dans la vie - Census of Marine Life Portal
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BIOLOGIE BIOLOGIE PORTFOLIO © BODIL BLUM/NOAA/CENSUS OF MARINE LIFE PORTFOLIO L’EXTRACTION DE CAROTTES DE LA BANQUISE permet aux chercheurs d’étudier le phytoplancton et le zooplancton qui y vivent dans de minuscules canaux et cavités emplis de saumure. LES ANÉMONES DE MER sont courantes en Arctique, sur les plateaux continentaux. Mais celle-ci a été ramassée dans la plaine abyssale du bassin du Canada. Plongée vie © WWW.NGDC.NOAA.GOV/MGG/BATHMETRY/ARCTIC Cet été, le brise-glace américain Healy s’est frayé un chemin à travers les glaces du bassin du Canada, en plein océan Arctique. À son bord, 24 scientifiques canadiens, américains, russes et chinois, dont 11 biologistes engagés dans un ambitieux programme international de recensement de la vie marine, le Census of Marine Life. Parmi les milliers de spécimens rapportés, certains étaient jusqu’alors inconnus. 66 Russie Bassin du Canada Groenland LA RECHERCHE | NOVEMBRE 2005 | Nº 391 LE HEALY EST DÉDIÉ a u x t rava u x d e recherche aux hautes latitudes, en particulier en Arctique. Son objectif cet été : le bassin du Canada, couvert en permanence de plus de deux mètres de glace. PETIT CRUSTACÉ de la classe des copépodes, Calanus glacialis est, en termes de biomasse, l’une des principales espèces du zooplancton dans les couches supérieures de l’océan Arctique. © RUSS HOPCROFT UNIV. ALASKA FAIRBANKS & NOAA Cécile Klingler arctique est journaliste à La Recherche. LA PRÉSENCE DE L’OCTOPODE Cirroteuthis muelleri, commun dans l’Atlantique Nord, était espérée dans le bassin du Canada. À juste titre : ce premier spécimen a été récupéré par 2 450 mètres de fond. © KEVIN RASKOFF CALIFORNIA STATE UNIV. & NOAA © PHOTOS ELISABETH CALVERT/NOAA/CENSUS OF MARINE LIFE dans la © BODIL BLUM ET KAREN IKEN/NOAA CENSUS OR MARINE LIFE LES SIPHONOPHORES, telle cette espèce du genre Marrus, nouvelle en Arctique, sont des colonies d’individus ayant une fonction spécialisée : au sommet, des cloches natatoires, au-dessous, des individus nourriciers ou reproducteurs. © KEVIN RASKOFF CALIFORNIA STATE UNIV. & NOAA UNE NOUVELLE MÉDUSE ! De l’ordre des Narcoméduses, microscopique, elle a été observée par douzaines lors de la seconde plongée du ROV à moyenne profondeur. © KEVIN RASKOFF CALIFORNIA STATE UNIV. & NOAA Nº 391 | NOVEMBRE 2005 | LA RECHERCHE 67 PORTFOLIO PORTFOLIO BIOLOGIE PORTFOLIO L’OBJET QUE TIENT CETTE PLONGEUSE est appelé « quadrat ». Il lui permet de compter les petits crustacés qui vivent blottis contre la glace. © HARPER/NOAA/CENSUS OF MARINE LIFE E CE CNIDAIRE, ENCORE NON IDENTIFIÉ, a été collecté au fond du bassin du Canada, attaché à un cnidaire d’une autre espèce. © BODIL BLUHM ET KATRIN IKEN/NOAA/CENSUS OF MARINE LIFE CE VER POLYCHÈTE exhibe les nombreuses soies caractéristiques de cette classe. Décrit par des taxonomistes russes dans les années 1980, c’est la première fois qu’il est recueilli intact. © RUSS HOPCROFT/UNIV. ALASKA FAIRBANKS & NOAA ROBOT TÉLÉCOMMANDÉ, LE ROV de la compagnie Deep Sea Systems Inc. plonge jusqu’à 2 600 mètres. Il est ici configuré pour rapporter des spécimens prélevés dans les bocaux frontaux ou aspirés par l’entonnoir. Ce qu’il filme est visualisé en direct. © JEREMY POTTER/NOAA nserré entre le Groenland, le Canada, l’Alaska et la Russie, relié au Pacifique par le détroit de Béring, et à l’Atlantique par le détroit de Fram, l’océan Arctique, d’une superficie d’environ 10 millions de kilomètres carrés, est en hiver totalement recouvert par les glaces de mer. À cette époque de l’année, elles s’étendent sur 14 millions de de kilomètres carrés, contre 6 millions en été. Les glaces estivales, pérennes, recouvrent en particulier le bassin du Canada, le plus vaste des bassins de l’Arctique. Sur deux à trois mètres d’épaisseur en moyenne ! De ce fait, ledit bassin est l’une des zones marines les moins explorées de la planète. D’autant que sa profondeur moyenne est d’environ 3 600 mètres. Rien à voir avec les zones de plateau continental – comme la mer de Barents – qui font régulièrement l’objet d’expéditions scientifiques, notamment russes : leur faune aquatique