentale.
Avec un sûr instinct, Lully apporte au
public français ce que ce dernier espère ;
une version musicale d’un genre théâtral
que lui ont révélé Corneille et Racine, la
tragédie. Son premier opéra - le premier
opéra français - Cadmus et Hermione
(1673) est un succès. D’Alceste (1674) à
Armide (1686), Lully déploie son art de
compositeur de musique et de ballet. Dans
les ballets, il donne une composition particulière à l’orchestre (violons, flûtes et
hautbois).
L’opéra-ballet survivra avec Pascal
Collasse qui termine Achille et Polyxème
(1687), commencé par Lully, et compose
Thétis et Pélée (1689), les Saisons (1695).
André Campra donne l’Europe galante
(1697). Avec Jean-Philippe Rameau
l’opéra-ballet connaît son second souffle
(les Indes galantes, 1735 ; les Fêtes d’Hébé,
1739). Il s’éteindra pourtant, faute de
successeurs, avec Rameau. Il étouffe sous
les critiques : dans ce genre composite, la
danse, un de ses attraits majeurs, est accusée de rompre la progression dramatique.
Cette attaque porte en elle la justification
de la scission qui va séparer l’opéra et le
ballet. Encore verra-t-on imposer dans les
opéras du milieu du XIXe siècle une action
chorégraphique, un « ballet obligé » (la
Traviata, les Vêpres siciliennes de Verdi ;
la Damnation de Faust, les Troyens de Berlioz ; Eugène Onéguine, la Dame de pique
de Tchaïkovski).
DE GLUCK ET MOZART, COLLABORATEURS DE
NOVERRE, AU BALLET ROMANTIQUE.
Les Encyclopédistes incitent les artistes à
un « retour à la nature ». Rousseau déplore
l’introduction de la danse hors de l’action
dramatique. Diderot pense que la pantomime doit être liée à l’action dramatique,
mais que la danse, en fait, ne doit pas intervenir.
On peut compter Gluck parmi les compositeurs de musique de ballet. Son Don
Juan (Vienne, 1761) est le fruit d’une
collaboration étroite entre son libretdownloadModeText.vue.download 62 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
56
tiste, Calzabigi, le chorégraphe Angiolini et lui-même. Orphée, créé à Vienne
la même année, s’orne d’un grand ballet
d’Angiolini à l’acte II ; dans une nouvelle
version (1774), Gluck inclut 6 ballets d’action. Pour Alceste (1767), il travaille avec
Noverre, pour qui la création d’un ballet
repose essentiellement sur la construction chorégraphique, la composition de la
musique n’intervenant qu’en dernier lieu.
Gluck et Noverre collaborent également
pour Iphigénie en Tauride (Paris, 1779),
qui comporte, outre une danse finale, des
interventions dansées dès le premier acte.
Noverre compose les danses des Petits
Riens de Mozart (Paris, 1778). Contrairement à Gluck, Mozart fait peu appel à
la danse pour ses opéras. Les quelques
séquences dansées des Noces de Figaro ou
de la Flûte enchantée ne sont jamais gratuites et s’intègrent parfaitement à l’action
dramatique.
Peu enclin à travailler pour le ballet,
Beethoven compose pourtant les Créatures de Prométhée pour le chorégraphe
italien Salvatore Vigano, qui présente cet
ouvrage à Vienne en 1801.
Le romantisme en matière de ballet
s’est révélé dans une tendance à l’exotisme
(la Bayadère, la Péri) et une tendance à
l’immatérialité, une vision fantomatique
des êtres et du monde (la Sylphide). Le
chorégraphe, qui a écrit son histoire,
construit son ballet ; il impose son schéma
au musicien. Les partitions ne sont guère
brillantes, mais elles s’adaptent parfaitement à la chorégraphie et traduisent assez
bien l’atmosphère du ballet. Jean-Madeleine Schneitzhöffer est l’auteur de la
musique de plusieurs ballets, mais il doit
de survivre à la Sylphide (1832), ballet que
compose Filippo Taglioni pour sa fille
Marie. Adolphe Adam a une renommée
plus grande que celle du compositeur de
la Sylphide. Il est l’auteur de la musique de
la Fille du Danube (chorégr. F. Taglioni,
1836), et signe celle de Giselle ou les Wilis
(1841), sur une chorégraphie de Jules
Perrot et Jean Coralli. Boris Assafiev et
Tchaïkovski font l’éloge de sa partition.
Plus tard, il réalise la Fille de Gand pour
Albert (1842), puis la partition du Diable à
quatre (1845) et le Corsaire (1856), ballets
chorégraphiés par Mazilier.
Les musiques de ballet deviennent
ensuite de plus en plus insignifiantes. On
passe rapidement aux dernières décennies
du XIXe siècle pour trouver Léo Delibes
qui signe Coppélia (1870) et Sylvia (1876),
que règlent respectivement Arthur SaintLéon et Louis Mérante. Les Deux Pigeons,
musique de Messager (chorégr. de Mérante, 1886), ont encore une version dansée actuellement.
DE BOURNONVILLE À PETIPA.
Au XIXe siècle, August Bournonville
(1805-1879) a une méthode toute personnelle pour composer un ballet et choisir sa
musique. Ayant écrit le sujet de son futur
ballet, il l’oublie dans un tiroir ; le retrouvant ensuite, il le lit, et, s’il le juge digne
d’être monté en ballet, il fait alors appel
à un musicien. À partir de ce moment, le
musicien travaille seul sur les indications
du chorégraphe. Son oeuvre terminée,
les deux hommes se concertent, découvrant de part et d’autre des détails, des
nuances que ni l’un ni l’autre n’ont entrevus. Arrangement, refonte de différentes
parties, modifications s’effectuent à partir
de confrontations. En définitive, chacun
d’eux s’est habitué à l’idée de l’autre. Si la
musique est bonne, la mélodie agréable, le
rythme correspondant à la construction
chorégraphique, la partition sera dansante
et dansable.
À la fin du XXe siècle, une virtuosité
gratuite, les luttes incessantes des étoiles
ternissent le lustre de la danse. Le ballet
se sclérose, il s’enlise dans l’indigence et
peu de tentatives viendront le sortir de
l’ornière avant la venue en France des Ballets russes.
En Russie la composition musicale pour
les ballets est tout autre. Pugni, Minkus et
Drigo ont la haute main sur la musique
de ballet. Fonctionnaires appointés des
théâtres impériaux, ces musiciens sont
considérés en qualité de compositeurs de
ballet et on les surnomme « musiciens à
tiroirs ». Ce surnom leur vient d’une technique toute particulière de création.
Avant l’innovation - d’un incomparable apport artistique - de la collaboration d’un chorégraphe et d’un musicien
de renom, le chorégraphe « commandait »
sa musique à un compositeur patenté. Petipa, avant de travailler avec Tchaïkovski,
demandait à Léon Minkus, compositeur
attitré du Bolchoï, la musique pour un
ballet. Ce dernier, qui avait en réserve des
séquences musicales composées au hasard
de son inspiration et qu’il avait classées
par genres, puisait dans ce stock pour assembler un tout cohérent pouvant s’adapter à la chorégraphie de l’auteur qui avait
minutieusement précisé toutes les indications scéniques. Il suffisait au musicien de
faire des « raccords » pour que la partition
soit complète. Cesare Pugni (musique du
Petit Cheval bossu, de la Fille du Pharaon,
du Corsaire), Léon Minkus (musique de
Don Quichotte, de la Bayadère) et Ricardo
Drigo (musique du Talisman, des Millions
d’Arlequin) ont composé de cette manière
plus de trois cents musiques de ballet.
Les premières versions de nombre de
ballets, dont le succès les fit danser jusqu’à
nos jours et même inscrire au répertoire
de différents théâtres et compagnies, ont
résisté au temps, non pas grâce à leur support musical, mais à la chorégraphie et au
livret dans la ligne de l’époque. Le même
ballet remonté sur une musique différente
reste encore valable aujourd’hui (par
exemple, le Prisonnier du Caucase). L’association de Tchaïkovski et de Petipa propose des horizons nouveaux au ballet. Qui
se souvient des premières versions de la
Belle au bois dormant, du Lac des cygnes... ?
Même sujet, nouvelle chorégraphie de M.
Petipa, sur une partition de Tchaïkovski,
le ballet connaît le succès, la tradition
le transmet et le préserve de génération
en génération. Où se situe la différence ?
Où se situe la frontière entre la postérité
et l’oubli ? La musique a été associée à la
danse de manière délibérée. Le musicien a
composé pour le chorégraphe ; tous deux
ont travaillé ensemble avec une même
volonté : réaliser un ballet.
LE DÉBUT DU XXE SIÈCLE : ISADORA DUNCAN,
LES BALLETS RUSSES.
Le ballet aurait plutôt tendance à négliger
l’apport de la danseuse américaine Isadora
Duncan (1878-1927), dont la technique,
si elle peut être ignorée du ballet, dans sa
conception strictement théâtrale, n’en a
pas moins, pour certains, transformé la
danse, qui, après elle, allait être différente.
Elle rejeta tout : la discipline classique, les
chaussons de pointe et le tutu. Elle dansait
pieds nus ; elle improvisait sur des musiques qu’elle aimait et qu’elle « sentait ».
Quand Isadora Duncan parut, la danse
se mourait. De tout. De sa virtuosité, de
sa musique sans vie. Du cloisonnement
qui séparait les artistes. Pourtant elle ne
voulut pas s’intéresser à une musique spécialement conçue pour la danse. Pas plus
qu’elle ne se tourna vers les compositions
contemporaines, dont elle trouvait les
rythmes antinaturels, ne convenant pas
aux mouvements et impulsions naturels
du corps. Elle affirmait que les partitions
de cette époque ne pouvaient pas s’ins-
crire dans le contexte d’une harmonie
universelle, à laquelle elle voulait faire
tendre la danse. Elle dansa sur du Bach, du
Beethoven, du Chopin, mais elle le faisait
avec une certaine réticence, trouvant que
« c’était un crime artistique que de danser
sur de telles musiques ».
Diaghilev, organisateur de concert,
a déployé une large activité pour faire
connaître à l’Europe les musiciens de
l’école russe. Il organisa des concerts
où l’on découvrit Boris Godounov (avec
le ténor Féodor Chialiapine) et la Khovanchtchina de Moussorgski. Dès 1909, il
présentait à Paris ses Ballets russes, dont
l’apport musical a été considérable. Après
les musiques édulcorées et sans relief des
compositions de la fin du XIXe siècle et des
premières années du XXe, l’éclatement des
orchestrations contemporaines réveilla
l’intérêt du public qui n’attendait que ce
révélateur pour porter au plus haut une
musique étonnante et d’un autre registre.
Avec les Ballets russes, il y avait la
danse, la danse exécutée avec ferveur et
passion par des artistes au nom dès lors
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
57
prestigieux (Karsavina, Fokine, Balanchine, Nijinski, etc.). Il y avait aussi,
chaque soir de représentation, un véritable concert qui soulevait également
l’enthousiasme - et, parfois, la contestation - du public. Les compositeurs russes
sont largement représentés : Borodine (les
« danses polovtsiennes » du Prince Igor),
Rimski-Korsakov (le Coq d’or, Shéhérazade) et, surtout, Stravinski avec l’Oiseau
de feu, le Sacre du printemps, Petrouchka,
Pulchinella, les Noces.
Debussy, à qui il avait été demandé
d’écrire une musique pour les Ballets
russes, répondit par son fameux « Pourquoi ? ». Quelle signification donnait-il à
cette interrogation : pourquoi non, après
tout, pourquoi pas... ? Et il écrivit l’Aprèsmidi d’un faune, qu’il fit suivre - en dépit
du scandale provoqué par la chorégraphie
« osée » de Nijinski - d’une autre partition,
Jeux, que signa le même chorégraphe.
Qui pouvait imaginer que des com-
positions pour piano de Chopin seraient
orchestrées ? C’est, pourtant, ce qui arriva
à plusieurs d’entre elles que Michel Fokine
choisit pour régler Chopiniana (appelé par
la suite les Sylphides). La partition du ballet
regroupe plusieurs pièces (2 préludes, 1
nocturne, 3 valses et 2 mazurkas), dont
l’orchestration a été demandée à Glazounov et à Keller. Ce choix incita de nombreux chorégraphes à choisir des partitions de musiciens célèbres pour monter
leurs ballets.
Pendant vingt ans, les Ballets russes
concentrèrent dans leurs programmes l’essentiel de la musique contemporaine, avec
ses tendances, ses innovations techniques
et ses esthétiques. Certes, l’ensemble de
ces musiques ne tenait pas totalement du
chef-d’oeuvre, mais c’était plutôt un panorama de la musique contemporaine. Ravel
(Daphnis et Chloé), Manuel de Falla (le Tricorne), Richard Strauss (la Légende Joseph),
Francis Poulenc (les Biches), Georges
Auric (les Facheux), Eric Satie (Parade) et
Prokofiev (le Fils prodigue) étaient inscrits
au répertoire.
Cocteau avait demandé à Diaghilev de
l’étonner ; il ne fut pas le seul à l’être. Mais
Diaghilev, en plus de cet immense étonnement de l’oreille, de l’oeil et du coeur
qu’il suscita par ses spectacles, ouvrit la
voie à toute la contemporanéité, que fit
découvrir le ballet aux nouvelles générations. Après la mort de Diaghilev, plusieurs troupes tentèrent de faire revivre
les moments d’exceptionnelle qualité que
tous, public et artistes, vécurent de 1909 à
1929. Ainsi furent les tentatives des Ballets
de Monte-Carlo, dont l’éclat n’eut qu’une
courte durée.
Les Ballets suédois (1920-1925) voulurent du nouveau. Ils choisirent d’être
l’avant-garde. Le ballet moderne doit refléter la vie intellectuelle de son temps et
associer au même titre poésie, peinture,
musique et danse. L’innovation des Ballets
suédois de Jean Borlin et de Rolf de Maré
se situe plutôt au niveau de la scénographie (les Mariés de la tour Eiffel) que dans
le domaine musical, où ils firent appel à
Casella, Satie, Milhaud, Alfvén, entre
autres. De son côté, Ida Rubinstein (18851960) offrit des spectacles, éblouissants
feux d’artifice, que l’aidèrent à préparer
peintres, décorateurs et chorégraphes
en renom, et dont les musiciens avaient
pour noms Debussy (le Martyre de saint
Sébastien), Sauguet (David), Honegger
(Amphion, Sémiramis).
ATTITUDES ET TENTATIVES DES CHORÉGRAPHES
CONTEMPORAINS.
Bien qu’influencé par Isadora Duncan
dans sa recherche de la liberté d’expression, Fokine jugera - contrairement à cette
danseuse « libre » - que l’on peut danser sur toute musique. C’est même cette
volonté délibérée d’adaptation qui lui a
fait composer un nombre considérable de
ballets de genres totalement différents. De
Chopiniana à Petrouchka, en passant par
le Spectre de la rose (Weber), Daphnis et
Chloé, Bluebeard (Offenbach), Francesca
da Rimini (Tchaïkovski) ou le Lieutenant
Kije (Prokofiev), toutes les partitions
étaient préexistantes.
Balanchine, le maître du ballet abstrait,
a fait de la danse le contrepoint visuel de
chaque partition ; partition qui est toujours antérieure à la chorégraphie. Ses
grands ballets figuratifs ont suivi la tradition de la création chorégraphique,
mais ses oeuvres abstraites, elles, ont suivi
rigoureusement les partitions. Non pas
absolument « pas contre note », car la
musicalité et la compétence musicale de
Balanchine sont plus subtiles, plus nuancées que ce jeu strict et respectueux de
l’écriture d’une partition. Il s’en joue, il
retient, il devance, il retrouve la phrase,
la note même. Sans histoire à raconter, la
danse est belle, elle est juste, elle est souvent émouvante. Elle est musique visuelle.
Serge Lifar, qui fit partie des Ballets russes, a affirmé dans son Manifeste
du chorégraphe (1935) certaines idées
concernant la libération du ballet de
toute contrainte musicale. Il voulait que
la danse retrouve son autonomie et que le
ballet ne soit l’illustration d’aucun art. La
danse a, en elle-même, son propre rythme
et c’est le chorégraphe qui conçoit la base
rythmique du ballet. Ainsi en a-t-il fait
pour la création de son ballet Icare, pour
lequel il dicta les rythmes au compositeur
Georges Szyfer. Mais, en fait, cette libération était illusoire, car, même simplifiée
à l’extrême, comme ce fut le cas, à une
rythmique d’instruments à percussion, la
partition existait effectivement. D’ailleurs,
Lifar revint de lui-même sur cette attitude
et prit certains accommodements avec la
musique.
La contrainte semble, certes, difficilement tolérable pour le chorégraphe ;
mais le compositeur se retranche derrière
cette même appréhension quand il s’agit
de créer sous les directives impérieuses
du chorégraphe. Comment donc concevoir une libre collaboration, sans asservissement d’aucune sorte ? Comment ne
jamais trahir le dessein d’un compositeur,
qu’il soit présent ou non, au moment de la
création chorégraphique ?
Par exemple, pour Michel Descombey
(né en 1930), « l’idée d’un ballet naît soit
d’une anecdote, soit d’une musique préexistante ». Dans le premier cas, il faut
choisir une musique qui soit adéquate à
l’anecdote, dans le second cas, il faut que
l’atmosphère de la musique choisie détermine un thème. C’est le cas pour sa Symphonie concertante qu’il régla sur la partition de Frank Martin. Le thème en est « la
solitude, le refus des autres ». La diversité
des rythmes et des timbres de la partition
permit au chorégraphe de trouver une
forme parfaitement adaptée à sa composition chorégraphique. Il choisit la forme
concertante qui utilise les ressources
offertes par l’association de plusieurs solistes avec l’orchestre, de plusieurs solistes
entre eux ou de groupes différents entre
eux. Descombey a pratiquement disséqué
la partition, travaillant au magnétophone,
repassant de nombreuses fois une même
séquence pour en apprécier la pulsion
rythmique. L’oeuvre qu’il a composée de
cette manière, il l’a transmise point par
point à ses danseurs, dans la recherche
d’une perfection synchronique.
Des tentatives de tous ordres ont été
faites pour rendre la danse indépendante
de la musique, tout en conservant à la
musique un rôle de support rythmique
sans que l’on retombe dans les inepties du
XIXe siècle, soit pour que la danse « colle »
parfaitement à la partition ou pour qu’elle
soit une visualisation de la partition. Le
Jeune Homme et la Mort, ballet que réalisa
Roland Petit, d’après des indications de
Jean Cocteau, aussi bien pour l’argument
et la chorégraphie que pour les décors et
les costumes, a été répété sur une musique
de jazz au rythme syncopé. Le jour de la
première seulement, les interprètes surent
qu’ils allaient danser sur la Passacaille de
Bach. Quelle preuve évidente, alors, que le
ballet possédait déjà son propre rythme !
À cette méthode de travail on peut,
peut-être, opposer celle d’un Balanchine,
par exemple, qui règle ses chorégraphies
comme le musicien compose sa partition
ou comme le peintre agence son tableau.
C’est-à-dire qu’il assigne à chacun de ses
gestes une valeur qui a une réelle importance dans l’ensemble de la composition et
les uns par rapport aux autres. Ses structures chorégraphiques se sont parfaitement adaptées à la musique sérielle. Pourtant, par ailleurs, que dire de ses méthodes
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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de travail avec Stravinski, lorsque tous
deux envisageaient la création d’Orphée
comme n’importe quels chorégraphe et
compositeur du XIXe siècle, minutant, évaluant la durée possible d’une traversée de
scène ?
Autre personnage de la danse contemporaine, Maurice Béjart est un amoureux de la musique. « J’écoute la musique
parce qu’elle représente la charpente de
ma vie », dit-il. Il sait, sans doute plus que
tout autre, que la danse, reflet d’un instant
donné, se périme rapidement. Ne dit-il
pas lui-même que ses propres oeuvres seront bientôt dépassées, qu’un autre que lui
en aura une vision nouvelle ? Son Sacre du
printemps, qui renouvelait la version qu’en
avaient donné les Ballets russes, s’est vu
affronté par celle qu’a créée récemment
John Neumeier.
Pour Béjart, c’est aussi grâce à Isadora
Duncan que la danse a pu être envisagée
dans une autre ambiance sonore. Il est
persuadé que, si Webern avait connu et
aimé la danse, il aurait compris son travail
de chorégraphe et qu’il aurait approuvé
son adaptation de sa musique. Les musiques qu’il utilise sont parfois désarticulées, parfois brusquement coupées par des
interventions étrangères, insolites, mais,
souvent, pour apporter une information
visuelle complémentaire.
Il a abordé des partitions nullement
faites pour la danse et en a conçu des
oeuvres qui sont d’amples visualisations de
la musique. La construction géométrique
de Symphonie pour un homme seul (de
Pierre Henry et Pierre Schaeffer) l’avait
frappé ; il en a été de même pour le Marteau sans maître et Pli selon pli de Pierre
Boulez. Pour Maurice Béjart, un ballet
que l’on regarde peut être à l’origine d’une
meilleure compréhension de la musique.
Pour lui, la musique gagne presque toujours à servir de support à la danse, même
si la composition chorégraphique se permet certaines libertés de rythmes ou d’expression. Il choisit toujours ses musiques
en toute liberté. Méfiant à l’égard des
« commandes », il a pourtant travaillé avec
Berio pour I trionfi, ballet qu’on lui avait
commandé pour être créé à Florence, en
hommage à Pétrarque. Sans doute étaitce la première partition contemporaine
écrite dans de telles conditions, mais cette
collaboration, ce travail de recherche ont
été des plus fructueux. Béjart, que cette
expérience a pleinement satisfait, semble
prêt à recommencer. Mais peut-être de
telles réalisations poseraient-elles avec
acuité les problèmes de la collaboration.
Problèmes qui sont loin d’être résolus et
qui, s’ils touchent les parties artistiques et
musicales de l’oeuvre, n’en sont pas moins
le reflet d’affrontement de personnalités.
QUELQUES QUESTIONS EN FORME DE
CONCLUSION.
Les rapports de la musique et de la danse
peuvent être résumés à une simple question de rythme. Mais ce serait évidemment trop schématiser. En musique, certaines partitions sont très simples tant leur
lecture est évidente ; les points de repère
auditif sont nets et il est aisé de jalonner la
composition chorégraphique grâce à ces
références. Souvent cette simplicité n’est
qu’apparente et il est difficile de détecter
des jalons auditifs pour construire une
danse cohérente et bien adaptée à la partition.
Une question peut encore se poser.
Comment la danse, art de l’éphémère,
peut-elle résister à l’usure du temps ?
Comment la danse, reflet d’un moment
privilégié, d’une époque peut-être, peutelle être associée à une musique qui, elle,
même si elle n’est pas un chef-d’oeuvre incontestable, a de larges moyens de conservation (partitions écrites, imprimées,
enregistrements magnétiques, disques) ?
La musique, telle que l’a composée un
musicien, conserve son identité ; le style
de la danse - même classique - évolue. Un
même ballet, dansé par des générations
différentes de danseurs, n’a pas à chaque
époque la même apparence visuelle. Une
symphonie de Beethoven sera presque
toujours égale à elle-même, les subtilités
des variations d’interprétation se situant
au niveau de la direction d’orchestre.
La survie, ou du moins la longévité d’un
ballet, peut être considérée par rapport
aux qualités de celui qui l’a créé chorégraphiquement, mais aussi par rapport à
celui qui en a composé la musique. Certaines partitions, qui n’ont pas été créées
pour le ballet, ont fort bien supporté cette
existence parallèle. Des compositeurs qui
aimaient la danse, qui ne la redoutaient
ni comme rivale ni comme élément destructeur, ont réalisé des partitions intéressantes (Bacchus et Ariane d’Albert Roussel
ou l’Amour sorcier de Manuel de Falla).
C’est l’évolution même de la musique
qui a rendu son association avec le ballet plus difficile. L’arythmie de la plupart
des partitions musicales contemporaines
oblige le chorégraphe à des ruptures de
phrases, à d’incessantes modifications
dans son discours. L’évolution savante, intellectuelle de la musique a banni en partie le lyrisme que la musique tonale permettait d’exprimer. L’émotion ressentie
naguère a fait place, le plus souvent, à un
état de tension qui est peut-être à l’origine
d’une autre forme de sensibilité. Mais qui
a le plus évolué ? La musique qui a trouvé
d’autres langages au cours de ses incessantes recherches ou la danse qui parvient,
pour vivre son époque, à se plier à une discipline plus rigide encore que celle dont
elle entendait se délivrer ?
BALLETTO (ital. ; « ballet »).
Terme désignant en particulier une chanson strophique à danser, généralement à
cinq voix et de structure simple, caractérisée par un refrain sur les syllabes « fala-la ».
À cette chanson, pouvaient se joindre
les instruments. Cette forme connut
une grande vogue en Italie à la fin du
XVIe siècle et franchit rapidement les frontières. Son représentant le plus célèbre
fut Giovanni Gastoldi, dont les Balletti a
cinque voci parurent en 1591. En Angleterre, Thomas Morley publia, en 1595,
ses Balletts a 5, dont le célèbre Now is the
Month of Naying, que Rosseter arrangea
pour concert instrumental. Peu à peu, le
balletto devint une forme purement ins-
trumentale.
BALLIF (Claude), compositeur français
(Paris 1924).
Il a fait ses études au conservatoire de Bordeaux, puis à celui de Paris (1948-1951)
avec Noël Gallon, Tony Aubin et Olivier
Messiaen. Il a ensuite (1951) travaillé à
Berlin avec Boris Blacher et Josef Rufer,
ainsi qu’à Darmstadt avec Hermann
Scherchen. En 1955, il a obtenu le premier
prix de composition au concours international de Genève pour son oeuvre Lovecraft, et enseigna aux Instituts français
de Berlin (1955-1957) et de Hambourg
(1957-58). Rentré en France en 1959, il a
travaillé au Groupe de recherches musicales de l’O. R. T. F. avant d’entreprendre
une carrière de professeur. Il a enseigné l’analyse et l’histoire de la musique
à l’École normale de musique de Paris
(1963-64), la pédagogie, puis l’analyse au
conservatoire de Reims (à partir de 1964).
En 1968, il a participé à la fondation du
département de musique de l’université
Paris-VIII (Vincennes), qu’il a ensuite dirigé pendant un an, et il est, depuis 1971,
professeur d’analyse au Conservatoire de
Paris. En 1978-79, il a passé un an comme
professeur à l’université McGill de Montréal, tandis que le compositeur et professeur Bruce Mather le remplaçait à Paris.
Libre de toute école, Claude Ballif a
adopté, dès les années 50, une position
particulière, refusant l’alternative tonalité-atonalité, ne voyant dans les termes
« tonal », « atonal » ou « modal » que les
reflets de situations limites, et développant pour sa part le concept de métatonalité, fondé sur une échelle de onze sons
et capable de prendre en compte toute
écriture musicale. Son Introduction à la
métatonalité (1953) est parue en 1956. Il
a publié également une monographie sur
Berlioz (1968) et de nombreux articles,
dont certains réunis en volume (Voyage de
mon oreille, 1979). Solitaire non dépourvu
d’humour, c’est un homme de culture
doté d’une grande curiosité et d’une solide
foi religieuse.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
59
On lui doit à ce jour une bonne soixan-
taine d’ouvrages. Citons, pour piano solo,
5 Sonates (1953-1960), Airs comprimés op.
5 (1953), Pièces détachées op. 6 (1952-53),
Bloc-notes op. 37 (1961) ; 4 Sonates pour
orgue op. 14 (1956) ; pour flûte et piano,
la Sonate op. 23 (1958) et Mouvements
pour deux op. 27 (1959) ; 3 trios à cordes,
3 quatuors à cordes (1955-1959) et de la
musique de chambre diverse ; 1 quatuor
pour trio à cordes et percussion op. 48
(1975) ; la série des 6 Solfegiettos pour instrument so
liste (de 1961 à 1975) ; Imaginaire I à
VI, série d’ouvrages tous conçus pour 7
instruments et tous basés sur un seul
intervalle ; pour orchestre, Lovecraft op.
13 (1955), Voyage de mon oreille op. 20
(1957), Fantasio op. 21 (1957), Fantasio
grandioso op. 21 B (création en 1977),
Ceci et cela (1959-1965), À cor et à cri op.
39 (1962) ; comme oeuvres religieuses,
Quatre Antiennes à la Vierge (1952-1965),
les Battements du coeur de Jésus pour trompette, trombone et double choeur (1971)
et le requiem la Vie du monde qui vient
(1953-1972, créé à Paris en mai 1974) ;
comme ouvrages avec voix, Phrases sur
le souffle op. 25 (1958), Fragment d’une
ode à la faim op. 47 pour 12 voix solistes
(1974), Poème de la félicité op. 50 pour 3
voix de femmes, guitare et 2 percussions
(1977). On lui doit encore Cendres pour
percussion (création en 1972), et, comme
oeuvres récentes, Ivre-Moi-Immobile op.
49 pour clarinette, petit orchestre et percussion (1976), une sonate pour clarinette
et piano op. 52 (1978), l’Habitant du labyrinthe op. 54 pour 2 percussions (1980),
Un coup de dé-Mallarmé op. 53, contresujet musical pour choeur symphonique,
2 percussions, 2 timbales, 2 contrebasses
et un ruban sonore (1978-1980), l’opéra
Dracoula (1984), la farce lyrique Il suffit
d’un peu d’air (1990-1991).
Claude Ballif a reçu le prix Arthur Honegger en 1974 et le grand prix musical de
la ville de Paris en 1980.
BALLO.
Forme musicale populaire en Italie au
début du XVIIe siècle.
Il s’agit d’une pièce de circonstance
(mariage, visite d’une personnalité importante, etc.) écrite généralement pour
une voix soliste, représentant le poète,
qui chante des strophes entrecoupées de
ritournelles instrumentales. Pour terminer, vient la danse, accompagnée par les
instruments, avec ou sans la participation
d’autres chanteurs.
BAN ou BANNIUS (Joan Albert), théoricien et compositeur néerlandais (Haarlem v. 1597 - ? 1644).
Ordonné prêtre, il termina sa vie comme
archevêque de Haarlem. Nous ne savons
rien de sa production musicale (si ce n’est
que, dans la composition d’un air de cour,
il eut le dessous face à Boesset, lors d’une
dispute esthétique à laquelle se mêlèrent
Descartes, Mersenne et les principaux
musiciens de l’époque). Mais ses traités
font autorité en ce qui concerne la musique du XVIIe siècle et, en particulier, la
monodie. Le plus célèbre est Dissertatio
epistolica de musicae natura, origine, progressu et denique studio bene instituendo
(Haarlem, 1637).
BANCHIERI (Adriano), compositeur italien (Bologne 1567 - id. 1634).
Élève de Gioseffo Guami, il fut organiste
à San Michele in Bosco, près de Bologne,
puis à Imola. Ce bénédictin, devenu abbé
du Monte Oliveto (1620), fonda l’Accademia de’ Floridi (1614) et joua un rôle fort
important dans la vie musicale à Bologne,
où on l’appelait Il Dissonante. Monteverdi,
O. Vecchi et G. Diruta étaient en relation
avec lui, et ses ouvrages théoriques, tels
que la Cartella musicale (1614) concernant
les ornements vocaux, comptent autant
que ses compositions sacrées et profanes.
L’Organo suonarino (1605) précise les
règles de l’accompagnement à partir d’une
basse chiffrée. Banchieri composa des canzone et des sonates dans le style brillant
de G. Gabrieli, comme le recueil Moderna
harmonia (1612), ou des oeuvres pour
double choeur (cori spezzati) comme les
Concerti ecclesiastici (avec accompagnement d’orgue pour le premier choeur, ce
qui justifie le titre de concerto).
Également poète (il écrivait sous le
nom de Camillo Scaglieri), Banchieri fut
l’auteur de comédies madrigalesques non
destinées à la scène. Celles-ci contiennent
des mélodies faciles, agréables, dans un
style homophonique et sur des textes souvent comiques tirés de la vie de l’époque.
Parmi ces oeuvres, citons La Pazzia senile
(1598), où figurent déjà, fait exceptionnel
à cette époque, des indications de nuances
(« forte », « piano »), la Barca di Venezia
per Padova (1605) et il Festino nella sera del
Giovedi grasso avanti cena (1608).
BANCQUART (Alain), compositeur français (Dieppe 1934).
Il a fait ses études au Conservatoire de
Paris (1952-1960), notamment avec Darius Milhaud, a été altiste à l’Orchestre
national de l’O. R. T. F. (1961-1973), puis
conseiller artistique de l’Orchestre national de France (1975-76), il est devenu
ensuite inspecteur de la musique au ministère de la Culture (1977-1984) et producteur pour Radio-France de Perspectives
du XXe siècle, puis professeur de composition au C. N. S. M. de Paris (1984-1995).
Sa formation d’altiste et son expérience
à l’intérieur d’un orchestre se reflètent
dans sa musique, marquée par son goût
des timbres et sa passion pour la poésie. Sa
personnalité s’est affirmée dans une série
d’oeuvres instrumentales, et, plus encore
peut-être, dans l’alliance musique-poésie
des oeuvres vocales et chorales. Citons,
parmi les premières, la Naissance du geste
pour orchestre à cordes et piano (1961),
Symphonie en trois mouvements pour
grand orchestre (1963), un concerto pour
alto (1964), Passages pour grand orchestre
(1966), Palimpestes pour 22 instrumentistes, où il a expérimenté l’emploi systématique des quarts de ton (1967), Écorces
I pour violon et alto (1967), II pour violon,
clarinette, cor et piano (1968) et III pour
trio à cordes (1969), Thrène I (1967) et II
(1976) pour trio à cordes, cette dernière
pièce en deux versions, l’une scénique
sur un texte de Marie-Claire Bancquart
et de Pierre Dalle Nogare et l’autre instrumentale, Simple, 6 pièces pour orchestre
(1972), Une et désunie pour 2 trios à
cordes (1970, version pour 2 orchestres
à cordes 1973). Et, parmi les secondes,
Strophes pour choeur mixte et ensemble
instrumental (1966), Ombre éclatée pour
voix de femme et orchestre (1968), Proche
pour voix de basse et violoncelle ou alto
(1972), À la mémoire de ma mort pour
choeur mixte a cappella (1975-76).
De 1977 date Ma manière de chat pour
harpe seule. La même année, Bancquart
fut cofondateur du C. R. I. S. S. (Collectif
de recherche instrumentale et de synthèse
sonore), centré sur le traitement instru-
mental du son électrique : dans l’opérathéâtre l’Amant déserté, sur un texte de
Marie-Claire Bancquart et de Pierre Dalle
Nogare (1978), l’électronique se mêle à
des instruments traditionnels électrifiés
et certaines scènes sont écrites en quarts
de ton (il en existe aussi une version instrumentale). Bancquart a écrit ensuite une
Symphonie pour grand orchestre que, malgré l’ouvrage de 1963, il considère comme
sa première (1979), une Symphonie de
chambre pour violoncelle en quarts de ton,
flûte et 14 instruments à vent (1980), Ma
Manière de double pour violon seul (1980),
Herbier pour voix et violon (1980), Voix
pour 12 chanteurs (1981), une Symphonie no 2 (1981), une Symphonie concertante
pour harpe et 13 instruments (1981), une
Symphonie no 3 (Fragment d’Apocalypse)
pour solistes vocaux et instrumentaux
et orchestre (1983), l’opéra de chambre
les Tarots d’Ulysse (1984), Mémoires pour
quatuor à cordes (1985), une Symphonie
no 4 (1987), Nocturne pour trio à cordes
et orchestre (1987), une Symphonie no 5
« Partage de Midi » (1992).
BAND.
Terme désignant le petit ensemble instrumental, base de l’exécution du jazz traditionnel.
Le band est formé d’une section rythmique (batterie, piano, guitare ou banjo,
contrebasse ou tuba) et d’une section mélodique (trompette ou cornet, trombone,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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clarinette, puis saxophone). Un ensemble
plus important est appelé big band.
BANDE.
Jusqu’au XVIIIe siècle, il s’agit d’une formation orchestrale régulière, composée en
principe d’instruments de même famille.
À la cour de Louis XIV, la Grande Bande
des violons du roy réunissait non seulement
des violons, mais également des altos, des
violoncelles et des violones.
Tombé en désuétude depuis la fin de
l’Ancien Régime, le terme a laissé des
traces dans la langue anglaise, où le mot
band désigne toujours les formations de
type militaire, les fanfares, harmonies
(brass bands) et, d’une façon générale, les
ensembles où dominent les instruments
à vent, y compris les jazz bands, dance
bands, etc.
BANDIR ou BENDIR.
Tambour sur cadre utilisé dans le monde
arabo-islamique et plus particulièrement
dans le Maghreb.
BANDONÉON.
Instrument de musique à soufflet et
anches libres, plus proche du concertina
que de l’accordéon.
Beaucoup plus grand que le concertina,
et de forme carrée, il en possède toutes
les autres caractéristiques. Sa pureté de
son et son étendue considérable sont très
appréciées dans les formations typiques
sud-américaines.
BANDOURA.
Instrument folklorique russe à cordes pincées, d’origine tartare, également employé
dans l’Orient musulman.
Proche parente de la balalaïka, la bandoura s’en distingue par sa caisse ovoïde
et par un nombre de cordes très variable.
BANDURRIA.
Instrument à cordes pincées, proche de
la guitare et de la famille des cistres par la
forme de sa caisse ; sa tessiture est aiguë.
En usage en Espagne depuis le
XVIe siècle, la bandurria comporte jusqu’à
six cordes simples ou doubles, au lieu de
trois à l’origine, et se joue avec un plectre
d’écaille.
BANISTER (John), compositeur et violoniste anglais (1630 - Londres 1679).
Charles II le remarqua et l’envoya se
perfectionner en France. En 1663, il fut
nommé chef des Violons du roi, poste
dont il fut écarté en 1667 au profit d’un
Français, Louis Grabu. Banister composa
des airs et organisa à Londres, en 1672,
les premiers concerts publics à entrée
payante qui aient eu lieu en Angleterre.
BANJO.
Instrument à cordes pincées du folklore
négro-américain dont il a été fait grand
usage au début du jazz.
Le banjo, à quatre, cinq ou six cordes,
se joue avec un plectre et produit un son
bref, percutant. Vers 1930, les banjoïstes
de l’école New Orleans, Danny Barker,
Mancy Cara, Johnny Saint-Cyr, Bud Scott,
ont cédé la place, dans la section rythmique de l’orchestre de jazz, aux guitaristes.
BANKS (Don), compositeur australien
(Melbourne 1923 - Sydney 1980).
Fils d’un musicien de jazz, il étudia au
conservatoire de sa ville natale, et s’installa en Angleterre en 1950, poursuivant
sa formation auprès de Mátyás Seiber
(1950-1952), puis auprès de Milton Babbitt à Salzbourg, de Luigi Dallapiccola à
Florence et, enfin, de Luigi Nono. Sa première oeuvre publiée fut une sonate pour
violon et piano (1953). Les Trois Études
pour violoncelle et piano (1955), le Pezzo
drammatico pour piano seul (1956) et le
concerto pour cor, écrit pour son compatriote Barry Tuckwell (1965), relèvent
de la technique sérielle, mais ce n’est pas
le cas du trio pour cor, également destiné
à Tuckwell. De 1961 date la Sonata da camera pour 8 instruments à la mémoire de
M. Seiber. Equation I (1963-64), Equation
II (1969) et Settings from Roget (1966) sont
autant de tentatives pour mêler le jazz et
la musique d’orchestre, cela dans la voie
appelée par Gunther Schuller « troisième
courant » (Third Stream), en opposant volontiers une musique de jazz se mouvant
rapidement et une musique d’orchestre
se mouvant lentement. Suivirent Tirade
pour mezzo-soprano, piano, harpe et
trois percussionnistes sur trois poèmes
de l’Australien Peper Porter (1968) et
Intersections pour sons électroniques et
orchestre (1969). Parmi les oeuvres orchestrales de Don Banks, citons encore
Divisions (1964-65), Assemblies (1966), et,
surtout, le concerto pour violon (1968).
Fondateur de l’Australian Musical Association à Londres, Banks a été président
de la Society for the Promotion of New
Music (1967-68), et, en 1969, cofondateur
de la British Society for Electronic Music.
Retourné en Australie en 1973, il y a occupé des postes d’enseignant à Canberra
(1974) et à Sydney (1978).
BANTI (Brigida), soprano italienne (Monticelli d’Ongina 1756 - Bologne 1806).
Fille d’un chanteur de rue, elle débuta
à Paris en 1776, séjourna à Londres en
1779-80, puis parcourut l’Europe avant de
revenir en 1794 à Londres, où elle se produisit jusqu’à sa retraite en 1802. C’était
une admirable actrice qui brillait particulièrement dans les récitatifs dramatiques. Elle savait à peine lire les notes et
l’écriture, mais compensait cette lacune
par une mémoire prodigieuse. En 1795,
Haydn écrivit pour elle son plus bel air
de concert, Berenice che fai ? (ou Scena di
Berenice).
BANTOCK (sir Granville), compositeur
anglais (Londres 1868 - id. 1946).
Étudiant à la Royal Academy of Music
(1889-1892), il fut attiré par les sujets
orientaux ou celtiques. De 1893 à 1896, il
publia The New Quarterly Musical Review
et défendit avec passion la musique de ses
contemporains, dirigeant des concerts de
« premières auditions », financièrement
désastreux. Professeur à l’université de
Birmingham jusqu’en 1933, il fonda son
enseignement aussi bien sur les classiques
que sur la musique vivante. Il composa
des poèmes symphoniques (Fifine at the
Fair), des symphonies (Celtic Symphony,
Hebridean Symphony), des oeuvres chorales (Omar Khayyám, 1906-1909), des
cycles de mélodies anglaises (Old English
Suites, 1909) et trois opéras.
BAR.
Terme allemand employé au Moyen Âge,
par les maîtres chanteurs, pour désigner
leurs chants.
Le bar comporte un nombre impair
de strophes (3, 5 ou 7) ; chaque strophe
contient deux couplets sur la même mélodie, suivis d’une section différente quant à
la musique et au texte. La structure d’une
strophe est généralement : AA’B. Ce plan
se retrouve souvent dans les chorals protestants, chez J. S. Bach par exemple.
BARBAUD (Pierre), compositeur français
(Alger 1911 - Nice 1990).
Après des études de lettres et de musicologie, il est bibliothécaire à la Bibliothèque
nationale, puis professeur d’éducation
musicale à l’Institut national des sports.
Il entreprend, au cours des années 50, des
travaux pour introduire la pensée mathématique et les méthodes qui en découlent
dans la composition musicale. À partir de
1958, Barbaud utilise un ordinateur, devenu indispensable devant la complexité
croissante des calculs, et abandonne la
composition manuelle et la simulation
pour la composition automatique. C’est le
moment où il fonde le Groupe de musique
algorithmique de Paris avec Roger Blanchard et Janine Charbonnier. On peut dire
que les travaux et réalisations de Barbaud
ont précédé ceux de Xenakis.
En remplacement de M. Philippot,
Barbaud a enseigné au Conservatoire de
Paris (1977-78) l’informatique musicale,
c’est-à-dire « l’élaboration, au moyen
de l’ordinateur, d’une partition qui soit
cohérente au regard d’une certaine grammaire des sons ». L’informatique musicale permet l’établissement artificiel d’un
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
61
discours musical, parfois fondé sur les
concepts a priori de l’harmonie traditionnelle (Lumpenmusik, 1974-1978), et
laisse souvent intervenir le hasard pur, à
condition qu’aucune règle ne soit violée.
Mais Barbaud préfère explorer des terres
inconnues (Maschinamentum firminiense,
1971 ; Terra ignota ubi sunt leones, 1973).
Son attitude intellectuelle est si rigoureuse
qu’il s’oblige à prendre tels quels les résultats obtenus par l’ordinateur. Tant qu’il
n’a pas eu de convertisseur numériqueanalogique à sa disposition - c’est-à-dire
jusqu’en 1974 -, Barbaud a dû effectuer
lui-même le décodage des résultats fournis
et faire exécuter la partition obtenue par
des instruments traditionnels. En 1973,
il s’associe avec l’acousticien F. Brown
et l’informaticienne G. Klein, et fonde le
groupe B. B. K. (Barbaud, Brown, Klein).
Dans les Marteaux maîtrisés, sa musique
dépasse les possibilités des instruments, et
l’ordinateur se charge de l’exécution.
Barbaud était persuadé que, à l’avenir,
cette manière de procéder remplacerait la
production artisanale de la musique.
BARBEAU (Marius), anthropologue, ethnologue et folkloriste canadien (SainteMarie, Québec, 1883 - Ottawa 1969).
Professeur à l’université Laval (Québec),
il fut l’un des premiers à s’intéresser au
folklore et devint le plus éminent folkloriste du Canada. Il recueillit des chansons
populaires, les transcrivit et les publia.
Il écrivit un ouvrage, The Folk Songs of
French Canada (les Chants populaires du
Canada francais), et, grâce à lui, le Musée
national du Canada possède plus de 5 000
mélodies folkloriques.
BARBER (Samuel), compositeur américain (West Chester, Pennsylvanie, 1910 New York 1981).
D’abord chanteur, il devient élève du Curtis Institute de Philadelphie où il étudie la
composition avec Rosario Scalero. Il obtient le prix Bearns de l’université Columbia, le prix de Rome américain et le prix
Pulitzer (1935). Au cours d’un séjour à
Rome, il écrit ses premières oeuvres (quatuor, symphonie et le célèbre Adagio pour
cordes) dans un style néoromantique. Le
concerto pour violon (1939) ouvre une
nouvelle période qui comprend, entre
autres, la 2e symphonie, le Capricorn
Concerto pour flûte, hautbois, trompette
et cordes, le concerto pour violoncelle, le
quatuor à cordes no 2 et la suite de ballet
Medea (1946). On y trouve pêle-mêle une
rythmique plus complexe, une couleur
orchestrale allant de Debussy à Webern,
une tendance de plus en plus nette vers
le contrepoint dissonant, voire la polytonalité. Puis, Knoxville, summer of 1915
pour soprano et orchestre, et une sonate
pour piano dédiée à V. Horowitz constituent une incursion sans lendemain dans
le dodécaphonisme, dont on ne trouve
plus guère de trace dans des oeuvres ultérieures comme Prayers of Kierkegaard
pour solistes, choeur et orchestre. Vanessa
(1957), opéra sur un livret de Menotti,
est une oeuvre plaisante, sincère et sans
prétention. Anthony and Cleopatra (1966),
autre partition lyrique, ne manque pas de
puissance, mais évite toute audace. Ainsi,
difficile à enfermer dans les limites d’une
seule tendance, Barber apparaît-il avant
tout comme un compositeur à la sûreté
technique sans faille, ayant le sens de la
mélodie et se maintenant avec prudence
dans un juste milieu.
BARBIER (Jean-Noël), pianiste français
(Belfort 1920 - Paris 1994).
Élève de Blanche Selva et de Lazare Levy,
il interrompt ses études musicales en
1939. Après la guerre, il se consacre surtout à l’écriture, publiant des romans, des
articles de critique musicale et, en 1961, un
Dictionnaire des musiciens français. À partir de 1950, il donne des concerts consacrés le plus souvent à la musique française
(Debussy, Déodat de Séverac, Ibert, Chabrier, etc.). Son enregistrement de l’intégrale des oeuvres pour piano seul de Satie
est primé par l’Académie du disque français en 1971. En 1974, il est nommé directeur du conservatoire de Charenton. Il est
apparu dans le film de Robert Bresson Au
hasard Balthazar (1966).
BARBIER (Jules), librettiste français
(Paris 1822-id. 1901).
Seul ou en collaboration avec Michel
Carré, il fournit des livrets à Gounod
(Faust, Philémon et Baucis, Roméo et Juliette), Meyerbeer (le Pardon de Ploërmel),
Ambroise Thomas (Mignon, Francesca da
Rimini, Hamlet), Offenbach (les Contes
d’Hoffmann), Victor Massé (les Noces de
Jeannette).
BARBIERI (Francisco Asenjo), compositeur espagnol (Madrid 1823 - id. 1894).
Il entra à quatorze ans au conservatoire de
Madrid, mais, son père ayant été tué dans
une émeute, il dut gagner sa vie comme
clarinettiste dans une clique militaire, pianiste de café, copiste et chanteur (il aurait
interprété Basile dans le Barbier de Séville).
Il devint l’un des créateurs essentiels du
théâtre musical espagnol, vite opposé au
mélodrame italien, qu’il parodia volontiers. L’oeuvre demeurée la plus célèbre
de Barbieri, la zarzuela El Barberillo de
Lavapiés (1874), est d’ailleurs une parodie du grand opéra historique et du Barbier de Rossini. Barbieri composa près de
80 zarzuelas. Wagnérien de la première
heure, animateur infatigable, homme de
culture exceptionnelle, il fut l’une des figures les plus marquantes de la musique
espagnole avant Manuel de Falla. Il publia
une ample anthologie de musiques anciennes espagnoles (Cancionero musical
de los siglos XV y XVI) et édita les oeuvres
de Juan del Encina. Il fut organisateur
de concerts, professeur d’histoire de la
musique au conservatoire de Madrid, et
il écrivit de nombreux articles musicologiques.
BARBIREAU (Jacques ou Jacobus), compositeur flamand (Mons v. 1408 - Anvers
1491).
Il occupa, de 1440 à 1491, le poste de
maître de chapelle à la cathédrale d’Anvers, où il augmenta considérablement
le nombre de chantres ; il eut J. Obrecht
pour successeur. Vers la fin de sa vie, envoyé par l’empereur Maximilien à Buda, il
y fut reçu en grande pompe en raison de
sa renommée. Trois messes (Terribilment,
Virgo parens Christi et Faulx perverse, dont
les sombres couleurs annoncent P. de La
Rue), un motet et un Kyrie montrent que
Barbireau s’inscrit dans la ligne stylistique
d’Ockeghem. Parmi ses sept chansons
conservées, Een vroylic wesen, à 3 voix, fut
très célèbre aux XVe et XVIe siècles, et se
rencontre dans plusieurs versions différentes, vocales et instrumentales.
BARBIROLLI (John), chef d’orchestre anglais d’origine italienne (Londres 1899 id. 1970).
Après des études de violoncelle à la Royal
Academy of Music (1912-1917), il entreprit une carrière de violoncelliste. En
1925, il créa un orchestre à cordes (Barbirolli Chamber Orchestra). Nommé directeur musical et premier chef d’orchestre
à Covent Garden en 1926, il succéda, en
1936, à Toscanini à la tête de l’Orchestre
philharmonique de New York. De retour
en Angleterre en 1943, il prit et conserva
jusqu’à sa mort la direction de l’Orchestre
Hallé de Manchester, dont il étendit la
réputation. Particulièrement inspiré par
Berlioz, Brahms, Verdi, Mahler, Sibelius, Barbirolli a aussi défendu les compositeurs anglais modernes (Vaughan
Williams, Bax, Walton). Il a également eu
une activité de compositeur de musique
orchestrale et d’arrangeur.
BARBITOS.
Instrument à cordes pincées de tessiture
grave, proche de la harpe, qui semble avoir
été répandu, avant l’ère chrétienne, dans
la plupart des pays de civilisation grécoromaine.
BARBIZET (Pierre), pianiste français
(Arica, Chili, 1922 - Marseille 1990).
Au Conservatoire de Paris, il obtient trois
premiers prix (piano, 1944). En 1948, il
reçoit le Grand Prix du Concours international de Scheveningen ; en 1949, il est
lauréat du Concours Marguerite LongdownloadModeText.vue.download 68 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
62
Jacques Thibaud. Parallèlement à sa carrière de virtuose, il se produit dans un cabaret de Pigalle en compagnie de Samson
François et Pierre-Petit. De 1963 à 1990,
il dirige le conservatoire de Marseille et,
en 1974, il est nommé professeur de piano
au Conservatoire de Paris, où il crée les
« Lundis du Conservatoire », série de
concerts consacrés aux jeunes talents. Il
a formé avec le violoniste Christian Ferras
un duo très renommé.
BARBLAN (Otto), compositeur suisse
(Scans, Engadine, 1860 - Genève 1943).
Après des études musicales à Coire et à
Stuttgart, et des débuts comme professeur
de musique à l’école cantonale de Coire, il
se fixa à Genève, en 1887, pour y assurer
la charge d’organiste à Saint-Pierre. Également directeur de la Société de chant
sacré et professeur au conservatoire de
Genève, à partir de 1892, il prit une part
active à la révision de Il Coral (psautier
en langue romanche) et à celle du psautier romand. Pédagogue, son rôle auprès
des jeunes compositeurs fut important.
Son oeuvre, influencée par l’esprit germanique, comprend essentiellement des
pages vocales (choeurs, psaumes, cantates,
chants patriotiques), des pièces instrumentales (piano, orgue) et de la musique
de chambre.
BARBOTEU (Georges), corniste et compositeur français (Alger 1924).
Né dans une famille de musiciens, il commence des études de cor à neuf ans, obtient
à onze ans un premier prix au conservatoire d’Alger dans la classe de son père et
devient premier soliste à l’orchestre symphonique de Radio-Alger en 1940. Il entre
à l’Orchestre national de la R.T.F. en 1948,
remporte le prix d’honneur de cor au
conservatoire de Paris (1950) et le premier
prix au Concours de Genève (1951). Professeur au Conservatoire de Paris depuis
1963, il poursuit une carrière de soliste, de
musicien d’orchestre et de pédagogue. Ses
stages à Darmstadt auprès de Stockhausen
et son activité de compositeur témoignent
de son intérêt pour la musique contemporaine.
BARCAROLLE.
Chant évoquant une atmosphère marine,
et plus particulièrement les gondoliers
vénitiens.
Son rythme caractéristique, généralement à 6/8 ( ), suggère le balancement
d’un bateau sur l’eau. La barcarolle se rencontre notamment dans la littérature pianistique (Chopin, Mendelssohn, Fauré),
mais aussi dans l’opéra, par exemple chez
Rossini (Otello et Guillaume Tell), chez
Offenbach (les Contes d’Hoffmann), sans
oublier le sublime trio de Cosi fan tutte
(Mozart) « Soave sia il vento », qui y puise
son inspiration.
BARDE. Poète et chanteur de l’Antiquité
celte, qui s’accompagnait sur un instrument traditionnel, le crwth.
La conquête romaine et, surtout, l’évangélisation de la Gaule et des îles Britanniques
ont fait disparaître la caste sacerdotale
des bardes, qui vivaient dans la maison
des grands seigneurs dont leurs chants
conservaient la mémoire et célébraient les
exploits. Les bardes ont, toutefois, subsisté
au pays de Galles fort avant dans le Moyen
Âge, à la cour de nombreux roitelets qui
avaient conservé le goût de la poésie nationale. Au XIIIe siècle, l’unification de la
Grande-Bretagne jeta à la rue ces trouvères d’un genre particulier, qui en furent
réduits à la mendicité. Leur rôle avait été
considérable dans le maintien d’une très
riche tradition orale, et leur nom continue d’être donné aux poètes épiques ou
lyriques, quelle que soit leur origine.
BARDI (Giovanni), comte DI VERNIO, mécène, humaniste et compositeur italien
(Florence 1534 - Rome 1612).
Dès 1576, il réunissait à Florence des savants et artistes dont les réflexions s’inspiraient des idées de la Grèce antique.
Les travaux de cette Camerata fiorentina
(ou Camerata Bardi) contribuèrent grandement au développement du récitatif
chanté fondé sur le stile rappresentativo.
En 1592, Bardi quitta Florence pour
Rome, où il fut au service du pape Clément VIII jusqu’en 1605.
Il avait écrit des intermèdes musicaux pour des fêtes données à Florence,
mais il ne nous reste de ses compositions
que deux madrigaux à 4 et 5 voix. On a
conservé également son Discorso mandato
a Caccini sopra la musica antica.
BARENBOÏM (Daniel), pianiste et chef
d’orchestre israélien (Buenos Aires
1942).
Il fait ses débuts de pianiste à l’âge de sept
ans, à Buenos Aires. Il a ensuite, parmi
ses professeurs, Edwin Fischer, Nadia
Boulanger et Igor Markevitch. En même
temps que grandit rapidement sa réputation de pianiste, il aborde, en 1962, la
direction d’orchestre et travaille beaucoup
avec l’Orchestre de chambre anglais. Avec
cet ensemble, ses interprétations de Mozart, aussi bien comme chef d’orchestre
(symphonies) que comme pianiste et
chef (concertos), font très vite autorité.
Il aborde alors la direction d’orchestre
symphonique, où il acquiert aussi une
grande réputation. Nommé directeur
de l’Orchestre de Paris en 1974, il prend
ses fonctions la saison suivante, pour
les conserver jusqu’en 1988. En 1989, il
est nommé directeur musical de l’Opéra
de la Bastille, mais doit abandonner ces
fonctions. En 1990, il succède à Solti à la
tête de l’Orchestre de Chicago. Son successeur à l’Orchestre de Paris est Semyon
Bychkov, dont le contrat viendra à terme
en 1998. C’est un artiste prodigieusement
doué, dont la polyvalence et la curiosité
insatiable sont très caractéristiques de sa
génération. Il pratique le piano en solo,
en concerto, en musique de chambre, en
accompagnement de chanteurs de lieder,
et la direction d’orchestre en musique
symphonique et en opéra.
BÄRENREITER VERLAG.
Maison allemande d’édition de musique,
fondée en 1924 à Augsbourg par Karl Vötterle.
En 1927, elle a été transférée à Kassel,
d’où ses initiales BVK. Des filiales ont été
créées à Bâle (1944), à Londres et à New
York (1957) ; la filiale française, née en
1963, s’est installée en 1970 à Chambraylès-Tours (Indre-et-Loire) et a disparu en
1979. Parmi les nombreux ouvrages édités par BVK figure le célèbre dictionnaire
Die Musik in Geschichte und Gegenwart
(MGG).
BVK publie plusieurs périodiques musicologiques et l’une de ses branches est
consacrée à l’édition de disques.
BARIOLAGE.
Dans les instruments à cordes frottées,
coup d’archet faisant alterner deux cordes
ou bien entendre une note alternativement avec un doigt appuyé et avec la corde
à vide.
BARKAUSKAS (Vytautas), compositeur
lituanien (Vilnius 1931).
Après des études au conservatoire de
Vilnius, il enseigne la théorie musicale
dans ce même établissement, à partir de
1961. Depuis 1964, Barkauskas use d’un
dodécaphonisme élargi, d’abord dans ses
compositions de chambre (cycle de piano
Poésie, 1964 ; Partita pour violon seul, 1967,
etc.), puis dans des oeuvres vocales telles
que La vostra nominanza e color d’erba
(choeur de chambre et quintette à cordes,
1971). Il s’est fait connaître par les prix
d’État attribués à des commandes officielles : Hommage à la révolution (1967) et
la 2e symphonie (1971).
BARKER (Charles Spackmann), facteur
d’orgues anglais (Bath 1804 - Maidstone
1879).
Il s’installa à Paris de 1837 à 1870, puis
à Londres. Il construisit les orgues de
Saint-Augustin, à Paris, de Saint-Pierre,
à Montrouge, et ceux des cathédrales de
Dublin et de Cork. Il est surtout connu
pour avoir inventé une machine pneumatique à laquelle on a donné son nom :
des leviers pneumatiques assistent la tracdownloadModeText.vue.download 69 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
63
tion des notes et permettent l’accouplement des claviers sans durcir le toucher.
Aujourd’hui, la traction électrique, d’une
part, le retour à une mécanique légère,
souple et bien réglée, d’autre part, ont
conduit à abandonner la machine Barker.
BARLOW (Fred), compositeur français
(Mulhouse 1881 - Boulogne-sur-Seine
1951).
Pendant ses études d’ingénieur à l’École
polytechnique de Zurich, il composa en
amateur ses premières mélodies. En 1908,
il vint s’installer à Paris pour travailler
la musique. Ses maîtres, Jean Huré et
Charles Koechlin, le libérèrent de sa passion pour Wagner ; ils lui firent connaître
les richesses des modes anciens et les subtilités de la musique française moderne,
que Barlow unit à son inspiration délibérément simple, douce, mais éloquente.
Son oeuvre comprend notamment des
pièces pour piano, dont de nombreux
morceaux pour enfants, de la musique de
chambre, l’opéra-comique Sylvie d’après
G. de Nerval (1923), où s’exprime une
troublante poésie, l’opérette Mam’zelle
Prud’homme (1932), qui retrouve la verve
d’Offenbach et la distinction de Messager,
et deux ballets.
BARONI (Leonora), chanteuse, compositeur, gambiste et théorbiste italienne
(Mantoue 1611 - Rome 1670).
Elle s’installa à Rome et sa célébrité y
devint considérable à partir de 1630. Le
violiste francais Maugars, séjournant
dans cette ville, pensait en l’écoutant
« estre desjà parmy les anges... » C’était
une musicienne complète, un esprit
brillant, qui se mêlait aussi de politique.
Milton lui dédia son poème, inspiré de la
Leonora du Tasse, Ad Leanoram Romae
Canentem. Mazarin, qui fut à Rome son
ami et peut-être son amant, la fit venir
à la cour de France en 1643. Malgré un
accueil extrêmement favorable et l’amitié
d’Anne d’Autriche, elle ne s’y plut guère et
retourna à Rome en 1645. Mais son séjour
avait contribué à développer le goût pour
l’art vocal italien et préparé le succès de
l’Orfeo de Luigi Rossi (1647).
BAROQUE.
Ce terme contient l’idée d’une forme irrégulière, voire bizarre, et implique à l’origine une nuance péjorative. Il s’applique
à un style dans l’histoire de tous les arts, y
compris la musique, et correspond à une
époque située entre 1600 et 1750 environ.
Le baroque musical est né avec la monodie accompagnée et l’invention de la basse
continue, opposant le stile moderno au stile
antico de la Renaissance, dans la lignée de
Palestrina et de la musique polyphonique.
E. d’Ors précise que le style du baroque est
conçu dans des « formes qui s’envolent »
par opposition au classicisme qui emploie
des « formes qui pèsent ». Pour Suzanne
Clercx, « le baroque est un art de mouvement, c’est-à-dire un art où le dynamisme
apparaît comme un caractère permanent
[...], un art de variation, d’abondance, qui,
fatalement, entraîne au maniérisme ». Il
inclut en effet un goût de l’ornementation
et de la virtuosité, souvent poussé par la
vanité humaine à des excès dont parlent
nombre d’écrivains de l’époque. Le baroque révèle le besoin de créer un monde
irréel, extravagant, peuplé de contrastes
bien marqués comme, en musique, ceux
entre « forte » et « piano ».
À cette époque apparaissent l’opéra,
l’oratorio, la cantate ; la musique instrumentale se développe (concerto, sonate et
toutes les musiques pour instruments à
clavier, en particulier l’orgue). Ces différentes formes se divisent en trois groupes
de style caractéristique : l’église (chiesa),
la chambre (camera) et, bien entendu, le
théâtre, puisque le baroque est un spectacle permanent. Ainsi, la sonate d’église et
la cantate religieuse se distinguent-elles de
la sonate de chambre et ses mouvements
de danse et de la cantate de chambre, souvent dramatique, qui se rapproche du troisième groupe, celui de l’opéra.
La forme a tre (à trois) est très caractéristique de l’écriture musicale baroque.
Elle se compose de deux parties mélodiques (vocales ou instrumentales) soutenues par une troisième partie, la basse
continue, qui comprend elle-même en
général deux instruments, un instrument
polyphonique et un à archet. C’est également à cette époque que s’affirment le sens
de la tonalité et celui de l’harmonie.
Dans la mesure où la monodie accompagnée et l’opéra se développent surtout
en Italie, on peut dire que le style baroque
en musique est né dans ce pays. En effet,
l’Italie est, au XVIIe siècle, le principal
centre d’une écriture fondée sur la basse
continue, d’abord avec les musiciens de
la Camerata fiorentina, Monteverdi, les
membres de l’école romaine (L. Rossi,
Carissimi, A. Cesti) et ceux de l’école vénitienne (F. Cavalli, G. Legrenzi).
C’est dans la lignée des modèles italiens
de l’opéra, de la cantate, de l’oratorio que
se placent les musiciens allemands, de
Schütz à Haendel, et aussi, le plus grand
compositeur anglais du XVIIe siècle, Henry
Purcell.
À la même époque fleurit en Italie une
production instrumentale qui, ayant pour
point de départ la sonate et la sonate à
trois, trouve, grâce aux efforts de Stradella,
de Corelli, de Torelli et enfin de Vivaldi,
sa structure définitive dans le concerto
et la sonate classiques, dont les formes se
consolideront, après Bach, avec son fils
Carl Philip Emanuel et avec Haydn.
En France, en revanche, il est difficile et
parfois imprudent de parler de baroque en
musique. La pratique de la basse continue
s’y introduit très tard - vers 1640 -, et le
luth, essentiellement un instrument de la
Renaissance, garde sa suprématie. Dans
ce pays se crée la tragédie lyrique, basée
sur une déclamation régie par le rythme
du langage racinien, en opposition avec
le récitatif souple et parfois fort rapide
des Italiens, beaucoup plus proche de la
langue parlée. Quant à la musique instrumentale qui prend forme alors, elle est
inspirée des rythmes de danse de toutes
sortes provenant des ballets de cour et du
répertoire des luthistes. Ainsi se dessine
la suite française. C’est Lully qui, mêlant
ces éléments préexistants à ceux de son
Italie natale, amène la musique française,
à peine sortie de la Renaissance, directement à un style dit « classique », contenant
peu d’aspects baroques.
Le baroque se définit donc en musique
comme une déformation des techniques
déjà existantes, leur mélange avec d’autres
techniques naissantes fondées sur l’emploi
de la basse continue et sur des « effets ».
Peut-être l’exemple le plus frappant de ce
mélange est-il la vaste fresque religieuse
de Claudio Monteverdi : les Vêpres de la
Vierge (1610).
BARRAGE.
Sur le piano, ensemble de barres en métal
ou en bois servant à renforcer la caisse,
ce qui permet d’accroître la tension des
cordes. L’invention en est attribuée à
Sébastien Érard. Sur le luth, le barrage
consiste à renforcer la table d’harmonie,
très fragile, par une série de fines lattes de
bois.
BARRAINE (Elsa), femme compositeur
française (Paris 1910).
Elle travaille avec Paul Dukas et obtient
en 1929 le premier grand prix de Rome.
Elle écrit deux symphonies (1931, 1938),
riches, chatoyantes, encore traditionnelles. Poésie ininterrompue, d’après
Eluard (1948), marque une évolution vers
une expression plus vive et plus audacieuse. Viennent ensuite les Variations
pour percussion et piano (1950) et la
Nativité (1951). Le Livre des morts tibétain
(auquel s’intéressera aussi Pierre Henry)
est pour elle une illumination qui porte
et inspire sa Musique rituelle pour orgue,
tam-tam et xylophone (1968), l’une des
oeuvres les plus marquantes qu’ait écrites
cette « musicienne de l’essentiel » (C. Rostand). Citons aussi la Cantate du vendredi
saint (1955). Elsa Barraine a aussi écrit des
musiques de film, et le ballet la Chanson
du mal-aimé (1950).
En 1969, Elsa Barraine devient titulaire
d’une classe d’analyse au Conservatoire
de Paris. Dans le cadre de la Fédération
musicale populaire, qui regroupe des chorales, et en collaboration avec le compositeur François Vercken, elle suscite des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
64
oeuvres nouvelles, jouant le rôle de médiatrice entre les chanteurs amateurs et les
compositeurs.
BARRAQUÉ (Jean), compositeur français
(Puteaux 1928 - Paris 1973).
Issu d’une famille bourgeoise, il apprit
d’abord le piano et travailla au Conservatoire de Paris l’harmonie, le contrepoint et
la fugue avec Jean Langlais, puis, de 1948
à 1951, l’analyse avec Olivier Messiaen.
Compositeur exclusivement et fièrement
sériel, il n’a laissé que six ouvrages auxquels vient s’ajouter son Étude pour bande
magnétique (1954), résultat de ses travaux
avec Pierre Schaeffer (1951-1954). Mais
ses oeuvres sont de celles qui marquent
une époque. Les deux premières sont la
Sonate pour piano (1950-1952) et Séquence
pour soprano, ensemble instrumental et
percussions (1950-1955). La Sonate, la
plus monumentale peut-être depuis la
Hammerklavier de Beethoven, est en deux
parties, de dimensions à peu près égales,
mais dont la première, aux arêtes vives,
est surtout rapide, et la seconde, envahie
peu à peu de zones de silence, surtout
lente. Elle ne fut créée - au disque ! - qu’en
1957, et on ne l’entendit en concert qu’en
1967. De Séquence, la version initiale date
de 1950. Plus tard, Barraqué remplaça les
poèmes de Rimbaud et d’Eluard par des
poèmes de Nietzsche, et, en 1955 encore,
ajouta deux interludes instrumentaux.
L’ouvrage fut créé en 1956. La même
année, Barraqué découvrit le roman de
Hermann Broch la Mort de Virgile (achevé
en 1947), et fut d’emblée captivé par cette
vaste méditation, si proche de ses préoccupations propres, sur les rapports entre
l’art, l’artiste et la société. « Le livre dépeint les dix-huit dernières heures de la
vie de Virgile, depuis son arrivée au port
de Brindisium (l’actuel Brindisi) jusqu’à
sa mort dans l’après-midi du lendemain
au palais d’Auguste. Bien que rédigé à la
troisième personne, il s’agit d’un monologue du poète. C’est avant tout un bilan
de sa vie, du bien-fondé - ou non - moral
de cette vie, du bien-fondé - ou non du travail poétique auquel cette vie fut
consacrée (Virgile désirait que toute son
oeuvre fût détruite), mais, comme toute
son existence est liée à son époque, ce
bilan embrasse la totalité des courants
spirituels et souvent mystiques qui parcoururent l’Empire romain en ce dernier siècle avant le Christ, et qui ont fait de
Virgile un précurseur du christianisme »
(Broch). Barraqué, fasciné notamment par
le concept de la méditation à l’orée de la
mort, conçut le projet (que sa démesure
voulue condamnait d’avance à l’inachèvement) d’une vaste série de compositions,
du piano solo à l’opéra, constituant un
cycle de commentaires et de paraphrases
des quatre parties du roman. La mort
prématurée du compositeur, ainsi que la
lenteur qu’il apportait à l’acte d’écrire,
comme s’il s’agissait à chaque instant
d’une question de vie ou de mort, ne lui
permirent de mener à bien que ...au-delà
du hasard pour quatre formations instrumentales et une formation vocale (195859, création en 1960) ; Chant après chant
pour soprano, piano et 6 percussionnistes
(1966) ; le Temps restitué pour soprano,
soprano dramatique, choeur mixte à 12
voix et 31 instruments (1956-1968, créa-
tion en 1968) ; et Concerto pour clarinette,
vibraphone et 6 formations instrumentales (1968). De ces quatre partitions, les
trois premières utilisent à des titres divers
le texte de Broch, alors que la quatrième se
rattache au roman de manière indirecte.
Toutes unissent la rigueur intellectuelle
la plus intransigeante et le romantisme
le plus généreux et le plus ardent : c’est
ainsi notamment que Barraqué put s’inscrire dans la descendance de Beethoven,
maître qu’il révérait par-dessus tout. Tant
par ses travaux sur la série - qui le conduisirent au système des séries proliférantes
(permettant, à partir d’une série initiale,
l’engendrement de séries dérivées toutes
différentes, mais restant apparentées à
l’originale) - que par ses recherches formelles, Barraqué ne ménage ni l’interprète
ni l’auditeur, mais quelle récompense à
l’issue de l’effort ! « La musique c’est le
drame, c’est le pathétique, c’est la mort »,
disait-il. Cet athée solitaire, qui ne vivait
que pour la musique, laissa peut-être la
musique le détruire. La maladie exécuta
ce que lui-même n’osa peut-être pas faire :
arrêter sa vie, une vie qui avait été une fusion constante d’exaltation, de désespoir,
de crises agressives, de persécution et de
fureur. Conscient de sa valeur, il vécut et
travailla en marge de la vie musicale. Son
bagage ne représente que trois heures et
demie de musique, mais peut-être faudrat-il plusieurs générations pour en mesurer
la profondeur et les résonances. Auteur
également d’une importante monographie sur Debussy (Paris, 1962) et de Debussy ou la naissance des formes ouvertes,
thèse pour le C. N. R. S. (1962), il laissa à
sa mort, en état d’inachèvement et sous un
aspect à peu près indéchiffrable, Lysanias
pour solistes, choeurs et grand orchestre,
les Portiques du feu pour 18 voix a cappella
et les Hymnes à Plotia I pour quatuor à
cordes et II pour piano, cela sans compter divers projets parmi lesquels, pour la
scène, l’Homme couché.
BARRAUD (Henry), compositeur français (Bordeaux 1900).
Après avoir été, à Paris, l’élève de Georges
Caussade, Paul Dukas et Louis Aubert, il a
mené parallèlement des activités de compositeur et d’organisateur, d’homme d’action. Il a été directeur des programmes
musicaux à la R. T. F. de 1944 à 1948 et
directeur de la chaîne nationale de 1948 à
1966. À ces deux postes, il a innové, atti-
rant au micro Gide, Claudel, y créant dès
1944 une « intégrale Stravinski » et aidant
un Boulez, un Xenakis et bien d’autres
à s’imposer à une large audience. Plus
récemment, son émission hebdomadaire
« Regards sur la musique » est devenue
l’une des plus écoutées des mélomanes.
Sa curiosité pour tous les styles ne l’a pas
empêché de développer une écriture très
homogène et très caractéristique, avec
un rythme qui lui est propre (commandé
souvent par une figure de brève accentuée, obstinément suivie d’une longue
appuyée), un goût pour les nombreuses
subdivisions métriques produisant la vivacité du tempo, une largeur de mouvement sous-jacente et, surtout, une savante
polyphonie, ne reculant pas devant la
dissonance, qui le place sans aucun doute
dans la descendance de Roussel. C’est une
musique rigoureuse, noble, capable pourtant d’émotion immédiate, chargée d’un
romantisme latent ; une musique apte à
la méditation, à l’expression du spirituel
et du métaphysique, mais aussi de l’humour (Trois Lettres de Madame de Sévigné,
1938 ; la Farce de Maître Pathelin, opéracomique, 1938 ; Huit Chantefables pour les
enfants sages, texte de R. Desnos, 1946) et
même d’une fantaisie surréaliste (le Roi
Gordogane, opéra, 1975).
Barraud a abordé des sujets ambitieux,
et a su se montrer à leur hauteur, par
exemple, dans l’oratorio le Mystère des
saints Innocents, d’après Péguy (1946),
dans la tragédie lyrique Numance (1952 ;
Barraud en a tiré une Symphonie de Numance), dans Une saison en enfer, d’après
Rimbaud (1968-69), la Divine Comédie,
d’après Dante (1972) et Tête d’or, tragédie
lyrique d’après Claudel (1980). Diverses
oeuvres lyriques et dramatiques, des symphonies et de nombreuses pièces symphoniques, de la musique vocale, de la musique de chambre et quelques pièces pour
piano complètent l’abondant catalogue
des oeuvres du compositeur, qui s’est vu
décerner en 1969 le grand prix national
de la Musique. Barraud a également fait
oeuvre de musicographe, notamment avec
un Berlioz (Paris, 1955).
BARRE.
1. Sur les instruments à cordes, petite
pièce de sapin collée sur la face interne de
la table, sous le pied gauche du chevalet et
dans le sens longitudinal ; elle renforce la
table du côté gauche et communique les
vibrations du chevalet.
2. Sur l’orgue, partie de bois séparant les
gravures du sommier.
3. Sur le clavecin, morceau de bois recouvert de feutre qui empêche les sautereaux
de remonter trop haut.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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BARRE DE MESURE.
Terme désignant une ligne verticale placée
en travers de la portée (ou des portées), et
qui indique des divisions métriques régulières.
L’introduction de la barre de mesure
telle que nous la comprenons aujourd’hui
est relativement récente : elle ne date que
du début du XVIIe siècle environ. Auparavant, on trouvait des barres de mesure
placées de manière irrégulière, comme
de simples repères, par exemple dans la
musique de luth et, souvent encore, dans
les airs de cour qui en découlaient. De nos
jours, avec les fréquents changements de
mesure ou même la disparition de la mesure, la barre tend à redevenir un simple
repère visuel pour éviter les trop grandes
difficultés d’exécution.
BARRER.
1. Sur le luth et la guitare, raccourcir la
longueur de la partie des cordes entrant en
vibration et changer ainsi la hauteur des
notes, en appuyant l’index sur les cordes
concernées.
2. On peut barrer une petite note ornementale (appoggiature) d’un trait oblique
pour rendre la valeur de cette note encore
plus brève.
3. On parle de « barrer un luth » lorsque le
facteur ajoute une série de barres de renforcement ( ! BARRAGE).
BARRIÈRE (Françoise), femme compositeur française (Paris 1944).
Cofondatrice (1970) et coresponsable,
avec Christian Clozier, du Groupe de
musique expérimentale de Bourges, elle
a composé plusieurs oeuvres électroacoustiques ou « mixtes » (pour instrument et
bande magnétique), oeuvres d’un style
composite, difficilement définissable, où se
manifeste le souci d’être « en prise » sur la
réalité contemporaine (citations de chants
révolutionnaires, références sonores
diverses à notre société) et qui sonnent
parfois comme de longues plaintes : Ode
à la terre marine (1970), Java Rosa (1972),
Aujourd’hui (1975), Chant à la mémoire
des Aurignaciens (1977), Musique pour le
temps de Noël (1979), Mémoires enfuies
(1980). Ses deux oeuvres « mixtes »,
Cordes-ci-cordes-ça pour vielle à roue, violon et bande (1971) et Ritratto di Giovane
(1973) pour piano et bande, jonglent ironiquement avec les formes classiques.
BARRIOS (Angel), compositeur espagnol (Grenade 1886 - Madrid 1964).
Fils d’un célèbre guitariste ami de Manuel de Falla, il étudia le violon, puis fut
l’élève, à Madrid, de Conrado del Campo
(1899) et, à Paris, d’André Gédalge (1900).
Comme violoniste et aussi comme guitariste, il parcourut l’Europe pour populariser la musique espagnole. Il vint ensuite
se fixer à Madrid et se consacra à la composition de zarzuelas, ainsi que de pages
symphoniques et instrumentales toujours
fortement inspirées par son pays.
BARSHAI (Rudolf), chef d’orchestre et
altiste russe naturalisé israélien (Labinskaïa, Russie, 1924).
Au Conservatoire de Moscou, il étudie
l’alto avec Borisovski et la composition
avec Chostakovitch. Jusqu’en 1955, il
mène une carrière de soliste et de chambriste, se consacrant en particulier au quatuor (Quatuor Philharmonique de Moscou et Quatuor Tchaïkovsky) et donne des
concerts avec Guilels, Kogan, Rostropovitch. En 1955, il s’oriente vers la direction d’orchestre et fonde l’orchestre de
chambre de Moscou, qu’il dirige jusqu’en
1976, et auquel de nombreuses oeuvres de
compositeurs soviétiques ont été dédiées.
En 1977, il émigre en Israël et commence
à diriger dans le monde entier.
De 1982 à 1988, il est chef permanent
de l’orchestre symphonique de Bournemouth ; de 1985 à 1987, il dirige aussi
l’orchestre symphonique de Vancouver.
On lui doit plusieurs transcriptions pour
orchestre, en particulier d’oeuvres de musique de chambre de Chostakovitch - celle
du Quatuor no 8 appartient désormais,
sous le nom de Symphonie de chambre,
au répertoire d’orchestre courant.
BARTALUS (István), compositeur et musicologue hongrois (Balvanyosvaralja
1821 - Budapest 1899).
À la suite de Janos Erdelyi et Gabor Matray, il entreprit une vaste publication
de mélodies populaires, avec accompagnement (7 vol., 1873-1896). Sans avoir
recours aux méthodes que devait appliquer plus tard Béla Vikár, promoteur de
l’étude scientifique du folklore, Bartalus
joua un grand rôle dans le maintien de
l’intérêt pour la musique « populaire ». Il
fit paraître, par ailleurs, une importante
anthologie d’oeuvres pour piano de compositeurs hongrois (1885) et publia de
nombreuses monographies sur la musique
de son pays à cette époque.
BARTHÉLEMON (François Hippolyte),
violoniste et compositeur français (Bordeaux 1741 - Londres 1808).
Fils d’un Français et d’une Irlandaise,
il se produisit comme violoniste en
France, puis se rendit à Londres (1764),
où, en 1766, il donna son premier opéra,
Pelopida, et épousa la chanteuse Mary
Young. On le vit à Paris (1767-1769),
à Dublin (1771-72), en France, en Allemagne et en Italie (1776-77), mais l’essentiel de sa carrière se déroula dans la
capitale britannique. Il composa d’autres
opéras, des ballets, l’oratorio Jefte in Masfa
(Florence, 1776), des quatuors à cordes,
des concertos et des sonates pour son instrument, et fut considéré comme un des
premiers violonistes de son temps. Sa fille
Caecilia Maria composa également de la
musique. Lors des deux séjours de Haydn
à Londres (1791-1795), Barthélemon noua
avec lui des liens d’amitié étroits et lui
suggéra même, selon certaines sources, le
sujet de la Création.
BARTHOLOMÉE (Pierre), compositeur
et chef d’orchestre belge (Bruxelles
1937).
Il a étudié au conservatoire de Bruxelles
de 1952 à 1957 (composition avec Henri
Pousseur) et a été l’élève de Pierre Boulez pour la direction d’orchestre. Il a pro-
duit des émissions musicales à la télévision belge, à partir de 1960, et fondé en
1962 l’ensemble instrumental Musiques
nouvelles. Depuis septembre 1977, il est
directeur musical et chef permanent de
l’Orchestre de Liège, devenu en 1980
l’Orchestre philharmonique de Liège. Ses
oeuvres reflètent les influences non seulement de Pousseur ou de Berio, mais des
musiques des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
Citons Chanson pour violoncelle (1964),
Cantate aux alentours pour alto, basse,
instruments et moyens électroacoustiques
(1966), la Ténèbre souveraine pour quatuor vocal, 2 choeurs et orchestre (1967),
Tombeau de Marin Marais pour violon
baroque, 2 violes de gambe et clavecin,
pièce en micro-intervalles notée sur tablature (1967), Premier Alentour pour flûte,
alto et 2 violes de gambe (1966), Deuxième
Alentour « Cueillir » pour voix d’alto,
percussion et piano (1969-70), Troisième
Alentour « Récit » pour orgue (1970), Harmonique pour orchestre (1970), Fancy
pour harpe (1974), Fancy II pour harpe
et petit orchestre (1975), Ricercar pour 4
saxophones (1974) et Sonata quasi une
fantasia (1976) et Fancy as a ground pour
orchestre de chambre (1980).
BARTÓK (Béla), compositeur hongrois
(Nagyszentmiklós, auj. en Roumanie,
1881 - New York 1945).
Initié par sa mère au piano, il étudia, dès
1893, cet instrument et la composition
avec Lászó Erkel, puis, sur les conseils
d’Ernó Dohnányi, entra à l’Académie
royale de musique de Budapest, où il
travailla le piano avec István Thomán,
élève de Liszt, et la composition avec
János Koessler. En 1900, il se lia avec Zoltán Kodály. En 1902, la découverte des
poèmes symphoniques de Richard Strauss
influença ses premières oeuvres. Nationaliste convaincu, Bartók se fit connaître par
Kossuth, poème symphonique exaltant le
héros hongrois de la révolution de 1848. Il
mena alors une carrière de pianiste, écrivit une sonate pour violon et piano sz 20,
Burlesque sz 28 pour piano et orchestre,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
66
puis une rhapsodie pour piano sz 26. En
1905, il se présenta à Paris au concours
Rubinstein, que remporta Wilhelm Backhaus. Mortifié, il rentra à Budapest pour
se consacrer à la recherche des traditions
populaires hongroises. Avec Kodály, il
tenta de relier l’héritage de l’Orient à celui
de l’Occident, ce dernier fondé sur les enseignements de Debussy quant au sens des
accords, de Bach quant à « la transparence
du contrepoint », de Beethoven quant à
la forme.
