sainte croix jerusalem

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sainte croix jerusalem
CULTE DES RELIQUES – SON HISTOIRE
Sur la base d’une conférence de Jean-Pierre Delville,
professeur d'histoire du christianisme à l'Université catholique de Louvain,
Reliques, message crédible ?
1. Eglise primitive : culte des martyrs
2e s.: vénération des restes des martyrs, identifiés au Christ, lié au culte des morts :
p.ex.au cimetière du Vatican et à celui de la via Ostiense à Rome, tropeia (trophées,
monuments funéraires) des apôtres Pierre et Paul visibles au 2e s.
250, avec la persécution de Dèce, transfert des restes de Pierre et de Paul au cimetière
chrétien Ad catacumbas (appelé plus tard catacombes de S. Sébastien) sur la via
Appia, par sécurité.
230 env. : on connaît déjà la crêche de Jésus, selon Origène.
2. Avec la liberté de l’Eglise en 313, nombreuses translations de
reliques de martyrs
4e s. : translations de reliques, sauf à Rome qui résiste jusqu’au 7e s. au fractionnement
des corps. « Celui qui touche les os d’un martyr participe à la sainteté et à la grâce qui
y résident », dit S. Basile. « Les corps des martyrs ont le même pouvoir que leurs
saintes âmes », dit Grégoire de Nazianze. (Catholicisme hier, aujourd’hui, demain, t.
12, Paris, 1990, c. 854).
Vers 320 : découverte du bois de la croix du Christ par sainte Hélène ; vénération attestée
en 348 à Jérusalem. : « On peut le voir parmi nous, mais en raison des prélèvements
que la foi a multipliés, il a été distribué en petits morceaux par toute la terre », dit
Cyrille de Jérusalem. D’où, reliques à Rome (Ste-Croix-de-Jérusalem) ; puis
transférées au Vatican et au Latran.
4e s. : Constantinople : transferts solennels de reliques à Constantinople : SS. André, Luc,
Timothée. Aussi de la ceinture de la vierge.
4e s. : Ambroise à Milan découvre les corps de martyrs : Gervais, Protais, Nazaire.
Transférés dans les basiliques. Donc signe de puissance !
5e s. : 415 : découverte des reliques de S. Etienne près de Jérusalem. Répandues dans le
monde entier. S. Augustin en reçoit. Donc signe de communion et de filiation.
Internationalisation. Récits de l’histoire des saints.
5e s. : le corps de saint Martin est vénéré et ne peut être dissocié. De même
progressivement pour de saints ascètes. On lui reconnaît une valeur égale à celle des
éléments de la nature qui étaient vénérés dans les cultes anciens et qu’il avait
contribué à renverser.
5e s. :attestation de reliques du titulus de la Croix, de la couronne d’épines et des clous de
la croix du Christ.
458 : déposition de la robe de la vierge dans la basilique des Blachernes à Constantinople.
3. Le 6e s. : les reliques reçoivent par transfert la force attribuée aux
talismans
496 : Clovis, converti au catholicisme, entraîne la conversion des élites franques.
Il provoque l’union des Latins et des Germains (Francs), socle de l’Europe. Il
fait de Martin le patron de la France et prend sa cape comme talisman (d’où le
mot chapelle). Lien avec culte de la nature. Transfert progressif de croyance,
constitutif de l’Église médiévale. Le christianisme est adopté progressivement
par la population, mais il se teinte de foi païenne en les pouvoirs d’objets
sacrés. Les miracles produits par les reliques montrent leur lien avec le corps
et la guérison. On reçoit des reliques de S. Nazaire en France : contacts avec
Milan.
6e s. on parle de la tête de Pierre à S.-Pierre et celle de Paul à S.-Paul ; apparition
des premiers reliquaires à Rome.
550 : Grégoire le Grand, dans sa Vie de saint Benoît, parle de l’hostie mise dans
le tombeau de S. Benoit.
569 : Ste Radegonde (épouse du roi Clotaire, devenue diaconesse, puis fondatrice
de monastère à Poitiers) obtient une relique de la vraie croix, de l’empereur
Justin II. À l’occasion de ce don, Vénanance Fortunat compose le Pange lingua
et le Vexilla regis.
7e s. : Charlemagne porte une relique de la vraie croix autour du cou, offerte par
le calife Haroun al Rachîd.
4. 8e-9e s. : développement du culte des reliques
8e s. : transfert de tombes de martyrs, entre autres à Ste-Marie-des-Anges à Rome : 730
corps de martyrs !
