L`histoire des deux dollars (juin)

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L`histoire des deux dollars (juin)
W ILLIAM S TERLING
S TRATÈGE M ONDIAL
L’histoire des deux dollars
Lors de nos récentes visites à des clients du Canada, nous nous sommes souvent fait demander
pourquoi les fonds américains et internationaux n’avaient pas obtenu de meilleurs résultats cette
année, compte tenu surtout des excellents rendements des principaux indices boursiers.
La réponse est toute simple, quoique cela ne
consolera personne : le dollar canadien s’est
valorisé d’environ 14 % par rapport à la devise
américaine cette année. Autrement dit,
MARCHÉS BOURSIERS MONDIAUX
Dollar canadian par rapport au dollar américain
au 31 mai 2003
Indice MSCI
É.-U.
Canada
Europe hors R.U.
Royaume-Uni
Cumul annuel
Depuis le 9 oct. 2002
$ CA
$ US
$ CA
-4,5 %
9,9 %
7,5 % 24,7 %
4,6 % 20,4 %
21,3 % 40,8 %
-4,6 %
9,7 %
$ US
11,1 % 28,9 %
-8,8 %
4,9 %
-17,1 %
-4,7 %
Asie hors Japon (hors Pacifique) -4,5 %
9,9 %
-0,5 % 15,4 %
Marchés émergents
-6,1 %
8,0 %
4,8 % 21,6 %
Monde (développé)
-5,9 %
8,2 %
5,1 % 21,9 %
Japon
-1,6 % 14,0 %
-14,1 %
-0,4 %
Source : MCSI
Tableau 1 : En dollars américains, les marchés internationaux ont le vent dans les
voiles cette année. Toutefois, exprimés en dollars canadiens, les rendements restent
négatifs à cause d’une devise nationale beaucoup plus forte.
même si le marché américain a progressé de
presque 10 % en dollars américains au cours
des cinq premiers mois de l’année, cette
valeur, en dollars canadiens, tombait de 4,5 %
pendant la même période, comme l’indique
le tableau 1. Même chose pour l’indice
MSCI Monde qui, exprimé en dollars américains, a lui aussi gagné autour de 8 %... et
perdu 6 % s’il est déterminé en devise canadienne. Douloureuses équations !
Pour les investisseurs canadiens, cette histoire
des deux dollars suscite manifestement diverses questions importantes : 1) Pourquoi une
telle situation maintenant ? 2) Le dollar américain devrait-il reculer encore plus ? 3) Quelles
sont les conséquences de la tendance actuelle
sur les placements d’un investisseur dont les
fonds ont un contenu étranger élevé ?
Étant donné que d’habitude, le taux de change
entre les deux dollars (canadien et américain)
bouge à raison de 3 % ou 4 % par année, les
récents mouvements étaient assez extraordinaires. Comme le graphique 1 l’indique, le dollar canadien affichait une forte tendance à la
baisse par rapport à sa contrepartie américaine
presque tout le temps entre 1997 et 2002.
Cependant, en aussi peu que cinq mois cette
année, ce scénario était complètement inversé
et le numéraire canadien avait réintégré les
niveaux du milieu des années 1990.
Pendant des années, nous (et la plupart des
analystes de devises) avons cru que le dollar
canadien était fondamentalement sous-évalué
en fonction de plusieurs mesures. Nous en
avons parlé dans un article de la présente
rubrique, il y a un an, sous le titre de « Jusqu’où
ira le dollar canadien ? ». Nous indiquions alors
que selon de nombreuses comparaisons du
pouvoir d’achat des deux numéraires, la « juste
valeur », ou « parité du pouvoir d’achat »,
s’établissait aux alentours des 75 à 80 cents
américains.
Pourquoi une telle situation maintenant ?
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L’histoire des deux dollars (suite)
Cela dit, nous mentionnions également que
ces mesures n’ont pas, dans les annales, beaucoup aidé à prédire les mutations à court terme,
ni même à moyen terme, sur les marchés de
change. Les cours des devises ont souvent
divergé par rapport aux estimations de parité du
pouvoir d’achat et ce, pendant nombre d’années. En d’autres mots, les devises dont le cours
est faible selon la PPA restent souvent à bas prix
de longues années durant – et vice versa. Et
même si les devises tendent à revenir un jour à
leur fourchette de « juste valeur », cette évolution se fait habituellement sur cinq ans plutôt
que sur cinq mois.
La faiblesse du dollar va-t-elle persister ?
Ces facteurs réunis ont créé sur le marché de
la devise américaine une sorte de « tempête
extraordinaire » (comme dans le roman) qui
explique en partie le recul formidable de cette
année. La grande question pour les investisseurs internationaux reste de savoir si cette
tempête durera, ou si quelques-uns des éléments en cause vont s’apaiser au cours des
prochains trimestres.