Professeur à l’Académie de musique
de Budapest (1907), Bartók voulut, pour
améliorer l’enseignement du piano, habituer les élèves aux mélanges de tonalités et
à la relativité de la barre de mesure. Aussi
commença-t-il une série de pièces didactiques qui, des 10 Pièces faciles sz 39 de juin
1908, devaient l’amener aux Mikrokosmos
sz 107, terminés en 1937. En 1908, il écrivit son 1er quatuor à cordes, qui révèle les
influences de Wagner et de Debussy. La
violoniste Stefi Geyer lui inspira son 1er
concerto pour violon sz 36, dont le premier volet devint le premier des 2 Portraits
sz 37. Les 3 Burlesques sz 47 utilisèrent,
en leur morceau central (Un peu gris),
une technique nouvelle consistant à faire
précéder une note d’appui d’un groupe
d’ornementation que l’on « écrase » sur
le clavier. En 1910, Bartók semblait avoir
échappé à l’influence de Strauss, dont il
critiqua violemment l’Elektra. En 1909,
il épousa Márta Ziegler, qui, l’année suivante, lui donna un fils.
La fréquentation de l’écriture modale
des mélodies populaires inspira au compositeur les 4 Nénies sz 45, fondées sur des
chants très anciens ignorant totalement
« la tyrannie des systèmes modaux majeurs et mineurs ». L’année 1911 fut marquée par la mobilité percutante de l’Allegro
barbaro pour piano sz 49 et par le Château
de Barbe-Bleue sz 48, premier opéra utilisant spécifiquement la prosodie naturelle
de la langue hongroise. Cette oeuvre inaugurait une collaboration particulièrement
fructueuse entre Bartók et Béla Balázs,
essayiste hongrois puisant ses idées politiques avancées dans les contes et ballades
populaires. L’opéra de Bartók et de Balázs
dépasse le cadre traditionnel et décrit la
solitude de tout créateur, la destruction
de tout un patrimoine d’amour par la
soif d’une connaissance inutile. En 1913,
Kodály et Bartók recueillirent deux cents
chants arabes et kabyles et se penchèrent
sur les patrimoines mongols, hongrois et
finnois. Les intentions pédagogiques de
Bartók coïncidaient alors avec son désir
de recréer les musiques populaires qu’il
découvrait. Il écrivit pour le piano : Danse
orientale sz 54, 6 Danses populaires roumaines sz 56, 20 Noëls roumains sz 57. Il
tenta une recréation par la voix avec les
9 Chansons populaires roumaines sz 59,
les 5 Mélodies sz 61, 63, les 8 Chansons
populaires hongroises sz 64. Mais la guerre
l’empêcha de continuer ses recherches. Il
écrivit alors son 2e quatuor sz 67.
Au lendemain de la guerre, Bartók eut
soudain l’espoir d’être aidé par les nouveaux gouvernants. Mais ces derniers
restèrent enfermés dans un nationalisme
étroit et critiquèrent son oeuvre, qui osait
déborder du cadre national. Le compositeur disposait désormais d’une matière
musicale qu’il pouvait recréer à sa manière. Il composa alors les Improvisations
sur des chansons paysannes pour piano sz
74, d’une grande liberté de forme, et, surtout, ses deux sonates pour violon et piano
sz 75 et 76, qui ont gardé, aujourd’hui encore, toute leur âpreté et leur nouveauté.
Commande lui fut faite d’une oeuvre pour
fêter le cinquantième anniversaire de la
réunion de Buda et Pest : ce fut la Suite
de danses (1923), formée de deux danses
arabes, une danse hongroise et une roumaine, dont il réunit les identités rythmiques et modales dans un allégro final.
En 1923, il se sépara de sa femme et épousa
Ditta Pásztory. Il étudia alors Scarlatti, les
clavecinistes de la Renaissance italienne,
et composa son 1er concerto pour piano sz
83, créé en juillet 1927 avec l’auteur au clavier et Furtwängler au pupitre. Il effectua
son premier voyage aux États-Unis, reçut
un prix à Philadelphie pour son 3e quatuor
sz 85 et écrivit deux Rhapsodies pour violon et piano sz 286 et 89 l’une à l’intention
du virtuose Josef Szigeti et l’autre à celle
de Zoltán Szekely.
En 1930, dans sa Cantata profana, Bartók emprunta aux « colindas » (chants
de Noël roumains) un thème légendaire :
les neuf fils d’un paysan, transformés en
cerfs, retrouvent la liberté ; ce thème rejoint le besoin pour tout un peuple asservi
de vivre, de chanter, de courir les risques
d’une indépendance toujours préférable
à une soumission qui ramènerait le cycle
infernal de l’incompréhension et de la
guerre. En 1933, Bartók créa lui-même
son 2e concerto pour piano à Francfort,
accompagné par le chef d’orchestre Hans
Rosbaud. À la demande d’Erich Döflein,
il transcrivit pour deux violons des pièces
pour piano ; ces 44 duos sz 98 devaient,
selon lui, « aider les élèves à trouver la
simplicité naturelle de la musique des
peuples et aussi ses particularités rythmiques et mélodiques ». En avril 1935, le
Quatuor Kolisch créa à Washington son
5e quatuor sz 102, que sa perfection de
forme, son expressionnisme tendu et la
complexité de son contrepoint rythmique
placent au sommet de sa production de
musique de chambre. En 1936, s’inquiétant de la poussée du nazisme, Bartók demanda que ses oeuvres subissent le même
sort que celles des compositeurs d’origine
israélite (interdiction à l’édition et à l’exécution). Il vint fréquemment se reposer
en Suisse chez son ami, le chef d’orchestre
Paul Sacher. Pour répondre à des commandes de ce dernier, il écrivit deux de
ses chefs-d’oeuvre, la Musique pour cordes,
percussion et célesta sz 106 et le Divertimento pour cordes sz 113, respectivement
créés, par Sacher et l’Orchestre de Bâle,
en 1937 et 1940. De retour d’un voyage
en Turquie, il commença une oeuvre pour
violon qui, par le voeu du dédicataire, le
virtuose Zoltán Szekely, prit la forme d’un
2e concerto pour violon, que Szekely et
le chef d’orchestre Mengelberg créèrent
en avril 1939. Parallèlement à la Musique
pour cordes, Bartók avait écrit une sonate
pour 2 pianos et percussion sz 110, que
sa femme et lui-même créèrent en janvier
1938 à Bâle.
Après un voyage de reconnaissance aux
États-Unis avec Szigeti, en 1939, Bartók
décida de s’exiler et donna son dernier
concert à Budapest le 8 octobre 1940 sous
la direction de Janos Ferencsik. Il séjourna
à New York comme chargé de recherches à
l’université Columbia, fit quelques conférences, mais sa situation matérielle était
des plus modestes. Bartók donna quelques
concerts avec Szigeti et le clarinettiste de
jazz Benny Goodman (Contrastes pour
clarinette, violon et piano, sz 111) et transcrivit pour orchestre son concerto sz 110.
Sa santé s’altéra peu à peu ; il était atteint
de leucémie. En 1943, le chef d’orchestre
Koussevitski lui commanda une oeuvre
pour l’Orchestre symphonique de Boston, le concerto pour orchestre, créé en
décembre 1944. Yehudi Menuhin lui demanda également une oeuvre ; Bartók écrivit la sonate pour violon seul sz 117. Le
succès revint, les commandes affluèrent :
il acheva presque son 3e concerto pour
piano, termina les esquisses de la partie
soliste d’un concerto pour alto destiné à
l’altiste William Primrose. Ce fut la fin de
la guerre ; Bartók ne vécut plus que dans
l’espoir de retourner à Budapest. Mais il
fut transporté à l’hôpital du West Side à
New York, où il s’éteignit le 26 septembre
1945.
Bartók est le premier ethnomusicologue dont la compétence s’est étendue à
tout le bassin méditerranéen oriental, lieu
de brassage des richesses de l’Orient et de
l’Occident. Ses recherches l’ont amené à
mettre en évidence les identités des musiques populaires, dont il s’est attaché à
retrouver, au-delà des civilisations et des
nationalismes, le langage commun. Il est
ainsi remonté aux origines de la musique
traditionnelle de son pays, débarrassant
les mélodies recueillies des apports étrangers qui les avaient altérées. Conscient de
la complexité des influences entre races,
de la mouvance des mélodies transmises
par tradition orale, il a créé une notation
nouvelle lui permettant, non pas de reproduire ce matériau jamais figé, mais d’en
consigner les schémas de base pour une
éventuelle recréation savante.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Imprégné de l’esprit de ces musiques
populaires, Bartók a échappé à tout système harmonique clos. Il est vain de tenter
de dissocier chez lui rythme et harmonie,
son art étant fait de leur parfaite association. De ce fait, sa démarche de compositeur s’oppose à la conception romantique
qui a attribué une si grande importance à
l’invention thématique, prétendant chercher l’individuel dans toute chose. Bartók
avait compris « à quel point la musique
populaire est le contraire d’un art personnel, à quel point, de par son essence
même, toutes ses manifestations sont collectives ».
Progressivement, Bartók a réussi une
synthèse unique entre modalité et tonalité,
chromatisme et diatonisme. À l’examen
attentif, on décèle une ambiguïté entre
la liberté harmonique de ses oeuvres et la
présence de dissonances non annoncées ni
résolues. Le dualisme majeur-mineur est
dépassé dans la mesure où l’ordre modal
de la chanson archaïque, violemment
diatonique, n’est pas gommé par l’accumulation des éléments chromatiques.
Les oeuvres essentielles de Bartók laissent
percevoir des pôles de toniques et de
dominantes qui les organisent en dehors
de toute rhétorique hiérarchisée, d’ordre
traditionnel ou dodécaphonique. Les intervalles utilisés acquièrent une certaine
autonomie, et, comme dans la chanson
populaire, septième aussi bien que tierce
ou quinte se présentent comme naturelles.
Les proportions temporelles de ses oeuvres
de la maturité, s’appliquant aux harmonies comme aux rythmes, sont conformes
aux propositions issues du nombre d’or.
Ernö Lendvai a même démontré que les
rapports entre chromatisme et diatonisme
ou l’utilisation du pentatonisme lydien,
dorien, etc., peuvent être considérés
comme la preuve d’un travail extrêmement original et personnel lié à la section
d’or.
La complexité formelle de l’art de Bartók est telle qu’il ne peut y avoir de néoou postbartokisme. Les nombreux compositeurs contemporains, qui ont subi
l’influence de Bartók, se sont ordinairement limités à puiser dans la thématique
de la chanson paysanne, sans s’astreindre
au véritable travail de recréation auquel
s’était soumis, puis par lequel s’était totalement exprimé leur maître à penser.
L’universalisme du message bartokien
montre que ce musicien a réussi à transcender l’origine même de ses sources.
BARTOLINO DA PADLVA, moine et
compositeur italien (fin du XIVe s. - début
du XVe s.).
Peu de détails de sa vie sont connus avec
certitude. Fra Bartolino est l’une des figures marquantes de l’Ars nova italien,
style qui naquit probablement à Padoue.
Très connu de ses contemporains, à Florence par exemple, il exerça une influence
sur tous les aspects de la musique de son
pays, écrivant des ballate et des madrigaux polyphoniques - formes favorites du
Moyen Âge italien - dans un style proche
de celui du grand florentin Francesco
Landini, plus facile et plus mélodique que
celui des maîtres français de l’Ars nova.
BARTOS (Jan Zdenek), compositeur
tchèque (Králové Dvºur 1908 - Prague
1981).
Après avoir étudié le violon et commencé
une carrière de soliste, il a approfondi
ses connaissances musicales, notamment
dans le domaine de l’écriture, dans différents établissements de Prague (19331943). Il a occupé, à partir de 1945, d’importants postes officiels au ministère de
l’Information, au département musical
des éditions d’État de littérature, musique
et beaux-arts et au service de la musique
du ministère de l’Éducation et de la
Culture. Il est devenu en 1958 professeur
de composition et de théorie au conservatoire de Prague. Bartos est l’auteur d’ouvrages de vulgarisation, d’articles divers,
et d’une abondante oeuvre de compositeur
comprenant des opéras, opérettes, ballets
et musiques de scène, des oeuvres symphoniques et concertantes, des cantates,
des choeurs, de la musique de chambre,
des pièces pour piano, des mélodies. C’est
un compositeur doué qui manifeste une
parfaite connaissance des découvertes et
des audaces de son époque, mais qui ne s’y
abandonne qu’avec réserve.
BARYTON.
1. Voix de dessus, de la famille des
basses, intermédiaire entre la basse chantante et le ténor, tant en timbre qu’en
tessiture. Le mot « baryton » qui, étymologiquement, signifie « grave », apparut
d’abord en France, à la fin du XVIIIe siècle,
pour désigner précisément une voix de
ténor de tessiture assez basse, dont JeanBlaise Martin (1768-1837) fut l’un des représentants, bien que le nom de ce dernier
soit demeuré associé à un type de baryton à la voix claire et légère. Les rôles de
cet emploi étaient notés en clef de ténor,
Gluck, cependant, notait en clef de basse
les rôles pour voix grave, mais de tessiture particulièrement élevée d’Oreste et de
Thoas dans Iphigénie en Tauride.
L’appellation de baritenore fut conservée pour désigner parfois certains ténors
mozartiens et rossiniens. Toutefois, c’est
déjà à cette nouvelle catégorie que se rattachèrent des emplois comme Don Juan
dans l’opéra de Mozart, Pizarro dans Fidelio de Beethoven, Figaro dans le Barbier
de Séville et Dandini dans la Cenerentola
de Rossini, souvent chantés par Antonio
Tamburini (1800-1876) ; ce chanteur fut
appelé « basse », mais, au-delà de 1830,
Bellini et Donizetti l’opposèrent à la basse
dans des rôles antagonistes. L’emploi
s’imposa mieux lorsque, le ténor contraltino ( ! TÉNOR) succédant au ténor grave,
une véritable catégorie vocale, assurant
l’intermédiaire entre la basse et ce nouveau ténor, devint indispensable. Le terme
de baryton s’imposa avec le Français Paul
Barroilhet (1810-1871), créateur du rôle
d’Alphonse dans la Favorite de Donizetti
en 1840. Verdi allait délimiter un type
vocal précis, d’une tessiture relativement
faible (si bémol 1 - la bémol ou la 3), mais
unissant l’éclat et la souplesse du ténor à
la rondeur de la voix de basse ; le « baryton-Verdi » ainsi défini, qu’il soit de caractère noble (Germont dans la Traviata),
jeune et parfois amoureux (De Luna dans
le Trouvère, Renato dans un Bal masqué,
Posa dans Don Carlos), ou encore « vilain » (Macbeth, Rigoletto, Carlo dans la
Force du destin), cet emploi, à une exception près - celui de Posa -, assurait la fonction dramatique d’antagoniste du ténor,
dont il contrecarrait les projets sentimentaux, à titre de père, de frère ou de rival.
En France, où s’était imposé le barytonMartin (jeune premier dans l’opérette, et
souvent confident ou ami dans l’opéra-comique), le clivage fut moins net entre barytons et basses, le terme de baryton d’opéra
équivalant pratiquement à celui de basse
chantante : Jean-Baptiste Faure (18301914) chantait Alphonse de la Favorite et
Méphisto dans le Faust de Gounod, mais
créa le rôle de Posa ; les rôles de baryton
dans Thaïs, les Contes d’Hoffmann, Lakmé,
Louise, etc., sont encore aujourd’hui aussi
bien distribués à une basse qu’à un baryton. La différence apparut encore moins
en Russie et en Allemagne. En Russie, en
effet, Ivan Melnikov créa les rôles de Boris
Godounov dans l’opéra de Moussorgski et
d’Igor (le Prince Igor de Borodine), cependant que Tchaïkovski faisait appel au véritable baryton-Verdi ; chez Wagner, barytons et basses se partagent les emplois de
Wotan dans l’Anneau du Nibelung, Hans
Sachs dans les Maîtres chanteurs, etc.
Comme la basse bouffe, le baryton
bouffe est avant tout un bon acteur doué
d’agilité vocale. Si les dénominations de
baryton brillant, héroïque, méchant, etc.,
varient selon les pays et les époques et demeurent assez imprécises, l’usage a mieux
défini le baryton-Verdi, le baryton-Martin
qui peut également chanter les rôles de
Pelléas (Debussy) de Mârouf (Rabaud) et
les jeunes premiers de l’opérette viennoise
(le terme de baryton viennois correspond
aux emplois écrits pour ténor par Johann
Strauss, Franz Lehar, etc.) ; le barytonMartin convient particulièrement à l’interprétation de la mélodie française.
Parmi les interprètes, dans le passé, on
notera les barytons-Verdi, Varesi, Graziani, Cotogni, Battistini, Stracciari, De
Luca, Ruffo, Galeffi, Tibbett ; en France,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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les barytons Devoyod, Maurel, Renaud,
Noté, Endrèze ; parmi les interprètes de
Wagner et de R. Strauss, Scheidemantel,
Van Rooy, Bockelmann, Janssen, Schorr ;
pour l’interprétation de la mélodie, Ch.
Panzéra, G. Hüsch, H. Schlusnus, et, plus
récemment, G. Souzay, C. Maurane, J.
Jansen - par ailleurs titulaire du rôle de
Pelléas - et D. Fischer Dieskau, qui, à
l’instar de son prédécesseur H. Schlusnus,
tient au théâtre les emplois de baryton les
plus divers.
2. instrument à cordes frottées, joué
à l’aide d’un archet et ressemblant à la
basse de viole. Il comporte 6 ou 7 cordes
en boyau, accordées comme sur la basse
de viole, ainsi qu’un plus grand nombre
de cordes (de 9 à 24) en acier dites « sympathiques ». En Italie, on l’appelait viola di
bordone. Le baryton connut une certaine
popularité au XVIIIe siècle, en Allemagne
et en Autriche. Le prince Nikolas Esterházy avait une passion pour cet instrument. À son service, Joseph Haydn écrivit
pour le baryton près de 150 partitions.
3. Instrument à vent de la famille des
cuivres. C’est le saxhorn en si bémol, à
trois pistons, de tessiture intermédiaire
entre l’alto (en mi bémol) et la basse (en
si bémol grave). Dans le vocabulaire du
jazz, le mot baryton, sans autre précision,
désigne non pas le saxhorn, mais le saxophone baryton.
BARZUN (Jacques), historien et musicologue américain d’origine française (Créteil, Val-de-Marne, 1907).
Professeur à l’université Columbia, dont
il a été vice-recteur (1955-1967), Jacques
Barzun a consacré son oeuvre d’historien
à la pensée et à la culture européennes
de 1789 à 1914. Mais il est aussi l’un des
meilleurs spécialistes de Berlioz, qu’il a
situé à sa vraie place dans le romantisme
européen. Parmi ses écrits, citons Berlioz
and the Romantic Century (2 vol., Boston,
1950), New Letters of Berlioz (New York,
1954), Berlioz and his Century (New York,
1956), Music in American Life (New York,
1956-1965), Critical Questions on Music
and Letters, Culture and Biography, 19401980 (1982).
BAS-DESSUS.
Terme aujourd’hui abandonné et qui
désignait les parties graves des voix élevées, de femmes, d’enfants ou de castrats,
actuellement dénommées mezzo-soprano,
alto ou contralto, d’après la terminologie
italienne.
Jusqu’à l’entrée en désuétude des clefs
d’ut vocales, les bas-dessus s’écrivaient
normalement comme les dessus ordinaires en clef d’ut 1re, ou exceptionnellement en clef d’ut 2e ligne. L’expression
était usuelle aux XVIIe et XVIIIe siècles, tandis que son contraire haut-dessus, réservé
aux voix exceptionnellement hautes, est
toujours resté d’un emploi limité.
BASHMET (Yuri), altiste russe (Rostov
1953).
Il commence ses études musicales à Lvov
avant d’entrer au Conservatoire de Moscou en 1971. En 1976, il remporte le premier prix du Concours international de
Munich et débute une fulgurante carrière
de soliste. Il est en effet le premier altiste
à avoir donné des récitals solistes dans
des lieux aussi prestigieux que la Scala
de Milan et le Concertgebouw d’Amsterdam. Il devient le plus jeune professeur de
l’histoire du Conservatoire de Moscou et
se tourne, en 1984, vers la direction d’ensemble en fondant les Solistes de Moscou. Il donne des master-classes à Tours,
où Sviatoslav Richter l’appelle dès 1983
pour participer au Festival de la Grange
de Meslay. En 1988, il fonde un festival à
Bonn-Rolandseck. En 1990, les Solistes de
Moscou s’installent à Montpellier, mais
un conflit avec les musiciens lui fait abandonner ses fonctions : il rassemble néanmoins d’autres instrumentistes sous une
appellation voisine. Il crée de nombreuses
oeuvres contemporaines, notamment de
Denisov, Kantcheli et Schnittke.
BASSANELLO.
Instrument ancien à anche double, répandu en Italie jusqu’au XVIe siècle, qui
présentait les principales caractéristiques
du basson.
BASSANI (Giovanni Battista), compositeur italien (Padoue v. 1657 - Bergame
1716).
Il fit ses études musicales à Venise, où il
fut notamment l’élève de G. Legrenzi. Il
est possible qu’il y ait travaillé le violon
avec Vivaldi. Quoi qu’il en soit, Bassani
fut, après Corelli, l’un des meilleurs compositeurs de sonates de l’école de Bologne,
où il devint membre de l’Accademia Filarmonica. Il fut nommé maître de chapelle
à Ferrare (1688), puis à Santa Maria Maggiore de Bergame (jusqu’à sa mort). Outre
ses Sonate a 3, Bassani a écrit des cantates
profanes et religieuses, genre où il excella
également, des oratorios (La Morte delusa,
1686) et des opéras dont quelques airs
seulement subsistent.
BASSE.
1. Sur le plan harmonique, terme générique désignant toute partie inférieure
d’un accord : ce terme peut donc avoir
plusieurs acceptions selon la manière
dont on considère cet accord. La note la
plus grave entendue matériellement est
la basse réelle ou basse exprimée ; elle peut
être différente (par exemple, si l’accord est
« renversé ») de la basse harmonique, qui
est la note la plus grave de l’accord remis
dans son état primitif non renversé (dit
alors « état fondamental »). Cette basse
harmonique peut à son tour être différente
de la basse fondamentale, qui est une note
de même nom, mais située à une hauteur
d’octave déterminée et qui est le son générateur de l’accord.
2. Sur le plan polyphonique, partie la plus
grave d’un ensemble qui en comprend
plusieurs. Elle ne prend, toutefois, pleinement ce nom qu’à l’époque (XVIe s.) où
elle acquiert une importance harmonique
qu’elle n’avait pas auparavant. La partie grave a d’abord été une partie mélodique du contrepoint, souvent le « chant
donné « ou teneur (lat. tenor) ; puis on a
contrepointé au ténor une partie com-
plémentaire placée souvent, mais non
systématiquement, en dessous d’elle et
dite contre-teneur (lat. contratenor, ou en
abrégé contra), ce qui a repoussé le ténor
en seconde position dans la tessiture de
bas en haut. On trouve au XVe siècle
l’expression contrabassus, c’est-à-dire
contra en basse, qui deviendra bassus au
XVIe siècle, en même temps que la voix
correspondante prendra une signification
nouvelle, de plus en plus harmonique,
qu’elle conservera jusqu’à nos jours.
! BASSUS.
3. Dans l’échelonnement vocal, famille
groupant les diverses catégories de voix
masculines graves (d’où, par extension, le
même sens pour les instruments de l’orchestre). L’étendue moyenne de la voix de
basse est la suivante :
On divisait, autrefois, cette famille
en deux catégories : basse-contre et
basse-taille. On admet aujourd’hui trois
divisions principales : basses profondes,
basses chantantes, barytons. Dans le
théâtre lyrique, les emplois de baryton se
sont, dans l’ensemble, nettement différenciés de ceux de basse et comprennent
leurs propres subdivisions ( ! BARYTON).
En ce qui concerne la basse proprement
dite, la terminologie d’opéra fait usage de
diverses distinctions, de l’aigu au grave :
- la basse-taille était, dans l’ancienne
terminologie, la voix de dessus de la
famille des basses, appelée également
concordant. Elle correspond à l’actuel
baryton ;
- la basse chantante est une voix de tessiture moyenne entre la basse profonde
et le baryton ; elle est très abondamment
employée dans l’opéra aussi bien français (Méphisto dans le Faust de Gounod)
qu’italien (Philippe II dans Don Carlos de
Verdi) et russe (Boris Godounov) ;
- la basse bouffe est une voix souple et
agile, apte aux rôles de comédie (Uberto
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
69
dans la Servante maîtresse de Pergolèse) ;
certains rôles exigent une grande étendue
(Osmin dans l’Enlèvement au sérail de Mo-
zart est une basse bouffe devant avoir le
registre grave d’une basse profonde, dont
il se sert pour faire rire) ;
-la basse-contre était, dans la terminologie de l’ancien opéra, la voix la plus grave
de la famille des basses, placée en dessous
de la basse-taille (Polyphème dans Acis et
Galatée de Haendel) ; elle correspondrait
presque à notre basse profonde, mais ce
dernier terme insiste davantage sur l’utilisation d’un registre d’extrême grave ;
- la basse profonde ou basse noble est
la plus grave des voix masculines, mettant
en valeur les notes extrêmes du registre
grave (Sénèque dans le Couronnement de
Poppée de Monteverdi, Sarastro dans la
Flûte enchantée, le cardinal Brogni dans la
Juive). Cette voix est exceptionnelle dans
nos pays, plus fréquente chez les Noirs,
ainsi que chez les peuples slaves, où elle
constitue de superbes pupitres graves dans
les choeurs.
BASSE (voix de).
La voix de basse fut employée pour d’importants solos dès la naissance de l’opéra
et de l’oratorio, à l’aube du XVIIe siècle,
et soumise aux mêmes exigences de virtuosité que les autres catégories vocales,
mais sur une étendue souvent plus importante (ré 1-mi 3 chez Caccini). Cette
voix, principalement destinée à l’incarnation de divinités (Caron dans Orfeo de
Monteverdi, 1607) ou de personnes âgées
(Manoah dans Samson de Haendel, rôle
colorature écrit pour Giovanni Boschi),
servit aussi, notamment dans l’opéra français, à personnifier l’amoureux, souvent
malheureux, antagoniste du ténor ou du
haute-contre : Louis Chassé (1699-1786)
interpréta dans les opéras du style de Rameau ces rôles d’une tessiture généralement plus élevée, proche de celle de notre
baryton actuel. À la fin du XVIIIe siècle,
Mozart écrivait encore pour ces deux
types de voix : rôles graves tels que ceux
d’Osmin dans l’Enlèvement au sérail, créé
par Ludwig Fischer (1745-1825), ou de
Sarastro, rôles plus aigus pour des emplois
d’amoureux, tels que ceux du Comte dans
les Noces de Figaro et de Don Juan. Rossini confia à Filippo Galli (1783-1853) des
emplois bouffes ou tragiques (Mustafa
dans l’Italienne à Alger, Assur dans Semiramis) d’une très haute virtuosité. Durant
le romantisme, la voix de basse fut surtout assimilée aux personnages royaux ou
ecclésiastiques, âgés, nobles, etc., mais, dès
la fin du XIXe siècle, elle servit à nouveau
à personnifier des caractères très divers,
jeunes ou vieux (opéras de Puccini, des
compositeurs naturalistes, de R. Strauss,
Rimski-Korsakov, Berg, etc.).
L’éventail des attributions de la voix
de basse correspond à sa couleur et à sa
tessiture : la basse noble ou profonde,
assez volumineuse et de couleur sombre
(étendue do 1 - fa 3) a pour exemples les
rôles du Cardinal (la Juive de Halévy),
de l’Inquisiteur (Don Carlos de Verdi),
de Hunding (la Walkyrie de Wagner),
d’Arkel (Pelléas et Mélisande de Debussy),
etc. ; la basse chantante, de caractère plus
lyrique (étendue fa 1-fa dièse 3) est illustrée par ceux de Silva (Ernani de Verdi),
Philippe II (Don Carlos), Méphisto (Faust
de Gounod, cet emploi étant parfois tenu
par des barytons), etc. L’Allemagne et la
Russie différencient plus les caractères que
les tessitures : basse démoniaque (Kaspar
dans le Freischütz de Weber, Alberich dans
l’Or du Rhin de Wagner), basse héroïque
(Wotan), etc. Notons que, si les choeurs
slaves renferment des basses au grave
exceptionnellement étendu, l’opéra russe
fait au contraire plus volontiers appel à
une voix aiguë ; Féodor Chaliapine (18731938) était plus proche du baryton que de
la basse. La voix de basse convient également au concert pour l’interprétation des
lieder, des oratorios et cantates classiques,
sans exiger une spécialisation exclusive de
la part du chanteur. En revanche, l’emploi de basse bouffe, qui peut se satisfaire
d’une moins belle qualité vocale, réclame
non seulement une grande virtuosité et
une articulation rapide, mais aussi, au
théâtre, un talent d’acteur sûr.
La voix de basse permet des carrières
fort longues, les grands interprètes de
cette catégorie quittant rarement la scène
avant soixante-cinq ans. Parmi les grandes
basses de notre siècle, on peut rappeler
les Italiens Navarrini, De Angelis, Pinza,
Pasero et Siepi, l’Espagnol Mardones, les
Français Plançon, Delmas, Journet, Pernet, les Slaves Reizen, Pirogov, Kipnis,
Christoff, et, dans des genres bien déterminés, S. Baccaloni, exemple type de la
basse bouffe, et H. Hotter, aussi réputé
dans l’interprétation du lied et de l’oratorio que dans celle du rôle de Wotan dans
l’Anneau du Nibelung de Richard Wagner.
BASSE CHIFFRÉE.
Sorte de sténographie inventée au début
du XVIIe siècle en même temps que la
basse continue pour guider l’accompagnateur en lui suggérant, à partir de la basse
écrite, les accords à employer sans avoir
à en écrire les notes, ce qui faisait gagner
au compositeur un temps considérable
(on pouvait ainsi, sur deux portées - chant
et basse -, écrire un opéra en quelques
jours). Abandonnée vers 1750 en même
temps que la basse continue, la basse chiffrée s’est maintenue dans l’enseignement
comme auxiliaire pédagogique des études
d’harmonie, mais c’est abusivement qu’on
la considère comme un instrument d’analyse, car, non conçue dans cette optique,
elle ne rend compte que très imparfaitement de la constitution des accords ; elle
n’en donne qu’une description matérielle
et n’intervient que fort mal dans leur explication grammaticale - d’où la nécessité
d’un chiffrage de fonction complétant le
chiffrage d’intervalles seul envisagé par la
pratique de la basse chiffrée.
Le principe de cette dernière est simple :
au-dessus (ou en dessous) de la note de
basse (basse réelle), sont notés un ou plusieurs chiffres dont chacun représente
la note formant avec la basse l’intervalle
indiqué par le chiffre. Selon les écoles,
tantôt cet intervalle est indiqué réellement, tantôt il est réduit à un intervalle
simple, sans dépasser la neuvième (ainsi
la dixième est notée 3, car c’est une tierce
redoublée à l’octave). Diverses conventions interviennent soit pour limiter le
nombre de chiffres par des sous-entendus
(par exemple, 6 pour 6 et 3), soit pour
apporter diverses précisions (ainsi une
croix indique la sensible, un chiffre barré
marque un intervalle diminué, etc.). On
note les altérations en les plaçant devant
le chiffre, et les silences sont chiffrés par
un zéro. Mais les conventions ne sont pas
toujours uniformes et elles peuvent varier
d’un auteur à un autre.
La basse chiffrée, conçue comme un
« guide-doigts » pratique à l’usage des accompagnateurs, a bien rempli sa fonction
tant que ce qu’elle avait à noter restait limité à quelques accords simples et qu’ellemême ne visait pas à autre chose qu’à en
suggérer les grandes lignes. Lorsque les
auteurs ont voulu chiffrer minutieusement des basses devenues complexes (J. S.
Bach), cette pratique devint une complication supplémentaire, et l’on conçoit que la
basse chiffrée n’ait pas survécu à l’usage de
la basse continue.
BASSE CONTINUE (ital. basso continuo ;
all. Generalbass ; angl. thorough-bass).
Mode d’écriture inauguré en Italie, au
début du XVIIe siècle, avec les premiers
opéras et généralisé partout, ensuite,
jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, avant de
disparaître totalement vers 1775.
Son apogée coïncida avec celle de l’art
baroque en musique. Le principe en était
de sous-entendre, dans tout ensemble
instrumental ou vocal, la présence d’un
accompagnement de remplissage, réalisé
sur un instrument polyphonique (orgue,
clavecin, luth, théorbe, etc.) et dont seule
était écrite la basse, chiffrée ou non. Cette
basse était généralement doublée par un
autre instrument tel que la basse de viole,
le violoncelle, le basson, etc., et comportait soit de simples basses réelles d’accords
de soutien, soit une ligne mélodique et
concertante. L’existence de la basse continue était considérée comme normale et
toute absence d’indication contraire supposait sa présence ( ! TASTO SOLO). Ainsi
est-il souhaitable que, même en l’absence
d’indication formelle à ce sujet, un clavedownloadModeText.vue.download 76 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
70
cin prête son concours à l’exécution de
certains mouvements lents des premières
symphonies « classiques », de Haydn en
particulier, pour compléter l’harmonie.
La disparition de la basse continue coïncida avec l’abandon du clavecin au profit
du piano-forte dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle.
BASSE D’ALBERTI. ! ALBERTI (DOMENICO).
BASSE DANSE.
Ce nom s’appliquait autrefois à des danses
« terre à terre », caractérisées par l’absence
d’élévation (pas lents et glissés), par opposition aux danses où intervenait le saut.
La basse danse (XVe s. - début XVIe s.) était
construite, comme la plupart des compositions de l’époque, sur une teneur (autre
danse ou chanson), au-dessus de laquelle
des instruments mélodiques à anche
double improvisaient. Une source importante pour la connaissance de ces danses
est l’oeuvre de Thoinot Arbeau, Orchésographie, traité en forme de dialogue par
lequel toute personne peut facilement
apprendre à pratiquer l’honnête exercice
des danses (1589).
BASSE DE FLANDRE.
Instrument de musique rudimentaire
particulièrement utilisé en Flandre au
XVIe siècle, et parfois appelé en France
« basse à boyau ».
Elle était constituée essentiellement
d’un bâton jouant le rôle de manche,
d’une vessie de porc servant de caisse de
résonance et d’une corde unique frottée à
l’aide d’un archet primitif.
BASSE FONDAMENTALE.
Notion de base de l’harmonie tonale, telle
qu’elle a été dégagée par Rameau, en 1722,
à partir d’un théorème énoncé par Descartes en 1650.
Remaniée en 1735 pour faire place
à la théorie de la résonance, découverte
en 1701 par Joseph Sauveur, mais dont
Rameau semble n’avoir eu connaissance
qu’en 1725, la basse fondamentale a subi,
depuis lors, diverses rectifications de
détail, mais n’a jamais été démentie dans
son principe. Elle consiste essentiellement
dans la recherche, pour chaque accord
donné et après élimination éventuelle des
notes étrangères, du son générateur dont
la résonance contient toutes les notes de
l’accord, si celui-ci est naturel, ou, s’il est
artificiel, les notes de l’accord naturel dont
il est issu. Ce son générateur, exprimé ou
non, est la basse fondamentale de l’accord.
Celle-ci est l’élément déterminant d’où
découlent l’analyse et l’emploi des accords. Elle ne doit pas être confondue avec
la basse harmonique, qui est la basse fondamentale transportée ou non à une octave quelconque, à condition qu’elle reste
inférieure à tous les autres sons exprimés.
BASSE HARMONIQUE.
Note de basse (ou l’une de ses octaves
inférieures) de tout accord formé de notes
réelles et présenté dans son état fondamental, ce qui le rend analysable en tant
qu’accord, en fonction de cette basse harmonique.
Si l’accord est « renversé » ( ! RENVERSEMENT), la basse harmonique est celle
qu’aurait l’accord une fois remis dans son
état fondamental. La basse harmonique
ne se confond pas obligatoirement avec la
basse fondamentale, bien que toutes deux
aient toujours le même nom de note : en
effet, l’octave où se situe la basse fondamentale est commandée par la disposition de l’accord, tandis que l’octave où se
situe la basse harmonique est indifférente
pourvu qu’elle reste inférieure aux autres
notes de l’accord ; la basse fondamentale
commande la justification physique de
l’accord, la basse harmonique suffit pour
en déterminer l’analyse pratique.
BASSE OBSTINÉE ou BASSE CONTRAINTE.
Procédé de composition consistant à répéter inlassablement une cellule de base,
généralement de quatre ou huit mesures,
souvent une descente chromatique, qui
demeure inchangée tandis que les autres
parties se modifient.
Le procédé de la basse obstinée est donc
différent de celui du « thème varié » (
! VARIATION), encore que la confusion ait
parfois été faite (par exemple, les Variations Goldberg de J. S. Bach ne sont pas
des variations à proprement parler, mais
une suite de compositions distinctes sur
une même basse obstinée). Le plus ancien
exemple connu est sans doute le pes ou
« pédale » de trois notes qui soutient sans
arrêt le canon Sumer is icumen in dans
le « chant du coucou », noté vers 1300
au monastère de Reading en Angleterre.
Au XVIe siècle, la basse obstinée devint le
signe distinctif de certaines danses, dont
chacune possédait son schéma mélodique
propre : passamezzo, romanesca, follia. Au
XVIIe et au XVIIIe siècle, la basse obstinée
fut le terrain d’élection de la chaconne
et de la passacaille. La chaconne servit
souvent de cadre, en France, au « grand
ballet » des finales d’opéra ; mais elle y
abandonna plus d’une fois son ostinato au
cours des différents couplets, pour ne le
retrouver qu’au refrain. Dérivé de la chaconne, le ground anglais fit de la basse obstinée, notamment dans l’opéra, un emploi
pathétique dont l’exemple le plus célèbre
est celui des adieux de Didon dans Didon
et Énée de Purcell. Avec ses Variations
Goldberg pour clavecin, sa chaconne pour
violon seul et sa Passacaille et fugue pour
orgue, J. S. Bach donna à la basse obstinée une ampleur inconnue jusqu’à lui.
À l’époque classique, la basse contrainte
tomba quelque peu en désuétude, mais
les romantiques y firent de temps à autre
des emprunts de caractère quelque peu archaïsant (Brahms, finale de la 4e symphonie). Elle semble avoir repris vigueur au
XXe siècle (Webern, Dutilleux, etc.) ; mais
la scène de Wozzeck intitulée par Alban
Berg Passacaille ne se rattache que d’assez
loin aux normes du genre.
BASSE RÉELLE ou BASSE EXPRIMÉE.
Note la plus grave d’un accord sous la
forme dans laquelle il est exprimé.
La basse réelle ne se confond pas toujours avec la basse harmonique ni avec la
basse fondamentale, qui servent de base à
son analyse.
BASSETTO.
1. Terme italien quelquefois employé au
XVIIe siècle pour désigner la partie grave
d’un choeur de voix élevées, ne comportant pas de voix de basse ; on la confiait
soit aux altos, soit aux ténors.
2. Le mot peut également désigner la basse
de viole ou un instrument de même forme
dont la tessiture se situe entre le violoncelle et la contrebasse.
BASSON.
Instrument à vent de la famille des bois,
fait de deux tubes de bois parallèles,
d’érable ou de palissandre, adaptés à une
« culasse » qui les met en communication
de sorte qu’ils forment un seul tuyau sonore continu.
La « branche » antérieure est surmontée d’un pavillon ; l’autre, plus étroite et
plus courte, supporte un mince tuyau de
cuivre recourbé, le bocal, au bout duquel
est fixée l’anche double de roseau. L’étendue du basson est considérable : 3 octaves
et 1 quinte, partant du si bémol grave.
Son timbre va d’un grave robuste, incisif, à un aigu un peu « bouché », capable
d’une grande expression, en passant par
un médium ferme mais doux.
Le basson descend du fagotto, qui existait dès le XIVe siècle. Mersenne parle
de fagot dans son Harmonie universelle
de 1636, et ce nom, qui évoque l’aspect
de l’instrument, un paquet de bois, est
conservé en allemand (Fagott) et en italien (fagotto). Très utilisé dans les ensembles symphoniques au XVIIIe siècle,
notamment pour doubler et renforcer
les basses, le développement progressif
de sa technique permit son emploi dans
les formations de chambre (quintette KV
452 de Mozart, octuors de Beethoven, de
Schubert). Il n’en était pas moins, jusqu’à
l’époque romantique, d’une pratique difficile et d’une justesse approximative, malgré les efforts et l’ingéniosité de nombreux
facteurs. L’Allemand Johann Adam Heckel (1812 ?-1877) apporta des perfectiondownloadModeText.vue.download 77 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
71
nements décisifs et développa un instrument muni de 24 clés et 5 soupapes. À la
même époque, les recherches de plusieurs
facteurs français contribuèrent aussi à
donner au basson ses caractéristiques définitives. Il faut noter que la mise au point
du contrebasson, plus grave d’une octave,
se révéla encore plus délicate.
BASSUS (lat. : « basse « ; ital. basso).
Terme employé à partir de la fin du
XVe siècle pour désigner la partie inférieure d’une polyphonie dans la tessiture
des voix masculines graves.
Il a remplacé le mot contratenor (en
abrégé contra) après un bref emploi de
contrabassus. Le changement de dénomination est intéressant, car il implique
la notion de tessiture dans la conception
polyphonique, alors que l’ancienne terminologie - contratenor, tenor, motetus (qui
devint altus, supplanté plus tard par alto),
triplum (qui devint superius, plus tard soprano) - ne retenait que la structure. Seul
le mot tenor est passé d’une nomenclature
à l’autre, mais en impliquant une notion
de tessiture qu’il n’avait pas auparavant.
L’emploi actuel du mot contrebasse au
sens de « tessiture inférieure à celle de la
basse » provient d’une dérivation légèrement postérieure du mot contra que l’on
retrouve dans le terme basse-contre.
BASTIAN (René), compositeur français
(Strasbourg 1935).
Autodidacte, polyvalent, interprète de
musique électronique en direct sur synthétiseur, responsable du département
électroacoustique du Centre européen
de recherche musicale, animé à Metz par
Claude Lefebvre, René Bastian est une personnalité unique dans le milieu musical
francais, par son rare mélange d’humour,
d’ouverture d’esprit, de haute compétence
et de responsabilité dans l’engagement artistique. Il défend, notamment, le principe
d’une musique électroacoustique libre,
vivante et mobile, qui « n’a besoin que de
presque rien pour exister », contre les académismes du beau son lisse et sans arêtes
et contre le fétichisme technologique des
studios lourds.
Sa production, essentiellement destinée
au synthétiseur en direct, avec ou sans dispositifs électroacoustiques et instruments
associés (les Archanges au galop, 1971 ; le
Pain du dinosaure, 1971-72 ; Extrasystoles,
1972 ; Avers, 1975-76 ; Régression 1, 2, 3,
1975-76), comprend aussi des oeuvres
instrumentales (État 1, État second, 1976 ;
le Rhin est mort, 1978, cantate, Partition
III, 1978 pour 12 ensembles d’harmonie
jouant en plein air) et des pièces « conceptuelles » (Concept-Concerts, 1959-1978).
BASTIN (Jules), basse belge (Bruxelles
1933).
Il étudie au Conservatoire de Bruxelles
avec Frédéric Anspach. En 1960, il reçoit
son premier engagement au Théâtre de
la Monnaie, et remporte en 1963 un premier prix au Concours international de
Munich. Jusqu’en 1964, il est première
basse de l’Opéra de Liège, avant d’aborder les rôles de basse profonde du répertoire italien et français. En 1975, il débute
à l’Opéra de Paris, où il chante le rôle
du banquier dans Lulu en 1979. Depuis,
il participe aux plus grands festivals, de
Salzbourg à Aix-en-Provence, et aborde
aussi bien les opéras de Berlioz, Chabrier
et Ravel que ceux de Janacek ou Prokofiev.
BATAILLE.
Le thème des batailles n’a pas moins inspiré les musiciens que les peintres, mais
ils n’en ont, en général, retenu que l’aspect
extérieur et superficiel : appels, fanfares,
chocs spectaculaires, auxquels s’ajoute
volontiers, lorsqu’il s’agit pour l’auteur
d’une victoire de son prince ou de son
peuple, un chant de triomphe dominant
la défaite de l’ennemi. Le Chef d’armée de
Moussorgski, l’un des 4 Chants et danses
de la mort, est un exemple quasi unique
d’évocation vraiment dramatique des
batailles.
Sous l’aspect vocal, le genre apparaît
dès la fin du XIVe siècle (Grimace : Alarme,
alarme !), se poursuit au XVe et culmine au
XVIe siècle, où Costeley écrit une Prise de
Calais et une Prise du Havre, Janequin une
Bataille de Metz, une Bataille de Renty et, la
plus célèbre de toutes, la Guerre (connue
sous le nom de la Bataille de Marignan).
Cette dernière n’est pas un récit héroïque
de la victoire de François Ier. Ayant pour
propos d’amuser de « gentils Gallois »,
c’est-à-dire des bons vivants et joyeux
drilles, elle traduit les bruits et épisodes du
combat en une extraordinaire évocation
d’orchestration chorale, qui a fait l’objet, dès sa parution, de très nombreuses
transcriptions, surtout pour le luth. Elle
a même été transformée en messe (messe
la Bataille), probablement par Janequin
lui-même, selon la technique de la messeparodie ( ! MESSE).
Conformément à la casuistique amoureuse de la Renaissance, l’amour est souvent évoqué en termes de bataille (Claude
Le Jeune, dans le Printemps : « Le dieu Mars
et l’Amour sont parmi la campagne « ; suit
la comparaison des deux actions) et donne
lieu à des scènes musicales analogues les
unes aux autres ; Monteverdi met sur le
même plan ses Madrigali guerrieri ed amorosi (1638). Les opéras fourmillent, sinon
de scènes de bataille difficiles à rendre au
théâtre, du moins de « bruits de guerre »
ou évocations symphoniques analogues.
Le clavecin lui-même accueille des descriptions plus ou moins naïves de batailles
terrestres ou navales. Abandonné par le
piano-forte, le genre est, au XIXe siècle,
abondamment recueilli par l’orchestre,
et jusque dans les messes, où l’Agnus Dei,
entre autres, par son Dona nobis pacem, si
amplement développé par Beethoven dans
sa Missa solemnis, appelle le contraste de
la guerre à apaiser. Ouvertures, poèmes
symphoniques, etc. - en attendant les musiques de film du XXe siècle - lui font bonne
place, de la Victoire de Wellington (ou la
Bataille de Vittoria), que Beethoven écrit
en 1813 avec accompagnement de canon
obligé, à l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski
(1880), la Sinfonia brevis de bello gallico de
Vincent d’Indy (1918) ou la symphonie no
7 « Leningrad » de Chostakovitch (1941).
BATAILLE (Gabriel), luthiste et compositeur français (Paris v. 1575 - id. 1630).
Connu surtout par ses contemporains
comme luthiste, il écrivait des chansons et
faisait des transcriptions, pour voix seule
et luth, d’airs de cour polyphoniques composés par Guédron, Mauduit, A. Boesset.
Ainsi contribua-t-il au développement du
chant soliste, alors tout nouveau. De 1608
à 1615, il publia six livres d’Airs de différents autheurs mis en tablature de luth chez
P. Ballard. Quelques airs de sa composition figurent également dans des livres
parus en 1617, 1618-1620. Parfois on peut
discerner l’influence de la poésie mesurée
à l’antique sur ses oeuvres. Bataille collabora aux ballets de cour sous Louis XIII.
En 1617, Marie de Médicis fit de lui son
maître de musique et, en 1624, il devint
celui d’Anne d’Autriche. Bataille écrivit
peu d’oeuvres, mais ses recueils constituent une intéressante anthologie de la
musique de cour au début du XVIIe siècle.
BATESON (Thomas), compositeur anglais (comté de Cheshire 1570 - Dublin
1630).
Il fut le premier madrigaliste à obtenir
un grade musical au Trinity College de
Dublin. Il fut organiste de la cathédrale
de Chester (1599-1609), puis de la cathédrale de la Trinité à Dublin (1609-1618).
Il publia à Londres deux livres de madrigaux : le premier de 28 madrigaux de 3 à
6 voix (1604) ; le second de 30 madrigaux
(1618). La fraîcheur mélodique de son inspiration inscrit l’oeuvre de Bateson dans la
meilleure tradition des madrigalistes anglais (consulter E. H. Fellowes, édit., The
English Madrigal School, vol. XXI, XXII).
BATHORI (Jeanne-Marie BERTHIER, dite
Jane), mezzo-soprano française (Paris
1877-id. 1970).
Ayant débuté au concert en 1898, elle
commença à Nantes, en 1900, une carrière d’opéra qui la conduisit notamment
à la Scala de Milan en 1902. Mais, à partir
de 1904, elle se consacra presque excludownloadModeText.vue.download 78 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
72
sivement à la mélodie française de son
époque, faisant connaître dans le monde
entier, et créant souvent, les oeuvres de
Debussy, de Ravel, de Fauré, de Caplet,
de Koechlin, de Satie et des membres
du groupe des Six. Cette remarquable
musicienne s’accompagnait volontiers
elle-même au piano. Elle eut aussi une
activité de pédagogue et de conférencière
et publia deux ouvrages : Conseils sur le
chant (1929) et Sur l’interprétation des
mélodies de Claude Debussy (1953).
BÂTON.
1. Au XIXe siècle, avant d’être remplacé
par la mince baguette, plus maniable,
un bâton de bois ou d’ivoire était utilisé par le chef d’orchestre pour diriger
ses musiciens. Auparavant, aux XVIIe et
XVIIIe siècles, on battait la mesure à l’aide
d’une canne que l’on frappait sur le sol ;
cette pratique causa l’accident qui fut
à l’origine de la mort de Lully. Parfois
aussi, on se servait d’un archet de violon
ou d’un rouleau de papier tenu à pleine
main.
2. Sur une portée, barre verticale traversant plusieurs interlignes et servant à
noter les silences de plus d’une mesure. Le
bâton peut être remplacé par des chiffres.
BATTERIE.
1. Signal militaire ; le tambour battait ou
roulait un rythme selon l’événement à
annoncer (charge, retraite, etc.).
2. Par dérivation du sens précédent, le
terme batterie désigne aujourd’hui, d’une
manière familière, le groupe des instruments de percussion de l’orchestre.
3. Dans le jazz, la batterie (on dit aussi
les drums), tenue par un seul musicien, se
compose de la grosse caisse, de la caisse
claire, des toms, des diverses cymbales
et de quelques petits accessoires (woodblock, cloches, etc.).
4. Sur les instruments à clavier, la batterie est une façon d’arpéger les accords
en répétant le motif parfois pendant plusieurs mesures (la basse dite d’Alberti est
une forme de batterie). Cette technique est
quelquefois employée aussi sur les instruments à archet.
5. Technique du jeu de la guitare qui
consiste à frapper les cordes avec les
doigts au lieu de les pincer.
BATTISTELLI (Georgio), compositeur
italien (Albano Laziale 1953).
Il suit les cours du Conservatoire de
L’Aquila. Cofondateur, en 1974, à Rome,
du Groupe de recherche et expérimentation musicale « Edgard Varèse », il enseigne au Conservatoire de Pérouse et, en
1985-86, réside à Berlin comme invité de
la DAAD. Compositeur « jaloux de son
indépendance » (selon le musicologue
Daniel Charles), Battistelli connaît son
premier succès majeur avec Experimentum Mundi (1981), « oeuvre de musique
imaginaire pour acteur, cinq voix naturelles de femmes, 16 artisans et trois percussionnistes », dans laquelle un ensemble
accompagne des textes de l’Encyclopédie,
au son des divers outils cités (marteau,
enclume, scie, forge, etc.). La musique
de Battistelli garde toujours une composante théâtrale, qu’il s’agisse de ses
oeuvres scéniques (Aphrodite, monodrame
d’après Pierre Lous, 1983 ; Teorema, parabole musicale adaptée librement d’après
Pasolini, 1992 ; Prova d’orchestra, d’après
Fellini, créé à Strasbourg en 1995) ou de
ses pièces instrumentales (La fattoria del
vento, 1988 ; Anarca, hommage à E. Jünger, 1988-89 ; Erlebnis, 1990).
BATTISTINI (Mattia), baryton italien
(Rome 1856 - Rieti 1928).
Il aborda le chant après des études de droit
et débuta en 1878 au théâtre Argentina de
Rome dans la Favorite. Sa carrière dura
près d’un demi-siècle ; il ne l’interrompit
que peu avant sa mort. Il ne quitta guère
l’Europe, mais, de Lisbonne à Moscou,
il remporta des succès immenses et fut
surnommé « la Gloria d’ltalia ». Battistini
fut l’un des derniers et des plus grands
représentants de la longue tradition du bel
canto. Admirable dans les oeuvres de Rossini, Bellini, Donizetti et Verdi, auxquelles
il apportait sa virtuosité transcendante
et son sens exceptionnel du cantabile, il
chantait les rôles les plus dramatiques
sans se départir d’une élégance suprême.
Quant aux rôles du répertoire plus moderne, postérieur à Verdi, dans lesquels il
jugeait que l’élégance ne pouvait être de
mise, il ne les inscrivait pas à son réper-
toire.
BATTUE.
Matérialisation des temps de la mesure
par un geste ou un bruit pour en assurer
la transmission ou la régularité.
Jusqu’au XVIIe siècle au moins, la battue se faisait par touchements du doigt
ou tactus successifs, sans groupement en
mesures : on comptait donc 1. 1. 1... Au
XVIIe siècle, avec la généralisation des
barres de mesure, on commença à grouper les battues par mesures (par exemple,
1. 2. 3. 1. 2. 3...), en donnant au geste de
chaque temps une direction conventionnelle lui permettant d’être à tout moment
identifié par les musiciens.
Si la battue à 2 temps est aujourd’hui
uniformisée, il n’en est pas de même des
autres. À la française, la battue à 3 temps
dessine dans l’espace un triangle. Celle à
4 temps dessine un angle droit : 1er temps
de haut en bas, 2e de droite à gauche, 3e
en retour de gauche à droite, 4e de bas en
haut. À 5 temps, elle bat successivement
une mesure à 3 temps et une mesure à
2 temps. À l’italienne au contraire, on
ignore tous les mouvements latéraux et on
ne quitte pas la ligne verticale. C’est la manière française qui est la seule enseignée
dans les classes de solfège et de direction
d’orchestre.
La musique aléatoire a modifié, pour un
secteur de la musique contemporaine, la
pratique de la battue, en remplaçant tout
ou partie de l’indication des temps par des
signaux conventionnels, comportant notamment des indications de numéros de
repère, excluant de la part du chef l’usage
de la baguette. La main nue, parfois moins
précise que la main tenant la baguette,
apparaît en revanche plus expressive. Certains chefs, comme Pierre Boulez, ont systématiquement abandonné la baguette en
toute circonstance, mais ne semblent pas
avoir fait école sur ce point.
BATTUTA.
Terme italien pour « battue » et, par extension, pour « temps de la mesure », désignant également l’unité de battue, parfois
différente de l’indication de mesure.
Ritmo di tre battute indique par
exemple pour la pulsation un regroupement trois par trois des mesures, et non
des temps, à chaque mesure correspondant une seule battue (trois battues par
groupe de mesures) : cela implique un
tempo très rapide. Le Molto vivace (deuxième mouvement) de la Neuvième Symphonie de Beethoven (1824), bien qu’écrit
à 3/4, s’entend en ritmo a quattro battute
(groupes de quatre mesures avec une battue par mesure, donc quatre battues par
groupe) ; à partir de la mesure 177 débute
en outre un passage faisant alterner ritmo
a tre battute et ritmo a quattro battute.
L’Apprenti sorcier de Paul Dukas (1897)
est écrit à 3/8, mais se dirige d’un bout à
l’autre a tre battute (« à trois battues », correspondant à un groupe de trois mesures).
BATUQUE.
Danse populaire brésilienne, fortement
influencée par les rythmes africains, et
se rapprochant de la samba ou de la matchiche.
BAUDELAIRE (Charles), poète français
(Paris 1821 - id. 1867).
Orphelin de père dès l’âge de six ans, il
supporte mal le remariage de sa mère.
Après des études faciles mais indisciplinées, il se voit offrir par ses parents un
tour du monde destiné à épuiser son dandysme excentrique. Mais il l’interrompt,
revient à Paris et fréquente les milieux
littéraires en même temps qu’il se lie à
Jeanne Duval (1842). Sans se laisser arrêter ni par ses démêlés avec la censure (les
Fleurs du Mal, 1857) ni par l’aggravation
inexorable d’une maladie vénérienne, il
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
73
produit avec fièvre : les Paradis artificiels
(1860), le Spleen de Paris, l’Art romantique
(1868). Mais sa santé décline brutalement.
Hospitalisé en 1866, il connaît une longue
et douloureuse déchéance, dont la mort
le délivre un an plus tard. Son attitude
envers la vie, fondamentalement romantique, sera érigée au rang de système par
un Wagner. Rien d’étonnant à ce que Baudelaire, après le premier concert donné
par ce dernier à Paris le 25 février 1860,
ait écrit au compositeur (dont la vie res-
semble souvent à la sienne) une lettre
demeurée célèbre, pour l’assurer de sa
compréhension intime, lettre à laquelle
Wagner répondit assez banalement. De
même, lorsque l’année suivante Tannhaüser tomba à l’Opéra, Baudelaire publia-t-il
dans la Revue européenne (1er avr. 1861) un
article qu’il compléta ultérieurement, où il
reprenait des thèmes chers : « la musique,
capable de suggérer des idées analogues
dans des cerveaux différents », réalise cette
fusion des sons, des couleurs, des parfums,
des espaces, des formes, dont rêvait déjà
Hoffmann. Le poète est mort trop tôt pour
participer, comme le feront plusieurs de
ses amis, au triomphe de Wagner à Bayreuth. Mais en France, il a trouvé un compositeur fraternel en la personne d’Henri
Duparc, lui aussi retranché du monde par
la maladie et le doute sur sa création, et
auquel on doit une Invitation au voyage et
une Vie antérieure (1870) ouvrant grands
les yeux sur la douleur, où le piano, seul,
prolonge la vision. Au contraire, Debussy,
qui aimait aussi Edgar Poe, s’est montré
dans ses cinq poèmes (Recueillement, le Jet
d’eau, la Mort des amants, le Balcon, Harmonie du soir, 1890) malhabile, trop jeune,
trop peu inventif quant à la musicalité des
mots.
BAUDO (Serge), chef d’orchestre français (Marseille 1927).
Il a fait ses études à Marseille, puis au
Conservatoire de Paris, notamment avec
L. Fourestier pour la direction d’orchestre.
En 1966, il remplace Karajan à la Scala de
Milan et dirige Pelléas et Mélisande. L’année suivante, il fonde avec Ch. Munch
l’Orchestre de Paris, dont il assume la
direction jusqu’en 1970. Il a été ensuite,
de 1971 à 1987, directeur de l’Orchestre
de Lyon (depuis 1984 Orchestre national
de Lyon), qui, sous sa férule, est devenu
une excellente formation. Serge Baudo
a composé quelques oeuvres, dont les
Danses païennes pour clarinette et percussion. Son successeur à Lyon est Emmanuel
Krivine.
BAUDRIER (Yves), compositeur français
(Paris 1906 - id. 1988).
Il s’orienta d’abord vers le droit, mais il
découvrit que seule la musique pouvait lui
apporter une possibilité d’évasion et une
satisfaction spirituelle. Il devint alors élève
de G. Lath, organiste du Sacré-Coeur. En
1936, il fonda le groupe « Jeune France »
auquel s’associèrent Daniel Lesur, André
Jolivet et Olivier Messiaen. Ces quatre
musiciens allaient tenter de retrouver,
pour leur art, les forces généreuses que
connut jadis le romantisme de Berlioz.
Baudrier, rejetant tout système d’écriture trop rigide, renouant en revanche
avec les libertés rythmiques des anciens, se
libéra de la tonalité sans s’enfermer dans
un autre système. Ses compositions instrumentales ou vocales sont souvent fort
sensibles, son style étant, en somme, celui
de l’expression, d’une musique qui chante.
Il a composé des pièces pour piano, deux
quatuors à cordes (1939, 1941), de la musique symphonique (le Musicien dans la
cité, 1936-37, rev. 1946 ; Partition trouvée
dans une bouteille, mouvement symphonique, 1965), de la musique de films et
des oeuvres vocales (Deux Poèmes de Tristan Corbière, 1939 ; Deux Poèmes de Jean
Noir, composés au secret, 1944 ; Cantate
de la Pentecôte, en collaboration avec M.
Rosenthal et M. Constant, pour choeur de
femmes et orchestre, 1950).
BAUDRON (Antoine Laurent), violoniste
et compositeur français (Amiens 1742 Paris 1834).
Violoniste à la Comédie-Française (1763)
puis directeur de son orchestre (1766), il
collabora avec Beaumarchais et est probablement l’auteur du célèbre air « Je suis
Lindor » inséré dans le Barbier de Séville
(1775) et traité par Mozart en variations
pour piano (K.354, 1778). Ses 6 Quartetti
opus 3 (1768) sont considérés comme les
premiers quatuors à cordes composés par
un Français.
BAUER (Harold), pianiste anglais naturalisé américain (Londres 1873 - Miami
1951).
Il étudie d’abord le violon avant de se
consacrer au piano en 1892, sur les conseils
de Paderewski. En 1893, il commence une
importante carrière à Paris et en Russie.
Il joue aux États-Unis une première fois
en 1900, avant de s’y installer en 1915. Il
y fonde la Beethoven Association de New
York, et se produit souvent avec Thibaud
et Casals. Entre 1918 et 1941, il dirige une
célèbre Société de musique de chambre. Il
a été admiré par les plus grands compositeurs de son époque : Ravel lui dédie Ondine, il crée Children’s Corner de Debussy
en 1908 et le Quintette d’Ernest Bloch en
1925. Il a cependant excellé dans le répertoire romantique, où il affectionnait surtout Schumann, Brahms et Franck.
BAUER (Marion), femme compositeur
américaine (Walla Walla, Washington,
1887 - South Hadley, Massachusetts,
1955).
Elle fit des études à Paris avec Nadia Boulanger, Raoul Pugno, André Gédalge ; à
Berlin avec Paul Ertel, et aux États-Unis
avec Pierre Monteux et Campbell-Tipton.
Sa musique, considérée au début comme
audacieuse à cause de ses sympathies
impressionnistes (pièces pour piano, 1er
quatuor), apparaît en fait néoclassique
avec un goût pour les sonorités raffinées
et les combinaisons instrumentales chatoyantes. Son oeuvre comporte des pièces
symphoniques, dont deux symphonies, de
la musique de chambre, des choeurs et de
nombreuses pièces pour piano. On lui doit
également une oeuvre de musicographe.
BAUGÉ (André), baryton français (Toulouse 1893 - Paris 1966).
Il débuta à Grenoble en 1912, puis à
l’Opéra-Comique dans Frédéric de Lakmé
(1917). Il acquit une grande popularité
entre les deux guerres. Sa voix typiquement française de baryton aigu, légère
mais sonore, et son aisance en scène firent
de lui un excellent interprète de Figaro du
Barbier de Séville de Rossini et du répertoire d’opérette (par exemple, des oeuvres
de Messager, Monsieur Beaucaire).
BAUMONT (Olivier), claveciniste français (Saint-Dié 1960).
Il obtient deux premiers prix (clavecin et
musique de chambre) au Conservatoire
de Paris et se perfectionne ensuite auprès
d’Huguette Dreyfus et de Kenneth Gilbert. En 1982, il réussit le concours de
solistes de Radio France et enregistre son
premier disque. Il est ensuite régulièrement invité par le festival de piano de La
Roque-d’Anthéron, ainsi que par celui
de Radio France et Montpellier, et donne
plusieurs récitals au Japon et aux ÉtatsUnis. Il joue régulièrement à deux clavecins avec Davitt Moroney, accompagne le
contre-ténor James Bowman, la soprano
Jill Feldman, publie des articles de musicologie. En 1992, il prend la direction du
Festival Couperin de Chaumes-en-Brie.
Il a enregistré l’intégrale de l’oeuvre pour
clavecin de Rameau, ainsi que celle de
Couperin.
BAUR (Jurg), organiste et compositeur
allemand (Dusseldorf 1918).
Après des études à Cologne à la Musikhochschule, en particulier avec Philipp
Jarnach (composition), et à l’université
avec Karl Gustav Fellerer (musicologie),
il devient professeur au conservatoire
Schumann de Düsseldorf, puis directeur,
depuis 1965, de cet établissement, ainsi
que cantor et organiste à l’église SaintPaul (1952-1960). Son oeuvre reflète les
influences successives de Reger, de Hindemith et de Bartok, puis de Schönberg.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
74
Il a écrit de la musique orchestrale, de la
musique de chambre, des concertos et de
la musique vocale (motets, lieder, dont un
cycle : Herx stirb oder singe).
BAX (sir Arnold), compositeur anglais
(Londres 1883 - Cork, Irlande, 1953).
Il fit ses études à partir de 1900 à la Royal
Academy of Music. Ses premières oeuvres
datent de 1903. Très doué, il transcrivait à
vue n’importe quelle partition d’orchestre
au piano. En 1910, il fit un court séjour
en Russie et certaines de ses pièces pour
piano en portent la trace. Mais, de sang
à moitié irlandais, il imprégna avant tout
ses oeuvres de l’amour de son pays et de
l’attachement à la race celte, n’hésitant pas
à s’inspirer du folklore dans ses compositions. Il participa d’autre part au mouvement littéraire nationaliste irlandais.
On l’a nommé le « Yeats de la musique »
à cause de son penchant pour un mysticisme coloré de romantisme. En 1941, il
devint Master of the King’s Music. Bax
a composé notamment des sonates pour
piano, de la musique de chambre dont 3
quatuors à cordes, 7 symphonies (de 1922
à 1939), des poèmes symphoniques dont
The Garden of Fand (1916) et Tintagel
(1917), deux ballets, des choeurs et une
cinquantaine de mélodies.
BAYER (Joseph), compositeur, chef d’or-
chestre et violoniste autrichien (Vienne
1852 - id. 1913).
Directeur des ballets à l’opéra de Vienne
à partir de 1885, il est célèbre encore aujourd’hui pour son ballet Die Puppenfee
(1888).
BAYLE (François), compositeur français
(Tamatave, Madagascar, 1932).
Abandonnant une carrière d’enseignant
pour compléter une formation musicale
d’autodidacte à Darmstadt et auprès d’Olivier Messiaen et de Pierre Schaeffer, il est
l’un des premiers membres du Groupe de
recherches musicales de l’O. R. T. F., en
1958, avant d’en devenir, en 1966, après
Pierre Schaeffer, le véritable responsable.
Le G. R. M., en effet, doit beaucoup à son
inlassable activité d’animateur, de programmateur, de semeur d’idées et d’initiatives. Dans la personnalité très riche
de ce créateur, le penseur et le théoricien
tiennent une place importante, apparente
jusque dans le titre de certaines oeuvres.
Celles-ci se nourrissent souvent des suggestions nées d’une fréquentation assidue
des courants d’idées modernes (philosophie bachelardienne de la connaissance,
théorie des arts plastiques chez Paul Klee,
mathématiques de René Thom), assimilées et transposées par lui dans le domaine
musical avec plus d’intuition que de méthode. Sa musique ne s’aventure jamais
dans le rêve sans auteurs de chevet : ceux
que nous avons cités, mais aussi Bataille,
Lewis Carroll, les surréalistes. François
Bayle se propose, armé de ces références,
d’explorer par ses oeuvres la « genèse des
formes et des mouvements sonores, la
grammaire de leur formation, leur relation avec les événements du monde plastique ou psychique ». En témoigne une
somme comme l’Expérience acoustique
(1969-1972), oeuvre géante en 5 volets
et 14 mouvements, qui est un des chefsd’oeuvre de la musique électroacoustique
par la cohérence et l’unité de sa conception et la puissance et la diversité de
son inspiration : une de ces « utopies de
sons » que seuls, jusqu’ici, Pierre Henry
et Stockhausen avaient su créer pour les
haut-parleurs. Aussi maîtrisée, mais plus
intime, est la suite en 17 mouvements
Jeïta (1969-70), inspirée par une grotte du
Liban, dont la première partie atteint une
perfection, une concentration et une poésie dignes du plus grand Ravel. Remon-
tant dans le temps, on peut saluer avec
les Espaces inhabitables (1967), inspirés
de Bataille et de Jules Verne, la première
cristallisation musicale des préoccupations théoriques qui devaient l’amener
à cataloguer et à manier de plus en plus
systématiquement les processus sonores
repérés par lui comme appartenant en
propre à la musique des haut-parleurs.
Ce qui n’empêche pas ces oeuvres d’être
foisonnantes d’images et de poésie et très
séduisantes de couleurs. Mais les Vibrations composées (1973) et Grande Polyphonie (1974) semblent porter à la limite
du dessèchement leur assurance de style,
dans leur maîtrise un peu tendue, ce qui
n’est pas le cas de Camera Obscura (1976),
oeuvre-labyrinthe, ou d’Érosphère (1980),
merveilleuse tapisserie musicale intégrant
une oeuvre antérieure, Tremblement de
terre très doux (1978), et renouant avec la
poésie miroitante et scintillante de Jeïta.
Dans cet itinéraire, une oeuvre à part met
à jour plus explicitement le monde symbolique de François Bayle : c’est le Purgatoire (1972), d’après la Divine Comédie
de Dante, second volet d’un triptyque
commandé par le chorégraphe Vittorio
Biagi, dont Bernard Parmegiani signait
l’Enfer, et les deux compositeurs, le Paradis (1974). Interprétant librement le texte
de Dante, lu par Michel Hermon, l’auteur
en dégage le sens initiatique, invente, pour
le placer au centre de son labyrinthe, le
personnage de l’Ange-Feu, séducteur dangereux incarné par des flammèches et des
pétillements sonores caractéristiques de
Bayle, et conclut sur une très belle exaltation mystique de la résonance musicale
pure, dont l’aimée Béatrice est le symbole.
En 1983 ont été créés les Couleurs de la
nuit pour bande et ordinateur (1982) et
Son vitesse-lumière, version intégrale en 5
sections (1980-1983), et en 1990 Fabulae.
BAYLERO.
Chant du bayle « valet », en langue d’oc.
Dialogue chanté, en partie improvisé
autour de certaines notes invariables de la
mélodie, échangé par les bergers de haute
Auvergne se répondant d’un sommet
à un autre. Joseph Canteloube a baptisé
bailèro la première pièce de ses Chants
d’Auvergne ; la mélopée chantée et le climat orchestral y évoquent un paysage
immense et triste.
BAYREUTH.
Petite ville de Haute-Franconie dans le
nord de l’État de Bavière, célèbre pour
son festival exclusivement consacré aux
oeuvres de Richard Wagner.
Provisoirement banni de Bavière en
1865, las des intrigues de cour et de la
surveillance jalouse que son protecteur
Louis II exerçait sur lui, Wagner renonça
au projet, lancé en 1864 par ce souverain,
de construire à Munich un théâtre destiné aux représentations de l’Anneau du
Nibelung, mais non à ce rêve, qu’il caressait depuis longtemps, d’un théâtre bien
à lui, où ses oeuvres pourraient être jouées
d’une manière parfaite. Il se mit en quête.
Bayreuth retint son attention : il s’y dressait un théâtre, l’opéra des Margraves, à
l’acoustique réputée et dont la scène était
l’une des plus vastes d’Allemagne. À l’examen, cet édifice, qu’il visita en avril 1871,
ne lui convint pas. Mais la compréhension
qu’il rencontra à Bayreuth le décida : c’est
là qu’il édifierait son théâtre des festivals
(Festspielhaus), spécialement destiné à
servir de cadre aux représentations solennelles de l’Anneau, oeuvre dont les dimensions et le caractère exigeaient, selon lui,
des conditions d’exécution totalement différentes de celles d’un opéra traditionnel.
L’ambitieux projet de Wagner était
celui d’une véritable école où les interprètes, par le biais de l’étude de ses ouvrages, apprendraient les fondements
du théâtre lyrique moderne : avènement
d’acteurs-chanteurs se substituant aux
« gosiers » sacrifiant tout à « la » note, restauration de la conception initiatique du
spectacle que Wagner croyait déceler dans
la tragédie grecque.
C’est dans cette perspective que, reprenant les principes qu’en accord avec lui
l’architecte Gottfried Semper avait posés
pour le projet de Munich, Wagner conçut
un bâtiment aux caractéristiques révolutionnaires (quoique inspirées, pour certains traits, du théâtre de Riga où il avait
travaillé dans sa jeunesse) : une salle
d’environ 1 800 places en amphithéâtre,
sans loges ni baignoires, étagée sur trente
gradins, avec une visibilité parfaite pour
tous les spectateurs ; un orchestre profondément enfoncé dans une fosse de six
gradins, recouverte aux trois quarts par
deux auvents de bois mince dont l’un, du
côté de la scène, fait office de proscenium,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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créant une fausse perspective qui trompe
le spectateur sur la taille réelle des décors
et même des personnages.
Le fait de cacher l’orchestre répondait à deux préoccupations : d’abord, en
supprimant cette source de lumière qui
d’ordinaire s’interpose entre le public et le
plateau, concentrer l’attention du spectateur sur le déroulement scénique ; ensuite,
obtenir un son d’orchestre décanté, limpide, mal localisé, presque mystérieux,
qui, jaillissant de l’invisible « abîme mystique », enveloppe idéalement les voix sans
les masquer. À l’atmosphère sérieuse, fervente, ainsi recherchée, contribuent également l’austérité de la salle, sans dorure,
sans ornement (elle était d’ailleurs considérée par Wagner comme provisoire ; les
fonds disponibles avaient été utilisés en
priorité pour créer un équipement scénique parfait, considéré, lui, comme définitif), l’inconfort des rudimentaires sièges
de bois et le fait, nouveau pour l’époque,
que la salle était plongée dans l’obscurité
durant les représentations.
L’école ne vit pas le jour, mais, dans
l’édifice bâti grâce à la vente de cartes
de patronage et, surtout, à une ultime et
décisive aide de Louis II, le rideau se leva
sur l’Or du Rhin, inaugurant un Anneau
du Nibelung complet, en août 1876. L’événement, à la fois politique et artistique Guillaume II et l’empereur du Brésil y
côtoyaient Liszt, Bruckner, Tolstoï, SaintSaëns, Tchaïkovski -, connut un succès
rendu relatif par le déficit, qui interdit
d’annoncer la date du festival suivant, et
par l’indifférence du public d’opéra traditionnel. Le wagnérisme, pourtant, s’institutionnalisa cette année-là ; Nietzsche,
voyant son ami accaparé par les associations « d’amateurs de bière, de peaux de
bête et de Wagner », fuit Bayreuth à l’arrivée des premiers « pèlerins ».
Six ans plus tard, la création de Parsifal (1882) fut accueillie avec déférence ;
mais la mort de Wagner (1883) menaça
la survie de Bayreuth. Parsifal fut joué
en 1883 et 1884, mais des festivals isolés, arrachés au destin, n’avaient créé ni
une habitude ni une tradition. Cosima
Wagner décida alors d’assumer l’héritage.
Entourée d’une extraordinaire équipe de
chefs d’orchestre (Hans Richter, Hermann
Levi, Felix Mottl), elle présenta à tour de
rôle l’ensemble des oeuvres principales
du maître, du Vaisseau fantôme à Parsifal. Avec l’aide de son fils Siegfried (18691930) et d’un conseiller musical, Julius
Kniese, elle fit de Bayreuth une institution
où, conception radicalement neuve, mise
en scène et chant comptaient autant l’un
que l’autre. Longtemps, on accusa Cosima
d’avoir favorisé la naissance d’une « race
de hurleurs » (B. Shaw). Mais de grandes
voix, comme Rosa Sucher, étaient alors
aussi rares qu’aujourd’hui. Il est vrai cependant que Cosima, qui estimait honorer
les chanteurs en les engageant et les payait
fort peu (pratique qui s’est maintenue à
Bayreuth jusqu’à nos jours), ne craignit
jamais de sacrifier la beauté vocale sur
l’autel de l’articulation « wagnérienne »
obligatoire qu’elle avait instituée, déclamation inspirée du théâtre parlé. Soumis à
ce style dont ils ne pouvaient enfreindre la
moindre règle sous peine d’expulsion, les
vedettes du Bayreuth de l’époque, Erick
Schmedes, Ernest Van Dyck, Theodor
Bertram, Ellen Gulbranson, purent sembler au public des voix moins « belles »
que leurs rivaux Leo Slezak, Jacques Urlus,
Emil Fischer, Lillian Nordica, Felia Litvinne, qui chantaient librement Wagner
dans les autres théâtres. Assurément, l’intégrité de la fidélité de Cosima à certaines
volontés réelles, ou supposées, de Wagner
ôta aux chanteurs toute spontanéité, toute
imagination, et supprima sur le plan scénique toute possibilité d’innovation.
En 1907, Cosima abandonna la direction du festival à Siegfried. Celui-ci se
contenta, jusqu’à la guerre, de maintenir
les méthodes instaurées par sa mère. Après
le conflit, il eut grand mérite à réunir les
fonds nécessaires pour la reprise, qui eut
lieu en 1924. Cette période se caractérise
par la création d’une régie des éclairages,
la simplification des décors et l’utilisation
de projections, un style plus naturaliste et
psychologique dans la direction d’acteurs,
bref, un heureux compromis entre les
théories d’Appia, que Cosima avait formellement rejetées et qu’il n’osa suivre totalement, et la tradition. Des chefs comme
Karl Muck et Michael Balling, des chanteurs comme Nanny Larsen-Todsen et le
chef des choeurs Hugo Rüdel l’aidèrent à
maintenir une haute qualité musicale et
vocale. Les nouvelles productions de Tristan et Isolde (1927) et Tannhäuser (1930),
qu’il mit en scène, furent critiquées par
les passéistes, mais furent dans l’ensemble
très admirées. Siegfried mourut en 1930,
laissant à sa femme Winifred (1897-1979),
depuis longtemps son assistante, un festival d’une tenue exemplaire, où pourrait
briller la nouvelle génération de chanteurs
wagnériens exceptionnels qui atteignait
alors son apogée : Frida Leider, Alexander Kipnis, Friedrich Schorr, Lauritz Melchior, Lotte Lehmann, Emanuel List.
Or, Bayreuth allait beaucoup changer.
À mesure que l’Allemagne tombait sous
la coupe du national-socialisme, de très
nombreux artistes, imitant Toscanini
dont la rupture avec Bayreuth (1933)
fut éclatante, prenaient le chemin de
l’exil. On ne trouva bientôt plus au festival que des chefs appréciés ou tolérés
par le régime (Karl Elmendorff, Franz
von Hoesslin, Wilhelm Furtwängler) et
des chanteurs « protégés « : Max Lorenz,
Franz Völker, Maria Müller, Margarete
Klose, Jaro Prohaska, Ludwig Hofmann,
Josef von Manowarda, Rudolf Bockelmann. Tous étaient au demeurant de remarquables acteurs-chanteurs, membres
pour la plupart de l’opéra de Berlin dont le
directeur, le chef d’orchestre et metteur en
scène Heinz Tietjen (1881-1967), assura
à partir de 1933 la direction artistique du
festival. Avec l’aide du décorateur Emil
Preetorius et du chef éclairagiste Paul
Eberhardt, Tietjen créa un monde de symboles, d’archétypes, plus proche des réalisations ultérieures de Wieland et Wolfgang Wagner que du style de Siegfried.
Toutefois, à travers cette forme nouvelle,
Tietjen présenta un « message » de plus
en plus ouvertement nationaliste. Hitler
lui-même demeura relativement discret
en raison de la sympathie aveugle, mais
sincère, que lui vouait Winifred... mais
Bayreuth était bel et bien devenu un
temple culturel nazi, et si Germaine Lubin
se flatte d’y avoir chanté Isolde en 1939,
une Kirsten Flagstad préféra rejoindre au
Metropolitan de New York tous les grands
chanteurs exilés.
La guerre limita l’activité du festival,
l’écroulement du Reich l’interrompit
en 1944. Touchée par la dénazification,
Winifred dut céder la direction à deux
de ses enfants, Wieland (1917-1966)
et Wolfgang (1919). En 1951, le théâtre
rouvrit ses portes. Une production, mise
en scène par Wieland, de Parsifal, qui fit
scandale avant de devenir unanimement
admirée au fil des années, inaugurait l’ère
du « nouveau Bayreuth ». Les deux frères
s’attachèrent à définir un style de scénographie systématiquement épuré, jouant
de la lumière et de la couleur pour fouiller
le sens profond des oeuvres. Wieland se
montra symboliste et rigoureux, Wolfgang
plus humain, plus coloré. Les productions
les plus remarquées furent celles de Wieland (Tristan et Isolde, 1952 et 1962 ; les
Maîtres chanteurs, 1956 ; l’Anneau du
Nibelung, 1965) ; elles furent à leur tour
violemment combattues par les passéistes,
mais vite admises et même saluées comme
des exemples, des jalons dans l’histoire
du théâtre ; ces visions décapantes amorçaient une réflexion idéologique qui allait
bien au-delà du simple renouvellement de
style. Un tel travail, décisif pour l’avenir
de l’art lyrique, ne fut possible qu’avec la
fidèle collaboration des chefs d’orchestre
Hans Knappertsbusch, Wolfgang Sawallisch, Karl Böhm, André Cluytens, Josef
Keilberth, Rudolf Kempe, des chanteurs
Wolfgang Windgassen Hans Hotter, Leonie Rysanek, Gustav Neidlinger, Josef
Greindl, Astrid Varnay, Martha Mödl,
Birgit Nilsson, Anja Silja, et du chef des
choeurs Wilhelm Pitz.
Wieland mourut en 1966, année où,
appelé par lui, Pierre Boulez dirigeait
son premier Parsifal. Wolfgang a, depuis,
assumé seul la responsabilité suprême.
Brisant heureusement le rêve de certains
de transformer Bayreuth en « musée
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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Wieland », il a, tout en poursuivant ses
propres recherches, ouvert le Festspielhaus à des metteurs en scène aussi divers
qu’August Everding (le Vaisseau fantôme,
1969 ; Tristan et Isolde, 1974), Götz Friedrich (Tannhäuser, 1972 ; Lohengrin,
1979), Patrice Chéreau (l’Anneau du Nibelung, 1976), Harry Küpfer (le Vaisseau
fantôme, 1978 ; Parsifal, 1982). En même
temps, il a renouvelé les distributions en
appelant des chanteurs (René Kollo, Peter
Hofmann, Gwyneth Jones, Franz Mazura,
Heinz Zednick) ne répondant pas aux cri-
tères de puissance vocale que l’on associait
au chant wagnérien depuis quelques dizaines d’années, mais capables d’affronter
les exigences actuelles de la recherche et
de la sincérité théâtrales. Ainsi Bayreuth
demeure-t-il, comme à ses origines, un
lieu d’avant-garde, un phare du théâtre
contemporain. Wolfgang a confié à Norbert Balatsch la difficile succession de Wilhelm Pitz, à la tête des choeurs (qui sont
une élite recrutée essentiellement dans les
théâtres allemands, ainsi qu’à l’étranger),
et mis l’orchestre (qui est une sélection
de musiciens des orchestres d’opéra et
de radio des deux Allemagnes) entre les
mains de personnalités aussi exigeantes
et aux conceptions wagnériennes aussi
peu sclérosées que Pierre Boulez, Carlos
Kleiber, Colin Davis ou Silvio Varviso.
Wolfang, en accord avec sa mère, a définitivement assuré l’avenir du festival en
suscitant la création, en 1973, d’une Fondation Richard Wagner (Richard Wagner
Stiftung Bayreuth), qui, légataire des
biens matériels et spirituels de la famille
Wagner, est chargée de les gérer. Cette
fondation regroupe la République fédérale d’Allemagne, l’État de Bavière, la Fondation régionale bavaroise, le district de
Haute-Franconie, la Fondation de HauteFranconie, la ville de Bayreuth, la Société
des amis de Bayreuth et les membres de
la famille Wagner. Il a, enfin, développé
les Rencontres internationales pour la jeunesse, nées en 1951, qui organisent, parallèlement au festival, des séminaires, des
conférences, des ateliers de jeunes interprètes.
