Novembre 2011 - dojo zen de Mulhouse
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Novembre 2011 - dojo zen de Mulhouse
Claude Émon Cannizzo Dojo de Mulhouse – novembre 2011 - 1/3 Dans le zen, le silence est quelque chose à quoi nous avons tendance à nous accrocher. On peut très vite être dérangé par les bruits ou des sons, parfois même des sons aussi gracieux que ceux d'un oiseau qui chante. L'être humain par sa nature est toujours confronté à la dualité, aux discriminations, aux choix. Maître Sosan l'enseigne dans le shin jin mey : c'est en partie cela qui créé la maladie de l'être humain. Cette éternelle confrontation entre le j'aime, j'aime pas, le bien, le mal, le je veux ou je ne veux pas. Bien sûr dans la vie sociale les discriminations sont nécessaires : il faut bien faire des choix! Choix d'une vie, choix d'un travail, choix d'une relation, mais cela bien souvent nous entraine vers ce qui est appelé dukkha. Il est important de comprendre que dukkha,la souffrance n'a rien à voir avec ce que nous dans notre langage traduisons par souffrance. Dans l'enseignement de Bouddha, même le choix est souffrance. Par exemple je choisi d'être en relation avec quelqu'un et je ne peux pas l'être ou je fais le choix de ne pas vouloir être en contact avec quelqu'un, mais je le suis. Dans l'esprit d'un être " ordinaire " cela n'est pas assimilé à de la souffrance, car s'il est confronté à ce type de situation, il outrepasse la compréhension pour entrer directement dans l'émotionnel, dans des aspects aussi opposés que la colère ou la joie. Je suis en relation avec la personne avec laquelle je désire être et je suis empli de joie... je ne veux pas être avec la personne avec laquelle je suis, et cela me met en colère. Il n'y a pas de compréhension juste : sortir de l'ignorance est important! L'ignorance en ce sens n'a rien à voir avec l'ignorance "scolaire" celle de ne pas connaître ses leçons par exemple, mais il s'agit de l'ignorance de la vie, l'ignorance de la réalité de la vie. Pas cette vie qu'on imagine vouloir avoir, mais celle qui est, avec toute la gamme des phénomènes qu'elle nous fait vivre. Bouddha nous enseigne dès les premiers moments de son éveil la réalité de la souffrance, de dukkha. Quelque chose qui parfois me semble difficile à comprendre ou à accepter est néanmoins la réalité dès lors qu'on l'observe sans émotions. La naissance est souffrance, la vie est souffrance, la maladie est souffrance, la vieillesse est souffrance, la mort est souffrance... Pour éviter de voir ça, on cherche par des moyens matériels, affectifs, idéologiques, à se couper de la réalité de la vie. On court après l'argent, on court après les honneurs, on court après le pouvoir, on court après le botox, le silicone, après la chirurgie esthétique, les régimes... Des quatre nobles vérités dont parle Bouddha, la première est la noble vérité de la souffrance. Noble pourquoi? Parce qu'en prenant conscience de cela, le cheminement peut commencer : c'est le premier pas vers la sortie de l'ignorance. La deuxième noble vérité c'est comment se manifeste la souffrance ? Par la naissance, la maladie, la vieillesse, la mort. La conscience de cette réalité la est incontournable, inéluctable : c'est. Dès lors que l'on vient au monde cette réalité est incontournable. La troisième c'est la noble vérité de la cessation de la souffrance. Celle-la commence par lâcher ce refus de la réalité. Lâcher c'est synonyme de non attachement. Ne pas s'attacher, parce que ça ne sert à rien de ne pas vouloir vieillir, de ne pas vouloir être malade, de ne Page 1/5 pas vouloir mourir. Ce non attachement ne peut se réaliser que lorsqu'on sort de l'ignorance, celle de croire qu'on est éternel dans son aspect humain. Sortir de cette ignorance en se rendant compte que tout bouge. Aujourd'hui par la science nous pouvons prouver qu'à chaque instant meurent des millions, des milliards de cellules : c'est justement le processus de la réalité de la vie. Regardez une photo de vous à votre naissance, votre 10ème anniversaire, votre 20ème... ça change ! vous n’êtes pas pareil, et c'est ça la réalité. Cette réalité ne doit pas être vécue comme une fatalité, mais comme un déclencheur d'énergie, pour faire du mieux possible dans notre vie, pour ne rien