Le château de Margon

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Le château de Margon
Le château de Margon
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Avec nos plus vifs remerciements à
Monsieur Libretti, maire de Margon, qui a organisé
notre visite et nous a communiqué tous les
documents ayant permis de produire ce fascicule.
Monsieur et Madame
propriétaires du Château
Le
Moine
de
Margon,
Monsieur Robin, notre guide et gardien des lieux
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Le château de Margon
(d’après A. Fabre)
Situation géographique
Émergeant tel un îlot au milieu de l’océan de vignes, Margon tient ses maisons
serrées autour de l’imposant château. Mais depuis combien de temps cette noble
demeure veille-t-elle sur le village ?
Un peu d’histoire
Le château est déjà mentionné en 1080.
La tradition populaire fait remonter au XIIIème siècle la construction de ses
trois tours rondes à mâchicoulis, flanquées de tourelles en nid d’aronde.
La terre de Margon, ancienne baronnie, relevait directement du roi ; le premier
hommage remonte à 1221.
Bernard d’Autignac vendit la seigneurie à Pierre Plantavit, et les Plantavit seront
seigneurs de Margon jusqu’à la vente du domaine au début du XVIIIème siècle par
Henri de Plantavit, brigadier des armées de Sa Majesté, lieutenant du roi,
chevalier de Saint–Louis, à René Le Moine, conseiller du roi, directeur général
des fermes et des économats en Languedoc.
De 1512 à 1520, Plantavit de la Pauze édifia les deux ailes latérales ; l’aile de
droite aboutit à une tour ronde qui donne sur la place du village ; celle du sud–
ouest était reliée à une grosse tour carrée qui est à présent détruite. La façade
nord–ouest domine la campagne. Des remaniements ont laissé à peu de fenêtres
leur architecture primitive. Jusqu’au XVIIIème siècle, le château fut séparé des
jardins par un large fossé, qui devait être bien rempli d’eau si l’on en croit
l’étymologie de Margon (du radical celtique mar ou mohr : marais, étang).
En 1719, le seigneur fit jeter sur les fossés des arceaux ; un large perron, des
terrasses superposées et un double escalier reposant sur ces arceaux
permettent de passer du château aux jardins.
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Dans le grand escalier, la porte d’entrée donnant accès aux appartements du premier
étage est de la fin du XIVème siècle ; les salles sont vastes, les plafonds très élevés ; sur
un des murs, une fresque représente le château au moment où, au XVIIIème siècle, ses
tours étaient dominées de flèches, ce qui portait leur hauteur à 45 m ; la tour de l’est
servit de prison pendant les guerres de religion, ainsi qu’en font foi les inscriptions sur
les murs ; dans les appartements, on rencontre entre autres inscriptions celles des
armoiries de La Pauze : « Tictus in adversis », fort dans l’adversité.
Mutilé en 1793, le château a encore grande allure. Il est toujours propriété de la famille
Le Moine.
La seigneurie
La terre de Margon, seigneurie foncière avec toute justice, haute, moyenne, basse et
mixte empire, droit de glaive, d’albergue, de lods et de ventes, relevait immédiatement
du roi, même avant la réunion du Languedoc à la couronne ; c’était une ancienne baronnie.
Le premier hommage date de 1221 ; les seigneurs de Margon étendaient leur juridiction
sur un grand nombre de bourgs de la contrée. De vieux titres en date de 1468 et 1510
qualifiaient barons les seigneurs de Margon ; ils sont qualifiés de comtes dans le XVIIème
siècle et parfois de marquis dans le XVIIIème siècle.
Les fiefs
La seigneurie se trouvait divisée au XIème siècle en un grand nombre de fiefs (jusqu’à 17,
appartenant à des habitants des localités voisines).
En 1686, l’intendant de la province demandant à la communauté l’état de ses biens
nobles, le 1er consul répond que messire Plantavit de la Pauze est le seul seigneur de ce
lieu et seul possesseur des biens nobles dans le territoire de la communauté.
Les droits seigneuriaux
Ils étaient considérables pour une population aussi faible (elle fluctue de 8 feux en 1377
à 150 h en 1793). Leur valeur était estimée à 1500 livres.
Ils consistaient en :
une albergue de 10 livres
126 setiers de blé (80 hectos
environ)
une livre quatorze sols en argent
ou en cire
17 fioles, un tiers de fioles d’huile
2 livres et demie d’épicerie
19 gélines (poules) bonnes et
grasses
250 livres environ pour les droits de
lods de ventes, déduction faite des
grâces remises aux pauvres
2 poulets pour le moulin à huile
une émine de blé (30 litres environ),
pour chaque chef de maison, pour le
droit de fourrage évalué en 1710 à 15
setiers (9 hectolitres)
les droits de justice et de greffe,
etc…
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La dîme
Le prieur de Margon percevait la dîme sur les fruits, le blé, les raisins, les
olives…
Un bail à ferme de 1749 nous apprend que la moitié de cette dîme s’élevait à
1598 livres, soit un total de 3196 livres.