Le succès du doyen des festivals ne se
dément pas et s’est élargi aux dimensions
du monde grâce à une intelligente collaboration avec la radio, le disque et, plus
récemment, l’audiovisuel.
BAZIN (François), compositeur français
(Marseille 1816 - Paris 1878).
Élève d’Auber et d’Halévy, il obtint le second grand prix de Rome en 1839, derrière
Gounod, puis le premier, en 1840. Ses envois de Rome {Messe solennelle, oratorio la
Pentecôte, Psaume CXXXVI) et le début de
sa carrière furent consacrés à des oeuvres
religieuses d’une très belle facture. Il se
tourna ensuite vers le théâtre lyrique et
écrivit des partitions tenant de l’opéra-comique et de l’opéra bouffe : petites oeuvres
en 1 acte dont certaines, comme Maître
Pathelin (1856), connurent le succès. Sa
seule oeuvre plus développée, le Voyage en
Chine (1865), jouit d’une grande popularité pendant plusieurs dizaines d’années.
Il devint professeur au Conservatoire de
Paris en 1844, et membre de l’Académie
des beaux-arts en 1872.
BEAT.
Mot anglais désignant d’une manière
générale les temps de la mesure, mais
aussi, dans le jazz, la qualité du tempo par
rapport aux critères propres à ce type de
musique.
Lorsque la partie de basse comporte régulièrement quatre noires par mesure, on
parle d’un four-beat rhythm ; en revanche,
si la deuxième noire n’est que sous-entendue, il s’agit d’un two-beat rhythm. Ces
deux systèmes opposés peuvent se succéder au cours d’une même exécution.
BEAUFILS (Marcel), critique et esthéticien français (Beauvais 1899 - id. 1985).
De formation universitaire, excellent
germaniste, orienté vers les recherches
touchant à l’esthétique (il a été professeur d’esthétique musicale au Conservatoire de Paris), Beaufils est un des rares
critiques qui ont traité avec bonheur ce
difficile sujet que constituent les rapports
du mot et de la musique. Son ouvrage sur
le Lied romantique allemand (Paris, 1956)
est particulièrement remarquable. Citons
encore Wagner et le Wagnérisme (Paris,
1947), la Musique de piano de Schumann
(Paris, 1951), Musique du son, musique du
verbe (Paris, 1954) et la Philosophie wagnérienne : de Schopenhauer à Nietzsche (in
Wagner, ouvr. collectif, Paris, 1962).
BEAUJOYEUX (Baldassaro DA BELGIOIOSO
ou Baltazarini DI BELGIOIOSO, dit Balthazar
de),violoniste et chorégraphe italien
(Piémont début du XVIe s., - Paris v 1587).
Il arriva à Paris vers 1555 dans la suite du
maréchal de Brissac. Catherine de Médicis l’accueillit à la Cour, le nomma violoniste de la Chambre et fit de lui son premier valet de chambre. Responsable des
divertissements de la Cour, il est connu
surtout pour avoir conçu en France le premier ballet de cour fondé sur un argument
suivi et préfigurant l’opéra. Il organisa
avec bonheur, à l’occasion du mariage
du duc de Joyeuse avec mademoiselle de
Vaudémont le 15 octobre 1581, le grandiose spectacle intitulé Ballet comique de la
Royne (à l’origine Ballet de Circé) qui comportait des chants, des danses, des machines et des intermèdes instrumentaux,
mais il ne semble pas avoir participé à la
composition de sa musique due à Lambert
de Beaulieu et à Jacques Salmon.
BEAUMARCHAIS (Pierre Augustin
Caron de), écrivain français (Paris 1732 id. 1799).
Quoiqu’il ait enseigné les rudiments de la
musique, et, en particulier, de la guitare,
aux trois filles de Louis XV, écrit le livret
d’un opéra, Tarare, mis en musique par
Salieri (Paris, 1787), et composé de nombreuses romances (paroles et musiques),
ses rapports avec la musique se fondent
principalement sur ses comédies, le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de
Figaro ou la Folle Journée (d’abord interdite par Louis XVI et enfin représentée
en 1784). Les intrigues à l’italienne de
ces deux oeuvres courageuses, qui s’attaquaient aux privilèges, ont inspiré divers
musiciens. En particulier, Mozart (1786)
s’empara de la seconde, et Paisiello (1782),
puis Rossini (1816) triomphèrent grâce
à la première, que Beaumarchais avait
d’ailleurs dès l’origine conçue comme un
opéra-comique, et pour laquelle il avait
lui-même écrit de la musique.
BEBUNG (allemand pour « tremblement »).
Effet produit au clavicorde en faisant
osciller le doigt sur la touche à peu près
comme les instrumentistes à cordes pour
produire un vibrato.
BEC.
Embouchure de certains instruments à
vent de la famille des bois.
Dans la flûte douce (ou flûte à bec),
c’est un court sifflet à biseau qui produit
à lui seul la vibration initiale. Dans les
instruments à anche simple (clarinettes,
saxophones), le bec consiste en un cône
allongé et aplati dont la partie inférieure
évidée, appelée « table », est recouverte
par l’anche qu’une « ligature » métallique
maintient en place. Les becs de clarinette,
autrefois taillés dans du bois dur, puis réalisés en ébonite, sont aujourd’hui coulés
dans de la matière plastique, dont la stabilité est très supérieure. Il existe aussi, pour
le jazz, des becs de saxophone en métal
inoxydable.
BÉCARRE.
Dans l’usage actuel, signe de notation
musicale qui précise que la note à laquelle
il s’applique n’est pas altérée et qui annule
les altérations ayant pu antérieurement
affecter cette note. Comme les autres
signes d’altération, le bécarre se place
normalement avant la note qu’il affecte,
et peut aussi s’employer en armature ou
en chiffrage. Dans la musique sérielle,
on a pris pour règle de placer un bécarre
devant toute note naturelle, même s’il n’y
a pas d’altération antérieure à annuler,
afin d’éviter qu’une graphie différente ne
suggère une différence de traitement entre
notes naturelles et notes altérées.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
77
Les solfèges un peu anciens prescrivent,
si l’on veut changer l’altération d’une
note, par exemple affecter un bémol à une
note subissant l’effet d’une altération par
un dièse, de mettre d’abord un bécarre
d’annulation ; on renonce aujourd’hui à
cette complication inutile.
Dans l’ancienne solmisation, le sens du
bécarre était assez différent de celui qu’il a
aujourd’hui ( ! BÉMOL). Sa graphie initiale
était celle du bémol : un b minuscule, mais
dont on prenait soin d’anguler la boucle
( , b carré, d’où bécarre, s’opposant à b,
b arrondi, « mol », d’où bémol). Puis la
différence de graphie apparut insuffisante
et, pour éviter les confusions, on ajouta
un petit trait descendant prolongeant la
partie droite du « carré « : telle est encore sa forme actuelle ( ). Mais, jusqu’au
XVIe siècle, il ne fut pas fait de véritable
différence entre le bécarre et le dièse.
BECERRA-SCHMIDT (Gustavo), compositeur chilien (Temuco 1925).
Il a fait des études à l’université et au
conservatoire de Santiago où il a eu pour
professeurs Pedro Allende, Domingo
Santa-Cruz et Carvajal. Professeur à
l’université du Chili depuis 1947, il a été
directeur de l’Institut de diffusion musicale (1959-1963) et de la télévision universitaire (1964). D’abord néo-classique à
tendance folklorisante son style a évolué
vers un modernisme éclectique non dépourvu de fantaisie (dans Juegos. il utilise,
avec un piano et une bande enregistrée,
des balles de ping-pong et des briques). Il
est l’auteur de 3 symphonies, de concertos
pour piano et pour guitare, de pièces de
musique de chambre, dont 7 quatuors à
cordes, de pages vocales (Machu Picchue,
oratorio ; Llanto por el Hermano solo) et
de compositions obéissant à des formules
variées (Responso para José Miguel Carrera
pour voix, quintette avec piano et percussion, etc.).
BECHSTEIN (Friedrich Wilhelm Carl),
facteur de pianos allemand (Gotha
1826 - Berlin 1900)
. Après avoir travaillé avec divers facteurs
de pianos, allemands ou français, il fonda
sa propre maison à Berlin en 1853, puis
créa des succursales à Londres, Paris et
Saint-Pétersbourg. Les grands pianos de
concert Bechstein étaient particulièrement réputés à l’époque romantique. La
fabrique fut reprise par ses fils Edwin et
Carl.
BECK (Conrad), compositeur suisse
(Lohn, Schaffhouse, 1901 - Bâle 1989).
Élève de Volkmaar Andreae et de Reinhold
Laquai à Zurich, puis de Nadia Boulanger
au cours d’un long séjour à Paris (19231932), il reçoit également les conseils
d’Honegger, Ibert et Roussel. Directeur de
la section musicale de Radio-Bâle à partir
de 1939, il est l’auteur d’une oeuvre importante, dont les caractères, proches de
Hindemith et du néoclassicisme jusqu’en
1940, ont évolué ensuite vers un lyrisme
plus détendu (jusqu’en 1950), et, plus tard
encore, vers une syntaxe claire et sobre.
Son oeuvre unit le souci d’une polyphonie stricte à celui d’une pureté de lignes,
d’une simplicité qui se rapproche parfois
d’éléments folkloriques. Il est l’auteur de
7 symphonies, 12 concertos, du poème
symphonique Innominata, de 4 quatuors
et 2 trios à cordes, de sonates pour différents instruments, d’oratorios (Angelus
Silesius ; Der Tod zu Basel), de cantates (la
Mort d’OEdipe ; Die Sonnenfinsternis), d’un
Requiem, etc .
BECK (Franz), compositeur allemand
(Mannheim 1734 - Bordeaux 1809).
Élève de J. Stamitz, il dut quitter sa ville
natale à la suite d’un duel, étudia à Venise
avec Galuppi, puis se rendit à Naples et de
là en France. En 1757 déjà, on entendit à
Paris des symphonies de lui. Il séjourna à
Marseille, et, dès 1761, se trouvait à Bordeaux, ville où il fut organiste et chef d’orchestre, et qui devait rester sa résidence
principale. En 1783, il fut appelé à Paris
pour diriger son Stabat Mater, oeuvre
longtemps inaccessible (partition en possession privée), mais finalement entendue
à Bordeaux en 1996. On lui doit notamment l’opéra la Belle Jardinière (Bordeaux,
1767), le mélodrame l’Île déserte, une
musique de scène pour Pandore (Paris,
1789), quelques hymnes révolutionnaires,
et, surtout, une trentaine de symphonies
dont celles parues en quatre groupes de
six, sous les numéros d’opus 1 à 4, de 1758
à 1766, date après laquelle il ne publia
plus rien. Ces oeuvres subjectives et très
intéressantes sur le plan formel font de lui
un des plus grands représentants, injustement ignoré, du style de Mannheim.
BECK (Jean Baptiste), musicologue alsacien (Guebwiller, Haut-Rhin, 1881 - Philadelphie, États-Unis, 1943).
Docteur en théologie de l’université de
Strasbourg, il se fixa, en 1911, aux ÉtatsUnis, où il enseigna dans plusieurs universités. Dès 1907, ses travaux portaient
sur la lyrique médiévale. Appliquant aux
chants de trouvères la doctrine des modes
rythmiques échafaudée par les théoriciens
du XIIIe siècle, il professa que les rythmes
de ces chants dérivent de la métrique des
poèmes. Dans ce domaine, ses résultats
sont analogues à ceux de Pierre Aubry.
On doit à Jean Beck d’excellentes éditions
de chants de trouvères et de troubadours :
Corpus cantilenarum Medii Aevi (Paris Philadelphie, 1927-1938).
BECKERATH (Rudolf von), facteur d’orgues allemand (Munich 1907 - Hambourg 1976).
Son importante manufacture, fondée en
1949 et établie à Hambourg, a restauré
des instruments anciens et construit des
orgues de style classique, à traction mécanique, en Europe du Nord, aux États-Unis
et au Canada.
BECKWITH (John), compositeur canadien (Victoria, Colombie britannique,
1927).
Il a fait ses études musicales à Toronto
avec Alberto Guerrero et à Paris avec
Nadia Boulanger. Pédagogue, pianiste et
critique musical, établi à Toronto, fidèle
à l’esthétique néoclassique et abordant
tous les genres, il est l’auteur d’une oeuvre
abondante comprenant en particulier
des partitions pour orchestre, des opéras
de chambre (Night blooming Cereus, The
Shivaree), une musique de scène (The Killdear, pour piano préparé), de la musique
de chambre et un grand nombre de pièces
vocales.
BÉCLARD D’HARCOURT (Marguerite),
femme compositeur et musicologue
française (Paris 1884 - id. 1964).
Formée à la Schola cantorum, elle composa notamment un drame lyrique (Dierdane, 1941), un ballet (Raïmi ou la Fête du
soleil, 1926), Trois Mouvements symphoniques (1932) et des oeuvres de musique
de chambre où, à l’exemple de son maître
Maurice Emmanuel, elle utilisa les ressources du langage modal. Elle orchestra
le Mariage de Moussorgski et le Poème du
Rhône, oeuvre posthume de M. Emmanuel. Elle est connue surtout pour ses
travaux sur la musique des Incas et sur la
chanson française au Canada.
BEDFORD (David), compositeur anglais
(Londres 1937).
Né dans une famille de musiciens, il choisit très tôt sa voie et entre à la Royal Academy of Music, où il étudie avec Lennox
Berkeley. Il est sensible au langage de
Schönberg. En 1961, une bourse lui permet d’aller suivre des cours avec Luigi
Nono à Venise. Il visite les studios électroniques de Milan en 1962, et subit aussi
l’influence de Maderna. Bedford aime travailler avec les musiciens du monde de la
« pop music », tels que Kevin Ayers et Mick
Taylor des Rolling Stones. Cette collaboration débouche, par exemple, sur Star’s
end (1974) pour 2 guitares électriques,
un percussionniste « pop » et orchestre
symphonique. Il a composé egalement
des oeuvres pouvant être jouées par des
enfants et des amateurs. La musique de
Bedford est originale, mais, quoique très
élaborée, elle n’a jamais l’apparence de la
complication. Le compositeur aime puiser
son inspiration dans un texte (Tentacles
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
78
of the dark nebula, d’après une nouvelle
de science-fiction d’Arthur Clarke). Une
certaine élégance, héritée sans doute de
Berkeley, caractérise son oeuvre et, comme
celle de son maître, la musique de Bedford ne révèle pas toutes ses qualités à la
première approche. Mentionnons encore
Piece for Mo, une oeuvre pour choeur et orchestre, Star clusters, nebulae and places in
Devon, et deux symphonies (1981, 1986).
BEDINGHAM (John), compositeur anglais (XVe s.).
Vivant à l’époque de la guerre de Cent
Ans, ce musicien voyagea probablement
sur le continent, puisque c’est là qu’ont été
trouvées, dans des manuscrits, quelques
oeuvres qui lui sont dues. Il est l’auteur de
la messe cyclique Deuil angouisseux, qui se
sert d’une ballade de Gilles Binchois, de 4
chansons (O rosa bella, le Serviteur, Grand
Temps, Mon seul plaisir), et de quelques
motets. Les solutions qu’il fournit aux
problèmes posés par les règles strictes de
l’écriture de l’époque en font un précurseur.
BEDOS DE CELLES (dom François),
moine bénédictin et facteur d’orgues
français (Caux, Hérault, 1709 - abbaye de
Saint-Denis 1779).
Constructeur de l’orgue de l’abbaye de
Sainte-Croix de Bordeaux, il fut surtout un
expert de premier plan et eut à connaître
toutes les grandes réalisations de son
temps. Il consigna le fruit de son expérience pratique et de ses connaissances
théoriques en un monumental traité, l’Art
du facteur d’orgues (3 vol., 1766-1778), qui
demeure aujourd’hui l’ouvrage de base
inégalé en ce domaine, réédité et étudié
par tous les facteurs d’orgues.
BEECHAM (sir Thomas), chef d’orchestre
anglais (Saint-Helens, Lancashire, 1879 Londres 1961).
De formation autodidacte, il joua un
rôle de premier plan dans la vie musicale britannique durant plus d’un demisiècle, donnant son premier concert en
1899 et le dernier en 1960. Outre ceux
qu’il réorganisa, il ne fonda pas moins de
trois orchestres, dont les deux derniers
existent toujours : le Beecham Symphony
Orchestra en 1909, l’Orchestre philharmonique de Londres en 1932 et le Royal
Philharmonic Orchestra en 1946. En 1910,
il présenta sous sa propre responsabilité
artistique et financière deux saisons à
Covent Garden au cours desquelles furent
créées en Angleterre Elektra et Salomé de
Richard Strauss. Il dirigea également en
1913 la première londonienne du Chevalier à la rose et organisa cette année-là et
en 1914 deux grandes saisons d’opéras et
de ballets russes avec, notamment, la première apparition en Angleterre de Serge
de Diaghilev.
Cette première période à Covent Garden prit fin en 1919, non sans qu’ait été
fondée, dans l’intervalle, la Beecham
Opera Company (1915).
Après une retraite de quelques années
due à des embarras financiers, Beecham
fit sa réapparition en 1923, et en 1929,
consacra un festival entier à Frederick
Delius, compositeur dont il se fit toujours
une spécialité. En 1932, la fondation de
l’Orchestre philharmonique de Londres
et son retour à Covent Garden, dont
il fut le maître unique et incontesté de
1936 à 1939, lui assurèrent une position
unique. Ces années furent marquées par
de mémorables représentations d’opéras et par des concerts tout aussi mémorables, parmi lesquels le festival Sibelius
de 1938. De 1940 à 1944, Beecham vécut
surtout aux États-Unis et dirigea au Metropolitan Opera de New York. Il passa ses
quinze dernières années à la tête du Royal
Philharmonic Orchestra, et, au terme de
sa carrière, avait dirigé plus de 70 opéras
différents.
Célèbre pour sa répartie et son sens
de l’humour, dont il usait parfois sans
ménagement, admiré pour son panache,
pour son style incisif mais d’une suprême
élégance, il vécut en grand seigneur en
témoignant toujours d’un goût particulier pour la musique française, de Grétry
et Méhul à Fauré et Debussy, et, notamment, pour Berlioz, dont il fut un des très
grands interprètes. « Je donnerais tous les
Brandebourgeois pour Manon de Massenet, sûr et certain d’avoir largement gagné
au change », lança-t-il un jour comme
boutade. Il excella aussi dans Haendel,
Haydn, Mozart, Schubert, Bizet, Wagner,
Puccini, Richard Strauss, Sibelius, et n’eut
pas son égal, comme en témoignent de
nombreux enregistrements, pour insuffler
dynamisme et feu intérieur aux compositeurs qui suscitaient en lui « joie de vivre,
et, qui plus est, fierté de vivre ». On lui doit
une autobiographie (A Mingled Chime,
Londres, 1944) et un livre sur Frederick
Delius (Londres, 1959).
BEECKE (Franz Ignaz von), compositeur
allemand (Wimpfen-im-Talg 1733 - Wallerstein 1803).
Membre, avec le jeune Dittersdorf, de la
chapelle du prince von Sachsen-Hildburghausen, il entra chez les Oettingen-Wallerstein en Bavière en 1759 ou en 1760,
et poursuivit au service de cette famille
princière une carrière à la fois musicale (il
composa plusieurs symphonies), administrative et militaire, atteignant en 1792 le
grade de major. En 1766, il rencontra les
Mozart à Paris.
BEECROFT (Norma) femme compositeur
canadienne (Oshawa 1934).
Elle étudie au conservatoire de Toronto
avec John Weinzweigz à Rome avec Petrassis à Tanglewood avec Copland et
Lukas Foss, à Darmstadt avec Madernaz et
s’initie aux techniques électroacoustiques
à Toronto avec Myron Schaeffer et à Princeton avec Mario Davidovsky Assistante,
puis productrice à la radio canadienne
(1963-1969), elle déploie une grande activité en faveur de la musique contemporaine. Attirée au début par la technique
sérielle, elle y a joint peu à peu des éléments électroacoustiques. On trouve dans
son oeuvre des pages destinées à des formations instrumentales - traditionnelles
ou insolites - et d’autres utilisant l’apport
électroacoustique (From Dream of Brase
pour récitant, soprano, choeurs, orchestre
et bande ; Eleg, Undersea Fantasy, etc.)
BEETHOVEN (Ludwig van), compositeur
allemand (Bonn 1770 - Vienne 1827).
On trouve la trace d’ancêtres de Beethoven à Malines et à Louvain (Belgique),
des cultivateurs devenus citadins. Le nom
signifie littéralement « jardin aux betteraves » et la particule « van » n’a point de
sens nobiliaire. C’est à Malines que naquit,
en 1712, le premier Beethoven musicien,
« Ludwig l’Ancien ». Il s’installa à Bonn
comme Hofmusikus du prince-archevêque. Johann, son seul enfant demeuré
en vie, lui succéda à la chapelle princière
comme ténor ; ce dernier épousa, en 1767,
Maria Magdalena Keverich, fille du chef
cuisinier du prince électeur de Trèves,
femme douce et résignée, qui devait mourir de tuberculose en 1787. De leurs sept
enfants, trois seulement survécurent.
Ludwig, le deuxième des sept et l’aîné des
trois frères survivants, naquit le 16 ou 17
décembre 1770 dans leur pauvre logis de
la Bonngasse.
UN TALENT PRÉCOCE ET HORS DU COMMUN.
L’enfance de Beethoven ne fut pas heureuse, quoiqu’on ait exagéré les cruautés
de Johann à l’égard de son fils qu’il voulait « enfant prodige » comme Mozart. Ses
premiers maîtres furent selon l’occasion :
Tobias Pfeiffer, ténor dans une troupe
ambulante, le violoniste Rovantini, le
vieil Aegidius Van der Eeden, organiste
de la Cour. Christian Gottlieb Neefe,
successeur de ce dernier, doit être considéré comme le premier maître sérieux
de Beethoven. L’enfant fit de tels progrès
sous sa férule qu’il reçut à douze ans un
titre d’organiste suppléant, rétribué et investi de responsabilités croissantes, tandis
que le père s’enfonçait dans l’alcoolisme
et la déchéance. C’est à cette époque que
Beethoven déserta de plus en plus le domicile paternel pour celui, accueillant et
chaleureux, de la famille von Breuning,
qui allait être son foyer d’élection.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
79
Très vite, le rayonnement de son talent
dépassa ce cercle amical ; le comte Waldstein, favori du nouveau prince électeur libéral Max Franz, obtint que Beethoven effectuât un voyage d’études à Vienne. De ce
premier séjour (du 7 au 20 avril 1787 environ), on ne sait pas grand-chose. La rencontre avec un Mozart tout absorbé par la
composition de Don Giovanni et méfiant
à l’égard des jeunes prodiges, semble être
restée sans résultat : ni enseignement ni
consécration - des encouragements peutêtre. Beethoven revint à Bonn pour assister à la mort de sa mère, tandis que son
père sombrait tout à fait dans l’éthylisme.
Johann et Kaspar, les plus jeunes frères,
étaient alors à la charge de Ludwig (ils ne
le lui pardonnèrent pas). De cette époque
(1790) datent les cantates pour la mort de
Joseph II, pour l’avènement de Léopold II,
non jouées « à cause de leurs difficultés »,
oeuvres assez conventionnelles dont les
maladresses laissent cependant présager
un grand musicien. Aussi, lorsque Haydn
les vit, lors d’un passage à Bonn, il invita
le jeune Beethoven à faire des « études suivies » avec lui. Le fidèle Waldstein intervint une nouvelle fois et Beethoven quitta
définitivement Bonn pour Vienne, le 2
novembre 1792. « Recevez des mains de
Haydn l’esprit de Mozart », écrit Waldstein dans son album.
LE PIANISTE DE L’ARISTOCRATIE VIENNOISE.
Vienne, capitale du monde germanique,
ville de cours, de palais et de faubourgs
champêtres, était une ville de mode et de
plaisirs, obstinément traditionaliste, résolument superficielle. Terre de génies, elle
accueillit Beethoven d’abord avec grâce.
D’emblée, il fut adopté par l’aristocratie mélomane : Lichnowsky, Lobkowitz,
Schwarzenberg, Zmeskall von Domanovecs furent parmi les souscripteurs des 3
trios op. 1 (1794-95), oeuvres déjà marquées par la personnalité, sinon le style
du jeune musicien. Avec les 3 sonates op.
2 pour piano (1795-96), dédiées à Haydn,
Beethoven rendit à son ancien maître un
unique hommage officiel. Ses études avec
lui avaient été assez sporadiques : l’exemple
de ses oeuvres lui fut bien plus profitable
que ses leçons de contrepoint. Beethoven
fréquenta, non moins sporadiquement,
d’autres maîtres : Schenk, Albrechtsberger, Salieri ; il acquit rapidement, chez l’un
ou l’autre, les connaissances techniques
qui lui étaient nécessaires. En 1795, il était
déjà en pleine possession de son métier,
de sa personnalité, d’une virtuosité de
pianiste hors du commun, comme en
témoigne son premier grand concert viennois, en mars 1795, où il joua un concerto
de Mozart, avec des cadences de sa composition, et une des versions primitives de
son propre 1er concerto (publié plus tard
comme 2e). Mais le domaine où le génie de
Beethoven s’affirma déjà conquérant, irrésistible, ce fut, au dire de tous les témoins
de l’époque, celui des improvisations au
piano où il déchaînait son imagination
sans entraves. Beethoven habitait alors
chez le prince Lichnowsky et se produisait
dans tous les salons viennois, arrachant
« larmes » et « sanglots » (Czerny) à ses
auditeurs bouleversés.
UNE PENSÉE NOVATRICE.
Dans les sonates op. 7, op. 10 pour piano
(1796-1798), dans celle notamment en ré
majeur, Beethoven fit entendre, déjà et
d’emblée, la modernité de son génie, ses
audaces, ses dissymétries, sa force dramatique inouïe : le largo e mesto de cette
sonate op. 10 no 3 en est le surprenant
témoignage. Tous les éléments du langage
musical s’associent là, selon des modes
nouveaux, en des structures où les anciennes hiérarchies sont bouleversées, les
convergences harmoniques, rythmiques,
dynamiques contestées.
Les sonates suivantes, op. 13 Pathétique,
op. 26 et 27, font éclater la menace beethovénienne sur la forme traditionnelle :
bouleversements au niveau du dualisme
thématique et des développements, mise
en question de l’ordonnance des mouvements (sonate op. 27 Quasi una fantasia).
Les 6 quatuors à cordes op. 18, publiés en
1801 (notamment, le premier composé,
op. 18 no 3), attestent également cette
pensée novatrice qui associe les lignes de
force musicales selon des critères libres :
oppositions de registres, de masses, d’intensités, contrastes brutaux, raffinements
extrêmes. Le 6e quatuor (avant-dernier
dans l’ordre de composition) fait entendre
dans son adagio, intitulé la Malinconia
(« la mélancolie »), l’une des pages les plus
saisissantes de la musique, un développement halluciné et hallucinant d’harmonies
sans polarité, de forces contradictoires,
qui annonce le Beethoven des dernières
années.
Ces premières années viennoises furent
les plus heureuses de Beethoven : succès,
faveur des princes, amitiés profondes et
durables avec Wegeler, Ries, Amenda,
Zmeskall, le violoniste Schuppanzigh,
inlassable pionnier de sa musique. Mais
voici que, en 1801, dans deux lettres du
mois de juin à Wegeler et à Amenda, qui
avaient quitté Vienne, l’ombre apparut :
Beethoven dévoilait ce qu’il cachait à
tous depuis un certain temps - sa surdité
naissante, croissante, bientôt irrémédiable. Son désespoir sembla momentanément apaisé - ou plutôt différé - par
l’entrée dans sa vie « d’une jeune fille
bien-aimée « : Giulietta Guicciardi, dont
le charme frivole, à dix-sept ans, conquit
Vienne ; Beethoven lui dédia la sonate op.
27 no 2, dite Clair de lune. De ce que fut cet
amour réellement, des sentiments de l’un
et de l’autre, nous ne savons rien, et tout le
reste est légende. Toujours est-il que Giulietta épousa le comte Gallenberg et laissa
Beethoven à la solitude et au désespoir,
que traduisit, en 1802, un document poignant : le « testament d’Heiligenstadt ».
L’idée de suicide hanta Beethoven : « C’est
l’art et lui seul qui m’a retenu », écrivit-il.
Lorsqu’il quitta sa retraite d’Heiligenstadt
et rentra à Vienne, il avait sur sa table le
manuscrit achevé de la 2e symphonie, dont
la gaieté et l’entrain déjouent l’idée d’identité ponctuelle entre oeuvre et vie, chère
aux commentateurs ; le 1er mouvement de
la 3e symphonie était aussi esquissé.
Dès la 1re symphonie, Beethoven avait
manifesté l’audace de son génie. Dans la
forme d’abord : le ton d’ut majeur n’est
atteint qu’au terme d’une pérégrination harmonique de 12 longues mesures
adagio, « anacrouse formelle » que l’on
retrouve amplifiée dans la 2e symphonie
(33 mesures adagio précèdent l’allegro
initial). Dans l’orchestration ensuite : la
suprématie hiérarchique des cordes y est
contestée par une véritable promotion des
instruments à vent (la critique reconnut
ce fait en lui reprochant d’écrire « de la
musique militaire »). Dans la 3e symphonie, achevée au début de 1804, la pensée
orchestrale novatrice de Beethoven était
à son point culminant : le timbre entre de
plein droit dans l’architecture musicale,
associé aux métamorphoses harmoniques,
formant ce que l’on pourrait appeler des
« modulations de timbre », dont voici un
exemple extrait du 1er mouvement : mi
bémol majeur/fa majeur/ré bémol majeur
Violoncelles/Cor en fa/Flûte-violons en si
bémol majeur/mi bémol majeur 2 flûtesaltos-basses/Tout l’orchestre.
Dans le mouvement lent, marche funèbre, le timbre est associé aux rythmes
en d’étranges alliages, sombres ou d’une
clarté tranchante : ces associations inouïes
créent le climat dramatique du morceau.
Quant au mouvement final, il est bâti
sur le thème du finale du ballet de Prométhée op. 43 et se déroule ostinato en
12 variations qui mettent entre parenthèses la forme traditionnelle du rondo.
Le contexte historique de ce chef-d’oeuvre
a fait couler beaucoup d’encre ; on sait
que Beethoven, républicain convaincu dès
1798, l’avait dédié à Bonaparte, en qui il
voyait l’égal des grands consuls romains.
En apprenant que Bonaparte s’était fait
sacrer empereur, il entra en grande fureur,
déchira la page de dédicace et donna à son
oeuvre le titre définitif de Sinfonia eroica.
DE FIDELIO À LA PASTORALE.
Pendant toute l’année 1804, Beethoven travailla à son unique opéra, Fidelio,
d’abord intitulé Léonore, et dont le sujet,
à la gloire de l’amour conjugal, dû au
dramaturge français Bouilly, fut remanié
plus tard par Treitschke. Achevé en 1805
et créé le 20 novembre dans une Vienne
envahie par les troupes de Napoléon, dedownloadModeText.vue.download 86 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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vant un parterre clairsemé (presque tous
les Viennois avaient fui), ce fut un échec
complet. Sur l’insistance de ses amis,
Beethoven consentit à d’importantes
redistributions et coupures dans la partition, et fit représenter l’oeuvre, à nouveau,
le 29 mars 1806. L’accueil fut meilleur. Ce
n’est que huit ans plus tard que, retravaillé
de fond en comble, l’opéra reçut sa forme
définitive et connut le succès. On peut
considérer Fidelio comme la préfiguration
du drame musical moderne, tant par la
liberté dans l’écriture des parties vocales
et la consonance immédiate de la parole
et de la musique que par le rôle capital
dévolu à l’orchestre, véritable lieu théâtral
d’où s’élèvent et rayonnent, en profonde
unité, les voix.
De ces années extrêmement fécondes
(1804-1808) datent la 4e symphonie, la
sonate op. 53, dédiée à Waldstein, d’une
écriture pianistique révolutionnaire dans
le domaine de la couleur, la grandiose sonate op. 57 Appassionata, le concerto pour
violon, le 4e concerto pour piano dédié à
l’archiduc Rodolphe, nouvel élève et ami
de Beethoven, ainsi que les 3 quatuors op.
59 commandés par le prince Razoumovski, ambassadeur de Russie à Vienne et
fervent admirateur du compositeur. Les
dernières oeuvres ont été jugées « difficiles,
compliquées, dissonantes « ; c’est dire leur
modernité de conception, leurs exigences
techniques d’interprétation aussi, notamment dans la fugue finale du 3e de ces qua-
tuors, dont les « normes « conceptuelles et
interprétatives, en dynamique, tessiture,
vitesse et cohésion, sont absolument nouvelles, spectaculaires. « Que m’importe
votre sacré violon lorsque l’esprit souffle
en moi ! « Ce sont, enfin, les 5e et 6e symphonies, composées en même temps, entre
1805 et 1808, et exécutées ensemble pour
la première fois le 22 décembre 1808. La
Cinquième Symphonie est l’oeuvre la plus
célèbre de Beethoven et celle qui, avec la
Neuvième Symphonie, a suscité le plus de
commentaires. Elle exalte et illustre la notion de thème. Celui-ci, composé de trois
brèves et d’une longue, cellule rythmique
élémentaire, se retrouve dans toute la poésie et toute la musique du monde, et dans
mainte oeuvre beethovénienne, mais c’est
son développement qui, dans la 5e symphonie, dans tous ses mouvements et de
mille manières, le rend singulier, unique.
Telle qu’en elle-même l’oeuvre la change,
cette cellule, ailleurs anonyme, devient
ici le « thème du Destin «. Tout autre est
la voie de la 6e symphonie, dite Pastorale,
qui puise son inspiration dans la nature,
en demi-teintes, en couleurs raffinées, en
poésie contemplative. « La description est
inutile, note Beethoven, s’attacher davantage à l’expression du sentiment qu’à la
peinture musicale. « Ainsi Beethoven
met-il en garde contre une « musique à
programme «, contre une interprétation
exagérément pittoresque de sa musique
qui pourrait interdire l’accès à ces « autres
contrées « où la musique est souveraine.
LASSITUDE ET ABATTEMENT.
Brouillé avec Lichnowsky, à court de
moyens, aspirant à la stabilité matérielle,
fatigué de Vienne et de ses intrigues,
Beethoven songea à partir. Fausse sortie,
qui provoqua cependant, par l’intermédiaire de Marie von Erdödy, amie tendrement dévouée, un sursaut chez les aristocrates admirateurs du musicien. Les
princes Kinsky, Lobkowitz, l’archiduc
Rodolphe signèrent, le 1er mars 1809, un
« décret « garantissant 4 000 florins de
rente annuelle au compositeur, décret
qui allait être dénoncé par leurs héritiers. Mais l’Autriche et la France étaient
de nouveau en guerre. Dans le manuscrit
du 5e concerto pour piano se glissent les
mots « chant de triomphe pour le combat !
attaque ! victoire ! «. L’oeuvre est une symphonie plutôt qu’un concerto virtuose, le
piano étant lui-même, de facture orches-
trale, grandiose. Le surnom « l’Empereur
« est d’origine aussi anonyme que gratuite.
Après une audition à Leipzig, l’oeuvre fut
créée à Vienne par Czerny en soliste,
en 1812, et elle était dédiée à l’archiduc
Rodolphe, de même que la sonate dite les
Adieux, qui célèbre le retour du dédicataire après sa fuite de Vienne.
Quelques figures féminines passèrent
dans la vie de Beethoven, comme pour
masquer celle qui, inconnue, détenait son
véritable, sans doute son seul, amour. Bettina Brentano, la jeune amie de Goethe,
Amalie Seebald, Teresa Malfatti ne furent
que des amies, des amitiés amoureuses.
Quant à l’» immortelle bien-aimée «, à
laquelle s’adresse la fameuse lettre trouvée
après la mort de Beethoven, son identité
reste secrète. On a longtemps cru qu’il
s’agissait de Thérèse von Brunsvick, mais
on pense aujourd’hui que ce fut soit Joséphine von Brunsvick, soeur de Thérèse et
veuve du comte Deym, soit plus probablement Antonie Brentano, cousine de
Bettina. Cet été de 1812 (au cours duquel
fut écrite la fameuse lettre) marqua la rencontre avec Goethe aux eaux de Teplice,
l’achèvement de la Septième Symphonie,
la composition de la Huitième lors d’un
séjour à Linz. Encore un « couple symphonique « antinomique : à la mélancolie énigmatique qui émane du second
mouvement de la Septième et qui, nous
semble-t-il, irradie toute l’oeuvre, répond
la joie explosive de la Huitième. Entre 1813
et 1819, Beethoven sembla traverser une
longue et profonde crise. « Rien ne peut
plus désormais m’enchaîner à la vie «,
écrivit-il dans l’abattement. Sa production
elle-même en fut atteinte, elle se réduisit à
des oeuvres mineures, souvent purement
alimentaires, d’où cependant émergent,
comme pour défier le destin, quelques
chefs-d’oeuvre : la sonate pour violoncelle
op. 102 (1815), le cycle de lieder An die
ferne Geliebte (1816) et la sonate op. 101
(1816), qui attaque de front les formes
traditionnelles ; enfin, en 1817-1819,
la sonate op. 106 - ces deux dernières
oeuvres étant destinées au Hammerklavier,
le piano à marteaux (celui-ci ne cessait de
se perfectionner, et c’est aux « derniers
modèles «, les plus chantants, que Beethoven destina ces sonates).
La sonate op. 106 est un des chefsd’oeuvre de Beethoven, et il est impossible
d’approcher en quelques lignes ses pages
visionnaires qui culminent en la monumentale fugue née dans le conflit de forces
contradictoires où elle puise sa violence :
« Ce qui, précisément, donne aux fugues
de Beethoven leur caractère exceptionnel,
ce qui fait d’elles des créations uniques et
inégalées, c’est cette confrontation périlleuse entre des rigueurs d’ordre différent
qui ne peuvent qu’entrer en conflit ; aux
frontières du possible, elles témoignent
de l’hiatus qui va s’accentuant entre des
formes qui restent le symbole du style
rigoureux et une pensée harmonique qui
s’émancipe avec une virulence accrue « (P.
Boulez). La forme classique de la sonate
achève de se disloquer dans les dernières
oeuvres pour piano de Beethoven : liberté
absolue avec l’opus 109 (1820) et ses variations finales, architecture visionnaire avec
l’opus 110 (1821).
La sonate op. 111 (1821-22), enfin,
signe dans les résonances apaisées de
son admirable arietta, 2e et dernier mouvement, l’» adieu à la sonate « selon Th.
Mann (le Docteur Faustus). Voici l’un des
édifices les plus codifiés du classicisme définitivement détruit, et voici l’ère ouverte
à l’invention de nouvelles formes.
AU FOND DE LA DÉTRESSE.
1817 et 1818 marquèrent le fond de la
détresse beethovénienne. Aux maladies inflammation pulmonaire, jaunisse - et à
l’isolement par la surdité, aux tourments
secrets, dont quelques lettres se font
l’écho, se joignirent les ennuis domestiques de tous ordres et la présence intermittente de son neveu Karl (que le frère de
Beethoven avait confié, avant de mourir,
à sa femme et au compositeur conjointement) - présence torturante, à laquelle
Beethoven s’accrocha désespérément
et que les procès d’une tutelle contestée
rendirent d’autant plus douloureuse. Une
oeuvre grandiose, qu’il garda pendant
quatre ans sur le chantier, l’arracha à la
détresse : ce fut la Missa solemnis, que
l’archiduc Rodolphe, devenu archevêque
d’Olmütz, lui avait commandée pour son
intronisation solennelle. Voici Beethoven
à nouveau dans la fureur de composer. Parallèlement aux dernières sonates, le Kyrie,
le Gloria, le Credo virent le jour lentement,
et, déjà, apparurent les esquisses d’une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
81
nouvelle symphonie : la Neuvième. L’une
comme l’autre de ces oeuvres monumentales dépassent leur cadre consacré, église
ou concert. Ni la Missa ni la Neuvième
ne peuvent se définir exactement par les
termes de messe et de symphonie : l’une,
débordant une fonction liturgique, ouvre
aujourd’hui de grands festivals, l’autre est
devenue symbole et hymne sur toutes les
lèvres. La messe est écrite par blocs, où le
volume, le poids, les ensembles dominent
et assujettissent le détail. Ce n’est que dans
le Credo que le détail semble reprendre
de l’importance, dans un style presque
théâtral, défi à toute idée de musique religieuse. La fugue In vitam arrache la pièce
à cette théâtralité, la replace dans sa vraie
perspective architecturale. Le Dona nobis
pacem conclut l’oeuvre dans la sérénité.
La Neuvième Symphonie op. 125 semble
avoir accompagné Beethoven durant toute
sa vie créatrice. Dès 1792, il s’était enthousiasmé pour l’Ode à la joie de Schiller ; en
1817, il esquissa une oeuvre orchestrale
avec voix. Puis, au fur et à mesure que
la composition de la symphonie avança
(1822-23), il renonça à un finale vocal.
Ce n’est qu’à la fin de 1823 que s’opéra la
synthèse : l’Ode de Schiller vint couronner
l’oeuvre, exécutée le 7 mai 1824. Les trois
premiers mouvements sont puissamment
ancrés au finale par une introduction
qui les remémore un à un. Le « thème de
la joie « y fait alors une entrée discrète,
presque tendre, aux cordes graves, et commence son expansion. Ce thème, très universellement connu de toute la musique,
a été l’objet de recherches inlassables du
compositeur ; on en connaît plus de deux
cents états. Dans mainte oeuvre, Beethoven a cherché, à travers d’innombrables
esquisses, l’état générateur le mieux approprié à l’expansion d’un thème. Ici, en revanche, il cherche son état idéal de permanence, inaltérable, inaltéré, qui sera porté
par le chant innombrable. Aussi le « développement « du finale n’en est-il pas un à
vrai dire, c’est l’amplification constante, la
glorification d’une idée, l’incantation : par
quoi ce finale porte, au-delà des salles de
concert, sa destinée d’hymne.
Une dernière oeuvre monumentale
pour piano se glisse entre la Messe et la
Neuvième : les 33 Variations sur une valse
de Diabelli op. 120 (1819-1823), oeuvre vi-
sionnaire entre toutes, où se nie la notion
de thème, à la limite la notion de variation. Tout est thème, tout est métamorphose dans ce gigantesque parcours qui ne
retient comme « donné « (omniprésent)
qu’une formule harmonique rudimentaire qui, tout au long de l’oeuvre, va être
l’agent unificateur de trente-trois éclats
fulgurants de l’imagination.
APAISEMENT ET SOLITUDE.
Au cours des dernières années de son
existence, Beethoven sembla atteindre un
étrange équilibre. Sa vie fut désormais tout
intérieure, tournée vers l’oeuvre ultime les derniers quatuors. Indifférent au succès, d’un aspect extérieur négligé, sauvage,
il communiquait avec son entourage uniquement par les « cahiers de conversation
« (dans lesquels Schindler, son « famulus
«, a pratiqué coupures et destructions).
On pouvait voir Beethoven, lorsque la
maladie intestinale ou la faiblesse de sa
vue ne le faisaient pas trop souffrir, attablé
avec quelques amis à l’enseigne du Cygne
d’Argent, manger des huîtres arrosées de
bière et poursuivre de longs monologues
philosophiques ou politiques, pessimistes,
critiques, sauf à l’égard des Anglais, qu’il
idéalisait. Son affection exclusive, jalouse,
pour Karl (dont il avait la mère en horreur)
envenima complètement leurs relations,
et le neveu, désaxé par ces conflits incessants, fit une tentative de suicide. Effondrement, réconciliation, séjour précipité
à Gneixendorf chez Johann : des scènes
éclatèrent entre les deux frères, Beethoven
quitta précipitamment la propriété sous la
pluie, dans une carriole, et rentra à Vienne
avec une double pneumonie. Il mourut le
26 mars 1827, pendant un violent orage.
Seul la veille, il fut accompagné au tombeau par un cortège de 20 000 personnes.
L’OEUVRE ULTIME.
Les derniers quatuors sont les chefsd’oeuvre intérieurs de Beethoven. Leur numérotation n’est pas chronologique. Au
12e quatuor op. 127 (1824) et ses jeux de
miroirs succède, dans l’ordre de la composition, le 15e op. 132, dont le troisième
mouvement, Chant de reconnaissance,
dans le mode lydien, est un des sommets
de la musique. Le 13e quatuor, achevé
en 1825, est en six mouvements. Dans
l’avant-dernier, l’admirable Cavatine, les
silences se font tout aussi éloquents que
des sons. On sait que c’est la Grande Fugue
qui devait terminer cette oeuvre ; Beethoven l’en détacha - geste accompli à regret,
dit-on, geste logique cependant, nous
semble-t-il, car à quoi un tel organisme,
aux proportions gigantesques, aux tensions harmoniques inouïes, pourrait-il se «
rattacher « ? La Grande Fugue op. 133, qui
fait éclater - dans la mesure même où elle
semble y souscrire - un schème classique,
est un chef-d’oeuvre solitaire dans tous
les sens du terme. Le 14e quatuor op. 131,
achevé en 1826, est le plus audacieux du
compositeur dans le domaine de la forme :
ses sept mouvements si divers défient - et
pourtant accomplissent, comme par l’effet
d’une formidable pression - l’unité de
l’oeuvre. Le 16e quatuor op. 135 (1826), le
dernier composé et le plus bref du groupe,
a été l’objet particulier de gloses, en raison
de son célèbre exergue inscrit en tête du
mouvement final : « Muss es sein ? - Es
muss sein « (« Cela doit-il être ? - Il faut
que cela soit «). Mais il s’agit, croit-on,
d’une boutade, non d’une interrogation
tragique du destin. Dans le Doux Chant
de repos, chant de paix qui précède, dans
ses admirables variations, Beethoven fait
entendre une voix apaisée, sereine, une
voix d’adieu.
Si les derniers quatuors, les Variations
Diabelli, les dernières sonates constituent
le suprême accomplissement de la pensée visionnaire de Beethoven, ils procèdent d’un esprit novateur qui se manifeste
dès les premiers chefs-d’oeuvre de sa vie
créatrice. C’est là que, déjà et d’emblée,
les fondements du langage hérité se voient
contestés dans leurs hiérarchies musicales,
dans leurs structures, ï sinon dans leurs
formes. De la sonate op. 10 no 3 à celle
de l’opus 53, de l’opus 57 à l’opus 111,
du 3e quatuor op. 18 au 3e « Razoumovski « et à la Grande Fugue, chaque oeuvre
apporte à l’édifice nouveau ses matériaux
inédits. Dès lors, les divisions rigides de
l’oeuvre beethovénienne en deux, trois ou
quatre périodes (« période d’imitation-de
transition-de réflexion «, selon Vincent
d’Indy) paraissent fallacieuses, d’autant
qu’elles impliquent une notion sommaire
de « progrès «, notion trompeuse en art.
Inclassable à l’intérieur de sa propre
oeuvre, Beethoven l’est aussi à l’intérieur
des catégories historiques. Classique ou
romantique ? Beethoven semble dépasser
d’emblée cette alternative où l’on tente
de l’enfermer. Aux confins de deux uni-
vers spirituels, son oeuvre échappe, par
sa nature, à l’histoire : infiniment singulière, perpétuellement au présent, cette
oeuvre est moderne, elle définit, éclaire,
concrétise la notion même de modernité notion que l’homme moderne à son tour
explicite, recrée, façonne dans son langage
propre. C’est dans ce dialogue, que chaque
génération, chaque individu poursuit avec
l’oeuvre de Beethoven, que celle-ci se révèle actuelle et novatrice à jamais.
BEHRENS (Hildegard), cantatrice allemande (Varel, près de Brême, 1937).
De par ses origines - elle appartenait à une
famille de médecins - rien ne la destinait
à une carrière musicale ou théâtrale. Elle
étudia le droit et s’orienta vers le barreau
quand sa vocation lui fut révélée par sa
participation, en tant qu’amateur, à la chorale de l’école de musique de Fribourg-enBrisgau. Elle entra alors à l’Opéra-Studio
de Düsseldorf, où Herbert von Karajan la
découvrit à l’occasion d’une répétition de
Wozzeck et l’engagea aussitôt pour interpréter Salomé au festival de Salzbourg, en
1977. C’est dire que très peu d’années lui
ont suffi pour ajouter à son répertoire Elisabeth de Tannhäuser, Elsa de Lohengrin,
Kundry, Isolde, ainsi que l’Impératrice de
la Femme sans ombre et Senta du Vaisseau
fantôme, qui l’ont fait acclamer à l’Opéra
de Paris pendant la saison 1980-81. Elle a
abordé ensuite d’autres rôles wagnériens
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ainsi que certains rôles italiens et chanté
en 1987 celui d’Elektra à l’Opéra de Paris.
BELAÏEV (Mitrofan Petrovitch), éditeur russe (Saint-Pétersbourg 1836 - id.
1903).
Fervent mélomane, Belaïev joua un rôle
fondamental dans la vie musicale russe
du dernier quart du XIXe siècle. Il organisait chez lui des soirées de musique de
chambre consacrées à Haydn, à Mozart,
etc. Admirateur passionné de Glazounov,
il fonda à Saint-Pétersbourg, en 1885,
les Concerts symphoniques russes dans
l’intention d’y faire jouer les oeuvres de
ce musicien. La même année, Belaïev créa
à Leipzig une maison d’édition pour pu-
blier les oeuvres de Glazounov, mais aussi
celles de Borodine, Rimski-Korsakov,
Moussorgski, Liadov, Tanéiev, etc. En
1891, il fonda les Concerts de musique de
chambre pour l’exécution de la musique
russe. À sa mort, Liadov, Rimski-Korsakov et Glazounov devinrent les administrateurs de la maison d’édition et des
sociétés de concerts.
BEL CANTO (litt. « beau chant »).
Cette expression, qu’une certaine tradition populaire assimile encore parfois aux
diverses manifestations de l’opéra traditionnel, définit en fait une manière de
chanter et un style de composition donnés,
correspondant à une période assez déterminée de l’histoire du chant italien, de la
fin du XVIIe siècle aux premières décennies
du XIXe. Il n’en demeure pas moins que
ce terme ainsi que ses dérivés belcantiste
et belcantisme, aujourd’hui fréquemment
employés, peuvent s’appliquer, en dehors
de ces limites, à tout autre type d’écriture
ou d’interprétation qui se réclame de ses
principes, quels qu’en soient le pays ou
l’époque.
Ces principes peuvent se définir essentiellement par :
1. La priorité donnée à la beauté du chant,
non seulement dans l’interprétation, mais
également dans une écriture musicale
spécifique, où la prosodie du texte mis en
musique obéit aux impératifs du chant,
de sa respiration (d’où la symétrie des périodes), du dosage des registres de la voix,
du choix des voyelles employées dans ces
registres, etc. ;
2. L’obligation faite au chanteur, en certains endroits prévus du texte, d’enrichir
la ligne de chant écrite par une ornementation (ou abbellimenti) appropriée (v.
ORNEMENTS), ainsi que celle de pratiquer sur les points d’orgue des passages ou
cadences de virtuosité de sa composition ;
3. La pratique de la sprezzatura (soit un
phrasé stentato, c’est-à-dire « détendu »)
qui libère la phrase chantée du carcan
trop étroit du rythme inscrit, et, dès le
XVIIIe siècle, celle du chant legato ou portato, qui consiste à lier les sons d’un mot
ou d’une phrase en « portant » la voix
d’une note vers la suivante, sans solution
de continuité, mais laissant entendre très
rapidement les sons intermédiaires, ainsi
que le pratique le violoniste dans la technique du glissando. L’usage du portamento,
qui donne une grande élégance au chant,
survécut au bel canto et il était toujours
préconisé dans tous les traités de la fin du
XIXe siècle, tant en Italie qu’en France ou
en Allemagne.
On en déduit que le bel canto exigeait,
de la part de l’interprète, une parfaite
connaissance des lois de l’écriture, ainsi
qu’une maîtrise vocale fondée sur un exceptionnel contrôle du souffle et sur une
virtuosité spécifique qui dépassait, à cette
époque, celle des instrumentistes ; cette
virtuosité permettait d’une part de longues tenues et des nuances expressives,
dont notamment la messa di voce (note
enflée puis diminuée), d’autre part l’exécution de différents types de trilles, de
gammes rapides diatoniques ou chromatiques, piquées ou liées, d’arpèges, etc. Cet
art, que possédèrent au plus haut point
les castrats d’opéra, eut pour véhicule,
en particulier, la forme de l’aria da capo,
où le chanteur est tenu d’ornementer très
largement la redite de la section initiale,
démontrant ainsi, à la fois, sa science et sa
maîtrise vocale.
Historique. Le terme, apparu vraisemblablement vers la fin du XVIIIe siècle,
et qui sera couramment cité par Stendhal, fut sans doute créé par les amateurs
et non par les musiciens. Il se substitua
aux expressions buona maniera di cantare
(Caccini), puis buon canto (Burney, 1772).
Mais il s’agit bien du même art, dont G.
Caccini pose déjà les bases (Prefazione alle
nuove musiche, 1614), que définissent P.
F. Tosi (Opinioni..., 1723) et G. B. Mancini (Riflessioni..., 1774) et auquel se réfère
encore Garcia au XIXe siècle. Or, certaines
de ses exigences laissent deviner une origine plus ancienne, notamment la virtuosité vocale (vraisemblablement héritée des
chants alléluiatiques de la liturgie) dont le
haut niveau est attesté par Diego Ortiz en
1553 et R. Rognoni en 1592.
Mais le chant soliste ne trouva son plein
épanouissement que lorsque la monodie
eut supplanté la polyphonie, donnant
naissance à l’art savant de l’opéra, de la
cantate ou de l’oratorio ; avec ses premiers
défenseurs, Monteverdi puis Cavalli,
les premières constantes du beau chant
s’appliquent non seulement à l’aria avec
passages, mais au récitatif, qui, d’abord
défini comme recitar cantando, se confond
parfois avec l’aria, exigeant la même qualité de chant. C’est seulement à partir d’A.
Scarlatti, vers 1680, d’A. Steffani, puis avec
Haendel et ses contemporains que le bel
canto, dédaignant le récitatif devenu mécanique et stéréotypé, trouve son terrain
d’élection dans les arias, dont les chanteurs
font le véhicule d’une virtuosité de caractère presque instrumental de plus en plus
luxuriante, cela notamment dans l’opera
seria, dont l’intérêt dramatique pâtit. Il
faut remarquer que l’écriture belcantiste
ne fut pas l’apanage exclusif des castrats,
mais s’appliqua à tous les types vocaux,
de la voix de basse, soumise à une grande
virtuosité (Palantrotti, interprète de Caccini, puis Boschi et Montagnana aux
temps de Haendel), à celle du soprano :
Francesca Cuzzoni et Faustina BordoniHasse, au début du XVIIIe siècle, Elizabeth
Billington et Brigida Banti, plus tard, rivalisèrent avec les grands castrats sur ce terrain. Remarquons aussi que le bel canto
réclamait une émission vocale sonore et
large : Caccini préconisa l’attaque du son
à pleine voix et Tosi, lorsqu’il définissait
le passage (ou l’union) des registres de la
voix qui donne aux sons élevés leur couleur noble et généreuse, s’il condamnait
les sons trop forcés, excluait, avec la même
netteté, l’usage du fausset dans le medium
et le grave des voix masculines.
L’apogée du bel canto se situe peu
après le milieu du XVIIIe siècle : dès cette
époque, divers courants d’opinion réagissent contre sa prépondérance, non
seulement en France où le souci du beau
chant avait rarement prévalu, mais aussi
en Italie où d’une part l’opera buffa et
l’opera semi-seria, plus réalistes, allaient
accorder moins d’importance au chant
expressif, et d’autre part l’opera seria - notamment avec les compositeurs Jommelli
et Traetta - se réformait sous l’influence de
la tragédie lyrique française. À leur suite,
Calzabigi (dont Gluck appliqua partiellement les théories dans ses derniers opéras) combattit ouvertement le bel canto.
En fait, ce phénomène essentiellement italien se maintint beaucoup plus longtemps
dans les pays anglo-saxons et en Espagne,
où il avait fait souche, qu’en Italie même.
On ne peut cependant lui rattacher qu’à
titre marginal l’écriture italianisante des
ariettes de Campra, de Rameau, de Philidor ou de Grétry, ainsi que l’école des
sopranos suraigus de la fin du XVIIIe siècle,
principalement appréciée en Allemagne
et en Autriche ; en revanche, l’écriture
vocale de J. S. Bach, dans sa musique religieuse, procède presque constamment des
principes belcantistes adaptés à la langue
allemande.
À la fin du XVIIIe siècle, l’oeuvre vocal
de Haydn, de Mozart ou de Cimarosa se
rattache en bien des aspects au bel canto.
Puis Rossini, dès 1813 (Tancrède), réaffirme mieux la prépondérance du bel
canto, même au sein du récitatif obligé,
largement orné. Pourtant, en codifiant les
règles de cet art si intimement lié à celui
de l’improvisation, en rédigeant lui-même
la plupart de ses « passages », le compositeur prend ses distances par rapport au
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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genre, dont le déclin est encore précipité
par la disparition des castrats.
Ce ne sont plus désormais que quelques
composantes du bel canto qui survivront
dans l’écriture vocale de Bellini (et à un
moindre degré chez Donizetti, Mercadante et dans les premières oeuvres de
Verdi), sous l’aspect d’une colorature plus
ou moins mesurée et par l’usage du stentato et du portamento expressif. Notons
que cet usage a su être préservé jusqu’à nos
jours, non seulement dans l’interprétation
des oeuvres belcantistes, mais encore en
bien des pages de Debussy, Puccini ou Richard Strauss, avant que des auteurs plus
récents, dont Luciano Berio, ne renouent
avec l’esprit même du bel canto, esprit que
le romantisme avait renié en entraînant
l’art du chant vers d’autres horizons. Les
oeuvres nouvelles avaient alors sacrifié à
la vaillance vocale, délaissé peu à peu le
chant fleuri et permis aux chanteurs de
conquérir ces notes aiguës, brillantes, très
appréciées d’un public devenu moins aristocratique ; avec, en outre, la priorité donnée au texte du livret et l’accroissement
de la masse orchestrale, l’écriture romantique s’affirmait en opposition absolue
avec les lois du bel canto.
L’esprit belcantiste survécut néanmoins grâce à quelques interprètes, ceux
qu’avait formés Rossini, d’abord la Malibran et Giuditta Pasta, le ténor Rubini ou
la basse Tamburini, ensuite, ceux dont le
répertoire demeura étranger aux vagues
romantiques et naturalistes : la plupart
des sopranos légers, d’Adelina Patti à Toti
Dal Monte et Margherita Carosio, surent
préserver la pureté du beau chant, sa virtuosité, son phrasé souple et nuancé, mais
d’autres encore, les barytons et basses
Mattia Battistini et Pol Plançon, les ténors
Angelo Masini, Alessandro Bonci ou Fernando De Lucia, les sopranos dramatiques
Celestina Boninsegna, Giannina Russ ou
Giannina Arangi-Lombardi apportèrent
parfois au disque naissant quelques échos
d’un art oublié.
Enfin, de nos jours, les cantatrices Joan
Sutherland, Montserrat Caballé ou Marilyn Horne, le ténor rossinien Pietro Bottazzo ont su ressusciter en partie ce type
de chant bien particulier, avec lequel les
falsettistes modernes sont trop souvent en
contradiction.
BELKIN (Boris), violoniste russe naturalisé israélien (Sverdlovsk 1948).
Il commence le violon dès l’âge de six ans,
à l’École des jeunes prodiges de Moscou,
puis au Conservatoire. En 1973, il obtient
le premier prix du Concours national de
violon et, l’année suivante, il est autorisé
à émigrer en Israël. Une carrière internationale du plus haut niveau s’ouvre alors à
lui, sous la direction de Zubin Mehta et de
Leonard Bernstein. Ce dernier lui fait faire
ses débuts parisiens en 1975, et aborde
avec lui les grands concertos de Paganini
et les deux de Prokofiev. Entre deux tournées mondiales - il est particulièrement
demandé en Asie -, il enseigne, depuis
1987, à l’Académie Chigiana de Sienne.
BELLAIGUE (Camille), critique français
(Paris 1858 - id. 1930).
Premier prix de piano au Conservatoire
de Paris en 1878, il débuta en 1884 dans
la critique musicale et entra en 1885 à la
Revue des Deux Mondes. Écrivain élégant,
mais superficiel, C. Bellaigue a écrit des
ouvrages sur Mendelssohn (1907), Gounod (1910) et Verdi (1912), mais il a méconnu l’art de Franck et de Debussy, et,
par une juste revanche, sa réputation de
critique en a gravement souffert.
BELLINI (Vincenzo), compositeur italien
(Catane 1801 - Puteaux 1835).
Fils d’un maître de chapelle, il révéla un
talent précoce de compositeur et fut envoyé parfaire ses études au conservatoire
de Naples auprès de Zingarelli, l’adversaire de Rossini. Son inclination première
pour le style d’église et la musique ancienne se retrouve dans ses compositions
de jeunesse dont on retient aujourd’hui
quelques mélodies et un Concerto pour
hautbois et cordes. Encore élève, Bellini
écrivit l’opéra Adelson e Salvini (1825),
dont la perfection formelle fit voir en lui le
successeur de Rossini, celui-ci ayant définitivement quitté l’Italie. Le théâtre San
Carlo de Naples lui commanda aussitôt
Bianca e Fernando (1826) et la Scala de
Milan, le Pirate (1827), sur un poème de
Felice Romani, le librettiste italien alors
le plus en renom. Il donna ensuite, avec
des fortunes diverses, la Straniera (Milan,
1829), Zaïra (Parme, 1829), I Capuleti e i
Montecchi (Venise, 1830), puis, en 1831, à
Milan, la Somnambule et Norma au succès
desquelles contribua considérablement la
cantatrice Giuditta Pasta, cependant que
la société féminine des salons de la capitale lombarde voyait en Bellini l’image de
l’idole romantique, sorte de héros byronien consumé par le mal du temps. Après
avoir donné, à Venise, Beatrice di Tenda
(1833), Bellini quitta l’Italie, puis, au retour d’un bref voyage à Londres, s’établit
à Paris, où, protégé par Rossini, il se lia
notamment avec Chopin et écrivit pour le
Théâtre des Italiens les Puritains (1835). Il
mourut peu après des suites d’une infection intestinale.
La disparition prématurée de Bellini
a privé l’histoire de l’opéra du seul très
grand rival qu’aurait eu Verdi ; contemporain de Pacini, Mercadante et Donizetti,
il occupa une position déterminante entre
le retrait de Rossini, en 1829, et l’avènement véritable de Verdi en 1842. Au
confluent d’un art encore aristocratique
et de la poussée romantique, il réalisa
dans son oeuvre l’union parfaite entre la
beauté classique et le thème de l’exaltation du héros - ou plus souvent de l’héroïne - condamné par le sort. Son culte des
formes et des techniques du passé nous
est attesté par une vingtaine de compositions religieuses écrites de 1810 à 1825 et
par 7 symphonies de jeunesse, tandis que
ses Polonaises pour piano à quatre mains
(ainsi que celle de son Concerto pour hautbois) nous le montrent déjà sensible à l’art
de Weber. N’oublions pas que son maître
Zingarelli, tenant du vieil opera seria,
n’avait pu l’empêcher de prêter une oreille
favorable aux réformes novatrices de Rossini, et que Naples était en outre la ville la
plus ouverte aux créations françaises et allemandes. Ayant étudié l’oeuvre de Haydn
et, surtout, celle de Mozart, il fut sensible
aux courants nouveaux et se trouva naturellement en parfaite communion spirituelle et artistique avec Chopin : de là
naquit le frémissement jusque-là inconnu
qui parcourt son écriture mélodique expressive, à la respiration plus ample, plus
incantatoire et moins mesurée (l’invocation Casta diva, dans Norma), qui renouait
avec la liberté rythmique monteverdienne
(la sprezzatura), mais héritait encore de la
virtuosité belcantiste, exempte d’effets de
puissance dans l’aigu.
On note encore, chez Bellini, soit le
recours à la formule ancienne des structures par morceaux isolés, soit celle des
vastes architectures « ouvertes « : dans les
Puritains, certains actes se déroulent sans
solution de continuité. Enfin, les cahiers
d’esquisse de Bellini, aussi éloquents que
ceux de Beethoven, révèlent que le don
mélodique n’était chez lui que le fruit d’un
long labeur, et que, afin de mieux laisser
à la voix le contenu émotif du drame, il
épurait sans cesse l’harmonie et l’orchestration pour n’en garder que le substrat, ce
qui l’a fait méjuger au début du XXe siècle,
époque où les paramètres esthétiques se
référaient à l’harmonie wagnérienne ou
debussyste. Notre époque a remis à sa
vraie place ce compositeur, dont le monde
sonore offre une intime parenté avec celui
de Chopin.
BÉMOL.
Dans l’usage actuel, le bémol est l’un
des signes d’altération ayant pour objet
de déplacer la hauteur d’une note sans
modifier ni son nom ni, le plus souvent,
sa fonction. L’effet du bémol est de baisser d’un demi-ton chromatique la note
devant laquelle il est placé. Il existe aussi
un double-bémol qui, répétant deux fois
l’opération, la baisse de deux demi-tons,
ce qui, dans le système tempéré ( ! TEMPÉRAMENT), équivaut à un ton en sonorité
matérielle, mais non en valeur grammaticale pour l’analyse.
Aux origines de la notation, le bémol
n’était pas une altération, mais le nom
même de la note, B en nomenclature aldownloadModeText.vue.download 90 sur 1085
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phabétique (notre si), avec spécification
de sa forme la plus basse ; en effet, la note
B pouvait être à volonté soit haute (B dur,
écrit carré, d’où bécarre), soit basse (B
mol, écrit rond b, d’où bémol). Le signe
actuel du bémol a conservé le dessin du
b minuscule arrondi. Quand on adopta la
notation par neumes, puis par points, on
prit soin parfois, mais non toujours, de
spécifier auquel des deux B correspondait
le signe placé à cet endroit, ce qu’on fit
en notant le signe B, rond ou carré, soit à
la place de la clef, soit après elle (ce qui a
donné naissance à nos armatures), soit en
cours de texte, avant la note ou avant le
groupe dont la note faisait partie (ce qui
a donné naissance à nos altérations accidentelles) ; cette indication est restée longtemps facultative, de sorte que l’absence
d’altération ne signifiait pas que la note
était « naturelle », mais que l’on n’avait
pas cru utile de spécifier sa nature : il en
fut ainsi jusqu’au XVIe siècle inclus. La
même incertitude règne sur la durée de
validité du signe : elle cesse souvent avec la
ligne, mais peut aussi dépendre de règles
compliquées de solmisation, dont on n’a
pas encore à l’heure actuelle percé tous les
secrets.
Vers les XIIe et XIIIe siècles, l’usage des
signes bécarre et bémol s’étendit à d’autres
notes que le B, non pas pour les comparer,
comme aujourd’hui, à leur position naturelle, mais, par analogie avec le B, pour
en désigner la position haute ou basse, de
sorte que sur certaines notes, fa ou do par
exemple, on employait le bémol (position
basse) là où nous mettrions un bécarre
(position naturelle), et un bécarre (position haute) là où nous mettrions un dièse
(un demi-ton au-dessus du naturel). Cet
usage était encore parfois en vigueur au
XVIIIe siècle, bien que l’usage actuel eût
commencé à se répandre dès le XVIIe.
On entend parfois dire que le bémol
est plus bas d’un comma que le dièse
correspondant. Un tel énoncé accumule
les inconséquences. Il est emprunté à un
système acoustique (dit « de Holder »,
XVIIe s.) qui n’est plus aujourd’hui em-
ployé qu’occasionnellement, et il est faux
hors de ce système. La plupart des musiciens utilisent le système du « tempérament égal » - celui du clavier usuel -, où
dièse et bémol sont rigoureusement équivalents. Toutefois, sous l’effet de l’attraction, ceux qui ne sont pas prisonniers du
clavier ont souvent tendance à « serrer les
demi-tons » et à exagérer les différences
d’intervalles lorsqu’ils pensent mélodiquement : ils se rapprochent alors, sans
le savoir, du système pythagoricien, dont
s’inspire celui de Holder, et où effectivement le dièse est plus haut que le bémol
(mais non pas d’un comma au sens où
l’entend Holder). À l’inverse, un choeur
a cappella, attiré par la tierce basse de la
résonance, aura les réactions inverses et
se rapprochera sans le savoir du système
zarlinien, où, tout au contraire, les bémols
sont plus hauts que les dièses, aplanissant
les différences au lieu de les accuser.
BENATZKY (Ralph), compositeur
tchèque (Moravské, Budoeejovice, 1884 Zurich 1957).
Il étudia la musique à Prague, puis à
Munich avec Felix Mottl, et vécut successivement à Berlin, à Paris, en Suisse, en
Autriche, à Paris et, de nouveau, en Suisse.
Il a écrit environ 5 000 romances, des musiques de film et de revue, et quelque 90
opérettes qui n’ont pas connu un succès
durable, sauf une, l’Auberge du Cheval
blanc, qui demeure l’une des plus populaires du répertoire. Le style de Benatzky
est proche de la comédie musicale américaine, quoique l’Auberge emprunte certains traits à l’opérette viennoise.
BENDA, famille de musiciens de Bohême, établie en Allemagne.
Frantisek (Franz), violoniste et compositeur (Stare Benatzky 1709 - Neuendorf,
près de Potsdam, 1786). Enfant de choeur
à Prague et à Dresde, puis de nouveau
à Prague, il entra en 1733 au service du
prince-héritier de Prusse, le futur Frédéric
II, et fut un membre illustre de l’école de
Berlin. En 1771, il succéda à J. G. Graun
comme premier violon de l’orchestre
de Frédéric II. Il écrivit des sonates et
des concertos pour son instrument, des
oeuvres pour flûte, des symphonies.
Jan Jiri (Johann Georg), violoniste et
compositeur, frère du précédent (Stare
Benatzky 1713 - Potsdam 1752). Il fut
également au service de Frédéric II et ses
oeuvres ne furent pas éditées.
Jiri Antonin (Georg Anton), violoniste et compositeur, frère des précédents
(Stare Benatzky 1722 - Köstritz 1795). Violoniste à Berlin en 1742, il s’y familiarisa
avec les opéras de Graun et de l’école
napolitaine, puis devint, en 1750, maître
de chapelle à la petite cour de Gotha, où
il écrivit des sonates, des symphonies, de
la musique d’église. Un voyage en Italie
(1765-66) l’orienta vers l’opéra, mais ce
n’est que quelques années après qu’il écrivit les ouvrages dont il tira l’essentiel de sa
célébrité : les mélodrames Ariane à Naxos
(Gotha, 1775) et Médée (Leipzig, 1775),
les singspiels Der Dorfjahrmarkt (Gotha,
1775), Walder (1776), Julie und Romeo
(Gotha, 1776), Der Holzhauer (1778). Citons aussi Pygmalion. En 1778, Médée fit
à Mannheim une grande impression sur
Mozart, qui s’en inspira l’année suivante
dans les scènes en forme de mélodrame de
Zaide. Défendant, en 1783, pour le drame
musical l’expression parlée par rapport
au récitatif, Benda écrivit sa maxime célèbre : « Je ne puis renoncer à la vérité de
la phrase, la musique y perd quand on lui
sacrifie tout. »
Joseph, violoniste, frère des précédents
(Stare Benatzky 1724 - Berlin 1804). Il succéda à son frère aîné Frantisek comme
premier violon de l’orchestre de Frédéric
II.
Anna Franciska, cantatrice, soeur des
précédents (Stare Benatzky 1728 - Gotha
1781).
Friedrich Wilhelm Heinrich, violoniste et compositeur, fils aîné de Frantisek
(Potsdam 1745 - id. 1814). Il fut au service
de la cour de Berlin.
Karl Hermann Heinrich, violoniste,
frère du précédent (Potsdam 1748 - Berlin
1836). Il fut premier violon à l’opéra de
Berlin.
Juliana, femme compositeur, soeur des
deux précédents (Potsdam 1752 - Berlin
1783). Elle épousa le compositeur Johann
Friedrich Reichardt.
Friedrich Ludwig, violoniste et compositeur, fils de Jiri Antonin (Gotha 1746 -
Königsberg 1792).
Ernst Friedrich, fils aîné de Joseph, violoniste et claveciniste (Berlin 1747 - id.
1787).
Karl Franz, violoniste, frère du précédent
(1753-1817). Hans von Benda, chef d’orchestre allemand, descendant de Frantisek
(Strasbourg 1888 - Berlin 1972). Il fonda
en 1939 l’Orchestre de chambre de Berlin.
BENEDETTI MICHELANGELI (Arturo),
pianiste italien (Brescia 1920 - Genève
1995).
Il a fait ses études à Brescia, puis au conservatoire de Milan, et a remporté le premier
prix au Concours international de Genève
en 1939. Après la guerre, la célébrité lui est
venue rapidement. Quoique menant une
carrière insolite et se produisant rarement,
aussi bien en public que dans les studios
d’enregistrement, Benedetti Michelangeli
est considéré comme l’un des plus grands
pianistes de notre temps. Sa technique
exceptionnelle, avec un art du toucher et
des colorations particulièrement remarquables, est au service d’une approche des
oeuvres très réfléchie et sans concession.
Benedetti Michelangeli se consacre, aussi,
beaucoup à l’enseignement.
BENEDICAMUS DOMINO.
Formule dialoguée (Benedicamus Domino - Deo gratias) souvent employée
comme clausule, d’abord pour clôturer les
heures canoniques, puis transportée à la
fin de la messe en alternance avec Ite missa
est, qu’elle remplace en diverses circonstances.
La réponse Deo gratias reprend le plus
souvent la mélodie du Benedicamus, qui
peut être soit originale, soit empruntée à
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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un mélisme d’une autre pièce. Dans les
messes polyphoniques, le Benedicamus
Domino est très rarement inclus dans la
composition, ce qui est paradoxal si l’on
songe que c’est là l’une des parties de la
messe qui se sont le plus prêtées, dans
les débuts, aux amplifications de toutes
sortes, tant verbales que musicales. Les
tropes de Benedicamus sont parmi les
plus développés et vont parfois jusqu’au
remplacement du texte primitif par une
longue série de couplets, où la formule
n’apparaît qu’à la fin (trope de substitution) ; un exemple populaire fort connu
est le cantique de Pâques O filii et filiae,
qui ne révèle son origine qu’aux deux
derniers couplets, dont le no 13 s’achève
par Benedicamus Domino et le no 14 par
Deo dicamus gratias. Dans les débuts de la
polyphonie, le Benedicamus Domino était
également apparu comme privilégié : très
fréquemment traité en organum, il motive
au XIe siècle, à Saint-Martial de Limoges,
le premier motet connu, un Stirps Jesse sur
teneur liturgique Benedicamus Domino.
La messe de Guillaume de Machaut,
qui s’achève par un Ite missa est, est une
exception ; après elle, ni Ite missa est ni son
substitut Benedicamus Domino ne figurent
plus habituellement dans les « messes en
musique ».
BENEDICITE (lat. : « bénissez »).
Terme générique désignant, quelle qu’en
soit la formule, une prière avant le repas
comportant bénédiction, parlée ou chantée, de la table et des mets.
Une telle prière est régulièrement
pratiquée dans les monastères, les presbytères et était traditionnelle, autrefois,
dans les foyers chrétiens, dont certains
la pratiquent encore. L’usage en est très
ancien (une bénédiction analogue existe
dans les repas juifs rituels), mais il ne
s’est jamais dégagé de formule généralisée, et les usages, à cet égard, sont assez
divers, allant d’une série assez longue
de récitations et d’oraisons à un bref
échange d’incipits sans lien grammatical
entre eux (Benedicite-Dominus). Toutefois, tous ont en commun une invitation
à bénir le repas, d’où le nom conservé. Au
XVIe siècle, la Réforme a adopté l’usage du
Benedicite dans la vie domestique et favorisé la pratique du chant pour l’exprimer.
De nombreux compositeurs, réformés ou
non, l’ont ainsi mis en musique à plusieurs
voix, soit en latin, soit en langue vulgaire,
surtout dans les pays touchés par la Réforme : France, Allemagne, Angleterre,
Flandres. Le Benedicite a pour symétrique
l’« action de grâces » (ou « grâces » en
abrégé) de la fin du repas (dire les grâces).
BENEDICTUS.
1. Deuxième partie du Sanctus qui forme
l’une des parties chantées de l’ordinaire
de la messe. C’est une courte formule,
Benedictus qui venit in nomine Domini
(« Béni celui qui vient au nom du Seigneur », Luc, XIII, 35), suivie, comme la
première partie, du refrain Hosanna in
excelsis. Alors que le Sanctus est un des
chants les plus anciens de la messe, le Benedictus n’apparut qu’au VIe siècle, et on
le trouva d’abord en Gaule ; puis il gagna
Rome et l’Orient. Vers le XVe siècle, on prit
l’habitude, surtout en polyphonie, de scinder le Sanctus en deux et de considérer le
Benedictus comme un morceau à part. On
le chanta d’abord pendant l’élévation, puis
après celle-ci. Au XVIIIe siècle, apparut
l’usage de remplacer le Benedictus après
l’élévation par un motet, le plus souvent O
salutaris, si bien que plusieurs messes de
cette époque n’ont pas de Benedictus. Pour
le traitement musical de l’Hosanna, l’usage
chez les musiciens est resté variable, certaines messes incorporant le refrain au
Benedictus, d’autres se contentant d’une
reprise de celui du Sanctus. Dans sa messe
en ré, Beethoven donne un traitement particulier au Benedictus en concrétisant par
un violon solo, descendant des hauteurs,
la venue de l’envoyé du Seigneur évoquée
par le texte.
2. Il existe aussi dans la liturgie d’autres
pièces commençant par le mot Benedictus.
La principale est le cantique de Zacharie Benedictus Dominus Deus Israel (Luc,
I, 68), qui figure avec le Magnificat et le
Nunc dimittis parmi les « cantiques majeurs » de l’Église romaine.
BENET (John), compositeur anglais
(XVe s.).
Comme Dunstable, à qui il a parfois été
identifié, Benet travailla sur le continent,
où ses oeuvres ont été conservées dans
des manuscrits. Ses compositions comprennent une messe cyclique complète
mais sans titre, un Gloria, un Sanctus, des
fragments de messe et des motets de facture isorythmique. Aux côtés du grand
Dunstable, des musiciens tels Power,
Bedingham et Benet ont certainement
contribué à l’influence de la « contanance
angloise » sur les musiciens français de
l’époque de la guerre de Cent Ans.
BENEVOLI (Orazio), compositeur italien
d’origine lorraine (Rome 1605 - id. 1672).
Il fit ses études musicales avec V. Ugolini, puis devint maître de chapelle à
Saint-Louis-des-Français, à Rome, avant
de partir pour l’Autriche ; il séjourna à
Vienne, à la cour de Léopold-Guillaume,
de 1644 à 1646, et il y composa nombre
de motets et autres pièces religieuses. De
retour à Rome, il obtint le poste de maître
de chapelle à Sainte-Marie-Majeure. Il fut
longtemps connu surtout pour la messe
polyphonique à 53 voix, dite Missa salisburgensis, mais cette oeuvre de 1682 lui
fut attribuée à tort et est sans doute soit
d’Ignaz Biber soit d’Andreas Hofer. Elle ne
fut donc pas écrite en 1628 pour la consécration de la cathédrale de Salzbourg. Il
existe aujourd’hui une édition des oeuvres
complètes de Benevoli, où nous trouvons
d’autres messes à plusieurs choeurs et
à multiples parties réelles, maniées avec
habileté dans la tradition palestrinienne.
BEN-HAÏM (Paul FRANKENBURGER, dit
Paul), compositeur israélien (Munich
1897 - Tel-Aviv 1984).
Il a fait ses études à l’Akademie der Tonkunst et à l’université de Munich. Chef
d’orchestre à l’Opéra de Munich (19201924) et à l’Opéra d’Augsbourg (19241931), il a décidé, en 1933, de s’établir
en Palestine. Ses oeuvres révèlent les
influences de la musique orientale et de
la musique d’Europe centrale. À la suite
de sa rencontre avec la chanteuse Brach
Zefira, spécialiste des mélodies liturgiques
et des chansons profanes des différentes
communautés juives (1935), Ben-Haïm
a écrit pour celle-ci des arrangements de
chansons et trouvé là une source d’inspiration nouvelle. Il a d’autre part composé
4 symphonies, des concertos, des pièces
pour piano, un Poème pour harpe, de la
musique de chambre (trio à cordes, quatuor à cordes, quintette avec clarinette)
et de la musique vocale, dont l’oratorio
Joram (1931-32).
BENJAMIN (George), compositeur,
pianiste et chef d’orchestre anglais
(Londres 1960).
Il entreprend ses premières compositions
dès l’âge de neuf ans et poursuit sa formation, de 1976 à 1978, au C.N.S.M. de
Paris avec Yvonne Loriod (piano) et Olivier Messiaen (composition), puis, entre
1978 et 1982, avec Alexander Goehr au
King’s College de Cambridge. Sa musique,
désinvolte et colorée, témoigne d’un esprit
versatile et polyvalent (At First Light pour
orchestre de chambre, 1982). Benjamin
s’initie à l’informatique musicale, et son
travail à l’I.R.C.A.M. à partir de 1984
aboutit à la création d’Antara pour seize
instruments et équipement électronique,
commande pour le dixième anniversaire
du Centre Georges-Pompidou. Dans cette
oeuvre, le son de la flûte de pan est échantillonné, puis transmis aux claviers électroniques. La musique fait ainsi référence,
comme presque toujours chez Benjamin,
à la réalité acoustique la plus concrète, et
la sonorité nouvelle ne se définit qu’en
fonction de cette référence. Il a écrit des
pièces pour piano (Sortilèges, 1981), de la
musique de chambre (Octuor, 1978), des
pièces pour orchestre (dont Ringed by the
Flat Horizon, 1979-80, programmé dans
le cadre des Promenades-Concerts), de
la musique vocale (Upon Silence, pour
mezzo-soprano et cinq violes da gamba,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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1990). La musique de Benjamin est accessible et garde toujours une certaine complaisance envers les formes et les images
convenues (Upon Silence pour mezzo-soprano et 5 violes de gambe, 1990 ; Three
Inventions, pour orchestre de chambre,
commande du Festival de Salzbourg,
1995).
BENNETT (Richard Rodney), compositeur anglais (Broadstairs, Kent, 1936).
Il fut l’élève de Lennox Berkeley et de
Howard Ferguson à la Royal Academy of
Music de Londres (1953-1956) et commença à composer dès cette période.
Puis il vint à Paris travailler avec Pierre
Boulez (1957-58). De retour à Londres, il
entreprit une carrière à la fois de compositeur - il se fit connaître, notamment, par
des musiques de film - et de pédagogue,
il enseigna, en particulier, au Peabody
Institute de Baltimore. Parmi ses oeuvres,
outre les nombreuses musiques de film, les
compositions pour la radio, la télévision,
les musiques de scène, on compte 2 symphonies, 4 quatuors à cordes, un concerto
pour piano, diverses oeuvres pour en-
semble de chambre et pour piano. Dans le
domaine de la musique vocale, citons une
oeuvre pour la chanteuse anglaise de jazz
C. Laine, Soliloquy for Cleo Laine (1967),
et trois opéras : The Ledge, The Mines of
Sulphur (les Mines de soufre, 1963-1965),
qui ont été joués avec succès dans de nombreux pays, et A Penny for a Song (1966).
Compositeur sériel à l’origine, initié par
les oeuvres de Webern à la musique dodécaphonique, marqué par ses deux années
avec Boulez, Bennett a connu une évolution à partir de son retour à Londres. Dans
ses oeuvres récentes, il semble s’attacher
d’abord à la richesse de l’orchestration et
aux textures instrumentales (Commedia
IV pour cuivres).
BENNETT (sir William Sterndale), compositeur et pianiste anglais (Sheffield
1816 - Londres 1875).
