Les dangers de l`anorexie - Migros

Transcription

Les dangers de l`anorexie - Migros
12 | MM10 02.03.15 | SOCIÉTÉ
Dossier
Les dangers
de l’anorexie
Chiffres
2%
L’anorexie mentale
touche entre 1% et 2%
des jeunes. La
prévalence des troubles
alimentaires en général
est cinq fois plus élevée.
Adolescents filles mais aussi garçons, adultes et même enfants
souffrent de ce grave trouble de l’alimentation dont on ne
guérit pas sans mal.
L
25%
Photos: Nadja Kilchhofer et Romain Mader
’anorexie, comme la boulimie, se
porte bien. Non seulement le nombre
d’adolescentes prises en charge par
les unités spécialisées ne diminue
pas, mais ces maladies se conjuguent de plus
en plus au masculin. Alors que, comme vient
de s’en alarmer Pro Juventute, les limites
d’âge explosent, tant du côté des très jeunes
enfants (il y a déjà des hospitalisations vers
9 ou 10 ans) que des adultes.
L’anorexie mentale n’a rien à voir avec la
seule volonté de perdre du poids. «Les causes
sont multifactorielles, et ces troubles proviennent d’abord d’un défaut d’estime de soi
et de sécurité intérieure. L’obsession
contemporaine de minceur et de jeunesse
viennent se greffer ensuite», explique à
l’Unité multidisciplinaire de santé des adolescents du CHUV (UMSA) la psychologue et
psychothérapeute Sophie Vust. D’où une
«prise en charge à la fois psychiatrique, médicale et nutritionnelle», selon Marianne
Caflisch, responsable de la consultation adolescents des HUG.
Romana Chiappini, psychologue auprès de
l’association ABA (Association Boulimie Anorexie), parle de «maladie de la non-vie, avec
un urgent besoin de lutter contre de très
fortes angoisses». Autrement dit, il s’agit
avant tout d’un symptôme – souvent conjugué
avec des phases de boulimie – d’une détresse,
d’un malaise profond ou d’une grande insécurité intérieure provoquant ce que les médecins appellent la «dysmorphophobie», soit
«une totale perturbation de l’image corporelle qui agit comme un véritable miroir déformant de soi». Période clé du passage à l’âge
adulte et de profonds changements du corps,
la puberté est naturellement particulièrement à risque. Les garçons rêvent de muscles
sans graisse. Les filles d’un ventre ultra-plat.
Un certain nombre d’entre eux vont mal, en
refusant par exemple le passage à l’âge adulte.
Par ailleurs, toutes les études le montrent:
les adolescentes, mais aussi leurs homologues
masculins, se préoccupent un peu trop de leur
poids et de leur silhouette, souvent manipulés
par la publicité et les diktats sociaux. Avec le
risque que la relation à la nourriture devienne
obsessionnelle et pathologique où la chasse au
gras, au sucre et aux calories amène à de très
importantes pertes de poids et à de graves carences nutritionnelles. Soignée aussi tôt que
possible – d’où la nécessité de ne pas laisser la
personne malade s’enfoncer dans son fonctionnement – l’anorexie se guérit le plus souvent. Mais, relève Marianne Caflisch, «il s’agit
d’un long chemin. Je parle toujours d’une
prise en charge sur plusieurs années, souvent trois ou quatre ans.»
25% des anorexies ne se
soignent pas
complètement.
Certaines deviennent
chroniques, souvent
lorsqu’elles sont installées
depuis longtemps.
10%
10% des patients atteints
d’anorexie et de boulimie
décèdent.
La majorité des traitements se poursuivent
en ambulatoire après
Photo: Linn Schröder/OSTKREUZ
Texte: Pierre Léderrey
une éventuelle phase
d’hospitalisation, auprès
de services psychiatriques ou de consultations spécialisées pour
adolescents ou jeunes
adultes comme l’UMSA à
Lausanne et l’ESCAL
(Espace de soins pour les
troubles du comportement alimentaire)
à Genève.
SOCIÉTÉ | MM10 02.03.15 | 13
Quels indices?
Plus l’anorexie mentale
se prolonge et se voit
prise en charge tardive­
ment, plus se complique
le chemin vers la guéri­
son. Aussi, les profes­
sionnels insistent sur
quelques indices pou­
vant alerter les parents.
