TRIBUNALDE GRANDE INSTANCEDEPARIS ORDONNANCE DE

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TRIBUNALDE GRANDE INSTANCEDEPARIS ORDONNANCE DE
TRIBUNAL
D E GRANDE
INSTANCE
DE PARIS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 décembre 2014
N° RG :
14/58023
N° : 1/FF
Assignation du :
23 Septembre 2014
1
par Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente au Tribunal
de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du
Tribunal,
Assistée de Fabienne FELIX, faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE
Société SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND
Brüningstrasse 50
65926 FRANCFORT SUR LE MAIN - ALLEMAGNE
représentée par Me Denis MONEGIER DU SORBIER, avocat au
barreau de PARIS - #P0512
DÉFENDERESSE
Société LILLY FRANCE
24 boulevard Vital Bouhot
92521 NEUILLY SUR SEINE
représentée par Me Pierre-Louis VERON substitué par Me
Isabelle ROMET, avocats au barreau de PARIS - #P024
DÉBATS
A l’audience du 27 Octobre 2014, tenue publiquement, présidée
par Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente, assistée
de Christine-Marie CHOLLET, Greffier,
Copies exécutoires
délivrées le:
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EXPOSE DU LITIGE
La société Sanofi-Aventis Deutschland GmbH a développé et
lancé différents médicaments et dispositifs médicaux destinés à
lutter contre le diabète, dont l’insuline glargine, un analogue de
l’insuline humaine ayant une durée d’action prolongée.
Les sociétés du Groupe Sanofi commercialisent l’insuline glargine
sous le nom de Lantus® qui tombera dans le domaine public en
France le 5 mai 2015 lors de l’expiration du certificat
complémentaire de protection n° 00 C 0023.
Le brevet européen EP 0 368 187 (ci-après « EP 187 ») et le
certificat complémentaire de protection FR00C0023 (ci après «
CCP FR23 ») couvrent l’insuline glargine Lantus® commercialisée
par la société Sanofi.
La société Lilly France est la filiale française du groupe
pharmaceutique international Eli Lilly, qui est le 10e groupe
pharmaceutique dans le monde et le 2e en France.
Les sociétés du Groupe Eli Lilly, auquel appartient la société Lilly,
ont développé un bio-similaire de l’insuline glargine Lantus® sous
le nom Abasria (ou Basaglar aux Etats-Unis).
Elles ont in initié le processus de commercialisation de ce biosimilaire en sollicitant une demande d’autorisation européenne de
mise sur le marché, qui a été délivrée par l’Agence Européenne du
médicament le 10 septembre 2014.
les procédures en cours
Le 31 janvier 2014, la société Sanofi (avec la société américaine
Sanofi Aventis US LLC) a intenté aux Etats-Unis d’Amérique une
action en contrefaçon de plusieurs brevets américains à l’encontre
de la société américaine Eli Lilly & Company. Le 25 mai 2014, les
sociétés Sanofi ont formé une demande asociété Sanofi- Aventis
GmbHitionnelle en invoquant un autre de leurs brevets.
Cette procédure a permis de facto à la société SANOFI d’obtenir
un délai de 30 mois de la délivrance de l’autorisation de mise sur
le marché aux États-Unis, en application de la législation en
vigueur dans ce pays.
Le 3 juillet 2014, la société Eli Lilly & Company a demandé à la
High Court of Justice de prononcer la nullité de la partie anglaise
de deux brevets européens de la société Sanofi mais les brevets en
cause ne sont pas ceux visés par la présente procédure de
rétractation car ils traitent des dispositifs d’injection et non de
l’insuline glargine.
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la procédure en France
Le 24 juillet 2014, le juge délégué du président du tribunal de
grande instance de Paris autorisé la société Sanofi-Aventis
Deutschland GmbH à pratiquer deux saisies-contrefaçon à
l’encontre de la société Lilly France, l’une à son siège à Neuillysur-Seine, l’autre à son établissement de Fegersheim (près de
Strasbourg) et ce au visa de quatre brevets d’invention et d’un
certificat complémentaire de protection.