Choriste dès l’âge de huit ans au King’s
College de Cambridge, il fit, à la Royal
Academy of Music de Londres, des études
très complètes (violon, chant, piano,
composition). Sa première oeuvre date de
1832 : c’est un concerto pour piano joué
en 1833 en présence de Mendelssohn, qui
demeura dès lors son ami, et auquel Bennett rendit visite en Allemagne en 1836,
1837 et 1838. Lors de son deuxième séjour, Bennett, remarquable pianiste, d’une
personnalité très attachante, se lia d’amitié avec Schumann. Il créa, au Gewandhaus de Leipzig, deux de ses meilleures
oeuvres, les ouvertures The Naiads et The
Woodnymphs.
Devenu professeur
of Music, Bennett
gnement, une très
musique anglaise.
à la Royal Academy
exerça, par son enseiforte influence sur la
Ayant fondé, à Londres,
la Bach Society (1849), il dirigea, en 1854,
la première exécution en Angleterre de la
Passion selon saint Matthieu de Bach. Les
nombreuses charges auxquelles il accéda à
la fin de sa vie, notamment la direction de
la Royal Academy (1866), le détournèrent
de la composition. Son oeuvre comprend
surtout des pièces pour piano, pour piano
et orchestre, des pièces vocales et de la
musique d’église.
BENOIT (Marcelle), musicologue française (Lille 1921).
Élève de Norbert Dufourcq au Conser-
vatoire de Paris, elle obtient dans cet établissement un premier prix d’histoire de
la musique en 1952 et un premier prix de
musicologie en 1954 ; elle y a enseigné à
partir de 1959, devenant chargée de cours
en 1973. Spécialiste de la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles, elle a fait
dans ses recherches sur les institutions et
sur la musique de cette époque un usage
systématique et nouveau des archives, et
a publié notamment Quelques nouveaux
documents sur François Couperin, ses ancêtres, sa musique, son foyer (Paris, 1968),
Versailles et les musiciens du roi : étude institutionnelle et sociale, 1661-1733 (Paris,
1970 ; thèse d’État, 1971), Musiques de
cour : chapelle, chambre, écurie, recueil de
documents, 1661-1733 (Paris, 1970 ; suppl.
thèse d’État, 1971) et les Musiciens du roi
de France (Paris, 1983). À partir de 1960,
elle a dirigé avec Norbert Dufourcq les
Recherches sur la musique française classique. Elle a également dirigé un Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et
XVIIIe siècles (1992).
BENOIT (Peter), compositeur belge (Harelbeke, près de Courtrai, 1834 - Anvers
1901).
Après des études au conservatoire de
Bruxelles avec Bosselet et Fétis, puis avec
Louis Hanssens, directeur du théâtre de
la Monnaie, il débuta dans la carrière de
compositeur par des mélodrames flamands et un petit opéra, et remporta le
prix de Rome belge, en 1857, avec le
Meurtre d’Abel. Il voyagea en Allemagne
et en France, et fut chef d’orchestre au
théâtre des Bouffes-Parisiens. De retour
en Belgique, il connut le succès avec une
Messe solennelle et fonda à Anvers, en 1867,
l’École flamande de musique, imposant le
flamand comme langue unique et encourageant une musique qui reflétât l’esprit
de la race. Son rôle fut, à la fois, culturel
et politique. Benoit exerça une grande
influence sur des compositeurs comme
Mortelmans, Blockx, Wambach, etc. Sa
musique, d’un lyrisme coloré, parcourue d’élans postromantiques et épiques,
est une référence à laquelle le public est
demeuré fidèle comme à celle d’un barde
national. Outre ses oeuvres pour orchestre
et ses opéras flamands, Benoit est surtout connu pour de vastes partitions avec
choeurs : De Schelde (l’Escaut), De Oorlog
(la Guerre), Antwerpen (Anvers), etc.
BENSERADE (Isaac de), poète et auteur
dramatique français (Paris 1613 - id.
1691).
Après sa première tragédie, Cléopâtre
(1635), il reçut la protection de Richelieu
et conserva celle de Mazarin pendant la
minorité de Louis XIV. Très estimé des
dames et de la société des précieuses, Benserade devint le poète familier de la cour.
Il écrivit, à partir de 1651, de nombreux
ballets de cour (Cassandre, la Nuit, Psyché, Alcidiane, etc.) mis en musique collectivement par Lully, Jean de Cambefort,
Michel Lambert, etc. Ses poèmes élégants,
destinés à des spectacles de cour auxquels
participait le jeune monarque, sont remplis de scènes allégoriques. Avec lui, le
ballet de cour devint un divertissement
plus cohérent et son influence fut loin
d’être négligeable pendant les années qui
précédèrent la naissance de l’opéra français avec Lully (1673).
BENTOIU (Pascal), compositeur, musicologue et esthéticien roumain (Bucarest
1927).
Il étudie la composition avec Mihaïl Jora
(1944-1948) à Bucarest et travaille comme
chercheur à l’Institut de recherches ethnologiques et dialectologiques de Bucarest
(1953-1956). Après la chute du communisme en Roumanie, il sera président de
l’Union des compositeurs (1990-1992). La
musique de Bentoiu se caractérise par sa
clarté, son sens de l’élocution (le compositeur a beaucoup écrit pour le théâtre), par
le souci d’intégrer, dans des structures héritées du passé, bon nombre de procédés
spécifiques de la musique d’aujourd’hui.
Dans son opéra Hamlet (1966-1969, prix
Guido Valcarenghi, Rome 1970), le compositeur met la diversité des moyens et des
formes utilisés au service d’une synthèse
originale entre drame et musique. L’opéra
radiophonique le Sacrifice d’Iphigénie
(1968, prix « Italia ») reprend des systèmes d’intonation propres à la musique
roumaine ancienne pour recréer l’esprit
et la signification du spectacle antique.
Ses symphonies, surtout les dernières,
témoignent de ses préoccupations concernant la relativisation des procédés stylistiques et la possibilité de construction
de métastyles. On lui doit, entre autres,
huit symphonies (1965-1987), plusieurs
concertos (dont deux pour piano, 1954
et 1960, et un concerto pour violoncelle,
1989), six quatuors à cordes (1953-1982),
plusieurs cycles de mélodies. Il se consacre
actuellement à la reconstitution et à l’orchestration des symphonies inachevées
de Georges Enesco (la Cinquième, dont
la reconstitution fut terminée en 1995,
sera bientôt suivie de la Quatrième). BendownloadModeText.vue.download 93 sur 1085
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toiu a publié plusieurs livres d’esthétique
musicale ainsi que Chefs-d’oeuvre d’Enesco
(Bucarest, 1984, prix de l’Académie roumaine 1987).
BENTZON (Jørgen), compositeur danois
(Copenhague 1897 - Hørs-holm, près de
Copenhague, 1948).
D’abord étudiant en droit, il se tourna, en
1915, vers la musique, qu’il étudia avec
Carl Nielsen, puis au conservatoire de
Leipzig (1920-21). Avec Finn Høffding,
il créa, en 1931, des écoles populaires
de musique dont il s’occupa jusqu’en
1946. Son oeuvre, de style néoclassique,
comprend de la musique d’orchestre, dont
2 symphonies, de la musique de chambre,
dont 5 quatuors à cordes, et un opéra,
Saturnalia (1944).
BENTZON (Niels-Viggo), compositeur
danois (Copenhague 1919).
Cousin de Jørgen Bentzon, il appartient à
une famille de musiciens, les Hartmann,
dont la tradition remonte au XVIIIe siècle.
D’abord attiré par le jazz, qu’il a étudié
avec le pianiste Leo Mathiesen, il est entré
au conservatoire de Copenhague pour y
travailler le piano avec C. Christiansen
et la théorie musicale avec K. Jeppesen.
Sa carrière de compositeur, entreprise en
1942, s’est révélée brillante malgré une
certaine nonchalance. Son oeuvre, considérable, possède des affinités avec celles de
Hindemith et de Bartók. Elle comprend 15
symphonies (de 1942-43 à 1980), 2 concertos pour violon, 5 concertos pour pianos,
des sonates, notamment pour piano et
violon, de nombreuses oeuvres pour piano
seul (sonates, partitas, études), des quatuors à cordes, des ballets, un opéra, Faust
III (1963), créé à Kiel en 1964, ainsi qu’un
opéra de chambre, Automaten (1974).
BENZI (Roberto), chef d’orchestre fran-
çais d’origine italienne (Marseille 1937).
Ayant reçu très jeune une formation musicale poussée et ayant commencé l’étude
de la direction d’orchestre dès l’âge de huit
ans avec André Cluytens, Roberto Benzi fit
ses débuts de chef d’orchestre à onze ans ;
il se produisit en France, en Scandinavie,
en Amérique du Sud, et tourna des films.
Mais il interrompit cette carrière précoce
pour suivre une scolarité normale et, sur
le plan musical, pour approfondir les
études d’écriture. Il reprit son activité de
chef d’orchestre en 1957 et dirigea dans de
nombreux pays avant d’assumer, de 1973
à 1987, année où lui succède Alain Lombard, les fonctions de directeur de l’Orchestre régional de Bordeaux-Aquitaine.
Il a dirigé ensuite l’orchestre d’Arnhem
(Pays-Bas). Son répertoire est essentiellement fondé sur la musique romantique.
BERBERIAN (Cathy), mezzo-soprano
américaine d’origine arménienne (Attleboro, Massachusetts, 1925 - Rome 1983).
Après une éducation vocale traditionnelle,
elle a consacré l’essentiel de son activité
à la recherche de nouveaux modes d’expression vocale, mettant une intelligence,
une sensibilité, une force de conviction
exceptionnelles au service de la musique
contemporaine. Maints compositeurs ont
écrit spécialement à son intention, en particulier Luciano Berio dans des oeuvres
comme Circles, Recital I et Sequenza III.
C. Berberian fait essentiellement une carrière de concertiste, avec des récitals dont
le programme va de la musique ancienne notamment Monteverdi, qu’elle affectionne - à l’avant-garde, en passant par de
désopilantes parodies du chant traditionnel d’opéra ou de mélodie. La cantatrice
n’hésite pas à employer le microphone
pour amplifier ou modifier sa voix. Son
aisance en scène, sa verve font de ses récitals un spectacle total.
BERCEUSE.
Forme de chanson populaire de rythme
lent, faite pour endormir les enfants, la
berceuse a donné naissance à un genre
instrumental ou vocal caractérisé par le
rythme obstiné de la basse, ainsi que par
une mélodie doucement balancée.
Parmi les compositions les plus connues
inspirées par ce rythme, citons la Berceuse
de Chopin pour piano, celle de Brahms
pour chant et piano. Dans le domaine de
l’orchestre, des berceuses ont été intro-
duites par Fauré dans sa suite Dolly et par
Stravinski dans l’Oiseau de feu.
BEREZOVSKI (Maxime), compositeur
russe (Gloukhovo, Ukraine, 1745 - SaintPétersbourg 1777).
Choriste à la chapelle impériale, il y fut
remarqué par le compositeur italien Zoppis, qui prit soin de sa formation. En 1765,
l’impératrice Élisabeth l’envoya travailler
à Bologne auprès de Martini. Son premier
opéra Demophon, créé à Livourne en 1773,
conquit rapidement toute l’Italie. De retour en Russie en 1774, il constata qu’il
était tombé dans l’oubli et que sa musique
ne plaisait guère. Il se suicida dans sa
trente-deuxième année.
Dans ses opéras, Berezovski ne rechercha pas les effets faciles et s’intéressa aux
rapports entre le texte et la musique. Dans
ses nombreuses cantates d’église, il tenta
d’unir le style et l’esprit des chants orthodoxes à une technique d’écriture italienne.
BERG (Alban), compositeur autrichien
(Vienne 1885 - id. 1935).
Avec Schönberg et Webern, Berg forme
l’école de Vienne. Un moment tenté par la
poésie, passionné de littérature, il devint,
de 1904 à 1910, le disciple de Schönberg,
à qui il dut toute sa formation musicale.
Un héritage lui permit, en 1906, de quitter
la fonction publique pour se consacrer à
la musique ; cependant, il assura, aux éditions Universal, un travail de réduction
d’oeuvres pour le piano et ne fut délivré de
tout souci matériel qu’en 1920. Dès 19071908, ses oeuvres furent exécutées dans
les milieux d’avant-garde viennois, provoquant parfois un scandale comme, par
exemple, deux des 5 Lieder avec orchestre
d’après des textes de cartes postales illustrées d’Altenberg (1913).
Rappelé sous les drapeaux en 1914, mais
maintenu à Vienne en raison de sa santé
précaire, Berg entreprit la composition de
Wozzeck, d’après la pièce de Büchner qu’il
venait de voir à la scène ; c’est à la suite de
la création de cet opéra à Berlin (1925),
sous la direction d’Erich Kleiber, qu’il
fut reconnu. Cette même année, il termina le Concert de chambre, en hommage
à Schönberg, et entreprit la Suite lyrique.
Parallèlement, son activité pédagogique
était intense. La montée du nazisme, l’exil
de Schönberg (1933) l’amenèrent à se retirer dans sa propriété des bords du Wörthersee, non loin de Klagenfurt. Ses efforts
se concentrèrent, dès lors, sur la poursuite
de la composition de Lulu, son second
opéra, d’après Wedekind, composition
entreprise en 1928. Mais la mort l’empêcha d’achever l’orchestration du dernier
acte. La création des 5 Fragments symphoniques de Lulu en concert, sous la direction
de Kleiber à Berlin (1934), constitua l’une
des dernières manifestations publiques
antinazies. Une septicémie emporta Berg
en décembre 1935, quelques mois après
la composition du concerto pour violon À
la mémoire d’un ange, dont le titre évoque
la mort de la jeune Manon, fille de l’architecte Gropius et d’Alma Mahler.
Les adversaires de la méthode dodécaphonique et de la pensée sérielle en
général ont toujours admis Berg en raison du caractère postromantique, sinon
expressionniste, de certaines de ses pages.
Il est de fait que ce compositeur n’a jamais
refusé l’influence de Brahms, de Wagner
ou de Schumann, sollicitant d’autre part
l’amitié de Mahler, dont il est proche par
la pensée, le souci formel et la recherche
d’une sonorité orchestrale nouvelle. Il
y a chez lui une obsession de la citation
qui est une manière de s’enraciner dans
la tradition (choral de Bach du concerto
pour violon, etc.) ; cet enracinement est
renforcé par le refus des formes brèves,
chères à un Webern, exception faite des
4 Pièces pour clarinette et piano, au profit des schémas traditionnels. Ainsi, dans
Wozzeck, chaque scène est-elle conçue au
moyen d’une forme établie (suite, rhapsodie, passacaille, rondo) ; l’acte II se
présente comme une vaste symphonie en
cinq mouvements. Cet aspect constitue un
élément d’approche pour un public désodownloadModeText.vue.download 94 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
88
rienté par une apparente rupture, rupture,
qui, d’ailleurs, n’existe pas, même chez
Schönberg.
Certes, la spécificité de Berg est bien
de « rattacher au passé chaque nouvelle
étape du devenir de l’univers schönbergien » (Leibowitz), pour nier l’existence
d’une rupture et pour affirmer une évolu-
tion du mode de pensée et d’écriture : si
déjà on peut parler, dans son quatuor op.
3, de suspension de la tonalité et, dans la
passacaille de Wozzeck, de l’emploi d’une
série de douze sons différents, c’est dans
la Suite lyrique qu’il réussit la gageure de
faire coexister la composition libre et le
système dodécaphonique ; seule une moitié de l’oeuvre est dodécaphonique, le reste
relevant de l’écriture atonale libre sans
que ne soient nullement affectées l’unité
de style et la cohérence de l’oeuvre. Dans
le concerto pour violon, oeuvre strictement dodécaphonique comme le Vin et
Lulu, Berg tente la synthèse de la sérialité
et de la tonalité par l’intermédiaire d’une
série de base déterminant quatre accords
parfaits majeurs et mineurs et s’achevant
par quatre tons entiers. L’analyse qu’il
en a fait ne laisse planer aucun doute sur
le caractère rationnel de sa démarche et
l’organisation de son langage. Il va encore
plus loin dans Lulu, où il découvre les
premières méthodes de permutation de
la série de douze sons, qui lui permettent
d’engendrer de nouvelles séries - un procédé qui va être perfectionné plus tard par
Boulez, puis par Barraqué.
Mais Berg est aussi, et surtout, un
homme de théâtre, qui s’est orienté vers la
« geste dramatique », même dans son écriture instrumentale. Wozzeck peut, d’une
certaine manière, être considéré comme
l’aboutissement d’une conception romantique et même wagnérienne de l’opéra.
Le thème de l’oeuvre - un fait divers - se
transforme en un mythe : l’exploitation de
l’homme et ses conséquences. Obsédé par
l’idée de pallier l’absence de l’unité que
peut engendrer la tonalité et ses possibilités harmoniques, Berg a recours à l’organisation des formes anciennes de la musique
pure, à douze musiques d’enchaînement
et à une sorte de leitmotiv pour assurer la
continuité du discours musical. De plus,
l’acte III est entièrement construit sur des
inventions : sur une note (si), un accord,
un rythme, un intervalle. La grande leçon
de Berg réside dans la prééminence de
l’expression, mais aussi, dans de nouvelles
propositions architectoniques et un nouveau mode de développement des cellules
thématiques. Toutefois, cette élaboration
formelle très poussée ne vise qu’à un seul
but : l’efficacité dramatique. Enfin, on
doit signaler, dans Wozzeck et dans Lulu,
la manière d’user de la voix : Berg y fait
appel à différentes techniques d’émission,
du bel canto à la voix parlée et au choeur à
bouche fermée.
BERG (Gunnar), compositeur danois
(Saint-Gall, Suisse, 1909 - Berne 1989).
Il a fait des études à Copenhague, à Paris
avec Honegger et Messiaen, à Darmstadt
avec Stockhausen. Influencé, à ses débuts,
par Bartók, il a évolué vers une forme
d’expression pointilliste aux structures
multiples, se rattachant dans une certaine mesure au sérialisme. Ses oeuvres
comprennent essentiellement des pièces
pour orchestre, de la musique de chambre,
des pièces pour piano et pour orgue et de
nombreuses mélodies sur des textes de
Shakespeare, Verlaine, etc.
BERG (Josef), compositeur tchèque
(Brno 1927 - id. 1971).
Élève de Vilem Petrželka au conservatoire de Brno, puis critique musical,
musicologue, théoricien, il a été l’un des
animateurs de la vie artistique de Brno.
Il écrivit à ses débuts plus d’une centaine
d’arrangements ou de compositions originales pour l’orchestre populaire de la
radio, sur de vieilles mélodies moraves.
Puis se fit sentir l’influence occidentale celle de Henze, celle du studio de Cologne
(Eimert, Stockhausen) -, ce qui détermina
l’écriture de ses oeuvres pour petites formations de chambre : Sextuor pour harpe,
piano et quatuor à cordes (1959), Nonuor
(1962), Quatuor à cordes (1966). Berg a
aussi tenté de pasticher l’opéra classique :
en utilisant une mise en scène dépouillée,
un petit effectif de chanteurs-acteurs, il a
cherché à renouveler des mythes célèbres
avec le Retour d’Ulysse (1962), Johanes
Doktor Faust (1966), l’Orestie (1967). On y
retrouve des traces de Stravinski, de Milhaud, au travers d’une écriture qui joue de
la couleur de formations instrumentales
inusitées.
BERGAMASQUE (ital. bergamasca).
Chanson à danser de rythme binaire,
originaire de la province de Bergame en
Italie.
Elle emprunte souvent le schéma de la
chaconne, c’est-à-dire une série de variations à partir d’une basse obstinée. Le
terme apparaît pour la première fois dans
le 3e livre de luth de Giacomo Gorzanis
(1564), puis dans le 3e livre de villotte de
Filippo Azzaiolo (1569). On trouve un
célèbre exemple de bergamasque dans les
Fiori musicali de Frescobaldi (1635). Au
XIXe siècle, cette danse a adopté un tempo
très rapide à 6/8 se rapprochant de la
tarentelle. Mais c’est seulement la consonance agréable du mot et son emploi par
Verlaine dans un poème qui ont inspiré
le titre de Suite bergamasque à Debussy et
celui de Masques et bergamasques à Fauré.
La romanesca est une forme analogue à
la bergamasque.
BERGANZA (Teresa), mezzo-soprano
espagnole (Madrid 1935).
Après des études au conservatoire de
Madrid, elle a fait ses débuts en récital,
en 1955, et à la scène, en 1957, au festival
d’Aix-en-Provence dans le rôle de Dorabella (Cosi fan tutte, Mozart), inaugurant
ainsi une carrière mondiale. T. Berganza
est une styliste remarquable, servie par
une technique exemplaire qui maîtrise un
timbre pur et incisif. Son répertoire s’est
longtemps fondé sur deux personnages de
Mozart (Chérubin des Noces de Figaro et
Dorabella) et trois de Rossini (Rosine du
Barbier de Séville, Isabella de l’Italienne à
Alger et Cendrillon). Son interprétation du
rôle de Ruggiero dans Alcina de Haendel
est également célèbre. Elle a abordé plus
récemment les personnages de Carmen
(Édimbourg, 1977) et de Charlotte dans
Werther de Massenet. Elle obient aussi de
grands succès en récital, notamment dans
le domaine de la mélodie espagnole.
BERGER (Erna), soprano allemande
(Cossebaude 1900 - Essen 1990).
Elle étudie le piano et le chant à Dresde,
et est engagée pour la première fois par
Fritz Busch à la Staatsoper de cette ville
en 1925. En 1929, elle entre au Stätdtische
Oper de Berlin, où elle participe à la création de Christ-Elflein de Hans Pfitzner.
Entre 1929 et 1933, elle chante au Festival
de Bayreuth, et, à partir de 1932, à Salzbourg. Sa facilité dans l’extrême aigu et sa
tessiture de colorature dramatique lui permettent d’aborder soixante-dix rôles, de
Rossini à Richard Strauss. Dans les opéras
de Mozart, elle triomphe dans les rôles de
la Reine de la Nuit et de Constance. De
1934 à 1938 elle chante à Covent Garden,
en 1949 au Metropolitan de New York. De
1955 à 1968, elle se consacre au lied et à
l’enseignement.
BERGER (Ludwig), compositeur allemand (Berlin 1777 - id. 1839).
D’abord élève de Joseph Gürrlich dans
sa ville natale, il se rendit à Dresde en
1801 pour y étudier avec Johann Gottlieb
Neumann, mais celui-ci venait de mourir. De retour à Berlin, il y devint l’élève
de Muzio Clementi, puis suivit ce dernier
à Saint-Pétersbourg, où il resta jusqu’en
1812. L’invasion française l’obligea à
gagner Stockholm, puis Londres, où il
triompha comme pianiste. À partir de
1815, il vécut de nouveau à Berlin, comptant parmi ses élèves Mendelssohn et sa
soeur Fanny. De ses nombreux lieder, cinq
furent écrits vers 1817 sur des poèmes qui
devaient former le noyau du cycle la Belle
Meunière, plus tard mis en musique par
Schubert. On lui doit aussi, pour piano,
un concerto, des pages diverses dont les
études op. 12 et op. 22, et sept sonates
parmi lesquelles la Grande Sonate pathétique en ut mineur op. 7 (1804, version
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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révisée publiée en 1812-1814), dédiée à
Clementi et nettement inspirée de l’op. 13
de Beethoven.
BERGER (Theodor), compositeur autrichien (Traismauer 1905 - Vienne 1992).
Il a étudié la composition avec Franz
Schmidt à l’Akademie fur Musik de
Vienne, de 1926 à 1932. Son art se caractérise par une invention riche et exubérante,
un style passionné et le goût de la beauté
sonore recherchée pour elle-même,
comme dans Rondino giocoso et Malinconia pour cordes (1938). Il a composé de la
musique d’orchestre (Legende vom Prinzen
Eugen, Concerto manuale, Concerto macchinale, Symphonischer Triglyph), un ballet
(Homerische Symphonie), de la musique de
chambre (2 quatuors à cordes, etc.), des
oeuvres vocales (Faust, 1949) et des musiques de film.
BERGERETTE.
1. Genre poétique et musical dérivé du
rondeau, en vogue au XVe siècle en France ;
à la différence du rondeau, la strophe du
milieu n’a pas de refrain et sa longueur est
variable, car elle n’est pas liée à celle de la
première strophe.
2. Au XVIe siècle, bergerette est le nom
donné à quelques basses danses.
3. Chanson populaire de caractère pastoral et amoureux, de forme strophique,
répandue au XVIIIe siècle.
BERGEROTTI (Anna), cantatrice italienne (Rome v. 1630 - fin XVIIe s.).
Ce « trésor venu d’Italie » arriva à Paris en
1655. Elle fit partie de la troupe italienne
qu’entretint Mazarin et participa aux représentations d’opéras de Cavalli (Xerse,
Ercole amante). Elle chanta aussi dans
presque tous les ballets de cour en compagnie des cantatrices françaises Mlle Hilaire
et Mlle de La Barre et figura notamment
dans les scènes italiennes composées par
Lully. Elle fut admirée par tous, même par
les nombreux ennemis de la musique italienne. Les concerts qu’elle organisa dans
sa résidence parisienne furent célèbres
jusqu’à l’étranger. Elle quitta Paris en 1668
et épousa un marquis italien.
BERGLUND (Paavo), chef d’orchestre
finlandais (Helsinki 1929).
Il étudie le violon et la direction à l’Académie Sibelius d’Helsinki et travaille
ensuite à Vienne avec Otto Rieger, puis à
Salzbourg. En 1949, il est engagé comme
violoniste dans l’Orchestre symphonique
de la radio finnoise, formation qu’il dirige
de 1952 à 1971, et qu’il élève à un niveau
international. De 1972 à 1979, il dirige
l’Orchestre symphonique de Bournemouth, de 1974 à 1979 l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, de 1987 à 1992
l’Orchestre philharmonique de Stockholm
et, depuis cette dernière date, celui de Copenhague. Parallèlement à ces différentes
fonctions de chef permanent, il dirige
aussi la plupart des grands orchestres
américains. Particulièrement apprécié
pour ses interprétations des oeuvres de Sibelius, dont il a enregistré deux intégrales
des symphonies, et de Chostakovitch, il a
aussi été l’ardent défenseur des oeuvres de
Nielsen, dont il a enregistré les six symphonies.
BERGMAN (Erik Waldemar), compositeur finlandais (Nykarleby 1911).
Il a fait ses études à Helsinki, à Berlin
et en Suisse. Intéressé par le grégorien
et par les cultures d’Extrême-Orient, il
recherche des formes d’expression nouvelles issues des sonorités impressionnistes aussi bien que de la technique
sérielle ou du style tonal libre. Il a été,
en Finlande, un pionnier de l’écriture
dodécaphonique et son influence dans ce
domaine s’est exercée à travers ses cours
à l’Académie Sibelius. Il a surtout écrit
des oeuvres pour orchestre, pour voix et
pour piano. Son opéra l’Arbre qui chante
a été créé à Helsinki en 1995.
BERGONZI (Carlo), ténor italien (Parme
1924).
Il a commencé sa carrière comme baryton, à Lecce, en 1948, dans le rôle de
Figaro (Barbier de Séville, Rossini),
puis a fait de nouveaux débuts comme
ténor, à Bari, en 1951, dans André Chénier de Giordano et a acquis peu à peu
une réputation mondiale. Sa voix est peu
spectaculaire, mais d’une belle qualité ; sa
technique et son style sont exemplaires.
Il s’est consacré exclusivement au répertoire italien, de Donizetti à Puccini et
Giordano, et, particulièrement, à Verdi.
Ses interprétations de Radamès dans
Aïda et de Riccardo dans Un bal masqué
sont très renommées.
BERIO (Luciano), compositeur italien
(Oneglia, Ligurie, 1925).
Issu d’une famille musicienne, il a eu
son père pour premier professeur. Au
conservatoire Verdi de Milan, il a étudié
la composition avec Paribene et Ghedini,
la direction d’orchestre avec Votto et Giulini. Il a subi l’influence de Dallapiccolla,
son maître à Tanglewood (États-Unis).
Certaines de ses premières oeuvres comme
Nones (1954) sont d’inspiration sérielle.
En 1955, Luciano Berio fonde avec
son ami Bruno Maderna le studio de
phonologie de la R. A. I. à Milan. Luigi
Nono se joint à eux. C’est l’époque vive
des premières découvertes électroacoustiques ; il écrit Thema (Omaggio a Joyce)
[1958]. Dans ce lieu ouvert viennent travailler de jeunes compositeurs de tous
pays, comme André Boucourechliev.
Berio s’affirme comme un pionnier, un
explorateur. À partir de 1960, il donne des
cours à Darmstadt (mais là, on l’entend
le soir improviser du jazz au piano, avec
Maderna), à Darlington, à Mill’s College
(Californie), à Harvard, à l’université
Columbia. Il s’intéresse au rock, au folk,
leur consacrant des essais et les mêlant
dans le creuset de sa musique, laquelle est
une musique libre, sans frontières. Berio
a sondé, d’abord dans la clarté de l’intuition, puis prudemment, lucidement, des
domaines originaux et longtemps oubliés
de notre culture occidentale, en particulier celui de la voix, qu’il a littéralement
libérée. La figure étrange et passionnée
de Cathy Berberian apparaît dans sa vie
et devient l’âme de sa création en même
temps que l’« instrument » adapté à ses
recherches : C. Berberian va créer nombre
de ses oeuvres.
Tout en enseignant la composition à la
Juilliard School of Music de New York,
Berio fait de nombreux voyages. Fulgurant, éclatant, limpide, baroque, fou
de théâtre et de littérature, il dévore les
poètes (Joyce, Cummings, Sanguineti). La
mort de Martin Luther King l’émeut profondément, O King (1965, créé en 1967).
Proustien, Berio retouche sans cesse ses
oeuvres, élabore de nouvelles versions.
Tout en aimant l’Amérique, il ne tranche
pas ses racines italiennes. Il ne se laisse,
de toute façon, enfermer dans aucun clan.
On ne trouve chez lui aucune trace de
parti pris théorique, aucune gratuité abstraite. Son intelligence prend appui sur la
vie, sur une imagination généreuse, sur
un esprit d’invention, une chaleur méditerranéenne qui garde le contact entre les
hommes et l’art. Il libère une expression
verbale souvent affective, spontanée, immédiatement descriptive : murmures, cris,
souffles, pleurs, bruissements, onomatopées attachés à la vie corporelle. Il libère la
respiration. Sa musique semble couler de
source ; l’élégance de l’écriture en cache
les complexités.
Circles (1960), ou encore la série des
Séquences (Sequenza I à XI, 1958-1988)
pour instruments solistes, inventent, dans
un jeu de manipulations et de métamorphoses, des formes nouvelles, et il en va
de même de la série parallèle des Chemins.
Voix ou instruments sont poussés à l’extrême limite de leur virtuosité, arrachés à
leur tradition, élargis. Epifanie (1961) suit
la même évolution : textes de poètes, écartelés, au bord du tragique. Harmoniste
raffiné dans Folk Songs, Berio se montre
un maître de la technique de la variation
dans la série Chemins (1965-1975), où
des commentaires variés à l’infini laissent
apparaître des « collages ». Passagio (1962,
créé en 1963), Laborintus II (1965), Recital
I (1972) sont des approches très personnelles du théâtre musical. L. Berio semble
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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être imprégné de tout ce qui vit, pour le
laisser réapparaître tôt ou tard. On rencontre dans Sinfonia (1968) l’amour de
Mahler, dans Sequenza VII (1969) pour
hautbois un goût de la lumière, et, un peu
partout, les jeux de la mémoire de ce qui
fut aimé, entendu, rencontré. Chez Berio
se côtoient des inflexions vocales ou instrumentales proches du jazz, la tension
du nô japonais, l’esprit contemplatif de
la musique indienne. Partout, le compositeur recrée des situations déchirantes ou
paisibles. Coro (1976) est sans doute l’un
des sommets de son oeuvre, une anthologie de l’homme, de son aventure et de son
paysage intérieurs. Les langues, les folklores, les styles y sont brassés avec violence
et tendresse.
Après avoir dirigé jusqu’en 1980
le département électroacoustique de
l’I. R. C. A. M. à Paris il devint responsable de l’antenne de cet organisme à
Milan. Après Opera (1969-70), des oeuvres
comme Linea (1974), Points on the curve to
find (1974), Coro (1976), les opéras La vera
storia (Milan, 1982), Un re in ascolto (Salzbourg, 1984) et Outis (Milan, 1995), Formazioni pour orchestre (1986), Concerto
II « Echoing Curves « (Paris, 1988), Festum
pour orchestre (Dallas, 1989), Chemins
V pour guitare et orchestre de chambre
(1992) ont montré que Berio avait encore
le pouvoir de surprendre.
Le compositeur s’explique : « Je crois
qu’il faut vivre dans l’esprit de la fin de
la Renaissance et des débuts du baroque,
dans l’esprit de Monteverdi qui inventait
la musique pour trois siècles à venir...»
BÉRIOT (Charles Auguste de), violoniste
et compositeur belge (Louvain 1802 Bruxelles 1870).
Autodidacte, il était déjà en pleine possession de sa technique quand il rencontra
Viotti en 1821 ; celui-ci le fit entrer dans
la classe de Baillot, au Conservatoire de
Paris. Puis une tournée triomphale en
Angleterre établit sa renommée. Après la
révolution de 1830, Bériot fit de nouvelles
tournées avec la cantatrice Maria Malibran
qu’il épousa en 1836. Il devint aveugle et
paralysé après 1858. Son art élégant, qu’il
transmit à ses disciples, notamment Henri
Vieuxtemps, à travers son enseignement
au conservatoire de Bruxelles (18431852), se retrouve dans ses compositions,
par exemple ses 9 concertos pour violon.
Il a écrit une Méthode de violon en 3 parties (1858) et a collaboré à des ouvrages de
son fils Charles Wilfrid (1833-1914) sur
l’accompagnement au piano.
BERKELEY (sir Lennox), compositeur anglais (Boars Hill, Oxford, 1903 - Londres
1989).
Après des études à l’université d’Oxford,
il décida de se consacrer à la musique
et séjourna, de 1927 à 1932, en France,
où il travailla avec Nadia Boulanger, se
lia d’amitié avec Francis Poulenc et se
convertit au catholicisme. Il chercha aussi
conseil auprès de Maurice Ravel et tira
de cette formation et (peut-être) de son
ascendance françaises un goût marqué
pour l’élégance et la clarté, pour la forme
et la concision. De 1946 à 1968, il a enseigné la composition à la Royal Academy
of Music de Londres. Berkeley est un des
compositeurs les plus respectés en Angleterre. Sa réputation s’est d’abord fondée
sur des oeuvres à effectifs réduits, comme
la Sérénade pour cordes op. 12 (1938) ou
le Divertimento op. 18 (1943), sa première
grande réussite. Il aime l’intimité et a
beaucoup composé pour des formations
de chambre : son trio pour cor, violon et
piano op. 44 (1954), conçu pour Dennis
Brain, est particulièrement remarquable,
et on lui doit aussi un trio à cordes (1943)
et trois quatuors à cordes (1935, 1942 et
1970). Sa musique pour piano est également importante (sonate op. 20, 1943).
Comme son contemporain et ami Britten,
Berkeley éprouve un vif penchant pour
la voix : il a composé plusieurs cycles de
mélodies, parmi lesquels les 4 Sonnets de
Ronsard op. 40 (1952), les 4 Sonnets de
Ronsard op. 62 pour ténor (1963), à la mémoire de Francis Poulenc, et, surtout, les
4 Poèmes de sainte Thérèse d’Avila op. 27
pour contralto et cordes (1947) : cette dernière page, sans doute son chef-d’oeuvre,
fut destinée à Kathleen Ferrier. Ayant
souffert de l’étiquette de miniaturiste,
Berkeley a su montrer une autre forme
de son talent dans ses concertos - pour
piano op. 30 (1947), pour 2 pianos op. 34
(1948), pour violon op. 59 (1961) - , dans
Dialogue pour violoncelle et orchestre
op. 79 (1970), ainsi que dans ses quatre
symphonies op. 16 (1940), op. 51 (19561958), op. 74 (1969) et op. 94 (1976-77).
Il a moins réussi dans ses opéras Nelson
op. 41 (Londres 1954), A Dinner Engagement op. 45 (Aldeburgh, 1954), Ruth op.
50 (Londres, 1956) et Castaway op. 68
(Aldeburgh, 1967), mais a écrit de belles
oeuvres religieuses, dont le Stabat Mater
op. 28 (1947), la Messe a cappella op. 64
(l964) et le Magnificat op. 71 (1968).
BERLIN (histoire de la vie musicale à).
Au début du XVIIe siècle, Berlin entra dans
l’histoire de la musique avec des musiciens tels Johannes Eccard et Nikolaus
Zangius, maîtres de chapelle à la cour du
prince électeur. La musique protestante
fut représentée dans la première moitié du
XVIIe siècle par Johann Crüger. Pendant la
guerre de Trente Ans, l’activité musicale
connut un ralentissement comme dans
le reste de l’Allemagne. En 1701, Berlin
prit rang de résidence royale. C’est sous
le règne de Frédéric II (1740-1786) que la
ville devint un foyer musical important,
les artistes se partageant entre la capitale
de la Prusse et le séjour royal de Potsdam.
On y rencontre Johann Joachim Quantz,
Carl Philipp Emanuel Bach, les Benda,
Carl Heinrich et Johann Gottlieb Graun,
Johann Friedrich Reichardt, Christoph
Nichelmann, Johann Philipp Kirnberger, Friedrich Wilhelm Marpurg et Carl
Friedrich Zelter. Les compositeurs de
l’école de Berlin se sont illustrés dans les
domaines de la symphonie, de la musique
instrumentale, du lied et de l’opéra. En
1742 fut inauguré l’Opéra royal Unter den
Linden ou Hofoper (Opéra de la Cour).
Berlin était également réputé à cette
époque comme centre de théorie musicale.
Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe régna une activité intense :
les orchestres, les sociétés chorales, les
académies de musique religieuse, les
opéras et les écoles de musique se multiplièrent, en particulier, de 1800 à 1832,
sous l’impulsion de Zelter. La musique
orchestrale se développa particulièrement
dans la seconde moitié du XIXe siècle. De
nombreuses formations furent créées : la
Musikausübende Gesellschaft, fondée par
Johann Philipp Sack en 1752, l’Orchestervereinigung Berliner Musikfreunde,
devenue ensuite le Berliner Orchesterverein, le Königliches Hoforchester, devenu
ensuite la Staatskapelle, qui compta parmi
ses chefs Felix Weingartner et Richard
Strauss, et, enfin, l’Orchestre philharmonique de Berlin qui, fondé en 1882, est
considéré depuis plusieurs dizaines d’années comme l’un des meilleurs orchestres
du monde ; il a eu notamment pour chefs
Hans von Bülow (1887-1892), Arthur Nikisch (1897-1922), Wilhelm Furtwängler
(1922-1945 et 1947-1954), Sergiu Celibidache (1945-1947) et Herbert von Karajan
(depuis 1954). Au XXe siècle, sont venus
s’ajouter les orchestres de la radio : Berliner Rundfunk pour Berlin-Est, Nordwestdeutscher Rundfunk et RIAS pour Berlin-Ouest. L’Orchestre RIAS a connu une
période de grande notoriété quand Ferenc
Fricsay en était le directeur (1948-1954).
Parmi les sociétés chorales figurent le
Choeur philharmonique, le Choeur de la
cathédrale Sainte-Hedwige et la célèbre
Singakademie, fondée, en 1791, par Christian Fasch et dirigée ensuite par Zelter ;
c’est avec le concours de cette formation
que Mendelssohn dirigea, en 1828, la Passion selon saint Matthieu de Bach, tombée
dans l’oubli depuis près d’un siècle. Les
académies de musique religieuse les plus
importantes sont l’Akademie für Kirchenmusik, fondée en 1822, la Gesellschaft zur
Förderung der kirchlichen Tonkunst et le
Caecilienverein.
Plusieurs grandes scènes d’opéra
ont valu à Berlin sa renommée dans le
domaine lyrique. Inaugurée en 1742, la
Hofoper a vu la création du Freischütz de
Weber en 1821 et l’opposition entre les
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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partisans de cette oeuvre de style nouveau
et ceux du style de Spontini, qui était alors
directeur musical du théâtre. Les Joyeuses
Commères de Windsor de Nicolai y furent
créées en 1849. Baptisée, après 1918,
Staatsoper (Opéra d’État), cette scène a eu
pour intendants ou directeurs de la mu-
sique Richard Strauss, Felix Weingartner,
Karl Muck, Max von Schillings, Heinz
Tietjen. Les créations de Wozzeck d’Alban
Berg (1925), Christophe Colomb de Milhaud (1930), Das Herz de Pfitzner (1931)
et Peer Gynt de Egk (1938) s’y sont, entre
autres, déroulées. Située dans l’ancien secteur Est, la Staatsoper a eu pour directeurs
musicaux, après la guerre, Franz Konwitschny (1955-1961) et Otmar Suitner, de
1964 à 1975.
Le Deutsches Opernhaus, inauguré en
1912 et appelé après 1918 Städtische Oper
(Opéra municipal), a compté parmi ses
intendants Carl Ebert et parmi ses directeurs musicaux Bruno Walter et Ferenc
Fricsay. Détruit en 1944, lors d’un bombardement aérien, il a repris en 1961 le
nom de Deutsche Oper.
Inaugurée en 1924, la Kroll Oper devint
rapidement célèbre par son orientation
très particulière ; notamment sous la direction d’Otto Klemperer (1927-1931), ce
fut un théâtre de créations (opéras de Hindemith, etc.) et une scène d’avant-garde
en ce qui concerne les décors et la mise en
scène du répertoire. Une position comparable, dans le domaine de l’interprétation
scénique, a été occupée après la dernière
guerre par la Komische Oper, qui, ouverte
en 1947, a appuyé sa célébrité sur les mises
en scène de son intendant Walter Felsenstein.
Dans le domaine de l’enseignement
de la musique, les institutions les plus
importantes sont l’université, où ont professé Philipp Spitta et Arnold Schering, la
Hochschule für Musik, fondée en 1869,
le conservatoire municipal (autrefois
Stern’sches Konservatorium), le conservatoire Klindworth-Scharwenka, l’Institut für Musikforschung et la Berliner
Kirchenmusikschule.
BERLIOZ (Hector), compositeur français
(La Côte-Saint-André, Isère, 1803-Paris
1869).
C’est à La Côte-Saint-André, où son père
était médecin, qu’Hector Berlioz reçut sa
première éducation musicale. Il apprit à
jouer du flageolet, de la flûte et de la guitare. À seize ans, muni de quelques rudiments théoriques puisés dans les traités
d’harmonie de Rameau et de Catel, ainsi
que dans les Éléments de musique de
d’Alembert, il écrivit un quintette pour
flûte et quatuor. Bachelier, en 1821, il
partit pour Paris afin d’y suivre les études
de médecine, selon le voeu de son père.
Mais il y fréquenta plus volontiers l’Opéra
que l’amphithéâtre de la Pitié et il voua
à Gluck une admiration passionnée. Dès
1823, il travailla la composition avec Lesueur et, à l’automne de la même année,
entreprit d’écrire une Messe solennelle, qui
devait être exécutée, à ses frais, à l’église
Saint-Roch, en 1825. Si cette messe fut très
remarquée, elle laissa son auteur endetté.
Et Berlioz vécut pauvrement.
VOCATION : MUSICIEN.
À cette époque, le jeune homme découvrit Weber ; ce fut une nouvelle flambée
d’enthousiasme. Éliminé au concours de
Rome (1826), il vit ses parents s’opposer à
sa vocation artistique. Sa mère le maudit,
mais son père finit par céder. Berlioz s’inscrivit alors au Conservatoire, où il étudia
la composition avec Lesueur, le contrepoint et la fugue avec Reicha. En 1827,
il se présenta à nouveau, sans succès, au
concours de Rome. Peu après, il fut subjugué par Shakespeare, dont on joua Hamlet
et Roméo et Juliette à l’Odéon ; en même
temps, il tomba amoureux, et amoureux
fou, de l’actrice irlandaise qui interprétait
les rôles d’Ophélie et de Juliette, Harriet
Smithson. Bientôt, il reçut un nouveau
choc avec le Faust de Goethe. Son destin
musical était déjà tracé.
Une troisième fois, en 1828, Berlioz
se présenta au concours de Rome et obtint le second grand prix avec Herminie.
Il composa Huit Scènes de Faust. Après
un nouvel échec au concours de Rome,
pour lequel il écrivit la Mort de Cléopâtre
(1829), l’année 1830 fut marquée par la
Symphonie fantastique et par le premier
grand prix de Rome avec la cantate la Dernière Nuit de Sardanapale. Le 5 décembre,
dans la salle du Conservatoire, eut lieu la
première audition de la symphonie. Liszt
fut enthousiaste.
UNE PÉRIODE AGITÉE.
Berlioz se croyait alors guéri de sa passion pour Harriet Smithson et se fiança
avec une jeune pianiste, Camille Moke. En
mars 1831, il arriva à Rome, à la Villa Médicis. Il ne s’y plut guère et, ayant appris
que Camille Moke avait rompu ses fiançailles, possédé par un désir de vengeance,
il voulut regagner Paris. Mais il s’arrêta
à Nice, où il écrivit les ouvertures du Roi
Lear et de Rob Roy. De retour à Rome, en
juin, il composa Lélio ou le Retour à la vie,
présenté comme une suite à la Symphonie
fantastique. En novembre 1832, Berlioz,
redevenu parisien, fit exécuter, sous la direction d’Habeneck, la Symphonie fantastique et Lélio ; ces oeuvres remportèrent un
grand succès. Harriet Smithson assistait
au concert et, s’enflammant de nouveau,
le compositeur lui déclara sa passion ; il
devait l’épouser en octobre 1833.
À la demande de Paganini, le musicien composa une oeuvre pour alto et orchestre, Harold en Italie, dont la première
audition, avec Chrétien Urhan en soliste,
fut donnée l’année suivante. Critique musical au Journal des débats à partir de 1835,
il obtint, en 1837, la commande d’un Requiem, qui devait être joué aux Invalides,
le 5 décembre. Cette partition fut très bien
accueillie. Mais il n’en fut pas de même
pour son opéra Benvenuto Cellini, qui, en
1838, ne fut représenté que quatre fois.
Toutefois, en décembre de cette même
année, un concert au cours duquel Berlioz dirigea Harold en Italie et la Symphonie fantastique apporta au compositeur
une revanche : Paganini proclama son
génie et lui fit don d’une somme de vingt
mille francs qui lui permit d’éponger ses
dettes et d’entreprendre en janvier 1839 la
symphonie dramatique Roméo et Juliette,
créée avec succès en novembre. Wagner
assista à cette première et ne cacha pas son
enthousiasme. L’année suivante, pour le
dixième anniversaire des Trois Glorieuses,
le compositeur dirigea sa Symphonie funèbre et triomphale.
Au cours de cette période, la vie conjugale de Berlioz devenait insupportable ; le
ménage se désagrégeait de jour en jour. Et,
en 1841, le musicien s’éprit d’une cantatrice, Marie Recio.
DES TRIOMPHES À L’ÉTRANGER.
Commença alors l’ère des tournées de
concerts à l’étranger, d’abord en Belgique, puis en Allemagne, où Marie Recio
l’accompagna. Revenu à Paris, en 1843,
Berlioz se sépara d’Harriet. En 1846, des
concerts triomphaux à Prague et à Budapest le dédommagèrent des déceptions
que lui avaient apportées les « festivals »
qu’il avait organisés à grands frais à Paris.
Il acheva la Damnation de Faust, qui fut
créée sous sa direction en décembre, à
l’Opéra-Comique ; ce fut un demi-échec.
Criblé de dettes, le compositeur partit, en
1847, pour diriger des concerts en Russie ; il y remporta un très grand succès,
à Saint-Pétersbourg comme à Moscou.
En 1849, il écrivit son Te Deum. Liszt fit
représenter Benvenuto Cellini à Weimar,
en 1852, et, cette fois-ci, l’ouvrage remanié et abrégé fut fort bien accueilli. Mais la
vie familiale de Berlioz demeurait difficile.
En 1854, Harriet Smithson, malade depuis
plusieurs années, paralysée, mourut. Le
musicien épousa Marie Recio.
La première exécution de l’Enfance
du Christ, en 1854, fut un triomphe. Le
Te Deum fut joué à Saint-Eustache en
1855. Élu à l’Institut l’année suivante, Berlioz se tourna de nouveau vers l’opéra :
en 1859, il acheva les Troyens et, en 1862,
Béatrice et Bénédict, dont la première eut
lieu à Baden-Baden, tandis que les trois
derniers actes des Troyens ne furent représentés qu’en 1863, à Paris, au Théâtre
lyrique, sous le titre les Troyens à Carthage. 1862 fut aussi l’année de la mort de
Marie Recio, qui laissa le compositeur en
proie au découragement et à la solitude.
En 1864, il démissionna du Journal des
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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débats. Trois ans plus tard, son fils Louis
(né en 1834) mourut de la fièvre jaune à
La Havane. Berlioz était lui-même malade.
Pourtant, il effectua un nouveau voyage en
Russie. La fin de l’année 1868 fut particulièrement sombre : en décembre, la maladie le cloua au lit. Il mourut le 8 mars 1869
et fut enterré au cimetière de Montmartre.
LE SENS DE L’UNIVERSEL.
Hector Berlioz est une des grandes figures
de la musique romantique européenne. Il
fut mieux compris en Allemagne, en Bohême, en Hongrie et en Russie que dans
son propre pays. Ses meilleurs défenseurs
furent Paganini, Liszt et Schumann. Il
est vrai que ses sources littéraires d’inspiration, puisées dans Shakespeare et
Goethe, lui ont donné le sens de l’universel, dépassant le cadre étroit des frontières
nationales. Mais, parmi ces sources, il y a
aussi Virgile, et l’on ne peut nier, à côté
du « fantastique » et des débordements
de la passion, la clarté méditerranéenne
d’Harold en Italie, de l’Enfance du Christ
et des Troyens.
Berlioz est un passionné lucide. Il
conçoit dans l’enthousiasme, puis exécute
froidement. Ce romantique est exactement
le contraire d’un improvisateur. Il faut
que sa vision poétique soit rendue avec
évidence, il faut que la projection dans la
musique de son « moi » omniprésent soit
parfaitement perceptible. Même le rêve,
même le délire cèdent chez lui au besoin
d’énoncer clairement et d’enchaîner logiquement. Dès la Symphonie fantastique
(1830), il rejette le schéma traditionnel
de la symphonie, pour lui substituer une
progression dramatique en cinq épisodes
(Rêveries et Passions ; Un bal ; Scène aux
champs ; Marche au supplice ; Songe d’une
nuit de sabbat), qui évolue de la tendresse
la plus pure au délire et au sarcasme, unifiée par la présence d’un thème obsessionnel, l’« idée fixe ». Avec le concours d’un
alto solo « combiné avec l’orchestre de
manière à ne rien enlever de son action
à la masse orchestrale », Harold en Italie
(1834) met de nouveau en vedette un personnage mélodique (analogue à l’« idée
fixe »), qui se mêle à des paysages et à des
scènes tout en poursuivant sa méditation
solitaire. Roméo et Juliette (1839) se libère
totalement des contraintes de la structure
symphonique, au bénéfice d’une approche
poétique, mais toujours logique, qui cerne
l’action dramatique de diverses manières,
tantôt la survolant, tantôt la commentant,
tantôt s’y incorporant pour la vivre intensément.
La Symphonie fantastique a pour soustitre « Épisode de la vie d’une artiste ».
Roméo et Juliette est une « symphonie dramatique ». La Damnation de Faust (1846)
est une « légende dramatique » sans être
pour autant destinée à la scène ; ici, la
symphonie évolue vers l’opéra. Tout est
drame chez Berlioz. Les thèmes sont des
personnages ; l’orchestre est un décor, un
lieu scénique. La Grande Messe des morts
ou Requiem (1837) n’échappe pas à cette
loi, et même la confirme avec éclat.
LA MODERNITÉ DE BERLIOZ.
Berlioz est essentiellement un musicien
de rupture. Il y a dans son oeuvre des
moments où sa fougue créatrice anticipe
étrangement sur les audaces de la musique
du XXe siècle. Berlioz annexe des territoires encore vierges, ne s’embarrasse pas
de contraintes, ne redoute pas la démesure. Peu lui importent les moyens, seul
compte ce qu’il a à dire, et cette volonté
d’aller jusqu’au bout de ce qu’il doit exprimer entraîne la découverte de moyens
nouveaux qui élargissent le domaine du
compositeur. Une orchestration « moderne », où le timbre, la couleur, la dynamique jouent un rôle prépondérant dans
l’expression musicale, le sens du modal
qui enrichit l’harmonie et affine la mélodie, une conception toute personnelle du
contrepoint qui lui permet de superposer
des éléments très différenciés, créant une
sorte de simultanéité qui lui appartient
en propre, le recours à la stéréophonie,
telles sont quelques-unes des conquêtes de
Berlioz, mais elles n’ont force d’évidence
que parce qu’elles sont apparues dans des
chefs-d’oeuvre (Symphonie fantastique, Requiem, Harold en Italie, Roméo et Juliette,
la Damnation de Faust, les Troyens).
On n’oubliera pas enfin que Berlioz
fut un remarquable écrivain et un excellent critique musical. Ses passionnants
Mémoires et ses livres sur la musique en
témoignent.
BERMAN (Lazar), pianiste russe (Leningrad 1930).
Élève d’abord de sa mère, enfant prodige (il se produit pour la première fois
en public à l’âge de sept ans), il n’entre
qu’en 1948 au Conservatoire de Moscou,
où il étudie avec Goldenweiser, Richter et
Sofronitzki. Lauréat de plusieurs concours
internationaux, dont en 1956 le Concours
Reine Élisabeth de Belgique, il devient en
U.R.S.S. l’un des pianistes les plus réputés
de sa génération, pour sa virtuosité exceptionnelle et la clarté de son jeu. Pendant
vingt ans, sa carrière se déroule presque
uniquement en U.R.S.S. En 1976, son enregistrement du 1er concerto de Tchaïkovski sous la direction de Karajan le fait
connaître hors de son pays et dans toute
l’Europe. De même que Richter, Sofronitzki ou Guilels, il est l’un des très grands
représentants de l’école russe de piano.
Depuis la fin des années 1970, il se produit
dans le monde entier.
BERNAC (Pierre BERTIN, dit Pierre), bary-
ton français (Paris 1899 - Villeneuve-lèsAvignon 1979).
À partir de 1933, il se consacra exclusivement à la mélodie et, accompagné au
piano par Francis Poulenc dont beaucoup
d’oeuvres furent créées par lui, il constitua
avec le compositeur un duo exceptionnel
qui contribua beaucoup à la diffusion de
la mélodie française dans le monde entier.
L’art d’interprète de Bernac fit de lui l’un
des grands noms dans le difficile domaine
de la « parole en musique ». Il fut professeur à l’université Howard de Michigan et
au conservatoire américain de Fontainebleau, avant de poursuivre son activité de
pédagogue à Londres et à Saint-Jean-deLuz, notamment.
BERNAOLA (Carmelo Alonso), compositeur espagnol (Ochandiano, Vizcaya,
1929).
Il a fait ses études au conservatoire de
Madrid et obtenu le prix national de la
musique en 1962 et celui des Jeunesses
musicales en 1967. Il a également travaillé à Rome avec Goffredo Petrassi et,
à Darmstadt, avec Bruno Maderna. Parti
d’une phase néoclassique, illustrée notamment par le Piccolo Concerto pour violon
et orchestre à cordes (1959), il a évolué
ensuite vers l’atonalité, sous le signe à la
fois du sérialisme et de l’improvisation :
en témoignent Superficie no 1 pour double
quatuor d’instruments à cordes et d’instruments à vent (bois), piano et percussion
(1961), Superficie no 2 pour violoncelle
solo (1962, rév. 1965), Superficie no 3 pour
flûte piccolo, saxophone alto, xylophone
et bongos (1963), et Espacios variados pour
grand orchestre (1962, rév. 1969). Heterofonias pour grand orchestre (1965, rév.
1967) est d’une conception plus abstraite,
et influencée par les arts plastiques, alors
que dans Impulsos pour grand orchestre
(1970-1972) on retrouve certaines polarisations harmoniques ou formelles traditionnelles. Clarinettiste, Bernaola a écrit
pour son instrument Oda für Marisa pour
clarinette, cor et orchestre de chambre
(1970), Argia Ezta Ikusten pour clarinette,
vibraphone, piano et percussion (1973),
et Superposiciones variables pour clarinette et 2 magnétophones (1975). On lui
doit encore de nombreuses musiques de
scène - pour les Femmes savantes, Lysistrata, Hedda Glaber, le Roi Lear - et de
nombreuses musiques de film, et il a reçu
à ce titre, de l’Association des composi-
teurs de cinéma, le prix de la meilleure
musique en 1967, 1969 et 1972.
BERNARD (Robert), compositeur et
musicologue suisse (Genève 1900 - Paris
1971).
Après des études musicales à Genève, il se
fixa à Paris en 1926. Pianiste, organiste,
conférencier, professeur à la Schola candownloadModeText.vue.download 99 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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torum, directeur de la Revue musicale,
président ou animateur de nombreuses
associations, Robert Bernard se dévoua
totalement à la cause de la musique. Il est
l’auteur d’une oeuvre de style néoromantique, pour orchestre, pour des formations
de chambre et pour la voix. On lui doit
d’autre part de nombreux ouvrages de
musicologie, notamment une Histoire de
la musique (3 vol., Paris, 1961-1963).
BERNARD (saint), théologien français
appartenant à l’ordre de Cîteaux (château de Fontaine, près de Dijon, v. 1090 Clairvaux, Aube, 1153).
Il n’était pas musicien au sens propre du
mot, mais, par son esthétique de dépouillement et d’austérité, il provoqua dans la
liturgie de l’ordre cistercien une série de
restrictions : mélismes amputés, mélodies
appauvries, ambitus réduit à dix notes au
plus pour respecter la parole du psalmiste
qui évoque son « psaltérion à dix cordes ».
Saint Bernard est également cité comme
l’auteur du Salve Regina, mais l’expression
doit s’entendre au sens littéraire et non
musical.
BERNARD DE VENTADOUR, troubadour occitan (château de Ventadour,
Corrèze, v. 1125 - abbaye de Dalon, Dordogne, v. 1195).
C’est un des rares troubadours d’origine
roturière. Il eut pour maître et protecteur Eble II, seigneur de Ventadour, qui
lui enseigna l’art de « trouver ». Il tomba
amoureux de Marguerite de Turenne, puis
d’Aliénor d’Aquitaine, qui lui accorda
sa protection. Il voyagea beaucoup en
France et suivit sa maîtresse en Angleterre, où il séjourna à la cour d’Henri II.
Il entra au service de Raimond IV, comte
de Toulouse, avant de devenir moine à
l’abbaye de Dalon. De ce très grand poète,
il nous reste 45 textes, dont une vingtaine de chansons notées, presque toutes
des chansons d’amour dans lesquelles la
musique vient renforcer l’extrême beauté
de chaque image. Bernard de Ventadour
disait lui-même que « le chant qui ne vient
pas du fond du coeur n’a pas de valeur ».
La plus célèbre de ses chansons est sans
doute Can vei la lauzeta mover.
BERNARDI (Steffano), compositeur italien (Vérone 1576 ? - ? 1636).
Il fut maître de chapelle à la cathédrale
de Vérone avant d’entrer au service de
l’évêque de Breslau. Il obtint ensuite le
poste de maître de chapelle à Salzbourg,
qu’il garda jusqu’à sa mort. Auteur de
messes et d’oeuvres religieuses diverses,
de madrigaux, de sonates, etc., il doit surtout sa réputation à un Te Deum à 48 voix
réparties en 12 choeurs, qui fut exécuté
pour la consécration de la cathédrale de
Salzbourg en 1628.
BERNERS (sir Gerald Hugh Tyrwitt-Wilson, lord), compositeur anglais (Arley
Park, Shropshire, 1883 - Londres 1950).
Membre du corps diplomatique de 1909
à 1920, il étudia la musique à Dresde et à
Vienne, reçut les conseils de Stravinski, de
Casella et de Vaughan Williams, et se lia
d’amitié dans les années 1920 avec George
Bernard Shaw, H. G. Wells et Osbert Sitwell. Son comportement social bizarre et
son goût de la plaisanterie firent de lui une
sorte de Satie britannique. Ses oeuvres les
plus célèbres sont l’opéra le Carrosse du
Saint-Sacrement, d’après Mérimée (Paris
1924) et le ballet The Triumph of Neptune
(1926).
BERNGER VON HORHEIM,
minnesänger allemand, originaire de
Souabe (fin du XIIe s.).
On retrouve sa trace en Italie. On
connaît de lui six chansons, où se manifeste une forte influence française. L’une
d’entre elles a été identifiée par Friedrich
Gennrich comme une nouvelle version
d’une chanson de Chrétien de Troyes,
D’amours qui a tolu a moi, ce qui attire l’attention sur l’important apport de Chrétien de Troyes au minnesänger.
BERNHARD (Christoph), compositeur
et théoricien allemand (Dantzig 1627 Dresde 1692).
Il étudia à Dantzig avec Paul Siefert, puis
à Dresde avec Heinrich Schütz. En 1649
et 1651, il voyagea en Italie où il rencontra Carissimi. Vice-maître de chapelle
à Dresde (1655-1664), il devint maître
de chapelle à Hambourg (1664), puis à
Dresde (1681-1688). Sa musique vocale
religieuse (concerts spirituels, Missa
« Christ unser Herr zum Jordan kam ») se
situe à mi-chemin de Schütz et de Johann
Sebastian Bach. Bernhard est également
l’auteur d’ouvrages théoriques.
BERNIER (Nicolas), compositeur français
(Mantes-la-Jolie 1664 - Paris 1734).
Après avoir été enfant de choeur à la
collégiale de Mantes, il aurait travaillé à
Rome avec Caldara. En 1692, il enseigna
le clavecin à Paris, puis fut, entre 1694 et
1698, maître de chapelle à la cathédrale
de Chartres. De retour à Paris, il se fit
connaître par un Te Deum, aujourd’hui
perdu, qui fut joué dans plusieurs églises
et à la Cour à Fontainebleau. En 1703,
il publia son premier livre de motets et
succéda, l’année suivante, à Marc-Antoine Charpentier à la Sainte-Chapelle. Il
épousa, en 1712, l’une des filles de Marin
Marais, collabora aux fêtes données à
Sceaux par la duchesse du Maine et obtint,
en 1723, l’un des quatre postes de sousmaître de chapelle à Versailles, vacants
depuis la démission de Delalande.
Outre une oeuvre religieuse comprenant des leçons de ténèbres et des motets,
Nicolas Bernier a laissé de nombreuses
pièces profanes ; airs sérieux et à boire et,
surtout, 8 livres de cantates, genre qu’il fut
l’un des premiers à illustrer, par exemple
avec sa cantate le Café. Ses compositions,
essentiellement vocales, allient avec bonheur les goûts français et italien.
BERNIER (René), compositeur belge
(Saint-Gilles-lès-Bruxelles 1905 Bruxelles 1984).
Il a fait des études au conservatoire de
Bruxelles et avec Paul Gilson. Critique,
professeur aux conservatoires de Liège et
de Mons et à l’Académie de musique de
Bruxelles, puis, après la guerre, inspecteur
de l’Éducation musicale pour la Belgique
francophone, il s’inscrit dans la lignée des
impressionnistes respectueux des formes
classiques, partisans du langage modal
et délicats harmonistes. En dehors d’un
poème symphonique, d’un concerto pour
saxophone et de deux ballets, il a surtout
écrit pour la voix et pour des formations
de chambre.
BERNSTEIN (Leonard), compositeur,
pianiste et chef d’orchestre américain
(Lawrence, Massachusetts, 1918 - New
York 1990).
Il a étudié à l’université Harvard avec Walter Piston, Tillman Merritt et Edward Burlingame Hill jusqu’en 1939, puis au Curtis
Institute de Philadelphie avec Fritz Reiner
et Randall Thomson jusqu’en 1941. Élève
de Koussevitski à Tanglewood, à partir de
1940, il y est devenu son assistant (1942),
avant d’être celui d’Arthur Rodzinski
à New York (1943). C’est là qu’ayant eu
l’occasion de remplacer Bruno Walter
au pied levé, il a commencé sa carrière
de chef d’orchestre. Il a fait des tournées
en Europe et a été le premier Américain
d’origine à diriger l’orchestre de la Scala
de Milan (Médée de Cherubini avec Maria
Callas, 1953). Aux États-Unis, il a animé, à
partir de 1954, des émissions de télévision.
Après l’énorme succès de sa comédie musicale West Side Story (1957), succès prolongé par un film, il est nommé directeur
musical de l’Orchestre philharmonique de
New York (1958). Il a abandonné ce poste
(1968) pour se consacrer à la composition,
à ses émissions de télévision, à ses cours à
l’université Harvard et à diverses charges
officielles, mais a poursuivi jusqu’à sa
mort sa carrière de chef sur le plan international.
Pianiste de talent, chef d’orchestre fougueux, animateur et organisateur, compositeur populaire, Bernstein fut l’un des
personnages les plus en vue de la musique
américaine et même mondiale. Dans son
oeuvre, qui vise souvent au spectaculaire
et hésite devant les véritables audaces, se
sont succédé, ou parfois mélangées pêledownloadModeText.vue.download 100 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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mêle, les influences de Stravinski, de Copland, de Hindemith, de Mahler, du jazz,
du folklore, de l’opéra italien, de la pop
music. Dans un langage universel et accessible, il parvient à traiter certains grands
thèmes, celui de la foi perdue et reconquise, celui de la condition humaine. Il a
rêvé de nouvelles formes de théâtre musical, mais ses tentatives, quoique convaincantes, demeurent un peu artificielles.
Bernstein a composé notamment 3
symphonies (Jeremiah 1942, The Age of
Anxiety 1948-49, Kaddish 1957) ; des ballets (Fancy Free 1944, Facsimile 1946) ;
des musiques de scène et des musiques de
film, dont celle pour On the Waterfront
(Sur les quais, 1954) ; des oeuvres pour
piano et des mélodies ; pour le théâtre, les
comédies musicales On the Town (1944),
Wonderful Town (1953), West Side Story
(1957), l’opéra Trouble in Tahiti (1952),
l’opérette Candide (1956), Chichester
Psalms (1965) ; Mass, oratorio scénique
pour chanteurs, danseurs, comédiens
(1971) ; Songfest (1977) ; Slava, ouverture
politique (1977) ; Meditation from Mass
pour violoncelle et orchestre (1977) ; Divertimento pour orchestre (1980) ; A Musical Toast, à la mémoire d’André Kostelanetz (1980) ; Halil pour flûte, cordes et
percussion (1981) ; l’opéra A Quiet Place
(1982), créé à Houston en 1983 (version
révisée comprenant Trouble in Tahiti,
Milan 1984).
BÉROFF (Michel), pianiste français (Épinal 1950).
Prix d’excellence au conservatoire de
Nancy en 1963, il est entré la même année
au Conservatoire de Paris, dans la classe
de Pierre Sancan. En 1966, il a obtenu
un premier prix et a donné son premier
concert avec orchestre. En 1967, il a donné
son premier récital à Paris et remporté à
Royan le premier prix du concours Olivier
Messiaen. Il a alors commencé une carrière internationale. Son répertoire va de
Bach à la musique contemporaine, mais
ses interprétations de Debussy, Prokofiev
et Messiaen sont particulièrement renommées.
BERRY (Walter), baryton-basse autrichien (Vienne 1929).
Il fait ses études à l’Académie de Vienne
et débute à l’Opéra de Vienne en 1950. Il
rencontre son premier succès dans le rôle
du Comte des Noces de Figaro, ce qui lui
vaut plusieurs engagements à Salzbourg
dès 1952. Il épouse la mezzo-soprano
Christa Ludwig, qui est aussi sa partenaire sur scène, principalement de 1957
à 1971. Sous la direction de Klemperer,
Karajan ou Böhm, il fait partie des distributions qui ont suscité un certain âge
d’or de l’art lyrique autrichien d’aprèsguerre. Doué d’une présence chaleureuse,
il excelle aussi bien dans des rôles mozartiens comme Papageno, qu’en incarnant
Wozzeck ou les personnages de Wagner,
Richard Strauss et Bartok. Il crée plusieurs
oeuvres contemporaines, notamment de
Liebermann, Von Einem et Egk. Depuis
1990, il enseigne le lied et l’oratorio à la
Hochschule für Musik de Vienne.
BERTHEAUME (Julien ou Isidore), violoniste et compositeur français (Paris v.
1751 - Saint-Pétersbourg 1802).
Il étudia avec Giardini et fit ses débuts à
Paris au Concert spirituel, en 1761, avec
une sonate de son maître. Il se produisit
ensuite régulièrement au Concert spirituel, dont il fut directeur de l’orchestre à
partir de 1783, y faisant entendre notamment les concertos de Gaviniès. En 1767, il
entra à l’orchestre de l’Académie royale de
musique. Grâce à un privilège obtenu en
1769, il commença à publier ses oeuvres.
Parmi celles-ci, destinées essentiellement
à son instrument (sonates, concertos,
symphonies concertantes...), citons tout
particulièrement sa Sonate dans le style
de Lully pour violon, qui utilise la scordatura de la 4e corde, permettant ainsi des
contrastes entre les registres.
BERTON (les), famille de musiciens français.
Pierre-Montan, compositeur et chef
d’orchestre (Maubert-Fontaine, Ardenne, 1727 - Paris 1780). Après des
études musicales à Senlis, il se rendit à
Paris, où il fut engagé comme chanteur
à Notre-Dame et à l’Opéra. À partir
de 1755, il connut dans ce théâtre, au
Concert spirituel et à la Cour, une carrière brillante de chef d’orchestre, qui lui
donna l’occasion d’arranger des oeuvres
lyriques, lors de leurs reprises. Il composa également pour la scène : Deucalion
et Pyrrha (1755), Érosine (1766) et, en
collaboration avec Trial, Grenier et La
Borde, Sylvie (1765), Théonis et le Toucher (1767) et Adèle de Ponthieu (1772).
Sa réputation était telle, qu’il participa,
dès 1765 et jusqu’en 1778, à la direction
de l’Opéra.
Henri-Montan, compositeur, fils du précédent (Paris 1767 - id. 1844). Formé par
son père et par Sacchini, il débuta comme
violoniste dans l’orchestre de l’Opéra et
assista, en 1786, à l’exécution de son premier oratorio au Concert spirituel. L’année suivante, ses opéras-comiques les Promesses de mariage et l’Amant à l’épreuve
furent représentés. Attiré par la scène lyrique, il composa une cinquantaine d’ouvrages, dont certains s’inscrivirent dans la
tradition de l’opéra-comique, tandis que
d’autres annonçaient l’opéra historique
de Meyerbeer. Ses drames, les Rigueurs
du cloître (1790), Montano et Stéphanie
(1799) et le Délire (1799), d’une écriture
sensible et originale, ouvrent la voie au
romantisme, et leur succès valut au compositeur le poste de chef d’orchestre à
l’Opéra-Comique entre 1807 et 1815.
BERTONI (Ferdinando), compositeur
italien (Salo, lac de Garde, 1725 - Desenzano, lac de Garde, 1813).
Élève du padre Martini, auteur d’un Orfeo
sur le livret déjà mis en musique par Gluck
(1776), il visita Londres à deux reprises
(1778-1780 et 1781-1783) et s’y spécialisa dans la confection de pastiches pour
le King’s Theatre. En 1785, il succéda à
Galuppi au poste de maître de chapelle de
Saint-Marc de Venise.
BERTRAND (Antoine de), compositeur
français (Fontanges, Auvergne, v. 1530 Toulouse 1581).
À Toulouse, il se lia d’amitié avec le dramaturge Robert Garnier et appartint au
cercle humaniste gravitant autour du
cardinal Georges d’Armagnac, un milieu
constitué de magistrats et de nobles. Vers
1570, il reçut la protection de Charles
de Bourbon, mais, malgré la défense de
cette puissante famille, son catholicisme
militant lui valut d’être assassiné par les
huguenots en 1581. Son oeuvre maîtresse
reste les Amours de Ronsard (Premier
Livre, 1576 ; Second Livre, 1578 ; Tiers
Livre, qui ne comporte que trois pièces de
Ronsard, 1578). Avec celle de Claude Le
Jeune (Chansons de Ronsard), la réussite
d’Antoine de Bertrand illumine la tentative d’union de la poésie et de la musique,
inaugurée par le supplément musical à
l’édition des Amours de Ronsard en 1552.
Remarquable polyphoniste, Bertrand
se réfère parfois à Lassus ou même à
Josquin Des Prés par des voix groupées
en duos, par des imitations (Ce ris plus
doux ; le Coeur loyal) ; il tente les audaces
harmoniques les plus grandes : quarts de
ton (Je suis tellement amoureux), chromatismes chers aux madrigalistes italiens,
mais adaptés pour ne pas choquer l’oreille
française, modulations surprenantes (Ces
deux yeux bruns ; Nature ornant la dame) ;
comme Le Jeune, il hésite souvent entre
le climat modal et tonal. Mais toute son
inspiration est mise au service des vers de
Ronsard. Il a pris la peine de préciser en
préface que la musique ne doit pas « être
enclose dans la subtilité des démonstrations mathémathiques », mais au contraire
« recevoir le jugement du vulgaire » et
« contenter l’oreille ».
BERTRAN DE BORN, troubadour périgourdin (château de Hautefort, Dordogne, v. 1140 - abbaye de Dalon, Dordogne, v. 1215).
Seigneur de Hautefort, qualifié de « semeur de discorde » par Dante dans son
Enfer, Bertran de Born se mêla souvent
aux affaires politiques. Il fut l’ami, puis
l’ennemi, de Richard Coeur de Lion. Son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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oeuvre comprend une quarantaine de
pièces, surtout des sirventès (d’inspiration politique et satirique), mais aussi des
planh (plaintes) et des chansons d’amour.
Une seule de ces pièces est notée ; il s’agit
de Rassa, tan creis e mont’ e poja (Paris, B.
N.).
Bertran de Born connut vraisemblablement le troubadour Bernard de Ventadour à l’abbaye cistercienne de Dalon.
Son fils, Bertran, mourut à la bataille de
Bouvines (1214) ; on a conservé de lui
deux sirventès.
BERWALD (Franz Adolf), compositeur
suédois (Stockholm 1796 - id. 1868).
Il apprit le violon avec son père, d’origine allemande, qui était violoniste de
l’orchestre de la cour. Mais son éducation
musicale fut par ailleurs assez négligée et il
ne reçut aucune instruction pour la composition et l’harmonie. Il commença cependant très tôt à donner des concerts et à
composer et, en 1812, il devint violoniste
de la chapelle royale. Il conserva cette
fonction jusqu’à son départ pour Berlin
(1829). Dans cette ville, il se lia d’amitié
avec Mendelssohn et Zelter. En 1841, il
se rendit à Vienne, où plusieurs de ses
compositions furent données avec succès.
Il y composa un opéra, Estrella de Soria,
créé plus tard à Stockholm en 1862. Après
d’autres voyages au cours desquels il visita
Paris, Salzbourg, Vienne, Berwald rentra
définitivement en Suède (1849). Quelques
années plus tard, il devint membre de
l’Académie royale de musique (1864) et
professeur de composition au conservatoire de Stockholm (1867).
L’oeuvre de Berwald, quoique peu
abondante et peu estimée en Suède de son
vivant, est d’une originalité certaine. Né
un an avant Schubert, mort un an avant
Berlioz, le compositeur rappelle tantôt ce
dernier, tantôt Schumann, avec une écriture d’un grand pouvoir évocateur, mais
aussi avec une concision, voire un côté
abrupt qui lui sont très particuliers. Il s’y
mêle enfin un certain classicisme et des
traits sinon nationaux, du moins scandinaves. Berwald a écrit une symphonie de
jeunesse détruite et quatre de maturité
(dont une Symphonie sérieuse, une Symphonie capricieuse et une Symphonie singulière, etc.), 5 poèmes symphoniques (Jeu
d’elfes, Souvenir des Alpes norvégiennes,
etc.) tous composés en 1841 et 1842,
avant ceux de Liszt, des ouvertures, de la
musique de chambre (trios avec piano,
quatuors à cordes, quintettes), quelques
concertos (piano, violon) et deux opéras :
Estrella de Soria (1841) et la Reine de Golconde, représenté seulement en 1968 pour
le centenaire de sa mort.
BÉSARD (Jean-Baptiste), luthiste et
compositeur français (Besançon v. 1567 Augsbourg v. 1625).
Il est surtout connu pour avoir publié
une des premières grandes anthologies de
musique pour luth, le Thesaurus harrnonicus (1603), qui comprend plus de quatre
cents pièces, empruntées aussi bien aux
musiciens les plus célèbres du temps qu’à
certains qui ne figurent dans aucun autre
recueil et seraient restés inconnus sans celui-ci. Docteur en droit, très érudit, grand
voyageur, Bésard contribua dans une large
mesure, par son inlassable curiosité et sa
vaste culture, au développement du luth
en France. On lui doit d’autre part, outre
plusieurs compositions pour luth seul ou
concertant, un important ouvrage pédagogique, Isagoge in artem testudinariam
(Augsbourg, 1617).
BESSEL (Vassili Vassiliévitch), éditeur
russe (Saint-Pétersbourg 1843 - Zurich
1907).
En 1869, il créa à Saint-Pétersbourg sa
maison d’édition et fut aussi le rédacteur
des revues Mouzykalny listok (« le Feuillet musical ») et Mouzykalnoié obozrenié
(« l’Observation musicale »). Il publia et
contribua à faire connaître les oeuvres de
Dargomyjski, de Tchaïkovski et, surtout,
des compositeurs du groupe des Cinq.
C’est lui qui publia, en 1874, la partition
pour piano et chant de Boris Godounov.
BESSELER (Heinrich), musicologue allemand (Dortmund-Hörde 1900 - Leipzig
1969).
Il fit des études de musicologie à Fribourg
avec Willibald Gurlitt, puis à Vienne avec
Guido Adler, Wilhelm Fischer et Hans
Gal, et à Göttingen avec Friedrich Ludwig. Il fut nommé professeur successivement à Heidelberg (1928), Iéna (1949)
et à l’université de Leipzig (1956). Il est
l’auteur de très nombreux livres et articles d’une extrême importance sur la
musique du Moyen Âge et sur Johann
Sebastian Bach. Il a, d’autre part, édité
une grande quantité d’oeuvres musicales,
et a contribué à la publication des oeuvres
complètes de Guillaume Dufay.
BEUCHET-DEBIERRE.
Maison spécialisée dans la facture d’orgues depuis 1862 et établie à Nantes.
Son activité s’est étendue à l’ouest de
la France et à la région parisienne, avec
les orgues de Saint-Louis-des-Invalides
(Paris) et de la cathédrale d’Angoulême.
BEYDTS (Louis), compositeur français
(Bordeaux 1895 - Caudéran, Gironde,
1953).
Il étudia la composition et la direction
d’orchestre à Bordeaux. Venu à Paris en
1924, il travailla avec Messager et se fit
connaître par ses mélodies. Il s’imposa
en 1931 avec l’opérette Moineau. Dans
celle-ci, dans ses quatre autres opérettes
ou comédies musicales, ses musiques de
scène et de film (la Kermesse héroïque) et
ses nombreuses mélodies, il a maintenu
la tradition de Messager et de Reynaldo
Hahn, celle d’une musique claire et mélodique, soutenue par une subtile orchestration.
BIALAS (Günther), compositeur et pédagogue allemand (Bielschowitz, HauteSilésie, 1907 - Glonn, près de Munich,
1995).
Il a étudié la musicologie à Breslau et la
composition à Berlin. Bialas a enseigné
à Breslau, Weimar et Detmold, puis a
été nommé professeur à l’Académie de
musique de Munich, en 1959. Son écriture s’est caractérisée par une conception
élargie de la tonalité, puis par l’utilisation des modes et de la technique sérielle.
Son oeuvre comprend de la musique
d’orchestre, de la musique de chambre
(quatuors à cordes, sonates, Partita pour
10 instruments à vent), des oeuvres pour
piano, 7 Méditations pour orgue, des
oeuvres vocales (choeurs, cantates, lieder),
ainsi que de la musique théâtrale : Jorinde
und Joringel, conte musical (1963) ; Hero
und Leander, opéra (1966) ; Der Weg nach
Eisenstadt (1980) ; Musik für Klavier und
Orchester (1990).
BIBA (Otto), musicologue autrichien
(Vienne 1946).
Il dirige depuis 1979 (après y avoir travaillé à partir de 1973) les archives, la
bibliothèque et les collections de la Gesellschaft der Musikfreunde (« Société des
amis de la musique ») à Vienne, et enseigne à l’École supérieure de musique et
des arts figuratifs de cette ville. Il a réalisé
de nombreuses expositions en Autriche et
à l’étranger. Ses publications concernent
surtout la musique autrichienne du XVIIe
au XXe siècle : Die Wiener Kirchenmusik
um 1783 (1971), Concert Life in Beethoven’s
Vienna (1977), Beethoven und die « Liebhaber Concerte » in Wien im Winter 18071808 (1978), ou encore « Eben komme ich
von Haydn... » Georg August Griesingers
Korrespondenz mit Joseph Haydns Verleger
Breitkopf Härtel 1799-1819 (1987).
BIBALO (Antonio), compositeur nor-
végien d’origine italienne et slovaque
(Trieste, Italie, 1922).
Il a fait, au conservatoire de Trieste, des
études de piano et de composition. Antimilitariste, il a été emprisonné pendant la
guerre, puis a mené une existence errante
et a exercé divers métiers. Mais il a repris
l’étude de la composition, en particulier
en Angleterre avec Elisabeth Lutyens,
et a remporté des prix de composition
à Varsovie, à Bloomington (États-Unis)
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
96
et à Rome. Son opéra le Sourire au pied
de l’échelle, d’après Henry Miller (créé à
Hambourg en 1965), lui a valu une certaine renommée.
BIBER ou VON BIBERN (Heinrich Ignaz
Franz), violoniste et compositeur autrichien (Wartenberg, Bohême, 1644 - Salzbourg 1704).
Il est possible que Biber ait étudié avec
le célèbre violoniste viennois Johann
Schmelzer avant de devenir musicien à
la cour d’Olmütz et de Kremsier. Puis il
entra au service du prince-archevêque de
Salzbourg et, à partir de 1677, dirigea le
choeur d’enfants de la cathédrale de cette
ville. Il fut nommé vice-maître de chapelle en 1679. Événement rare pour un
musicien à l’époque, l’empereur Léopold
Ier l’anoblit en 1690. Biber effectua divers
voyages dans les cours d’Europe, notamment à celle de Munich.
Avec Schmelzer, Biber fut le premier
compositeur d’Europe centrale à écrire
des oeuvres pour violon d’une réelle valeur
artistique. Ses sonates révèlent à la fois
des influences italiennes et allemandes,
alliées parfois à un style d’improvisation
qui lui est particulier. Il fit progresser la
technique du violon, notamment dans
l’utilisation des doubles cordes (héritage
de la tradition polyphonique allemande)
et dans l’emploi des positions élevées. Il
était lui-même un véritable virtuose. Dans
ses 16 sonates Sur les mystères du Rosaire
(v. 1674), il utilise quatorze scordature
différentes - en relation avec la tonalité
de chaque pièce - qui permettent toutes
sortes d’effets et de sonorités et facilitent le
jeu des octaves, des dixièmes et même des
onzièmes et douzièmes. C’est un exemple
sans précédent dans l’histoire de la scordatura. Ses 8 sonates pour violon et basse
continue (1681) révèlent sa connaissance
des styles français (danses ornées), italien
(technique de la variation) et allemand. Sa
Passacaille pour violon seul sur une basse
contrainte est une oeuvre exceptionnelle.
On conserve un seul opéra de Biber, Chi
la dura la vince (1687), qui témoigne d’une
pensée originale, mais dont l’écriture
vocale se fonde sur le bel canto italien. Sa
musique religieuse est dominée par une
messe concertante (Missa S. Henrici), mais
il a également composé deux Requiem, des
Vesperae longiores ac breviores pour 4 voix
et instruments, des offertoires à 4 et un
Stabat Mater. Il est sans doute l’auteur de
la Missa saliburgensis à 53 voix jadis attribuée à drazio Benevoli.
BICINIUM.
Composition généralement vocale, à deux
voix, connue de la Rome antique et qui
s’est perpétuée jusqu’au XVIIe siècle.