Les tailles
Impôts directs par excellence, leur charge repose sur la paysannerie.
À la fin du XVIIème siècle elles étaient de 683 livres, y compris l’imposition
communale.
Au milieu du XVIIIème siècle, les tailles s’élevaient à 1746 livres.
Le four
La communauté payait 100 livres de rente pour le four. En 1688, le prieur
adressait une demande aux consuls afin de ne pas être obligé de faire « leur
fournade » le lundi, attendu que sa servante ne pouvait mettre le levain le
dimanche soir ; et il demandait en outre à ce qu’elle ne fût pas obligée de passer
comme les autres habitants à « la bouleguade » (rang à prendre).
Les seigneurs
Petrus Alquerius ou Alcherius : le plus ancien connu. Il signe comme témoin dans
une donation au monastère de Cassan en 1078.
La famille de Lisle a occupé cette seigneurie pendant un grand nombre d’années,
de 1221 à 1389.
En 1270, la famille d’Autignac possédait par indivis le château, le territoire et le
district de Margon avec la moyenne et basse justice.
Bernard d’Autignac, seigneur et baron de Margon, transige avec ses vassaux et
leur confirme les privilèges qui leur avaient été octroyés par leurs
prédécesseurs. Il vend la seigneurie à Pierre Plantavit.
En 1488, Louis de Margon fut tué par les gens de Jean, bâtard de Bourbon¸au
bourg de Saint-Geniès sur Loire.
En 1572, de Perdriguier, frère de Margon, assembla deux cents catholiques dans
l’hôtel de ville de Béziers, leur fit résoudre de s’opposer de toutes leurs forces
au massacre, d’avertir les religionnaires, de tenir ferme, avec promesses de les
secourir, et les émissaires venus de Toulouse, devant cette résistance, ne purent
obtenir de Joyeuse l’ordre de faire périr les religionnaires.
Gabriel de Plantavit, ambassadeur à Rome et en Savoie, fut tué devant
Montauban en 1621.
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Le fils de François II de Plantavit fut tué à la bataille de Lens où il commandait,
seulement âgé de 18 ans, une compagnie franche de cent cuirassiers.
Jean Plantavit de la Pauze, évêque de Lodève et comte de Montbrun, achète la
seigneurie de Margon à François II, le 26 Mai 1649.
Le 24 mai 1651, il institue son neveu Théophile François son héritier universel et
le fait abjurer pour rentrer à l’Église romaine.
Jean de Plantavit, marquis de Margon, est brigadier des armées du roi et 1er
consul de Béziers en 1685.
Guillaume de Plantavit, bachelier en Sorbonne, abandonne ses biens à Henri, son
frère puîné, en 1714.
Henri de Plantavit, frère du précédent, brigadier des armées de Sa Majesté,
comme son père, lieutenant du roi, chevalier de Saint–Louis, vend la seigneurie
avec tous les titres et droits à noble René Le Moine, conseiller du roi, directeur
général des fermes et des économats en Languedoc.
René Le Moine meurt à Montpellier le 19 octobre 1719, laissant sept enfants
mineurs ; il est enseveli dans le chœur de l’église.
Paul Camille Le Moine, capitaine au régiment de Vivarais, meurt en 1747, à Murat,
en Albigeois, où, épuisé par les guerres, il était allé refaire sa santé (pierre
tombale visible dans l’église de Murat).
Auguste Le Moine de Margon avait reçu d’Elisabeth de Surirey de Saint–René la
seigneurie de Montblanc. Il meurt en Espagne.
Joseph Michel Le Moine, comte de Margon, son fils, conseiller éditeur à la cour
des aides de Montpellier, assiste en 1788 à l’assemblée du diocèse de Béziers et
signe le mémoire sur le droit qu’a la noblesse du Languedoc de nommer les
députés aux Etats généraux du royaume dans des assemblées composées par
bailliages et sénéchaussées.
Dernier seigneur de Margon, il dépose le 26 février 1790 entre les mains des
officiers municipaux de Margon la déclaration de ses biens nobles et de ses
revenus féodaux.
En 1793, déclaré suspect, il est mis en état d’arrestation, chez lui, puis il est
transféré dans les prisons de Béziers et ses biens mis sous séquestre.
Enfin, le 1er brumaire an III, il est remis en liberté et le séquestre sur ses biens
est levé. Il meurt en 1806.
Son frère François–Auguste, capitaine au régiment des grenadiers royaux du
Languedoc, fait la guerre de l’Indépendance en Amérique, en 1781. Il meurt à
Obendorf, en 1794.