Les saisies-contrefaçon ont été pratiquées les 28 et 29 juillet 2014.
Le 28 août 2014, à la suite des saisies-contrefaçon, la société Lilly
France a fait signifier deux assignations au fond en contrefaçon, à
l’encontre de la société Lilly France.
Par acte du 3 septembre 2014, la société Lilly France a assigné en
référé rétractation la société Lilly France.
Par décision du 7 octobre 2014, le juge des référés a :
- Rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Lilly France
à l’encontre des demandes formées par la société SANOFI.
- Rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance du 24 juillet
2014 ayant autorisé la saisie-contrefaçon au sein de l’établissement
de Fegersheim de la société Lilly France.
- Fait droit à la demande de modification de l’ordonnance formée
par la société Lilly France.
En conséquence,
- Dit que toutes les cartouches saisies par l’huissier instrumentaire
au sein de l’établissement de la société Lilly France à Fegersheim
et tous les documents relatifs aux documents remis en vue de
l’obtention de l’AMM et conservés à ce jour par l’avocat de la
société SANOFI seront placés sous séquestre entre les mains de ce
dernier, jusqu’à ce qu’une décision du juge de la mise en état ou de
la juridiction du fond saisie de l’affaire statue sur leur mainlevée.
- Déclaré sans objet la demande de remise des scellés formée par
la société SANOFI.
- Déclaré prématurée la demande de club de confidentialité formée
par la société SANOFI.
- Condamné la société SANOFI à payer à la société Lilly France
la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du
code de procédure civile.
- Condamné la société SANOFI aux dépens.
Par lettre officielle entre avocats du 28 octobre 2014, la société
Lilly France a demandé à la société Sanofi de prendre les mesures
suivantes en exécution de l’ordonnance du 7 octobre 2014 :
*l’organisation de la restitution entre les mains de l’huissier
instrumentaire, pour placement sous séquestre, de tous les
éléments saisis, à savoir :
•les 90 cartouches saisies réellement ;
•les documents saisis conservés par l’avocat de la
société Sanofi ;
•les documents saisis annexés au procès-verbal de
saisie-contrefaçon ;
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•la version intégrale du procès-verbal de saisiecontrefaçon, contre remise d’un procès-verbal de
saisie-contrefaçon partiellement occulté pour
masquer les informations extraites des documents
précités, qui sont surlignées en jaune dans la copie
du procès-verbal de saisie-contrefaçon
correspondant à la pièce Lilly n° R12 ;
dans la mesure où il a été indiqué à l’audience de plaidoiries du
22 septembre 2014 que le contenu des cartouches BIV a été
analysé, la restitution des cartouches encore intactes et des
cartouches ouvertes ainsi que la remise du résultat des analyses
effectuées ;
* la communication de :
•la liste des tiers auxquels ces éléments ont été
remis par la société Sanofi-Aventis Deutschland,
que ce soit directement ou par le biais de tiers, y
compris le laboratoire qui a effectué les analyses
précitées du contenu des cartouches appréhendées
à Fegersheim et tout conseil français ou étranger ;
•la copie des lettres que la société Sanofi-Aventis
Deutschland aura envoyées aux tiers précités aux
fins de leur demander la restitution des éléments en
leur possession et la remise d’un engagement de
non-divulgation ;
•des copies des engagements de non-divulgation
qui auront été signés par les tiers précités.
Elle a également rappelé l’interdiction faite à la société SanofiAventis Deutschland d’utiliser, diffuser et divulguer, à d’autres
fins que les procédures qu’elle a engagées en France, les éléments
et informations saisis qu’elles conservent.
prétentions des parties
Par exploit d’huissier du 23 septembre 2014, la société SANOFIAVENTIS GmbH a assigné la société Lilly FRANCE en référéinterdiction provisoire, afin d’empêcher la poursuite d’actes de
contrefaçon de la partie française du brevet européen EP 0 368 187
et du certificat complémentaire de protection FR 00C0023 dont
elle est titulaire.
