Performance de l`estimation échographique du poids fœtal réalisée

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Performance de l`estimation échographique du poids fœtal réalisée
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JGYN-1144; No. of Pages 7
ARTICLE IN PRESS
Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2014) xxx, xxx—xxx
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TRAVAIL ORIGINAL
Performance de l’estimation échographique
du poids fœtal réalisée par les internes de
spécialité le jour de l’accouchement
Accuracy of ultrasound estimated fetal weight performed by
residents at delivery day
K. Dimassi a,∗,b, Y. El Cadhi a, R. Sahnoune a, M. Derbel a,b,
A. Triki a,b, H. Ben Romdhane b, F. Gara a,b
a
b
Service de gynécologie-obstétrique, CHU Mongi-Slim, Sidi-Daoud, 2046 La Marsa, Tunisie
Faculté de médecine Tunis El Manar, Tunis, Tunisie
Reçu le 29 juillet 2014 ; avis du comité de lecture le 13 octobre 2014 ; définitivement accepté le 23 octobre 2014
MOTS CLÉS
Poids fœtal ;
Échographie ;
Hadlock ;
Corrélation ;
Concordance
∗
Résumé Le poids fœtal représente un paramètre qui influence très souvent la prise en charge
obstétricale, plus particulièrement le choix de la voie d’accouchement. L’estimation échographique du poids fœtal a donc toute son importance en salle de naissance.
Buts. — Évaluer la performance des estimations échographiques du poids fœtal (EPF) réalisées
par les internes de spécialité en salle de travail et rechercher les paramètres pouvant influencer
la performance de l’examen échographique.
Méthodes. — Il s’agit d’une étude prospective menée chez 299 patients à un terme supérieur
ou égal à 37 semaines d’aménorrhée. Les EPF étaient réalisées en salle de travail, le jour de
l’accouchement par les internes de spécialité. Le poids fœtal estimé (PFE) a été calculé en
utilisant la formule de Hadlock : Log10 EPF = 1,335 0,0316 0,0457 BIP + PA + 0,1623 LF — 0,0034
PA LF et comparé au poids à la naissance (PN).
Résultats. — La différence absolue médiane entre PFE et PN était de 200 [100—450] g. Le pourcentage d’erreur médian était de 5,71 % [2,7 à 11,37]. Cette marge d’erreur était inférieure à
10 % dans 69,6 % des cas. Il y avait une bonne corrélation entre EFW et BW (R = 0,79). L’obésité
et la macrosomie fœtale avaient significativement altéré la performance de l’estimation échographique. La sensibilité de l’EPF en matière de diagnostic de macrosomie était de 38 % avec
une spécificité de 99,59 %.
Conclusion. — Même si l’estimation échographique réalisée par les internes en salle de naissance
présente une performance équivalente à celle réalisée par des échographistes expérimentés
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (K. Dimassi).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.10.015
0368-2315/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Dimassi K, et al. Performance de l’estimation échographique du poids fœtal réalisée par les internes de spécialité le jour de l’accouchement. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014),
http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.10.015
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K. Dimassi et al.
en dehors des conditions d’urgence, elle reste limitée avec une marge d’erreur supérieure à
10 % dans un tiers des cas et une faible sensibilité en matière de diagnostic de macrosomie.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Fetal weight;
Ultrasound;
Hadlock;
Correlation;
concordance
Summary Ultrasound fetal weight estimation (EFW) has become a routine practice in obstetrics with a major impact on obstetrical management.
Objectives. — To evaluate the accuracy of sonographic fetal weight estimations performed by
residents in obstetrics at the delivery day and to search parameters influencing this exam.
Methods. — A prospective study performed in 299 patients at 37 weeks of gestation or more,
during their delivery day. Ultrasound fetal weight estimations were performed by residents and
compared to birth weights (BW). The estimated fetal weight (EFW) was calculated using the
formula of Hadlock: Log10 EPF = 1,335 + 0.0316 BIP + 0,0457 PA + 0,1623 LF—0,0034 PA LF.