avoir à regretter. En quelque sorte de pouvoir préparer sa mort tranquillement, sans regret. Et enfin la dernière des quatre nobles vérités c'est la manière de s'en extraire, de s'extraire de dukkha. C'est à ce moment la que le Bouddha enseigne l'octuple sentier, les huit aspects pour s'aider à sortir de l'attachement, de l'ignorance et de fait, de la souffrance. Claude Émon Cannizzo Dojo de Mulhouse – novembre 2011 - 2/3 Veillez à ce que votre zafu soit assez épais, cela vous évitera des tensions et des douleurs inutiles. Lorsque l'on commence à pratiquer zazen on est loin d'imaginer à quel point la pratique de zazen peut transformer notre vie. Souvent au départ on voit ça comme une technique de détente et très vite on se rend compte que de par la rigueur de la pratique, ça n'a pas forcément quelque chose à voir avec de la détente, même si au fur et à mesure de la pratique le corps arrive à se détendre dans la pratique. Rappelez-vous bien : ce n'est pas la posture de zazen qui est difficile, mais le retour à notre condition normale, celle qui est à même de nous maintenir dans cette posture. Tous les enfants prennent la posture de zazen jambes croisées le dos droit naturellement. Mais très vite on perd cette capacité, trop occupé à remplir sa tête de connaissances, on néglige complètement le corps. Il ne s'agit pas de rester bête, ignare, mais de ne pas créer de dualité corps/esprit : le corps a besoin de mouvement pour que l'esprit puisse y habiter librement, c'est sa condition normale, sans que l'esprit domine le corps. Après les quatre nobles vérités qui sont : "la vie est souffrance, la cause de cette souffrance est cette ignorance qui occasionne l'avidité, la haine, la colère… La cessation de la souffrance est possible : c'est la paix, le nirvana qui se réalise lorsque l'ignorance, la haine, la colère cessent de nous diriger. Il y une voie qui nous permet d'accéder à cette libération : c'est l'octuple sentier". Huit aspects que nous devons réaliser pour nous libérer de notre ignorance. Ces huit aspects sont la compréhension juste, la pensée juste, la parole juste, l'action juste, le mode de vie juste, l'effort juste, l'attention juste et la méditation juste. Comprendre profondément ces huit aspects et les exprimer dans notre vie quotidienne, ce sont les moyens que le Bouddha Shakiamuni nous a donné pour nous libérer de notre ignorance, de nos attachements. En les détaillant un peu : La compréhension juste est de comprendre profondément l'enseignement du Bouddha, le Page 2/5 dharma, comprendre la réalité du dharma avec le regard de notre pratique éveillée. Comprendre l'implication de ces nobles vérités dans notre vie quotidienne. Comment les phénomènes de notre vie quotidienne nous mènent à l'avidité, la colère, la haine ? En comprenant cela nous pouvons ne pas être joués par ces aspects. La pensée juste n'est pas celle de la réflexion intellectuelle, c'est une pensée qui implique sagesse et compassion. Sagesse et compassion ne peuvent se manifester que lorsqu'on arrive à sortir de l'enfermement de notre ego, la pensée juste, cette sagesse et cette compassion qui se manifestent nous permet de comprendre l'implication dans l'enchainement des causes et des actions. Tout ce que nous pensons, tout ce que nous disons, tout ce que nous commettons créé inévitablement des effets. De la pensée émanent les autres aspects de l'octuple sentier, par exemple la suivante : La parole juste. Lorsque la pensée est juste, la parole l'est naturellement. La parole doit être sincère et bienveillante. Nous avons tous déjà ici dans le dojo ou ailleurs pu mesurer la portée de paroles chargées de mauvaises intentions, de mots mal placés. Un des préceptes c'est de ne pas médire, ne pas proférer de mauvaises paroles, puis il y a : L'action juste : lorsque la pensée est juste, l'action devient juste. Cette action juste est aussi en harmonie avec les préceptes. Notre comportement est alors complètement adapté aux préceptes de vie : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas s'enivrer, ne pas proférer de mauvaises paroles, ne pas critiquer, ne pas être imbu de sa personne. Ensuite il y a : Le mode de vie juste, la façon de subvenir à ses besoins, que cette manière ne nuise pas aux autres, qu'elle