Un euro pour dix ans de voyages en Asie

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Un euro pour dix ans de voyages en Asie
colmar
L
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DIMANCHE
AOÛT 2014
MARDI 324
JANVIER
2012 19
17
Un euro pour dix ans de voyages en Asie
Photo Christelle Didierjean
Stage Aux commandes
Des stagiaires de 12 à 17 ans viennent de passer une semaine au
club d’aéromodélisme de Colmar : au programme, pilotage en
binômes d’avions radiocommandés et construction de
maquettes.
Page 20
Protestations régionalistes
Dans la nuit de vendredi à
samedi, le mouvement
autonomiste alsacien Unser
Land a protesté « contre la
disparition de la région
Alsace ». Du nord au sud de
l’Alsace, des panneaux
d’entrée de ville ont été
recouverts d’autocollants.
Dans la région colmarienne,
Unser Land a indiqué avoir agi
dans les communes du Ried et
de la vallée de Munster.
Photo Cynthia Kaiser
Page 35
À l’ombre des caves Domaine Zinck : efforts récompensés
Notre série estivale s’achève à Eguisheim avec Philippe Zinck,
jeune vigneron qui a énormément progressé ces dernières
années.
Page 21
Bennwihr Les Américains débarquent à nouveau
Pour célébrer le 70e anniversaire du débarquement de Provence,
un convoi de vétérans américains de la 2e Guerre Mondiale était
de passage au village, en uniformes et en Jeep.
Page 25
Par hasard, un habitant de
Fréland découvre le manuscrit
d’un récit de voyages en Asie
par une Allemande dans les
années 1930. Un passionnant
travail d’enquête et de
traduction, qui ouvre sur un
monde tombé dans l’oubli.
Son livre Derrière les portes de l’Extrême-Orient,
est paru en 2013, mais le point final ne
semble pas encore posé. Car en mars dernier,
peu avant la présentation de cet ouvrage à
Colmar, Jean-Louis Spieser, de Fréland, a reçu
un appel d’une habitante de Logelbach, l’informant qu’elle avait le piano d’Ilse Jordan.
Ainsi que son journal intime et une partie des
lettres que cette Allemande, professeur à
Shanghai de 1926 à 1931, écrivit à sa mère.
Stupéfaction de celui qui vient de terminer la
traduction des récits de voyages en Asie de
cette Allemande. Un travail entamé suite à
une découverte faite en 2003...
Elle sait l’écriture, retranscrit les
sons et les couleurs
À l’origine, un carton à la couverture Art déco
contenant de vieux papiers écrits en allemand, déniché lors d’un marché aux puces à
Horbourg-Wihr en 2003 : « Ça me plaisait, je
l’ai acheté pour 1 € », lâche simplement JeanLouis Spieser, ancien professeur de français
et germanophone. Quand il commence à lire
les pages dactylographiées, c’est un « choc » :
il découvre quelques pages décrivant des
voyages en Chine vécus par une Allemande
dans les années 1930. « C’est très littéraire, très
imagé, elle sait l’écriture, retranscrit les sons et les
couleurs. Elle est derrière une caméra… », explique Jean-Louis Spieser, frappé par la puissance évocatrice de ces textes. Il part alors en
quête de l’auteur de ces lignes.
Trois ans plus tard, après moult recherches
sur internet, des rencontres virtuelles et réelles avec ethnologue, bibliothécaire, chercheur, passionné – démarches détaillées en
fin d’ouvrage, à lire comme une enquête
policière –, il découvre qu’il a en sa possession
des manuscrits originaux et quelques pages
dactylographiées du livre Ferne blühende Erde,
signé Ilse Jordan, paru en Allemagne en
Jean-Louis Spieser et le document original qui lui a permis de traduire en français le récit de
voyages de l’Allemande Ilse Jordan (à g.), en Asie dans les années 1930. Photo Denis Sollier
1939. Il entreprend alors de traduire cet
ouvrage en français.