Les bicinia les plus célèbres datent du
XVIe siècle (G. Rhau, Bicinia Gallica, Latina, Germanica, 1545 ; bicinia de Phalèse,
parus à Anvers, 1590). Josquin Des Prés,
R. de Lassus, Gastoldi, Th. Morley, etc.,
ont illustré cette forme dont la technique
se retrouve au XVIIe siècle dans la musique
d’orgue de l’école allemande.
BIGOPHONE.
Instrument populaire dérivé du mirliton,
qui ne produit aucun son par lui-même.
C’est la voix de l’exécutant qui fait vibrer une membrane solidaire du corps de
l’instrument, lequel existe dans tous les
formats et sous les formes les plus fantaisistes, imitant parfois celles des instruments classiques. L’effet amplificateur
s’accompagne d’un nasillement caractéristique dont Offenbach, entre autres,
a exploité les ressources comiques. Les
bigophonistes restent nombreux dans certains pays, telle l’Espagne, où ils forment
de véritables orchestres symphoniques.
BIGOT (Eugène), chef d’orchestre français (Rennes 1888 - Paris 1965).
Élève de Xavier Leroux, André Gédalge
et Paul Vidal au C.N.S.M. de Paris, il
fut nommé dès 1913 chef des choeurs au
Théâtre des Champs-Élysées. De 1920 à
1923, il parcourut l’Europe avec les Ballets
suédois, et en 1923 devint chef adjoint de
la Société des concerts du Conservatoire. Il
mena jusqu’à sa mort une très importante
carrière dans les domaines symphonique
et lyrique, en particulier à la radio, tout
en dirigeant de 1935 à 1950 les Concerts
Lamoureux et en assurant de 1936 à 1947
les fonctions de premier chef à l’OpéraComique. De 1957 à 1964, il présida le
concours international des jeunes chefs
d’orchestre de Besançon.
BIGOT (Marie), pianiste française (Colmar 1786 Paris 1820).
Elle reçoit ses premiers cours de sa mère,
avec laquelle elle vit en Suisse, à Neuchâtel. À Vienne, elle épouse Paul Bigot, bibliothécaire du comte Razoumovski, et ne
tarde pas à être admirée de Salieri, Haydn
et surtout Beethoven. Ce dernier lui offre,
en 1806, le manuscrit de l’Appassionata
et entretiendra, avec elle et son mari, une
correspondance témoignant d’une réelle
amitié. En 1809, elle s’installe à Paris,
où elle rencontre Cherubini et enseigne
à partir de 1812. Elle compta parmi ses
élèves Félix Mendelssohn. On lui doit également quelques pièces pour piano.
BIHARI (János), compositeur et violoniste hongrois d’origine tzigane (Nagyabony 1764 - Pest 1827).
Musicien errant, il fut le plus éminent
représentant de la musique verbunkos à
son apogée. Il fonda à Pest un orchestre
de cinq musiciens, dont le répertoire
était surtout fondé sur l’improvisation.
Il connut son heure de gloire en 1820,
lorsqu’il joua devant l’empereur François
Ier. Victime d’un accident au bras en 1824,
il perdit sa virtuosité et mourut dans la
misère. Admiré par Beethoven et Liszt, il
ne put, faute de connaissances musicales,
noter lui-même les quelque 80 compositions qui lui sont attribuées ; elles furent
transcrites par ses contemporains, comme
Czerny. Bihari passe pour être l’auteur de
la célèbre Marche de Rákóczi que Berlioz et
Liszt, notamment, ont reprise, le premier
dans la Damnation de Faust, le second
dans une Rhapsodie hongroise.
BILLAUDOT.
Maison d’édition française fondée en 1896
par
Louis Billaudot (1871-1936), qui la dirigea jusqu’à sa mort. Ses deux fils, Robert
(1910-1981) et Gérard (1911-1986), y
entrèrent en 1927 et en 1928 respectivement et la dirigèrent à partir de 1936, le
premier jusqu’en 1957, le second jusqu’en
1979. Depuis cette dernière date, la maison est dirigée par François Derveaux (né
en 1940), gendre de Gérard Billaudot. Elle
a notamment acquis les éditions Costallat (sauf Berlioz) en 1958 et les Éditions
françaises de musique en 1988, et s’est
particulièrement consacrée depuis 1959
aux ouvrages d’enseignement (théorique
et instrumental) et aux oeuvres instrumentales et d’orchestre. Elle participe depuis
1993 au projet éditorial Jean-Philippe Rameau, Opera Omnia (achèvement prévu
en 2014, pour le 250e anniversaire de la
mort du compositeur). Parmi les compositeurs représentés aux catalogues : Alkan,
Tchaïkovski, Bizet, Chabrier, Koechlin, Le
Flem, Ibert, Rivier, Sauguet, Arma, Baudrier, Martinon.
BILLINGTON (Elizabeth), soprano anglaise (Londres 1765 - environs de Venise 1818).
Née Weichsell, élève de J. C. Bach, puis
du contrebassiste James Billington, qu’elle
épousa en 1783, elle débuta la même
année à Dublin dans l’Opéra des gueux de
Pepusch. Haydn, qui l’entendit à Londres
en 1791-92, vit en elle « un grand génie ».
En 1794, deux ans après la parution de la
brochure à scandale Memoirs of Mrs. Billington, elle partit pour l’Italie. Elle revint
à Londres en 1801. Elle avait une voix très
étendue (trois octaves) et d’une virtuosité
exceptionnelle, mais on lui reprochait
parfois sa froideur. Le peintre Reynolds la
représenta sous les traits de sainte Cécile.
BINAIRE.
1. Une mesure est dite binaire si la division
des temps se fait par deux (ou puissances
de deux), par exemple lorsque la noire, si
elle est unité de temps, se divise en deux
croches ou quatre doubles croches ou huit
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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triples croches. La mesure à trois temps
(ex. 3/4) est donc une mesure binaire.
2. La forme binaire est celle d’un morceau
de musique en deux parties, souvent avec
reprises ; en général, la première partie
module vers la dominante et la seconde
amène le retour de la dominante à la tonique. Cette forme se trouve notamment
dans la suite classique au XVIIe siècle (allemande-courante-sarabande-gigue).
BINCHOIS, DE BINS ou DE BINCHE
(Gilles), compositeur franco-flamand
(Mons v. 1400-probablement Soignies,
près de Mons, 1460).
Une célèbre miniature du Champion des
dames de Martin Le Franc représente d’un
côté Dufay vêtu d’une robe bleue d’allure
cléricale, près d’un orgue portatif, et de
l’autre Binchois en tunique rouge, portant une harpe. Fils de Jean de Binche,
bourgeois de Mons, Binchois fut ordonné
prêtre. Fut-il soldat auparavant, comme
l’indique le texte de la Déploration sur la
mort de Binchois (« Et sa jeunesse fut soudart »), mis en musique par Ockeghem ?
En tout cas, on ignore les circonstances de
sa formation musicale. Binchois est mentionné pour la première fois en 1424. Il fut,
à Paris, au service de William de la Pole,
comte, puis duc de Suffolk et musicien
lui-même. Il suivit son maître en Hainaut
et, peut-être, en Angleterre. Mais c’est au
service du duc de Bourgogne, Philippe le
Bon, qu’il fit l’essentiel de sa carrière. Il
eut le grade de chapelain et reçut des prébendes non négligeables attachées à son
titre de chanoine de Mons et de Soignies.
Bien que sa musique religieuse soit souvent mentionnée dans les archives, ce qui
nous en est parvenu est beaucoup moins
abondant que sa musique profane. Fortement influencées par le style des chansons, ces compositions religieuses sont
généralement à 3 voix. On a conservé des
motets, des hymnes, des magnificats et des
fragments de messes. Dans ces derniers,
la technique du cantus firmus n’apparaît
pas et, si Binchois puise parfois sa matière
mélodique dans les chants grégoriens en
les paraphrasant, l’esprit de ces fragments
reste proche de celui des chansons. Les
compositions psalmodiques ou hymniques demeurent extrêmement simples
et contrastent avec la variété d’écriture
que l’on rencontre dans les motets : isorythmie dans Nove cantum melodie, paraphrase dans Ave Regina coelorum.
Binchois excella dans la musique profane. Plusieurs copies de certaines de ses
chansons existent dans différents manuscrits, témoignant de la popularité qu’elles
connurent. Les 55 chansons authentifiées,
presque toutes à 3 voix et empruntant
les structures poétiques à forme fixe du
Moyen Âge, comprennent 47 rondeaux,
7 ballades et une chanson de forme libre
(Filles à marier, exceptionnellement à 4
voix). Les poètes y chantent l’amour courtois ; la majeure partie d’entre eux reste
inconnue, bien qu’on puisse citer Christine de Pisan (Dueil angoisseux, ballade),
Alain Chartier (Triste Plaisir, rondeau) ou
Charles d’Orléans (Mon cuer chante joyeusement, rondeau). Les chansons de Binchois ont une beauté mélodique certaine
et leur sonorité est rendue plus chaleureuse par la présence de tierces et de sixtes
(emploi du faux-bourdon et influence anglaise). La mélancolie, qui en est souvent
le caractère dominant, rend surprenante
l’appellation de « père de joyeuseté » donnée à Binchois par Ockeghem.
Sans avoir la même liberté, le même
esprit d’invention que son contemporain
Guillaume Dufay, Binchois fut l’admirable serviteur d’un art de cour raffiné.
BINET (Jean), compositeur suisse (Genève 1893 - Trelex, Vaud, 1960).
Après des études à Genève, notamment
avec Jaques-Dalcroze et Otto Barblan, et
aux États-Unis avec Ernest Bloch de 1919
à 1923, il vécut à Bruxelles jusqu’en 1929,
puis en Suisse. Il a laissé des oeuvres vocales (psaumes, odes, cantates), des pièces
pour orchestre, des musiques de ballet, de
radio, de film d’une écriture élégante et
traditionnelle.
BIONDI (Fabio), violoniste italien (Palerme 1961).
Il donne son premier concert à douze ans
avec l’orchestre de la radio-télévision italienne. Ouvert à tous les styles, il se tourne
cependant assez vite vers l’interprétation
des répertoires des XVIIe et XVIIIe siècles,
en particulier italien. En 1981, il fonde
le Quatuor Stendhal, qui joue sur ins-
truments anciens, mais consacre aussi
une part importante de son activité à la
création contemporaine. En 1990, Biondi
crée l’ensemble Europa Galante, dont il
est le premier violon et le chef, formation
remarquable par ses interprétations novatrices des concertos baroques italiens.
Sa version des Quatre Saisons de Vivaldi
est unanimement saluée par la critique.
Biondi interprète aussi le répertoire romantique, enregistrant par exemple les
sonates pour violon et clavier de Schubert
et de Schumann, accompagnées au pianoforte.
BIRET (Idil), pianiste turque (Ankara
1941).
Élevée dans une famille imprégnée de
musique, elle rêve longtemps de devenir philosophe ou médecin. Les liens
qui unissent la vie musicale turque et la
France expliquent qu’une bourse d’étude
au Conservatoire de Paris lui soit attribuée très tôt. Elle obtient trois premiers
prix : de piano, d’accompagnement chez
Nadia Boulanger et, en 1954, de musique
de chambre avec Jacques Février. En 1953,
à douze ans, elle interprète le Concerto
pour deux pianos de Mozart avec Wilhelm
Kempff. De 1959 à 1961, elle étudie avec
Alfred Cortot. Au cours de sa carrière
internationale, elle joue notamment avec
Pierre Monteux, Hermann Scherchen, et
Yehudi Menuhin en 1973. D’une culture
encyclopédique, elle étend son répertoire
de Bach à la musique contemporaine, en
privilégiant les oeuvres monumentales et
contrapuntiques. Elle enregistre des intégrales de Brahms, Chopin, Liszt et Rachmaninov, et se spécialise aussi dans les
transcriptions des symphonies de Beethoven par Liszt. Elle réalise elle-même des
transcriptions des symphonies de Brahms.
BIRTWISTLE (Harrison), compositeur
anglais (Accrington, Lancashire, 1934).
Il a d’abord étudié la clarinette. Reçu boursier au Royal Manchester College of Music
(1952), il y a travaillé la composition avec
Richard Hall avant d’entrer à la Royal
Academy of Music de Londres. Il a fait
partie du New Manchester Music Group.
De 1962 à 1965, il a enseigné la musique
dans un collège près de Salisbury. Une
bourse de la fondation Markness lui a permis ensuite de passer deux ans aux ÉtatsUnis (1966-1968). Il a été professeur dans
ce pays, d’abord à Swarthmore College en
Pennsylvanie (1973-74), puis à l’université
de New York à Buffalo (1975-76). Depuis
1975, il est directeur de la musique au
National Theatre de Londres. Birtwistle
possède un don mélodique certain, mais
son style peut atteindre un degré de complexité considérable. Il a composé de la
musique destinée aux écoles (The Mark
of the Goat, Visions of Francesco Petrarca)
et aime écrire pour la voix humaine. Son
opéra en 1 acte Punch and Judy, sur un
livret de Stephen Pruslin (1966-67, créé
à Aldeburgh en 1968), témoigne de son
talent lyrique. Il s’est souvent inspiré
de la musique médiévale. Sa première
oeuvre connue est Refrain and Choruses
pour quintette à vent (1957). On lui
doit : Chorales (1962-63) et The Triumph
of Time (1972) pour orchestre ; Silbury
Air pour petit orchestre (1977) ; pour la
scène, Monodrama (1967), Down by the
Greenwood Side (1969), Orpheus (19741977), une musique de scène pour Hamlet
(1975), le ballet Frames (1977), la pièce de
théâtre musical Bow Down (1977) ; The
Fields of Sorrow pour choeur, 2 sopranos
et ensemble (1977) ; de la musique de
chambre comme Medusa pour ensemble
de chambre (1969-70), 9 mouvements pour
quatuor à cordes (1991-1996) et des pièces
électroniques comme 4 Interludes from
a Tragedy (1970), Chronometer (1971)
et Chanson de geste (1973) ; les opéras
Yan, Tan, Tethera (Londres, 1986) et Sir
Gawain (Londres, 1991).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
98
BIS (lat. : « deux fois »).
1. Mention qui, placée à la fin d’un texte,
d’un refrain par exemple, indique que ce
texte doit être répété.
2. Exclamation par laquelle le public, au
cours d’un concert, réclame la répétition
d’un morceau. Dans la pratique, maintenant, le public réclame le bis le plus
souvent à la fin du concert, et le ou les
morceaux exécutés alors par l’interprète
sont fréquemment des pièces hors programme, et non la répétition de pièces
déjà entendues. Le soliste d’un concerto
joue généralement en bis une pièce pour
son instrument seul. Par extension, le mot
bis désigne aussi des pièces brèves, parti-
culièrement propres à être jouées dans les
circonstances précitées.
BISEAU.
Pièce de bois ou de métal située dans la
flûte, le flageolet, le sifflet.
En la frappant, l’air insufflé provoque
la vibration de la colonne d’air. Ce système existe aussi dans les jeux de flûtes de
l’orgue.
BIWA.
Instrument japonais à cordes pincées, de
la famille du luth.
Originaire du Moyen-Orient comme
le luth européen, mais importée au Japon
dès le VIIIe siècle, la biwa est également
caractérisée par une caisse de résonance
en forme de poire, un manche très court
et un chevillier à angle droit. Montée de
quatre cordes, elle se joue avec un plectre.
BIZET (Georges), compositeur français
(Paris 1838 - Bougival 1875).
Fils d’un professeur de chant, il eut pour
premiers maîtres ses parents, jusqu’à l’âge
de neuf ans. Entré au Conservatoire de
Paris, il y fut l’élève de Marmontel (piano),
Benoist (orgue), Zimmermann (harmonie) et Halévy (composition). Il travailla
également avec Gounod, qui éprouva
pour lui une vive sympathie. Après avoir
obtenu de nombreuses récompenses, il
remporta en 1857 le premier grand prix
de Rome et partit pour la Villa Médicis. Il
avait alors déjà composé un chef-d’oeuvre,
la symphonie en ut (1855, créée en 1935
seulement), et s’était essayé à l’opérette,
notamment en 1857 avec le Docteur Miracle, partition couronnée ex aequo avec
l’oeuvre homonyme de Charles Lecocq, à
l’issue d’un concours organisé par Offenbach, et représentée en alternance avec
celle-ci aux Bouffes-Parisiens.
À Rome, où il resta trois ans, Bizet fit
beaucoup d’excursions, lut énormément
et composa un peu : une opérette, Don
Procopio, une symphonie descriptive avec
choeurs, Vasco de Gama, une ouverture, la
Chasse d’Ossian, une marche funèbre et un
scherzo. Revenu à Paris, il connut une situation matérielle précaire, ce qui l’amena
à entreprendre la transcription pour le
piano de quantité de morceaux célèbres,
voire d’opéras entiers. Il était d’ailleurs
excellent pianiste, et émerveilla Berlioz et
Liszt par la facilité de sa lecture et la sûreté
de son jeu. En 1863, le Théâtre-Lyrique
créa, sans grand succès, les Pêcheurs de
perles, commande de son directeur Léon
Carvalho, qui demanda trois ans plus
tard à Bizet un deuxième ouvrage, la Jolie
Fille de Perth. Entre-temps, Bizet apporta
sa contribution à un ouvrage collectif,
Malborough s’en va-t-en-guerre, fit jouer
sa suite symphonique Roma et acheva un
opéra, Ivan le Terrible ou Ivan IV, qui ne
devait être représenté qu’en 1946. Il se
maria en juin 1869 avec Geneviève Halévy, fille de son ancien maître, au château
de Nühringen (Wurtemberg), et termina
l’opéra Noé, laissé inachevé par ce dernier.
Après la guerre de 1870, Bizet fut
nommé chef des choeurs à l’Opéra, mais
préféra un an plus tard le poste de chef
de chant à l’Opéra-Comique. Ce théâtre
monta Djamileh (1872) et lui commanda
Carmen. C’est en novembre 1872 que
Bizet connut son premier véritable succès
avec l’exécution, aux Concerts Pasdeloup,
de la première suite qu’il tira de sa musique de scène pour la pièce de Daudet
l’Arlésienne, qui avait subi un échec six
semaines auparavant. L’ouverture Patrie
triompha en 1874 et, l’année suivante, ce
fut la consécration, trop tardive et trop
brève, avec la création de Carmen (mars
1875), qui souleva la fureur d’une partie
de la critique, mais suscita de nombreux
témoignages d’admiration, de celui de
Théodore de Banville à celui de SaintSaëns. Trois mois plus tard, le 3 juin, Bizet
mourut subitement.
La popularité de l’Arlésienne, de la
symphonie en ut, de Jeux d’enfants, des
Pêcheurs de perles et surtout de Carmen,
un des opéras les plus joués au monde actuellement, font de Bizet, à juste titre, un
des plus célèbres musiciens français. Les
reproches qui lui furent adressés de son
vivant, par exemple celui de wagnérisme,
nous paraissent aujourd’hui fort singuliers. Une pensée élégante et forte, un
vocabulaire précis, une harmonie savoureuse, un grand pouvoir de suggestion et,
dans Carmen, un souci de profonde vérité,
voire de réalisme, qui ne consent cependant pas à la moindre vulgarité d’écriture,
tels sont les traits essentiels d’un compositeur en qui Nietzsche voyait l’incarnation
d’une musique « méditerranéisée ». Bizet,
qui, en dehors de son voyage à Rome, ne
quitta jamais Paris, évoqua à merveille
l’atmosphère des différents pays où se
déroulent ses ouvrages lyriques (surtout
l’Espagne dans Carmen ou la Provence
dans sa musique de scène pour l’Arlésienne). Il composait ses partitions comme
un peintre ses toiles, créant et dosant
savamment des couleurs personnelles. La
limpidité et le caractère savant de son écriture sont particulièrement frappants dans
des passages à plusieurs voix, comme le
quintette de l’acte II de Carmen.
BJÖRLING (Jussi), ténor suédois (Stora
Tuna, près de Falun, 1911 - environs de
Stockholm 1960).
Dès l’âge de six ans, il appartint à un quatuor vocal masculin que formaient avec
lui son père et ses deux frères. Il débuta en
1930 à l’opéra de Stockholm dans le rôle
de Don Ottavio de Don Juan de Mozart.
Il remporta des succès à l’étranger à partir de 1937 (Vienne, Londres). Ayant fait
ses débuts au Metropolitan de New York
en 1938 (Rodolphe dans la Bohème de
Puccini), il demeura attaché à ce théâtre
jusqu’en 1941 et de 1946 à sa mort. Son
répertoire était essentiellement fondé sur
les oeuvres de Puccini, Verdi, Bizet (Carmen), Gounod (Faust et Roméo et Juliette)
et Massenet (Manon). Ses interprétations
de Faust et Roméo, de Manrico dans le
Trouvère de Verdi, de Riccardo dans Un
bal masqué de Verdi, de Rodolphe dans
la Bohème demeurent particulièrement
célèbres. La voix de Björling était d’une
beauté exceptionnelle, avec une émission
et un style parfaits. Ses interprétations
étaient empreintes d’un lyrisme poétique.
Il eut aussi une activité de concertiste.
BLACHER (Boris), compositeur allemand
(Nou-tchouang, Chine, 1903 - Berlin
1975).
Il suivit sa famille à Reval (actuellement
Tallin, Estonie), à Irkoutsk (Sibérie) et à
Charbin (Mandchourie), puis, en 1922, se
fixa à Berlin. Il y étudia l’architecture et les
mathématiques à la Technische Hochschule, puis, à partir de 1924, la composition avec Friedrich Ernst Koch à la Musikhochschule et la musicologie avec A.
Schering, F. Blume et E. M. von Hornbostel à l’université. Il enseigna, en 1938-39,
la composition au conservatoire de Dresde
et, à partir de 1948, à la Musikhochschule
de Berlin-Ouest, dont il fut directeur de
1953 à 1970. Il a eu notamment pour
élèves Gottfried von Einem, Giselher
Klebe, Heimo Erbse et Isang Yun. Blacher
est l’une des figures les plus importantes
de la musique allemande contemporaine.
Son langage est parfois polytonal, parfois
dodécaphonique comme dans le ballet
Lysistrata (1950) et l’opéra Rosamunde
Floris (1960). L’élément prédominant
est le rythme. Ses oeuvres sont généralement construites à partir de courts motifs
rythmiques, associés parfois à certaines
combinaisons de timbres qui reviennent
de manière organisée tout au long de
l’ouvrage (Concertante Musik, 1937). Les
« mètres variables », système rythmique
fondé sur des séries mathématiques préétablies et consistant en changements sysdownloadModeText.vue.download 105 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
99
tématiques de mesure, sont utilisés pour
la première fois dans les Ornamente pour
piano (1950) qui portent le sous-titre Sieben Studien über variable Metren (7 Études
sur les mètres variables) ; ils sont en accord
avec la théorie de Joseph Schillinger qui
tente de rationaliser la relation entre mathématiques et musique. L’influence du
jazz apparaît notamment dans Jazzkoloraturen (1929), Concertante Musik (1937), 2
Poems for Jazz Quartet pour vibraphone,
contrebasse, percussion et piano (1957)
et Rosamunde Floris (1960). À partir de
1962, Blacher s’intéresse également aux
techniques électroniques (Multiple Raumperspektiven et Elektronische Studie, 1962 ;
Elektronische Impulse, 1965 ; Musik für
Osaka, 1969, etc.). Il a constamment recherché la clarté, l’objectivité, l’économie
des moyens, et son refus de l’expression,
qui se traduit par une certaine sécheresse,
évoque parfois Satie ou Stravinski dans
la Symphonie de psaumes. Son Abstrakte
Oper Nr 1 (Opéra abstrait no 1, 1953) ne
comporte pas d’action et est chanté sur
des combinaisons abstraites, sans aucune
signification, de voyelles et de consonnes.
D’une production abondante, citons
encore les ballets Hamlet (1949), Der Mohr
von Venedig (1955), Demeter (1963), Tristan (1965), l’opéra de chambre Roméo et
Juliette (1943), l’opéra-ballet Preussisches
Märchen (« Conte de Prusse », 1949),
l’opéra avec bande magnétique Zwischenfälle bei einer Notlandung (« Incidents au
cours d’un atterrissage forcé », 1964), les
opéras Yvonne, Prinzessin von Burgund
(1972) et Das Geheimnis des entwendeten
Briefes, d’après Poe (1975).
BLAINVILLE (Charles-Henri de), compositeur et théoricien français (Rouen ou
village près de Tours ? v. 1710 - Paris ?
apr. 1777).
Sa vie reste encore mal connue : il semble
qu’il ait vécu quelque temps à Rouen,
puis qu’il se soit rendu à Paris, où il aurait bénéficié de la protection de mécènes
comme la marquise de Villeroy. En dépit
d’une oeuvre variée, en partie perdue,
comprenant des sonates, des symphonies,
des arrangements, des cantates profanes,
des romances, des leçons de ténèbres, des
motets et des ouvrages lyriques, il s’est
davantage distingué comme théoricien
que comme compositeur. Son Essay sur
un troisième mode, accompagné d’une
symphonie (jouée avec succès au Concert
spirituel en 1751) qui met en pratique
l’invention d’un « mode mixte » réunissant à la fois le majeur et le mineur, suscita
l’intérêt des philosophes.
BLAISE (Benoît), bassoniste et compositeur français († Paris 1772).
Bassoniste de l’orchestre de la ComédieItalienne en 1737, il composa pour ce
théâtre et pour celui de la Foire, avant la
fusion des deux troupes en 1762. Auteur
de danses, d’opéras-comiques, de parodies
et de vaudevilles, il publia, en 1739, une
cantate, le Feu de la ville, et, en 1759, trois
recueils de chansons. Ses oeuvres les plus
célèbres furent écrites en collaboration
avec Favart : Annette et Lubin (1762) et
Isabelle et Gertrude ou les Sylphes supposés
(1765). Il eut l’art d’agencer des ouvrages
élégants, aux mélodies agréables, empruntant parfois quelques thèmes à Campra,
Philidor ou Gluck.
BLANCHARD (Esprit Antoine), compositeur français (Pernes-les-Fontaines, Vaucluse, 1696 - Versailles 1770).
Formé par Guillaume Poitevin à la cathédrale d’Aix-en-Provence, il fut nommé
maître de chapelle successivement à l’abbatiale Saint-Victor de Marseille (1717),
à Toulon (1727), à Besançon (v. 1733)
et à Amiens (1734). En 1738, succédant
à Bernier, il obtint l’un des quatre postes
de sous-maître de la chapelle royale de
Versailles (les trois autres étant occupés
par Campra, Gervais et Madin). Compositeur d’oeuvres sacrées, Blanchard s’inscrit, avec son Te Deum, qui servit en 1745
à la célébration de la victoire de Fontenoy,
et une trentaine de motets, dans la tradition de Delalande. Il soigna particulièrement l’instrumentation de ses ouvrages
et introduisit la clarinette, vers 1761, dans
l’orchestre de la chapelle royale.
BLANCHET (Émile Robert), pianiste et
compositeur suisse (Lausanne 1877 - id.
1943).
Fils d’un organiste connu, Charles Blanchet, qui avait été élève de Moschelès, il fit
ses études auprès de son père, puis à Cologne et enfin à Berlin, auprès de Busoni.
Fixé à Lausanne, il fut professeur de piano
au conservatoire (1904-1917) et directeur de cet établissement (1905-1908), se
consacrant parallèlement à une carrière de
concertiste et à la composition. Il a laissé
une quantité considérable d’oeuvres pour
piano (préludes, études, etc.) d’une écriture pleine d’intérêt sur le plan rythmique
et contrapuntique.
BLAND (John), éditeur anglais (Londres ?
v. 1750 - id. ? v. 1840).
Il débuta à Londres en 1776 et prit sa
retraite dès 1795. En novembre 1789, il
rendit visite à Haydn à Eszterháza et lui
commanda les trois trios pour clavier,
flûte (ou violon) et violoncelle Hob.
XV.15-17. À cette visite est associée la célèbre anecdote du Quatuor du Rasoir (en
fa mineur opus 55 no 2). Parurent chez
lui comme opus 3 les premières oeuvres
de chambre écrites par un Américain de
naissance (trois trios à cordes de John
Antes composés au Caire).
BLASIUS (Matthieu Frédéric), compositeur et chef d’orchestre français (Lauterbourg, Bas-Rhin, 1758 - Versailles 1829).
Il fut clarinettiste à l’Hôtel de Bourgogne,
puis devint un des plus sûrs chefs d’orchestre de l’Opéra-Comique, où il débuta
en 1802. Il fut le créateur de nombreuses
oeuvres de Dalayrac, Boieldieu, Méhul,
etc. Il composa lui-même surtout des
romances, des marches militaires et des
oeuvres de musique de chambre, mais
aussi quelques charmants opéras-co-
miques comme le Pelletier de Saint-Fargeau (1793). Il écrivit encore une Nouvelle
Méthode pour la clarinette (Paris, 1796).
BLATNY(Pavel), compositeur tchèque
(Brno 1931).
Héritier d’une lignée de musiciens, fils
d’un élève de Janáček, Blatny a été luimême l’élève de Pavel Borkovec, et c’est
avec un mémoire sur les oeuvres scéniques de ce dernier qu’il a obtenu, en
1958, un diplôme à l’issue de ses études
de musicologie à l’université de Brno,
menées parallèlement à des études de
composition à Brno et à Prague. Poursuivant une formation éclectique, Blatny a
fréquenté aussi bien les cours de Darmstadt (1965-1969) que les classes de composition de jazz à la Berklee School of
Music de Boston. Influencé à ses débuts
par Stravinski, Martinu, Prokofiev, puis
par le baroque et la Renaissance, il a expérimenté depuis 1960 à peu près toutes
les voies de la création contemporaine :
musiques dodécaphonique, sérielle, aléatoire, électronique, etc. L’empreinte du
jazz moderne est tout particulièrement
perceptible chez lui et apparaît, par
exemple, mêlée à d’autres tendances,
mais souvent dominante, dans Concerto
pour orchestre de jazz (1962), Per orchestra sintetica I et II (1960 et 1971), Étude
pour trompette en quarts de ton (1964),
Coda pour flûte, clarinette, contrebasse
et percussion (1968), Histoire pour neuf
musiciens de jazz (1968). La plupart de
ses autres compositions sont écrites pour
de petites formations instrumentales.
BLAUKOPF (Kurt), musicologue autrichien (Czernowitz 1914).
Il s’est spécialement consacré à la sociologie de la musique, dirigeant à partir de
1965 l’Institut de sociologie de la musique
de Vienne et publiant en 1952 un important ouvrage sur le sujet (rév. en 1972).
Il a également écrit un livre sur Mahler
(Vienne, 1969 ; trad. française, 1979), et
fait paraître sur ce compositeur un vaste
volume documentaire et iconographique
(Vienne, 1976).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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BLAVET (Michel), flûtiste et compositeur
français (Besançon 1700 - Paris 1768).
Après avoir étudié dans sa ville natale,
il se rendit, à l’âge de vingt-trois ans, à
Paris, où s’établit d’emblée sa réputation de flûtiste, qui gagna vite l’Europe.
Quantz l’admira et Frédéric II lui proposa
d’entrer à son service à la cour de Prusse.
Blavet fit toutefois carrière en France, où
il bénéficia de la protection du prince de
Carignan et du comte de Clermont. En
1738, il entra dans la Musique du roi, et
fut nommé deux ans plus tard au poste
de premier flûtiste de l’Opéra. Il perfectionna la technique de la flûte traversière
et composa plusieurs recueils de sonates
pour une ou deux flûtes, parus entre 1728
et 1740. Il laisse également un concerto
et plusieurs ouvrages lyriques, dont son
« opéra bouffon » le Jaloux corrigé, qui date
de 1752, année du début de la querelle des
bouffons, et qui, ainsi que d’autres partitions de Blavet, classe celui-ci parmi les
artistes français les plus italianisants de sa
génération.
BLAZE, famille de compositeurs et critiques musicaux.
Henri (Cavaillon, Vaucluse, 1763 - id.
1833). Les compositions, essentiellement
religieuses, de ce musicien délicat ne
furent guère connues qu’en Provence où
il enseignait la musique. Il signa aussi des
sonates pour piano et fit éditer à Avignon
de nombreuses études sur les musiciens
de son temps.
François, dit Castil-Blaze, fils du précédent (Cavaillon 1784 - Paris 1857). Après
des études de droit et d’harmonie à Paris,
il fut, à Cavaillon, avocat, puis sous-préfet,
ensuite inspecteur de librairie. Il s’installa
à Paris en 1820 et, après le succès de son
livre De l’opéra en France (2 vol., 18201826), il fit une brillante carrière de critique musical, notamment au Journal des
débats (1822-1832), où lui succéda Berlioz. Parallèlement, il signa des oeuvres
fort singulières : d’une part, des adaptations d’ouvrages étrangers, où il modifiait,
amputait les originaux et les enrichissait
de pages musicales de son cru (par ex.,
transformation du Freischütz de Weber
en Robin des bois, 1824) - Berlioz s’éleva
à maintes reprises contre ces réalisations ;
d’autre part, des livrets originaux ou adaptés de pièces de théâtre, qu’il habillait de
musiques glanées dans les partitions de
différents compositeurs (par ex., les Folies
amoureuses, musiques de Mozart, Cimarosa, Paer, Rossini, Generali et Steibelt,
1823). Il composa aussi quelques partitions sur des livrets écrits par lui-même,
ainsi que des romances, des pastiches et
des messes. Il fit enfin paraître d’autres
livres, souvent d’un grand intérêt, comme
le Mémorial du Grand Opéra (1847).
Henry, baron de Bury, fils du précédent
(Avignon 1813 - Paris 1888). Après avoir
été attaché d’ambassade, il devint l’un des
critiques musicaux les plus célèbres de son
époque et écrivit dans la Revue des Deux
Mondes, la Revue de Paris et la Revue musicale. Il publia plusieurs études, dont une
Vie de Rossini (1854).
BLISS (sir Arthur), compositeur anglais
(Londres 1891 - id. 1975).
Sorti de l’université de Cambridge avec
le titre de Bachelor of Music (1913), il a
travaillé avec Stanford, Vaughan Williams
et Holst au Royal College of Music de
Londres. Pendant la Grande Guerre, il a
été blessé sur la Somme (1916) ; ses premières oeuvres, dont un quatuor à cordes,
furent écrites alors. En 1919, il s’est passionné pour la musique du XVIIIe siècle - il
a dirigé notamment la Servante maîtresse
de Pergolèse - et pour l’époque élisabéthaine. Le quintette avec piano, composé
à cette époque, révèle l’influence de Ravel
et de la musique française. Mais la Rhapsodie pour soprano, ténor et instruments,
qui date également de 1919, marque la
rupture soudaine avec les influences extérieures. Dès lors, quoique sensible à l’attirance de Stravinski et du groupe des Six,
Bliss est sorti des sentiers battus. En 1923,
il s’établit en Californie, où il devint, en
1940, professeur à l’université. Directeur
du département musical international de
la BBC, de 1942 à 1944, il reçut en 1953, à
la mort d’Arnold Bax, le titre de « Master
of the Queen’s Music ».
Bien que chargée d’un certain romantisme, parfois vigoureuse et aux lignes
bien dessinées, la musique de Bliss, d’une
manière générale, relève de l’impressionnisme sur le plan de l’écriture. Son oeuvre
comprend de la musique d’orchestre, dont
la célèbre Colour Symphony (1921-22, rév.
1932), un concerto pour piano (1938) et
un pour violon (1955), de la musique de
chambre (4 quatuors à cordes, 2 quintettes
dont un avec piano et un avec clarinette),
des oeuvres vocales, et, pour le théâtre, des
ballets, dont Checkmate (1937) et The Lady
of Shalott (1958), ainsi que les opéras The
Olympians (1949) et Tobias and the Angel
(1960-61).
BLITZSTEIN (Marc), compositeur américain d’origine russe (Philadelphie 1905 Fort-de-France, Martinique, 1964).
Il commença ses études à Philadelphie et
à New York, avec Alexander Siloti pour
le piano et Rosario Scalero pour la composition, puis fut l’élève de Nadia Boulanger à Paris, et de Schönberg à Berlin.
Ses premières oeuvres attestent l’influence
néoclassique de Stravinski et du Paris
des années 20. On perçoit ensuite celles
de Hindemith, de Kurt Weill, de Dessau, et ses premières partitions lyriques
eurent pour thèmes les luttes de classes
et la justice sociale (The Cradle will rock,
1936 ; No for an Answer, 1941). Un sens
dramatique certain y va de pair avec un
langage typiquement américain, dans
lequel les touches de jazz, la polyrythmie
et la polytonalité pimentent des mélodies
diatoniques chargées de dissonances. Son
écriture, qui eut une grande influence sur
Leonard Bernstein, n’évolua plus guère
par la suite. L’oeuvre de Blitzstein comprend des pièces symphoniques, des ballets, des poèmes symphoniques - souvent
avec voix solistes et choeurs -, de nombreuses musiques de film et de scène, 2
quatuors à cordes et des opéras, souvent
proches du style de la comédie musicale (parmi eux, une nouvelle version de
l’Opéra de quat’sous de Weill, 1951).
BLOCH (Ernest), compositeur suisse naturalisé américain (Genève 1880 - Agate
Beach, Oregon, 1959).
Élève de Jaques-Dalcroze à Genève, il
se destinait initialement à une carrière
de violoniste et travailla avec Ysaye à
Bruxelles avant d’étudier la composition à Francfort et à Munich, avec Ludwig Thuille. Il s’affirma en 1902 avec une
gigantesque Symphonie. Après un bref
séjour à Paris, il vécut en Suisse à partir
de 1904.
Sa première période créatrice, nettement postromantique, culmina avec son
unique opéra, Macbeth (1910). De 1912 à
1916 s’édifièrent les diverses parties de son
« Cycle juif », dont les 3 Poèmes juifs pour
orchestre (1913), la rhapsodie hébraïque
pour violoncelle et orchestre Schelomo
(1915-16), son oeuvre la plus connue, et
la Symphonie no 2 « Israël » pour 5 voix solistes et orchestre (1912-1916). Suivirent
Baal Schem pour violon et orchestre ou
violon et piano (1923) et Voix dans le désert pour orchestre avec violoncelle obligé
(1936). De 1916 à 1930, puis de 1938 à sa
mort, il vécut aux États-Unis, où il dirigea
les conservatoires de Cleveland (19201925) et de San Francisco, et enseigna
jusqu’en 1952 à l’université de Californie
(Berkeley).
D’une production abondante se
détachent encore le Service sacré (19301933), deux Concertos grossos (1925 et
1952), dont le premier a acquis une certaine célébrité, un monumental Concerto
pour violon (1938) et de la musique de
chambre dominée par deux quintettes
avec piano (1921-1923 et 1957) et, surtout,
par cinq admirables quatuors à cordes
(1916, 1945, 1952, 1953, 1956) formant en
ce genre un des ensembles les plus importants du XXe siècle. Le premier quintette
utilise les quarts de ton, les 2e et 3e quatuors la technique sérielle. Dans sa quête
d’une musique hébraïque, Bloch ne s’est
pas fondé sur des éléments superficiels
et folkloriques, mais a tenté de retrouver
l’esprit profond du peuple juif.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
101
BLOCKX (Jan), compositeur belge (Anvers 1851 - id. 1912).
Venu assez tard à la musique, il fut l’élève
de Peter Benoit. En 1876, il présenta un
premier concert de ses oeuvres. Après
avoir poursuivi ses études auprès de Reinecke à Leipzig, il revint à Anvers, où il
occupa divers postes officiels. Considéré
comme le plus important disciple de P.
Benoit, il succéda à celui-ci, en 1901, à
la direction du conservatoire royal. Ses
ouvrages lyriques (Maître Martin, 1892 ;
Princesse d’auberge, 1896 ; la Fiancée de
la mer, 1901) se sont longtemps maintenus au répertoire des scènes flamandes.
Blockx a aussi composé de la musique
d’orchestre, un ballet (Milenka, 1886) et
de la musique de chambre.
BLOCS.
Instruments à percussion de la famille des
bois.
Tous sont en bois dur, évidés et fixés à
un pied. Les blocs plats sont parfois groupés par jeux chromatiques, comme les
lames d’un xylophone. Le bloc cylindrique
est construit en deux parties et donne
deux notes différentes. Le bloc chinois,
enfin, ressemble extérieurement à un gros
grelot ouvragé et décoré.
BLOM (Eric), critique musical anglais
d’origine danoise (Berne, Suisse, 1888 Londres 1959).
Critique au Manchester Guardian (19231931), au Birmingham Post (1931-1946),
il fut rédacteur en chef de la revue Music
and Letters, de deux dictionnaires (Grove’s
Dictionary of Music and Musicians, 5e éd.,
1954 ; Everyman’s Dictionary of Music,
1954) et dirigea une collection de monographies (Master Musicians) pour laquelle
il écrivit lui-même le volume consacré à
Mozart, compositeur à l’étude duquel il
a particulièrement attaché son nom. Il
traduisit également en anglais plusieurs
ouvrages tels que le Schubert d’Otto Erich
Deutsch.
BLOMDAHL (Karl Birger), compositeur
suédois (Växjö 1916 - Kungsängen, près
de Stockholm, 1968).
Après des études de composition à Stockholm, avec Hilding Rosenberg, il vint
en France et en Italie grâce à une bourse
(1946-47). De retour en Suède, il joua
un rôle capital en faveur de la musique
contemporaine, successivement comme
membre du groupe du Lundi (porte-drapeau de l’évolution musicale en Suède
après la guerre), comme président de la
Société de musique de chambre Fylkingen (1950-1954), qu’il transforma en un
centre de réflexion et de création, comme
professeur de composition à l’Académie
royale de musique de Stockholm (19601964) et, enfin, comme directeur musical
de la radio suédoise, où il créa un studio
de musique électronique.
D’abord marqué par Hindemith,
Blomdahl subit ensuite l’influence de
Schönberg et de Bartók. Des recherches
sur l’atonalité, le dodécaphonisme, la
rythmique marquent alors ses ballets et
ses oeuvres vocales, telles que l’oratorio
Dans la salle des miroirs (1951-52). La
cantate Anabase (1955-56), texte d’après
Saint-John Perse, l’opéra Aniara sur un
sujet de science-fiction (1959), amorcent
l’évolution vers une écriture plus personnelle. Fioriture et Forma ferritonans
(1961) sont des oeuvres pointillistes aux
sonorités subtiles et poétiques, rappelant
parfois Ligeti. Les dernières oeuvres de
Blomdahl sont électroniques (Altisonans,
1966). Parmi ses autres compositions, on
doit mentionner l’opéra-comique Herr
von Hancken (1965) et de nombreuses
musiques de film, notamment pour Ingmar Bergman.
BLOMSTEDT (Herbert), chef d’orchestre
suédois (Springfield, États-Unis, 1927).
Il étudie d’abord au Collège royal de
musique de Stockholm et à l’université
d’Uppsala. Il complète ensuite sa formation à la Juilliard School de New York,
puis à la Schola Cantorum de Bâle, et enfin
à Tanglewood avec Leonard Bernstein. De
1950 à 1955, il est l’assistant d’Igor Markevitch à Salzbourg et, de 1954 à 1961, il
dirige l’Orchestre symphonique de Norrköping, en Suède. Il est à la tête de plusieurs grands orchestres scandinaves : au
Philharmonique d’Oslo de 1962 à 1968 ;
à Stockholm, où il enseigne aussi la direction d’orchestre, jusqu’en 1971 ; et à l’Orchestre symphonique de la radio danoise
de 1967 à 1977. Avec ce dernier, il enregistre l’intégrale des symphonies de Carl
Nielsen. En 1975, il est nommé à la tête
de la Staatskapelle de Dresde, qu’il quitte
en 1985 pour diriger jusqu’en 1995 l’Orchestre symphonique de San Francisco.
BLÖNDAL JÓHANSSON (Magnus), compositeur, pianiste et chef d’orchestre
islandais (Skálar 1925).
Après avoir terminé ses études en 1953 à
la Juilliard School de New York (avec B.
Wagenaar, M. Bauer et C. Friedberg), il
fonde à Reykjavík le groupe Musica Nova
en 1960. Au tournant des années 50 à 60,
chef de file des compositeurs islandais
d’avant-garde, il s’intéresse à toutes les
formes d’expression musicale, à tous les
langages et aux matériaux sonores les plus
divers. Ses oeuvres, tant instrumentales
(Minigrams, 1961) que pour instruments
et bande magnétique (Study, 1957 ; Punktar, 1961), ou pour bande magnétique
seule (Constellation, 1960), ont été des
événements parfois violents de la vie musicale de son pays.
BLONDEL DE NESLE, trouvère français
(Nesle, Somme, v. 1150 - v. 1200).
Ami du grand trouvère Gace Brulé, son
nom est souvent confondu avec celui de
Blondel, ménestrel au service de Richard
Coeur de Lion. Les 24 chansons conservées de Blondel de Nesle sont toutes
pourvues de mélodies notées ; elles sont
réunies dans l’ouvrage de U. Arrburg, Die
Singweisen des Blondel de Nesle (Francfort,
1946).
BLOW (John), compositeur et organiste
anglais (Newark, Nottinghamshire,
1649 - Londres 1708).
Enfant, il fit partie du choeur de la chapelle royale, dirigé par Henry Cooke à
partir de 1660, année du rétablissement
de la chapelle, et commença, dès 1663,
à composer des anthems. C’est à cette
époque également qu’il travailla avec John
Hingeston et avec Christopher Gibbons,
le fils du grand Orlando. En 1668, il succéda à Albertus Bryne comme organiste à
Westminster Abbey. Il participa à la musique de la Chambre, à la cour de Charles
VII (Private Musick for Lutes and Voyces,
Theorboes and Virginalls) et en devint le
virginaliste attitré. Gentilhomme de la
chapelle royale (1674), il prit la suite de
Pelham Humphrey comme maître des
enfants de cette chapelle et comme compositeur de la musique vocale. L’archevêque de Canterbury l’honora du titre
de Doctor of Music (1677). Deux ans plus
tard, il renonça à son poste d’organiste à
Westminster en faveur de son élève Henry
Purcell. En 1687, on lui confia la charge
des choristes de Saint-Paul, poste qu’il
abandonna en faveur d’un autre élève, J.
Clarke. Entre-temps, il était devenu organiste à la chapelle royale. Enfin, en 1699,
il reçut le titre de Composer of the Chapel
Royal. Blow fut enterré à Westminster ;
sa tombe porte à sa mémoire le Gloria en
canon de son Service en sol.
John Blow a laissé un catalogue important d’oeuvres variées et souvent d’une
grande qualité. Professeur illustre, son
enseignement lui a mérité l’estime de ses
contemporains. Parmi ses élèves se trouvèrent Clarke, Croft, Daniel Purcell et,
surtout, Henry Purcell. Auteur d’une belle
et touchante ode sur la mort de ce dernier,
Blow a signé avec le masque Vénus et Adonis ce qui est en fait l’un des premiers opéras anglais ; les styles français (ouverture,
prologue) et italien (récitatif, audaces harmoniques) s’y mêlent harmonieusement.
BLUES.
Complainte du folklore négro-américain,
dont les paroles, imprégnées de poésie
populaire, sont quelquefois violentes et
érotiques.
Sur le plan musical, le blues se caractérise par l’usage d’un mode mélodique
variable et, pour le type courant, par une
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
102
coupe ternaire A. A. B. Les deux périodes
A, de quatre mesures chacune, sont mélodiquement identiques, mais une variante
harmonique intervient au début de la seconde, l’accord de sous-dominante remplaçant l’accord de tonique, tandis que la
dominante colore la période B, conclusive.
Les paroles s’organisent en strophes successives (une strophe = un chorus, généralement de douze mesures), chacune d’elles
épousant le même schéma A. A. B., en
deux vers dont le premier (A) est répété.
Après chaque vers, qui occupe approximativement deux mesures, la fin de la
période de quatre mesures donne lieu à
une réponse instrumentale.
Né vers la fin du XIXe siècle dans les populations rurales noires du sud des ÉtatsUnis, le blues est postérieur au negrospiritual et au chant de plantation, dont
l’influence l’a marqué, ainsi, semble-t-il,
que celle du folklore blanc contemporain.
Le climat du blues est souvent mélancolique (blues est synonyme de cafard) ; d’où
l’idée reçue qu’il ne se chante ou ne se joue
qu’en tempo lent.
L’usage voulait que le chanteur de blues
s’accompagnât au banjo ou à la guitare.
Il en était ainsi, le plus souvent, dans la
tradition du blues rural (country blues),
dont les premiers représentants, contrairement au pionnier Robert Johnson, émigrèrent vers le nord au cours de l’entredeux-guerres, venus d’Arkansas, comme
Big Bill Broonzy (William Lee Conley),
du Texas comme « Blind » Lemon Jefferson, de Louisiane comme Lonnie Johnson
ou de Floride comme Tampa Red (Hudson Whitakker) et étaient des chanteursguitaristes. Toutefois, on voyait déjà un
Washboard Sam (Robert Brown), un Will
« Son » Shade s’accompagner au moyen
d’instruments hétéroclites issus d’un bricolage ingénieux, tandis qu’un Sonny
Terry et, avant lui, un « Sonny Boy »
Williamson I faisaient alterner chant et
harmonica. Une place à part peut être faite
à Leadbelly (Huddy Ledbetter) qui mit le
blues vocal à la mode dans les milieux intellectuels et artistiques de Greenwich Village, à New York. Dans les ghettos noirs
des grandes villes et principalement à
Chicago, le blues s’acclimate et, peu à peu,
se transforme au contact des spectacles de
vaudeville, dont le public de couleur est
friand ; au contact du jazz aussi. Le piano
tend à s’imposer à côté de la guitare ; il
s’y substitue parfois. Des chanteurs-pianistes, tels que Leroy Carr et, plus tard,
Memphis Slim (Peter Chatman), se font
connaître. Il arrive que des musiciens de
jazz, pianistes, comme Fletcher Henderson et James P. Johnson, ou cornettistes,
comme Louis Armstrong et Joe Smith,
soient conviés à accompagner les plus
célèbres chanteuses de blues : Gertrude
« Ma » Rainey, « la mère du blues », et sa
disciple Bessie Smith, « l’impératrice du
blues ». À New York, Lonnie Johnson a
le privilège d’enregistrer quelques disques
avec Louis Armstrong et Duke Ellington.
On verra même un chanteur de blues très
doué pour le jazz, Jimmy Rushing, se faire
engager chez Count Basie.
Parallèlement, une seconde génération
de chanteurs-guitaristes venus du Sud
s’agrège au courant du blues urbain (city
blues) qui prédomine dès la fin de l’entredeux-guerres. Avec Andrew « Smokey »
Hogg, John Lee Hooker, Sam « Lightnin »
Hopkins et Muddy Waters (Mc Kinley
Morganfield), le blues urbain apparaît
moins fruste, moins rustique que ne l’était
son ancêtre ; il devient même tendu, voire
agressif, à l’image des jeunes Noirs qui
récusent la passivité sociale de leurs aînés.
L’art spontané (encore qu’il laisse peu de
place à l’improvisation) du chanteur-guitariste ne se perdra pas et, dans les années
60 et 70, le succès d’un Riley « B. B. » King
montre que le blues folklorique a conquis
une petite audience internationale.
L’après-guerre voit surgir de nouvelles formes de blues. La tradition vocale
cherche un prolongement instrumental
que nécessitent les grands dancings tels
que l’Apollo Theater de Harlem. Désormais, le chanteur (« blues shouter ») crie le
blues dans le micro plus qu’il ne le chante.
Derrière lui, la guitare électrique, introduite par Aaron « T. Bone » Walker, et le
saxophone ténor s’attachent à créer un climat d’excitation permanente que renforce
un afterbeat hérité du jazz, mais hypertrophié. C’est le mouvement Rhythm’n’Blues,
que préfigurent Wynonie Harris, Louis
Jordan, Joe Turner et Eddie « Cleanhead »
Vinson, et d’où sortiront les Chuck Berry,
les Fats Domino, les Aretha Franklin, les
Little Richard, voire Ray Charles. Par le
canal de ces chanteurs populaires devenus
vedettes de variétés, le blues a contaminé
toute une partie du show business, et l’on
trouve trace de son influence dans la pop
music et le rock’n’roll des années 60. On a
même pu parler, à propos des chansons de
Bill Haley et d’Elvis Presley, d’un « blues
blanc », dont l’interprétation est, il est
vrai, involontairement caricaturale.
Toutefois, on estime généralement que
le blues doit ses développements les plus
remarquables, sur le plan musical, aux
artistes de jazz. Dès les premiers temps du
jazz, en effet, le blues s’y est acclimaté et
y a prospéré. Les pianistes de jazz, d’Earl
Hines (Blues in Thirds) à Thelonious Monk
(Blue Monk), en ont organisé et enrichi
le langage harmonique. L’orchestre de
Duke Ellington, l’orchestre de Count
Basie, entre autres, lui ont consacré une
importante partie de leur répertoire ; et
certaines pièces ellingtoniennes (Black
and Tan Fantasy, Saddest Tale, Ko-Ko,
par exemple) débordent largement, par
leur complexité et leur force expressive,
le cadre de l’art populaire. La séquence
harmonique du blues de douze mesures
est fréquemment utilisée par les musiciens
de jazz en tant que base d’improvisation,
indépendamment de toute donnée mélodique. Le style du blues a profondément
influencé le jazz tout entier ; en retour, les
grands solistes de jazz, Louis Armstrong,
Charlie Parker, Lester Young, ont donné
du blues une image magnifiée. D’autre
part, la relation privilégiée tonique-sousdominante a conduit les compositeurs de
jazz à une reconsidération limitée du système tonal.
BLUME (Friedrich), musicologue allemand (Schlüchtern, Hesse, 1893 - id.
1975).
Élève de Hugo Riemann et de Hermann
Abert, il obtint en 1921 le grade de docteur à l’université de Leipzig. Nommé en
1925 professeur à l’université de Berlin, il
fut directeur de l’Institut de musicologie
de l’université de Kiel (1934-1958), puis
président de la Société internationale de
musicologie (1958-1961). Il a également
dirigé la commission mixte du Répertoire international des sources musicales
(R.I.S.M.) et présidé le Joseph-Haydnlnstitut de Cologne (1955-1973). Il a édité
les oeuvres complètes de Michael Praetorius, écrit de nombreuses études sur Bach,
Mozart, Haydn et d’autres musiciens, et
dirigé plusieurs publications, dont Das
Chorwerk et surtout le dictionnaire Die
Musik in Geschichte und Gegenwart (14
vol., 1949-1968). Des nombreux articles
écrits par lui pour ce dictionnaire, sont
parus en volume séparé ceux consacrés à
la Musique de la Renaissance, à la Musique
baroque, à la Musique classique et à la Musique romantique.
BLÜTHNER (Julius Ferdinand), facteur
de pianos allemand (Falkenhain, près de
Merseburg, 1824 - Leipzig 1910).
Il fonda la firme Blüthner
1853. Ses instruments font
échappement amélioré et au
aliquotes où une quatrième
vibre à l’octave sans être
la sonorité dans l’aigu.
à Leipzig en
appel au double
système des
corde, qui
frappée, enrichit
BOCCHERINI (Luigi), compositeur et
violoncelliste italien (Lucques 1743 Madrid 1805).
Il apprit le violoncelle, tout enfant, avec
son père et devint un virtuose célèbre dès
l’âge de quatorze ans, après s’être produit à Rome. Il fut ensuite engagé par le
Théâtre impérial de Vienne, où il fit trois
séjours de 1757 à 1764 ; de cette période
date sa première oeuvre connue, un recueil
de six trios à cordes (1760), suivi en 1761
d’un recueil de six quatuors à cordes.
En 1764, Luigi et son père rentrèrent à
Lucques, où furent écrits une cantate et
les deux oratorios Giuseppe riconosciuto
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
103
et Gioa, re di Giuda. Après la mort de son
père (1766), Boccherini s’associa avec le
violoniste Filippo Manfredini et entreprit
avec lui des tournées qui le menèrent, notamment, à Paris (1767). Il se produisit au
Concert spirituel, mais ne fut pas invité à
Versailles. Admirant autant sa virtuosité
d’instrumentiste que son talent de compositeur, l’ambassadeur d’Espagne à Paris
le pressa d’aller à Madrid. Boccherini accepta, mais, à son arrivée dans la capitale
espagnole (1769), il fut mal reçu, dit-on,
par Brunetti, responsable de la musique
à la Cour. En revanche, il trouva un soutien décisif auprès du frère du roi Charles
III, l’infant Don Luis, qui lui conserva sa
protection jusqu’à sa mort (1785) et avec
lequel il s’installa en 1776 à Las Arenas,
près de Madrid.
Au cours de ces années, Boccherini
composa une très grande quantité de
musique de chambre pour des formations
diverses, dont une série de quintettes à
cordes s’inspirant parfois de motifs espagnols. L’étonnant Quintettino op. 30 no
6 dit La Musica notturna delle strade di
Madrid (1780) reflète parfaitement cette
période d’expérimentation euphorique.
Ayant sans doute subi l’influence des idées
de Jean-Jacques Rousseau lors de son séjour à Paris, Boccherini, italien lui-même,
s’intéressait à une musique « locale » au
moment même où la musique italienne
régnait toute-puissante ! Après avoir entendu à Madrid les quatuors op. 33 (1781),
l’ambassadeur de Prusse n’eut de cesse
que Boccherini ne fût attaché à son souverain. Le compositeur, à partir de 1786,
envoya à Frédéric-Guillaume II, excellent
violoncelliste, une quantité considérable
de musique, dont 28 quintettes et 16 quatuors. Dans la famille Benavente-Osuna,
avec laquelle il s’était lié, Boccherini eut
l’occasion d’entendre nombre d’oeuvres
de Joseph Haydn et côtoya notamment
Goya, le poète et dramaturge Moratin
et l’écrivain anglais Beckford. Pour cette
société éclairée, il composa son unique
opéra, la Clementina, retrouvé en 1960.
La vie de Boccherini de 1787 à 1796
est mal connue. On crut longtemps qu’il
s’était rendu en Prusse, à la cour de Potsdam, alors qu’en fait il resta à Madrid,
végétant dans une relative obscurité. À la
mort de Frédéric-Guillaume II, en 1797, il
proposa en vain d’envoyer de la musique à
son successeur. Sous le Consulat, le poste
de directeur du conservatoire de Paris lui
fut offert, mais Boccherini préféra demeurer dans cette Espagne qu’il considérait
presque comme sa patrie. Lucien Bonaparte, ambassadeur du Consulat à Madrid
à la fin de 1800, attira sa sympathie et
reçut la dédicace de deux groupes de six
quintettes op. 60 et 62. Après le retour
de L. Bonaparte en France, Boccherini ne
vécut plus que de la vente de ses oeuvres,
confiées depuis 1796 à Ignace Pleyel, un
éditeur qui payait fort mal. Une suite de
deuils précipita la mort du musicien à
Madrid. Ses cendres furent ramenées en
Italie en 1927 et ensevelies en la basilique
Saint-François de Lucques.
Boccherini fut un des plus grands
compositeurs de musique de chambre
pour cordes et le plus grand compositeur
italien de musique instrumentale de la
seconde moitié du XVIIIe siècle. La maîtrise d’écriture et l’aisance formelle de
ses très nombreux quatuors et quintettes
passèrent pour « inexplicables « chez un
héritier du baroque italien, jusqu’au jour
où Hugo Riemann soutint que Boccherini avait récolté à Paris les fruits de l’école
de Mannheim. Cette hypothèse confirme
l’importance du musicien créateur, avec
Joseph Haydn, du quatuor à cordes et initiateur du quintette, où il préfère, comme
plus tard Schubert, la formule à 2 violoncelles - entre le rococo italien et les grands
classiques viennois. À la pureté relativement abstraite de ces derniers, Boccherini,
pourtant spontanément mélancolique et
même dramatique comme Mozart, oppose un souci des couleurs, des trouvailles
instrumentales (archet utilisé col legno,
etc.) et une exceptionnelle sensibilité aux
atmosphères qui font de lui l’héritier de
certains traits les plus remarquables de
Vivaldi. Le quintette del Fandango fait ouvertement appel au folklore. La Musique
nocturne de Madrid résume un art extraordinairement en avance sur son temps :
elle naît des bruits incohérents d’instruments en train de s’accorder, évolue vers
des fredons populaires et des souvenirs de
musiques sacrées et aboutit à une intense
péroraison relevant de la plus pure tradition des danses de cour.
Longtemps, un ravissant menuet extrait
du quintette op. 11 no 5 (1771) est resté
l’oeuvre la plus célèbre de Boccherini,
offrant de lui une image gracieuse et fragile. On découvre aujourd’hui qu’il fut un
compositeur hardi, engagé, précurseur de
ce qu’il devait y avoir de meilleur dans les
musiques « nationales « du siècle romantique.
BOCHSA (Robert), compositeur et harpiste français (Montmédy 1789 - Sydney,
Australie, 1856).
Auteur de nombreuses pièces pour son
instrument, il débuta comme compositeur
d’opéras, d’oratorios et de ballets avant
de transformer la harpe en un instrument
virtuose. Membre de la chapelle impériale
puis de celle de Louis XVIII, il fut impliqué dans une histoire de faux et dut se
réfugier en Angleterre (1817), où il devint
le premier professeur de harpe à la Royal
Academy of Music. De nouveaux scandales l’obligèrent à quitter le pays (1827).
En 1839, il s’enfuit avec la soprano Ann
Bishop, épouse du compositeur sir Henry
Bishop. Il se produisit avec elle en un tour
du monde au cours duquel il mourut.
BODIN (Lars-Gunnar), compositeur suédois (Stockholm 1935).
Animateur et, de 1969 à 1972, président
d’un organisme essentiel dans la création
musicale en Suède, la fondation Fylkingen, il est devenu après cette date directeur du studio de musique électronique
du Conservatoire royal de Stockholm.
Après des expériences de théâtre musical, il consacre l’essentiel de sa production aux moyens électroacoustiques,
dans des oeuvres qui cherchent souvent
à intégrer des thèmes liés aux techniques
et aux disciplines modernes - cybernétique (Cybo I et Cybo II, 1967), théorie de
la connaissance (Traces I, 1970, et Traces
II, 1971), philosophie marcusienne (Toccata, 1969) -, et qui utilisent fréquemment
des textes (« Text-Sound Composition »,
équivalent de la poésie sonore française).
Il a également réalisé des oeuvres multimédias associant des moyens musicaux
et visuels (Clouds, 1972-1976) et des musiques de ballet (Place of Plays, 1967 ; From
One Point to Another Point, 1968). On peut
citer encore la pièce pour bande From the
Beginning to the End (1973) et la cantate
radiophonique For Jón (1977).
BOÈCE (Anicius Manlius Torquatus Severinus Boetius, en fr.), philosophe latin
(Rome v. 480 - environs de Milan 524).
Conseiller de Théodoric le Grand, il fut,
au faîte d’une carrière politique, impliqué
dans un procès et mis à mort. Entre 500
et 507, il avait écrit un traité en 5 livres.
De institutione musicae. Cet ouvrage, qui
s’inspire de Platon, d’Aristote, de Nicomaque et de Ptolémée, aborde la théorie
musicale sous l’angle de l’acoustique et
de l’harmonie. Boèce assigne une place
majeure à la musique dans l’éducation, en
raison de l’influence morale qu’elle peut
exercer. Le Moyen Âge dut à ce traité sa
connaissance de la théorie musicale de
l’Antiquité ; jusqu’à la Renaissance, l’autorité de Boèce demeura incontestée.
BOËLLMANN (Léon), compositeur et organiste français (Ensisheim, Haut-Rhin,
1862 - Paris 1897).
Disciple et neveu, par alliance, d’Eugène
Gigout, il travailla la musique à l’école
Niedermeyer. Nommé organiste à SaintVincent-de-Paul, il disparut prématurément, laissant une oeuvre importante,
qui fut jouée avec succès de son vivant :
symphonie en fa majeur, Variations symphoniques pour violoncelle et orchestre,
sonate pour violoncelle et piano, Fantaisie pour orgue et orchestre, musique religieuse abondante. On ne joue plus guère
aujourd’hui que la Suite gothique pour
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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orgue, l’une des très nombreuses pièces
qu’il écrivit pour son instrument.
BOËLY, famille de musiciens français.
Jean-F ranço is (Saint-Léger-de-Crossy,
Aisne, 1739 - Chaillot 1814). Il fut hautecontre à la Sainte-Chapelle, à Paris, compositeur (il est l’auteur d’un motet Beatus
vir) et professeur de harpe à la cour de
Versailles. Il a, en outre, écrit un Traité
d’harmonie, d’après Rameau, resté inédit
(1808).
Alexandre Pierre François, organiste et
compositeur, fils du précédent (Versailles
1785 - Paris 1858). Élève de l’Autrichien
Ladurner, qui l’initia à la musique de
Bach, de Haydn et de Beethoven, alors in-
connus en France, il fut nommé, en 1840,
organiste à Saint-Germain-l’Auxerrois et
y demeura jusqu’en 1851, date à laquelle
on le congédia en raison de l’« austérité »
de la musique qu’il y jouait : Bach, Frescobaldi, Couperin, Walther, Kirnberger, les maîtres français ; à cette époque,
c’était plutôt les transcriptions d’opéras-comiques qui faisaient fureur. Pour
exécuter les oeuvres de Bach, réputées
injouables, il fit installer à son orgue un
pédalier à l’allemande, dont l’usage ne se
généralisa, dans la facture française, que
durant la seconde moitié du siècle. Ses
rares auditeurs - Gigout, Franck, et surtout Saint-Saëns - furent émerveillés d’entendre ces oeuvres ressuscitées, ainsi que
le contrepoint sévère par lequel il traitait
les thèmes du plain-chant, que l’on commençait à redécouvrir. Il finit ses jours
comme humble professeur de piano. Il
laisse une oeuvre abondante : musique de
chambre, nombreuses pages pour le piano
(caprices, suites, études), oeuvres souvent
concises, très soigneusement composées
et d’une réelle couleur romantique, où il se
montre l’héritier de Scarlatti, de Cramer,
de Haydn et de Beethoven. Pour l’orgue,
il a écrit douze Cahiers de pièces de différents caractères et quatre Livres pour orgue
à pédales ou piano à trois mains, en plus
de publications d’oeuvres anciennes et de
transcriptions diverses. Il y renoue avec
le style des maîtres français classiques
(versets, duos, dialogues, tierces en taille)
et s’inspire des Allemands (fantaisies et
fugues, chorals ornés). Inconnu du grand
public, il n’en a pas moins joué un rôle
déterminant dans la renaissance de la
musique française au XIXe siècle. En 1902,
Saint-Saëns reconnut la dette des musiciens français envers lui, en publiant une
collection de ses oeuvres.
BOESMANS (Philippe), compositeur
belge (Tongres 1936).
Au conservatoire de Liège, il étudia
d’abord le piano avec Stefan Askenase et
Robert Leuridan et s’orienta vers la composition après avoir rencontré Pierre Froidebise, puis Henri Pousseur. Programmateur musical au 3e Programme de la
R. T. B. (1962), il est pianiste de l’ensemble
Musiques nouvelles et attaché, depuis
1971, au Centre de recherches musicales
en Wallonie dirigé par Pousseur. La même
année, il a pris des fonctions à la station
de Liège de la R. T. B. et obtenu le prix
Italia pour Upon La Mi pour voix et cor
solo, 11 instrumentistes et amplification
(1969). Sa production, issue du courant
sériel postwebernien, tente de s’en dégager en réintégrant certaines fonctions harmoniques, des rythmes périodiques, des
éléments mélodiques ou des mouvements
conjoints. L’intuition y fait bon ménage
avec la rigueur. Boesmans est, assurément,
une des principales figures de la jeune musique belge. On lui doit notamment Cassation pour 5 instruments (1962), Sonance
pour 2 pianos (1963), Verticales pour
grand orchestre (1969), Fanfare I pour 2
pianos à 2 mains (1970) et II pour orgue
(1972), Intervalles I (1972) et II (1973)
pour grand orchestre et III pour voix solo
et grand orchestre (1975-76), Sur mi pour
2 pianos, orgue électrique, crotales et
tam-tam (1974), Multiples pour 2 pianos
et orchestre (1974-75), Ring pour orgue
électronique, harpe, piano, 2 percussionnistes et ensemble instrumental (1975).
Attitudes, qui relève du théâtre musical, a
été créé à Bruxelles en 1979 et repris à Avignon en 1980. Suivirent un Concerto pour
violon (1979), Conversions pour orchestre
(1980), l’opéra la Passion de Gilles (1982),
Trakl Lieder (1988), l’opéra la Ronde
(1993), Dreamtime (1993).
BOESSET (Antoine), compositeur français (Blois 1586 ou 1587 - Paris 1643).
Élève de Pierre Guédron, dont il devint le
gendre et auquel il succéda à la charge de
surintendant de la Musique du roi (1622),
il fut un des musiciens favoris de Louis
XIII, qui le nomma successivement maître
de chant des bénédictines de Montmartre, maître des enfants de la musique
de la Chambre du roi (1613) et surtout
maître de la Musique de la reine (1615).
De tempérament lyrique, il lui manqua
malheureusement le sens dramatique
qui lui aurait permis de mettre ses belles
mélodies au service d’un argument suivi.
Au contraire, dans de nombreux ballets
« à entrées », la musique de Boesset et de
ses collègues s’éloigne du courant nettement dramatique établi par Guédron.
Mais Boesset vécut au temps des ballets de
cour, et sa collaboration à ces spectacles
fut parmi les plus importantes, tant par la
qualité que par la quantité (la Délivrance
de Renaud, 1617 ; Ballet des dandins, 1626 ;
Grand Bal de la douairière de Billebahaut,
1626 ; Ballet de la félicité, 1639, etc.). Boesset est un admirable mélodiste, et les textes
qu’il met en musique sont souvent tirés
de l’oeuvre des meilleurs poètes, tels que
Tristan, Théophile, Boisrobert ou Racan.
Ses airs possèdent un charme irrésistible,
une grâce et une harmonie entre poésie
et musique qui lui méritèrent le respect
de ses contemporains et qui le placèrent
au premier rang des musiciens de son
époque. Les airs du « vieux Boesset » ont
été chantés longtemps après sa mort. Il est
l’un des premiers à avoir employé la basse
continue en France, et cette technique se
rencontre dans ses derniers livres d’airs
polyphoniques. Il a laissé en tout 9 livres
d’Airs de cour à 4 et 5 parties (1617-1642).
Ses airs pour une voix et luth se trouvent
dans différents recueils parus chez Ballard
entre 1608 et 1643. Il a également composé des messes et des motets à 4 et 5 voix.
Son fils, Jean-Baptiste (1614-1685),
devint surintendant de la Musique en
1644. Des airs de sa composition sont
conservés.
BOESWILLWALD (Pierre), compositeur
français (Toulon 1934).
Il est collaborateur, depuis 1972, du
Groupe de musique expérimentale de
Bourges. Sa production, d’abord consacrée presque exclusivement aux moyens
électroacoustiques (la Promenade du dimanche, 1970) ; les 3 Tocatannes, 19731975 ; Dedans-dehors, 1975), s’ouvre ensuite à des expériences de théâtralisation
de la musique par haut-parleurs, faisant
intervenir un comédien, des projections,
etc. (Homo dixit, 1977). Boeswillwald est
un poète en prose de la musique électroacoustique, qui écrit au présent de l’indicatif avec un style bien à lui, familier, vif
et aéré.
BOETTICHER (Wolfgang), musicologue
allemand (Bad Ems 1914).
Ayant abordé la musique par l’étude du
piano, il a donné, très jeune, des concerts.
Mais il a renoncé à cette carrière pour se
consacrer à la musicologie. À l’université
de Berlin, il a été l’élève d’Arnold Schering et de Curt Sachs. Il a publié plusieurs
ouvrages sur Schumann et poursuivi des
recherches très étendues sur la musique
de la Renaissance. Il a aussi préparé des
éditions des oeuvres de Schumann et de
R. de Lassus. En 1956, W. Boetticher
a été nommé professeur à l’université
de Göttingen, où il enseignait depuis
1949. Parmi ses principaux écrits, on peut
mentionner : R. Schumann, Einführung in
Persönlichkeit u. Werk (Berlin, 1941) ; O.
di Lasso u. seine Zeit (2 vol., Kassel et Bâle,
1959-1969).
BOEUF (Georges), compositeur français
(Marseille 1937).
Professeur de saxophone, instrument pour
lequel il a écrit les deux quatuors Parallèles
(1967-68) et l’Image poursuivie (1973), il a
été membre du Groupe de musique expédownloadModeText.vue.download 111 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
105
rimentale de Marseille, fondé en 1968 par
Marcel Frémiot, avant d’en devenir le responsable en 1974. Parmi ces oeuvres électroacoustiques, on peut citer : Mémoire
(1972), le Départ pour la lune, pour orgue
et bande magnétique (1972), Champs
(1975), Jusqu’au lever du jour (1977), Du
côté du miroir (1977), Phrases, pour flûte
et bande (1977). Avec Michel Redolfi, il a
conçu et créé Whoops (1re version, 1976 ;
2e version, 1977), première oeuvre pour
« homo-parleur » (système de diffusion
par haut-parleurs « greffés » sur le corps
d’interprètes en action), et contribué à la
réalisation collective du G.M.E.M., la Mer
(1978).
BÖHM (Georg), compositeur et organiste allemand (Ohenkirchen, près
d’Ohrdruf, 1661 - Lüneburg 1733).
Après des études à l’université d’Iéna, il
séjourna à Hambourg avant d’occuper, de
1698 jusqu’à sa mort, le poste d’organiste
à l’église Saint-Jean de Lüneburg, église où
le jeune Johann Sebastian Bach fut choriste en 1700. Il composa 11 suites pour
clavecin, une vingtaine d’oeuvres pour
orgue, 23 lieder spirituels ; 9 cantates et
2 motets lui sont attribués. Influencé par
les maîtres de l’Allemagne du Nord, Buxtehude en particulier, il marqua à son tour
les organistes allemands du XVIIIe s., dont
Johann Sebastian Bach qui l’imita dans
ses premières oeuvres et lui emprunta un
menuet dans le Petit Livre d’Anna Magdalena Bach.
BÖHM (Karl), chef d’orchestre autrichien
(Graz 1894 - Salzbourg 1981).
Parallèlement à des études de droit à
Graz, il étudie la musique à Vienne avec
Eusebius Mandyczewski. Il devint premier chef d’orchestre à l’opéra de Graz en
1917. Bruno Walter l’engagea à l’opéra de
Munich en 1921. Il fut nommé directeur
de la musique à Darmstadt en 1927, au
Stadttheater de Hambourg en 1931, fut
directeur de l’opéra de Dresde, de 1932
à 1942, et de l’opéra de Vienne, de 1943 à
1945 et de 1954 à 1956. Durant cette deuxième période, il fut également premier
chef de la Philharmonie de Vienne. Böhm
a été l’ami de Richard Strauss, dont il a créé
les opéras la Femme silencieuse et Daphné.
Il a dirigé les premières représentations de
nombreux autres ouvrages, comme Massimilla Doni d’Othmar Schoeck. Il a fait
dans le monde entier une carrière aussi
brillante comme chef d’opéra que comme
chef d’orchestre symphonique. Ses interprétations, qui donnent une impression
de perfection, de juste mesure, d’équilibre,
sont particulièrement admirées dans les
oeuvres de Mozart, Beethoven, Richard
Strauss, mais aussi Brahms, Wagner et
Bruckner. Il a écrit des lieder et de la musique de chambre.
BÖHM (Theobald), flûtiste et compositeur allemand (Munich 1794 - id. 1881).
Virtuose accompli que ses contemporains tenaient pour le plus grand flûtiste
d’Allemagne, il a enrichi le répertoire
de son instrument d’une vingtaine de
concertos, fantaisies, variations et autres
compositions d’un romantisme maintenant démodé. Mais son nom reste attaché
aux améliorations considérables et définitives qu’il apporta à la flûte traversière
à partir de 1830 (système de clés, perce
cylindrique, etc. ; ! FLÛTE). Elles sont présentées dans son traité Über den Flötenbau
und die neuesten Verbesserungen desselben,
Mayence, 1847 (« de la fabrication et des
derniers perfectionnements de la flûte »).
Il écrivit également Die Flöte und das
Flötenspiel, Munich, 1871 (« la flûte et le
jeu de la flûte »).
Le « système Böhm » a été adapté avec
succès à d’autres instruments de la famille
des bois, notamment la clarinette et le
hautbois.
BOIELDIEU (François Adrien), compositeur français (Rouen 1775 - Jarcy, Essonne, 1834).
Fils du secrétaire de l’archevêque de
Rouen, il devint enfant de choeur à la
cathédrale et reçut de l’organiste Broche
des notions de composition musicale,
qui furent ses seules études. En effet, si,
après ses premières oeuvres où l’instinct
et le bon goût remplaçaient la science, il
comprit qu’il lui faudrait apprendre son
métier, c’est en autodidacte qu’il fit cet
apprentissage. Étonnamment doué, Boieldieu écrivit à dix-huit ans son premier
opéra-comique, la Fille coupable (1793),
sur un livret de son père. L’accueil fait à un
second ouvrage, Rosalie et Myrza (1795),
l’incita à se fixer à Paris pour y poursuivre
une carrière de compositeur. Reçu dans
la maison Érard, il y rencontra Méhul et
Cherubini, qui devinrent ses amis et le
conseillèrent utilement. Les chanteurs
Pierre-Jean Garat et Cornélie Falcon, en
interprétant ses romances dans les salons,
le rendirent célèbre. Le théâtre Feydeau
lui ouvrit bientôt ses portes (1796), puis
l’Opéra-Comique, où s’imposa en 1798 la
Dot de Suzette, dont les gracieuses mélodies restèrent longtemps populaires. Le
Calife de Bagdad (1800) et Ma tante Aurore
(1803) furent chaleureusement accueillis.
Les querelles de Boieldieu avec sa
femme, la danseuse Clotilde Malfleuroy,
décidèrent le compositeur à s’éloigner de
Paris. Il partit pour Saint-Pétersbourg,
où il obtint le poste de compositeur de
la Cour. Il y resta sept ans et y composa
six ouvrages, dont deux (la Jeune Femme
colère, 1805 ; les Voitures versées, 1808)
furent repris à Paris. Les triomphes de Jean
de Paris (1812) et du Nouveau Seigneur
du village (1813) marquèrent le retour de
Boieldieu dans la capitale française. Déjà
professeur de piano au Conservatoire, il y
devint professeur de composition en 1817,
succédant à Méhul. Il présenta l’année suivante le Petit Chaperon rouge, dont il avait
particulièrement soigné l’écriture et qu’il
déclara plaisamment être son discours de
réception à l’Académie des beaux-arts, où
il fut élu à cette époque. Après un silence
de plusieurs années fut représenté son
chef-d’oeuvre, la Dame blanche (1825),
dont le succès s’est prolongé jusqu’à nos
jours. Devenu veuf la même année, Boieldieu épousa la cantatrice Phillis. Atteint
d’une laryngite tuberculeuse, il résilia ses
fonctions au Conservatoire et se retira
dans sa propriété de Jarcy, où il s’éteignit
comblé d’honneurs, mais dans une situation matérielle difficile. Son service fu-
nèbre eut lieu en grande pompe aux Invalides et on y joua le Requiem de Cherubini.
Que l’on ait pu souvent, en parlant de
Boieldieu, évoquer Mozart suffit à indiquer le ton de sa musique et sa qualité ;
en même temps, l’art de ce compositeur
apparaît spécifiquement français : tendre,
spirituel, sensible, intelligent, ennemi de
toute mièvrerie, d’une délicate originalité,
avec une écriture à la fois simple et subtile.
Wagner et bien d’autres grands musiciens
ont dit toute leur admiration pour son
talent.
Outre une quarantaine d’ouvrages lyriques, Boieldieu a écrit de la musique de
piano, dont plusieurs sonates, de la musique de chambre, un concerto pour piano
(1792) et un concerto pour harpe (1795).
BOIS.
Terme générique qui désigne :
1. Les instruments à vent construits en
bois, même de nos jours (hautbois, basson, cor anglais, clarinette, etc.) ;
2. Les instruments à vent qui, à l’origine,
étaient construits en bois (flûte) ;
3. Les instruments à anche simple qui ont
toujours été métalliques, mais que leur
principe rattache aux bois (saxophones).
La famille des bois comprend donc, pratiquement, la flûte et tous les instruments à
anche simple ou double.
BOISGALLAIS (Jacques), compositeur
français (Le Mesle-sur-Sarthe, Orne,
1927).
Il a été, au Conservatoire de Paris, l’élève
de Samuel-Rousseau pour l’harmonie, de
Simone Plé-Caussade pour le contrepoint,
de Darius Milhaud et de Jean Rivier pour
la composition. En 1955, il entre à la R.
T. F. comme musicien-metteur en ondes,
métier qu’il continue d’exercer pour
Radio-France. Compositeur, il s’est vu
décerner plusieurs récompenses : son 1er
quatuor à cordes a obtenu le prix YvonneLiébin (1958), sa symphonie les Ombres, le
premier prix de la Ville de Paris (1966-67).
Il a essentiellement écrit des oeuvres pour
downloadModeText.vue.download 112 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
106
orchestre et pour diverses formations
instrumentales, d’une écriture ferme et
colorée. On lui doit aussi des partitions de
musique radiophonique.
BOISMORTIER (Joseph Bodin de),
compositeur français (Thionville 1689 Roissy-en-Brie 1755).
Après avoir passé les vingt-cinq premières
années de sa vie en Lorraine, où il rencontra H. Desmarest, alors surintendant
de la musique du duc Léopold, il effectua
plusieurs séjours à Perpignan. Quatre ans
plus tard, il commença à éditer ses oeuvres
à Paris, où il poursuivit sa carrière de
compositeur.
Ses compositions s’inscrivirent parfois dans la tradition de la musique française lorsqu’il écrivit des opéras comme
Daphnis et Chloé (1747), sa sonate pour 2
flûtes et sans basse ou ses cantates, genre
auquel il s’efforça toutefois d’apporter
un renouveau, notamment dans Actéon
(1732). Il fut aussi l’un des premiers musiciens français à adopter la forme tripartite
du concerto italien, quand parurent, en
1727, ses 6 concertos pour 5 flûtes traversières. À cet instrument, il consacra bon
nombre de sonates, tout en étant aussi
inspiré par la vielle et la musette, pour
lesquelles il composa plusieurs pièces qui
témoignent du goût, alors très en vogue,
pour la bergerie. Il céda aussi à la mode
lorsqu’il intercala des noëls populaires
dans son motet le plus célèbre, Fugit nox,
qui eut le privilège de rester pendant vingt
ans au répertoire de la chapelle royale. Par
son inspiration, mais aussi par son style
gracieux et élégant, Boismortier peut être
considéré comme l’un des artistes les plus
représentatifs de l’art musical français de
la première moitié du XVIIIe siècle.
BOÎTE À MUSIQUE.
Le cylindre à picots, issu du principe de
la roue à cames, était connu depuis la fin
du Moyen Âge et servait à animer des
carillons, des automates et autres objets
mécaniques. Vers la fin du XVIIIe siècle, un
horloger genevois eut l’idée de l’adapter à
un mince peigne d’acier, dont les dents, de
longueur inégale, produisaient autant de
notes. Quand le cylindre tourne, entraîné
par une manivelle ou, le plus souvent, par
un mouvement d’horlogerie, les picots
disposés sur une même ligne horizontale
accrochent au passage le bout des lames
correspondantes et les font vibrer. Des airs
plus ou moins longs (suivant le diamètre
du cylindre) peuvent être ainsi reconstitués avec leur accompagnement. Par la
suite, des cylindres interchangeables ont
permis aux modèles les plus perfectionnés
de rivaliser avec l’orgue de Barbarie, quant
à la variété du répertoire.
C’est surtout au XIXe siècle que la boîte
à musique a connu la plus grande vogue,
jouant un rôle certain dans la diffusion de
la musique. L’invention du phonographe
semble lui avoir porté un coup fatal, mais
on continue pourtant à en fabriquer,
surtout en Suisse, à cause du charme archaïque et naïf, inimitable, qui se dégage
de la sonorité de cet appareil.
BOÎTE EXPRESSIVE.