n'engendre pas de souffrance chez l'autre. C'est un peu le problème de notre société aujourd'hui où chacun n'agit que par rapport à ses propres besoins, à son avidité, sans se soucier de ce que cette attitude génère, suscite chez l'autre. Il y a aussi : L'effort juste qui consiste à mettre toute notre énergie à cesser toutes actions qui cause la souffrance. Ce qui veut dire, s'appliquer à suivre les sept autres chemins de l'octuple sentier. Vient ensuite : L'attention juste, c'est la vigilance, être présent à soi, être présent aux autres, à ce que l'on fait, en pleine conscience des conséquences de ses actes et de ses paroles. Ne pas se laisser absorber par les phénomènes, les illusions, les désirs tout ce qui entraine la souffrance, dukkha. Et enfin vient : La méditation juste, très important et c'est ce que nous pratiquons à chaque fois que nous nous asseyons en zazen, c'est la pratique de la concentration, de l'observation. Cette pratique nous harmonise ici et maintenant avec le dharma, avec l'enseignement du Bouddha, avec l'ordre cosmique. Cette pratique nous permet de comprendre les mécanismes et les enchainements des causes et des effets, les douze innens, les douze causes d'enchainement. Ces huit pratiques ne doivent pas rester des mots, mais nous imprégner, nous devons y tendre du mieux que l'on peut c'est notre pratique de zazen qui devient l’action de notre libération, c'est l'effet de notre pratique. Lorsque nous pratiquons zazen, naturellement inconsciemment tout se pose, corps, esprit ,action, parole, pensée... Rien ne génère d'avidité, de haine, de colère. Tout se calme, l'esprit devient plus vaste, toutes les réductions mentales émanant de nos désirs lâchent et notre véritable nature peut apparaître. Tout ce qui philosophiquement est appelé "se connaître soi-même" se révèle, pas par la pensée, mais ça se réalise au delà de la pensée, en étant juste assis, respirant et laissant passer les pensées. Page 3/5 Claude Émon Cannizzo Dojo de Mulhouse – novembre 2011 - 3/3 Pendant zazen, revenez régulièrement à la posture de manière à ne pas vous laisser prendre par vos pensées. Rentrez le menton, on s'étire par le sommet de la tête de manière à étirer la nuque, pour qu'elle se place dans la continuité de la colonne vertébrale. Dans l'octuple sentier, il est fait état des douze causes interdépendantes. Ce sont : l'ignorance, l'acte karmique, la conscience, les phénomènes, les six facultés, le contact, la sensation, le désir, la saisie, le devenir, la naissance, la peine. Chacune de ces causes engendre la suivante, la suivante est déterminée par la précédente. La première de ces causes est l'ignorance : c'est le maillon le plus important, elle émane de l'octuple sentier et également des quatre nobles vérités. Cette ignorance dont il est question n'a rien à voir avec l'ignorance intellectuelle, il s'agit de l'ignorance fondamentale, l'ignorance des quatre nobles vérités. L'être qui ignore l'enseignement du Bouddha, c'est à dire le moyen subtil d'observer, ne peut percevoir la vraie nature des choses et principalement lui-même. La deuxième cause c'est l'acte karmique. C'est la conséquence de tous nos actes volontaires, qui sont le résultat de notre ignorance. Les trois bases fondamentales du karma sont : ce qui est exprimé par le corps, ce qui est dit, et aussi ce qui est pensé. Selon l'enseignement du Bouddha, plus on est ignorant, plus les actions partiront de notre égoïsme. Que ces actes soient égoïste ou non, il y aura renaissance, et cette renaissance est nécessaire pour que le karma ainsi créé puisse porter ses fruits, agréables ou non ! La troisième cause c'est la conscience : celle-ci est conditionnée par nos actes karmiques et devient conscience de renaissance. Cette conscience apparaît à chacun d'entre nous, au sein de nos mères. Cette conscience se lie à l'embryon. L'esprit du karma accumulé dans le passé sera engendré et prendra forme en fonction de la nature de notre renaissance, heureuse ou malheureuse. Ensuite viennent les phénomènes, ce sont l'association du corps et de l'esprit, le résultat de notre conscience entrée dans le corps. C'est la relation au psycho/physique, psycho/ corporel. Entre la conscience et le corps. Cette conscience, ce mouvement se perpétuent dans