Results. — Mean absolute difference between EFW and BW was 200 g [100—450]. Mean absolute
percentage error was 5.71 % [2.7—11.37]. The proportion of the EFW within 10 % of BW was
69.6 %. There was a good correlation between EFW and BW (R = 0.79). Obesity and fetal macrosomia had negatively influenced ultrasound performance. For the diagnosis of macrosomia,
ultrasound has a sensibility of 38 % and a specificity of 99.59 %.
Conclusion. — Ultrasound fetal weight estimations performed by residents in the delivery room
were as accurate as those performed by experimented sonographers. Thus, the predictive
performance remains limited with a low sensitivity in the diagnosis of macrosomia.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
La prise en charge obstétricale en salle de naissance, et
plus particulièrement le choix de la voie d’accouchement,
est souvent influencée par l’estimation du poids fœtal. Dans
notre pratique quotidienne, l’estimation du poids fœtal
est réalisée le jour de l’accouchement, lors de l’admission
en salle de travail par l’interne de spécialité. Ce dernier a recours à l’examen clinique (mesure de la hauteur
utérine et manœuvre de Léopold) et à l’examen échographique (mesure des biométries). D’une manière générale,
l’estimation échographique du poids fœtal a été largement
étudiée dans la littérature [1—4] et les différentes publications lui attribuent une marge d’erreur de 6 à 10 % en valeur
absolue par rapport au poids de naissance [3,4]. Cependant,
ces travaux évaluent les résultats de l’examen échographique réalisé par des référents en la matière, alors qu’en
conditions réelles, ces derniers sont sollicités en deuxième
ligne dans le cas d’une anomalie relevée lors de l’examen
échographique réalisé par les internes (suspicion de macrosomie ou de retard de croissance intra-utérin. . .). Nous avons
réalisé ce travail dans le but d’étudier la fiabilité des estimations échographiques du poids fœtal réalisées en salle
de naissance, par les examinateurs de première ligne et de
rechercher les paramètres maternels, fœtaux ou annexiels
pouvant influencer ce dépistage.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude prospective réalisée dans le service de
gynécologie-obstétrique du centre hospitalo-universitaire
Mongi-Slim La Marsa, Tunisie. Le recrutement des patientes
s’est fait sur une période de trois mois : avec un nombre
total de 299 patientes consécutives.
Critères d’inclusion
Patientes ayant une grossesse monofœtale, hospitalisées en
salle de naissance pour accouchement à un terme supérieur
ou égal à 37 semaines d’aménorrhée (SA).
Critères d’exclusion
Les critères d’exclusion sont: un âge gestationnel supérieur
à 41 SA ou inférieur à 37 SA, les grossesses multiples, les cas
de mort fœtale in utero et de malformation fœtale.
À l’admission, la patiente avait systématiquement une
estimation échographique du poids de naissance par un
interne de gynécologie-obstétrique ayant reçu une formation sur la technique de mesure des biométries fœtales
(cours théorique, clichés régulièrement notés par un senior)
et ayant une expérience pratique moyenne d’au moins une
année. Ainsi, cinq opérateurs ont participé à cette étude.
L’examen échographique était réalisé au moyen d’un
échographe : TOSHIBA modèle SSA-510A, muni d’une sonde
abdominale de 5-2 MHrz.
Une fiche de recueil de données a été remplie pour
chaque patiente. Les informations suivantes étaient systématiquement mentionnées : l’indice de masse corporelle
(IMC) mesuré le jour de l’admission, la parité, les mesures
du diamètre bipariétal, de la circonférence abdominale et
de la longueur du fémur, la présence éventuelle de contractions utérines au cours de l’examen ainsi que la mesure de la
grande citerne de liquide amniotique, vu que dans la littérature, la mesure d’une seule citerne de liquide plutôt que
la méthode des quatre quadrants de Phelan apparaît plus
prédictive des complications néonatales [5].
L’obésité maternelle a été définie par un IMC supérieur à
30 kg/m2 . L’oligoamnios à terme a été défini par la mesure
de la plus grande citerne inférieure à 20 mm.
Pour citer cet article : Dimassi K, et al. Performance de l’estimation échographique du poids fœtal réalisée par les internes de spécialité le jour de l’accouchement. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014),
http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.10.015
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Performance de l’estimation échographique du poids fœtal
Tableau
1 Caractéristiques
épidémiologiques
patientes de l’étude.