COURS DU CHANGE – $ CA PAR RAPPORT AU $ US
100
90
Cents par dollar américan
Le bond du huard observé cette année est à
l’évidence attribuable à une combinaison
d’événements : les préoccupations plus grandes
au sujet du déficit commercial et budgétaire
des États-Unis ; les tendances politiques qui
semblent démentir le soutien d’un dollar
américain fort au sein du gouvernement
américain ; la croissance robuste de l’économie
du Canada comparativement à celle de ses
voisins du Sud ; et les taux d’intérêt plus élevés
au Canada qu’aux États-Unis.
80
70
60
50
Mai 92
Mai 95
Mai 98
Mai 01
Mai 03
DATE
Graphique 1 : Après une tendance à la baisse qui s’est poursuivie presque
sans interruption de 1997 à 2002, le dollar canadien a connu une appréciation
remarquable de 14 % cette année face à la monnaie américaine. La devise
canadienne s’échange maintenant dans la même fourchette que dans le milieu
des années 1990.
En résumé, nous sommes d’avis que les deux
premiers facteurs indiqués ci-dessus resteront
en place pendant quelque temps encore.
En d’autres termes, les déséquilibres commerciaux et les considérations politiques justifient une perspective de faiblesse généralisée
persistante. En revanche, les deux derniers
facteurs (propres à la relation des devises
canado/américaine) devraient s’atténuer.
Par conséquent, la glissade du billet vert en
comparaison du dollar canadien sera moins
prononcée, d’après nous, qu’elle ne l’était ces
derniers mois. Autrement dit, le dollar canadien peut s’affaiblir légèrement relativement
aux cours croisés des autres devises telles que
l’euro, même s’il se renforce modérément
vis-à-vis du numéraire américain.
Une faiblesse généralisée durable du dollar
américain est probable du fait de l’énorme
déficit (commercial et des transactions
courantes) du pays, qui atteint actuellement
près de 5 % du PIB. Si l’on songe à la
croissance anémique qui sévit outre-mer, les
États-Unis pourraient mal se sortir de leur
situation déficitaire grâce à leurs exportations,
même en comptant sur un dollar moins cher.
D’autant plus que la Réserve fédérale a
annoncé son intention de maintenir des taux
d’intérêt modestes durant une période
prolongée. Les États-Unis pourraient donc
trouver plus difficile d’attirer des investisseurs
étrangers à la recherche de rendements
élevés. Tel que le graphique 2 l’indique, les
taux d’intérêt réels à court terme américains
(soit les taux d’intérêt moins le pourcentage
d’inflation annuelle) sont non seulement
négatifs, mais ils sont aussi les moins
attrayants de tous ceux des grands pays
industrialisés.
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L’histoire des deux dollars (suite)
Des commentaires récents du secrétaire du
Trésor américain, John Snow, ont aussi semé
le doute sur le soutien d’un dollar fort dans
son administration, et ont mis en lumière les
bienfaits d’un dollar affaibli pour les industries exportatrices de la nation. Or, devant les
enjeux de l’élection présidentielle imminente
de 2004, on voit difficilement comment
l’administration pourrait souhaiter que le
dollar reprenne des forces si elle doit, pour ce,
faire augmenter les taux d’intérêt ou boucher
l’horizon des sociétés d’envergure axées sur
les exportations.
TAUX D’INTÉRÊT RÉELS À COURT TERME
Par ailleurs, la Banque du Canada vient de
laisser entendre que la vigueur surprenante de
la devise du pays l’amène à repenser sa politique de hausse des taux d’intérêt. Sur le front
américain, des indices économiques tels que
les données de sondage de l’Institute for
Supply Management commencent enfin à
s’améliorer, tandis que les nouveaux chiffres
publiés au Canada révèlent désormais un
rétrécissement de l’écart entre les résultats
économiques des deux pays. Le marché de la
main-d’œuvre du Canada s’est particulièrement détérioré pendant les derniers mois, à
quoi il faut ajouter les risques que représentent pour l’économie nationale des dossiers
imprévus comme ceux du SRAS et de la
maladie de la vache folle.
(Taux des eurodépôts sur trois mois moins l’IPC ) au 28 mai 2003
3,0
2,6
2,0
1,3
POURCENT
1,0
1,1
0,3
0,5
0,3
0,2
0,0
0,1
-0,2
-1,0
-0,4 -1,0
No
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-2,0
Source : Deutsche Bank, Datastream
Graphique 2 : Le recul du dollar américain est partiellement attribuable à des
taux d’intérêt réels à court terme négatifs, les moins attrayants de tous ceux
des grands pays industrialisés.