787 : Le Concile de Nicée II permet le culte des images (contre les iconoclastes) : le lien
s’approfondit entre image et relique, car la relique entraîne la représentation du saint
concerné.
800 env. : à Rome, transfert des têtes de Pierre et de Paul à S.-Jean-de-Latran. De même
les têtes de Ste Agnès et S. Laurent transférées en ville.
On rapporte des reliques de lieux de pèlerinages, spécialement de Rome et de Terre
sainte.
Le pèlerinage est une dévotion qui permet un dépaysement, une conversion.
La relique est un but qui attire. Les invasions normandes provoquent de nombreuses
translations, ou même des vols. Succès du culte de Marie-Madeleine à Vézelay et aux
Saintes-Maries-de-la-Mer.
850 : Voile de la Vierge donné par Charles le Chauve à Chartres
950 : apparition des sculptures en relief (Ste Foy, à la fois statue et reliquaire, de
Conques)
5. 11e-13e s. : Développement des reliques liées au Christ, grâce aux
croisades
1100-1200 : croisades : on ramène en Europe beaucoup de reliques de l’Orient : SaintSang de Bruges, couronne d’épines, linceuls de Turin et de Cadouin, robes sans
couture de Trèves et d’Argenteuil.
1100 : développement du culte marial et des reliques de la vierge. Certaine réaction
contre le culte des saints inconnus, recentrage christologique.
1140 ? : dépôt de reliques par Godefroid Ier ; comte de Louvain (Godrefroid V, duc de
Basse-Lotharingie) à Basse-Wavre, prieuré d’Afflighem.
1250 : découverte des corps de Ste Ursule et des 11 000 vierges à Cologne. En fait,
cimetière romain ; mais considéré comme la suite de Ste Ursule, martyrisée au 3e s.
Développement de la piété féminine. Sainte Julienne de Cornillon, à Liège, identifie
une fausse relique de terre sainte.
6. Coup de frein donné au culte des reliques par saint Thomas d’Aquin.
Alternative : le culte des hosties
1270 : S. Thomas d’Aquin est condamné par l’évêque de Paris Etienne Tempier pour avoir
affirmé qu’il n’y a qu’une seule forme substantielle unique de tout être, et donc un
morceau de corps mort n’a plus de forme substantielle de l’être vivant. Donc les
reliques n’agissent que par un miracle de Dieu, pas par vertu naturelle. Bonaventure,
franciscain, dira qu’il peut y avoir une 2e forme substantielle qui demeure dans un
corps. D’où l’idée que le Sang du Christ peut être resté en partie su terre, cf. le Saint
Graal, la coupe qui l’aurait recueilli.
1300 : développement des indulgences accordées en lien avec la vénération des reliques
1300 : miracles eucharistiques avec sang (Bruxelles, 1370) ; piété eucharistique ;
processions du S. Sacrement.
1405 : Bois-Seigneur-Isaac, miracle d’un corporal taché de sang par une hostie sanglante.
7.
La contestation du culte des reliques par Luther et sa relance
modulée par l’Eglise catholique
1517 : contestation des indulgences par Luther ; et donc des reliques auxquelles elles sont
liées. Individualisation de la foi.
Fin du lien entre objets de la nature et foi chrétienne.
La Réforme est plus que l’émergence d’une théologie de la grâce de Dieu et de la foi
personnelle.
C’est la coupure avec une foi médiatisée par la nature, typique du moyen âge.
1563 : Le Concile de Trente confirme le culte des reliques mais l’encadre.
« Ceux qui affirment que l’on ne doit pas de vénération et d’honneur aux reliques des
saints et qu’elles sont honorées en vain par les fidèles, elles comme d’autres
monuments, et qu’on fréquente en vain les mémoires des saints pour leur demander
de l’aide, doivent être condamnés » (DENZINGER, 1822).
Concernant les images, le Concile écrit :
« On ne croit pas qu’il y ait en elles du divin ou quelque vertu qui justifierait leur culte,
ou qu’on doive leur demander quelque chose, ou qu’on mette fermement sa confiance
en elles – ce qui arrivait aux païens qui mettaient leur espérance dans les idoles ;
mais l’honneur qu’on leur rend remonte aux prototypes qu’elles représentent, de sorte
que, à travers les images, nous adorons le Christ et nous vénérons les saints ».
1578 : iconoclasme.
1628 : nouvelle châsse à Wavre,
à l’époque de renaissance religieuse des archiducs Albert et Isabelle.