Parmi eux:
Une perte de poids
très rapide et anormale (ou un manque de
prise de poids chez les
adolescents très jeunes)
Un discours devenant
obsessionnel autour
des questions de l’ali­
mentation et de l’image
de soi
Changements au
niveau du caractère,
comme l’irritabilité ou
l’isolement social
«Mais, concède Romana
Chiappini, les change­
ments d’humeur notam­
ment sont directement
liés au passage de l’ado­
lescence. D’où la diffi­
culté d’y percevoir le
début d’un vrai trouble
de l’alimentation.»
SOCIÉTÉ | MM10 02.03.15 | 15
Matilde, 21 ans
«Quand je regarde des photographies de moi pendant
cette période, je ne me reconnais pas.» Aujourd’hui,
Matilde Wenger va bien. Etudiante à l’Université, c’est une
jeune fille de 21 ans comme une autre avec la vie devant
elle. «J’ai retrouvé le plaisir de manger. Et repris mon
poids normal. Avec même un petit bonus», sourit-elle.
Photo: Nadja Kilchhofer et Romain Mader
Sa descente aux enfers a commencé une dizaine de mois
plus tôt. Presque banalement. «Je mesure 1 m 68, et pesais à l’époque 60 kilos. Je me suis persuadée que c’était
trop. Alors j’ai commencé à faire attention.» En parallèle, la jeune Vaudoise multiplie les activités sportives:
cinq à six heures de volley et une séance de tennis hebdomadaires ne lui paraissent plus suffisants pour perdre ce
petit ventre qui l’obsède. «Je me suis mise au footing, aussi
souvent que possible.»
Après avoir arrêté les sucreries, banni les produits laitiers en se persuadant que cela lui donne des maux de
ventre, Matilde Wenger se passe de viande rouge, puis de
féculents. Se cachant sous de gros pulls, refusant d’entendre l’inquiétude de sa mère, elle ne mange quasi plus.
«Dès que je ressentais un peu de faim, je buvais de l’eau.
Jusqu’à 5 à 6 litres par jour.» A 16 ans, lorsque ses parents
l’amènent presque de force à l’hôpital, elle pèse seulement
45 kilos, avec un indice de masse corporelle (BMI) largement inférieur à la norme. Après avoir enfin accepté sa
maladie, il faudra trois longues années pour qu’elle redevienne elle-même. Qu’elle se débarrasse «de cette obsession, dès le réveil, de manger le moins possible».
Sergio, 26 ans
Catherine*, 25 ans
«Je pense que ce n’était qu’un symptôme d’un malêtre beaucoup plus profond. Et c’est lorsque j’ai compris cela que j’ai accepté l’idée de me soigner.» Sergio a
26 ans. Il a retrouvé sa vie. Etudiant à l’Ecole polytechnique fédérale, il ne passe plus ses journées à vouloir
contrôler son corps en chassant la moindre calorie de
son alimentation. «Lorsque j’ai été hospitalisé pour
trois mois, je pesais 38 kilos. Le médecin m’a dit que
j’étais tout proche de devoir être alimenté par
sonde», se souvient-il.
«Ça a commencé vers mes 19 ans. Je faisais beaucoup
de basket. Je n’étais pas grosse mais je me trouvais un
peu trop carrée. J’ai commencé à me surveiller. Puis à
ne plus manger grand-chose et j’ai perdu 10 kilos très
rapidement.» A 54 kilos pour 1 m 74, sa médecin explique à Catherine qu’elle maigrit trop. «J’ai eu un peu
peur, mais cela n’a pas suffi. Les choses se sont plutôt
dégradées, malgré un suivi chez une psychologue et une
diététicienne. Un an plus tard, je faisais aussi des crises
de boulimie et j’avais complètement perdu mes
menstruations.»
Sergio a été diagnostiqué à 15 ans. Mais c’est à 13 ans
déjà que ce qui a commencé comme un régime «pour
maigrir un peu» s’est peu à peu transformé en grave
trouble alimentaire. «Je n’arrêtais pas de me renseigner
sur tout ce qui faisait grossir et j’évitais soigneusement
de les manger. Au bout d’un certain temps, je devenais
euphorique parce que j’avais l’impression de contrôler
ma faim.» Sans du tout prendre conscience de son extrême maigreur, ni tenir compte des remarques de sa
famille et de son épuisement permanent. «Le paradoxe,
c’est qu’en voulant acquérir une totale maîtrise de
son corps, on n’écoute absolument pas les signaux
qu’il envoie», analyse-t-il désormais.