Epidemiological characteristics of study patients.
Primiparié
Obésité
Oligoamnios
Macrosomie fœtale
Contractions utérines
présentes au cours de
l’examen
des
Nombre de
patientes
Pourcentage (%)
130
149
86
45
118
43,47
49,83
28,76
15,05
39,46
Le poids fœtal estimé (PFE) était calculé à l’aide de
la formule de Hadlock C [6] (Log10 EPF = 1,335 + 0,0316
BIP + 0,0457 PA + 0,1623 LF—0,0034 PA LF).
Les différences entre les estimations et les poids à la
naissance (PN) ont été calculées en différence absolue (PFEPN) et en pourcentage d’erreur ((PFE-PN) × 100/PN).
Les données ont été recueillies dans un tableau EXCEL
2007 et l’analyse statistique a été réalisée par le logiciel
XLSTAT 2013.4.
Les variables quantitatives sont données en médianes
avec le 1er et le 3e quartile entre parenthèse ou en
moyennes ± l’écart-type.
Les variables qualitatives sont données avec le nombre
et le pourcentage pour chaque catégorie.
La comparaison entre les groupes a été effectuée par un
test de Chi2 pour les variables qualitatives et par le test de
Student pour les variables continues.
La comparaison de deux médianes a été réalisée par un
test non paramétrique de Wilcoxon. Les comparaisons multiples ont été réalisées par un test Anova. Les différences
étaient considérées comme statistiquement significatives si
p < 0,05. Nous avons réalisé une étude de la corrélation entre
PFE et PN en utilisant la droite de régression et le calcul de
l’indice de corrélation de Pearson.
Afin d’estimer au mieux la concordance entre les deux
valeurs (PN et PFE), nous avons réalisé une étude de concordance selon la méthode de Bland et Altman [7].
Nous avons étudié la performance de l’estimation échographique du poids fœtal dans le diagnostic de macrosomie
(définie par un PN ≥ 4000 g) et pour le diagnostic de macrosomie extrême (définie par un PN ≥ 4500 g). Dans ce sens,
nous avons calculé la sensibilité, la spécificité, la valeur
prédictive positive (VPP) ainsi que la valeur prédictive négative (VPN) de l’examen échographique pour chacune de ces
situations.
Résultats
Nous avons inclus 299 patientes. L’âge moyen des patientes
était de 29,05 ans. Un total de 43,4 % étaient primipares et 49,83 % avaient un IMC ≥ 30 kg/m2 . Chez 39,46 %,
des contractions utérines étaient objectivées au cours de
l’examen échographique. Les caractéristiques épidémiologiques des patientes de l’étude sont résumées dans le
Tableau 1.
3
Tableau 2 Comparaison entre le poids fœtal estimé et le
poids à la naissance.
Comparison between estimated fetal weight and birth
weight.
Poids fœtal estimé (g)
Poids néonatal (g)
Différence absolue (g)
Marge d’erreur (%)
Marge d’erreur supérieure à 10 %
3500 [3148—3700]
3600 [3200—3900]
200,500 [100—450]
5,71 [2,7—11,37]
30,4 %
Les valeurs sont données selon la médiane, le 1er quartile et
le 3e quartile avec les intervalles entre crochets.
Un oligoamnios était noté à l’échographie chez 30,10 %
des patientes. Le PN était supérieur ou égal à 4000 g dans
18,39 % des cas.
Les comparaisons entre PFE et PN sont données dans le
Tableau 2.
Le PFE médian était de 3500 [3148—3700] g. Le PN
médian était de 3600 [3200—3900] g. La médiane de la différence absolue était de 200 [100—450] g. La marge d’erreur
médiane était de 5,71 % [2,7—11,37] et dans 69,6 % des cas,
cette marge d’erreur était inférieure à 10 %.
Nous avons objectivé une corrélation positive et significative entre le PN et le PFE. Le coefficient de corrélation de
Pearson était de 0,79 (voir la Fig. 1). L’analyse de régression
linéaire permet de calculer le PN en fonction du PFE selon
l’équation suivante : PN = 552,65 + 0,87 × PFE.