Par conclusions en réponse signifiées le 16 octobre 2014, la
société LILLY a demandé à Madame le Président de lui donner
acte de ce qu’elle s’engage à « ne commettre aucun acte de
contrefaçon du certificat complémentaire de protection n° 00 C
0023 et des brevets européens Sanofi n° 0 980 874 et n° 1 517
697 ».
Dans ses conclusions du 28 octobre 2014, la société Sanofi a
abandonné sa demande d’interdiction provisoire, sa demande
d’inventaire et sa demande de mise sous scellés des produits BIV
mais sollicite désormais ce qu’elle appelle une « mesure de
contrôle » sous prétexte de vouloir « assurer la pleine portée » de
l’engagement de la société Lilly France de ne pas commettre
d’actes de contrefaçon.
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Dans ses dernières ccl reprises oralement à l’audience la société
SANOFI a sollicité du juge des référés de :
- Constater que la société LILLY FRANCE s’engage à ne
commettre aucun acte de contrefaçon du brevet EP 0 368 187, du
CCP FR 00C0023 et des brevets EP 0 980 874 et EP 1 517 697,
dont la société SANOFI est titulaire,
- Donner acte à la société SANOFI de ce qu’elle accepte
l’engagement de la société LILLY FRANCE, sous réserve qu’il
soit assorti d’une mesure de contrôle permettant d’en assurer la
pleine portée, à savoir l’engagement de la société LILLY FRANCE
de communiquer à la société SANOFI ou, à tout le moins, à un
expert désigné par les parties :
*quatre états des stocks et quatre états des flux entrants
et sortants répertoriant la totalité de l’insuline glargine
et des produits à base d’insuline glargine importés,
fabriqués et détenus sur son site de Fegersheim, ou
exportés de ce site, ces états devant couvrir
respectivement les périodes suivantes :
du 30 juillet au 30 novembre 2014,
du 1er décembre 2014 au 31 janvier 2015,
du 1er février 2015 au 30 mars 2015,
du 1er avril 2015 au 5 mai 2015,
et
*une liste des quantités d’insuline glargine et des
produits à base d’insuline glargine transbordés en
France entre le 30 juillet 2014 et le 6 mai 2015,
et
*les éléments justificatifs permettant de déterminer que
ces produits ont été ou ne seront utilisés que pour ce
qui est requis et nécessaire à l’obtention d’autorisations
de mise sur le marché,
- Constater l’accord des parties sur l’engagement de noncontrefaçon de la société LILLY FRANCE,
- Donner acte à la société SANOFI de ce que son acceptation n’est
pas une renonciation à ses droits, et ne préjudicie en aucune
manière aux actions qu’elle a intenté ou qu’elle intentera à
l’encontre de la société LILLY sur le fondement des droits qu’elle
détient sur le brevet EP 0 368 187, le CCP FR00C0023, le brevet
EP 0 980 874 et le brevet EP 1 517 697,
- Condamner la société LILLY, à défaut de confirmation de son
engagement de non-contrefaçon tel que défini ci-dessus (I.2.2), à
payer à la société SANOFI la somme de 250.000 euros par
application de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société LILLY aux dépens.
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Dans ses écritures soutenues oralement à l’audience, la société
Lilly France demande au juge des référés de :
- Donner acte à la société Lilly France de ce qu’elle réitère les
engagements pris par la société Eli Lilly and Company par lettres
de son conseil anglais des 3 juillet et 1er août 2014 de ne
commettre aucun acte de contrefaçon du certificat complémentaire
de protection n° 00 C 0023 et des brevets européens Sanofi
n° 0 980 874 et n° 1 517 697.