En conséquence, quoique la faiblesse
générale du dollar américain devrait durer
selon toute probabilité, le sentiment voulant
que la force relative de l’économie canadienne justifie une devise nationale bien plus
forte disparaîtra sûrement. Il est certain que
les sociétés d’exportation canadiennes
souffriront d’une moins grande compétitivité,
aux taux de change actuels, et que leurs concurrents américains en profiteront. Le
Canada connaît toujours un fort excédent
commercial, ce qui privilégie encore le dollar
temporairement. Toutefois, cet avantage
commencera sans doute à s’amenuiser au
cours des trimestres à venir, à mesure que les
exportateurs ressentiront les effets négatifs
d’une devise forte. Pour la Banque du
Canada, qui semblait au départ appuyer la
valorisation de la monnaie canadienne,
l’heure pourrait être venue de réfléchir aux
incidences de ses souhaits.
Comment les investisseurs devraient-ils
réagir ?
Si notre analyse est exacte, le dollar canadien
pourrait gagner encore de 3 % à 5 % par
rapport à la devise américaine dans les six à
douze prochains mois, mais pas un autre 15 %
comme ce que nous avons connu. Il s’ensuit
que les fonds étrangers pourraient toujours
devoir faire face à un dur coup de vent –
quand même bénin en comparaison avec le
véritable ouragan des derniers mois –s’il s’agit
de générer des rendements élevés en monnaie canadienne.
Nous continuons de préférer les actions et les
obligations en dollars canadiens, choix que
nous recommandons d’ailleurs aux investisseurs canadiens, quant à leur palette de fonds.
Nous n’en jugeons pas moins que la diversification internationale reste pertinente à long
terme et que la plupart des épargnants seront
mieux servis s’ils modifient progressivement et
délibérément leur répartition d’actif au lieu
de jouer leur tout ou rien.
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L’histoire des deux dollars (suite)
Certains investisseurs pourront se demander
s’il n’est pas temps d’accroître fortement leur
part de contenu étranger, compte tenu de la
« surévaluation » possible du dollar canadien
– l’idée étant que celui-ci devrait chuter
violemment après sa récente remontée.
Voici la réponse : NON. Personne ne peut
écarter la possibilité de revirements draconiens à court terme sur les marchés des
devises, où la volatilité semble être la règle.
Cependant, du point de vue d’un investissement à long terme, il importe de relativiser
l’évolution que le dollar canadien vient de
PARITÉ DU POUVOIR D’ACHAT ET DOLLAR AMÉRICAIN
(au 28 mai 2003)
15
10
POURCENT DE DÉVIATIONS
10,8
Surévalué par rapport au dollar américain
4,6
5
6,1
6,6
8,8
0
-3,4 -3,1
-5
-10
-1,6
-10,4 -10,3 -9,7 Sous-évalué par rapport au dollar américain
uv Do
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Source : Deutsche Bank, Datastream
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-15
Graphique 3 : En raison de son pouvoir d’achat et ce, malgré sa valorisation de
cette année, le dollar canadien serait encore sous-évalué de quelque 10 % par
rapport au numéraire américain, aux dires des analystes de la Deutsche Bank.
connaître. Ce numéraire s’est en effet apprécié de près de 15 % ces six derniers mois. Par
contre, selon plusieurs mesures de PPA,
il présentait une sous-évaluation de presque
25 % avant d’évoluer ainsi.
Comme nous l’illustrons dans le graphique 3,
le groupe Marché de change de la Deutsche
Bank considérait dernièrement que le dollar
canadien était encore sous-évalué de quelque
10 % par rapport à la devise américaine –
même après les gains spectaculaires enregistrés cette année. D’autres modèles d’étude
permettent de situer le dollar canadien beaucoup plus près de sa juste valeur, mais à notre
connaissance, aucune analyse ne conclut
qu’il est surévalué et assuré de dégringoler.
Nous devons aussi souligner un autre facteur :
les opérations de spéculation à court terme
d’un marché en croissance stimulent souvent
plus le secteur des devises que les autres
segments de l’économie. Car un marché
qui progresse sur sa lancée applique la loi
de Newton, laquelle veut qu’un corps en
mouvement tend à le rester.
les taux de change pendant plus d’un demisiècle, j’ai dû par la force des choses acquérir
une grande humilité quant à mes capacités en
la matière ».
On le voit, indépendamment de nos
certitudes à l’égard des tendances des devises,
monsieur Greenspan nous rappelle qu’il est
très facile de se tromper sur ces questions.
C’est pourquoi nous recommandons de
pratiquer une couverture partielle des
positions en devises étrangères, ou d’incliner
modérément le portefeuille des fonds en
faveur du dollar canadien, plutôt que de
risquer le tout pour le tout.
En matière de numéraires comme dans
toutes les autres questions d’argent, le vieil
adage de la sagesse financière reste de bon
conseil : Fol, celui-là qui mise tout dans le
même pari.
William Sterling, Stratège mondial,
CI Global Advisors LLP
Nonobstant ces affirmations, il faut se rappeler ce que le président de la Réserve fédérale,
Alan Greenspan, confiait à propos des pronostics du marché des devises, il y a de cela
quelques années : « M’étant efforcé de prévoir
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