Disposition utilisée en facture d’orgues et
consistant à enfermer tous les tuyaux d’un
clavier dans un coffret étanche, clos vers
l’avant par une série de jalousies mobiles
actionnées par une cuiller ou une pédale
commandée de la console.
Les sonorités sont ainsi étouffées et
s’éclaircissent en léger crescendo lorsque
l’exécutant ouvre la boîte. Inventée au
XVIIIe siècle, la boîte expressive a été très
généralement répandue dans les orgues
d’esthétiques romantique et postromantique, où elle répond au besoin de nuances
nouvelles du style symphonique. Elle affecte les jeux du clavier de récit et, sur les
instruments plus grands, ceux du clavier
de positif.
BOITO (Enrico, dit Arrigo), compositeur, poète et librettiste italien (Padoue
1842 - Milan 1918).
Fils d’un sculpteur italien et d’une comtesse polonaise, il mena de pair des études
musicales et littéraires dans des conditions
difficiles, son père ayant abandonné le
domicile familial. Il publia des poésies de
caractère libertaire et entama une carrière
de chroniqueur, puis, encouragé par Emilio Praga, l’un des pères de la « scapigliatura » ( ! VÉRISME), il se rendit à Paris, où
il découvrit une musique instrumentale
inconnue en Italie, rencontra Baudelaire,
Rossini, Verdi (auquel il fournit les vers
de l’Hymne des nations) et Gounod, dont il
fit représenter le Faust à Milan. Conscient
des faiblesses du livret de cet opéra, il rédigea un poème d’après les deux Faust de
Goethe, en écrivit la partition et présenta
l’oeuvre à la Scala en 1868, sans aucun succès. Révisé, notablement raccourci, ce Mefistofele triompha à Bologne en 1875, mais
ne trouva sa forme définitive qu’après de
nouvelles modifications pour sa nouvelle
présentation à la Scala, en 1881, avec
une éclatante distribution. Entre-temps,
Boito s’était enflammé pour les courants
nouveaux de l’art ; il milita en faveur de
Wagner (on lui doit les versions italiennes
de Rienzi et de Tristan, mais aussi celle
du Freischütz de Weber) et prit position
contre Verdi. L’éditeur Ricordi ayant
réconcilié les deux artistes, Boito aida
Verdi à la refonte de son Simon Boccanegra (1881), puis écrivit pour lui les livrets
d’Otello et de Falstaff. Il fournit également
des livrets à d’autres musiciens : son ami
Franco Faccio (Hamlet), Ponchielli (La
Gioconda), Catalani (La Falce) et Mancinelli (Ero e Leandre). Directeur du conservatoire de Parme, de 1889 à 1897, élu
sénateur en 1912, il travailla longtemps à
un Néron, dont il publia le livret en 1901,
mais qu’il laissa inachevé ; complétée par
Antonio Smareglia et Vincenzo Tommasini, l’oeuvre fut créée à la Scala de Milan
en 1924, sous la direction de Toscanini.
Esprit ambitieux et tourmenté, toujours insatisfait, à l’image de son héros
Faust, Boito, auteur de recueils de vers,
de romans, de drames, ne sut pas toujours
mettre son talent musical à la hauteur de
son inspiration littéraire ; son Mefistofele,
oeuvre d’extrême jeunesse, n’en contient
pas moins des pages prophétiques, cependant que Néron souligne la prodigieuse
évolution de son style vers un modernisme affirmé.
BOKANOVSKI (Michèle), femme compositeur française (Paris 1943).
Après un stage au Groupe de recherches
musicales de Paris, elle poursuit, dans son
studio personnel, la réalisation d’oeuvres
électroacoustiques et « mixtes » (pour instruments et bande) rares et méditées. On
peut citer : Koré (1972), pour ensemble
vocal et bande, Pour un pianiste (1974),
pour bande et piano, pièce remarquable,
dédiée à son instigateur et interprète
Gérard Frémy, 3 Chambres d’inquiétude
(1975-76), Suite pour l’Ange (1980) et les
bandes sonores très denses et étudiées
qu’elle a réalisées pour les films de Patrick
Bokanovski (la Femme qui se poudre, le
Déjeuner du matin, l’Ange).
BOLCOM (William), compositeur américain (Seattle 1938).
Il fit ses études à l’université de Washington, à Mill’s College, à l’université Stanford avec Leland Smith et au Conservatoire de Paris (1959-1961) avec Simone
Plé-Caussade (contrepoint), Olivier Messiaen (esthétique), Darius Milhaud et Jean
Rivier (composition). Il fréquenta aussi
Darmstadt, où il subit l’influence de Pierre
Boulez. Il a ensuite occupé diverses fonctions aux États-Unis, notamment celle
d’assistant au Queen’s College de New
York (1966-1968). Sa musique fait appel
à des techniques très diverses : composition sérielle, expériences dans le domaine
des microtons, etc. Son catalogue comprend notamment 4 symphonies, 9 quatuors à cordes, des oeuvres concertantes,
des pièces pour différentes formations
instrumentales (en particulier Sessions I
à IV, 1965-1967) et les opéras d’acteurs
Dynamite Tonite (1963), Greatshot (1969)
et Theatre of the Absurd (1970).
BOLÉRO.
Danse espagnole et plus particulièrement andalouse, connue depuis la fin du
XVIIIe siècle.
Elle est issue de la séguedille et son
inventeur serait le danseur Cerezo. AcdownloadModeText.vue.download 113 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
107
compagné, à l’origine, de chants et de
castagnettes, le boléro se compose de trois
couplets sur un mouvement modéré à
3/4. Des changements de rythme à l’intérieur du ternaire sont possibles. rappel
schéma
Le boléro s’est rapproché du fandango
par l’accent de plus en plus nerveux des
castagnettes. Weber, Auber, Chopin, Albéniz et Ravel (ce dernier dans un mouvement un peu plus lent) ont utilisé le
rythme caractéristique de cette danse.
BOLET (Jorge), pianiste cubain naturalisé américain (La Havane 1914 - Moutain
View, Californie, 1990).
Il étudie au Curtis Institute de Philadelphie avec Saperton, Hofman, Godowski
et Moritz Rosenthal, puis à Vienne et à
Paris. À l’âge de seize ans, il fait ses débuts
à Carnegie Hall sous la direction de Fritz
Reiner. De 1939 à 1942, il est l’assistant
de Rudolf Serkin à la direction du Curtis Institute de Philadelphie. Sa carrière
se partage d’emblée entre le piano et la
diplomatie. En 1946, il prend la direction
de la musique au Quartier général américain de Tokyo, où il dirige principalement
des opérettes, dont la première japonaise
de The Mikado de Gilbert et Sullivan. En
1960, il double Dirk Bogarde interprétant
le rôle de Liszt dans le film Song without
End. Ses interprétations des oeuvres de
Liszt et de Chopin, ses deux compositeurs
de prédilection, se réclament d’une tradition pianistique qui remonte à Rachmaninov et Lhevine mais aussi à Cortot.
BOLOGNE (école de).
La période la plus glorieuse de cette école,
qui concerne en particulier la musique
de violon, se situe dans la seconde moitié du XVIIe siècle et au début du XVIIIe.
Cependant, on peut déjà citer, à la fin du
XVe siècle, le nom de Giovanni Spataro,
maître de chapelle de la basilique San
Petronio et auteur d’ouvrages théoriques.
C’est en raison de l’importante activité
musicale à San Petronio qu’une véritable
école se développa à Bologne. Après Girolamo Giacobbi (1567-1629), qui fit toute
sa carrière attaché à la basilique, Maurizio
Cazzati (v. 1620-1677) y devint maître de
chapelle en 1657 et établit les bases formelles et stylistiques de l’école. Cazzati est
l’auteur d’une oeuvre considérable (musique religieuse, sonates), mais sa musique
n’a pas le souffle de celle de son élève Giovanni Battista Vitali (1632-1692), chez lequel l’invention thématique, qui se prête à
un traitement en contrepoint, et la rigueur
de l’écriture, alliées à une grande connaissance du violon, donnèrent naissance
aux premiers chefs-d’oeuvre de l’école de
Bologne.
À San Petronio, Giovanni Paolo Colonna (1637-1695), puis Giacomo Antonio Perti (1661-1756) succédèrent à
Cazzati. À cette époque, Bologne comptait un grand nombre d’académies, dont
la plus importante était l’Accademia dei
Filarmonici, fondée, en 1666, sur l’initiative de Colonna. Mozart devait y appartenir plus tard. Parmi les élèves de Perti,
on trouve Giuseppe Torelli (1658-1709),
Giuseppe Jacchini ( ?-1727) et le padre
Martini (1706-1784). À l’Accademia dei
Filarmonici, on rencontre, outre Torelli
et Martini, Giovanni Battista Bassani, les
Bononcini, Arcangelo Corelli. À l’intense
vie musicale de Bologne sont également
associés Giuseppe Felice Tosi et Domenico Gabrielli.
Formé à Bologne, Corelli (1653-1713)
poursuivit sa carrière à Rome. De Bologne,
il hérita l’assurance avec laquelle il écrivit
pour le violon et le talent avec lequel, dans
ses concertos, il établit le contraste entre
mouvements mélodiques et mouvements
en contrepoint.
Demeuré à Bologne et, depuis 1686,
attaché à San Petronio, Torelli continua
à cultiver le style du concerto et fixa la
forme tripartite qui allait demeurer longtemps en vigueur : allegro-adagio-allegro.
À sa mort, le centre de la création violonistique italienne se déplaça de Bologne
à Venise. Cependant, le padre Martini
continua d’attirer dans sa ville, durant
tout le XVIIIe siècle, des disciples venus des
quatre coins de l’Europe.
BOMBARDE.
1. Instrument à vent en bois, de la
famille du hautbois, en usage essentiellement du XVe au XVIIe siècle. Munie d’une
anche double large et courte, d’un pavillon
très ouvert et souvent d’une clé, elle existe
en plusieurs tailles, correspondant à des
tessitures différentes, et produit des sons
d’une justesse approximative, mais d’une
rare puissance. Le modèle aigu percé de
sept trous s’est maintenu en Bretagne
comme instrument folklorique.
2. Jeu d’orgue à anche, du type trompette, dont le tuyau est de forme conique
régulière et de grande longueur, à grosse
taille, fabriqué en étain ou en bois. Il sonne
à l’octave grave de la trompette (16 pieds)
ou à la double octave (32 pieds), prenant
alors parfois le nom de contre-bombarde
ou de bombardon. La bombarde est associée à la trompette et au clairon pour
constituer une batterie d’anches complète,
utilisée dans les tutti de l’instrument. On
trouve la bombarde au pédalier, pour soutenir les basses, ou aux claviers manuels,
soit au grand-orgue, soit, dans les grands
instruments, à un clavier spécialement
consacré à la batterie d’anches et prenant
alors le nom de clavier de bombarde.
BOMBARDON.
Nom donné à la basse de la famille des
bombardes en Allemagne et en Italie, aux
XVIe et XVIIe siècles. Le terme bombardone
était employé en Allemagne au XIXe siècle
pour désigner un instrument grave, en
cuivre et à vent, semblable à ce que nous
appelons en France ophicléide. Enfin,
bombardon est devenu le nom familier et
général des instruments de cuivre de la
tessiture la plus grave (saxhorn, contrebasse, tuba).
BOMTEMPO (João Domingos), pianiste
et compositeur portugais (Lisbonne,
baptisé en 1775 - id. 1842).
C’était l’un des dix enfants d’un musicien
italien au service du roi Joseph. Il étudia le
hautbois, le contrepoint et le piano, et devint premier hautbois de l’Orchestre royal
(1795). En 1801, il partit à Paris pour s’y
perfectionner ; jusqu’alors, les musiciens
portugais se rendaient en Italie. En 1802,
il rencontra dans la capitale française
Muzio Clementi et son élève John Field ;
le nouveau style pianistique de Clementi
l’influença. À partir de 1804, plusieurs
concerts établirent, à Paris, sa renommée
de pianiste et compositeur ; il fit publier
chez Leduc ses premières oeuvres. En
1810, après la création de sa 1re symphonie
(1809), il se rendit à Londres, où Clementi
publia, dans sa propre maison d’édition,
plusieurs de ses partitions. En 1814, il
regagna son pays natal, mais fit encore
plusieurs séjours à Paris et à Londres,
avant de s’installer définitivement à Lisbonne, en 1820. À son initiative naquit,
en 1822, une société philharmonique, qui,
par ses concerts, allait beaucoup contribuer, jusqu’en 1828, à l’évolution du goût
des mélomanes portugais. En 1833, à la
création du conservatoire de Lisbonne,
Bomtempo en fut nommé directeur. Il
finit sa vie entouré de respect.
Son activité de pianiste, compositeur,
pédagogue et organisateur alla à l’en-
contre de la prépondérance du style italien
et fit place à la musique instrumentale face
à l’opéra. Le modernisme de son écriture
pour le piano contribua à définir la technique de cet instrument alors en pleine
évolution. Outre ses nombreuses compositions pianistiques, Bomtempo a écrit de
la musique symphonique et concertante,
des cantates et oeuvres religieuses, et de la
musique de chambre.
BONCI (Alessandro), ténor italien (Cesena, province de Forli, 1870 - Viserba,
près de Rimini, 1940).
Il débuta à Parme, en 1896, dans le rôle de
Fenton de Falstaff de Verdi, acquit rapidement une notoriété internationale et fut
engagé dans le monde entier. Sa carrière se
poursuivit jusqu’en 1927. C’était un ténor
lyrique à la voix limpide, émise avec une
égalité parfaite. Son style raffiné, son art
de « miniaturiste » (R. Celletti) firent de
lui, avec Mattia Battistini, un des derniers
représentants de la tradition du bel canto
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
108
au début du XIXe siècle. Alessandro Bonci
brilla particulièrement dans les oeuvres de
Bellini et de Donizetti.
BONDEDIVERS (Emmanuel), compositeur français (Rouen 1898 - Paris 1987).
Fils du sacristain de l’église Saint-Gervais
de Rouen, il commença, fort jeune, ses
études musicales avec l’organiste Louis
Haut. Orphelin à seize ans, il fut nommé
organiste de Saint-Nicaise, travailla avec
Jules Haelling, organiste de la cathédrale,
puis, après la guerre, à Paris avec Jean
Déré. Il écrivit trois pièces pour piano,
les Illuminations, qu’il orchestra ; l’un de
ces trois poèmes symphoniques, le Bal des
pendus, fut joué sous la direction d’Albert
Wolff aux Concerts Lamoureux. En 1934,
il entra à la station de radio de la tour Eiffel et devint secrétaire général de la Radiodiffusion française, en 1938 ; il s’efforça
de faire jouer les compositeurs français
contemporains et participa à la création
des dix premiers orchestres radiophoniques régionaux. Il fut aussi l’un des
fondateurs du groupe le Triton. En 1935,
son École des maris fut créée à l’OpéraComique. Directeur artistique de Radio
Monte-Carlo (1945), directeur de l’OpéraComique (1949), où l’on créa sa Madame
Bovary en 1951, il fut nommé directeur de
l’Opéra en 1952, puis directeur de la musique de la Réunion des théâtres lyriques
nationaux en 1959. Membre de l’lnstitut
depuis 1959, il est, à partir de 1964, secrétaire perpétuel de l’Académie des beauxarts. Son opéra Antoine et Cléopâtre a été
créé au théâtre des Arts de Rouen en 1974.
Ses trois oeuvres pour le théâtre constituent l’essentiel de la production d’Emmanuel Bondeville. Ce sont des partitions
vivantes, d’une écriture variée, d’une
orchestration habile, d’une inspiration lyrique parfois brûlante. Bondeville a aussi
écrit des pièces symphoniques, des motets
et des mélodies.
BONDON (Jacques), compositeur français (Boulbon, Bouches-du-Rhône,
1927).
Il a fait ses études à l’école César-Franck,
puis avec Charles Koechlin et au Conservatoire de Paris avec Jean Rivier et Darius
Milhaud. Il a obtenu, en 1963, le grand
prix musical du conseil général de la Seine
pour l’ensemble de son oeuvre. Même si les
influences de Milhaud et de Bartók sont
perceptibles, Bondon apparaît comme un
musicien libre et indépendant. Le fantastique et la science-fiction ont inspiré
plusieurs de ses oeuvres. Bondon a écrit
de la musique symphonique, de la musique de chambre (dont deux partitions
remarquables : quatuor à cordes, 1958, et
Giocoso pour violon et orchestre à cordes,
1960), de la musique vocale (dont le Pain
de serpent pour voix et 14 instruments,
1959), de nombreuses musiques de films,
les opéras Mélusine au Rocher (Luxembourg, 1969), Ana et l’albatros (Metz,
1970) et i. 330 (Nantes, 1975), l’oratorio le
Chemin de Croix (1989).
BONGO.
Instrument à percussion cubain, de la
famille des « peaux ».
Le petit fût cylindrique du bongo, fait
de planchettes juxtaposées à la manière
des douves d’un tonneau, est fermé à la
partie supérieure par une peau, dont la
tension est réglable. Les bongos vont par
paire, posée sur les genoux ou fixée sur
pied, et se jouent soit à mains nues, soit
avec des baguettes de tambour.
BONI (Guillaume), compositeur français
(Saint-Flour v. 1515 - Toulouse 1594).
Il vécut dans l’entourage humaniste du
cardinal Georges d’Armagnac, qu’il accompagna dans ses ambassades à Venise
et à Rome. Celui-ci, devenu archevêque
de Toulouse, lui confia la maîtrise de la
cathédrale. Boni composa pour ce choeur
deux volumes de motets à 5 et 7 voix, et
d’autres pièces religieuses témoignant de
l’influence de la musique italienne qu’il
entendit au cours de ses voyages. Il écrivit
aussi des chansons profanes sur des vers
de Ronsard et de Pibrac (Sonetz de P. de
Ronsard à 4 voix, Paris, 1576 ; les Quatrains
du Sieur de Pibrac, de 3 à 6 voix, Paris,
1582 ; 2e livre, 1579).
BONNET (Joseph), organiste et compositeur français (Bordeaux 1884 - SaintLuce, Canada, 1944).
Élève de son père - lui-même organiste
à Bordeaux (église Sainte-Eulalie), puis
à Paris -, de Vierne, de Tournemire et
de Guilmant, il fut nommé organiste de
Saint-Eustache en 1906, poste qu’il occupa
jusqu’à sa mort, tout en effectuant des
tournées internationales, principalement
en Amérique. Il a écrit pour son instrument et publié des éditions d’oeuvres classiques, notamment des Fiori musicali de
Frescobaldi. Il s’est imposé par la pureté
de son style d’exécution et par la réflexion
qui présidait à ses interprétations.
BONNET (Pierre), compositeur français
(fin XVIe s.).
On ignore pratiquement tout de son existence sinon qu’il naquit dans le Limousin
et qu’il fréquenta la cour du roi Henri III
jusqu’en 1586, année où il entra au service
de Georges de Villequier, gouverneur de
la haute et de la basse Marche. Il a laissé
des airs et des villanelles à 4 et 5 voix (1er
Livre d’airs, Paris, 1585 ; Airs et villanelles,
Paris, 1600 et 1610). Comme les airs de
Jean Planson, ceux de Pierre Bonnet,
fort beaux, mettent l’accent sur l’importance mélodique de la partie supérieure
et appartiennent à la première période
de l’air de cour. Ses chansons s’inspirent
parfois de la musique mesurée à l’antique,
et leur écriture verticale contribue à la
compréhension des paroles. Souvent, elles
prennent la forme d’un dialogue (ex. :
Francion vint l’autre jour, à 5 voix).
BONNO (Giuseppe), compositeur autrichien d’origine italienne (Vienne 1710 id. 1788).
Auteur surtout d’ouvrages religieux et
d’opéras, il succéda en 1774 à Florian
Gassmann au poste de maître de chapelle
impérial et eut lui-même comme successeur Salieri.
BONONCINI, famille de musiciens italiens.
Giovanni Maria, violoniste et compositeur (Montecorone, près de Modène,
1642 - Modène 1678). Il fut probablement
l’élève de Marco Uccellini et étudia la
théorie et le contrepoint avec A. Bendinelli. Membre de l’Accademia Filarmonica de Bologne, il fut nommé, en 1671,
violoniste à la chapelle de la cathédrale de
Modène, puis, à partir de 1673, maître de
chapelle.
G. M. Bononcini fut le représentant le
plus important de l’école instrumentale de
Modène à la fin du XVIIe siècle. Il marqua
de son talent la sonate d’église et la sonate
de chambre, refusant toute virtuosité
purement instrumentale, si ce n’est dans
les Arie, correnti e sarabande op. 4, pièces
écrites pour lui-même et son protecteur
Obizzo Guidoni. Ses sonates de chambre
représentèrent la dernière étape de l’évolution aboutissant, en 1685, à l’opus 2 de
Corelli. Quelques-uns de ses recueils de
musique instrumentale portent de jolis
titres comme son opus 1 : I primi frutti del
giardino musicale pour 2 violons et continuo (1666).
Giovanni, parfois appelé, à tort, Giovanni Battista, compositeur (Modène
1670 - Vienne v. 1755). Fils du précédent,
il fut l’élève de son père, de G. P. Colonna,
à Bologne, et étudia le violoncelle avec G.
Buoni. Il publia à Bologne, dès l’âge de
quinze ans, Trattenimenti da camera op.
1. En 1687, il entra à la chapelle San Petronio de Bologne comme violoncelliste, puis
à l’Accademia Filarmonica, avant de devenir maître de chapelle de San Giovanni in
Monte. De 1689 à 1696, il se trouva à Rome
au service du cardinal Pamphili. Après un
bref séjour à Venise, il se rendit à Vienne
où il fut nommé, en 1700, compositeur
de la cour de Léopold Ier. Il séjourna en-
suite à Berlin, à Milan, à Londres (1716),
à Rome (1719) et, en 1720, de nouveau à
Londres où il devint le rival de Haendel
en tant que compositeur d’opéras italiens
(l’Odio e l’Amore, 1721 ; Crispo et Griselda,
1722 ; Erminia et Farnace, 1723 ; Calfurnia,
1724 ; Astianatte, 1727). Accusé de plagiat,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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mêlé aux querelles entre prime donne (la
Bordoni et la Cuzzoni), il dut quitter la
capitale anglaise malgré la protection du
duc de Marlborough. Après des séjours
à Paris et à Lisbonne, il mourut dans la
misère à Vienne.
Son oeuvre, distinguée et de grande
qualité, comprend des concertos, des sinfonie, des pièces de clavecin et des sonates,
des cantates, des duos, une vingtaine de
sérénades, environ 27 opéras (quelquesuns sont peut-être d’Antonio Maria, son
frère), des oeuvres religieuses (messes,
motets, Te Deum, Anthem funèbre pour
John, duc de Marlborough) et 7 oratorios
dont La Conversione di Maddalena et Ezechia.
Antonio Maria, compositeur, parfois
appelé, à tort, Marc’Antonio (Modène
1677 - id. 1726). Fils de Giovanni Maria
et frère du précédent, élève de son père et,
peut-être, de G. P. Colonna, il remporta
un premier grand succès avec l’opéra Il
Trionfo di Camilla, représenté à Naples en
1696. En 1702, il séjourna à Berlin avec
son frère Giovanni ; puis il le retrouva à
Vienne, où il fit jouer un grand nombre
d’opéras et d’oratorios de 1704 à 1711. Il
séjourna à Rome (1714), à Milan (1715),
avant de regagner Modène (1716), où il
fut chef d’orchestre aux théâtres Molza
(1716-1721) et Rangoni (1720) et maître
de chapelle à la cour du duc Rinaldo
d’Este, de 1721 à sa mort.
Antonio Maria a laissé des opéras, des
oratorios, un Stabat Mater et une messe.
Sa musique sacrée est d’une grande
beauté. Certains opéras sont d’authenticité douteuse ; peut-être sont-ils confondus avec ceux de son frère Giovanni.
Giovanni Maria, dit Angelo, violoncelliste (Modène 1678 - ?). Demi-frère d’An-
tonio Maria et de Giovanni, il fut violoncelliste à la chapelle de la cathédrale de
Modène.
BONPORTI (Francesco Antonio), compositeur italien (Trente 1672 - Padoue
1749).
Il étudia à Innsbruck et à Rome, peut-être
auprès de Corelli, obtint un bénéfice à la
cathédrale de sa ville natale, puis vécut à
Padoue, à partir de 1740. « Gentiluomo
di Trento », il fut ordonné prêtre et montra, mais en vain, encore plus d’ambition
dans sa carrière ecclésiastique que dans
sa carrière musicale. De ses douze recueils
publiés (l’opus 1 en 1696 et l’opus 12
après 1745), tous sont profanes sauf l’opus
3. Les opus 8 et 9 ont disparu. Ces recueils
ne regroupent pas six ou douze ouvrages
chacun, comme d’usage à l’époque, mais
dix. Bonporti a surtout cultivé le style da
camera (sonates en trio). De ses Invenzioni
a violine solo op. 10 (1712), quatre (nos 2
et 5 à 7) ont été copiées par J.-S. Bach et
même publiées sous son nom.
BONTEMPI (Giovanni Andrea Angelini,
dit), compositeur, chanteur et théoricien
italien (Pérouse v. 1624 - id. 1705).
Chantre à Saint-Marc de Venise dès 1643,
il se rendit à Dresde en 1650 où il devint
vice-maître de chapelle sous l’autorité de
Schütz. L’architecture, les sciences physiques tenaient une grande place dans sa
vie, et il fut également à partir de 1650
ingénieur des machines du théâtre de
Dresde. Il faut citer ses opéras Il Paride
(1662), le premier opéra italien représenté en Allemagne du Nord (Dresde), et
Dafne (1671). C’est à Schütz qu’il dédia un
ouvrage théorique : Nova quatuor vocibus
componendi methodus (Dresde, 1660).
BONYNGE (Richard), pianiste et chef
d’orchestre australien (Sydney 1930).
Après des études de piano dans sa ville
natale, il se produit d’abord comme pianiste dans son pays, puis choisit d’aller
travailler à Londres. Il débute comme
chef d’orchestre à Rome en 1962 et se
consacre alors essentiellement à la direction d’orchestre et à la musicologie, liant
étroitement ces deux activités. Avec sa
femme, la cantatrice Joan Sutherland, il
fait connaître, au théâtre, au concert et par
le disque, de nombreuses oeuvres oubliées
du XVIIIe et du XIXe siècle, notamment,
dans le répertoire italien du bel canto classique et romantique. Dans l’exécution des
partitions qu’il fait revivre, comme dans
celle d’oeuvres connues et consacrées, il
cherche à restituer un mode d’exécution
authentique, sur le plan du tempo, de
l’effectif orchestral, du choix des types vocaux et du style de chant (ornementation,
etc.). Ces recherches, aboutissant généralement à une interprétation plus « légère »
que l’interprétation traditionnelle, ont
touché non seulement l’opéra italien, mais
certaines oeuvres françaises (Meyerbeer)
et le Don Juan de Mozart.
BOOSEY AND HAWKES.
Maison d’édition musicale et fabrique
d’instruments londonienne, issue de la
fusion, en 1930, des firmes Boosey and Co.
et Hawkes and Son.
La maison Boosey datait de 1792 environ, la maison Hawkes de 1865. Depuis
la dernière guerre, son activité s’est étendue à de nombreuses succursales étrangères (États-Unis, Canada, Afrique du
Sud, Australie, France, Allemagne, etc.).
Son important catalogue comprend des
oeuvres de R. Strauss, Stravinski, Prokofiev, Britten, Martinºu, Offenbach, Smetana, Bartók, etc. Boosey and Hawkes a
acquis en 1996 le fonds de la maison allemande Bote und Bock (fondée à Berlin en
1838).
BORDES (Charles), compositeur français
(Rochecorbon 1863 - Toulon 1909).
Élève d’Antoine François Marmontel
(piano) et de César Franck (composition),
il devint maître de chapelle à Nogent-surMarne (1887), puis à Paris, à l’église SaintGervais (1890). Il mit sur pied une chorale, les chanteurs de Saint-Gervais, qui se
spécialisa dans le répertoire polyphonique
sacré et profane des XVe, XVIe et XVIIe s., et
se produisit dans toute la France. Chargé
d’une mission officielle au Pays basque
(1889-90), il recueillit et publia une centaine de chansons populaires (Archives
de la tradition basque). Fondateur, avec
Vincent d’Indy et Alexandre Guilmant, de
la Schola cantorum (1894), il en créa une
filiale à Montpellier. Son intense activité
d’animateur et de pionnier de la décentralisation artistique eut raison de ses forces,
et il disparut brutalement, au cours d’une
tournée, à quarante-six ans.
Ses oeuvres, comprenant notamment
des mélodies, sont peu nombreuses, mais
son influence fut importante dans la
connaissance de la musique de la Renaissance, dont il édita des anthologies, et de
musiciens de l’époque classique comme
Rameau ou Clérambault.
BORDONI (Faustina), soprano italienne
(Venise 1700 - id. 1781).
Ses débuts à Venise, en 1716, dans l’Ariodante de Pollarolo, furent suivis d’immenses succès dans toute l’Italie, puis en
Allemagne et à Vienne. En 1726, Haendel
la recruta pour sa troupe d’opéra italien
de Londres où elle continua de triompher. Mais une rivalité demeurée fameuse
l’opposa à Francesca Cuzzoni, provoquant
une division dans le public et des incidents
graves. De retour en Italie, elle épousa, en
1730, le compositeur Johann Adolf Hasse.
Leurs carrières furent dès lors parallèles,
essentiellement partagées entre Dresde et
l’Italie. Excellente actrice, Faustina Bordoni possédait un timbre mordant et une
brillante technique de l’ornementation.
BORG (Kim), basse finlandaise (Helsinki
1919).
Il se destine à la chimie avant de se tourner vers le chant, qu’il étudie à l’Académie Sibelius (1947-48), puis à Stockholm
(1948). Sa carrière internationale débute
en 1951, lorsqu’il chante à Copenhague
le rôle de Méphisto dans le Faust de Gounod. La même année, son interprétation
du rôle de Colline dans la Bohème lui vaut
des engagements aux États-Unis. En 1956,
il chante à Glyndebourne le rôle-titre de
Don Giovanni et la Kovantschina à l’Opéra
d’État de Munich sous la direction de
Frenc Fricsay. Paris le découvre dans une
Neuvième Symphonie de Beethoven dirigée
par Igor Markevitch et dans un récital de
mélodies avec le pianiste Erik Werba, son
accompagnateur depuis 1951. Son ample
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
110
tessiture lui permet d’aborder aussi bien
les rôles de basse que de baryton, et il
accorde une grande importance au respect de la diction, quelle que soit la langue
abordée.
Il enseigne de 1972 à 1990 au Conservatoire royal de Copenhague, puis se retire
à Humlebaek, près de cette dernière ville.
Outre de nombreux rôles d’opéra et d’oratorio, il a enregistré notamment des lieder
de Schubert et de Schumann, les Chants et
danses de la mort de Moussorgski (dont il
a orchestré lui-même la partie de piano) et
des mélodies de ses compatriotes Sibelius
et Kilpinen.
BOŘKOVEC (Pavel), compositeur
tchèque (Prague 1894 - id. 1972).
Il prit d’abord des leçons particulières de
composition avec Josef Bohuslav Foerster et Jaroslav Křička. De 1925 à 1927, il
fut, au conservatoire de Prague, l’élève
de Josef Suk, qui l’éveilla au postromantisme. Sous cette influence, il écrivit le
poème symphonique Stmívání et sa 1re
symphonie (1926-27). Après avoir sacrifié
à la mode et s’être placé dans le sillage de
Stravinski et Honegger, il évolua vers un
style vigoureux, s’apparentant au Hindemith didactique, avec son concerto grosso
(1941-42), son 2e concerto pour piano
(1949-50) et ses deux derniers quatuors
à cordes (1947 et 1961). Deux autres symphonies (1955 et 1959) témoignent de son
goût pour la construction classique alliée
à des recherches polytonales et fondée
sur un solide métier de contrapontiste
rythmique. De 1946 à 1964, il enseigna
au conservatoire de Prague et forma une
grande partie de l’école musicale tchèque
actuelle.
Il a laissé des oeuvres pour piano, 5 quatuors à cordes, des sonates, 3 symphonies,
4 concertos, le ballet Krysař (Le preneur
de rats joue de la flûte, 1939), deux opéras, Satyr (le Satyre, 1937-38) et Paleček
(Tom Pouce, 1945-1947), des mélodies,
des choeurs, des madrigaux.
BORODINE (Aleksandr Porfirievitch),
compositeur russe (Saint-Pétersbourg
1833 - id. 1887).
« Je suis un musicien du dimanche », affirma Borodine lui-même. De fait, la musique resta toujours une occupation secondaire pour ce fils naturel du prince Lucas
Guedeanov, qui fit sa carrière comme professeur de chimie à l’Académie militaire
de médecine. Peut-être cela explique-t-il
le caractère restreint de sa production et
la lenteur de son rythme de travail. Boro-
dine reçut des leçons de flûte, violoncelle,
hautbois et, surtout, des leçons de piano
de sa mère. S’étant lié d’amitié avec Moussorgski et Balakirev, en 1862, il participa à
la constitution du groupe des Cinq. Tout
en partageant les idées fondamentales du
groupe, il se montra moins hostile que ses
condisciples à l’emprise germanique sur la
musique russe.
« Je suis moi-même, de nature, un
lyrique et un symphoniste. Je suis attiré
par les formes symphoniques. » Balakirev
l’encouragea, d’ailleurs, dans cette voie
de la musique pure (1re symphonie, 18621867). Liszt, qui considérait la musique
russe comme le seul courant de vitalité depuis le Parsifal de Wagner, en fit l’éloge. La
2e symphonie (1869-1876), menée de pair
avec le Prince Igor, reflète l’influence de cet
opéra. Vraie symphonie héroïque russe,
elle symbolise le rôle historique que Borodine a joué : une synthèse entre la Russie
et l’Occident par un mélange des sources
populaires et des formes classiques ou
romantiques européennes. Malgré la lenteur avec laquelle cette oeuvre a été élaborée, l’inspiration en est d’une richesse et
d’une aisance étonnantes et les mélodies
naissent spontanément. N’a-t-on pas dit
qu’il y a dans le Prince Igor la matière d’au
moins cinq opéras ? Commencée en 1869,
l’oeuvre demeura inachevée à sa mort et
fut terminée par Rimski-Korsakov et Glazounov.
Le compositeur crée deux univers différents, l’un russe - celui d’Igor -, avec
ses thèmes francs et diatoniques, l’autre
oriental - celui de Kontchak -, avec son
chromatisme, par exemple les Danses polovtsiennes ou la cavatine de Kontchakovna. Il préfère les formes italiennes traditionnelles (revues par Glinka) au style
récitatif de Moussorgski. Le souci de la
ligne générale l’emporte sur les détails. La
voix occupe la première place, l’orchestre
la seconde.
En 1880, Borodine contribua à fêter
les vingt-cinq ans de règne d’Alexandre
III avec Dans les steppes de l’Asie centrale,
mais ses sentiments politiques étaient ambigus. Son libéralisme donna la clé d’un
certain nombre de ses mélodies, telles que
la Princesse endormie, Chanson dans la
forêt sombre, la Mer, dont la vraie lecture
est parabolique.
L’écriture de Borodine souligne son
attachement à la simplicité de la ligne
mélodique, à la légèreté et à l’agilité du
contrepoint, à la clarté d’une harmonie
riche en modulations. Le 2e quatuor, la 2e
symphonie, à l’orchestration singulièrement audacieuse, connaissent une juste
célébrité.
BORREL (Eugène), musicologue français
(Libourne 1876 - Paris 1962).
Élève de Vincent d’Indy, il fonda en 1909,
avec Félix Raugel, la Société Haendel,
dont l’activité fut grande entre 1909 et
1913. Borrel réédita des oeuvres de musique ancienne pour le violon, instrument
dont il jouait lui-même et qu’il enseigna
à la Schola cantorum. Ses recherches
portèrent principalement sur les maîtres
français des XVIIe et XVIIIe s., comme l’indiquent les titres de ses principaux écrits :
l’Interprétation de la musique française de
Lully à la Révolution (Paris, 1934 ; rééd.
Paris, 1977) ; Jean-Baptiste Lully (Paris,
1949).
BORTNIANSKI (Dimitri), compositeur
ukrainien (Gloukhovo, Ukraine, 1751 Saint-Pétersbourg 1825).
Choriste à la chapelle impériale, il travailla à Saint-Pétersbourg avec Baldassare
Galuppi (1765-1768) et suivit ce dernier à
Venise. Il se perfectionna aussi à Bologne
avec le padre Martini, puis à Rome et à
Naples. Il rentra en Russie en 1779, et fut
nommé directeur de la chapelle impériale de Paul Ier en 1796. Il composa des
oeuvres pour la scène, puis se consacra à la
musique religieuse. Il préconisa une étude
attentive des chants neumatiques des XIIe
et XIIIe s., qui devaient, selon lui, « contribuer à la naissance d’un style nouveau,
d’une école foncièrement russe ». C’était
là un langage neuf, qui annonçait étrangement les théories de Glinka. Tchaïkovski étudia les partitions de Bortnianski
et en dirigea la réédition. Les oeuvres vocales (mélodies religieuses à 3 ou 4 voix,
psaumes orthodoxes, 35 concerts à 4 voix,
10 concerts pour 2 choeurs, une messe,
etc.) remplissent 10 volumes et furent publiées, à Moscou, aux alentours de 1880.
Bortnianski écrivit aussi 3 opéras - tous
trois créés en Italie -, 4 opéras-comiques
de style français, des sonates et une symphonie.
BÖRTZ (Daniel), compositeur suédois
(Hässelholm 1943).
Élève de H. Rosenberg et de K.-B.
Blomdahl, il effectue des voyages d’études
en Allemagne, France, Italie et Hollande
(musique électronique à Utrecht avec M.
Koenig). Börtz se distingue par son intérêt pour les idées philosophiques nées
de Hesse et de Kafka et pour les prolongements du mouvement musical né
avec Mahler et Bruckner ; sa Kafka-Trilogi (1966-1968, 1968 et 1969), les opéras Landskab med flod (1972) tiré de Sid
dharta de Hesse, et Baccgabterna (19881990), en témoignent talentueusement.
BOSCHOT (Adolphe), musicologue et
critique musical français (Fontenaysous-Bois 1871 - Neuilly-sur-Seine 1955).
Il fut surtout le biographe minutieux et
enthousiaste de Berlioz, mais on ne peut
oublier ni ses livres sur Mozart ni ses
traductions des livrets du même compositeur. Critique musical à l’Écho de Paris
(1910-1938), Adolphe Boschot fut élu,
en 1926, à l’Académie des beaux-arts et,
succédant à Ch.-M. Widor, en devint le
secrétaire perpétuel en 1937. Ses travaux
sur Berlioz comprennent : l’Histoire d’un
romantique, en 3 volumes, I.la Jeunesse
d’un romantique ; II.Un romantique sous
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
111
Louis-Philippe ; III.le Crépuscule d’un romantique (Paris, 1906-1912, rééd. Paris,
1946-1950) ; le Faust de Berlioz (Paris,
1910 ; rééd. Paris, 1945).
BOSCOVITCH (Alexander), compositeur
et chef d’orchestre israélien (Cluj, Roumanie, 1907 - Tel-Aviv 1964).
Il fit ses études à l’Académie de musique
de Vienne et à Paris avec Paul Dukas,
Nadia Boulanger et Alfred Cortot. Il devint chef d’orchestre de l’Opéra de Cluj,
fonda et dirigea un orchestre symphonique juif, l’Orchestre Goldmark. Invité
en Palestine, en 1938, pour la première
exécution de sa suite d’orchestre la Chaîne
d’or, inspirée de mélodies juives d’Europe
de l’Est, il s’installa dans le pays et devint
un des pionniers de la musique israélienne
par ses compositions (concerto pour vio-
lon, 1942 ; concerto pour hautbois, 1943,
rév. 1960 ; Suite sémite, 2 versions, piano
ou orchestre, 1946) et par les articles qu’il
publia. Vers la fin de sa vie, il se tourna
vers la technique sérielle (Concerto da camera pour violon et 10 instruments, 1962 ;
Ornements pour flûte et orchestre, 1964).
Sa cantate Fille d’Israël (1960) témoigne
de son intérêt pour les relations entre la
musique et la langue hébraïque, et pour la
mystique de la kabbale.
BOSE (Hans-Jürgen von), compositeur
allemand (Munich 1953).
Il fait ses études au conservatoire (19691972) et à la Hochschule für Musik (19721975) de Francfort avec, notamment,
Hans Ulrich Engelmann. On note dans la
création de von Bose deux tendances, apparemment contradictoires. L’une, proche
du modernisme, poursuit une démarche
rationnelle qui enjoint au matériau musical une évolution prédéterminée ; on y rattache des oeuvres comme Labyrinth II pour
piano (1987) et, surtout, le troisième Quatuor à cordes (1986-1987), où le compositeur s’appuie sur des fonctions logiques
pour élaborer des structures complexes
sur le plan rythmique et sur celui de l’intonation. L’autre tendance, plus proche du
postmodernisme, vise un art « subjectif »
qui touche immédiatement et de manière
simple l’auditeur : opéra Traumpalast 63,
créé à Munich en 1990, conglomérat de
styles variés, d’allusions diverses ; ou Solo
pour violoncelle, 1979, réplique ambitieuse à l’écriture polyphonique baroque.
De son catalogue font partie aussi Morphogenesis pour orchestre (1975), Travesties in a Sad Landscape pour orchestre de
chambre (1978), l’opéra Chimäre d’après
Lorca (Aix-la-Chapelle, 1986), les « scènes
lyriques » Die Leiden des jungen Werthers,
d’après Goethe (1983-1984, créé à Schwetzingen en 1986), l’oeuvre liturgique... Im
Wind gesprochen (1984-1985), Labyrinth I
pour orchestre (1987), Seite Textos de Miguel Angel Bustos pour soprano, accordéon
et violoncelle (1991).
BÖSENDORFER, famille de facteurs de
pianos autrichiens.
Ignaz (Vienne 1796 - id. 1849) fonda, en
1828, la firme Bösendorfer, que dirigèrent
plus tard son fils Ludwig (Vienne 1835 - id.
1919), puis les fils de celui-ci, Alexander et
Wolfgang Hutterstrasser. Inaugurée en
1872 avec un récital de Hans von Bülow,
la salle de concerts Bösendorfer demeure
un haut lieu de la vie musicale viennoise.
Les pianos Bösendorfer sont aujourd’hui
parmi les instruments de concert les plus
réputés.
BOSKOWSKY (Willi), violoniste et chef
d’orchestre autrichien (Vienne 1909 Visp, Suisse, 1991).
Il a fait ses études à l’Académie de musique de Vienne où, à partir de 1935, il a
enseigné le violon. Premier violon solo de
l’Orchestre philharmonique de Vienne
à partir de 1939, il a créé l’Octuor de
Vienne, en 1948, et en a été également le
premier violon. Puis il a fondé l’Ensemble
Mozart de Vienne. En 1955, il a succédé
à Clemens Krauss à la tête de l’Orchestre
philharmonique pour les concerts du nouvel an. Depuis 1969, il dirige l’orchestre
Johann Strauss de Vienne et fait des célèbres valses sa spécialité.
BOSSINENSIS (Francesco), luthiste et
arrangeur italien (début du XVIe s.).
Son nom est lié aux premières transcriptions de frottole (pièces vocales à 4 voix)
pour voix soliste et luth, publiées chez Ottaviano Petrucci, à Venise, en 2 volumes
(1509, 1511), sous le titre Tenori e contrebassi intabulati col sopran in canto figurato
per cantar e sonar lauto. Les compositions
utilisées par Bossinensis étaient de la
main de divers auteurs, dont, en particulier, Bartolomeo Tromboncino. Dans ses
arrangements, Bossinensis les fit précéder
de courtes pieces uniquement instrumentales (ricercari), destinées au luth. Les versions pour voix seule et luth de chansons à
plusieurs voix, qui se répandirent alors un
peu partout en Europe, ne peuvent encore
être qualifiées de monodies accompagnées, car leur écriture demeurait dépendante de leur origine polyphonique.
BOSSLER (Heinrich), éditeur allemand
(Darmstadt 1744 - Gohlis, près de Leipzig, 1812).
Il fonda sa maison d’édition en 1781 à
Spire où, de 1788 à 1790, il fit paraître la
revue Musikalische Realzeitung, puis la
transféra en 1792 à Darmstadt et en 1799
à Gohlis. À sa mort, son fils Friedrich lui
succéda, mais la firme cessa ses activités
en 1828. Chez Bossler à Spire parurent
notamment en 1783 les trois sonates WoO
47 de Beethoven dédiées au prince-électeur Maximilian Friedrich de Cologne.
BOSTON (vie musicale à).
Dès les premiers temps de la colonisation, Boston connut une activité musicale importante. À la fin du XVIIe s., on
y trouvait déjà un magasin de musique,
des professeurs et des théoriciens. La plus
ancienne référence à un public de concert
et de théâtre date de 1731. La vie musicale
y prit un essor considérable au XIXe s. Une
école de chant fondée en 1815, la Haendel
and Haydn Society, devint célèbre pour
l’étude des grands maîtres européens.
Des ensembles vocaux et instrumentaux,
des orchestres amateurs ou semi-professionnels, des journaux et des éditeurs
de musique, des sociétés de concert se
constituèrent. Le premier festival de musique des États-Unis eut lieu à Boston,
en 1858. En 1867, deux ans après celui
d’Oberlin (Ohio), qui avait été le premier
du pays, naquit un autre conservatoire, le
New England Conservatory. Une troupe
d’opéra apparut en 1879, mais le premier
théâtre d’opéra n’ouvrit ses portes qu’en
1909.
C’est surtout à son Orchestre symphonique que Boston doit, depuis près
d’un siècle, son renom musical. Fondé
par Henry Lee Higginson en 1881, cet
orchestre n’a jamais cessé d’être constitué de quelques-uns des meilleurs instrumentistes d’Europe et d’Amérique. À
sa tête se sont succédé George Henschel,
Wilhelm Gericke, Arthur Nikisch, Emil
Paur, Karl Muck, Henri Rabaud, Pierre
Monteux, Serge Koussevitski, Erich Leinsdorf et, depuis 1974, Seiji Ozawa. Depuis
Koussevitski, l’Orchestre symphonique
de Boston favorise la création en passant
des commandes à des compositeurs. On
ne saurait oublier, d’autre part, le Boston Pops Orchestra, longtemps dirigé par
Arthur Fiedler, qui, sur une esplanade
spécialement aménagée, donne, pour des
foules énormes, des concerts essentiellement consacrés à des oeuvres populaires.
BOTE UND BOCK.
Maison d’édition fondée à Berlin en 1838,
et qui, depuis 1945, se consacre très largement à la musique contemporaine.
Elle a été rachetée en 1996 par Boosey
and Hawkes.
BOTSTIBER (Hugo), musicologue autrichien (Vienne 1875 - Shrewsbury, Angleterre, 1941).
Élève de Guido Adler, il occupa jusqu’en
1938 d’importants postes musicaux et
administratifs à Vienne, et, en 1927, mena
à terme la grande biographie de Haydn de
Carl Ferdinand Pohl, laissée inachevée par
la mort de ce dernier en 1887.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
112
BOTTESINI (Giovanni), contrebassiste,
compositeur et chef d’orchestre italien
(Crema 1821 - Parme 1889).
Il apprit d’abord le violon, puis entra au
conservatoire de Milan, où la seule place
vacante fut dans la classe de contrebasse.
Ce Paganini de la contrebasse dut donc sa
carrière de virtuose au hasard. Il débuta
dans des orchestres italiens, mais Verdi lui
conseilla de tenter une carrière de soliste.
Bottesini voyagea beaucoup (La Havane,
Londres, Paris, Palerme, Barcelone). Directeur de l’orchestre du Théâtre-Italien à
Paris (1855-1857), il fut nommé, en 1871,
directeur du Lyceum Theatre de Londres
et, à la demande de Verdi, dirigea la première d’Aïda au Caire. Il fut ensuite directeur du conservatoire de Parme, jusqu’à
sa mort.
Bottesini a promu son instrument à un
rôle de soliste et sa Grande Méthode complète de contrebasse a fait date. Il a composé 4 opéras, dont Ero e Leandro (1879),
et, surtout, un concerto, un Grand Duo
concertant et une tarentelle pour la contrebasse.
BOTTRIGARI (Ercole), théoricien et
compositeur italien (Bologne 1531 - id.
1612).
De famille riche et illustre, il travailla la
composition avec Bartolommeo Spontone
et écrivit quelques madrigaux dans sa jeunesse. Par la suite, il se consacra essentiellement à l’étude des lois scientifiques de la
musique. Il fut conseiller d’État à Bologne
(1551), puis, de 1575 à 1586, vécut à la
cour de Ferrare, où il connut le Tasse et
fréquenta les milieux humanistes.
Il Desiderio, publié sous le pseudonyme de
Alemanno Benelli (Venise, 1594), décrit la
manière de faire de la musique dans les
différentes Accademie : d’intéressantes
descriptions y abondent ; on y trouve aussi
une discussion concernant l’accord des
instruments et leur classement. D’autres
ouvrages théoriques de Bottrigari ont
pour titres : Il Patricio (Bologne, 1593) et
Il Melone secondo (Ferrare, 1602).
BOUCHE.
Ouverture latérale des tuyaux d’orgue
dits, justement, « à bouche », pour les distinguer des tuyaux à anche.
Cette bouche, qui s’ouvre horizontalement sur la partie aplatie du tuyau, comporte deux lèvres et une langue qui dirige
l’air sous pression vers la lèvre supérieure,
d’où l’effet vibratoire. Le principe est donc
le même que celui du sifflet ou de la flûte
à bec. On appelle également bouche le trou
ovale qui constitue l’embouchure de la
flûte traversière.
BOUCHÉ (son).
Tous les instruments de la famille des
cuivres peuvent en principe recevoir une
sourdine qui obture partiellement le pavillon. Ce cône d’aluminium ou de carton
bouilli (parfois, l’instrumentiste plonge
simplement sa main dans le pavillon) a
pour effet non seulement d’assourdir le
son de l’instrument, mais d’en modifier le
timbre, surtout dans le cas de la trompette,
qui, bouchée, revêt un tout autre caractère. Ce procédé est d’usage extrêmement
fréquent dans le jazz.
BOUCHE FERMÉE.
Indication que l’on trouve dans la musique
vocale et, plus particulièrement, chorale,
et qui a pour but d’obtenir un effet quasi
instrumental, le chant n’étant pas articulé.
Cet effet sert souvent d’accompagnement : par exemple, une voix soliste peut
chanter un texte sur un accompagnement
à bouche fermée fourni par les choeurs.
BOUCHERIT (Jules), violoniste et pédagogue (Morlaix 1877 - Paris 1962).
Il commence le violon avec sa mère - qui
enseigne également le piano - et entre en
1890 au Conservatoire, où il obtient son
1er prix deux ans plus tard. En 1894, il devient violon solo de l’Orchestre Colonne
et entame une carrière internationale qui
le mène à se produire avec Alfred Cortot
ou Magda Taglieferro. Nommé professeur
de violon au Conservatoire de Paris en
1920, il abandonne sa carrière de soliste
pour se consacrer à l’enseignement, qu’il
pratique également à l’École normale de
musique ou au Conservatoire d’été de
Fontainebleau. Michèle Auclair, Serge
Blanc, Devy Erlih, Christian Ferras, Ivry
Gitlis, Ginette Neveu et Manuel Rosenthal
figurent parmi ses élèves.
BOUCOURECHLIEV (André), compositeur français d’origine bulgare (Sofia
1925).
Il a commencé ses études à l’Académie de
musique de sa ville natale, puis est venu à
Paris en 1949. À l’École normale de musique, il a étudié le piano avec Reine Gianoli et l’harmonie avec Georges Dandelot,
avant d’enseigner lui-même le piano dans
cet établissement, de 1952 à 1960. Il a aussi
été l’élève de Walter Gieseking et travaillé,
de 1957 à 1959, au studio de phonologie
de Milan, où il rencontra Luciano Berio et
Bruno Maderna et composa Texte I (195758). En 1960, il réalisa à l’O. R. T. F. une
autre oeuvre électroacoustique, Texte II. Le
contact avec les jeunes musiciens italiens,
les cours de Darmstadt, les réflexions sur
la musique sérielle (objet d’une enquête
qu’il fit pour la revue Preuves), les rencontres avec Boris de Schloezer et avec
Pierre Boulez furent d’importantes étapes
dans son développement. Ses ouvrages
répondent souvent à des pulsions de vie
ou de mort. « Certaines oeuvres, dit-il,
m’offrent le modèle de ma propre mort.
Simple pressentiment peut-être, mais on
ne peut nier que des pulsions s’exercent
au moment de la création, qu’elles parlent
à leur manière en déterminant un climat
et certaines figures. L’oeuvre parle parfois
plutôt que l’homme corporel. »
Il écrivit Musique à trois pour flûte,
clarinette et clavecin (1957), une Sonate
pour piano (1959-60), Signes pour deux
percussions, flûte et piano (1961). Son
premier succès fut sans doute Grodek
pour soprano, flûte et 3 percussions sur
un texte de Georg Trakl (1963, création au
Domaine musical). De 1966 date Musiques
nocturnes pour piano, clarinette et harpe.
Mais l’oeuvre qui attira définitivement
l’attention sur lui fut Archipel I pour 2 pianos et percussion, une des réussites indéniables de la musique « aléatoire » (création au festival de Royan en 1967, version
2 pianos 1968). Suivirent Archipel II pour
quatuor à cordes (Royan, 1969), Archipel
III pour piano et 6 percussions (Paris,
1969), Archipel IV pour piano (Royan,
1970), et finalement Anarchipel pour 6
instruments concertants (harpe amplifiée, clavecin amplifié, orgue, piano et 2
percussions). À partir de cette dernière
pièce, composée en 1970-71 et créée en
1972, on peut réaliser divers Archipels V
pour chaque instrument seul (Archipel Vb
pour clavecin, Archipel Vc pour orgue...).
« Les partitions de la pièce sont comme de
grandes cartes marines sur lesquelles les
quatre interprètes sont amenés à choisir, à
orienter, à concerter, à modifier sans cesse
le cours de leur navigation, jamais deux
fois la même entre les îles d’un archipel
toujours nouveau à leurs regards. Dans
ces eaux incertaines, ils ne vont cependant pas à la dérive : s’ils ne se voient ni
n’échangent des signes de ralliement, ils
s’écoutent, parfois s’appellent. Et c’est
dans cette communion étroite, proprement musicale, de tous les instants, qu’ils
tracent leur route imprévisible, mais partagée. La moindre décision de l’un engage
totalement celle de l’autre. C’est dire que
cette dépendance, où ils exercent leur
liberté de choix, exclut totalement toute
idée de hasard » (Boucourechliev, à propos d’Archipel I).
En 1970, Boucourechliev a donné
Ombres, « Hommage à Beethoven » pour
11 instruments à cordes, et, en 1971, Tombeau « à la mémoire de Jean-Pierre Guézec »
pour clarinette et percussion, ou piano.
Suivirent Faces pour 2 orchestres avec 2
chefs (1971-72), Amers pour 19 instruments (1972-73), Thrène pour choeurs,
récitants et bande magnétique (1973-74),
Concerto pour piano (1974-75), et Six
Études d’après Piranese pour piano (1975).
Le Nom d’OEdipe, sur un livret de Hélène
Cixous, a été créé en oratorio à RadioFrance le 27 mai 1978, et scéniquement
à Avignon le 26 juillet 1978. En mai 1980
a été entendu Orion, pour orgue, en avril
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
113
1981 Ulysse, pour flûte (s) et percussions et
en 1983 Orion III pour piano. Suivirent en
1984 Nocturnes pour clarinette et piano,
Lit de Neige pour soprano et 19 instrumentistes, Le Miroir, 7 répliques pour
un opéra possible pour mezzo-soprano
et orchestre (1987). En 1988 fut créé à
Genève les Cheveux de Bérénice. Suivirent
Quatuor à cordes no 2 (1991), Quatuor-Miroir II (1992), Trois Fragments de MichelAnge pour soprano, flûte et piano (1995).
Grand prix musical de la Ville de Paris
en 1976, Boucourechliev enseigne depuis
cette même année à l’université d’Aix-enProvence. Il exerce également une activité
de critique. Parmi ses travaux de musicographe, des livres sur Schumann (1956),
Beethoven (1963) et Igor Stravinski (1982),
un Essai sur Beethoven (1991), le Langage
musical (1993).
BOUÉ (Georgette, dite Géorï), soprano
française (Toulouse 1914).
Après des études et des débuts à Toulouse, elle se perfectionna à Paris. Elle
débuta à l’Opéra-Comique, en 1939, dans
le rôle de Mimi de la Bohème de Puccini
et à l’Opéra, en 1942, dans celui de Marguerite de Faust de Gounod. Elle fit une
superbe carrière en France et fut invitée
sur de grandes scènes étrangères. Sa voix
limpide, capable de charme et de brio,
était d’un type caratéristique de l’école
française de chant, et elle faisait merveille
dans de grands rôles du répertoire français : Marguerite, Mireille dans l’opéra de
Gounod, Thaïs dans l’opéra de Massenet.
Elle fut aussi une interprète célèbre du duc
de Reichstadt dans l’Aiglon d’Ibert et de
Honegger, et de Desdémone dans Othello
de Verdi. Plus tard dans sa carrière, elle
fit d’intéressantes incursions dans l’opéra
contemporain (Colombe de Damase, le
Fou et les Adieux de Landowski).
BOUFFE (ital., opera buffa, « opéra
bouffe »).
Adjectif que l’on attribue à un genre de
spectacle particulièrement comique.
En France, au XIXe s., on qualifia de
« bouffe » le chanteur (basse bouffe, etc.),
la troupe, le théâtre (les Bouffes-Parisiens,
créé par Offenbach) qui se consacraient à
ce genre.
BOUFFONS (querelle des).
Querelle
français
débuta à
tations,
Servante
entre les partisans de l’opéra
et ceux de l’opéra italien, qui
Paris en 1752, lors de représenpar la troupe des Bouffons, de la
maîtresse de Pergolèse. J.-J.
Rousseau, parmi les admirateurs de
l’ouvrage italien, profita du succès de
celui-ci pour critiquer, dans sa Lettre
sur la musique française (1753), l’opéra
français, illustré alors par Rameau : le
récitatif n’avait pas le naturel de celui
d’outre-monts, les choeurs manquaient de
simplicité avec leur écriture contrapuntique, l’harmonie et l’orchestre étaient
trop riches ; la langue française était
jugée incompatible avec la musique. Aux
attaques du coin de la reine dirigé par
Rousseau, le coin du roi riposta : les spectacles des Bouffons ne comportaient que
des airs et ne pouvaient rivaliser avec les
grandes tragédies lyriques. La « guerre »
devint aussi bien littéraire que musicale :
on ridiculisait le merveilleux dans l’opéra
français, tandis que l’on appréciait les personnages réalistes et de condition modeste
que les intermèdes italiens mettaient en
scène. La querelle des Bouffons s’inscrit,
ainsi, dans ce mouvement en faveur de
la « nature », qui a bouleversé la pensée
européenne au milieu du XVIIIe siècle.
BOUKOFF (Youri), pianiste bulgare naturalisé français (Sofia 1923).
Il manifeste très tôt des dons exceptionnels et étudie au Conservatoire de Sofia,
tout en poursuivant ses études secondaires au collège allemand de cette ville.
En 1938, il donne son premier récital et
en 1946 il reçoit le 1er Prix du Concours
national de Bulgarie. Doté d’une bourse
d’études pour la France, il entre dans la
classe d’Yves Nat au Conservatoire de
Paris, où il obtient l’année suivante le 1er
Prix, premier nommé. Il se perfectionne
ensuite auprès de Georges Enesco, Marguerite Long et suit les cours d’Edwin Fischer à Lucerne. De 1947 à 1952, il est lauréat de plusieurs concours internationaux
(Marguerite Long en 1949 et Reine Élisabeth en 1952) et commence une brillante
carrière en France et dans le monde. Sa
triple culture, bulgare, allemande et française, fait de lui un artiste à la personnalité
originale et riche, européen comme a pu
l’être un Liszt. Il a réalisé le premier enregistrement intégral des sonates pour piano
de Prokofiev.
BOULANGER (Lili), femme compositeur
française (Paris 1893 - Mézy, Yvelines,
1918).
Ayant commencé ses études musicales
avec sa soeur Nadia, elle signa sa première
mélodie, la Lettre de mort, à onze ans et
entra au Conservatoire en 1909. Elle y
fut l’élève de Georges Caussade pour le
contrepoint et de Paul Vidal pour la composition. Particulièrement douée et précoce, Lili Boulanger révéla très vite une
sensibilité aiguë, une aptitude à atteindre
le plus grand pathétique. Avec sa cantate Faust et Hélène, elle fut la première
femme à obtenir le premier grand prix
de Rome (1913). Mais la guerre l’empêcha de séjourner à la Villa Médicis autant
qu’elle l’eût aimé ; de plus, elle souffrait
déjà de la maladie qui devait l’emporter à
vingt-cinq ans. Elle rentra à Paris et poursuivit sa carrière créatrice, se penchant
avec prédilection sur des textes religieux
ou funèbres. Son auteur préféré semble
avoir été Maeterlinck ; elle mit plusieurs
de ses poèmes en musique et commença,
d’après sa Princesse Maleine, un opéra qui
demeura inachevé. Elle se retira à Mézy et
y composa sa dernière oeuvre, un Pie Jesu
pour soprano, orgue, quatuor à cordes et
harpe. Ainsi s’éteignit, si jeune, un talent
fécond et d’une surprenante puissance.
Le catalogue de Lili Boulanger comprend surtout de la musique vocale : des
mélodies avec piano, Renouveau pour
quatuor vocal et piano, des Psaumes (24
pour ténor, choeur et ensemble instrumental ; 129 pour choeur et orchestre ;
130 pour contralto, choeur et orchestre),
la Vieille Prière bouddhique (1917) pour
ténor, choeur et orchestre. On y trouve
également des pièces pour piano, diverses
oeuvres instrumentales dont une sonate
pour violon et piano inachevée, de la
musique symphonique (dont 2 poèmes
symphoniques, Un matin de printemps et
Un soir triste), la cantate Faust et Hélène
et l’opéra la Princesse Maleine, demeuré
inachevé.
BOULANGER (Nadia), femme compositeur et pédagogue française (Paris
1887 - id. 1979).
Dès son enfance, elle aima profondément
la musique et se passionna toute sa vie
pour son enseignement. Élève de Guilmant pour l’orgue et de Gabriel Fauré
pour la composition au Conservatoire de
Paris, elle obtint le second grand prix de
Rome en 1908. Elle fut le guide affectueux
de sa jeune soeur Lili. Elle devint assistante
à la classe d’harmonie du Conservatoire
de Paris (1909-1924), professeur à l’École
normale de musique (1920-1939) et au
conservatoire américain de Fontainebleau
(1921-1939) où elle enseigna l’harmonie,
le contrepoint, l’histoire de la musique.
De 1940 à 1945, elle professa aux ÉtatsUnis et donna des concerts à la tête de
l’Orchestre symphonique de Boston et de
l’Orchestre philharmonique de New York.
Nommée professeur à la classe d’accompagnement du Conservatoire de Paris en
1945, elle prit la direction du conservatoire américain de Fontainebleau en 1950.
Il est impossible de citer tous les musiciens connus, venus du monde entier, qui
furent, à leurs débuts, les élèves de cette
pédagogue extraordinaire. Nadia Boulanger joua un rôle capital pour les rapports
musicaux entre la France et les États-Unis.
Elle eut toujours le souci de servir la cause
des jeunes musiciens qu’elle estimait de
valeur. Le rayonnement de son enseignement a éclipsé ses dons de compositeur, de pianiste et de chef d’orchestre.
Elle composa peu, mais se dévoua à faire
connaître, outre les oeuvres de sa soeur,
celles des maîtres français de la Renaissance, celles de Bach, de Schütz. Elle a pardownloadModeText.vue.download 120 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
114
ticulièrement contribué à la redécouverte
des madrigaux de Monteverdi qui, encore
inconnus du grand public, furent enregistrés par un ensemble vocal et instrumental
qu’elle dirigeait elle-même du clavier. En
1977, l’Académie des beaux-arts lui remit
sa grande médaille d’or. Parmi ses nombreuses activités, elle fut également maître
de chapelle du prince de Monaco. Ses
oeuvres comprennent des pièces d’orgue,
une Rhapsodie pour piano et orchestre,
une cantate, Sirène, un cycle de mélodies
écrit en collaboration avec Raoul Pugno,
les Heures claires, et une oeuvre lyrique
inédite, la Ville morte, d’après Gabriele
D’Annunzio (également avec R. Pugno).
BOULAY (Laurence), claveciniste française (Boulogne-sur-Seine 1925).
Elle a étudié le clavecin, l’harmonie, le
contrepoint au Conservatoire de Paris.
Elle a soutenu une thèse sur l’interprétation de la musique française au XVIIIe s., et
préparé de nombreuses éditions d’oeuvres
de maîtres français des XVIIe et XVIIIe s.
Elle est l’une des meilleures interprètes
des oeuvres de François Couperin. Elle a
enseigné à partir de 1968, au Conservatoire de Paris, la réalisation de la basse
continue au clavecin.
BOULEZ (Pierre), compositeur et chef
d’orchestre français (Montbrison, Loire,
1925).
Ce n’est qu’après avoir suivi la classe de
mathématiques spéciales à Lyon que Boulez choisit de se consacrer à la musique
et s’installa à Paris (1942). Il suivit, au
Conservatoire, les cours d’Olivier Messiaen (premier prix d’harmonie en 1945),
travailla le contrepoint avec Andrée Vaurabourg-Honegger et la méthode dodécaphonique avec René Leibowitz. Nommé
directeur de la musique de scène de la
Compagnie Renaud-Barrault (1946),
il fonda, en 1954, sous ce patronage, les
Concerts du Petit-Marigny, devenus, l’année suivante, le Domaine musical, dont
le rôle fut capital dans la diffusion de la
musique contemporaine en France - Boulez devait en céder la direction à Gilbert
Amy en 1967.
En 1958, cédant à l’invitation pressante
de la station de radio du Südwestfunk
de Baden-Baden et de son directeur, H.
Strobel, Boulez se fixa à Baden-Baden.
Son audience en Allemagne était, en effet,
très grande, surtout depuis la création
du Marteau sans maître (Baden-Baden,
1955), la première oeuvre à lui assurer un
large public ; pendant ce temps, la France
continuait de l’ignorer, du moins officiellement. Professeur d’analyse, de composition musicale et de direction d’orchestre
à la Musikakademie de Bâle (1960-1966),
il fut professeur invité à l’université Harvard en 1962-63, période où il rédigea
son ouvrage théorique Penser la musique
aujourd’hui. Son activité de chef d’orchestre s’intensifia et s’internationalisa :
il créa Wozzeck à l’Opéra de Paris en
1963, donna des concerts avec l’orchestre
de Cleveland, auprès duquel il exerça les
fonctions de conseiller musical (1970-71),
et fut chef principal de l’Orchestre symphonique de la BBC à Londres de 1971 à
1975 et directeur musical de l’Orchestre
philharmonique de New York de 1971 à
1977. En 1976, dix ans après avoir dirigé
Parsifal à Bayreuth à la demande de Wieland Wagner, il fut chargé d’y conduire,
à l’occasion du centenaire du festival,
l’Anneau du Nibelung, dans une mise en
scène de Patrice Chéreau. Ce spectacle
fut redonné sous sa direction jusqu’en
1980. Il a pris ses fonctions de directeur
de l’I. R. C. A. M. à la fin de 1975, et a été
nommé en 1976 professeur au Collège de
France.
« J’ai toujours pris Debussy pour
modèle, j’ai toujours lu et analysé ses
partitions. Avec Webern et Messiaen,
c’est mon plus grand, mon permanent
modèle. » Ainsi Pierre Boulez indique-til, en 1958, les références - reniées par la
suite - de sa première étape créatrice. Il
faudrait y ajouter, sur le plan rythmique,
Stravinski (son étude Stravinski demeure
analyse magistralement l’organisation
rythmique du Sacre du printemps). De
fait, le premier problème rencontré par le
compositeur au lendemain de la guerre est
celui de l’organisation rationnelle et totale
de tous les paramètres du monde sonore.
Ses premières oeuvres sont autant d’étapes
dans la fertilisation de l’héritage des trois
Viennois, Schönberg, Berg et Webern :
Sonatine pour flûte et piano (1946), Première Sonate pour piano (1946), Deuxième
Sonate pour piano (1947), Livre pour quatuor (1949) où Boulez propose un traitement sériel, outre des hauteurs, de tous les
autres paramètres, pris successivement. La
généralisation sérielle ne s’accomplit que
dans Polyphonie X pour 18 instruments
solistes (1951), un symbole graphique
représentant le croisement de certaines
structures, et dans le premier livre des
Structures pour 2 pianos (1952). La série
devint pour Boulez « un mode de pensée
polyvalent, et non plus seulement une
technique de vocabulaire », et s’élargit à
la structure même de l’oeuvre engendrée.
L’introduction de certaines possibilités de
choix (réaction à un excès de contrainte)
est, pour lui, une autre manière de poser
des problèmes de forme dans un univers
relatif, en perpétuelle variation, et d’esquisser de nouveaux rapports entre l’interprète et le compositeur.
En réalité, avant les Klavierstücke (1956)
de Stockhausen, Boulez souleva la question : choix et ordonnance des mouvements dans le Livre pour quatuor (1949),
de certains parcours de la Troisième Sonate pour piano (1957) - tous néanmoins
écrits, prévus et donc assumés par l’auteur
(par ex., Formant no 3, Constellation-Miroir, imprimé en deux couleurs pour souligner la structure : vert, les points ; rouge,
les blocs) - pour atteindre, en principe,
une improvisation à deux par le biais des
choix successifs et de l’interaction dans
le second livre des Structures pour piano.
Doubles pour orchestre (1957), devenu en
1964 Figures, Doubles, Prismes, remet en
question l’organisation fixe de l’orchestre.
Outre ses marges d’initiative dans la partie
centrale, Éclat pour 15 instruments (1964),
devenu en 1970 Éclat-Multiples, pose des
problèmes d’interprétation des signes directionnels, tandis que, dans Domaines,
pour clarinette et 21 instruments (1968),
le clarinettiste, par ses déplacements, sollicite la réponse d’un des 7 groupes disposés
en cercle et détermine ainsi la forme de
l’oeuvre (la seconde partie étant un miroir
de la première).
D’autre part, Pierre Boulez a toujours
été intéressé par les rapports du texte et de
la musique. Après le Soleil des eaux (1948)
et Visage nuptial (1951), c’est encore à
René Char, qui représente une « concentration de langage », que Boulez s’adresse
pour le Marteau sans maître (1954). Le
texte et son contenu conditionnent la
structure : 3 cycles très différenciés et s’interpénétrant autour d’un noyau, le poème
(doublement présent dans le troisième),
dont les deux autres pièces, instrumentales, constituent le développement, le
commentaire. Le compositeur poursuit sa
recherche avec les Deux Improvisations sur
Mallarmé (1957), où il tente la « transmutation » de Mallarmé en musique, Poésie
pour pouvoir (1958), un essai de spatialisation sans lendemain sur un texte d’Henri
Michaux, puis Cummings ist der Dichter
(1970), où le texte est seulement utilisé
comme élément sémantique sonore.
Le souci de la sonoristique est, en
effet, porté à un haut degré chez Boulez. Il ne faut pas oublier son stage chez
Pierre Schaeffer en 1952, où il réalisa
Deux Études de musique concrète, même
s’il n’avait alors vu dans la bande qu’un
instrument de spéculation rythmique.
Son goût pour le raffinement des timbres
éclate dans le Marteau sans maître : c’est
non seulement « du Webern qui sonne
comme du Debussy » (H. Strobel), mais
presque la création d’un univers sonore
extrêmement oriental. Cette prédilection
se perçoit aussi à travers les mélismes du
Livre pour cordes (1968), recomposition de
deux mouvements du Livre pour quatuor
de 1948 ; les combinaisons de couleurs
d’Éclat, la libération totale des sons dans
Explosante-Fixe (1972-1974) ; et la grandeur hiératique de Rituel « In memoriam
Maderna « (1974-1975).
Depuis 1964, Boulez poursuit principalement son idée de « work in progress », d’oeuvre en devenir, c’est-à-dire
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
115
d’une musique pouvant être développée,
transformée à l’infini : une conception
de l’oeuvre ouverte, mobile. Ainsi Pli
selon pli intègre-t-il, dès 1960, les Deux
Improvisations sur Mallarmé (1957) et
ne trouve-t-il sa version définitive qu’en
1969. Ainsi Figures-Doubles-Prismes pour
orchestre (1964) est-il un nouveau travail,
très expressionniste, à partir de Doubles
(1957), le Livre pour cordes (1968) un élargissement pour orchestre du Livre pour
quatuor (1949), Multiples pour orchestre
(1970) un développement d’Éclat pour 15
instruments (1964). Boulez donne donc
une série de miroirs d’un premier état.
Cette démarche est l’un des fondements
de Répons pour ensemble instrumental,
solistes et dispositif électro-acoustique
(1981-1984...), oeuvre concrétisant un travail de plusieurs années à l’IRCAM et par
laquelle, depuis Pli selon pli, Boulez a fait
le plus sensation. En 1985 ont été créés
Dialogue de l’ombre double pour clarinette
et bande, en 1988 Dérive 2 pour 11 exécutants et en 1989 l’ultime version du Visage
nuptial ainsi que Antiphonies pour piano
et ensemble de chambre.
Pour imposer la musique du XXe s. et
ses conceptions personnelles, le compositeur a dû s’engager très tôt dans la polémique (Schönberg est mort, 1952), et bien
des oeuvres ont été accompagnées d’une
réflexion théorique (Son et verbe, 1958 ;
Éventuellement, 1952). Relevés d’apprenti
(1966) réunit des articles parus avant
1962. Penser la musique aujourd’hui
(1963), condensé des cours de Darmstadt
et de Bâle, est « une investigation méthodique de l’univers musical » et de sa tentative déductive de construire un système
cohérent. Par volonté et par hasard (1975),
Points de repère (1981) et Jalons pour une
décennie (1989) actualisent cette réflexion.
Une nouvelle édition de ses écrits a été
lancée pour son 70ème anniversaire, inaugurée avec Points de repère I : Imaginer
(1995).
BOULIANE (Denys), compositeur canadien (Grand-Mère, Québec, 1955).
Élève de Jacques Hétu et de Roger Bédard, chargé de cours pour l’harmonie,
le contrepoint et l’instrumentation à
l’université Laval de Québec de 1978 à
1980, il a également travaillé avec Ligeti
à Hambourg (1980-1985). Il est actuellement directeur de l’Ensemble XXe Siècle
de l’Orchestre symphonique de Québec et
conseiller artistique du même orchestre, et
enseigne depuis septembre 1995 la composition à l’université McGill de Montréal
tout en résidant fréquemment à Cologne.
On a parlé à son sujet de « musique du
réalisme magique ». Il s’est imposé en
1982 avec Jeux de société pour quintette
à vent et piano (1978-1980, rév. 1981), et
parmi ses ouvrages, on peut citer Comme
un silène entr’ouvert pour 7 instrumentistes et bande (2 versions, 1983-1985), À
propos... et le Baron perché ? pour 10 instrumentistes (1985), Das Affenlied pour
soprano solo d’après Gottfried Benn (en
hommage à Ligeti, 1988), Une soirée Vian,
méta-cabaret pour 8 musiciens (19901991), Concerto pour orchestre (Variations
sans thème) pour orchestre (1988-1995).
BOULT (sir Adrian), chef d’orchestre
anglais (Chester 1889 - Farnham 1983).
Ayant, pendant ses études à Oxford,
décidé de devenir chef d’orchestre, il
travailla à Leipzig avec Nikisch, puis, en
1918, débuta avec l’Orchestre philharmonique de Londres. Il enseigna la direction
d’orchestre au Royal College of Music à
partir de 1920. De 1930 à 1942, il assuma
la responsabilité de toutes les émissions
musicales de la BBC. Lorsque l’Orchestre
symphonique de la BBC fut créé, en 1930,
il en devint le premier chef et le resta
jusqu’en 1950. Parmi les nombreux autres
postes qu’il occupa, citons la direction de
l’Orchestre philharmonique de Londres
(1950-1957). Il a été anobli en 1937. Respecter les intentions de l’auteur, toujours
conserver la clarté, donner à l’auditeur
l’impression d’une absence d’effort, telles
sont, d’après sir Adrian Boult, les conditions d’une interprétation idéale. Son
vaste répertoire va de Bach et Haendel à
ses compatriotes, Holst, Elgar, Vaughan
Williams.
BOUNINE (Revol), compositeur soviétique (Moscou 1924 - id. 1976).
Élève de Chebaline et de Chostakovitch
au conservatoire de Moscou, Bounine a
voulu suivre l’évolution spirituelle de
Chostakovitch, tentant de faire évoluer
l’académisme miakovskien vers la simplicité épique, puis désespérée de Chostakovitch. Il a laissé 8 symphonies (19431970), des cycles vocaux sur des textes de
Pouchkine, Nekrassov, Essenine, Petöfi,
une Symphonie concertante pour violon et
orchestre (1972), des concertos pour alto
(1953) et pour piano (1963), des quatuors
(no 1, 1943 ; no 2, 1956), un quintette avec
piano (1946).
BOUR (Ernest), chef d’orchestre français
(Thionville 1913).
Il a fait des études de piano, d’orgue et de
théorie à Strasbourg et a été, pour la direction d’orchestre, l’élève de Fritz Munch
et de Hermann Scherchen. Dès 1934,
il organisa à Strasbourg, avec le chef et
compositeur Frédéric Adam, des concerts
de musique de chambre contemporaine.
Dans les années 40 et 50, il occupa des
postes pédagogiques et de chef d’orchestre
à Mulhouse et à Strasbourg, et, en 1964,
succéda à Hans Rosbaud comme chef de
l’orchestre du Südwestfunk de BadenBaden, fonctions qu’il devait conserver
jusqu’en 1979. À ce titre, il joua un rôle
de premier plan dans la diffusion de la
musique contemporaine et participa régulièrement au festival de Donaueschingen.
Il a été l’invité d’honneur du festival de
Royan en 1977, et, de 1976 à 1987, il a
occupé les fonctions de chef invité permanent de l’Orchestre de chambre de la radio
d’Hilversum.
BOURDELOT (Pierre Michon, dit l’abbé),
médecin et mélomane français (Sens
1610 - Paris 1685).
Praticien réputé, il fut médecin du prince
de Condé, puis, en 1642, obtint une des
charges de médecin auprès de Louis XIII.
Mélomane passionné, il amassa une multitude de documents et de renseignements
afin d’écrire une Histoire de la musique. Il
entreprit ce travail en collaboration avec
son neveu Pierre Bonnet. Mais ce fut le
frère de celui-ci, Jacques Bonnet, qui le
termina et le fit paraître, en 1715, sous le
titre Histoire de la musique et de ses effets
depuis son origine jusqu’à présent... par M.
Bourdelot (Paris, 1715 ; 2e éd., Amsterdam, 1725). Cet ouvrage de compilation,
fort intéressant, contient de nombreuses
inexactitudes.
BOURDIN (Roger), flûtiste français (Mulhouse 1923 - Versailles 1976).
Disciple de Jacques Chalande, Marcel
Moyse et Fernand Caratgé, il fit ses études
au conservatoire de Versailles (où il devint
professeur en 1943) et au Conservatoire
de Paris. À 17 ans, il obtint le poste de flûte
solo aux Concerts Lamoureux. Il fonda un
duo de flûte et harpe avec Annie Challan
et un quatuor de flûtes avec Jean-Pierre
Rampal, Pol Mule et M. Vigneron. De
nombreuses oeuvres pour flûte lui sont dédiées. Il a composé Atlantide (1949) pour
quatuor de flûtes, un ballet (Une certaine
lady), des pièces pour flûte avec orgue
et contrebasse (À la mémoire de Maurice
Ravel, Votre concerto, Mr. Lully à la cour,
etc.).
BOURDIN (Roger), baryton français (Levallois 1900 - Paris 1974).
Élève d’lsnardon et de Gresse au Conservatoire de Paris, il débuta à l’Opéra-Comique, en 1922, dans le rôle de Lescaut de
Manon de Massenet. À l’Opéra de Paris,
où il débuta en 1942, il fut notamment le
créateur du rôle de Bolívar dans l’opéra de
Milhaud (1950). Sa carrière internationale
le conduisit notamment à Londres pour
chanter le rôle de Pelléas en 1930. Il fut
professeur au Conservatoire de Paris. Ce
fut un artiste à la diction, au style et à la
musicalité parfaits, et un excellent acteur.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
116
BOURDON.
Grondement grave, note tenue, associée
depuis le Moyen Âge à la notion d’accompagnement.
Certains instruments populaires (cornemuse, vielle à roue) ont un système dit
bourdon pour tenir une note grave. On appelle également bourdon l’avant-dernière
corde grave du luth, de la basse de viole et,
en Angleterre notamment, la voix grave
qui soutient le chant improvisé des parties
supérieures.
Appliqué à l’orgue, ce terme désigne la
famille de jeux de fonds, à tuyaux généralement en bois et de section carrée, ou plus
rarement en métal. Bouché à son extrémité, le tuyau de bourdon sonne à l’octave
grave de sa longueur réelle, avec un timbre
particulièrement doux. C’est l’un des jeux
de base de l’orgue, au pédalier comme à
tous les claviers. Il sert à l’accompagnement du chant, mais aussi comme fondamental avec les jeux de détail, dans les
ensembles de fonds et dans les pleins jeux.
BOURGAULT-DUCOUDRAY (Louis
Albert), compositeur français (Nantes
1840 - Vernouillet, Yvelines, 1910).
Alors qu’il achevait ses études de droit à
Nantes, il fit représenter au théâtre Graslin un petit opéra-comique, l’Atelier de
Prague, dont le succès le décida à entrer
au Conservatoire de Paris dans la classe
d’Ambroise Thomas (1860). Grand Prix
de Rome en 1862, il se lia, à la Villa Médicis, avec Massenet, Guiraud et Paladilhe.
Revenu à Paris en 1868, il fonda l’année
suivante une chorale avec laquelle il interpréta des oeuvres de Bach, des oratorios
de Haendel et de Haydn. Envoyé en Grèce
en mission officielle, pour recueillir des
mélodies populaires, il en publia plusieurs
recueils, puis se livra à des recherches
semblables en Bretagne et en Écosse. Il
fut professeur d’histoire de la musique au
Conservatoire de Paris, de 1878 à 1908. Il
composa des mélodies, des cantates, des
pages symphoniques, dont plusieurs utilisent des thèmes et modes grecs d’origine très ancienne, et plusieurs ouvrages
lyriques.
BOURGEOIS (Jacques), critique musical
français (Londres 1918).
Il a débuté dans la critique musicale en
collaborant aux revues Disques et ArtsSpectacles. Intéressé par toutes les formes
de spectacle (le premier ouvrage qu’il a
publié est une étude sur le cinéaste René
Clair), il n’a pas tardé à se passionner
pour le chant. L’essentiel de ses travaux,
comme de ses activités, de présentateur
radiophonique concerne l’opéra et l’art
vocal. Il a été l’un des premiers à prôner
le retour à l’école du bel canto. Il a été, de
1971 à 1981, directeur artistique du festival d’Orange. Il a écrit un Richard Wagner
(Paris, 1959 ; rééd. 1976) et un Giuseppe
Verdi (Paris, 1978).
BOURGEOIS (Loys), compositeur français (Paris v. 1510-1561).
Chantre à Saint-Pierre de Genève, où son
nom apparaît dans les archives à partir
de 1545, il resta à Genève jusqu’à la fin
de 1552. Ce séjour détermina en grande
partie la nature de son oeuvre. Il publia,
en effet, à Lyon, en 1547, deux livres de
psaumes à 4 parties ; un livre de 83 autres
psaumes parut en 1554 et, selon Fétis,
il en aurait publié 83 encore à Paris en
1561. Loys Bourgeois fut en grande partie responsable de la mise en musique du
psautier huguenot. Il traita généralement
les textes syllabiquement (une note = une
syllabe). Bourgeois est également l’auteur
d’un ouvrage didactique, le Droict Chemin
de musique (Genève, 1550), et de quelques
chansons profanes.