- Lui donner également acte de ce qu’elle précise qu’elle s’engage
à ne pas commercialiser, même après le 5 mai 2015, les produits
BIV qu’elle aurait importés, fabriqués, transbordés, utilisés ou
détenus en France avant cette date ;
- Débouter la société Sanofi-Aventis Deutschland GmbH de
l’ensemble de ses demandes ;
- Condamner la société Sanofi à payer à la société Lilly France une
somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts pour
procédure abusive et de 250 000 € au titre de l’article 700 du code
de procédure civile ;
- Condamner la société Sanofi aux dépens.
A l’audience, le juge des référés a demandé aux parties de bien
vouloir indiquer ce que chaque partie pourrait fournir comme
documents acceptables réalisant un état des lieux comptable de la
situation de la société Lilly France. Elle a demandé aux parties de
se rencontrer et de trouver éventuelleemnt un accord sur les
documents.
Il ressort des courriers adressés par les conseils des parties au juge
des référés que :
Les offres faites par la société Lilly France n’ont pas convenu à la
société SANOFI- Aventis GmbH qui les a estimées trop peu
fiables et ne lui permettant pas un contrôle réel de ce que les stocks
de produits ne permettraient pas de fabriquer des cartouches
destinées à être commercialisées au lieu d’être destinées aux essais
relatifs à la mise au point de la formulation et du procédé de
fabrication, aux essais cliniques, aux études de stabilité, aux tests
de validation du procédé.
La société Lilly France a refusé de donner des documents qui
permettraient à la société SANOFI d’approcher son procédé de
fabrication mais surtout d’organiser un contrôle de son activité et
de faire perdurer de ce fait les opérations de saisie-contrefaçon.
Les deux parties admettaient ne pas avoir trouvé un accord et
demandaient au juge de statuer sur les demandes relatives à la
production de documents.
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MOTIFS
Il convient de constater que la société Lilly France a réitéré les
engagements pris par la société Eli Lilly and Company par lettres
de son conseil anglais des 3 juillet et 1er août 2014 de ne
commettre aucun acte de contrefaçon du certificat complémentaire
de protection n° 00 C 0023 et des brevets européens Sanofi
n° 0 980 874 et n° 1 517 697, et a précisé de ce qu’elle précise
qu’elle s’engageait à ne pas commercialiser, même après le 5 mai
2015, les produits BIV qu’elle aurait importés, fabriqués,
transbordés, utilisés ou détenus en France avant cette date.
La société Sanofi- Aventis GmbH accepte cet engagement mais
souhaiterait pouvoir s’assurer de ce qu’il sera respecté par la
production d’un certain nombre d’éléments.
Or la demande de la société Sanofi- Aventis GmbH est fondée sur
l’article L 615 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose
que :“Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut
saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir
ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu
contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services,
toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits
conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de
contrefaçon...
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les
mesures demandées que si les éléments de preuve raisonnablement
accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté
atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente”.
En l’espèce, et contrairement à ce que prétend la société SanofiAventis GmbH, la société Lilly France n’a aucunement reconnu
commettre des actes de contrefaçon puisqu’elle indique clairement
situer son activité dans le cadre de l’exemption de l’article L.613-5
d) qui permet aux tiers d’effectuer les actes nécessaires à
l’obtention d’une AMM (en ce compris la fabrication et la
détention de produits contrefaisants).
Il a d’ailleurs été débattu devant le même juge lors de l’audience
de référé rétractation du périmètre de l’exemption et le présent
juge a déjà rejeté la vision extrêmement restrictive qu’en a la
société Sanofi- Aventis GmbH.
Il ne peut être contesté que la société Lilly France développe un
produit bio similaire de l’insuline gargline commercialisée sous le
nom de Lantus par la société demanderesse, produit pour lequel
elle dispose d’un monopole conféré par le brevet EP 187 et le CCP
C0023 qui expire le 5 mai 2015, qu’une AMM a été délivrée le 9
septembre 2004 à la société Lilly France pour son produit.