est, toutes proportions gardées, assez bien connue. Ces caractéristiques désignaient le bassin du Canada comme candidat potentiel au projet Census of Marine Life (CoML). De quoi s’agit-il ? Rien moins que de recenser, d’ici à 2010, la vie marine à l’échelle mondiale. Lancé en 2000, ce projet ambitieux est né d’une proposition plus modeste surgie en 1997, au fil d’une série de colloques scientifiques sponsorisés par la fondation Alfred P. Sloan. « À l’origine, seul un recensement des poissons était évoqué, se souvient Ronald O’Dor, actuel directeur scientifique du CoML. Le projet a pris de l’envergure lorsque Fred Grassle (actuellement directeur de l’Institute of Marine and Coastal Science de l’université Rutgers) a proposé de créer un système d’information biogéographique de l’océan (OBIS), accessible sur le Web, où seraient rassemblées toutes les informations disponibles concernant la vie marine. » C’est ainsi que, de fil en aiguille, le CoML est né. Il regroupe aujourd’hui des chercheurs de 70 pays. Sa stratégie scientifique se décline en trois points. Tout d’abord, répertorier les données des archives historiques, dont certaines remontent au XVIe siècle, afin de construire une histoire des populations animales marines (HMAP). Ensuite, explorer les océans pour décrire la diversité des espèces, leur répartition, voire leur abondance, tout en veillant à ce que les informations obtenues soient injectées dans la base de données géoréférencées OBIS. Enfin, construire des modèles de dynamique des populations, susceptibles de prédire leur évolution en fonction des changements de l’environnement. Évidemment, tout cela n’est pas gratuit, encore que les dépenses prévues soient sans commune mesure avec celles que nécessitent, par exemple, certains grands CETTE NOUVELLE HYDROMÉDUSE du genre Ptychogena présente les quatre gonades « en croix », ici rouges, caractéristiques du genre. équipements de physique. Sur dix ans, le budget global du CoML devrait avoisiner un milliard de dollars. Pour l’heure, le montant engagé atteint 200 millions, dont 40 versés par la fondation Sloan. Celle-ci est en quelque sorte le socle de l’entreprise : c’est elle qui alloue, aux projets présentés par le Comité scientifique central du CoML, les fonds de départ nécessaires à la constitution d’un comité scientifique particulier, et d’un secrétariat. Charge à eux de convaincre agences gouvernementales ou fondations de financer les dépenses de terrain. Aujourd’hui, quatorze projets internationaux d’exploration marine portent la griffe du CoML. Parmi eux, le projet Arctique Ocean Diversity (ArcOD). Tous ont été conçus autour d’un même credo : se consacrer à la part d’inconnu objectivement accessible, sans perdre de temps avec ce qui demeurerait de toute façon hors de portée. À cette aune, les améliorations technologiques apportées ces dernières années aux équipements nécessaires à l’exploration d’un secteur comme le bassin du Canada rendaient l’entreprise arctique envisageable. Sans compter que ses promoteurs disposaient de données préliminaires susceptibles de valoriser leur projet, grâce à une première mission effectuée en 2002 dans cette même zone, mission « pilote » en quelque sorte. Conçu à la suite d’un colloque organisé en avril 2003 à Fairbanks, en Alaska, le projet ArcOD a été officiellement lancé le 24 juin 2004, avec 600 000 dollars en provenance de la fondation Sloan. Quant à l’expédition ➩ © KEVIN RASKOFF/NOAA & CALIFORNIA STATE UNIV. 68 LA RECHERCHE | NOVEMBRE 2005 | Nº 391 Nº 391 | NOVEMBRE 2005 | LA RECHERCHE 69 BIOLOGIE PORTFOLIO DANS LA MOISSON rapportée par le ROV, cette étoile de mer, dont l’analyse taxonomique est actuellement en cours. © BODIL BLUHM ET KATRIN IKEN /NOAA/CENSUS OF MARINE LIFE LE CHALUT PERMET DE RATISSER LES FONDS MARINS, pour peu que le navire trouve un corridor libre de glace. Passée au crible, la boue qu’il contient révèle concombres de mer, anémones, crustacés et coquillages. © JEREMY POTTER/NOAA LE CORPS OBLONGUE DE CE CTÉNOPHORE (ou cténaire), de l’ordre des Cydippides et d’espèce inconnue, est parcouru de huit bandes longitudinales formées de cils propulseurs. © KEVIN RASKOFF/NOAA & CALIFORNIA STATE UNIV. LE