BOURGOGNE (cour de).
Au XVe siècle, à Dijon, capitale des ducs de
Bourgogne, pendant les règnes de Philippe
le Bon (1419-1467) et de son fils Charles le
Téméraire (1467-1477), la musique ainsi
que les autres arts tiennent une place très
importante dans toutes les festivités, dont
la nature nous est rapportée par Olivier
de la Marche, qui, lui-même, y avait participé activement. Au service de cette cour,
riche en couleurs et en manifestations
somptueuses, un brillant groupe de musiciens, mis à part les oeuvres écrites pour la
liturgie catholique, cultive la chanson dite
« bourguignonne », généralement conçue
à trois voix (G. Dufay, A. Busnois, G. Binchois, P. Fontaine, mais aussi l’Anglais R.
Morton). Pour terminer la célèbre fête du
faisan (1454), on donne le motet de Dufay
(Lamentation Sanctae Matris Constantinopolitanae) avec comme cantus firmus
un verset des Lamentations de Jérémie
pour pleurer la chute de la ville en 1453 (
! ÉCOLE FRANCO-FLAMANDE).
BOURRÉE.
Danse populaire française à deux ou trois
temps, encore pratiquée dans le Berry et le
Massif central.
Adoptée par l’aristocratie, au début
du XVIIe s., et devenue danse de cour, la
bourrée a inspiré de nombreux musiciens
qui l’ont fait figurer non seulement dans
l’opéra-ballet, mais dans des suites (Bach,
Haendel, etc.). Dans le vocabulaire de la
danse académique, le « pas de bourrée »
n’a que de lointains rapports avec l’original folklorique.
BOUTRY (Roger), compositeur et chef
d’orchestre français (Paris 1932).
Entré au Conservatoire de Paris à onze
ans, il y a fait des études traditionnelles
et a été l’élève, notamment, de Tony
Aubin (composition) et de Louis Fourestier (direction d’orchestre). Il a obtenu
de nombreux prix, dont le grand prix de
Rome en 1954, et a fait ses débuts de chef
d’orchestre en 1955. Nommé professeur
d’harmonie au Conservatoire de Paris en
1967, il est devenu en 1972 chef de la musique de la garde républicaine de Paris et a
entrepris des tournées à travers le monde.
Boutry a composé un oratorio, le Rosaire
des joies (1957), de la musique symphonique et, bien entendu, de la musique
d’harmonie ainsi que des pièces instrumentales.
BOUTZKO (Iouri), compositeur russe
(Loubny 1938).
Élève de Bakassanian (composition) au
conservatoire de Moscou, il devient, en
1968, assistant dans ce même conservatoire et se met à étudier les chants russes
anciens, les éléments archaïsants d’un
folklore d’origine paysanne ou religieuse.
Il réussit, comme ses confrères Prigojine
ou Slonimski, à se dégager des poncifs
académiques en honneur à Moscou en
utilisant des matériaux sonores empruntés à l’ancienne Russie, cependant qu’une
prosodie extrêmement évoluée apparaît
dans ses opéras, oratorios et cantates. Son
oeuvre s’est imposée par le Journal d’un
fou, opéra-monologue d’après Gogol
(1964), les Nuits blanches, opéra d’après
Dostoïevski (1968), Apocalypse, nouvelle
chorégraphique (1973), l’Histoire de la
révolte de Pougatchev (1968), 4 Chants
russes anciens (1969), Concerto polyphonique pour 4 claviers (orgue, célesta, piano,
clavecin, 1969), des mélodies, des sonates
et un quatuor à cordes.
BOUZIGNAC (Guillaume), compositeur
français, originaire du Languedoc (fin du
XVIe s. - apr. 1643).
Il devint enfant de choeur à la cathédrale
de Narbonne avant de diriger, en 1609,
la maîtrise de la cathédrale de Grenoble.
Il fut un temps au service de G. de la
Chanlonye, juge-prévôt à Angoulême. Il
semble qu’il ait été maître des enfants à
Rodez et à Tours. Il travailla aussi pour
le duc de Montmorency, gouverneur du
Languedoc. En fait, nos connaissances
biographiques à son sujet sont très fragmentaires. Ajoutons à cela qu’il n’a laissé
aucune oeuvre imprimée ; mais les témoignages de ses compatriotes sont fort élogieux (Mersenne, Harmonie universelle,
1636 ; Gantez, l’Entretien des musiciens,
1641).
La musique de Bouzignac n’est accessible que dans deux manuscrits, conservés
l’un à la bibliothèque de Tours, l’autre à
la Bibliothèque nationale. Ils contiennent
trois messes à 2, 3 et 7 voix, des motets,
des psaumes, des hymnes (4 à 7 voix) et
quatre chansons françaises. Une soixantaine de motets, des messes et les chansons
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
117
françaises se trouvent dans des éditions
modernes. Bien que dix oeuvres seulement
soient signées de la main de Bouzignac, on
lui attribue généralement aujourd’hui la
totalité des oeuvres du manuscrit de Tours
(96 pièces) et une vingtaine parmi celles
du manuscrit de Paris.
À travers l’oeuvre de Bouzignac, nous
pouvons observer la pénétration en
France de l’influence italienne, puisque le
compositeur écrit dans un style proche du
madrigal dramatique de Marenzio ou de
Vecchi et cherche à traduire en musique
tous les mots du texte, utilisant au besoin
des audaces harmoniques et mélodiques.
Ses motets révèlent un élément de tension
de caractère quasi théâtral dans l’alternance du choeur et du soliste ou le dialogue des deux choeurs. Par exemple, des
scènes sacrées tirées de la vie du Christ,
comme Unus ex vobis ou encore Ecce
homo, ont certainement contribué à l’avènement de l’oratorio en France. Dans ce
domaine, Bouzignac se présente comme le
précurseur de Marc-Antoine Charpentier.
BOWMAN (James), contre-ténor anglais
(Oxford 1941).
Choriste à la cathédrale d’Ely en 1960, il
débute au sein des maîtrises d’Oxford, ce
qui lui évite une formation académique.
En 1966, Benjamin Britten l’engage dans
son English Opera Group pour chanter
Oberon dans le Songe d’une nuit d’été.
C’est le début d’une longue complicité qui
amène Britten à lui destiner son Canticle
IV, Journey of the Magi (1971) et le rôle
d’Apollon dans Mort à Venise (1973). Il
inspire aussi The Ice Break à Michael Tippett en 1977. Réhabilitant la tessiture de
contre-ténor dans la musique contemporaine, il participe aussi à la redécouverte
du répertoire baroque : dès 1967, il chante
avec David Munrow et le Early Music
Consort of London. Il s’impose dans les
oratorios de Haendel, dont Rinaldo, mis
en scène par Pizzi en 1981 à Vérone et
en 1985 au Châtelet. Il effectue de nombreuses tournées avec Christopher Hogwood et assure des master-classes depuis
1990. Après Alfred Deller, dont il n’est
pourtant pas un disciple, il a largement
contribué à redonner à la voix de contreténor un rôle désormais reconnu.
BOYAU.
Corde d’instrument à archet, faite avec la
membrane médiane de l’intestin grêle du
mouton.
Les violons étaient autrefois entièrement montés en boyaux, chanterelle comprise. L’élévation progressive du diapason
et la tension supplémentaire qui en résulte
ont entraîné le remplacement de cette
chanterelle par une corde d’acier moins
fragile ; puis, pour des raisons de sonorité,
le boyau de la corde la plus grave (sol) a été
gainé d’une spirale de fil d’argent. Longtemps, le boyau nu est resté en usage pour
les cordes intermédiaires de ré et de la,
mais il tend à disparaître complètement au
profit des cordes filées d’argent ou d’aluminium qui sonnent plus brillamment.
Les autres instruments du quatuor ne sont
pas épargnés par cette évolution. Cependant, le retour à une exécution fidèle de la
musique baroque - s’accommodant d’une
sonorité plus douce et jouée à un diapason
plus bas d’environ un demi-ton que le diapason normal actuel - a entraîné récemment la remise en honneur du boyau, dans
un usage spécialisé.
BOYCE (William), compositeur et organiste anglais (Londres 1710 - id. 1779).
Élève de Maurice Greene et de Johann
Christoph Pepusch, il poursuivit ses
études musicales malgré un début de surdité. Nommé, en 1736, compositeur de
la chapelle royale, pour laquelle il composa de nombreux services et anthems, il
reçut, l’année suivante, la charge des trois
ensembles de Gloucester, Worcester et
Hereford, connus sous le nom de Three
Choirs. En 1755, il succéda à Greene
comme maître de musique du roi. Mais,
à partir de 1769, sa surdité empirant, il se
retira à Kensington afin de se consacrer
à son célèbre recueil de musique d’église
Cathedral Music (3 vol., 1760-1778).
Grâce à cette collection, le répertoire
sacré de l’Église anglicane des XVIe, XVIIe
et XVIIIe siècles put être en grande partie
conservé.
Si Boyce fut l’un des meilleurs compositeurs anglais du XVIIIe siècle, son oeuvre
a souffert de la présence, en Angleterre, de
la personnalité immense d’Haendel. Ses
huit symphonies à 8 parties demeurent
aujourd’hui des oeuvres originales et inspirées. Boyce composa également une
soixantaine d’anthems, des services, des
ouvertures, 12 sonates en trio, des pièces
d’orgue et de clavecin, une cinquantaine
d’odes, de la musique théâtrale, des airs,
cantates, duos, contenus dans un recueil
intitulé la Lyra britannica.
BOYVIN (Jacques), organiste et compositeur français (Paris v. 1653 - Rouen
1706).
Peut-être fut-il l’élève de Lebègue. En
1674, il fut nommé organiste à la cathédrale de Rouen et conserva cette charge
jusqu’à sa mort. Après un incendie,
son orgue fut magnifiquement reconstruit par Robert Clicquot et inauguré en
1689. Cette même année, Boyvin publia
son premier Livre d’orgue, qui devait être
suivi d’un second en 1700. Chacun de ces
deux Livres contient des suites de six à dix
pièces « dans les huit tons à l’usage ordinaire des églises ». Le premier est précédé
d’un précieux Avis au public concernant
le meslange des jeux de l’orgue, les mouvements, agréments et le toucher, et le second,
d’un Traité abrégé de l’accompagnement
pour l’orgue et le clavecin. Les suites font
alterner pleins-jeux, dialogues, récits,
basses, fugues, selon la meilleure tradition française. Outre un coloriste raffiné,
Boyvin s’y montre un musicien expressif,
qui manie avec délicatesse l’harmonie et
le style fugué. Il est l’un des principaux
jalons qui mènent de Titelouze à Grigny.
BOZAY (Attilá), compositeur hongrois
(Balatonfüzfö 1939).
Il a fait ses études musicales à l’école de
musique de Békéstarhos, puis à Budapest
au Conservatoire Béla Bartók et à l’Académie Ferenc Liszt dans la classe de composition de Ferenc Farkas, d’où il est sorti en
1962. Nommé professeur de composition
au conservatoire de Szeged (1962-63), il a
été producteur à la radio hongroise (19631966), puis a séjourné à Paris grâce à une
bourse de l’Unesco (1967). Depuis son
retour en Hongrie, il s’est consacré exclusivement à la composition, remportant le
prix Erkel en 1968.
Influencé à la fois par Webern et Bartók,
Attilá Bozay use soit d’une structure très
stricte d’origine sérielle, soit d’une forme
très souple fondée sur la dynamique et les
jeux de timbre. Il semble vouloir retrouver l’esprit du verbunkos tout en se servant
de techniques de permutation (séries de
Fibonacci et de Seiber). Il s’est imposé sur
la scène internationale à côté de György
Kurtág et de Zsolt Durkó, ses aînés. Son
oeuvre comprend essentiellement des
compositions pour un instrument seul
(piano, violon, violoncelle, cithare), de la
musique de chambre pour différentes formations, dont 2 quatuors à cordes (1964,
1971), des pièces pour orchestre comme
Pezzo concertato no 1 pour alto et orchestre
(1965) et no 2 pour cithare et orchestre
(1974-75), Pezzo sinfonico no 1 (1967) et no
2 (1975-76) et Variazioni (1977), et l’opéra
la Reine Küngisz (1969).
BRAHMS (Johannes), compositeur allemand (Hambourg 1833 - Vienne 1897).
L’histoire de Johannes Brahms, c’est
d’abord celle de son père. Johann Jakob
Brahms, né en Basse-Saxe en 1806, reçut
sa formation de contrebassiste (et, accessoirement, de flûtiste et de violoniste)
dans une Stadtpfeiferei (orchestre municipal), institution typiquement allemande
dont l’origine remontait au Moyen Âge :
les membres de cette confrérie jouaient
surtout des instruments à vent et se tenaient à la disposition de quiconque avait
besoin de musiciens pour un bal, une cérémonie ou une fête publique ou privée. Dès
qu’il eut son diplôme en poche, le jeune
homme prit la route comme le voulait la
tradition. La première étape de ce voyage
à travers l’Allemagne fut aussi la dernière.
Ayant facilement trouvé à s’employer à
Hambourg, il s’y fixa pour toujours. En
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
118
1830, âgé de 24 ans, il épousa sa logeuse,
Christiana Nissen, qui avait 41 ans et
n’était guère plus riche que lui, mais joignait à une certaine culture toutes les vertus domestiques. De cette union naquirent
trois enfants, dont Johannes en 1833.
UN ENFANT PRODIGE.
La gêne financière qui pesa longtemps sur
la famille (Johann Jakob avait depuis longtemps élevé ses enfants quand il trouva
enfin une situation stable de contrebassiste
à l’orchestre philharmonique) explique en
grande partie les débuts de Johannes. Si
précocement doué qu’il imagina un système de notation musicale avant de savoir
qu’il en existait déjà un, l’enfant n’avait
qu’un défaut aux yeux de son père : sa passion de la composition et du piano. Malgré
ses préventions contre cet « instrument
de riche » (d’ailleurs absent du minuscule
logis familial) qu’il jugeait peu rentable,
Johann Jakob fit donner des leçons au
jeune garçon par un maître très estimé,
Otto Cossel, lui-même disciple d’Édouard
Marxsen, dont la réputation était grande
dans toute l’Allemagne du Nord. À 10
ans, Johannes donnait en privé son premier récital, qui lui valut d’être adopté par
l’illustre Marxsen en personne. Et celuici devait lui enseigner beaucoup plus que
l’art de jouer du piano. Compositeur sans
génie, mais technicien de premier ordre, il
forma son élève dans le culte de Bach, de
Mozart et de Beethoven.
Parallèlement à ces études classiques,
le jeune Brahms, tenu de contribuer au
maigre budget familial, se livra bientôt à
des travaux pratiques qui absorbèrent la
plus grande partie de son temps. Entre
12 et 20 ans, il enseigna, accompagna des
chanteurs ou des spectacles de marionnettes au théâtre municipal, publia sous
divers pseudonymes quantité de morceaux de danse et de fantaisies sur des airs
à la mode, donna quelques concerts, joua
de l’orgue à l’église et, le soir, tint le piano
dans des tavernes à matelots. C’est même
dans ces lieux malfamés que l’adolescent
assouvit une autre de ses passions, celle
de la lecture : tout en « tapant » des valses
et des polkas, il ne quittait pas des yeux
un livre ouvert sur le piano. Puis il rentrait chez lui par le chemin des écoliers
et se couchait à trois heures du matin, la
tête pleine de musique qu’il notait à son
réveil, quitte à la détruire ensuite. Très
perfectionniste, il ne devait rien conserver
de cette production de jeunesse qui comprend notamment d’innombrables lieder
inspirés par ses lectures. Ce goût des livres
et des longues promenades à pied n’allait
jamais le quitter. Une nuit, s’étant trop
éloigné de la ville et ayant pris le parti de
dormir à la belle étoile, il contracta une
angine. Survenant en pleine mue, cet
accident l’affligea pour longtemps d’une
« voix de fille » qui, vraisemblablement,
ne surprenait guère chez ce garçon fluet,
aux longs cheveux blonds. Il en paraissait
simplement encore plus jeune qu’il n’était.
DES RENCONTRES DÉCISIVES.
En 1849, Brahms avait fait la connaissance
d’un violoniste hongrois, Eduard Reményi, ancien condisciple du déjà illustre Joseph Joachim. Ce spécialiste de la musique
tzigane, qui apportait beaucoup de fantaisie à son interprétation des classiques,
reparut à Hambourg en 1853 et décida
Brahms, son cadet de trois ans, à l’accompagner en tournée. Cette tournée, d’ailleurs fructueuse, aboutit à Hanovre où
Joachim exerçait les fonctions de Kapellmeister de la Cour. Joachim, qui ne tenait
pas son compatriote en très haute estime,
fut, en revanche, conquis par la personnalité et le talent de Brahms ; leur rencontre
fut le point de départ d’une amitié et d’une
collaboration qui allaient durer toute leur
vie. Précédés d’une lettre de recommandation de Joachim pour Liszt, Brahms et
Reményi se rendirent ensuite à Weimar.
Il ne semble pas que le jeune pianiste ait
été séduit par l’ambiance mondaine qui
régnait à l’Altenburg, où son glorieux aîné
faisait l’objet d’un véritable culte. Plus
tard, considéré à son corps défendant
comme le chef de file des adversaires de
la « musique de l’avenir », Brahms devait
rendre justice à Franz Liszt et à Richard
Wagner. À cette époque, l’élève de Marxsen était, à l’image de son maître, rebelle
à toute innovation ; même Robert Schumann le laissait indifférent.
Aussi quitta-t-il l’Altenburg sans regret, seul, Reményi ayant préféré s’attacher aux pas de Liszt. Muni par Joachim
de nombreuses lettres qui lui garantissaient l’hospitalité chaleureuse des musiciens rhénans, il descendit à pied la vallée
légendaire, s’attardant à Mayence, Bonn
et surtout Mehlem, où un riche banquier
mélomane, Deichmann, avait sa résidence
d’été. Ce fut à Mehlem qu’il commença
à apprécier la musique de Schumann, se
préparant ainsi à la fameuse rencontre de
Düsseldorf, le 30 septembre 1853. Dès le
premier contact, les deux hommes sympathisèrent. Brahms, qui s’était mis au
piano, joua sa sonate en ut majeur op.
1. Schumann l’interrompit à la fin du premier mouvement, appela sa femme Clara
et pria son jeune confrère de recommencer. Clara Schumann, la première femme
au monde - et longtemps la seule - à avoir
fait profession de virtuose du clavier,
fut à son tour conquise. Brahms, retenu
à dîner, entra d’emblée dans l’intimité
de la famille Schumann. Lui qui n’avait
prévu qu’une brève halte à Düsseldorf y
resta un mois, bientôt rejoint par Joachim.
Avant le départ de Brahms, le 3 novembre
1853, Schumann décida en secret d’offrir
un cadeau à Joachim, et c’est Brahms qui
composa le scherzo de la sonate dite F-A-E
(Frei aber einsam, la maxime de Joachim).
À Brahms Schumann réserva une autre
surprise de taille : un article dithyrambique
dans l’influente Neue Zeitschrift für Musik,
qu’il avait fondée vingt ans plus tôt à Leipzig. Après dix ans de silence, le maître
reprit la plume pour annoncer au monde
musical allemand, d’autant plus stupéfait
que les héros du jour étaient Liszt et Wagner, sa découverte d’un « nouveau messie
de l’art ». C’est aussi grâce à Schumann
que Breitkopf et Härtel édita quelques-
unes de ses premières compositions.
Le jeune Brahms fut plus intimidé
qu’encouragé par la gloire soudaine que
lui valut cet article retentissant. Il ne lui
échappa pas que les louanges de Schumann, exprimées en des termes qui ne ménageaient pas les susceptibilités du camp
adverse, allaient l’exposer à de sévères critiques. De retour à Hanovre, il mit aussi
peu d’empressement à publier ses quatre
premiers opus qu’à faire le voyage à Leipzig, « cerveau » de l’Allemagne musicale,
où Schumann et Joachim le pressaient
de se rendre. La cité saxonne lui réserva
pourtant un accueil chaleureux ; il y rencontra son premier admirateur français Hector Berlioz - et, de nouveau, Liszt, qui
lui faisait toujours bonne figure. La fin de
cette année triomphale le trouva dans sa
ville natale, où il passa les fêtes en famille.
Puis, il regagna Hanovre avec l’intention de s’y installer pour quelque temps,
mais, le 20 janvier 1854, Robert et Clara
Schumann y arrivèrent à leur tour pour
entendre l’oratorio de Schumann, le Paradis et la Péri, en présence du roi George
V. Schumann, dont l’équilibre nerveux
laissait à désirer depuis plusieurs années,
n’avait jamais paru plus heureux de vivre.
Mais, dès son retour à Düsseldorf, il allait
se jeter dans le Rhin. Brahms vola à son
secours : Schumann se trouvait dans une
clinique de Bonn, d’où il ne devait plus
sortir. Pendant les deux années de son
agonie, Brahms ne quitta guère Düsseldorf, consacrant la plus grande partie de
son temps à la famille nombreuse de son
ami : six enfants, puis, le 11 juin 1854, un
petit Félix dont il fut le parrain.
Cette situation avait naturellement favorisé entre Johannes et Clara une amitié
propice à l’épanouissement d’un amour
réciproque, qui ressemblait fort à l’idylle
de Werther et Charlotte, au point que
Brahms songea au suicide. Sans doute
se faisait-il une trop haute idée de ses
devoirs envers l’absent, et de l’amour en
général, pour succomber jamais à la tentation. Notons aussi que la fréquentation
des dames de petite vertu aidait Brahms
à garder son équilibre. Par la suite, il devait lui arriver plus d’une fois d’aimer et
d’être aimé, d’être tenté par le mariage et
cette vie de famille qui avait pour lui tant
d’attraits. Il rompit toujours au dernier
moment, sous divers prétextes, non sans
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déchirement, redoutant en fait de perdre
l’indépendance qu’il jugeait indispensable
à lui-même et à l’accomplissement de son
oeuvre. Mais la tendre amitié qui le liait à
Clara Schumann, son aînée de quatorze
ans, dura toute leur vie ; Brahms l’accompagna dans ses tournées, et l’on ne saurait
sous-estimer la part que prit la grande pianiste à la diffusion de sa musique.
DE HAMBOURG À VIENNE.
Cette douloureuse épreuve n’avait pas empêché Brahms d’approfondir ses connaissances musicales et littéraires, ni de donner des concerts en Allemagne du Nord,
seul ou avec Joachim. En 1857, il sollicita
et obtint le poste de chef des choeurs à la
cour du prince de Lippe, à Detmold, poste
qu’il devait occuper jusqu’en 1859, non
sans poursuivre son activité de compositeur et de concertiste. En janvier 1859
eut lieu à Hanovre la première audition
du concerto no 1 op. 15 en ré mineur pour
piano. Ce fut un succès d’estime, que suivit, cinq jours plus tard, un fiasco complet
à Leipzig. Une troisième audition à Hambourg, en mars, fut accueillie de manière à
le consoler de cet échec, mais il allait délaisser la musique orchestrale au profit du
lied et de la musique de chambre pendant
les deux années suivantes, après avoir démissionné de ses fonctions de musicien de
cour, décidément incompatibles avec son
caractère extrêmement timide. Ces deux
années, Brahms les passa à Hambourg,
dans l’espoir toujours déçu que ses concitoyens lui offriraient un poste officiel. Ou,
plus exactement, il fit de Hambourg son
port d’attache, d’où il s’éloigna fréquemment pour des séjours plus ou moins
longs à Hamm (un village des environs),
dans le Harz, à Oldenbourg, à Cologne,
etc. En fait, depuis qu’il ne vivait plus
chez ses parents, Brahms n’avait jamais
passé et ne devait jamais passer six mois
au même endroit, pas même à Vienne où
il allait bientôt trouver son point de chute
définitif.
À la fin de 1862, las d’attendre, Brahms
se rendit à Vienne, où il bénéficia d’un
accueil qui passa ses espérances, notamment de la part du célèbre critique Hanslick. Il avait 30 ans. En pleine possession
de ses moyens pianistiques, il multiplia
les concerts et en profita pour imposer
ses propres compositions, dont les Variations et fugue sur un thème de G. Fr. Haendel pour piano, que Clara avait créées en
1861. Le 6 février 1864, il eut une cordiale
entrevue avec R. Wagner aux environs de
Vienne. Un peu plus tard, il rencontrait le
« roi de la valse », Johann Strauss, près de
Baden-Baden. De 1866 à 1868, ses tournées le conduisirent jusqu’en Hollande,
à Presbourg, Budapest, Copenhague et
en Suisse, où il devait souvent retourner.
De cette période d’intense activité datent
le Requiem allemand et la Rhapsodie
pour alto, choeur d’hommes et orchestre.
En 1870, Brahms fit la connaissance de
l’éminent pianiste et chef d’orchestre
Hans von Bülow, que Wagner venait de
trahir en lui prenant sa femme Cosima, la
fille de Liszt. Hans von Bülow allait bientôt se faire l’un des plus actifs propagandistes de son nouvel ami.
1872, UN TOURNANT DANS LA CARRIÈRE DE
BRAHMS.
Nommé directeur de la Société des amis
de la musique à Vienne, le compositeur
décida de louer un véritable appartement, son premier et dernier domicile fixe
puisqu’il devait y mourir. Il exerça avec
conscience et succès ses fonctions à la
tête des grands concerts viennois, et, s’il
démissionna en 1875, c’est qu’il estimait
avoir encore mieux à faire dans le domaine de la composition. D’ailleurs, l’indépendance matérielle lui était désormais
acquise. Les droits d’auteur gonflaient son
compte en banque d’autant plus qu’il y
touchait à peine, ses cachets de concertiste
suffisant à son modeste train de vie de célibataire que le luxe ne tentait pas. Cependant, le rythme de son existence allait être
toujours à peu près le même, partagé entre
les concerts pendant la saison d’hiver et,
l’été, quelque retraite en pleine nature où
rien ne venait le distraire de la composition. C’est au bord du lac de Starnberg,
en Bavière, qu’il acheva les Variations sur
un thème de J. Haydn ; à Rügen, village de
pêcheurs sur la mer du Nord, il termina
la symphonie no 1 en ut mineur ; à Pörtschach, en Carinthie, il composa la symphonie no 2 en ré majeur, le concerto pour
violon, créé, naturellement, par Joachim,
la première sonate pour violon et piano et
les deux Rhapsodies pour piano. Au fil des
années, la part du concertiste se réduisit.
Brahms, qui n’avait jamais aimé le métier
de virtuose (de l’avis de tous les témoins,
y compris Clara Schumann, il jouait beaucoup mieux en petit comité qu’en public),
délaissa le piano au profit de la direction
d’orchestre. En 1874, le roi Louis II de
Bavière lui décerna l’ordre de Maximilien
en même temps qu’à Richard Wagner, son
aîné de vingt ans. Si l’on songe à ce que
représentait Wagner pour le jeune souverain, cette distinction donne la mesure de
la réputation que Brahms avait acquise.
En 1877, il fut aussi nommé doctor honoris
causa de l’université de Cambridge, mais
refusa obstinément de franchir le détroit
pour revêtir la toge.
Au printemps de 1878, Brahms
visita l’Italie, pays qu’il aimait beaucoup, jusqu’en Sicile, escorté de son ami
Billroth, un éminent chirurgien suisse
qui le connaissait bien. Brahms se rendit souvent au-delà des Alpes. En 1879,
c’est l’université de Breslau qui, à son
tour, le nommait doctor honoris causa ; il
la remercia en lui dédicaçant l’Ouverture
académique, composée l’année suivante,
ainsi que l’Ouverture tragique, non pas à
Pörtschach, mais à Ischl, où il était plus
tranquille. Entre-temps, le triomphe de
sa symphonie no 2, à Hambourg, lui avait
donné la satisfaction d’être enfin apprécié
dans sa ville natale. Les années suivantes,
jusqu’en 1885, furent dominées par son
intense collaboration avec Bülow, qui
venait de réorganiser l’orchestre du duc
de Saxe-Meiningen et en avait fait l’un
des meilleurs d’Allemagne. C’est Bülow
qui lança le slogan flatteur des « trois B »
(Bach-Beethoven-Brahms) ; il établit ses
programmes en conséquence et partagea
la baguette avec Brahms dans de brillantes
tournées. Les troisième (fa majeur) et quatrième (mi mineur) symphonies, le deuxième concerto pour piano en si bémol
majeur (achevé à Florence) datent de cette
époque. Puis Bülow, surmené, peut-être
agacé par la tranquille assurance de son
collaborateur, se fâcha avec lui et donna
sa démission. La brouille devait durer
jusqu’en 1887.
LE BRAHMS LÉGENDAIRE.
Aux approches de la cinquantaine, Brahms
s’était laissé pousser la barbe et apparaissait désormais tel que le représente
l’iconographie classique. L’embonpoint
aidant, son côté « gros ours » s’en trou-
vait accentué. La physionomie ouverte
était bien celle d’un bon vivant, gros mangeur, franc buveur et grand amateur de
cigares et de café, doué d’une santé de fer
et d’une résistance peu commune. Sportif
à sa manière, il plongeait au petit matin
dans les eaux glacées du lac de Starnberg
et couvrait à pied des distances invraisemblables. En société, c’était un bouteen-train d’une bonne humeur inaltérable,
partout accueilli à bras ouverts, bien que
son franc-parler eût parfois la dent dure.
Ses tourments intimes, il les gardait pour
lui et les exorcisait par la musique, avec
la pudeur qui caractérisait toutes ses actions et principalement les bonnes. Antón
Dvořák, qui végétait misérablement à
Prague, n’a jamais caché ce que sa carrière ultérieure devait à la générosité de
Brahms. Mais bien d’autres personnes on ne le sut qu’après sa mort - avaient
bénéficié d’une pareille munificence.
C’est sous son aspect le plus débraillé
que Brahms passa les étés de 1886, 1887
et 1888, en vue du lac de Thoune et de la
Jungfrau ; dans ce site qui l’enchantait, il
composa le double concerto pour violon,
violoncelle et orchestre, les sonates pour
violon en la majeur et ré mineur, la sonate
no 2 pour violoncelle, son quatrième trio,
bon nombre de choeurs et de lieder, et les
Onze Chants tziganes. Il y reçut la visite de
la jeune cantatrice Hermine Spies, pour
qui il éprouva un tendre sentiment et qui
contribua à l’inspirer. Mais cette idylle
tardive ne devait pas plus aboutir que les
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autres ; et Brahms n’écrivit plus de lieder
avant les Quatre Chants sérieux (1896), son
chant du cygne.
Le séjour d’Ischl, son ancienne résidence d’été, où il allait séjourner chaque
année à partir de 1889, ne fut pas aussi
fécond sur le plan musical : on ne peut y
rattacher que les Intermezzi et Caprices op.
116 et 117. Qu’il fût là ou ailleurs, et bien
qu’il continuât de manifester une prodigieuse vitalité quand il s’agissait de faire
bombance entre amis ou de participer à
des excursions périlleuses en Suisse ou en
Sicile, quelque chose s’était brisé en lui.
Une série de deuils et autres chagrins n’y
furent sans doute pas étrangers.
DOULEURS ET SOLITUDE.
En 1891, année du merveilleux quintette
en si mineur op. 115 et du trio op. 114
pour clarinette et cordes, se produisit une
brouille avec Clara Schumann, vieillie,
malade et aigrie. L’année suivante, il perdit sa soeur Élise et se fâcha avec son ami
Billroth à propos de Massenet, dont il
détestait la musique. En 1893, réconcilié
avec Clara, il se réfugia en Italie pour se
soustraire aux festivités organisées pour
son 60e anniversaire. Mais au lieu de le
célébrer le 7 mai à Venise, comme il en
avait l’intention, il le passa à Messine au
chevet d’un de ses compagnons, le poète
Widmann, qui s’était brisé la cheville.
En 1894 disparaissaient successivement
Billroth, Bülow et le musicologue Alfred
Spitta, dont la mort l’affecta profondément. Brahms, comme Mozart, avait heureusement rencontré « son » clarinettiste,
et c’est ainsi que sa musique de chambre,
un des domaines les plus riches et inspirés
de son oeuvre (sonates ; trios, quatuors,
quintettes souvent avec piano ; sextuors à
cordes), se trouve enrichie d’un trio en la
mineur, du quintette et de deux sonates,
qui devaient être pratiquement ses dernières oeuvres avant les tragiques et prémonitoires Chants sérieux op. 121. Ce clarinettiste, nommé Richard von Mühlfeld,
Brahms l’avait remarqué parmi les musiciens du duc de Saxe-Meiningen.
En mai 1896, Brahms arriva à Bonn
après quarante heures de chemin de fer
pour enterrer Clara Schumann. Dès le
mois suivant, sa magnifique santé l’abandonna. Il perdit l’appétit, maigrit et s’affaiblit jusqu’au 3 avril de l’année 1897, où il
succomba à un cancer du foie et rejoignit
au cimetière de Vienne ses confrères Mozart, Beethoven et Schubert.
BRAHMS, « NOUVEAU MESSIE DE L’ART ».
Deux séries de faits ont longtemps empêché une juste appréciation de la grandeur et du caractère « avant-gardiste »
de la musique de Brahms : d’une part, les
controverses qui, dans la seconde moitié
du XIXe s., opposèrent les tenants de la
« musique de l’avenir » (Wagner et Liszt)
à ceux pour qui les grandes formes instrumentales héritées du passé n’étaient pas
épuisées, et, qui, plus d’une fois, tentèrent
d’enrôler Brahms sous leur bannière ;
d’autre part, les liens évidents de Brahms
avec le passé, reflétés tant dans ses oeuvres
que dans l’admiration qu’il porta à des
maîtres anciens, en son temps, inconnus
ou tenus pour négligeables. Paradoxalement, ce second facteur est le principal
fondement de la grandeur de Brahms et
de son importance pour la musique du
XXe siècle. Schönberg le vit bien, il fut le
premier à se réclamer à la fois de Wagner
et de Brahms.
À la différence de ses prédécesseurs
immédiats, Brahms s’intéressa au passé
de façon vitale, un passé qui, pour lui,
ne s’arrêtait pas à Bach, mais remontait
jusqu’aux polyphonistes de la Renaissance, voire jusqu’aux origines du lied
allemand. À son époque, il fut à peu près le
seul à vouer un culte à Haydn, et ses séries
de variations sur des thèmes de Haendel
(pour piano) ou de Bach (finale de la symphonie no 4) furent les premières oeuvres
importantes depuis la Renaissance à puiser leurs thèmes chez des compositeurs
disparus depuis des lustres. Cela n’empêcha pas l’ombre de Beethoven d’avoir
sur lui des effets parfois inhibants, qui le
poussèrent à détruire de nombreuses partitions d’une qualité probablement comparable à celle d’autres qu’il jugea dignes
de survivre, ou à attendre la quarantaine
pour se faire connaître comme auteur de
quatuors à cordes, puis de symphonies.
Mais, de cette attitude fondamentale,
plus intense et plus vivifiante chez lui que
chez n’importe quel autre compositeur
avant le XXe siècle, de cette attitude qui
explique largement (tout en les réduisant
à l’état de péchés véniels) les citations ou
quasi-citations que contient sa musique,
Brahms tira un sens de l’ordre et de l’architecture. Cette rigueur est d’autant moins
réactionnaire qu’elle alla de pair avec une
liberté et une invention linéaire et rythmique toutes novatrices, même révolutionnaires - son écriture harmonique n’est
pas exempte d’audaces, mais, contrairement à celle de Wagner, elle apparaît toujours fonctionnelle, génératrice de formes
au sens classique. Les superpositions et
les oblitérations rythmiques existent chez
Brahms, au point de parfois annihiler le
sens de la barre de mesure, mais présentent en soi un haut degré d’organisation,
où d’aucuns ont vu l’annonce du principe
de la modulation métrique cher à Elliott
Carter, ou, plus généralement, « la source
de la structure polyrythmique de bien des
partitions contemporaines » (Schönberg).
Tout aussi important est le fait que, pardelà sa complexité rythmique (ou plutôt
de pulsation), la densité de sa polyphonie linéaire et la richesse de ses relations
motiviques, la musique ne perd jamais le
sens de la direction, en particulier à cause
du soin que le compositeur prit à conserver à ses lignes de basse agilité et mobilité.
Brahms fut un admirable coloriste, en particulier dans la demi-teinte, mais il préféra toujours la substance au brillant extérieur et, après Bach et Haydn, il s’imposa
comme le troisième grand artisan (au sens
le plus noble du terme) de l’ère classicoromantique en Allemagne. D’où, malgré
la splendeur de ses symphonies ou de ses
concertos, ses trois domaines d’élection,
tous synonymes d’intimité : le piano, la
musique de chambre et le lied (il n’aborda
ni le poème symphonique ni l’opéra). Le
sextuor à cordes la Nuit transfigurée de
Schönberg (1899) provient de Brahms
autant que de Wagner, et c’est avec pertinence qu’Adorno a fait remarquer que
Schönberg ne se serait jamais détourné de
la pompe de son temps s’il n’avait puisé
dans l’écriture « obligée » des quatuors à
cordes de Brahms.
Tout cela étant admis, il faut se garder
de qualifier Brahms, ce Nordique attiré
par Vienne, par les Tziganes et par l’Italie, de conservateur sur le plan esthétique
(par opposition à son langage). Chez
lui, esthétique et langage ne font qu’un.
Comme nul autre à son époque, il réussit
d’une part à mettre en rapport la science
musicale la plus élaborée et les origines
populaires de son art, d’autre part à
« énoncer clairement cela même qui ne se
conçoit qu’à peine et qui vit en nous obscurément en des régions où la raison n’a
pas de prise... Il est probable que, sans sa
science de l’écriture, Brahms se fût perdu,
égaré dans sa propre forêt, étouffé par ses
propres ombres, [alors que] la mélancolie
la plus vague, les désirs les plus ambigus,
les mouvements les plus flottants, les plus
changeants, les plus indéfinis du coeur,
s’expriment dans le langage le plus net, le
contrepoint le plus clair qui soient » (Romain Goldron). Si, comme d’autres musiques postérieures (Mahler, Alban Berg),
la musique de Brahms évoque globalement un paradis perdu, elle reste la première à avoir fait sienne cette démarche,
et la seule à baigner dans la nostalgie
avouée de ce paradis, dans le regret avoué
d’être née trop tard. Le paradis perdu
était encore proche : d’où la possibilité de
la démarche de Brahms, qui ne pouvait
qu’exclure les « feux et tonnerres » d’un
Berlioz et qui explique aussi les côtés
lucidement désabusés, amers parfois, de
l’homme et du musicien. Brahms ne songea jamais, comme avant lui Schumann
ou après lui Mahler, à se lancer à la poursuite d’un idéal inaccessible. Cela éclaire
les réserves qu’il suscita, mais aussi sa
position unique dans la musique germanique du XIXe siècle.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
121
BRAILLE (Louis), organiste français
(Coupvray, Seine-et-Marne, 1809 - Paris
1852).
Devenu aveugle à l’âge de trois ans, il fit
ses études à l’Institution des aveugles à
partir de 1819 et fut élève de Jean-Nicolas
Marrigues. En 1833, il fut nommé organiste à Notre-Dame-des-Champs, puis, de
1834 à 1839, à Saint-Nicolas-des-Champs,
et ensuite à l’église des Missionnaires-Lazaristes. Il fut aussi professeur à l’Institut
national des jeunes aveugles et inventa un
nouveau système d’écriture, qui est maintenant universellement employé tant pour
les textes que pour la musique.
BRǍILOIU (Constantin), ethnomusicologue roumain (Bucarest 1893 - Genève
1958).
Il étudia à Vienne et à Paris, où il fut
élève de Gédalge. Professeur à l’Académie
de musique de Bucarest, il fonda, avec
Enesco, la Société des compositeurs roumains. En 1928, il créa à Bucarest les Archives du folklore, puis, en 1944, à Genève,
les Archives internationales de musique populaire. Il se fixa, en 1948, à Paris, où il fut
nommé maître de recherches au C.N.R.S.
Ses travaux (ouvrages écrits, éditions
phonographiques du musée de l’Homme,
de l’Unesco), d’une rigueur scientifique
exemplaire appuyée sur des connaissances
musicales très complètes, ont rénové les
méthodes de l’ethnomusicologie. Pour
une bibliographie de l’oeuvre de C. Brailoiu, on peut consulter le travail d’André
Schaeffner, Bibliographie des travaux de
Constantin Brailoiu (Revue de musicologie,
1959).
BRAIN (Dennis), corniste anglais
(Londres 1921 - Hatfield 1957).
Élève de son père, Aubrey Brain, il s’imposa comme l’un des meilleurs cornistes
de sa génération et comme un soliste de
renommée internationale, avant sa mort
tragique, dans un accident de voiture, à
l’âge de 36 ans. Sa beauté de timbre ainsi
que sa maîtrise technique demeurent légendaires. De nombreuses oeuvres ont été
composées à son intention comme la Sérénade pour ténor, cor et cordes de Britten ;
le trio op. 44 pour violon, cor et piano de
Berkeley, et des concertos écrits par Gordon Jacob, Élisabeth Lutyens, Hindemith,
etc.
BRANLE.
Danse française dont l’origine remonte au
Moyen Âge, mais qui a connu une grande
vogue au XVIe s. et au siècle suivant.
La plupart des branles sont de mesure binaire ; d’autres, dits branles gais,
peuvent être ternaires. Quant à la danse
elle-même, il s’agit de former une chaîne
et de se déplacer non en avant mais latéralement. Un grand nombre de branles
(simples, doubles, de Bourgogne, etc.)
ont été publiés à Paris au XVIe siècle par
Attaignant (en particulier ceux de Claude
Gervaise) et par Du Chemin.
BRANT (Henry Dreyfus), compositeur
américain (Montréal 1913).
D’abord élève de son père, violoniste professionnel, il étudia ensuite au conservatoire de l’université McGill. En 1929, il
s’établit avec sa famille à New York, où il
continua ses études à l’lnstitute of Musical
Art et à la Juilliard School, ainsi qu’avec
Wallinford Riegger, George Antheil et
Fritz Mahler. Dans les années 30, il fut
orchestrateur et arrangeur pour Benny
Goodman, puis composa et dirigea des
oeuvres radiophoniques, des ballets et de
la musique de film à Hollywood, New
York et en Europe. Il a enseigné à l’université Columbia (1945-1952), à la Juilliard
School (1947-1954), et professe à Bennington College depuis 1957.
Influencé par Charles Ives, Brant a écrit,
outre ses musiques de film et de théâtre,
une bonne centaine d’oeuvres ayant volontiers recours à des sonorités insolites,
comme dans Angels and Devils, concerto
pour flûte avec un orchestre de piccolos,
flûtes, et flûtes alto (1931, première audition en 1933). À partir des années 50, en
réaction contre les musiques ne faisant
référence qu’à « un seul style », il s’est
systématiquement attaché à « confronter,
entre eux, deux (et de préférence davantage) types de musique entièrement différents - d’où des combinaisons aussi
hétérogènes que celles suggérant à la fois
un ensemble dixieland, un gamelan balinais et un cortège militaire ». De là l’intérêt du compositeur pour les musiques
« spatiales » et les oeuvres faisant appel à
« deux groupes au moins, chacun conservant son propre style, irréductible au style
des autres groupes, ainsi que ses propres
schémas rythmiques, harmoniques et
instrumentaux, en fonction de sa propre
position, spécifique et isolée, dans la salle.
Il n’y a pas d’échange de style ni de matériau de groupe à groupe ». Ces conceptions sont illustrées par Grand Universal
Circus (1956), Voyage 4 (1963) ou encore
Windjammer (1969).
BRASSART (Johannes), compositeur
flamand, originaire du diocèse de Liège
(XVe s.).
Il est mentionné en 1422 à Saint-Jeanl’Évangéliste à Liège où il fut succentor
(« sous-cantor ») en 1423. Comme beaucoup de ses compatriotes, il visita l’Italie ; il fut, en effet, chantre à la chapelle
papale d’Eugène IV (1431). Puis il regagna
son pays natal, exerça jusqu’en 1434 les
fonctions de chapelain à Saint-Lambert
de Liège et, à partir de 1438, celles de
chantre à Notre-Dame de Tongres où il
fut également chanoine. En 1443, on le
retrouve chantre principal de l’empereur
Frédéric III, et sans doute était-ce à cette
époque qu’il écrivit sa paraphrase à 3 voix
du cantique allemand Christ ist erstanden
(« le Christ est ressuscité »). Il ne nous a
laissé que des oeuvres religieuses (pièces à
3 voix dont 5 motets et des mouvements
de messe ; 5 motets à 4 voix), où il tente
de ne pas sacrifier l’expression - on peut
même parler, à son sujet, de grâce et de
délicatesse - à son goût pour une écriture
contrapuntique soignée.
BRASSEUR (Élisabeth), chef de choeur
français (Verdun-sur-Meuse 1896 - Versailles 1972).
Elle commença à travailler la musique avec
son grand-père, organiste à la cathédrale
de Verdun, puis étudia le chant et le piano
au conservatoire de Versailles. C’est dans
cette ville qu’elle fonda, en 1920, la Chorale féminine de l’église Sainte-Jeanned’Arc qui, devenue mixte, prit, en 1943,
le nom de chorale Élisabeth-Brasseur.
Celle-ci devint l’une des plus célèbres formations françaises, participant à des centaines de concerts et de représentations
d’opéras, créant des oeuvres de Honegger
(Cantate de Noël), Florent Schmitt, Claude
Delvincourt, Jacques Charpentier, Charles
Brown, etc., et apportant régulièrement
son concours, en particulier, au festival
d’Aix-en-Provence. Après la mort d’Élisabeth Brasseur, la formation qui porte son
nom a poursuivi ses activités sous la direction de Catherine Brilli.
BRAUNFELS (Walter), pianiste et compositeur allemand (Francfort-sur-leMain 1882 - Cologne 1954).
Il fut l’élève, pour le piano, de James Kwast
à Francfort et de Leszetycki à Vienne, et,
pour la composition, de Ludwig Thuille à
Munich, ville où il vécut jusqu’en 1925. Il
devint alors codirecteur avec Hermann
Abendroth de la Staatliche Hochschule
für Musik de Cologne, mais il fut congédié
en 1933, et l’exécution de ses oeuvres fut
interdite en Allemagne jusqu’en 1945. De
1945 à 1950, il retrouva la direction de
l’école de musique de Cologne.
Ses oeuvres relèvent d’une esthétique
post romantique, mais avec une harmonie parfois fort peu conventionnelle. Il
a composé des oeuvres symphoniques et
concertantes, de la musique pour piano,
un quintette et trois quatuors à cordes, des
oeuvres chorales religieuses, des lieder et
une douzaine d’opéras dont il écrivit en
général lui-même les livrets.
BREAM (Julian), guitariste et luthiste
anglais (Londres 1933).
Élève de son père, il se produisit en public
pour la première fois à l’âge de douze ans
et reçut les conseils d’Andrés Segovia. Il
acquit bientôt une réputation mondiale.
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
122
Au luth, il s’est spécialisé dans le riche
répertoire des XVIe et XVIIe siècles, notamment dans les oeuvres de Dowland, où il
lui arrive fréquemment d’accompagner
des chanteurs. Virtuose de la guitare,
Julian Bream interprète le répertoire habituel ; de plus, maintes oeuvres ont été
composées à son intention, par exemple
les mélodies de Britten Songs from the
Chinese avec accompagnement de guitare.
BREBOS, famille de facteurs d’orgues
flamands (fin du XVIe s.).
Ils émigrèrent en Espagne à l’invitation de Philippe II, en 1579. Gilles Brebos construisit les orgues à Louvain et à
Anvers, puis les quatre orgues du palais
royal de l’Escurial et de petits instruments
pour la famille régnante d’Espagne. L’un
de ses quatre fils, Hans, établit des orgues
à Madrid et à Tolède (cathédrale).
BRECHT (Bertolt), auteur dramatique allemand (Augsbourg 1898 - Berlin 1956).
La collaboration avec des musiciens se
situe au coeur de sa production. Pour lui,
ajoutée au texte, la musique, par sa seule
présence, constituait une attaque contre
l’atmosphère étroite, lourde et visqueuse
des drames impressionnistes. Il écrivit des
textes d’opéras mis en musique par Kurt
Weill (l’Opéra de quat’sous, Grandeur et
décadence de la ville de Mahagonny, Celui
qui dit oui, celui qui dit non) et Paul Dessau (le Procès de Lucullus). Avec Weill et
le chorégraphe Balanchine, il conçut le
ballet les Sept Péchés capitaux des petitsbourgeois. Pour Weill, Dessau, Hans Eisler, Hindemith, Brecht écrivit les textes de
sorte de cantates et de songs, forme qui ne
s’apparente guère à la chanson occidentale en général, française en particulier, ni
même avec le couplet de la chanson, aiguisée d’une pointe politique, du XIXe siècle.
Le song est une arme plus acérée, qui
évoque sans fard la condition ouvrière,
qui stigmatise le mal, la misère, la cruauté,
la bêtise. Dans les pièces de Brecht, les
parties chantées retournent les situations,
démasquent les personnages, procurent
un point de vue nouveau (auquel correspond d’ailleurs un éclairage scénique
particulier durant le chant), commentaire
critique, souvent cruel, de l’action, trait
de clarté orientant le spectateur. On doit
aussi à Brecht un changement dans la
façon d’envisager le chant, car il prit des
acteurs, des danseurs et les fit passer du
parler, du geste au chanter.
BREGENZ.
Ville d’Autriche sur le lac de Constance,
capitale du Vorarlberg, abritant chaque
été depuis 1956 un festival d’opéras et
d’opérettes.
Certaines représentations sont données sur un scène édifiée sur le lac même
(Seebühne).
BREITKOPF, famille d’éditeurs de musique allemands.
La firme fut fondée, à Leipzig, en 1719, sur
les bases d’une imprimerie remontant à
1542 par Bernhard Christoph Breitkopf
(1695-1777). Elle imprima notamment
des oeuvres de Leopold Mozart, Telemann
et Carl Philipp Emanuel Bach. Gottlob
Immanuel (1719-1794), fils du précédent, développa l’entreprise tout en faisant paraître, chaque année ou presque,
de 1762 à 1787, un précieux catalogue
thématique des oeuvres manuscrites ou
imprimées qu’il avait en magasin (rééd.
par Barry S. Brook, New York, 1966). Son
fils Christoph Gottlob (1750-1800) s’associa en 1795 avec Gottfried Christoph Härtel (1763-1827), la maison devenant alors
Breitkopf und Härtel. Härtel lui donna un
second souffle en fondant la célèbre revue
Allgemeine Musikalische Zeitung (17981848), en lui adjoignant une fabrique de
pianos (1807) et en entreprenant l’édition des « oeuvres complètes » de Mozart,
Haydn, Clementi et d’autres musiciens.
Breitkopf und Härtel publia également
plusieurs ouvrages de Beethoven. Gottfried Christoph Härtel eut comme successeurs ses deux fils, Hermann (1803-1875)
et Raimund (1810-1888), et ceux-ci, privés d’héritiers mâles, leurs neveux (fils de
leurs deux soeurs) Wilhelm Volkmann
(1837-1896) et Oskar von Hase (18461921). Suivirent, de génération en génération, Ludwig (1870-1947), Wilhelm (18981939) et Joachim (1926) Volkmann, et les
fils d’Oskar von Hase, Hellmuth (18911979) et Martin (1901-1970). Leur frère
Hermann von Hase (1880-1945) joua un
rôle de 1910 à 1914. La maison, qui, au
XIXe siècle, avait compté parmi les fondateurs de la Bach-Gesellschaft et publié les
oeuvres complètes de Bach, possédait pro-
bablement à la veille de la dernière guerre
le fonds musical le plus important du
monde. Une grande partie de ses archives
et de son matériel devait malheureusement disparaître dans un bombardement
de Leipzig en 1943. Après la guerre, elle
s’est retrouvée divisée du fait de la partition de l’Allemagne : l’ancienne maison
mère, nationalisée en 1952, subsiste à
Leipzig comme entreprise d’État, tandis
qu’une filiale fondée à Wiesbaden en 1945
y existe depuis 1947 comme établissement
indépendant. Après la réunification, le
siège principal de la maison est demeuré à
Wiesbaden, avec des filiales à Leipzig et à
Paris. La direction est assurée depuis 1979
par Liselotte Sievers (1928), fille de Hellmuth von Hase, auparavant assistante de
son père et de Joachim Volkmann.
BRELET (Gisèle), philosophe et critique
musicale française (Fontenay-le-Comte,
Vendée, 1919 - La Tranche-sur-Mer, Vendée, 1973).
Élève du Conservatoire de Paris et de la
Sorbonne, elle soutint en 1949 une thèse
sur le temps musical. Les structures temporelles de la musique et les problèmes
d’interprétation, qui leur sont liés, ont
fait l’objet d’une grande partie de ses
recherches. En 1951, elle créa la Bibliothèque internationale de musicologie
(Paris), remarquable collection d’ouvrages d’histoire et d’esthétique musicales.
Ses principaux écrits sont : Esthétique et
Création musicale (Paris, 1947) ; l’Interprétation créatrice (2 vol., Paris, 1951) ; Béla
Bartók, Musique contemporaine en France
in Histoire de la musique (« Encyclopédie
de la Pléiade », t. II, 1963).
BRENDEL (Alfred), pianiste autrichien
(Loučná nad Desnau, Moravie, 1931).
Il fit ses études avec Sofija Dezelic, Ludovika von Kaan, le compositeur Arthur
Michl, Paul Baumgartner, Eduard Steuermann et Edwin Fischer. Il se fit, dès ses
débuts, le champion d’oeuvres en marge
du grand répertoire : Schubert, à l’époque
encore peu joué, Busoni, Schönberg, les
oeuvres les moins connues de Liszt. Aussi
lui a-t-il fallu de longues années pour
connaître la popularité. L’art de Brendel,
nourri de profondes réflexions, est hypersensible, ses interprétations sont inspirées
et imprévisibles, quoique profondément
respectueuses des partitions. Il est célèbre
surtout pour ses interprétations de Schu-
bert, mais aussi de Beethoven et de Liszt.
Son ouvrage Réflexion sur la musique a été
traduit en français (Paris, 1979).
BRENET (Marie Bobillier, dite Michel),
musicologue française (Lunéville 1858 Paris 1918).
Venue s’établir à Paris, en 1871, afin de se
consacrer à l’histoire de la musique, elle
collabora à plusieurs publications et écrivit de nombreux ouvrages sur les sujets
les plus divers sans vouloir étudier une
époque bien déterminée. Pour illustrer
l’étendue de ses travaux, voici un choix
des thèmes traités : Grétry, Deux Pages de
la vie de Berlioz (1889), J. de Ockeghem
(1893), Sébastien de Brossard (1896),
Goudimel, Palestrina, Haendel, Haydn,
ainsi que des sujets plus généraux tels que
la Musique militaire, les Concerts en France
sous l’Ancien Régime et les Musiciens de la
Sainte-Chapelle du Palais (1910).
BRENTA (Gaston), compositeur belge
(Schaerbeek, près de Bruxelles, 1902 Bruxelles 1969).
Élève de Paul Gilson et membre du groupe
des Synthétistes, il entra en 1931 à l’Institut national de radiodiffusion belge où
il occupa diverses fonctions et où son
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
123
action fut grande en faveur de la musique
contemporaine. Son style néoromantique
unit à un goût particulier pour l’exotisme
un sens de la mélodie ample et expressive,
essentiellement tonale et parfois pimentée de dissonances imprévues. Brenta
a composé, notamment, de la musique
d’orchestre, dont une symphonie et un
concerto pour piano, des ballets, de la musique de chambre, un Requiem, la Passion
de Notre-Seigneur (1949), des mélodies et
des choeurs a cappella.
BRESGEN (Cesar), compositeur autrichien (Florence 1913 - Salzbourg 1988).
Tout en occupant un poste d’organiste à Munich, il étudia à l’Akademie
für Toukunst avec Emanuel Gatschner
(orgue) et avec Joseph Haas (composition). En 1939, Clemens Krauss l’appela
au Mozarteum de Salzbourg pour ensei-
gner la composition.
Dans ses oeuvres se révèlent les influences du folklore allemand, de la musique baroque, de Reger et de Stravinski.
Bresgen a composé de la musique symphonique, dont la Frescobaldi-Symphonie
(1953), des concertos, de la musique de
chambre, onze opéras, dont certains destinés à un public d’enfants, des cantates et
de nombreux choeurs, des cycles de lieder
et un Requiem pour Anton Webern (1945).
BRETÓN Y HERNÁNDEZ (Tomás), compositeur espagnol (Salamanque 1850 Madrid 1923).
Il fit ses études à Salamanque, puis avec
Arrieta à Madrid où, en 1901, il fut
nommé professeur de composition au
conservatoire royal. Pablo Casals et Manuel de Falla furent ses élèves. Bretón fut
également chef d’orchestre, théoricien et
directeur de plusieurs scènes lyriques.
On lui doit de la musique de chambre
très soignée et harmoniquement très
audacieuse pour l’époque (un trio en mi,
3 quatuors à cordes, un quintette avec
piano, un sextuor pour instruments à
vent), un concerto pour violon dédié à la
mémoire de Sarasate, de la musique symphonique de caractère descriptif, méritant
souvent le qualificatif de « préimpressionniste » (Scènes andalouses, Salamanque,
À l’Alhambra), et un oratorio, l’Apocalypse (1882). Mais Bretón doit surtout sa
renommée à une dizaine d’opéras (Los
Amantes de Teruel, 1889 ; La Dolores,
1895 ; Raquel, 1900 ; etc.) et davantage
encore à une trentaine de zarzuelas, dont
La Verbena de la paloma (1894). Dans ces
deux genres, il s’évade, au moins en partie,
du style italianisant à la manière d’Arrieta
pour réaliser un type d’ouvrages lyriques
spécifiquement espagnol, adaptant à la
langue castillane une ligne mélodique, qui
en souligne les inflexions avec naturel.
BRÉVAL (Bertha Agnès Schilling, dite Lucienne), soprano française (Berlin 1869 Neuilly-sur-Seine 1935).
Elle étudia le piano aux conservatoires
de Lausanne et de Genève, puis le chant
à celui de Paris. Elle débuta à l’Opéra de
Paris, en 1892, dans le rôle de Selika de
l’Africaine de Meyerbeer, et fit une carrière
internationale, tout en demeurant essentiellement fidèle à l’Opéra de Paris, où elle
fut la créatrice, notamment de trois rôles
wagnériens : Brünnhilde (la Walkyrie),
Eva (les Maîtres chanteurs de Nuremberg),
Kundry (Parsifal).
Elle participa à plusieurs créations
mondiales, dont celle de Pénélope de
Fauré, en 1913, à Monte-Carlo. Elle se
retira, en 1921, pour se consacrer à l’enseignement. Valentine dans les Huguenots
de Meyerbeer et Chimène dans le Cid de
Massenet furent deux autres rôles célèbres
de cette chanteuse à la voix ample et au
timbre splendide.
BRÉVAL (Jean-Baptiste), violoncelliste
et compositeur français (Paris 1756 Chamouille, Aisne, 1825).
Soliste virtuose, il se produisit souvent au
Concert spirituel. Il fut aussi renommé
pour ses qualités de pédagogue et de compositeur. Il publia un Traité du violoncelle
(Paris, 1804). Son oeuvre, très abondante,
d’une écriture élégante et habile, mais
sans profondeur, garde un intérêt pédagogique. Elle comprend des concertinos,
concertos, symphonies concertantes, des
quatuors, duos, sonates et autres pièces de
musique de chambre.
BRÈVE.
1. Valeur de note depuis longtemps en désuétude, mais qui s’est maintenue dans les
solfèges jusqu’au milieu du XXe siècle en
désignant paradoxalement la plus longue
des valeurs écrites, avec en principe la valeur de deux rondes ; son signe de silence
était le bâton entre les lignes 3 et 4 de la
portée.
Ce paradoxe s’explique par l’histoire. À
la fin du XIIe siècle, dans les débuts de la
notation proportionnelle, les deux seules
valeurs étaient la longue et la brève. Par
la suite, et dès le XIIIe siècle, on n’a cessé
de subdiviser ces deux valeurs primitives,
sans pour autant modifier leurs noms.
Semi-brève, minime, fusa, semi-fusa sont
apparues ; mais, au fur et à mesure, on
transportait chaque fois sur les nouvelles
valeurs le tempo moyen des anciennes,
qui se sont trouvées ainsi de plus en
plus allongées, de telle sorte que, dès le
XVe siècle, la brève, sans cesser de s’appeler
ainsi, se trouvait la plus longue des valeurs
usuelles, l’ancienne longue ne servant plus
guère que de note finale équivalant à un
point d’orgue.
D’abord simple point noir, la brève s’est
évidée au XIVe siècle pour devenir le carré
de la notation blanche. Au XVIIe siècle,
ce carré était devenu une ronde enserrée
entre deux traits verticaux.
Jusqu’au XVIIIe siècle, certains mouvements s’écrivaient exceptionnellement
dans leurs valeurs antérieures plus longues, qui reprenaient alors leur tempo
ancien plus rapide, ce que l’on appelait,
selon les cas, alla breve ou alla semibreve.
2. En métrique, la brève, unité de scansion
indivisible, se note par un demi-cercle
ouvert vers le haut ( ). Ce signe est également utilisé dans la notation musicale
grecque classique, mais généralement
sous-entendu, seules étant notées les longues de diverses sortes.
BRÉVILLE (Pierre Onfroy de), compositeur français (Bar-le-Duc 1861 - Paris
1949).
D’abord destiné à la carrière diplomatique, il fit ses études musicales avec Théodore Dubois, puis avec César Franck. Il
enseigna au Conservatoire de Paris et à la
Schola cantorum et fut aussi critique musical et président de la Société nationale de
musique. Wagnérien de la première heure,
il ne refusa cependant pas l’influence de
Franck et de Debussy. Son oeuvre se réclame d’une inspiration élégante et d’une
grande vertu expressive, dont le meilleur
témoignage est sans doute son cahier de
mélodies (plus de cent). Bréville fut, avec
d’lndy, Chausson, Coquard et SamuelRousseau, l’un des compositeurs qui terminèrent l’orchestration de l’opéra de
Franck Ghisèle. Il a laissé également une
Histoire du théâtre lyrique en France.
BRIAN (Havergal), compositeur anglais
(Dresden, Staffordshire, 1876 - Shoreham, Sussex, 1972).
Largement autodidacte, il est surtout
connu pour ses trente-deux symphonies,
dont vingt-deux furent écrites à partir de
1954, et dix à partir de 1965. Beaucoup
ne furent créées qu’après sa mort. La
monumentale Première (1919-1927), dite
The Gothic (pour chanteurs solistes, plusieurs choeurs dont un choeur d’enfants,
quatre fanfares de cuivres et très grand
orchestre), fut donnée pour la première
fois par des amateurs en 1961 et par des
professionnels en 1966. Longtemps considéré comme perdu, son opéra The Tigers
(1916-1919, orchestré en 1928-29) fut retrouvé en 1977 et créé à la BBC en 1983. Il
pratiqua également la critique musicale.
BRICEÑO (Luis de), guitariste espagnol
(XVIIe s.).
Il fit paraître en 1626, chez Ballard, à Paris,
une Méthode très facile pour apprendre à
jouer de la guitare espagnole contenant,
outre les conseils techniques, un grand
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
124
nombre de pièces, chansons, romances,
d’une bonne qualité didactique et musicale.
BRIDGE (angl. : « pont »).
Phrase « B » d’un thème de jazz de type
AABA, à fonction généralement modulante.
On dit aussi middle-part.
BRIDGE (Frank), compositeur anglais
(Brighton 1879 - Eastbourne 1941).
Élève de Charles Villiers Stanford pour
la composition, il acquit une renommée
d’interprète comme violoniste (il fut
membre du quatuor Grimson), comme
altiste (il fut membre du quatuor Joachim) et comme chef d’orchestre. Il eut
l’occasion de diriger les grands orchestres
londoniens et les principales formations
des États-Unis. Comme compositeur, il
fut d’abord influencé par le postromantisme et par Brahms, ce dont témoignent
notamment ses premières mélodies et
ses premières partitions de musique de
chambre, parmi lesquelles son quatuor
à cordes no 1 (1906), les fantaisies pour
quatuor à cordes (1901), trio avec piano
(1907) et quatuor avec piano (1910), la
suite symphonique The Sea (1910-11) et
le poème symphonique Summer (1914).
La Première Guerre mondiale, au cours de
laquelle il écrivit son 2e quatuor à cordes
(1915), fut pour lui un choc et orienta
sa production vers un modernisme qui
n’excluait ni la polytonalité ni certaines
rencontres avec l’univers d’Alban Berg,
et qui fit de lui, avec Vaughan Williams,
le compositeur anglais le plus intéressant de sa génération. Inaugurée avec
la sonate pour piano (1921-1924), cette
nouvelle période créatrice fut marquée,
entre autres, par les quatuors à cordes no 3
(1926) et no 4 (1937), le trio avec piano no
2 (1929), la rhapsodie symphonique Enter
Spring (1927), le concerto élégiaque pour
violoncelle et orchestre Oration (1930), la
rhapsodie pour piano et orchestre Phantasm (1931), et par l’ouverture Rebus,
sa dernière oeuvre achevée (1940). Son
unique élève de composition fut Benjamin
Britten.
BRIDGETOWER (George Polgreen), violoniste anglais (Biala, Pologne, 1778 Peckham, Londres, 1860).
Fils d’une mère européenne et d’un père
antillais (d’après certaines rumeurs le
Maure du prince Esterházy), il fit ses
débuts au Concert spirituel, à Paris, le
13 avril 1789, puis passa en Angleterre,
où, après avoir joué en même temps que
Haydn à un concert de J. P. Salomon
en 1791, il entra au service du prince de
Galles. Il joua à Dresde en 1802 et 1803,
et de là se rendit à Vienne, où Beethoven composa pour lui les deux premiers
mouvements de la sonate pour piano et
violon connue plus tard comme Sonate à
Kreutzer. Ils les interprétèrent ensemble,
avec un finale prévu à l’origine pour l’opus
30 no 1, le 24 mai 1803, et c’est sous cet
aspect que l’ouvrage parut en 1805 sous le
numéro d’opus 47.
BRIDGMAN (Nanie), musicologue française (Angoulême 1910 - Paris 1990).
Élève d’André Pirro, elle a consacré l’essentiel de ses travaux à la musique italienne des XVe et XVIe siècles. Elle est (ou
a été) membre du comité de rédaction des
Acta musicologica (Bâle), des Documenta
musicologica (Kassel), de la Revue française
de musicologie. Elle a effectué d’importants
travaux pour le Répertoire international
des sources musicales (R. I. S. M.) et a collaboré aux grandes publications françaises
collectives (encyclopédies, dictionnaires).
Son ouvrage la Vie musicale au quattrocento et jusqu’à la naissance du madrigal
(Paris, 1964) témoigne de l’étendue de sa
culture et de la profondeur de ses vues.
Elle a signé aussi la Musique italienne
(Paris, 1973).
BRINDISI (ital. : « toast », « brinde »).
On baptisait ainsi, dans les opéras italiens
du XIXe siècle, les airs entonnés par un
personnage durant une fête pour porter
un toast ; on en trouve par exemple dans
Lucrèce Borgia de Donizetti et la Traviata
de Verdi.
BRISURES.
Dans les instruments à cordes frottées,
coup d’archet détaché qui consiste à attaquer alternativement 2 cordes éloignées.
BRITTEN (Benjamin), compositeur anglais (Lowestoft, Suffolk, 1913 - Aldeburgh 1976).
Naître le jour de la Sainte-Cécile ne pouvait être de mauvais augure, d’autant que
Benjamin Britten garda toute sa vie une
passion pour l’oeuvre de son grand prédécesseur Henry Purcell, qui, souvent,
dans ses propres Odes, rendit hommage
à cette protectrice de la musique. Dès ses
premières années, Britten entra en contact
avec la musique ; sa mère était secrétaire
de la société chorale de Lowestoft. Il reçut
l’éducation traditionnelle dans la bourgeoisie anglaise et, à l’âge de douze ans,
commença à travailler avec Frank Bridge
dont l’enseignement devait le marquer
profondément. À 16 ans, il entra au Royal
College of Music de Londres et étudia
sous la direction de John Ireland (composition) et de A. Benjamin (piano). C’est
là qu’il composa le Phantasy Quartet op. 2
avec hautbois et les variations chorales A
Boy was born op. 3. Il ne faut pas oublier
que, durant toute sa vie professionnelle,
Britten demeura un remarquable pianiste,
dans ses propres oeuvres, le plus souvent
en tant qu’accompagnateur, mais aussi
dans Mozart par exemple. Sa Sinfonietta
op. 1 fut entendue lors d’un concert public
en 1933.
Après le Royal College of Music vinrent
des commandes de la radio, du cinéma et
la rencontre avec le poète W. H. Auden
pour une série de créations communes. En
1937, on joua à Salzbourg les Variations
on a theme by Frank Bridge op. 10 pour
orchestre à cordes.
Après la mort de sa mère (1938), inquiet du tour que prenait la situation poli-
tique en Europe, Britten partit pour les
États-Unis (1939). Profondément antimilitariste, il trouva en Amérique la paix qui
lui était nécessaire ; un désir impétueux
de composer le posséda alors : les Illuminations ; Sinfonia da Requiem ; Sonnets of
Michelangelo, etc. Il voulait s’expatrier,
composer sur des textes autres qu’anglais,
élargir ses horizons. Aux États-Unis, Britten atteignit sa maturité de compositeur et
tenta un premier essai dans son domaine
d’élection, l’opéra, avec Paul Bunyan op.
17, qu’il retira ensuite de son catalogue.
En 1942, Britten prit une décision difficile : il décida de repartir pour l’Angleterre,
où, réformé, il lui était accordé de poursuivre sa carrière de musicien. Avant son
départ, Koussevitski lui demanda pourquoi il n’avait pas encore écrit d’opéra,
Britten ayant déjà envisagé comme livret
un poème de George Crabbe, Koussevitski
lui proposa l’argent nécessaire. Après A
Ceremony of Carols, oeuvre composée pendant son difficile voyage de retour vers
l’Angleterre, il s’isola à Snape, et, à Sadlers
Wells, son opéra Peter Grimes triompha le
7 juin 1945. Du jour au lendemain, Britten
devint célèbre, inaugurant une ère nouvelle de la musique anglaise.
Aussitôt, il abandonna momentanément le grand opéra traditionnel pour
aborder un genre plus intime et difficile à
réussir : l’opéra de chambre avec, d’abord,
le Viol de Lucrèce (1946), Albert Herring
(1947) [d’après un conte de Maupassant]
et, plus tard, The Turn of the Screw (1954).
Afin de donner ces opéras, mais aussi
d’autres ouvrages contemporains, il créa,
en 1946, le English Opera Group, dont il
occupa les postes de directeur artistique,
de chef et de compositeur. Deux années
plus tard, il fonda le festival d’Aldeburgh,
petite ville du Suffolk, où, dans une maison baptisée The Red House, il était installé depuis 1947.
Désormais, le compositeur travailla
près de la nature et de la mer, chère à
l’âme britannique, aimant la pêche, le
tennis, les voitures de sport et les longues
promenades à travers les Suffolk Downs.
Britten évitait Londres, sauf pour ses engagements professionnels. Il donna des
concerts dans le monde entier, comme
chef d’orchestre et comme accompagnadownloadModeText.vue.download 131 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
125
teur, le plus souvent en compagnie de
son ami le ténor Peter Pears, créateur du
rôle de Peter Grimes et pour qui Britten
composa tant d’oeuvres vocales, telle la
fameuse Serenade op. 31 (1943).
Britten fut d’ailleurs essentiellement
un compositeur de musique vocale ; il
affectionnait toutes les voix et honorait les
plus célèbres : K. Ferrier fut la première
Lucrèce, les Songs and Proverbs of William
Blake sont dédiés à D. Fischer-Dieskau et
Phaedra op. 93 fut écrite pour Janet Baker.
Mais sa musique est marquée par un goût
prononcé pour les voix d’enfants (The
Little Sweep ; A Ceremony of Carols ; Spring
Symphony ; le rôle de Miles du Turn of the
Screw ; War Requiem, etc.). Britten mit la
langue anglaise en musique avec le génie
d’un Purcell, musicien qu’il ne supportait
pas d’entendre critiquer et dont il réalisa
un nombre assez important d’oeuvres,
parmi lesquelles une version nouvelle de
Didon et Énée. Britten connut mieux que
quiconque la personnalité rythmique que
cette langue donnait à une oeuvre vocale.
L’oeuvre de Britten ne peut être considérée comme révolutionnaire, mais elle
est très personnelle, originale, lyrique et
profondément anglaise. Homme pratique,
il a déclaré que sa musique devait toujours
répondre à un besoin, faire plaisir à un
large public, mais il n’a pas pour autant
sacrifié la qualité. Très cultivé, il connaissait la poésie et comprenait de manière
pénétrante la musique des autres, en particulier celle des maîtres élisabéthains, de
Bach, de Mozart et surtout de Schubert.
Aujourd’hui, les oeuvres de Britten sont
inscrites aux programmes de tous les festivals internationaux. En 1958, son opéra
The Turn of the Screw (le Tour d’écrou),
peut-être son chef-d’oeuvre lyrique, fut
créé à la Fenice de Venise. Dans ses opéras, les sujets et les époques traités offrent
une grande variété : la Rome de Tarquinius par exemple ou la magie de Shakespeare du Songe d’une nuit d’été (livret de
Britten et Pears), la brutalité de la marine
anglaise au XVIIIe siècle (Billy Budd) ou
la « Venise » de Thomas Mann. Pourtant
dans ces oeuvres, et dans bien d’autres, un
même thème réapparaît avec une certaine
insistance : celui de la défense de l’humanité contre les injustices. Les cycles de mé-
lodies sont nombreux et importants. On
this Island (W. H. Auden, 1938) contient
la parodie de Purcell bien connue « Let
the florid music praise ! » et les Songs and
Proverbs of William Blake op. 74, créés à
Aldeburgh en 1965, une étonnante évocation d’une mouche à qui le poète se compare. Britten a également fait des arrangements pour voix et piano de chansons
populaires, anglaises et françaises. Si sa
musique de chambre est réduite, les trois
quatuors à cordes révèlent des qualités
considérables ; citons également la sonate
en ut pour violoncelle et piano op. 65 et
les deux Suites op. 72, op. 80, écrites pour
Rostropovitch (comme la symphonie
pour violoncelle et orchestre op. 68).
Composée avec une facilité étonnante,
la musique de Britten peut atteindre parfois une certaine préciosité, mais son inspiration ne se contente jamais de banalités
et son invention obéit à un sens très scrupuleux des formes traditionnelles qu’il sait
renouveler (la passacaille de Peter Grimes,
par exemple) sans les trahir. Quant à son
génie des couleurs, de l’orchestration,
que l’on se souvienne de l’atmosphère
que le compositeur réussit à créer dès
les premières notes du Songe d’une nuit
d’été, dans une réunion harmonieuse du
monde shakespearien avec l’Angleterre de
notre siècle.
BRIXI, famille de compositeurs tchèques
ayant exercé leur activité dans le nordest de la Bohême.
Simon, organiste, chef de choeur et compositeur (Vlkav, près de Nymburg, 1693 Prague 1735). Il vint en 1727 à Prague, où
il fut nommé organiste et où il composa
de nombreuses oeuvres de musique religieuse.
František Xaver, compositeur (Prague
1732 - id. 1771). Fils de Simon, il devint
orphelin à l’âge de cinq ans et doit son
éducation très complète aux frères piaristes du collège de Kosmonosy. Il revint
à Prague en 1750 comme organiste et fut
nommé titulaire de l’instrument de la cathédrale Saint-Veit (1759-1771). Il mourut à trente-neuf ans de tuberculose.
F. X. Brixi a laissé une oeuvre très
abondante, surtout d’essence religieuse.
Sa musique fut très appréciée dans toute
la Bohême. Son style, direct et spontané,
est affranchi de celui de ses prédécesseurs tout en s’appuyant sur une inspiration mélodique souvent populaire. Son
abondante production sacrée comprend
quelque 400 pièces (200 offertoires environ, 105 messes, 50 litanies et vêpres, 5
requiem, etc.). Sa musique instrumentale (Suite pour clavier, 5 concertos pour
orgue ou clavecin, 2 symphonies, etc.) est
réduite, mais annonce le style classique.
Viktorín Ignác, chef de choeur et compositeur (Plzeň 1716 - Poděbrady 1803).
Élève, également, des frères piaristes à
Kosmonosy (1731-1737), il fut organiste
et recteur à Poděbrady. Introduit par
František Benda, il resta deux ans à la cour
de Frédéric II. Il composa des oeuvres de
musique religieuse.
BRIZZI (Aldo), compositeur et chef d’orchestre italien (Alessandria 1960).
Il a étudié l’alto et le piano aux conservatoires d’Alessandria (1975) et de Turin
(1976-1978), puis au conservatoire de
Milan le piano avec Paolo Castaldi et la
composition avec Niccolo Castiglioni
(1979-1981). Il a aussi étudié la composition à Arezzo avec Aldo Clementi et Brian
Ferneyhough (1979-1981), suivi les cours
de Darmstadt en 1982 et 1984, et travaillé
à l’Atelier de recherche instrumentale de
l’I.R.C.A.M. à Paris en 1983-1985. Il a
enfin étudié la direction d’orchestre avec
Mario Gusella, Franco Ferrara et Pierre
Dervaux (1985-1987), et donné lui-même
des séminaires, cours et conférences depuis 1978. Considéré comme un des plus
brillants représentants de la jeune école
italienne, il a écrit notamment Piccola serenata pour flûte, alto et percussion (1978),
Wayang Purwa, concerto pour hautbois
et orchestre (1978-1981), Objet d’art pour
flûte et huit cordes (1980), Mirtenlied pour
flûte et harpe (1982), Canto a tre voci pour
trois voix récitantes, danseuse, violoniste,
pianiste et quatre percussionnistes sur un
texte de Umberto Saba (1983-84), Frammento II pour dix-sept instruments à vent
(1984), Le Erbe nella Thule pour soprano et
huit instruments (1984-85), Kammerkonzert no 1 pour flûte concertante, violon,
clarinette et piano (1986) Déchets d’atelier pour deux pianos (1986) The smallest
mustard seed pour douze voix solistes
sur un texte de Robin Freeman (1986), Il
Libro dell’interrogazione poetica I-III pour
diverses formations (1983-1984/1987...),
De la tramutatione de metalli I pour saxophones (1983-1986), II pour tuba (1985),
III pour contrebasse (1985), IV pour percussion (1988).
BRKANOVI’C (Ivan), compositeur yougoslave (Škaljari, près de Kotor, 1906 Zagreb 1987).
Il fit ses études musicales à la Schola cantorum de Paris, puis avec Blagoje Bersa
à Zagreb. Il a occupé des fonctions au
Théâtre national croate et à la Philharmonie de Zagreb. Son oeuvre témoigne de
la recherche d’un style national et d’une
expression dramatique intense, proche
de l’émotion musicale populaire, ce qui
l’amène à composer plusieurs oeuvres inspirées du folklore croate (cérémonies de
mariage dans Konavosko pirovanje, 1933,
ou mélodies Krijes planina, 1942). Ivan
Brkanovi’c a composé les opéras l’Équinoxe (1950) et Zlato Zadra (1re repr. 1954),
5 symphonies, la cantate le Triptyque pour
solistes, choeur et orchestre, ainsi que
de nombreuses oeuvres de musique de
chambre.
BROADWOOD SONS.
Fabrique anglaise de clavecins et de pianoforte, fondée à Londres, vers 1728, par le
Suisse Burkhard Tschudi (1702-1773).
Ses clavecins furent parmi les plus appréciés, à l’époque, dans toute l’Europe.
En 1770, Tschudi s’associa avec son
gendre, l’ébéniste écossais John Broadwood (1732-1812), qui devait lui succéder. La firme réalisa de grands clavecins
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
126
pour résister à la concurrence du pianoforte, puis se lança dans la fabrication de
ce dernier instrument, adoptant la mécanique dite anglaise ( ! PIANO), inventée
par Americus Backers. Au XIXe siècle, les
héritiers successifs maintinrent la maison
Broadwood à la pointe de la recherche des
perfectionnements techniques du piano
et donnèrent une extension considérable
à cette firme qui existe encore à l’heure
actuelle.
BROD (Max), compositeur et écrivain
israélien (Prague 1884 - Tel-Aviv 1968).
Docteur en droit, il fut d’abord fonctionnaire à Prague où il se lia avec Kafka, dont
il fut l’exécuteur testamentaire et le biographe. En 1939, il se fixa en Palestine, occupa des fonctions de conseiller au théâtre
hébraïque Habimah de Tel-Aviv, tout en
ayant une activité de critique musical. Il
a composé des Danses palestiniennes pour
orchestre, de nombreuses mélodies, le
Requiem hebraicum (1943), etc. D’autre
part, Max Brod a écrit des livrets d’opéra
et un ouvrage sur Janáček (Prague, 1924),
musicien dont il fut l’un des premiers à
reconnaître la valeur.
BRODERIE.
1. Au sens général, toute amplification de
caractère ornemental, improvisée ou non,
ajoutée à un texte musical donné.
2. En harmonie, toute note ou groupe de
notes quittant une note réelle (c’est-à-dire
qui fait partie de l’harmonie) par degrés
conjoints pour y revenir ensuite sans provoquer de changement d’harmonie. La
broderie peut être diatonique ou chromatique, supérieure ou inférieure ; elle est
double quand une broderie inférieure suit
une broderie supérieure ou vice versa. Il
peut y avoir aussi des accords de broderies,
des groupes-broderies (terme préconisé par
Olivier Messiaen) ou même des tonalitésbroderies ; ces différents termes désignent
des extensions du principe de la broderie.
BROOK (Barry Shelley), musicologue
américain (New York 1918).
Élève de la Manhattan School of Music
et de l’université Columbia (Master of
Arts en 1942), il a obtenu un doctorat en
Sorbonne, en 1959, et enseigne depuis
1945 à la City University de New York.
Ses ouvrages principaux sont, en 1981, au
nombre de cinq : la Symphonie française
dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (3
vol., Paris, 1962), The Breitkopf Thematic
Catalogue, 1762-1787 (New York, 1966),
Musicology and the Computer, Musicology
1966-2000 (New York, 1970), Perspectives
in Musicology (1972) et Thematic Catalogues in Music, an Annotated Bibliography
(1972). Il a pris la direction de la série The
Symphony 1720-1840, publication en partition d’orchestre et en 60 volumes de 600
symphonies d’environ 200 compositeurs
différents, dont beaucoup jamais éditées
auparavant (premiers volumes parus dès
l’année 1979). Il a été président de l’Association internationale des bibliothèques
musicales.
BROSSARD (Sébastien de), compositeur, théoricien et bibliophile français
(Dompierre, Orne, 1655 - Meaux 1730).
Après des études au collège des Jésuites et
à l’université de Caen, il reçut en 1675 les
ordres mineurs et en 1684 devint prêtre à
Notre-Dame de Paris, puis en 1687 maître
de chapelle et vicaire de la cathédrale de
Strasbourg. En 1698, il se présenta au poste
de maître de chapelle à la Sainte-Chapelle
du Palais à Paris, mais le chapitre lui préféra Marc-Antoine Charpentier. La même
année, il fut nommé maître de chapelle et
grand chapelain à Meaux. Il fut longtemps
surtout connu pour son Dictionnaire de
musique (avant-projet publié en 1701),
paru en 1703 avec une dédicace à Bossuet
et plusieurs fois réédité jusque vers 1710
(seule l’édition de 1703 a survécu). Il s’agit
du premier dictionnaire de musique en
langue française et d’une source essentielle
pour l’histoire de la musique en France
au XVIIe siècle. Il comprend un « Dictionnaire des termes grecs, latins et italiens »,
une « Table alphabétique des termes français », un « Traité de la manière de bien
prononcer » et un « Catalogue de plus de
900 auteurs ». Bibliophile averti, Brossard
réunit une collection d’oeuvres musicales
qu’il vendit en 1724-1726 à Louis XV
contre une pension, dont il prépara un
catalogue avec d’intéressantes annotations
de sa main et qui constitue aujourd’hui
un des fonds les plus précieux du département de la musique de la Bibliothèque
nationale. Théoricien remarquable, intéressant comme compositeur, il pratiqua la
plupart de grands genres de son époque,
sauf le clavecin et l’orgue. En quantité, ce
sont les airs (sérieux, à boire ou italiens)
qui dominent sa production et qui en son
temps firent le plus pour sa renommée. En
musique religieuse, il a laissé trois grands
motets - Miserere mei, Canticum Eucharisticon, In convertendo, les deux premiers
cités au moins étant de l’époque de Strasbourg -, des petits motets, deux oratorios, des leçons de ténèbres ; en musique
vocale profane, des oeuvres théâtrales
dont Pyrame et Thisbé (1685), des cantates
spirituelles (Samson trahi par Dalila) et
italiennes (Leandro) ainsi qu’une cantate
sérieuse (les Misères humaines) ; en musique instrumentale, des pièces pour luth,
pour violon et en trio et des oeuvres pour
orchestre. Un catalogue thématique a été
publié en 1995 par Jean Duron (l’OEuvre de
Sébastien de Brossard 1655-1730).