Il convient encore de constater que les tests et essais cliniques ne
sont pas terminés avec l’obtention de l’AMM et que la société
Lilly France doit encore réaliser des essais cliniques, des études de
stabilité et des tests de validation du procédé.
Elle peut donc et la société Sanofi- Aventis GmbH l’a finalement
admis tant dans ses écritures qu’à l’audience, importer, fabriquer,
utiliser, exporter et détenir tout produit d’insuline glargine entrant
dans le champ du brevet EP 187 et du CCP FR C003, afin de :
*les adresser à la société anglaise Catalent aux fins de
préparation des échantillons utilisés pour d’éventuels
essais cliniques,
*réaliser les travaux nécessaires à l’obtention d’AMM,
*fabriquer et exporter les cartouches nécessaires à la
conduite d’essais cliniques en Inde,
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*réaliser des essais qu’elle se serait éventuellement
engagée à fournir à l’EMA,
*fournir les échantillons qui seront demandés par les
autorités de différents pays dans lesquels des demandes
d’AMM sont en cours d’examen,
*conduire les tests de température, de stabilité et d’impact
à la lumière (combinée au maintien à température
ambiante), ainsi que les études relatives aux modalités de
transport des produits BIV entre la France et le Brésil,
afin de compléter la demande d’AMM au Brésil,
*les conserver comme témoins des essais cliniques,
lorsque cela est expressément requis.
Elle prétend toujours que ces actes doivent porter sur les quantités
strictement nécessaires et requises en vue de l’obtention d’une ou
plusieurs AMM et que tout acte dont la portée dépasserait ce qui
est strictement autorisé sera contrefaisant, et tout excédent
d’insuline glargine, quelque soit sa forme ou sa formulation,
fabriqué, importé, exporté, transbordé ou détenu, sera
contrefaisant.
Or la société Lilly France s’est engagée à ne pas commercialiser
l’insuline gargline, même après le 5 mai 2015, qui aurait été
produite avec des produits BIV qu’elle aurait importés, fabriqués,
transbordés, utilisés ou détenus en France avant cette date.
Il est constant que les saisies-contrefaçon ont été réalisées en
raison du développement par la société Lilly France d’un
biosimilaire de la l’insuline gargline et de la demande d’AMM,
que des contestations portent sur la quantité de produits BIV
nécessaire pour élaborer les différents tests, essais et validation du
procédé, que le procédé de fabrication protégé par les brevets de la
société Sanofi- Aventis GmbH n’est pas reproduit par la société
Lilly France puisque celle-ci n’est pas poursuivie au fond sur ce
fondement.
Pour autant, la société Sanofi-Aventis GmbH ne démontre pas la
vraisemblance de la contrefaçon de son brevet du brevet EP 187
et du CCP FR C003 puisqu’il appartiendra aux juges du fond de
juger si le biosimilaire produit par la société Lilly France a été
commercialisé avant le 5 mai 2015 et éventuellement de
déterminer si des lots ont été fabriqués avec des produits BIV
importés en france avant cette date.
Elle reconnaît même en acceptant l’engagement de la société Lilly
France de ne pas commercialiser même après le 5 mai 2015 de
biosimilaire contenant des produits BIV importés avant le 5 mai
2015, que celle-ci ne commet aucun acte de contrefaçon et qu’elle
se situe bien dans le périmètre de l’exemption de l’article L 613-5
d).
Ainsi en l’état, n’est pas administrée la preuve que la société Lilly
France commet des actes de contrefaçon et qu’elle excède la limite
des exemptions de l’article L613-5d) du code propriété
intellectuelle.
Les conditions de l’article L613-5 du code propriété intellectuelle
relatives à l’imminence d’une contrefaçon ou à la poursuite d’actes
de contrefaçon qui doivent être réunies pour obtenir une mesure
provisoire ne sont pas réunies.