le monde de la renaissance, dans nos comportements d'aujourd'hui. La cinquième cause se sont les six facultés : le moyen du corps à connaître, reconnaître, s'exprimer en fonction de ce qu'il entend, de ce qu'il sent, de ce qu'il goûte, touche et également de ce qu'il pense. Dans l'enseignement du Bouddha et dans la vision du dharma, le cerveau est considéré comme le sixième organe de sens. Les pensées sont associées aux sens. Le sixième est le contact : il est établi par l'entremise de nos organes de sens, les effets qui sont créés par le fait d'entendre, de sentir, par le fait de goûter… A ce moment là vient le septième qui est la sensation de ce qui est goûté, entendu, touché… Ces sensations sont au nombre de trois : agréables, neutres ou désagréables. Ces sensations sont différentes pour chacun d'entre nous. Ce qui est agréable pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre, et le contraire. La sensation, selon que l'on s'y attache, sera à l'origine de nos passions. Et ces passions engendrent automatiquement la huitième cause qui est le désir : le désir Page 4/5 que les sensations agréables, désagréables ou neutres se poursuivent ou non. Et quoi qu'il en soit ce désir entraîne la réaction de l'être. Nous devenons alors nous mêmes responsables de ce que nous faisons, créons, disons, pensons. Jusqu'à la troisième cause, ce n'est pas dépendant de nous, ce sont les conditions karmiques, à partir du désir, la production conditionnée dépend de nous et fera la différence entre un être ordinaire et un sage. Le sage, en connaissance de cause, ne va pas recréer de nouvelles empreintes karmiques dans son comportement. Le neuvième point est la saisie. C'est le résultat du désir de l'être ignorant, de celui qui va s'attacher à l'objet de ses passions. L'objet des passions peut être très varié : plaisirs sensuels, attachement à soi, à nos idées. Cette saisie aura une influence sur le devenir qui est le dixième point. Sous l'influence de cette saisie, de ces attachements plus ou moins forts, ils auront une conséquence, une empreinte sur notre karma. Ce sont elles qui créeront le potentiel de notre force karmique, qui sera à l'origine d'une nouvelle naissance. Le onzième point c'est justement la naissance ou la renaissance qui est la conséquence de toutes ces empreintes karmiques accumulées dans le passé qui pourront, selon leur nature, être vertueuses ou non. Cette renaissance sera bonne, heureuse ou malheureuse dans les différents mondes de renaissance. La douzième cause c'est la peine, la vieillesse, la maladie, la décrépitude, la mort, sont les compagnes inaliénables de toute renaissance. Ce ne sont pas forcément le résultat de nos mauvaises actions, ce ne sont que les conséquences naturelles de notre renaissance, de la renaissance de l'être. Et que celui-ci soit bon, sage, il mènera obligatoirement à la mort et à la cessation de sa condition actuelle : naître et renaître, encore et encore jusqu'à ce qu'il arrive à sortir de cette ignorance, de cette chaîne de souffrance et être à l'origine du choix de sa renaissance, celle du Bouddha lui-même, du Bodhisattva qui choisit de revenir pour aider les ignorants à sortir de leur ignorance. Il se soumet de fait à la cause unique qui découle de la naissance : vieillir, être malade et mourir. Sortir de l'ignorance c'est cesser d'être accablé par la vie, comprendre que ce qui nous arrive est le résultat de nos actes, que ceux ci sont conditionnés, par notre ignorance et se manifestent par les quatre nobles vérités. Dont acte, nous sommes des êtres vivants! Nous avons à vivre la vieillesse, la maladie et accepter notre mort, mais en ayant eu la chance de rencontrer l'enseignement du Bouddha, avoir les outils pour sortir de la chainechaine des renaissances, et être en mesure de choisir si nous voulons revenir ou non. Cet enseignement est quelquefois mal perçu par les personne issues d'une éducation judéo chrétienne, mais peut être la notion de purgatoire dont parle le Christ n'est rien d'autre que la renaissance? Mais peut-être ne faut-il pas l'entendre comme une punition, mais comme une réalisation... Chacune de ces causes pourra être détaillée lors d'autres enseignements, ou lors de Teîsho, qui permettent à chacun de poser ses questions. Page 5/5