BROUWER (Leo), guitariste et compositeur cubain (La Havane 1939).
Il a débuté dans la carrière de guitariste
en 1956, après avoir travaillé avec un
élève d’Emilio Pujol. Il a fait des études
de composition de 1955 à 1959 à La Havane, en 1959-60 avec Vincent Persichetti
et Stepan Wolpe, et, enfin, à l’université
de Hartford. Il a ensuite occupé diverses
fonctions officielles à La Havane, à l’Institut des arts et de l’industrie cinématographiques (comme directeur du département musical, puis du département de
musique expérimentale), et au conservatoire (comme professeur d’harmonie et de
contrepoint, puis de composition).
Des influences très diverses se décèlent
dans la musique de Leo Brouwer, notamment celles d’lves, Cage, Nono, Kagel,
Xenakis, qui ont déterminé un style
s’orientant de plus en plus vers l’avantgarde, y compris vers la musique aléatoire.
Le compositeur a été et demeure profondément engagé dans les réflexions et les
bouleversements qui ont accompagné et
suivi la révolution cubaine. Nombre de
ses oeuvres (La tradición se rompe pour
orchestre, 1967-1969 ; Cantigas del tiempo
nuevo pour acteurs, choeur d’enfants,
piano, harpe et 2 percussionnistes, 1969)
sont liées par leur thème à un contexte
purement cubain, sans pour autant que
leur écriture ressortisse à un quelconque
nationalisme musical. Les compositions
de Brouwer comprennent essentiellement
des pièces pour diverses combinaisons
instrumentales, dont un certain nombre
pour ou avec guitare, et des pièces pour
orchestre comme Sonograma II (1964)
ou Hommage à Mingus pour ensemble de
jazz et orchestre (1965). Il a écrit plusieurs
dizaines de musiques de film.
BROWN (Charles), compositeur français
(Boulogne-sur-Mer 1898).
Il a travaillé à Paris le violon avec Lucien
Capet et l’écriture à l’école César-Franck,
notamment avec Guy de Lioncourt. Il a
été violoniste aux Concerts Lamoureux
(1938-1948), puis directeur de l’École
nationale de musique de Bourges. On lui
doit des oratorios (Évocations liturgiques,
1947 ; le Cantique dans la fournaise, 1946 ;
Cantate pour sainte Jeanne de France,
1950), des symphonies et pièces symphoniques, des oeuvres concertantes, des
trios, quatuors, quintettes. Son style relève
d’une discipline classique.
BROWN (Earle), compositeur américain
(Lunenburg, Massachusetts, 1926).
Trompettiste amateur, il fit, à Boston,
des études de mathématiques et d’ingénieur, et suivit des cours de composition,
d’orchestration et d’écriture avec Roslyn
Brogue Henning, à la Schillinger School
(1946-1950). Parallèlement, il s’initia aux
théories mathématiques (appliquées à la
downloadModeText.vue.download 133 sur 1085
DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
127
musique) de Joseph Schillinger, avant de
les enseigner lui-même (ainsi que la composition) à Denver (1950-1952). Mais s’il
fut fasciné par ces théories, il ne devait pas
en reprendre à son compte l’organisation
extrême. Il fut influencé au début de sa
carrière par Ives et Varèse, mais davantage
encore par une certaine peinture (Pollock)
et une certaine sculpture (Calder) américaines ; chez Calder, il trouva la « précision de l’organisation » et surtout l’idée de
la mobilité d’une oeuvre.
Ses premières oeuvres - 3 pièces pour
piano (1951), Perspectives pour piano
(1952), Musique pour violon, violoncelle et
piano (1952) - rendent hommage à la fois
au sérialisme et - comme, plus tard encore,
Pentathis (1957) - aux théories de Schillinger. Mais Brown évolua rapidement vers
la « forme ouverte », notion qu’il fut l’un
des premiers à introduire en musique, et
sa rencontre avec John Cage (1951), ainsi
qu’avec Wolff et Feldman, fut à cet égard
décisive. Il collabora avec Cage et David
Tudor au projet de musique pour bande
magnétique à New York (1952-1955), participa aux cours d’été de Darmstadt, à partir de 1955, fut directeur artistique des enregistrements de musique contemporaine
chez Time Records (1955-1960), bénéficia
d’une bourse Guggenheim en 1965-66 et
fut nommé, en 1968, professeur de composition au conservatoire Peabody de Baltimore. Il le resta jusqu’en 1970. La forme
ouverte et les techniques semi-aléatoires
apparurent dans ses oeuvres à partir de
1953. Folio (1952-53) est un groupe de
trois oeuvres - November 1952, December
1952 et 1953 - pour n’importe quel nombre
d’instruments. December 1952 remplace
les hauteurs écrites, et donc fixées par un
exemple de notation graphique, par des
lignes en diverses positions et de diverses
longueurs, devant servir de support à l’improvisation d’un groupe quelconque de
musiciens durant un laps de temps indéterminé. Dans 25 Pages pour 1 à 25 pianos
(1953), le ou les exécutants peuvent disposer les pages dans l’ordre de leur choix, et
l’on trouve un principe que Brown devait
très souvent reprendre ultérieurement :
une notation proportionnelle ne divisant
pas le temps en unités précises, mais en
durées relatives dont la longueur, laissée à
l’initiative de l’exécutant, est suggérée par
l’espacement des symboles. Convaincu
qu’une musique est d’autant plus intense
que l’exécution participe davantage à sa
création, il s’intéressa moins à l’indétermination dans l’acte de composer, comme
Cage, ou à la libération des sons, qu’au
problème de la forme, aux présentations
différentes d’un même matériau et à ses
conséquences.
À Available Forms I pour 18 musiciens
(1961) succéda Available Forms II pour
98 musiciens et 2 chefs dirigeant chacun
49 exécutants (1962), la forme dépendant
de la réciprocité et de la spontanéité des
réactions des 2 chefs l’un par rapport à
l’autre. Le procédé est semblable dans 9
Rarebits pour 1 ou 2 clavecins (1965) ou
dans Synergy II pour orchestre de chambre
(1967-68), alors qu’inversement, Corroboree (1964) pour 3 pianos ou le quatuor à
cordes (1965) introduisent des structures
mobiles à l’intérieur de formes fermées.
Dans Calder Piece pour 4 percussionnistes
et 1 mobile de Calder (1965), le rôle du
chef est tenu par le mobile. Ses ouvrages
n’en contiennent pas moins des éléments
d’unité au sens traditionnel : ainsi l’usage
obstiné, presque canonique, des quintes
dans Available Forms I. Auteur également d’Octet I (1953) et d’Octet II (1954)
pour bande, de Modules I et II pour petit
orchestre et 2 chefs (1966), de Syntagm III
(1970), Cross Sections (1973) et Color Fields
(1975) pour orchestre, de Small Piece pour
choeur (1975), de Tracer pour instruments
et bande (1984), doté d’un sens raffiné des
timbres, Earle Brown est apparu comme
l’une des personnalités les plus importantes de l’avant-garde américaine.
BROWNLEE (John), baryton américain
(Geelong, Australie, 1901 - New York
1969).
Sa voix fut découverte en Australie par
Nellie Melba. Il étudia le chant avec Dinh
Gilly à Paris et y débuta au Trianon-Lyrique en 1926. Il parut la même année
au Covent Garden de Londres dans le
gala d’adieux de Nellie Melba et débuta
à l’Opéra de Paris, en 1927, dans le rôle
d’Athanaël de Thaïs de Massenet. Tout en
chantant, plus particulièrement, à l’Opéra
jusqu’en 1936, puis au Metropolitan de
New York jusqu’en 1957, il fit une carrière internationale. Son nom demeure
lié aux premières années du festival de
Glyndebourne, lors duquel il donna des
interprétations célèbres du rôle de Don
Juan. Pédagogue, il tint à la fin de sa vie
une place importante dans la vie musicale
des États-Unis et fut, en particulier, président de la Manhattan School of Music
à New York.
BRUCH (Max), compositeur allemand
(Cologne 1838 - Friedenau, près Berlin,
1920).
Il prit ses premières leçons de musique
avec sa mère, puis étudia à Bonn, à Cologne et à Leipzig. En 1858 fut représentée
à Cologne sa première oeuvre lyrique, le
singspiel Scherz, List und Rache, d’après
Goethe. En 1863, l’opéra Die Lorelei fut
créé à Mannheim. Bruch occupa des
postes de chef d’orchestre et de chef de
choeur successivement à Mannheim, Coblence, Sondershausen, Berlin, Liverpool
et Breslau. En 1872, son opéra Hermione
fut donné à Berlin. Il épousa la chanteuse Clara Tuczek (1881) et, en 1892, fut
nommé professeur de composition à la
Musikhochschule de Berlin où il enseigna
jusqu’en 1910.
Fortement influencée par Brahms et
très appréciée à son époque, l’oeuvre de
Max Bruch se caractérise par une écriture
d’une grande sûreté, par des mélodies
généreuses qui s’inspirent parfois du folklore écossais, gallois ou allemand, par des
accents postromantiques, mais aussi par
un certain académisme. Il a composé trois
symphonies, de la musique de chambre,
de nombreuses oeuvres chorales et des
oratorios, de la musique théâtrale. Sa Fantaisie écossaise pour violon et orchestre,
l’un de ses concertos pour violon, le no 1
en sol mineur, et une pièce pour violoncelle et orchestre, Kol Nidrei, demeurent
encore populaires de nos jours.
BRUCHOLLERIE (Monique de la), pianiste française (Paris 1915 - id.1972).
Élève de Cortot et d’Isidore Philipp au
Conservatoire de Paris, elle y remporte un
premier prix en 1928. Elle travaille également les rhapsodies de Liszt avec Emil
von Sauer. En 1937, un prix au Concours
Chopin lui vaut des engagements avec
l’Orchestre de Varsovie. De 1941 à 1944,
elle est sous engagement exclusif avec la
Société des concerts du Conservatoire
dirigés par Charles Münch. Entre 1955
et 1965, elle donne plus de 700 concerts
dans le monde entier, notamment à Boston avec Ansermet. Professeur réputé
au Conservatoire de Paris, elle devient
infirme en 1966 à la suite d’un accident
d’auto survenu en Roumanie.
BRUCK (Charles), chef d’orchestre français (Temesvar, Hongrie, auj. Timisoara
en Roumanie, 1911 - Hancock, Maine,
1995).
Arrivé en France en 1928, diplômé de
l’École normale de musique de Paris
(piano), il devint l’élève de Pierre Monteux
pour la direction d’orchestre et donna ses
premiers concerts en Amérique du Nord
en 1939. Après la guerre, il commença une
grande carrière de chef d’orchestre, notamment à la tête de l’orchestre de la radio
de Strasbourg, puis de l’Orchestre philharmonique de l’O. R. T. F., qu’il quitta
en 1965. En 1968, il succéda à Monteux
à l’école de direction d’orchestre de Hancock (Maine, États-Unis). Passionné de
musique contemporaine, Charles Bruck
a joué un rôle déterminant en faveur de
celle-ci. Il est le créateur de plus de deux
cents oeuvres au total. La rigueur exceptionnelle de ses interprétations n’y excluait nullement la chaleur.
BRUCKNER (Anton), organiste et compositeur autrichien (Ansfelden, HauteAutriche, 1824 - Vienne 1896).
Son grand-père fut le premier de cette
ancienne famille rurale (originaire d’Oed,
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
128
près d’Amstetten) à s’élever au rang de
maître d’école en s’installant à Ansfelden
(15 km au S. de Linz) en 1776. Il eut pour
adjoint, dès 1814, son fils Anton Bruckner
Sr., qui lui succéda en 1823 et épousa la
même année Theresia Helm, dont il eut
cinq enfants. L’aîné, Josef Anton Jr., naquit
un an plus tard, le 4 septembre (il fut suivi
de trois soeurs et d’un frère, Ignaz, à demi
simple d’esprit). Le premier éveil musical du jeune Anton lui vint de son cousin
Jean-Baptiste Weiss (1812-1850), organiste à Hörsching, chez qui il séjourna
en 1835 et 1836, et écrivit ses premiers
essais connus, 4 Préludes pour orgue. De
retour à Ansfelden, il aidait déjà son père
à la fois à l’école et au violon pour les bals
villageois ; mais dès l’année suivante il vit
mourir prématurément celui-ci, et il entra
à la manécanterie de la voisine abbaye de
Saint-Florian, où il fut accueilli par le supérieur Michaël Arneth, qui lui tint lieu de
père adoptif. Là s’effectua sa formation générale et sa première instruction musicale,
notamment, à l’orgue avec Anton Kattinger, alors titulaire de la future « BrucknerOrgel ». À l’âge de seize ans, placé devant
le choix de son futur métier, Anton Bruckner répondit simplement : « Comme mon
père « ; il poursuivit une année d’études à
la Preparandie de Linz tout en prenant des
leçons d’harmonie et de contrepoint auprès d’August Dürrnberger (1800-1880).
Durant huit années, Anton demeura
maître d’école adjoint dans de petits villages de Haute-Autriche, notamment, à
Kronstorf, près de Steyr, où il prit des leçons avec l’organiste Leopold von Zenetti
(1805-1892), puis à Saint-Florian même,
dès 1845, avant d’y être enfin nommé, en
mars 1848, organiste auxiliaire et, trois
ans plus tard, titulaire. Hormis quelques
pièces d’orgue et une profusion de motets
sacrés, cette « première période » voit
naître déjà deux oeuvres très significatives : en 1849 le Requiem en ré mineur,
et, cinq ans plus tard, la Missa solemnis en
si bémol, déjà le quatrième essai du genre.
L’ORGANISTE DU « DOM ».
La Messe, notamment, marqua un premier
tournant dans la vie et la carrière de son
auteur. À la disparition de son protecteur
Michaël Arneth, le jeune organiste prit
conscience que son destin n’était plus à
Saint-Florian ; et, dans l’année qui suivit,
après diverses épreuves et nanti de certificats de capacité, il se laissa convaincre de
postuler d’abord à Olmütz puis à Linz, où
il fut nommé à l’ancienne cathédrale, ou
« Dom » (aujourd’hui Ignatiuskirche) en
novembre 1855. Il demeura près de treize
années dans la capitale provinciale, qui,
de nos jours, notamment par un festival
qui prend d’année en année plus d’importance, vénère son souvenir comme Salzburg le fait pour Mozart. Ce séjour fut
divisé en deux étapes d’égale durée. La
première offrit l’exemple, unique chez
un artiste de cet âge, d’une remise en
cause fondamentale de toute sa formation théorique. Le savant contrapuntiste
viennois Simon Sechter (1788-1867), qui
fut déjà sollicité trente-huit ans plus tôt,
par Schubert, admit Anton comme élève.
Il se rendait chez son professeur chaque
mois en empruntant le service fluvial qui
lui faisait descendre le cours du Danube,
au travers d’un paysage exaltant, dont son
oeuvre, par la suite, porta la trace. Ce cycle
d’études (sanctionné en nov. 1861 par
l’aptitude à enseigner en conservatoire)
ne fut, toutefois, pas le dernier auquel il
se soumit : durant deux années encore, il
se perfectionna en technique orchestrale
auprès du chef du théâtre de Linz, Otto
Kitzler, de dix ans son cadet. Et celui-ci lui
révéla tout le répertoire moderne, insoupçonné de l’organiste, de Weber à Wagner
en passant par Spohr, Berlioz, Mendelssohn, Schumann et Liszt - le premier
contact avec l’art wagnérien, notamment,
eut lieu en février 1863 par la création linzoise de Tannhäuser.
DU MUSICIEN D’ÉGLISE AU SYMPHONISTE.
Tandis que Sechter interdisait à son élève
tout travail créateur (la seule composition
de cette époque, le Psaume 146 pour solos,
choeur et orchestre, entreprise en 1856,
fut terminée seulement en 1861), Kitzler
suscita les premiers essais dans les formes
instrumentales « nobles », avec le Quatuor
à cordes en ut mineur (demeuré inconnu
jusqu’en 1951) et la précieuse Ouverture
en sol mineur, véritable trait d’union avec
Schubert. Ces oeuvres remontent à 1862 ;
et, l’année suivante, Bruckner signa sa
toute première symphonie en fa mineur
(dite « d’étude »), qu’il écarta plus tard
de la numérotation définitive de même
que celle en ré mineur entreprise aussitôt après et à laquelle, comme par un tardif remords, il attribua à la fin de sa vie
le symbolique numéro « zéro « ! Dans
ces années décisives de la « période de
Linz », l’organiste édifia simultanément
ses principaux monuments liturgiques. À
côté d’une seconde série de motets comprenant le célèbre Ave Maria à sept voix
(1861), allaient ainsi naître les trois principales Messes : no 5 (en édition no 1) en
ré mineur, terminée et créée en 1864 et
où le commentateur Moritz von Mayfeld
crut déceler l’éclosion soudaine d’un génie
(pour bien intentionné qu’il fût, cet ami
de Bruckner ne se doutait ni de la somme
de travaux ni de l’évolution continue dont
l’oeuvre était en vérité l’aboutissement) ;
no 6 (II) en mi mineur, avec accompagnement de quinze instruments à vent, écrite
au cours de l’été 1866, mais créée seulement en 1869, en plein air, sur le chantier
de la nouvelle cathédrale de Linz ; enfin no
7 (III), « la Grande », en fa mineur, la plus
vaste, mais d’expression plus subjective
que la précédente, entreprise en 1867 au
cours d’une grave dépression nerveuse et
comme pour « exorciser » le mal (créée
en 1872 à Vienne, elle fut alors accueillie
avec chaleur par Eduard Hanslick, qui la
compara à la Missa solemnis de Beethoven). Mais tandis qu’il créait ces pages
vibrantes d’une foi sincère, Anton devait
faire abstraction de l’exigence, non moins
impérieuse, d’une expression plus authentiquement personnelle, plus « engagée »
aussi. Cette exigence éclata dans la symphonie, avec d’autant plus de force qu’elle
avait été longtemps contenue. Les violents
contrastes et le déchaînement agogique de
la Symphonie no 1 en ut mineur (1865-66)
n’eurent pas d’autre cause, ainsi que ses
audaces formelles et harmoniques, qui
firent d’elle la première pierre du renouveau moderne de la symphonie. Rien
d’étonnant à ce qu’à sa première audition, le 9 mai 1868 à Linz (huit ans avant
l’apparition de la Première Symphonie de
Brahms), elle n’ait remporté qu’un succès
d’estime, davantage adressé à l’organiste
du Dom qu’au compositeur, qui, en vérité,
dès cet instant, était incompris.
Comme pour toutes ses oeuvres majeures jusqu’alors, Bruckner dirigea luimême cette création : depuis ses débuts,
soulignons-le, son activité secondaire
de chef de choeur l’amena maintes fois à
paraître dans la vie musicale « séculière ».
Ainsi Wagner, avec qui il était entré en
rapport dès 1865, lui confia-t-il, en avril
1868, l’avant-première d’un choeur extrait
des Maîtres chanteurs ; et lui-même écrivit, notamment pour sa chorale Frohsinn
à Linz, maintes pièces toujours pratiquées en pays germanique, mais guère à
l’étranger. Cependant Sechter, mort en
septembre 1867, l’avait désigné pour lui
succéder dans ses charges de professeur au
conservatoire de Vienne et d’organiste de
la chapelle impériale.
Intimidé par la perspective de telles
responsabilités, d’autant qu’il les ambitionnait, Anton hésita et il multiplia les
démarches dans d’autres directions (Salzburg, Munich), pour céder enfin aux
objurgations de Johann Herbeck, qui
venait de découvrir la Symphonie inachevée de Schubert, et qui s’était fait aussi le
prosélyte de notre musicien. Les décrets
de nomination de Bruckner intervinrent,
en juillet 1868, au conservatoire, et, le 4
septembre - jour de son 44e anniversaire -,
à la Hofkapelle ; la semaine suivante, il
s’embarqua sans retour pour Vienne, ne
se doutant pas que cette ville allait devenir
aussi son Golgotha.
UN CARACTÈRE AMBIVALENT.
L’homme mûr qui s’installa à Vienne,
au numéro 42 de la Währingerstrasse,
en compagnie de sa soeur cadette Maria-Anna (Nanni) qui tint son ménage,
n’offrait pas encore l’image, aujourd’hui
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
129
familière, de l’ascète chenu courbé sous le
poids des ans et de l’adversité. Il conserva
cependant la tendance, facile à confondre
avec de l’humilité, à s’incliner devant
toute autorité temporelle ou spirituelle,
qu’elle lui fût imposée par les institutions
ou qu’il l’eût lui-même choisie, comme ce
fut le cas pour Wagner (dans la populaire
silhouette dessinée par Otto Böhler, il paraissait plus petit que son confrère alors
qu’en fait c’était l’inverse). Son comportement, son vêtement trop large nécessité
par les mouvements qu’il exécutait aux
claviers, son accent rural (l’équivalent
pour la France de celui d’un paysan berrichon), tout cela prêtait à sourire, et il en
était fort conscient. Mais avec une habileté qui suffisait à la démentir, il joua de
cette réputation de niaiserie (Halb Gott,
halb Trottel, « moitié Dieu, moitié benêt »,
disait, paraît-il, Mahler) pour endormir
la méfiance de l’intelligentsia au sein de
laquelle il se créa peu à peu une position
que nul n’eût imaginé lui voir occuper un
jour. Derrière une piété démonstrative,
qui accentua encore son côté marginal, il
dissimula une ambition amplement justifiée par son génie, mais que d’aucuns qualifient aujourd’hui d’« arriviste ». Après
avoir, jusqu’à la trentaine passée, douté de
sa vocation musicale, il prit conscience désormais de l’oeuvre qu’il était destiné à accomplir, et il était prêt à endurer les pires
épreuves pour la mener à bien. Il savait
qu’il n’allait la faire triompher que si sa
position sociale lui en donnait les moyens.
Étant fils et petit-fils d’instituteurs, il eut la
chance d’être un bon pédagogue, et devait
mettre ce don à profit avec une admirable
persévérance non seulement au conservatoire, mais aussi à l’université, terrain où il
était peu prédestiné à prendre pied.
LA « SECONDE ÉCOLE VIENNOISE ».
Après maintes sollicitations auprès du
ministère, et sans se préoccuper de ce
qu’il s’aliénait définitivement son collègue
Hanslick en marchant par trop sur ses brisées, il obtint en effet en 1875 la création
à son profit (mais, au début, sans émoluments) d’une chaire de théorie musicale
ouverte aux étudiants du doctorat en philosophie, où se succédèrent durant vingt
années les futurs grands noms de la pensée
viennoise et pas seulement des musiciens.
De ce maître qui entretenait avec eux des
relations quasi familiales, la plupart de ses
étudiants garderont un souvenir impérissable, l’honorant de multiples façons dans
leurs écrits. Certains, comme Mahler,
suivirent son enseignement à la fois au
conservatoire et à l’université. Il eut, en
outre, des élèves privés ; et un Hugo Wolf
devait plaider pour lui avec acharnement
dans le Wiener Salonblatt, et se réclamer
de lui sans jamais avoir pris ses leçons. Le
terme de « seconde école viennoise » doit
donc s’appliquer, non pas au groupe de
Schönberg (qui sera la « troisième ») mais
à celui constitué par Bruckner et ses deux
principaux héritiers Hugo Wolf et Gustav
Mahler, avec aussi quelques autres noms,
comme par exemple Franz Schmidt. Malgré de grandes divergences de pensée et
de style, des affinités musicales frappantes
les liaient sur le plan de l’écriture et même
de certaines citations explicites ; et l’on
ne saurait trop souligner l’antériorité de
Bruckner dans les conquêtes de forme
et de langage qui allaient marquer la fin
du siècle et aboutir à l’éclatement du
monde tonal.
DU DÉSASTRE AU TRIOMPHE.
Mais reportons-nous à l’arrivée du maître
à Vienne, pour le suivre brièvement dans
son destin musical - qui d’ailleurs se
confondait avec sa vie privée, puisque la
composition allait absorber tout le temps
que lui laissèrent ses triples fonctions
(dans les cinq dernières années de sa vie
seulement il eut le loisir de s’y consacrer
totalement, et il était alors trop tard pour
qu’il puisse mener à bien son oeuvre ultime, la 9e Symphonie). Quant au bonheur
intime d’un foyer, on sait qu’il lui fut toujours refusé, encore qu’en deux occasions,
au moins, il y eût lui-même renoncé par
intransigeance religieuse (du moins étaitce là le prétexte avoué). En 1870, sa soeur
mourut, et il dut engager une servante,
Kathi Kachelmayer, qui lui fut dévouée
jusqu’à sa mort. Chaque été, il retourna au
pays natal passer de studieuses vacances ;
et trois grandes diversions, trois voyages
lointains seulement marquèrent les vingthuit années du séjour viennois : deux tournées organistiques triomphales, en 1869,
en France (Nancy et Paris) et, en 1871, à
Londres ; et un voyage de tourisme, en
1880, en Bavière, Suisse et Haute-Savoie.
Ne s’y ajoutèrent que quelques brefs déplacements en Allemagne pour assister à
divers concerts de ses oeuvres, qui y furent
parfois jouées avant de l’être à Vienne ;
ou, bien sûr, au festival de Bayreuth, dont
il devint d’emblée un familier. Les autres
événements saillants furent rares. Au plan
matériel, deux seuls déménagements (en
1877 pour la Hessgasse, à l’angle du Ring,
et en 1895 pour le pavillon de garde du
Belvédère mis à sa disposition par l’empereur François-Joseph) ; au plan de l’anecdote, sa réception par l’empereur, en 1886,
où le monarque s’entendit demander par
le musicien s’il ne pouvait « empêcher
Hanslick de (le) démolir si méchamment « ;
ou son unique rendez-vous avec Brahms,
au restaurant « Zum roten Igel », où ils
ne se comprirent qu’en matière culinaire !
Reste l’essentiel : les premières auditions
des symphonies. Et là nous passons d’un
extrême à l’autre, du désastre de la Troisième (16 déc. 1877) au triomphe de la
Huitième (18 déc. 1892), tandis qu’en 1887
le rejet par Hermann Levi de la version
primitive de cette même Huitième avait
failli conduire Bruckner au suicide. À l’inverse, l’une des grandes joies de sa vieillesse fut, en novembre 1891, son accession
au doctorat honoris causa de l’université
de Vienne ; les solennités qui s’ensuivirent
l’émurent jusqu’aux larmes.
LES VERSIONS MULTIPLES.
Ce fut donc l’édification du monument
symphonique qui occupa principalement
ses pensées à Vienne. Après un hiatus de
trois années environ, dû à la nécessité de
s’accoutumer à la vie urbaine nouvelle
à laquelle il était si mal préparé, il y revint en 1871-72 avec la Deuxième en ut
mineur, et le poursuivit désormais sans
désemparer, en passant parfois des années
(notamment de 1876 à 1879 et de 1888 à
1891) à remodeler le travail antérieur. La
plupart des symphonies connurent ainsi
deux, voire trois rédactions successives ou
« Fassungen », souvent très divergentes,
plus diverses variantes pour des mouvements isolés : tous ces textes ont aujourd’hui paru dans l’Édition critique intégrale réalisée à Vienne. Sans tenir compte
des retouches mineures, on s’aperçoit, en
considérant cette somme, que Bruckner
a produit, non pas neuf ni onze symphonies, mais bien dix-sept ! (On en donne
plus loin la nomenclature.) Ces remaniements systématiques répondaient,
certes, d’abord au souci de perfectionner
l’ouvrage, de mieux profiler un thème
ou de resserrer la forme. Mais ils eurent
parfois l’inconvénient de faire disparaître
des hardiesses précieuses ; d’où l’intérêt
de la redécouverte des versions primitives
(« Urfassungen »). En outre, certaines
des révisions les plus tardives furent influencées par les exigences des élèves et
interprètes du compositeur, soucieux de
rendre sa musique acceptable aux oreilles
des contemporains ; et dans certains cas
ils rédigèrent eux-mêmes de nouveaux
textes, qui furent en réalité les premiers
publiés. Ceux-ci sont aujourd’hui heureusement abandonnés, mais il en demeure
des traces fâcheuses, notamment dans les
dernières versions des Troisième et Huitième symphonies.
L’« ART DE LA SYMPHONIE ».
Bien qu’il s’agisse dans tous les cas de
musique pure, et que l’ensemble ait pu
être qualifié d’« Art de la symphonie » (A.
Machabey), au sens de l’Art de la Fugue,
chacune des symphonies - nous l’avons
vu pour la Première - comporte en sa
substance, sinon un programme précis,
du moins un lien direct avec les circonstances de sa création et les sentiments qui
assaillaient alors le musicien. En ce sens,
Anton Bruckner s’affirma fondamentalement comme un romantique, donc un
enfant de son siècle, ce qu’il fut aussi par
sa situation chronologique, entre Beethoven et Schubert d’une part, Mahler et le
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
130
XXe siècle de l’autre. Ces deux faits, à
tout le moins, contrebattirent l’idée de
son « intemporalité « ; et ce qu’on appela
son « mysticisme » fut en vérité la traduction de son émerveillement devant
toutes les beautés de ce monde et de sa
gratitude envers Celui qu’il reconnaissait pour leur créateur. Ce terme constitua une constante de sa pensée dans
toutes les symphonies et spécialement
dans leurs adagios, dont les cinq derniers, au moins, comptent au nombre
des pages les plus inspirées de toute la
musique. Il reste que les terribles conflits
qui sous-tendent cette pensée, et qui se
traduisent notamment par des tensions
harmoniques, dont le musicologue anglais Robert Simpson a fait une étude
remarquable, justifient la conclusion de
Gustave Kars : « On ne saurait imaginer qu’une oeuvre d’une telle portée et
d’une telle complexité ait pu être le fruit
d’une vie béate, d’où la lutte et le doute
auraient été absents. »
Si diverses par leur propos, les symphonies répondent toutes à une évolution sans faille, chacune s’appuyant
sur les précédentes pour préparer la
suivante. Leur structure formelle obéit
à deux principes fondamentaux : d’une
part l’unité interne, accomplissement et
systématisation d’un processus ébauché déjà par le dernier Schubert, et qui
consiste à fonder l’oeuvre sur une cellule
mère qui féconde tous les mouvements
et triomphe en conclusion ; d’autre part
le trithématisme des mouvements de
sonate, qui, de même que la succession
des temps, répond à un souci primordial
de contrastes (deux données vigoureuses
ou épiques encadrent un « groupe du
chant » de caractère lyrique). Contrairement à une idée trop répandue, ni
leurs durées (à deux exceptions près :
Cinquième et Huitième) ni leur effectif instrumental n’outrepassent maints
exemples antérieurs (Berlioz). Le compositeur employait rarement des instruments autres que ceux de l’orchestre du
dernier Beethoven ou de Brahms, mais
il tira de cet orchestre des effets bien
plus somptueux grâce à une technique
plus moderne et surtout à un instinct
infaillible dans le choix et la répartition
des couleurs. L’influence de la registration organistique est évidente, mais elle
se traduit, non par l’abus de doublures,
mais par l’indépendance des groupes
orchestraux, qui évoluent en grands
blocs selon une démarche que seul le
XXe siècle saura retrouver. À la pratique
de l’orgue on peut, de même, rattacher
les fréquentes césures (pauses générales)
qui émaillent le discours brucknérien et
préparent souvent l’énoncé d’une idée
directrice. En réalité, ce rôle philologique du silence est commun aux trois
grands romantiques autrichiens (Schubert, Bruckner, Mahler) : c’est un des
traits fondamentaux qui les distinguent
de leurs collègues d’Allemagne (de
Beethoven à Reger), qui, dans la symphonie tout au moins, professent plutôt
l’« horreur du vide « !
Enfin, toute création liturgique majeure étant, chez Bruckner, absente du
catalogue viennois à la seule exception du
Te Deum entrepris en 1881 et terminé en
1884, la tentation est forte de considérer
que les symphonies de la grande période
(2 à 9) unissent l’expression sacrée et
l’expression profane en un seul et même
genre : phénomène pratiquement unique
dans la littérature musicale. Grâce à
cette dualité autant qu’à ses conquêtes
d’écriture, Anton Bruckner s’élève très
au-dessus du cadre régional et même national pour s’égaler aux deux plus grands
chantres de l’humanité, Jean-Sébastien
Bach et Ludwig van Beethoven. C’est
donc lui, et non Brahms, qui devrait
constituer, si l’on tenait à cette image,
le troisième terme de la trinité proclamée par Hans von Bülow ; et la multiplicité des études qui lui sont consacrées
montre d’ailleurs combien s’affirment de
jour en jour l’importance et la valeur de
son message au regard de la musique de
notre temps.
LES CHEFS-D’OEUVRE VIENNOIS.
Il reste à caractériser brièvement chacune des symphonies viennoises. La
Deuxième a été qualifiée par August
Goellerich, élève préféré et principal biographe de Bruckner, de « symphonie de
Haute-Autriche », ce que justifie surtout
son scherzo bondissant (la danse populaire sera d’ailleurs un terme constant
dans les scherzos, au moins jusqu’à la
Cinquième incluse). La Troisième, qui
ambitionne pour la première fois d’allier
l’inspiration épique beethovénienne et
le monde des Nibelungen, fut dédiée à
Richard Wagner ; et cela valut à son auteur vingt années d’ostracisme de la part
de la critique traditionaliste viennoise.
La Quatrième reçut son sous-titre de
Romantique du compositeur lui-même,
qui fournit aussi pour chaque mouvement un programme quelque peu naïf :
elle est, dans l’ensemble, dominée par
l’amour de la nature, mais bien moins
tributaire d’intentions précises que la
Pastorale, dont on la rapproche souvent.
En revanche, sa structure cyclique est
peut-être la plus parfaite. Premier point
culminant de la chaîne et création éminemment typique de son auteur (qui ne
l’entendit jamais !), la Cinquième (18751877) unit le climat religieux au lyrisme
viennois en une formidable architecture
sonore qui intègre une double fugue. La
Sixième connaît en son adagio l’épilogue
d’une des nombreuses idylles que le musicien se forgeait sans véritable espoir ;
tandis que le scherzo est d’atmosphère
fantomatique. La Septième fut celle
qui valut à son auteur la gloire internationale : sa création à Leipzig, le 30
décembre 1884, par Arthur Nikisch, le
tira du jour au lendemain de l’obscurité.
Elle avait, il faut dire, de quoi séduire le
plus vaste auditoire, tant par la noblesse
de ses mélodies que par la somptuosité
de sa parure orchestrale. L’adagio, où
Bruckner emploie pour la première fois
les tubas, fut entrepris dans le pressentiment de la mort de Wagner ; il s’achève
sur la Trauerode qui, treize ans plus tard,
devait accompagner son auteur à sa dernière demeure. La Huitième, la plus vaste
et la plus complexe de toutes (elle occupa
le compositeur de 1884 à 1890), comporte au moins trois éléments programmatiques : le glas (Totenuhr) qui résonne
à la fin du premier mouvement dans la
seconde version ; la peinture du paysan
danubien dans le scherzo ; et le thème en
trois vagues qui ouvre le finale et illustre
une rencontre des empereurs d’Autriche,
d’Allemagne et de Russie. Mais, au-delà
de l’anecdote, la grandiose et cataclysmique péroraison, avec superposition
de tous les thèmes de l’oeuvre, manifeste
l’extrême limite des potentialités de la
forme symphonique ellemême.
Bruckner eût-il pu aller plus loin
encore dans la Neuvième, qu’il dédia
symboliquement « au bon Dieu « ? On
pouvait l’attendre par les dimensions
du premier mouvement, ou par la percée qui s’accomplit en matière harmonique (superposition de tous les degrés
de la gamme diatonique) au sommet de
l’adagio. Et dans les esquisses du finale,
auquel le musicien travailla jusqu’à
son dernier jour, les fonctions tonales
semblent fréquemment suspendues.
Mais ce dernier morceau ne parvint pas
à son terme (il s’interrompit au seuil de
la péroraison) : c’est donc sur le sublime
apaisement de l’adagio, venant après la
terrifiante course à l’abîme du scherzo,
que le maître prit congé de son auditoire
terrestre. À sa mort, le 11 octobre 1896,
au terme d’un lent déclin et d’une hydropisie aggravée d’atteintes pulmonaires, il
laissait parmi d’autres genres, au moins,
deux oeuvres majeures : le Quintette à
cordes en fa, avec deux altos (1879), et
Helgoland (1893), sur un poème d’August Silberstein, pour choeur d’hommes
et grand orchestre, couronnement d’une
production chorale profane ininterrompue comportant une quarantaine de
pièces. Enfin en musique sacrée, outre
le Te Deum déjà cité, un bref et éclatant
Psaume 150 (1892) et une dernière série
de motets, les mieux connus et les plus
neufs d’expression : quatre graduels
(du Locus iste de 1869 au Virga jesse
de 1885) ; Ecce sacerdos, avec cuivres
(1886) ; Vexilla regis (1892).
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
131
UN AUDITOIRE D’OUTRE-TOMBE.
Les obsèques d’Anton Bruckner furent
célébrées en grande pompe, devant le
Tout-Vienne de la musique, le 14 octobre
1896, à l’église Saint-Charles. Quelques
semaines auparavant, il réclamait encore
de ses médecins une attestation écrite
garantissant sa liberté ; et cette même exigence supérieure lui avait fait demander
par testament que son cercueil demeurât
exposé - et non inhumé - dans la crypte
de Saint-Florian, au-dessous de l’orgue
qui, depuis, porte son nom. Lorsqu’on
exauça ce voeu, on découvrit une nécropole remontant aux invasions turques,
et d’où l’on retira plusieurs milliers de
crânes devant lesquels il joue désormais
pour l’éternité !
BRUDIEU (Joan), compositeur français
(Limoges v. 1520 - Urgel, Espagne, 1591).
On ne sait presque rien de son enfance
et de sa formation. Arrivé en Espagne
en 1539, il fut maître de chapelle de la
cathédrale d’Urgel en Catalogne, de 1539
à 1543 et de 1545 à 1577. Il fut ordonné
prêtre en 1543. À partir de 1577, il fit
quelques voyages, et on le trouve en 1585
à Barcelone où il publie ses Madrigales. Il
abandonna l’année suivante toute fonction après avoir obtenu un bénéfice ecclésiastique important. Ses seize madrigaux
(par exemple, Las Cañas) montrent qu’il
connut les oeuvres de Janequin. Il marqua
sa prédilection pour les dissonances, et
son style d’écriture est moins strict que
celui de son cadet Victoria. Cinq madrigaux sont écrits sur des textes catalans,
notamment d’Auzias March, poète du
XIIIe siècle. Brudieu est, d’autre part, l’auteur d’un Requiem à 4 voix, conservé en
manuscrit.
BRÜGGEN (Frans), flûtiste et chef d’orchestre néerlandais (Amsterdam 1934).
Après des études dans sa ville natale, au
conservatoire pour la musique et à l’université pour la musicologie, il s’est très
vite imposé comme l’un des plus grands
virtuoses actuels de la flûte traversière et
plus encore de la flûte à bec. Passionné
par ce dernier instrument, il en a, de nos
jours, confirmé la renaissance en lui rendant accès aux salles de concert comme
instrument soliste. Il a exhumé, interprété
et souvent édité de nombreuses partitions
du XVIIe et du XVIIIe siècle. Attentif à
toutes les époques et à tous les genres de
musique, il est le créateur d’oeuvres écrites
spécialement pour la flûte à bec par des
compositeurs comme Berio. Il collabore
avec le facteur de flûtes Hans Coolsma,
d’Utrecht, gardien de la célèbre tradition
des facteurs de flûtes hollandais des XVIIe
et XVIIIe siècles. Comme chef, il a fondé en
1981 et dirige depuis l’Orchestre du XVIIIe
Siècle.
BRUHNS (Nicolaus), organiste et compositeur allemand (Schwabstedt,
Schleswig, 1665 - Husum, Schleswig,
1697).
Après des études de violon, de viole de
gambe, d’orgue et de composition, notamment avec Buxtehude, il passa sa brève
carrière comme organiste à Husum, où
il fut nommé en 1689. Ses oeuvres pour
orgue - 4 toccatas et une fantaisie de choral sur Nun komm der Heiden Heiland -,
qui révèlent un digne disciple de Buxtehude, par la virtuosité et le renouvellement incessant de l’imagination, furent
rapidement célèbres dans toute l’Allemagne. Bruhns laissa également douze
Concerts spirituels et Cantates, où son
tempérament fougueux s’exprime par une
écriture vocale et instrumentale recherchée et brillante.
BRUITEUR.
Exécutant qui accompagne une action
dramatique de bruits destinés à en illustrer
le déroulement et à en renforcer l’impact.
Déjà, dans le théâtre antique, des bruiteurs étaient chargés, notamment, de faire
vibrer de grandes plaques de bronze pour
simuler l’orage accompagnant l’apparition du deus ex machina. Les mystères médiévaux en appelaient également au bruitage pour évoquer, par exemple, l’horreur
de l’enfer. Le théâtre baroque fit grand
usage de bruiteurs, mais c’est surtout pour
le théâtre radiophonique et le cinéma que
l’art du bruiteur eut à se développer, en
simulant une extraordinaire quantité de
sons à l’aide de moyens généralement
rudimentaires. L’enregistrement de certaines oeuvres lyriques peut réclamer
l’intervention d’un bruiteur (par exemple,
l’orage du début de l’Otello de Verdi).
Aujourd’hui, grâce au développement des
techniques d’enregistrement, on tend à recomposer l’environnement sonore à l’aide
d’éléments recueillis sur le vif.
BRUMEL (Antoine), compositeur français (v. 1460 - v. 1520).
Heurier à la cathédrale de Chartres en
1483, il fut nommé maître de chant des
enfants à la cathédrale Saint-Pierre de
Genève (1486-1492). Membre du choeur
de Laon en 1497, il devint maître des enfants à Notre-Dame de Paris (1498-1500).
Il vécut ensuite, peut-être, à Lyon, avant
d’occuper le poste de maître de chapelle
du duc de Ferrare, Alphonse Ier (1505).
Ses treize messes utilisent le cantus firmus, profane (l’Homme armé, Bergerette
savoyenne, À l’ombre d’un buyssonnet) ou
liturgique (Pro defunctis sur l’introït de
Requiem aeternam et le Dies irae, une nouveauté en matière de teneur). Mais si, dans
ses premières messes, comme l’Homme
armé, le superius et le ténor commandent
encore les deux autres voix, la messe De
Beata Virgine, plus tardive, semble avoir
été pensée à 4 voix et s’ouvre, bien que
timidement, au style nouveau (souci de
l’harmonie, homorythmie). La souplesse
et la variété qu’apportent ces qualités
expressives contrebalancent le caractère
parfois trop accusé de ses connaissances
purement techniques et son attachement
premier à la tradition. Le motet Laudate
Dominum (il en a écrit environ une trentaine) est un excellent exemple de cet
équilibre. En avançant dans sa carrière,
Brumel accorde une attention spéciale à
la déclamation (Sicut lilium inter spinas),
à l’homorythmie (Missa Super Dringhs)
et une place grandissante à la richesse
sonore, signes d’une influence italienne
directement subie.
BRÜN (Herbert), compositeur israélien
(Berlin 1918).
Il a fait ses études au conservatoire de
Jérusalem (1936-1938), notamment avec
Stefan Wolpe pour la composition, et à
l’université Columbia aux États-Unis
(1948-49). De 1955 à 1961, il a orienté ses
recherches vers l’utilisation de l’électronique et de l’électroacoustique en composition et, à partir de 1963, vers celle des ordinateurs. Il a commenté ses travaux dans
de nombreux articles publiés dans divers
pays, dans des cours à Darmstadt et dans
des émissions de radio en Allemagne. Il
est devenu professeur à l’université de
l’Illinois en 1963. Herbert Brün a composé des oeuvres pour orchestre comme
Mobile for Orchestra (1958), des oeuvres
de musique de chambre, dont 3 quatuors
à cordes (1953, 1957, 1961), des pièces
pour piano, pour clavecin, des ballets, des
musiques de scène et de la musique élec-
tronique (Anepigraphe, 1958 ; Non sequitur VI, pour instruments et bande, 1966),
parfois avec intervention d’un ordinateur
(Infraudibles, 1968).
BRUNEAU (Alfred), compositeur français Paris 1857 - id. 1934).
Sa mère était peintre ; son père, violoniste et éditeur de musique. Entré au
Conservatoire de Paris en 1873, il obtint
un premier prix de violoncelle en 1876,
travailla la composition avec Massenet et
remporta le second grand prix de Rome
en 1881. Après avoir abordé le théâtre
lyrique, en 1887, avec Kerim, il se lia avec
Émile Zola et tira d’un roman de ce dernier, le Rêve, un opéra-comique créé salle
Favart en 1891. Influencé par le naturalisme littéraire, Bruneau résolut de le
transplanter dans l’opéra et précéda dans
cette voie Gustave Charpentier, choisissant ses héros parmi les humbles, paysans, ouvriers, soldats. D’abord surpris, le
public se laissa conquérir par la sincérité
de l’écriture de Bruneau et la noblesse des
sentiments exprimés. Il imposa les personnages de Zola sur les scènes de l’OpéraComique et de l’Opéra avec l’Attaque du
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
132
moulin (1893), Messidor (1897), l’Ouragan
(1901), l’Enfant-Roi (1905). Après la mort
de Zola, il se laissa tenter par des sujets
pleins d’humour (le Roi Candaule, 1920) et
par un drame historique de Victor Hugo
(Angelo, tyran de Padoue, 1928).
Le langage musical de Bruneau est
simple et clair, mais lyrique, capable
d’une grande vigueur, avec un don particulier pour évoquer la nature (forêt de
l’Attaque du moulin, blés mûrs de Messidor, féerie du Paradou dans sa musique
de scène pour la Faute de l’abbé Mouret
de Zola). À ses oeuvres théâtrales, il faut
ajouter quelques pièces symphoniques et
de belles mélodies. Bruneau eut aussi une
importante activité de critique et de musicographe.
BRUNETTE.
Brève composition pour 1, 2 ou 3 voix
et basse continue sur un sujet galant et
champêtre, voire pastoral, en vogue au
XVIIIe siècle. La brunette tire son nom de
l’idéal féminin de la « petite brune » de
la poésie médiévale. Le genre est léger,
tendre, et se rattache soit à la forme binaire de l’air de cour, soit à celle de la
chanson avec refrain. L’éditeur parisien
Christophe Ballard a publié un certain
nombre de brunettes dans divers recueils.
La brunette poursuivit sa carrière en devenant également instrumentale (flûte,
hautbois, violon).
BRUNETTI (Gaetano), compositeur italien (Fano, États pontificaux, v. 1740 Madrid 1808 ?).
Élève de Nardini, il arriva avec sa famille
en Espagne en 1762 et y bénéficia de la protection du prince des Asturies et du duc
d’Albe. Il écrivit pour eux de nombreuses
oeuvres. Il n’occupa aucune position officielle sous Charles III, mais, sous Charles
IV, on le trouve mentionné comme « premier violoniste du roi ». Il fut, semble-til, lié d’amitié avec Boccherini. On perd
toute trace de lui après 1798 et la date de
sa mort est incertaine. Il écrivit un opéra,
Jason, donné à Madrid en 1768 (perdu), et
quelques pièces religieuses, mais sa production est pour l’essentiel instrumentale.
Elle comprend beaucoup de musique de
chambre et, surtout, 37 symphonies (dont
7 perdues) qui font de lui, avec Boccherini, le principal symphoniste italien de
la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans la
plupart de ses symphonies, le menuet est
écrit pour instruments à vent seuls.
BRUNI (Antonio Bartolomeo), compositeur et violoniste italien (Cuneo 1757 id. 1821).
Élève de Pugnani à Turin, installé à Paris
en 1780, il y donna les opéras Célestine
(1787), Claudine (1794) et la Rencontre
en voyage (1798), et dirigea l’orchestre
de l’Opéra-Comique (1799-1801) puis de
l’Opéra italien (1801-1806). Il publia une
méthode de violon et une d’alto.
BRUNOLD (Paul), musicologue français
(Paris 1875 - id. 1948).
Organiste, il devint titulaire de l’orgue
de Saint-Gervais. Également claveciniste,
il édita les oeuvres de Dieupart, Clérambault, Jacquet de la Guerre et, en collaboration avec A. Tessier, celle de Chambon-
nières. Il publia, en collaboration avec H.
Expert, une Anthologie des maîtres français du clavecin des XVIIe et XVIIIe siècles.
En 1946, il fut nommé conservateur du
Musée instrumental du Conservatoire.
Paul Brunold est l’auteur d’ouvrages
théoriques, notamment un Traité des
signes et agréments employés par les clavecinistes français (rééd. Nice, 1964) et une
Histoire du grand orgue de Saint-Gervais
(Paris, 1934).
BRUSCANTINI (Sesto), baryton italien
(Porto Civitanova, prov. de Macerata,
1919).
Après des études de droit, puis de chant, il
a débuté à la Scala de Milan en 1949 dans
le rôle de Geronimo du Mariage secret de
Cimarosa. À partir de 1951, sa participation aux festivals de Glyndebourne et de
Salzbourg l’a rendu très vite célèbre. Sa
voix souple, sa musicalité, ses talents d’acteur lui ont permis de s’illustrer essentiellement dans des rôles de Rossini (Figaro
dans le Barbier de Séville, Dandini dans La
Cenerentola), de Donizetti (Malatesta dans
Don Pasquale) et aussi de Mozart (Alfonso
dans Cosi fan tutte).
BRUXELLES.
La gloire de la chapelle dite « de Bourgogne » ou « du roi », au XVIe siècle, où
avaient oeuvré Gombert, Créquillon,
Canis, est sans doute à l’origine d’une
tradition qui permit à Bruxelles, dans la
seconde moitié du XVIe siècle et la première du XVIIe, le maintien d’une activité
musicale régulière, marquée par l’émulation qui régna entre la chapelle du roi et
la maîtrise de la collégiale Sainte-Gudule.
En 1650, la cour de l’archiduc Léopold
Guillaume accueillit pour la première
fois un spectacle lyrique (Ulisse all’isola
di Circe de Zamponi) ; en 1682, l’opéra
du quai au Foin ouvrit ses portes, et le
répertoire italien s’installa en maître. En
1700, l’Atys de Lully inaugura le « Grand
Théâtre sur la Monnoye », futur théâtre de
la Monnaie. Ce fut le début d’une période
brillante où Bruxelles servit de tremplin à
l’opéra italien dans sa conquête de l’Allemagne, de Vienne et de l’Angleterre, avant
d’assurer le triomphe de l’opéra français
avec les oeuvres de Campra, Destouches et
Mouret. Le ballet était fort à l’honneur, et
la célèbre danseuse Marie-Anne Camargo
y fit ses débuts.
La création de l’Académie de musique
(1681) donna une impulsion à la musique
instrumentale. Au XVIIIe siècle se constituèrent une importante bibliothèque
musicale et un musée d’instruments.
Bruxelles vit alors naître plusieurs compositeurs de talent, tel Pierre Van Maldere, violon solo à l’Orchestre de l’Opéra
royal et auteur du premier opéra-comique
belge.
De l’École de musique, créée en 1813 par
Jean-Baptiste Roucourt et devenue École
royale en 1826, sortit en 1832 le conservatoire, que ses directeurs successifs,
Fétis, Gevaert, Tinel, du Bois, Joseph et
Léon Jongen, Marcel Poot, ont maintenu
à un très haut niveau. Cet établissement
a été une pépinière d’illustres maîtres, en
particulier dans le domaine du violon,
où une tradition installée depuis André
Robberechts (1798-1860) est restée vivace
au fil des générations, grâce à Charles de
Bériot, Martin-Pierre-Joseph Marsick (qui
fut aussi un professeur célèbre à Paris),
Vieuxtemps, Ysaye, Mathieu Crickboom,
Édouard Deru, Alfred Dubois et, enfin,
l’élève de ce dernier, Arthur Grumiaux.
Durant tout le XIXe siècle, des sociétés se
fondèrent et diffusèrent largement l’art
musical. Le cercle des XX, créé par Octave
Maus pour la défense de l’art moderne,
devint la Libre Esthétique, tremplin de
la musique française en Belgique, qu’il
s’agisse du franckisme ou de Debussy.
Parallèlement, le théâtre de la Monnaie,
devenu l’une des premières scènes d’Europe, créait maints opéras nouveaux.
Après la Première Guerre mondiale
sont nés, en 1930, l’Orchestre de l’I. N. R.
(Institut national de radiodiffusion),
en 1931, l’Orchestre symphonique de
Bruxelles et des sociétés plus spécialisées
comme Pro Musica Antiqua (fondée en
1930) ou la Sirène (fondée en 1934 en
faveur de la musique contemporaine).
En 1940, en pleine guerre, vit le jour à
Bruxelles le Mouvement international des
jeunesses musicales, à l’initiative de Marcel Cuvellier.
Après 1950, le même éventail d’activités a permis à la fois la résurrection d’un
passé musical injustement méconnu et
l’essor de la jeune école belge, dont André
Souris, puis Henri Pousseur ont été les
personnalités les plus marquantes. Les
studios, groupes d’études ou ensembles
d’exécutants (Centre de recherches musicales de Wallonie, Studio de musique
électronique de Bruxelles, Dédale, Logos,
Musique nouvelle, Enteuxis, Pentacle,
etc.) défendent et illustrent la musique
contemporaine. Dans un autre domaine,
l’ensemble Alarius s’est trouvé à une certaine époque à la pointe de la recherche
dans l’exécution instrumentale de la musique ancienne et baroque. Des interprètes
comme le violoniste Sigiswald Kuijken, le
gambiste Wieland Kuijken, le claveciniste
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
133
Robert Kohnen y firent leurs premières
armes. L’ensemble Alarius se disloqua
quelque temps après la mort accidentelle
de son fondateur, le flûtiste Charles Maguire.
Témoignent également de la vitalité de
la vie musicale dans cette ville le concours
d’interprétation Reine Elisabeth et le
festival de musique contemporaine Ars
Musica.
BRUYNÈL (Ton), compositeur néerlandais (Utrecht 1934).
Élève de Kees Van Baaren au conservatoire de sa ville natale (1952-1956), il s’est
tourné, à partir de 1967, vers la musique
électronique, et a écrit depuis une série
d’oeuvres pour bande et sources sonores
traditionnelles qui le placent au premier
rang de la jeune école néerlandaise. Citons
Études pour piano et bande (1959), plus
tard utilisé comme ballet, Résonance I, en
collaboration avec un groupe de danse
(1962), Résonance II (1963), Relief pour 4
magnétophones et orgue (1964), Mobile
pour 2 magnétophones (1965), Signes
pour quintette à vent, 2 magnétophones
et projections lumineuses (1969), Phases
pour orchestre et bande (1974), Soft Song
pour hautbois et bande, Translucent II
pour cordes et bande (1978), Serène pour
flûte et bande (1978), Toccare pour piano
et bande (1979), John’s Lullaby pour
choeur, bande et orchestre (1985).
BUCCHI (Valentino), compositeur italien
(Florence 1916 - Rome 1976).
Il fut élève de V. Frazzi et de L. Dallapiccola au conservatoire de Florence.
Également critique musical, il enseigna
au conservatoire de Florence (19451957) et à celui de Venise (1951-52,
1954-55). À partir de 1957, il dirigea le
collège musical de Pérouse et, de 1958 à
1960, fut directeur artistique de l’Accademia Filarmonica à Rome. Bucchi a
écrit pour le théâtre : Il Gioco del barone
(1939, première représentation 1944) ; Il
Contrabasso (1954) ; Una notte in paradiso (1960) ; des ballets Raconta siciliano
(1956) ; Mirandolina (1957) ; un mystère
chorégraphique Laudes Evangelii (1952). Il
a composé des oeuvres pour orchestre, des
concertos (piano, violon), de la musique
de chambre, de la musique de film, ainsi
qu’une transcription moderne du Jeu de
Robin et Marion (1951-52).
BÛCHE DE FLANDRE ou BÛCHE.
Instrument ancien à cordes frappées ou
pincées, de facture rudimentaire.
Peut-être formé, à l’origine, d’une véritable bûche évidée, il consistait en une
simple caisse de forme oblongue, sur
laquelle étaient tendues quelques cordes
métalliques.
BUCHNER (Hans), organiste, théoricien
et compositeur allemand (Ravensburg
1483 - Constance 1538).
Il étudia l’orgue avec Paul Hofhaimer et
devint très vite l’un des plus éminents
« Paulomimes » (ainsi appelait-on les
disciples de ce musicien). Vers 1506, il
fut nommé organiste de la cathédrale de
Constance, dont l’orgue, reconstruit par
Hans Schentzer (1516-1520), fut l’un des
plus importants d’Allemagne. En 1526,
l’évêque de Constance, chassé par la Réforme, dut se réfugier à Uberlingen, et
c’est là que Buchner exerça désormais son
art. Sa méthode d’orgue Fundamentum
contient des pièces liturgiques pour les
principales fêtes religieuses. Il a également
signé des motets et des lieder. Ses oeuvres
pour orgue ont été rééditées en 1974 à
Francfort.
BUCHT (Gunnar), compositeur, pédagogue et musicologue suédois (Stocksund 1927).
Il étudie avec K.-B. Blomdahl, C. Orff, G.
Petrassi et M. Deutsch. Sa position dans
la musique suédoise le situe parmi les
modernistes, grâce notamment à son langage d’une très grande rigueur. Président
de la Société internationale de musique
contemporaine de 1962 à 1972, il a écrit
7 symphonies (1952-1971), de la musique
de chambre, des oeuvres vocales et instrumentales et de la musique électronique.
BÜCHTGER (Fritz), compositeur allemand (Munich 1903 - Starnberg 1978).
De 1921 à 1928, il étudia, à la Hochschule
für Musik de Munich, l’orgue, la flûte, le
chant, la direction d’orchestre, la théorie
et la composition. De 1922 à 1931, il organisa et dirigea des festivals de musique
nouvelle, faisant connaître les oeuvres de
Hindemith, Egk, Krenek, Bartók, Stravinski, Schönberg. Il anima aussi des
chorales et des orchestres d’amateurs.
Toujours à Munich, il fonda en 1927 la
Société pour la musique contemporaine,
dirigea à partir de 1948 le Studio pour la
musique nouvelle et, à partir de 1954, une
école, la Jugendmusikschule, mettant en
application les principes pédagogiques
les plus modernes. En raison de l’hostilité du régime nazi à certaines formes
de musique, en particulier à la musique
sérielle, Büchtger, dans les années 30, ne
franchit pas les limites de l’écriture tonale.
Après la guerre, il se tourna vers le dodécaphonisme, mais l’utilisa en le combinant avec des procédés tonaux. Son oeuvre
abondante comprend des pièces pour
orchestre ou pour ensemble à cordes, de
la musique de chambre, dont 4 quatuors
à cordes (1948, 1957, 1967, 1969), de la
musique chorale (la Cité de rêve pour 5
choeurs, 1961), des cantates, de nombreux
oratorios, des mélodies d’après des textes
de Villon et de Cummings.
BUFFET D’ORGUE.
Meuble entourant et contenant la soufflerie, la mécanique et la tuyauterie d’un
orgue, à l’exception du moteur électrique
de la soufflerie, qu’on cherche à isoler
acoustiquement en le plaçant dans un
local séparé.
Le rôle du buffet est de masquer par un
décor les organes de l’instrument, mais
aussi, par le jeu de ses panneaux réflecteurs, d’améliorer la diffusion sonore
des tuyaux qu’il renferme. Au cours
des siècles, et selon les pays, la forme,
la dimension et l’exécution des buffets
d’orgue ont connu bien des variantes,
qui en rattachent l’évolution à celle du
mobilier religieux et des arts décoratifs :
buffets simples ou doubles (le petit buffet
de positif, à l’avant de la tribune, étant la
réplique réduite du buffet principal, dit
de grand-orgue), buffets à étages superposés (grands instruments), buffets en plusieurs éléments séparés (orgues baroques
allemands), buffets plats (Italie) ou faisant
alterner tourelles et plates-faces (France),
buffets en nid d’hirondelle accrochés à la
muraille, buffets à plusieurs façades différemment orientées (Espagne), etc.
Meuble décoratif, le buffet d’orgue
met en valeur certains tuyaux présentés
en « montre », parfois décorés, dorés ou
guillochés (par exemple, les chamades,
caractéristiques de l’orgue espagnol) ;
certains (quand ce n’est pas tous) sont
factices et ne se justifient que pour le seul
coup d’oeil. Le buffet d’orgue est orné de
panneaux sculptés, de cariatides, de statues (anges musiciens), parfois même
d’automates. Jusqu’au XVIIe siècle, le
buffet est protégé par des volets peints
qu’on ouvre avant de jouer. Suivant l’évolution du goût, le buffet d’orgue devient
au XIXe siècle un meuble de style néogothique ou néo-Renaissance sans caractère
personnel.
Au XXe siècle, le parti pris de dépouillement et de stylisation a conduit à ne
garder du buffet qu’un soubassement, la
disposition des tuyaux apparents constituant le principal élément décoratif. Mais
l’absence de panneaux et de toit réfléchissants nuit à l’acoustique, et on en revient,
en Allemagne et en Hollande notamment,
à placer la tuyauterie dans des caissons de
bois traités de façon moderne.
BUFFO.
Substantivement, le mot désigne un chanteur spécialisé dans les emplois comiques
de l’opera buffa. En tant qu’adjectif, buffo
qualifie les chanteurs de manière plus
précise : tenore buffo, basso buffo. Dès
le XVIIIe siècle, le terme a été traduit en
français par bouffe, avec le même sens.
Dans l’opéra classique et le premier opéra
romantique, l’élégance avec laquelle devaient être chantés les rôles élégiaques ou
dramatiques exigeait pour les voix autant
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
134
de préparation technique que de virtuosité nécessaire dans les rôles de buffo.
Aussi est-ce plutôt à la fin du XIXe siècle et
surtout au XXe que les personnages buffo
ont été réservés à des chanteurs spécialisés, au volume vocal parfois réduit, mais
capables de virtuosité, alors que les rôles
dramatiques étaient attribués à des voix
puissantes, mais non préparées selon la
technique du bel canto.
BUGLE.
Instrument à vent de la famille des cuivres,
le plus aigu du groupe des saxhorns.
Extérieurement semblable à un clairon
muni de trois pistons (bugle est le nom
anglais du clairon militaire), il existe en
deux formats : le petit bugle en mi bémol
et le grand bugle en si bémol.
BUISINE.
Trompette ancienne de forme droite, au
pavillon évasé, dérivée du buccin militaire
des Romains.
En usage pendant tout le Moyen Âge,
surtout comme instrument d’apparat, la
buisine fut repliée sur elle-même à partir
du XVe siècle pour prendre la forme classique de la trompette de cavalerie.
BUKOFZER (Manfred), musicologue
américain d’origine allemande (Oldenburg 1910 - Berkeley, Californie,
1955).
Il étudia au conservatoire Stern et à la
Hochschule für Musik de Berlin, ainsi
qu’avec Michael Taube. Il enseigna aux
universités de Bâle, Cambridge, Oxford et
Cleveland, puis à Berkeley. Ses recherches
personnelles ont porté sur la musique du
Moyen Âge, de la Renaissance et, plus
particulièrement, sur celle de l’époque
baroque. Il a écrit le premier ouvrage en
langue anglaise consacré à l’histoire de
la musique à cette époque (Music in the
Baroque Era, rééd. Londres, 1948 ; trad. fr.
Paris, 1982). Il a également publié Studies
in Medieval and Renaissance Music (1950),
un fac-similé de l’ouvrage de G. Coperario
Rules how to compose (1610), ainsi que les
oeuvres complètes de J. Dunstable (Musica
Britannica VIII, 1954). Son édition Duns-
table est reparue révisée en 1969.
BULL (John), compositeur anglais
(1562 ? - Anvers 1628).
D’abord enfant de choeur et élève de
Blitheman à la chapelle royale de la reine
Élisabeth, il fut nommé organiste à la
cathédrale de Hereford en 1582. Il obtint
le doctorat des universités d’Oxford et de
Cambridge et devint le premier professeur de musique du Gresham College à
Londres en 1596 sur la recommandation
de la reine. Sa santé l’obligea à quitter
l’Angleterre en 1601 et il voyagea sur le
continent, en France et en Allemagne. La
mort d’Élisabeth (1603) n’entama ni sa
position sociale ni sa réputation. Honoré
et distingué également par Jacques Ier, il
conserva son rôle de musicien officiel.
Il se maria en 1607, entra au service du
prince Henry (1611) et, avec Byrd et Gibbons, publia le premier recueil anglais de
pièces pour le virginal (Parthenia, 1611).
En 1613, il composa un anthem pour le
mariage de l’électeur palatin avec la princesse Élisabeth. Peu après, sans doute
pour des raisons en partie religieuses, il
s’enfuit et obtint l’un des postes d’organiste de la chapelle royale à Bruxelles. Il
se rendit ensuite à Anvers (1617), où il
fut organiste de la cathédrale jusqu’à sa
mort. L’oeuvre pour clavier de John Bull
illustre parfaitement le génie de l’école des
virginalistes anglais. L’écriture fait preuve
d’un grand esprit d’invention, d’un sens
remarquable des possibilités des instruments à clavier de l’époque et témoigne de
la virtuosité de l’instrumentiste. Un certain nombre de ces pièces, dont un monument, les Walsingham Variations, figurent
dans le Fitzwilliam Virginal Book. Avec
Sweelinck, qu’il connaissait, Bull fut l’un
des premiers musiciens à écrire de la vraie
musique de clavier. Autour du cadre du
portrait du musicien, un couplet pouvant
se traduire ainsi : « Le taureau règne par la
force dans les champs, mais Bull (= taureau) attire la bienveillance par son habileté. »
BULL (Ole Bornemann), violoniste et
compositeur norvégien (Bergen 1810 id. 1880).
Quoiqu’il se soit produit comme violoniste à neuf ans, son père n’était pas favorable à une carrière musicale et l’envoya à
Christiana faire des études de théologie.
Mêlé à des agitations politiques, Bull dut
quitter la Norvège en 1829 et se rendit à
Kassel où il travailla avec Spohr. En 1831,
il entendit Paganini à Paris et s’attacha dès
lors à perfectionner sa technique. Il donna
à Paris son premier concert, en 1832, déchaîna l’enthousiasme en Italie et entreprit des tournées triomphales à travers
l’Europe, puis, après 1843, en Amérique.
Il vécut alors alternativement en Norvège
et aux États-Unis, où il perdit en partie sa
fortune, qui était considérable, en tentant
de fonder une colonie norvégienne. Sa
mort fut un deuil national. Sa technique
éblouissante fut comparée à celle de Paganini. Bull utilisait un archet et un violon
conçus spécialement pour lui ; son violon
avait un chevalet plat. À l’exception de
quelques oeuvres de Paganini, il ne jouait
en public que ses propres compositions
qui, parfois inspirées du folklore norvégien, comprennent des oeuvres pour violon seul, pour violon et piano, et 2 concertos (1834, 1841).
BÜLOW (Hans Guido von), pianiste, chef
d’orchestre, compositeur et critique musical allemand (Dresde 1830 - Le Caire
1894).
Élève de Friedrich Wieck et de Franz Liszt,
il fut l’un des pianistes les plus fameux de
son temps, mais sa renommée comme chef
d’orchestre ne fut pas moins grande. Il fut
un merveilleux animateur de la vie musicale dans les villes où il exerça son activité
de chef : Munich (1864-1869), Meiningen
(1880-1885 ; il rendit célèbre dans l’Europe entière l’orchestre de la cour de ce
petit duché d’Allemagne centrale), Hambourg et Berlin (1887-1892). Prototype
du chef d’orchestre moderne, il se considérait comme entièrement au service des
oeuvres qu’il dirigeait et exigeait leur parfaite mise au point. Il défendait aussi bien
les classiques que les jeunes compositeurs,
et prenait souvent la parole devant son
public pour expliquer les oeuvres. Conquis
par l’art wagnérien dès 1849, il dirigea
les premières de Tristan et Isolde (1865)
et des Maîtres chanteurs de Nuremberg
(1868). En 1857, il avait épousé Cosima
de Flavigny, fille de Liszt, qui le quitta
pour devenir la compagne de Wagner.
Le divorce fut prononcé en 1870, mais,
jusqu’en 1880, Bülow continua à défendre
la cause wagnérienne. Bülow contribua à
faire connaître Bach, Beethoven (notamment les dernières sonates pour piano,
longtemps jugées incompréhensibles),
Chopin, Liszt, Brahms, Richard Strauss.
Parallèlement à la direction d’orchestre, il
écrivit quelques partitions et eut une activité d’éditeur, de critique et de musicographe. Il demeure l’une des plus grandes
intelligences musicales du XIXe siècle.
BUNLET (Marcelle), soprano française
(Fontenayle-Comte, Vendée, 1900 - Paris
1991).
Elle débuta en 1926 en concert, et, en
1928, à l’Opéra de Paris dans le rôle de
Brünhilde du Crépuscule des dieux de
Wagner. Elle acquit bientôt une grande
renommée dans les rôles wagnériens et
chanta Kundry de Parsifal au festival de
Bayreuth en 1931. Ariane dans Ariane et
Barbe-Bleue de Dukas et des rôles de Richard Strauss, comme Elektra et Arabella,
comptèrent parmi ses spécialités. Elle fut
aussi une chanteuse de concert réputée et
la créatrice des Poèmes pour Mi d’Olivier
Messiaen. Sa voix était ample, d’une belle
couleur et très expressive.
BUNRAKU.
Terme japonais désignant un genre de
théâtre de marionnettes, du nom du
Théâtre Bunrakuza, fondé à Osaka en
1862 par Uemura Bunrakuken.
Vers le Xe siècle, on trouvait déjà au
Japon des poupées articulées, sûrement
importées du continent asiatique ; elles
étaient le gagne-pain de mendiants errant
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DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE
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à travers le pays. Puis les marionnettes
se mirent au service de la foi, et les montreurs continuèrent à les présenter de
village en village. En 1734, une nouvelle
technique de manipulation des marionnettes, qui sont de grande taille et somptueusement vêtues, a donné à ce genre sa
forme définitive.
Les marionnettes s’expriment par le
biais du jōruri, musique alliant le chant
épique aux complaintes populaires, avec
accompagnement de shamisen. Un chanteur installé sur une plate-forme, à droite
de la scène, donne les monologues et les
dialogues de tous les personnages, soit en
parlant, soit en chantant, accompagné par
le shamisen. Le joueur de shamisen n’a
pas le droit de prononcer des mots, mais
peut accompagner le narrateur-chanteur
par des bruits vocaux divers (soupirs, grognements, etc.). Il peut y avoir plusieurs
narrateurs et plusieurs instrumentistes,
des instruments comme le kokyū, luth à
trois ou quatre cordes, étant susceptibles
de s’ajouter au shamisen.
BURGHAUSER (Jarmil), musicologue et
compositeur tchèque (Písek 1921).
Il a fait ses études de lettres et de musicologie à Prague, tout en travaillant la
composition avec J. Křička et O. Jeremiáš.
Après la guerre, il s’est initié à la direction d’orchestre. Successivement lecteur
à l’Académie de musique, chef répétiteur
au Théâtre national, puis musicologue
chargé de l’édition critique des oeuvres
de Dvořák (dont il a établi le catalogue
complet) et de Fibich, il a publié de nombreux articles et études théoriques. Son
style se contente d’une technique sérielle
modifiée qu’il nomme « système des séries
harmoniques ». Sa production est relativement restreinte, axée sur l’orchestre et
sur l’opéra.
BURGMÜLLER (Norbert), compositeur
allemand (Düsseldorf 1810 - Aix-la-Chapelle 1836).
Il écrivit notamment deux symphonies (la
seconde, inachevée), une ouverture, des
lieder ainsi que de nombreuses pièces et
sonates pour piano, et sa mort prématurée
fut vivement déplorée par Schumann.
BURKHARD (Willy), compositeur suisse
(Evilard-sur-Bienne 1900 - Zurich 1955).
Il fit ses études musicales à Leipzig, à Munich, et avec Max d’Ollone à Paris. Il fut
professeur de composition au conservatoire de Berne de 1928 à 1933, puis, après
une interruption de son activité due à la
maladie, au conservatoire de Zurich à partir de 1942 et jusqu’à sa mort. Ce savant
contrapuntiste a édifié une oeuvre très
abondante, généralement inspirée par le
sentiment religieux. À son désir de régénérer la musique liturgique, à son respect
pour la musique chorale ancienne, pour
Bach, pour Bruckner, sont venues s’ajouter, à un certain stade de son évolution,
les influences de Scriabine, Hindemith,
Bartók et Stravinski. Ses compositions
comprennent notamment des oratorios
(la Vision d’Isaïe, 1933-1935 ; l’Année,
1940-41), des cantates, un opéra (l’Araignée noire, 1948, rév. 1954), des symphonies et pièces pour orchestre, des oeuvres
pour orgue, pour piano, diverses pièces
instrumentales, de la musique de chambre
et des mélodies.
BURLESQUE (ital. burla, « farce »).
Si, en littérature, burlesque évoque la parodie, la caricature bouffonne de sujets classiques réputés nobles, avec une nuance
d’extravagance (en ce sens, les livrets des
opéras bouffes d’Offenbach sont burlesques), en musique, le mot désigne simplement des pièces instrumentales assez
brèves, de style libre et de caractère gai
(Burlesque pour piano et orchestre de
Richard Strauss, Burlesques pour piano de
Bartók).
BURMEISTER (Joachim), théoricien et
compositeur allemand (Lüneburg 1564 Rostock 1629).
À partir de 1586, il étudia à l’université de
Rostock, y obtint le grade de magister et
fut cantor au lycée de la ville. Il composa
deux volumes de Psaumes spirituels (Geisfliche Psalmen, Rostock, 1601), mais sa
renommée vient surtout de ses ouvrages
théoriques, dont le dernier, Musica poelica (Rostock, 1606 ; rééd. en fac-similé,
Cassel et Bâle, 1955), fait la synthèse des
précédents. C’est un livre de rhétorique
musicale où sont exposées des figures
qui demeurèrent en vigueur durant toute
l’époque baroque.
BURMESTER (Willy), violoniste allemand (Hambourg 1869 - id. 1933).
Il reçoit ses premières leçons de son père,
éminent violoniste de l’Orchestre philharmonique de Hambourg. Entre 1882 et
1885, il étudie avec Joseph Joachim, dont
il devient un disciple. Dès 1886, il inaugure une carrière de virtuose avec une
prédilection pour les oeuvres de Paganini.
Il joue à Londres en 1895 et effectue, en
1899, sa première tournée aux États-Unis.
À partir de 1905, il intègre à son répertoire
les oeuvres de Bach et de Haendel, qui supplantent Paganini et Brahms. Cette évolution vers un classicisme plus dépouillé
sera le trait marquant de son héritage.
C’est sans doute lui qui, vers 1902, suggère à Sibelius de composer un concerto.
Il publie son autobiographie en 1926.
BURNEY (Charles), compositeur et musicographe anglais (Shrewsbury 1726 Chelsea College, Londres, 1814).
Son père s’appelait James Macburney, et
il apprit la danse, le violon, le français et
l’orgue avec Edmund Baker à Chester. À
dix-huit ans, il fut remarqué par Thomas
Arne, qui l’emmena à Londres et le fit travailler jusqu’à l’épuisement de ses forces
(1744-1746). Nommé organiste à King’s
Lynn (Norfolk) en 1751, il revint définitivement à Londres en 1760 et y donna,
en 1766, The Cunning Man, adaptation
du Devin du village de J.-J. Rousseau.
Pour pouvoir écrire son ouvrage capital,
General History of Music en 4 volumes (1er
vol. 1776, 2e vol. 1782, 3e et 4e vol. 1789),
il voyagea en 1770 en France et en Italie,
puis en 1772 dans les pays germaniques
et aux PaysBas. Les événements consignés par lui furent publiés sous les titres
The Present State of Music in France and
Italy (1771) et The Present State of Music
in Germany, the Netherlands and United
Provinces (1773). Il n’appréciait vraiment,
sauf exception, que la musique de son
temps. Ami de Samuel Johnson, il joua
un rôle non négligeable dans les milieux
littéraires. On peut toujours le consulter
avec profit non seulement comme voyageur, mais comme arbitre du goût, ce dont
témoignent en particulier ses Verses on the
Arrival in England of the Great Musician
Haydn (1791).
BUSCH, famille de musiciens allemands.
Fritz, chef d’orchestre (Siegen, Westphalie, 1890 - Londres 1951). Après des études
au conservatoire de Cologne, il occupa
des postes à Riga, Gotha, Bad-Pyrmont et
Aix-la-Chapelle, et fut, après la Première
Guerre mondiale, maître de chapelle, puis
directeur à l’opéra de Stuttgart (19181922). Il dirigea ensuite l’opéra de Dresde
(1922-1933), où il assura la création
d’Intermezzo (1924) et d’Hélène d’Égypte
(1928) de Richard Strauss, de Doktor
Faust de Busoni (1925), de Cardillac de
Hindemith (1926). Il fut pour beaucoup,
à cette époque, dans la renaissance de
Verdi en Allemagne. Privé de ses postes
par le régime nazi, il vécut en Argentine
de 1933 à 1936, à Stockholm et à Copenhague de 1937 à 1941, puis de nouveau
en Amérique. À partir de 1934, il dirigea
au festival de Glyndebourne, et les enre-
gistrements d’opéras de Mozart réalisés
là sous sa direction sont mémorables. Sa
carrière de chef se poursuivit brillamment
après la Seconde Guerre mondiale et il
avait accepté, peu avant sa mort brutale,
la direction de l’opéra de Vienne. Ce fut
un des chefs les plus marquants de la première moitié du XXe siècle.
Adolf, violoniste et compositeur (Siegen
1891 - Guilford, Vermont, États-Unis, 1952),
frère du précédent. Élève du conservatoire
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de Cologne (1902-1908), il se lia en 1907
avec Max Reger, dont il devint un des interprètes privilégiés. Nommé en 1912 premier violon solo de la Société des concerts
de Vienne (Wiener Konzertverein), il
fonda la même année le quatuor du Konzertverein, qui, en 1919, devint le quatuor
Busch. La renommée de cette formation
ne l’empêcha pas de mener une carrière
de soliste : il donna avec le pianiste Rudolf
Serkin, qui devint son gendre, de remarquables séances de sonates. Son jeu, à la
sonorité et au vibrato très particuliers,
mettait en valeur la plasticité et le contenu
expressif des oeuvres, et il fut, à la tête d’un
orchestre de chambre portant son nom,
un célèbre interprète des Concerts brandebourgeois de Bach. Il vécut aux États-Unis
à partir de 1940, et, en 1950, fonda avec
son frère Hermann et Rudolf Serkin une
école de musique à Marlboro.
Hermann, violoncelliste (Siegen 1897 Bryn Mawr, Pennsylvanie, 1975), frère des
précédents. Élève du conservatoire de
Cologne et de l’Académie de musique de
Vienne, il joua en trio avec son frère Adolf
et Rudolf Serkin, et fut membre, de 1930
à 1952, du quatuor Busch. Il enseigna à
Marlboro, et, jusqu’en 1964, à l’université
de Miami en Floride.
BUSENELLO (Giovanni Francesco),
poète et librettiste italien (Venise 1598 Legnaro, près de Padoue, 1659).
De milieu aisé, il écrivit quelques pièces en
dialecte vénitien, mais il doit aujourd’hui
sa célébrité aux excellents livrets qu’il
composa pour Monteverdi (L’Incoronazione di Poppea, 1642) et pour Cavalli
(Gli Amori d’Apollo e di Dafne, 1640 ; La
Didone, 1641 ; La Statira Principessa di
Persia 1655 ; La Prosperità infelice di Giulio Cesare, 1654). Il témoigna de sa prédilection pour des sujets historiques et fut
d’ailleurs le premier à en écrire. Il entra
en conflit avec les compositeurs, jugeant
que ses textes étaient trop malmenés pour
les besoins de la musique. Il les publia en
1656 tels qu’il les avait vraiment conçus.
BUSH (Alan), compositeur, chef d’orchestre et pianiste anglais (Londres
1900 - Watford 1995).
De 1918 à 1922, il étudia le piano, l’orgue
et la composition à la Royal Academy of
Music, où il enseigna dès 1925. De 1922
à 1927, il travailla la composition avec J.
Ireland, puis le piano avec A. Schnabel.
De 1929 à 1931, il étudia la philosophie
et la musicologie à l’université de Berlin.
Il a voyagé comme conférencier ou chef
d’orchestre en Allemagne, en U.R.S.S., en
Europe centrale et aux États-Unis. Communiste militant actif, il voit ses oeuvres
jouées plus souvent dans les pays de l’Est
qu’en Angleterre. Il a écrit 3 symphonies,
des concertos dont un pour piano, baryton solo et choeur d’hommes et un autre
pour violon, de la musique de chambre,
des mélodies, des cantates (Voices of the
Prophets ; The Winter Journey, 1946). Il a
composé un opéra important, Wat Tyler
(1950), inspiré de la révolte des paysans en
Angleterre en 1381. Il faut également citer
d’autres ouvrages théâtraux tels Men of
Blackmoor (1955, représenté en 1956), The
Sugar Reapers ou Guyana Johnny (19611964), The Man who never died (19651968). Sa musique se caractérise par un
aspect néomodal et une vigueur certaine.
BUSNOIS (Anthoine, ou A. DE BUSNES,
dit), compositeur et poète français (†
1492).
Originaire de Busnes, bourgade des environs de Béthune, il vécut d’une manière
presque constante dans le milieu bourguignon pour le divertissement duquel il
composa des chansons dont une soixantaine sont parvenues jusqu’à nous. Indignus musicus de Charles le Téméraire,
alors comte de Charolais, il est cité en
1468 parmi les chantres, et si grande
était l’importance que Charles le Téméraire accordait à la musique sur le plan
de la magnificence, comme de la valeur
éthique, que Busnois accompagna le duc
dans tous ses déplacements, entre 1471
et 1475. Passé au service de Marguerite
d’York (1476), il servit sa fille Marie
de Bourgogne, épouse de Maximilien
(1477). Sans doute est-ce lui qui mourut
à Bruges en 1492 avec le titre de rector
cantoriae de Saint-Sauveur.
Busnois est l’un des rares compositeurs
de son époque à avoir cultivé la poésie,
comme en témoigne sa correspondance
avec Jean Molinet, et il s’y montre habile disciple des rhétoriqueurs. Mais la
pratique littéraire l’a amené à faire des
trouvailles musicales : utilisation d’une
voix parfois plus proche du récit que du
chant ; division des voix en deux groupes,
voix aiguës et graves dans Terrible Dame,
procédé qui sera fréquent, par exemple,
chez Josquin Des Prés ; renversement
de thème, par exemple, dans le motet In
hydraulis et dans la teneur de la chanson
J’ay pris amours tout au rebours ; alternance de strophes binaires et ternaires,
notamment dans les bergerettes ; un premier exemple de marche harmonique
dans Au pauvre par nécessité. Libérant
le contraténor de la teneur, Busnois
aime les imitations, sait ménager et varier les effets et se sent plus à l’aise dans
l’écriture à 3 voix égales, généralement
graves ; les musiciens français du début
du XVIe siècle écriront ainsi par prédilection. Il est maître dans l’art du rondeau
et surtout de la bergerette, où son côté
brillant mais un peu superficiel fait merveille. Ses ne