L’analyse de la concordance réalisée par la méthode de
Bland et Altman est représentée sur la Fig. 2. Sur ce graphe,
l’axe des cordonnées correspond à la différence entre les
valeurs et l’axe des abscisses à la moyenne des valeurs obtenues. La ligne médiane correspond au biais déni comme la
moyenne des différences. Plus cette ligne tend vers le 0,
moins le biais est important. Dans notre étude, le biais est
moyennement important, avec une moyenne des différences
de 136,40.
Les deux axes extrêmes du graphe de Bland et Altman
représentent les limites de concordances supérieure et inférieure, soit l’intervalle dans lequel sont compris 95 % des
différences, un écart faible entre ces deux axes traduisant
une meilleure concordance. Dans notre étude, les limites de
concordances sont assez importantes.
Les variables pouvant influencer la précision de
l’estimation du poids fœtal sont reprises dans le Tableau 3.
Ainsi un IMC ≥ 30 kg/m2 et un PN ≥ 4000 g avaient significativement diminué la performance de l’estimation
échographique.
En ce qui concerne le diagnostic de macrosomie,
l’échographie avait une sensibilité de 38 %, une spécificité
de 99,59 % une VPN de 87,73 % et une VPP de 95,45 %.
Concernant le diagnostic de macrosomie extrême avec un
PN ≥ 4500 g, la sensibilité de l’échographie était de 37,5 %,
la spécificité était de 99,66 %, la VPP 75 % et la VPN 98,31 %.
Discussion
La performance de l’estimation échographique du poids
fœtal a largement été étudiée dans la littérature [3,4]
et continue à être discutée [8—11]. L’apport de ce
Pour citer cet article : Dimassi K, et al. Performance de l’estimation échographique du poids fœtal réalisée par les internes de spécialité le jour de l’accouchement. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014),
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K. Dimassi et al.
Figure 1 Corrélation entre poids fœtal estimé par l’échographie et le poids de naissance. PFE : poids fœtal estimé. PN : poids à
la naissance.
Correlation between ultrasound estimated fetal weight and birth weight.
Figure 2 Analyse de concordance utilisant la méthode de
Bland et Altman.
Agreement study using Bland—Altman plot.
travail prospectif monocentrique réside dans les professionnels étudiés : les internes. En effet, l’objectif principal
était d’évaluer la précision des estimations échographiques
de poids fœtal réalisées quotidiennement en salle de naissance. La totalité des estimations échographiques évaluées
dans les études suscitées était réalisée par des référents
en échographie ou par des opérateurs expérimentés. Dans
notre pratique quotidienne, et en dehors de toute dysgravidie, ces derniers sont sollicités en deuxième ligne, devant
une anomalie suspectée par l’interne de spécialité.
Seules quelques études ont traité ce même sujet. Ainsi,
Predanic et al. [12] rapportent une amélioration significative de la performance de l’estimation échographique avec
le niveau d’étude de l’interne. Ben-Aroya et al. [13] rapportent que la fatigue de l’interne affecte la qualité de
l’examen clinique mais pas celle de l’estimation échographique. Par ailleurs, Brunader et al. [14] trouvent que les
compétences nécessaires pour effectuer des mesures échographiques prénatales précises sont facilement acquises au
Tableau 3 Étude des variables pouvant influencer l’estimation échographique.
Variables influencing ultrasound weight estimation.
IMC < 30 kg/m2
IMC ≥ 30 kg/m2
Oligoamnios présent
Oligoamnios absent
Contractions utérines présentes au
cours de l’examen
Pas de contractions utérines au
cours de l’examen
PN ≥ 4000 g
PN < 4000 g
PN < 2500 g
PN ≥ 2500 g
a
Nombre de cas
Différence absoluea (PFE-PN) (g)
150
149
90
209
118
181
259
175
176
241
200
200
[150—500]
[95—300]
[100—430]
[100—458]
[100—430]
[95—472]
55
244
5
294
500
176
400
200
[300—550]
[100—300]
[100—600]
[100—450]
Degré de
signification
p = 0,005
p = 0,162
p = 0,960
p < 10−3
p = 0,647
Les valeurs sont données selon la médiane, le 1er quartile et le 3e quartile avec les intervalles entre crochets.