PETIT CRUSTACÉ GAETANUS BREVISPINUS appartient à la classe des copépodes, dont on connaît une centaine d’espèces en Arctique central. LES CONCOMBRES DE MER, des échinodermes à l’instar des oursins et des étoiles de mer, ont à plusieurs reprises été vus en abondance au fond du bassin. © RUSS HOPCROFT /UNIV. ALASKA FAIRBANKS & NOAA © BODIL BLUHM ET KATRIN IKEN /NOAA/CENSUS OF MARINE LIFE COMME LES RARES TRACHYMÉDUSES du genre Crossota déjà connues, cette nouvelle espèce possède de fins tentacules très fragiles. © KEVIN RASKOFF/NOAA & CALIFORNIA STATE UNIV. 70 LA RECHERCHE | NOVEMBRE 2005 | Nº 391 ➩ de l’été 2005, c’est la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), une agence du ministère américain du Commerce, qui l’a financée à 98 % : 2,4 millions de dollars, couvrant entre autres les coûts de location du briseglace à la Coast Guard américaine, les travaux d’adaptation du véhicule amphibie, le ROV, utilisé pour descendre jusqu’à 2 600 mètres, les coûts de fonctionnement dudit ROV, et le financement d’une partie des scientifiques. Et le 27 juin, vogue le navire – après que les scientifiques l’eurent rejoint par hélicoptère, le port de Barrow, pris dans les glaces, étant impraticable. Dernier-né de la flotte des brise-glace américains, mis en service le 21 août 2000, le Healy est un mastodonte de 128 mètres, large de 25, qui peut maintenir une vitesse de 3 nœuds dans 5 pieds de glace, et briser jusqu’à 8 pieds (2,44 mètres). Sa mission première ? Servir de plate-forme de recherche scientifique aux hautes latitudes, en particulier en Arctique. Sa feuille de route prévoyait quinze stations : il en aura finalement rejoint quatorze. « Ces endroits avaient été choisis de façon à effectuer deux prélèvements différents dans la plaine abyssale du bassin du Canada, et à les comparer avec ce que l’on trouve le long de la pente raide qui mène au plateau des Tchouktches, là où les débris organiques en provenance du plateau tombent dans le bassin, explique Bodil Bluhm, biologiste à l’université de Fairbanks et coresponsable du projet ArcOD. Nous avons également effectué des prélèvements sur une ride océanique voisine et dans la plaine abyssale adjacente, ajoute-t-elle, pour étudier les corrélations entre les différents habitats et la faune qu’on y trouve. » À raison de 24 heures de travail par jour, les scientifiques ont récupéré des dizaines de milliers d’échantillons de phytoplancton et de zooplancton, ainsi que plusieurs centaines d’animaux de plus grande taille. Au sein des laboratoires du Healy, ils ont commencé à trier ces derniers, et à étudier la physiologie du plancton. Il faudra encore des mois pour classer et analyser l’ensemble des échantillons, mais la conclusion de la mission est d’ores et déjà positive. Le matériel mis en œuvre s’est révélé à la hauteur des espérances, et plusieurs des animaux ramenés à bord sont soit décrits pour la première fois dans cette région du Globe, soit inconnus. Au vu de ces résultats préliminaires, le comité scientifique du projet ArcOD tente de planifier une nouvelle expédition en 2007, dans le cadre de l’Année polaire internationale. La NOAA semble partante. Quant au CoML, il vient POUR EN SAVOIR PLUS de lancer officiellement, le www.coml.org 29 juillet, son autre projet www.oceanexplorer.noaa.gov/ Explorations/05arctic/welcome.html polaire : le Census of Antartic www.sfos.uaf.edu/research/arcdiv Marine Life. ❚❚ C.K. www.iobis.org/Welcome.htm BIOLOGIE PORTFOLIO D’ESPÈCE INCONNUE, CE CTÉNOPHORE AULOCOCTENA a la taille et la couleur d’une orange, et deux tentacules, blancs et épais, qui collent mais ne piquent pas. Il a été vu à 1 100 mètres de profondeur. © KEVIN RASKOFF/NOAA & CALIFORNIA STATE UNIV. MOLLUSQUE DE LA CLASSE DES GASTÉROPODES, Cliona limacina est un ptéropode, littéralement « aux pieds ailés ». Prédateur, il cherche sa nourriture sous la surface gelée. © RUSS HOPCROFT /UNIV. ALASKA FAIRBANKS & NOAA EUKROHNIA HAMATA a le corps translucide et effilé comme une flèche qui caractérise les chaetognathes, féroces prédateurs planctoniques. Il est atypique, car il transporte ses œufs. © RUSS HOPCROFT/ UNIV. ALASKA FAIRBANK & NOAA Nº 391 | NOVEMBRE 2005 | LA RECHERCHE 71