Confinée dans un endroit étriqué
Née en 1891 à Bischwiller, en Alsace, de
parents allemands venus après 1871, Ilse Jordan devient enseignante de langues à l’École
allemande de Shanghai de 1926 à 1931. Lors
de ses longues vacances, elle sillonnait l’Asie :
Chine, mais aussi Japon, Corée, Formose,
Indes néerlandaises, Micronésie… Elle voyage parfois avec des collègues, mais souvent
seule. De ses voyages, elle ne livre rien de
personnel, décrivant ce qu’elle voit, sent et
ressent.
Ce livre serait « venu tout seul », selon Ilse
Jordan, écrit à son retour en Allemagne,
quand elle disait se sentir « confinée dans un
endroit étriqué », alors qu’elle avait vécu « au
cœur d’un espace sans limites ». Le lecteur a de
quoi être sceptique, tant les descriptions et les
émotions sont précises, comme saisies sur le
vif… Ses lettres et journaux intimes, déjà
Politique À Hayange,
une municipalité FN qui agace
déchiffrés par Jean-Louis Spieser, sont plus
personnels, décrivant la vie de la colonie allemande, la saleté ambiante, ses maladies, ses
chagrins d’amour… S’y révèle une femme
avec toutes ses faiblesses, là où son traducteur
ne voyait qu’« une femme éthérée ».
Il y a eu aussi les nuits de pleine
lune à Bali
Ilse Jordan semble avoir connu un peu de
succès en Allemagne, bien qu’elle n’eût pas
été servie par l’Histoire : son livre parut en
1939, à la veille de la guerre, avant une réédition en 1949, à l’heure de la reconstruction et
des regards tournés vers l’avenir et non plus
vers le passé. Une deuxième réédition est
parue en 1987, un an avant sa mort. Malchance des dates. Pourtant, grâce à ce livre, le
lecteur voyage dans un monde tombé dans
l’oubli et très émouvant : « Le bonheur extrême,
je l’ai ressenti lors de ma première journée à
Pékin, comme je l’ai vécu plus tard sur les sentiers
de Corée, dans la forêt vierge. Il y a eu aussi les
nuits de pleine lune à Bali remplies du son des
gamelans… »
Anne Vouaux
FLIRE « Derrières les portes de l’Extrême-Orient »,
d’Ilse Jordan, traduit par Jean-Louis Spieser, aux
éditions Artisans-Voyageurs (www.artisans-voyageurs.com), 394 p., 21,50 €.
Des effets laissés à Logelbach
Sur la chaise à porteurs, l’Allemande Ilse Jordan lors d’un de ses périples en Chine.
Les wagonnets repeints en bleu-blanc-rouge par la municipalité FN
de Hayange ont été surmontés par les manifestants de drapeaux
de 16 nationalités, rappelant la contribution des immigrés
à l’histoire minière de la région.
Photo Fred Marvaux/AFP
Une cinquantaine de personnes ont manifesté hier matin à
Hayange (Moselle) pour dénoncer le « patriotisme frauduleux »
de la municipalité FN, qui a repeint aux couleurs tricolores
des wagonnets de mine. « Il s’agissait de dénoncer la tentative
de réinterprétation de l’histoire et le patriotisme frauduleux
de la municipalité » qui, en repeignant ces wagonnets aux
couleurs françaises, oublie que des immigrés de 16 nationalités
différentes se sont retrouvés au fond des mines de la région,
a déclaré à l’AFP l’un des organisateurs, Gilles Wobedo,
président de l’association « Hayange plus belle ma ville ».
Page 33
DR
Certains effets personnels d’Ilse Jordan
seraient restés à Logelbach suite à un passage
qu’elle y a fait à la fin de la guerre, alors
qu’elle fuyait les bombardements américains
sur Fribourg. Le carton déniché aux puces de
Horbourg-Wihr faisait sans doute partie de ses
affaires, dont une partie a été volée il y a de
longues années, suppose Jean-Louis Spieser.