Pour citer cet article : Dimassi K, et al. Performance de l’estimation échographique du poids fœtal réalisée par les internes de spécialité le jour de l’accouchement. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014),
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bout de trois années d’internat. Les cinq internes ayant
été sollicités pour ce travail étaient au quatrième et cinquième semestre de formation. Enfin, Noumi et al. [15]
rapportent que l’estimation échographique du PN réalisée
par les internes est tout aussi performante que celle réalisée par des échographistes expérimentés et ce ci rejoint nos
constatations. En effet, nos résultats attribuent à l’examen
échographique réalisé dans les conditions suscitées, une
marge d’erreur à 5,7 % avec une différence absolue médiane
à 200 g. Ceci concorde avec les résultats de la littérature où
la marge d’erreur de l’estimation échographique réalisée à
terme ou le jour de l’accouchement varie entre 6 et 11 %
[16,17]. De même, dans notre étude, 69,6 % des estimations
échographiques avaient une marge d’erreur inférieure ou
égale à 10 % et ce résultat est aussi équivalent aux résultats
précédemment publiés [16,18].
De plus, l’étude de la corrélation entre PN et EPF
confirme les résultats précédemment publiés [15,17]. En
effet, nous retrouvons une corrélation positive et significative entre le PFE et le PN avec un coefficient de corrélation
R = 0,79. Cependant, la technique de régression linéaire avec
le calcul du coefficient de corrélation recherche l’existence
d’une relation linéaire entre deux valeurs, celle-ci pouvant être présente malgré une mauvaise concordance entre
les deux valeurs [19]. Afin d’estimer au mieux la concordance entre le PFE et le PN, nous avons réalisé une étude
de concordance selon la méthode de Bland et Altmann.
Ainsi, l’analyse de la Fig. 2 trouve un biais défini comme
la moyenne de différences relativement importante égale à
136,4. De plus, les limites de concordances sont assez importantes. Ainsi, l’étude de la concordance entre PFE et PN met
en valeur les limites de l’échographie pour la prédiction du
PN.
La performance de l’estimation échographique du poids
fœtal varie peu avec la formule utilisée [20—22]. Plusieurs
formules ont été étudiées dans la littérature (Hadlock,
Shepard, et Combs. . .) [6,23—25] mais aucune n’est parfaite même à quelques jours de l’accouchement, [26] avec
une marge d’erreur entre 8,6 et 9,5 % [25]. Ceci dit, la
comparaison des multiples équations a montré que les formules d’Hadlock et al. génèrent des pourcentages moyens
d’erreurs les plus convenables pour l’estimation pondérale
des fœtus de poids normal [27] et c’est ce qui a justifié
notre choix. De plus, nous avons opté pour la formule Hadlock n’incluant pas la mesure du périmètre crânien [6] vu
qu’elle a été citée comme ayant la meilleure performance
en matière d’estimation de poids fœtal [10,21].
Plusieurs paramètres peuvent influencer l’estimation
échographique et l’examen peut être gêné par un excès pondéral, des anomalies de la quantité de liquide amniotique,
ou encore la macrosomie fœtale. Dans notre étude, un
IMC ≥ 30 kg/m2 avait significativement augmenté la marge
d’erreur de l’examen échographique (p = 0,005). Dans la
littérature, les résultats concernant le rôle de l’obésité
sont divergents. En exemple, d’après Farrell et al. [28],
dans une étude prospective à faible effectif (80 patientes),
l’IMC maternel n’influençait pas l’estimation échographique
du poids fœtal. De même, pour Field et al. [29], sur une
série de 998 grossesses, les estimations échographiques du
poids fœtal n’étaient pas influencées par une augmentation
de l’IMC. Par ailleurs, Houzé et al. [17], dans une étude
rétrospective réalisée sur 201 patientes à terme, l’examen
échographique réalisé par les résidents de spécialité était
jugé plus difficile en cas d’obésité maternelle.