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De surcroît, la demande de production des documents suivants
pour les périodes elles mêmes listées à savoir :
*quatre états des stocks et quatre états des flux entrants et
sortants répertoriant la totalité de l’insuline glargine et des
produits à base d’insuline glargine importés, fabriqués et
détenus sur son site de Fegersheim, ou exportés de ce site,
ces états devant couvrir respectivement les périodes
suivantes :
du 30 juillet au 30 novembre 2014,
du 1er décembre 2014 au 31 janvier 2015,
du 1er février 2015 au 30 mars 2015,
du 1er avril 2015 au 5 mai 2015,
et
*une liste des quantités d’insuline glargine et des produits
à base d’insuline glargine transbordés en France entre le
30 juillet 2014 et le 6 mai 2015,
et
*les éléments justificatifs permettant de déterminer que
ces produits ont été ou ne seront utilisés que pour ce qui
est requis et nécessaire à l’obtention d’autorisations de
mise sur le marché,constituent des demandes de contrôle
qui s’assimilent à des mesures de saisie-contrefaçon qui
perdureraient dans le temps et permettent un contrôle hors
de proportion de l’activité d’un concurrent.
La société Sanofi- Aventis GmbH dispose d’un état des stocks
qu’elle a obtenu lors des opérations de saisie-contrefaçon, elle ne
démontre pas que la société Lilly France est prête à commettre des
actes de contrefaçon de manière imminente celle-ci s’étant
engagée devant le juge à respecter les droits de brevets de la
société Sanofi-Aventis GmbH,
Il appartiendra éventuellement à la société Sanofi- Aventis GmbH
d’obtenir une mesure ordonnant à la société Lilly France de lui
transmettre ces documents uniquement si cette dernière ne respecte
pas son engagement et si la contrefaçon est alors établie.
Faute d’acte de contrefaçon établi de façon sérieuse dans le cadre
de fabrication d’un biosimilaire et en présence d’actes de
production, d’importation ou d’exportation réalisés dans les
conditions de l’article L613-5d), les mesures de contrôle
demandées par la société Sanofi- Aventis GmbH sont mal fondées
car elles permettent en dehors de tout acte de contrefaçon d’obtenir
des documents sur le processus de fabrication de son concurrent le
plus direct et le plus avancé dans la production du biosimilaire de
son insuline gargline.
La société Sanofi- Aventis GmbH sera déboutée de sa demande de
production de pièces.
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Sur les autres demandes
L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit
et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de
dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi
ou d’erreur grossière équipollente au dol, et ce sur le fondement de
l’article 1382 du code civil.
La société défenderesse sera déboutée de sa demande à ce titre,
faute pour elle de rapporter la preuve d’une quelconque intention
de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société SanofiAventis GmbH et d’établir l’existence d’un préjudice autre que
celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.
Les conditions sont réunies pour allouer à la société Lilly France
la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du
code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par remise au greffe le jour du
délibéré, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Donnons acte à la société Lilly France de ce qu’elle réitère les
engagements pris par la société Eli Lilly and Company par lettres
de son conseil anglais des 3 juillet et 1er août 2014 de ne
commettre aucun acte de contrefaçon du certificat complémentaire
de protection n° 00 C 0023 et des brevets européens Sanofi
n° 0 980 874 et n° 1 517 697.
Donnons acte à la société Lilly France de ce qu’elle s’engage
précisément à ne pas commercialiser, même après le 5 mai 2015,
les produits BIV qu’elle aurait importés, fabriqués, transbordés,
utilisés ou détenus en France avant cette date.
En conséquence,
Déboutons la société Sanofi-Aventis Deutschland GmbH de
l’ensemble de ses demandes ;
Déboutons la société Lilly France de sa demande de dommages et
intérêts pour procédure abusive.
Condamnons la société Sanofi-Aventis GmbH à payer à la société
Lilly France la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du
code de procédure civile.
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.
Condamnons la société Sanofi- Aventis GmbH aux dépens.
Fait à Paris le 15 décembre 2014
Le Greffier,
Le Président,
Fabienne FELIX
Marie-Christine COURBOULAY
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