Pour pouvoir dire cela, il aura fallu une première hospitalisation de trois semaines, puis, comme la situation
empirait malgré le suivi diététique, un nouveau séjour
de douze semaines.
Une pomme le matin, rien à midi et une salade le soir:
à ce rythme, Catherine approche les 48 kilos, alors que
de leur côté les accès de boulimie se font de plus en plus
fréquents. Deux ans d’enfer, jusqu’au jour où la jeune
femme part rejoindre son frère à New York pendant
trois mois. «Je me suis enfuie pour ne pas me retrouver à l’hôpital. Après trois mois, j’étais passée de
48 kilos à 75. A bout, je suis rentrée et j’ai décidé de
me soigner. C’était en 2011.»
Peu à peu, aidée par son amie, la nourriture redevient
un plaisir pour Catherine, qui apprend à écouter son
corps et à se reconstruire. «Je viens d’une éducation
très religieuse qui m’a obligée à cacher mon homosexualité très longtemps. Ces désordres alimentaires ont été
un moyen d’exprimer mon mal-être. Cela va mieux aujourd’hui que je suis adulte et que je me suis acceptée.
Publicité
SOCIÉTÉ | MM10 02.03.15 | 17
Photo: Keystone / Cultura / Christoffer Askman
tout pour
votre
santé.
erste Hilfe bei Verletzungen und erkrankungen
Amavita – Se sentir mieux,
simplement.
%
0
–2
La maman de Sarah, 22 ans,
et le père d’Agathe*, 28 ans
Les parents sont pleinement associés aux prises en
charge des troubles anorexiques lorsque la ou le malade
est mineur. Sarah a été hospitalisée il y a environ sept
ans, Agathe il y a deux fois plus longtemps. Le témoignage de la maman de la première et du père de la seconde indique combien la prise en charge de l’anorexie a
progressé: elle est désormais clairement multidisciplinaire. La mère de Sarah couvre de louanges le personnel médical sans lequel sa fille aurait eu beaucoup de
mal à s’en sortir. «A la maison, ce n’était plus possible.
Alors qu’elle faisait semblant de grignoter, elle est descendue jusqu’à 31 kilos. Elle ne voulait rien entendre, et
en même temps elle culpabilisait devant notre inquiétude. Elle a été hospitalisée pour la première fois à
15 ans, et même s’il y a eu plusieurs allers et retours –
avec même un passage aux soins intensifs – et même s’il
a fallu deux ans pour commencer à voir le bout du tunnel, on n’y serait pas arrivés sans cela», se souvient Muriel Métraux. Aujourd’hui sa fille va bien, rêve d’être architecte.
Yvan, le père d’Agathe*, ne cache pas que «tout est encore trop frais pour notre fille comme pour nous».
Agathe pesait aussi 31 kilos (pour 1 m 67) lorsqu’elle a été
hospitalisée d’urgence. Après plusieurs périodes dans
des unités spécialisées, son anorexie s’est transformée
en boulimie. Très proche de sa mère, explique Yvan,
Agathe ne voulait pas grandir, devenir une femme. «Elle
faisait beaucoup de gymnastique et s’identifiait aux
athlètes roumaines. On s’est aperçus petit à petit
qu’elle maigrissait, qu’elle ne mangeait plus. Ses entraîneurs aussi. Mais les mises en garde ne trouvaient
aucun écho chez elle.» Il faudra plusieurs visites aux
urgences, un semi-coma à la maison et un fameux voyage
déstabilisant au milieu d’une grande pauvreté pour
qu’Agathe accepte l’idée de se soigner. «Il a fallu se serrer
les coudes avec ma femme pour que tout ne vole pas en
éclats. Le regard des médecins était très culpabilisant.
Ou en tout cas, c’est comme ça que nous l’avons vécu.
Heureusement, les choses ont évolué.» MM
*Prénoms d’emprunt
l’ ActIoN DU MoIS avec 20 % de
rabais est disponible dans plus
de 155 pharmacies Amavita.
Flector eP Tissugel®
Appliquer au lieu de masser.
Ne chauffe pas, ne refroidit pas… agit!
10 emplâtres**
cHF 28.70*
au lieu de CHF 35.85
iBsA institut Biochimique sA
* Action valable jusqu’au 31 mars 2015. sous réserve de modifications de prix.
** Demandez conseil à votre spécialiste et lisez la notice d’emballage.