En ce qui concerne les anomalies de quantité de
liquide, nous n’avons pas objectivé d’influence significative de l’oligoamnios sur la performance de l’estimation
échographique (p = 0,162). De même, une récente étude
[30] réalisée sur 1746 grossesses et après ajustement
pour les potentiels facteurs confondants, n’objective pas
d’altération de la performance de l’estimation échographique en cas d’anomalies de la quantité de liquide
(oligoamnios-hydramnios). Cependant, dans ce travail
rétrospectif, les auteurs avaient opté pour la mesure de
l’index amniotique et non pas la mesure de la seule grande
citerne. D’une autre part, d’autres auteurs rapportent des
résultats différents. Par exemple, pour Perni et al. [31],
il existe une relation significative positive entre le PFE et
l’index amniotique à terme valable uniquement pour les
fœtus de sexe féminin. Pour Durbin et al. [32], la présence
d’hydramnios peut diminuer la performance de l’estimation
échographique du poids fœtal. Nous n’avons pas rapporté
de cas d’hydramnios dans cette série.
L’estimation du PN peut se révéler comme un paramètre essentiel pour la prise en charge obstétricale en
cas de macrosomie détectée puisque la morbidité néonatale augmente dans ces cas précis avec risque de dystocie
des épaules et élongation du plexus brachial. Inversement, les diagnostics de macrosomie fœtale portés en
excès entraînent une augmentation du taux de césarienne
qui peuvent être à l’origine de complications maternelles
(hémorragiques, infectieuses et thromboembolique) et néonatales (retard de résorption du liquide alvéolaire plus
fréquent) non négligeables [33]. Dans ce sens, certaines
équipes vont même jusqu’à retenir que l’estimation échographique du poids fœtal en salle de naissance représente
un facteur de risque indépendant d’accouchement par césarienne [34]. Ainsi, l’estimation échographique doit être la
plus précise possible en vue de prédire en anténatal la
macrosomie. Cependant, la plupart du temps, l’utilisation
des formules de Hadlock surestime le poids des petits fœtus
et sous-estime le poids des gros fœtus [27]. D’ailleurs,
dans notre étude, nous objectivons une baisse significative de la performance de l’estimation échographique
pour les poids de naissance supérieurs ou égaux à 4000 g
(p < 10−3 ) avec une différence absolue médiane de 500 g.
De plus, la sensibilité de l’échographie pour le diagnostic de macrosomie était faible : 38 %. Cette constatation
a été rapportée par plusieurs équipes [15,16,35] quelle
que soit la méthode utilisée. D’ailleurs, dans une revue
systématique [36], il s’avère qu’il n’existe pas de différence en matière de performance pour la prédiction de
macrosomie que l’on utilise la méthode de l’estimation
du poids fœtal (PFE ≥ 4000 g) ou celle de la mesure du
périmètre abdominal (PA > 360 mm). Vu qu’un poids fœtal
à 4500gr représente pour certaines sociétés savantes un
seuil à ne pas dépasser pour autoriser l’accouchement
par les voies naturelles [10], nous nous sommes intéressés
à étudier la performance de l’estimation échographiques
pour détecter ces macrosomies extrêmes. Il s’est avéré
que l’examen échographique garde une faible sensibilité
(37,5 %). Enfin, et en ce qui concerne, les faux diagnostics échographiques de macrosomie ou de macrosomies
extrêmes, leur nombre était faible dans cette étude, ce qui
Pour citer cet article : Dimassi K, et al. Performance de l’estimation échographique du poids fœtal réalisée par les internes de spécialité le jour de l’accouchement. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014),
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attribue à l’échographie une bonne spécificité (respectivement 99,59 %% et 99,63 %).
Conclusion
Même si l’estimation échographique réalisée par les internes
en salle de naissance présente une performance équivalente à celle réalisée par des échographistes expérimentés
en dehors des conditions d’urgence, elle reste limitée avec
une marge d’erreur supérieure à 10 % dans un tiers des cas
et une faible sensibilité en matière de diagnostic de macrosomie. Toutes ces constatations nous amènent à dire que
l’échographie ne peut pas être le seul examen décisionnel en salle d’accouchement. Les données de l’échographie
doivent toujours être modulées en fonction de celles de
l’examen clinique.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.10.015
Modele +
JGYN-1144; No. of Pages 7
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