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Margon, une communauté
Le titre le plus ancien qui nous parle de la constitution de la communauté de
Margon date de 1468.
Tristan d’Autignac, seul seigneur et baron de Margon, réglemente le mode
d’élection des syndics, organise le conseil politique, donne à la commune le four à
cuire le pain, moyennant redevances et accorde aux habitants des droits de
passage, de dépaissance et même de chasse sur certains tènements de sa
seigneurie.
Démêlés avec le seigneur
En 1510, Bertrand d’Autignac, fils de Tristan, à son retour d’Italie où il est allé
guerroyer pour le roi, s’aperçoit que les habitants se livrent à une foule d’abus ; il
fait alors publier un édit de police édictant de fortes amendes contre les
délinquants.
Quelques habitants refusent de se soumettre ; le seigneur fait opérer des
saisies contre eux. Nouvelle proclamation de l’édit ; les syndics font opposition à
certains articles ; l’irritation s’accroît. Des injures on en vient aux mains. Alerté,
Bertrand se rend sur la place l’épée à la main, pour secourir les siens « et non
pour tuer les autres ». Les syndics s’écrient alors : « Monsenhor, perdonatz nos,
se vos plai. ». Bertrand répond : « Dieu vos perdona ». Après quoi les syndics
offrent, pour se faire pardonner leur rebellion, un marc d’argent ou dix livres
tournois que Bertrand accepte. Les objets saisis sont rendus.
Transaction
À la suite de ce différend, une transaction eut lieu. Voici ce que rapporte le
document original :
« Les syndics auront la police du territoire pour défendre les droits
d’usage contre les habitants des lieux voisins.
Ils auront le droit d’actionner devant la cour du seigneur les habitants
pour les forcer à réparer les fossés, murailles et autres fortifications.
Ils pourront, avec le consentement de toute l’université, taxer les
habitants en argent, vin, blé, huile, bois, journées, pierres pour l’utilité de
tous et par suite faire vendre à l’encan ou sans encan lesdits objets.
Ils auront le droit de requérir que les fossés, ponts, fontaines et chemins
dégradés soient réparés et ramenés à leur état primitif.
Ils pourront exempter des tailles et autres charges pendant un, deux,
trois ans et plus les étrangers qui voudront se fixer à Margon.
Ils pourront poursuivre tous les contribuables et les forcer à payer tailles
et autres charges.
Les conditions relatives au four à pain sont modifiées. Au lieu de donner un
pain sur trente, chaque chef de maison, qu’il l’habite ou pas, sera tenu de
donner chaque année au seigneur une émine de blé, mesure de Margon, à la
fête de Saint Nazaire. »
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Le pouvoir des syndics était donc considérable ; il avait été établi suivant les
termes de la charte de 1468 « per regir, governar, defendre e entreténer lo
ben, utilisat e policiat de la causa publica ».
Syndicat
C’était un privilège octroyé par le seigneur. Les membres du syndicat ne
pouvaient être élus sans son consentement mais dès qu’ils avaient prêté serment
ils pouvaient jouer leur rôle de syndics et faire appliquer la charte.
Cette dernière, très libérale pour l’époque, fut cependant en proie à de nouvelles
transactions qui eurent lieu en 1515, 1561, 1592, 1651, etc…
Les habitants, fiers et fidèles aux traditions qui avaient fait donner à leur
commune le nom de République de Margon, étaient toujours en lutte avec leur
seigneur et cherchaient sans cesse à obtenir de nouvelles concessions.
Conseil politique
Avant le XVIIIème siècle, l’administration était confiée à un conseil politique
composé de deux consuls, quatre conseillers et un greffier consulaire.
En certaines circonstances, il était augmenté d’un conseil général composé de la
plus saine partie des habitants. L’élection des consuls avait lieu le jour de la fête
de Saint Cyrice. Les fonctions du consul étaient obligatoires.
Époque révolutionnaire
Les patriotes de Margon montrèrent en plusieurs circonstances l’estime dans
laquelle ils tenaient leur ancien seigneur.
Le 26 février 1790, Michel Lemoine déposait entre les mains de M. Hugues,
officier municipal, la déclaration de ses biens nobles et de ses revenus féodaux,
les uns pour être soumis à la taille, les autres pour être anéantis.
Détenu en 1793 dans les prisons de Béziers, et ses biens mis sous séquestre, il
laissait cinq enfants sans ressources. Le gardien du séquestre, un des plus
ardents patriotes de la commune, pourvut secrètement à leurs besoins. Leur
mère était morte en 1788, à l’âge de 32 ans, à la suite d’une maladie contagieuse
qu’elle avait contractée au chevet d’un indigent.
En 1795, Lemoine est remis en liberté et le séquestre sur ses biens est levé.
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