de la formation des premiers États au Grand Silla et à Parhae

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de la formation des premiers États au Grand Silla et à Parhae
44U3HK23, Histoire de la Corée
2. Société ancienne :
de la formation des premiers États
au Grand Silla et à Parhae
Parmi les “sociétés de chefs” de l’âge du Bronze, certaines s’établissent sous une
forme étatique à la fin de la période, mais ce n’est pas le cas de la majorité.
Généralement, l’usage du fer correspond au premier stade de la formation des
États. En Corée, l’usage du fer débuta environ au IVe s. av. J.C., avec
l’importation la culture du fer de la Chine des Royaumes combattants.
L’augmentation de la capacité de production permet l’accumulation des richesses et
l’usage des objets en fer devient l’instrument des guerres de conquête. Le premier
stade des États était donc celui des “sociétés de chefs” dominantes ayant annexé
celles de la périphérie de leurs territoires. Ces premiers États se caractérisent par
une organisation politique destinée à contrôler un territoire agrandi par les activités
de conquête, au centre duquel on trouve un roi. Dans ce processus, la plupart des
chefs se muèrent en fonctionnaires du centre sous les ordres des rois, mais dans le
même temps, leur caractère indépendant était maintenu et limitait le pouvoir royal.
Ces rapports de force se maintinrent jusqu’à ce que les États fussent pourvus d’un
pouvoir royal renforcé, dans leur forme parachevée.
En Corée, plusieurs États du premier stade apparurent à plusieurs endroits. Parmi
ceux-ci, le premier à avoir la forme d’un État est le Chosòn Ancien (Ko Chosòn).
D’État primitif à la fin de l’âge du bronze, vers le V-IVe siècle av. J.C, il se développa,
et son territoire, depuis les rives du Liaohe, atteignait la partie N.O de la péninsule
coréenne, jusqu’aux rives du fleuve Taedong. Avec l’introduction du fer, l’État se
renforça, mais périclita ensuite à cause de l’invasion des troupes chinoises des Han
antérieurs du règne de l’empereur Wu, en - 108.
Par la suite, vers le IIe et Ier s. av. J.C, se formèrent les États primitifs de Puyò,
dans la zone des rives du fleuve Songhe de Manchourie, et de Koguryò, vers le Ier s.
av. J.C., dans la région du milieu du cours du fleuve Yalu. Quant aux Okchò et aux
Tonggye, ils restèrent au stade des “sociétés de chefs”. Les Trois Han, aux
alentours de notre ère, qui étaient restés au stade des “sociétés de chefs”, virent, en
leur sein, l’apparition de forces centrales internes. Ainsi, dans la région des Trois
Han, les cités (pays) de Paekche (des rives du fleuve Han), de Saro et de Kaya (des
rives du fleuve Naktong) devinrent le centre des États de Paekche, de Silla et de
Kaya. Puyò fut absorbé par Koguryò et Kaya connut le même sort avec Silla, de
sorte que seuls se développèrent Koguryò, Paekche et Silla, dotés d’institutions
des “États de la période ancienne” (kodae kukka).
Dans les États de la période ancienne, forme développée des États primitifs, le
pouvoir royal était renforcé et le système politique était celui d’un pouvoir centralisé.
Les chefs, qui s’étaient maintenus jusqu’alors dans une situation d’indépendance
relative, perdirent leur position et furent intégrés dans les administrations centrales.
Sur la base d’un pouvoir royal fort et de forces politiques centralisées, ces États
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mirent en oeuvre une politique de conquête, agrandissant leur territoire. Les trois
royaumes connurent l’état de maturité de leurs institutions, respectivement, à
Koguryò vers la fin du Ier siècle sous le règne de T’aejo wang (r. 53-146) ; à
Paekche vers le milieu du IIIe s. sous le règne de Koi wang (r. 234-286) ; à Silla au
cours de la seconde moitié du IVe siècle au temps du roi Naemul (r. 356-402). Ils
rentrèrent en compétition, s’affrontant individuellement ou associés deux
contre un.
Dans ce jeu, Koguryò dominait du fait de l’antériorité de sa maturité institutionnelle
et de son entraînement à lutter contre les forces chinoises (commanderies ou bien
localités des Han, les Wei et les Yan antérieurs). Koguryò connaît son apogée à la
fin du IVe s. et au début du Ve s. sous les règnes de Kwanggaet’o (r. 391-413)
et de Changsu (r. 413-491), son territoire s’étend alors au nord du Liaodong et de la
Mandchourie, et au sud dans une région comprenant les cols Chuk et Cho, jusqu’à la
Baie de Namyang.
Par ailleurs, Paekche, au cours de la seconde moitié du IVe siècle, sous le règne
de Kùnch’ogo (r. 346-375), s’agrandit de manière importante et se renforce dans
l’affrontement avec son voisin du nord, mais la cour de Paekche est finalement
repoussée vers le sud en raison de la politique de conquête du roi Changsu. Elle doit
déplacer la capitale à Ungjin (actuel Kongju) et sa puissance se réduit.
Silla, bien que parvenant plus tardivement à maturité, avait reçu l’aide militaire et
diplomatique de Koguryò. À partir du début du Ve siècle, toutefois, il fit le projet de se
développer de manière autonome. Ainsi, au Ve siècle, alors que Koguryò était au faît
de sa puissance, Paekche et Silla firent alliance et lui firent opposition.
Au VIe siècle, nouvelle donne dans les rapports de force entre les Trois royaumes :
Silla chasse Paekche des rives du fleuve Han qu’il occupe seul. Auparavant,
Silla avait connu un essor sans précédent sous les règnes successifs de Chijùng, de
Pòphùng et de Chinhùng ; Paekche avait lui aussi connu un renouveau au temps des
rois Muryòng et Sòngwang. Les deux pays, dans leur lutte contre Koguryò,
occupaient les rives du fleuve. L’occupation des rives du Han par Silla lui offrit non
seulement des ressources en abondance, mais également une nouvelle voie de
communication vers l’ouest avec la Chine via la Mer Jaune. Il put donc
désormais nouer directement des relations avec le Grand pays, élément capital
pour l’unification territoriale future.
En Chine, pendant la seconde moitié du VIe siècle, le territoire se scinda au cours
de la période des Dynasties du Nord et du Sud (420-589), avant d’être unifié par les
Sui (581-618) auxquels succédèrent les Tang (618-907) qui se heurtèrent
violemment à Koguryò. Koguryò contint d’abord les invasions répétées des Sui et
des Tang, en protégeant l’ensemble de la péninsule, y compris Paekche et Silla.
Cependant, Koguryò ne pouvait que s’épuiser dans cette lutte incessante et inégale,
alors que dans le même temps les relations entre les Tang et Silla se renforçaient.
Ces relations aboutirent à la constitution d’une armée associée des Tang et de
Silla qui provoqua la chute successive de Paekche (660) puis de Koguryò
(668).
Ensuite, Silla expulsa les troupes chinoises et réalisa l’unification territoriale
des Trois Han en 676, fait majeur de l’histoire de Corée. Toutefois, cette unification
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s’opéra au prix d’une perte d’une partie des anciens territoires de Koguryò au
nord du fleuve Taedong, en Mandchourie. Dans cette zone, quelques années plus
tard, à partir de 698, fut fondé le royaume des Chin (Chin’guk ou Zhenguo en
chinois), rebaptisé Parhae (Bohai), comprenant une partie de la population de
Koguryò. Parhae au nord et Silla au sud formèrent l’ensemble des “royaumes du
nord et du sud”. Par la suite, Parhae déclina et se sépara de l’histoire de Corée.
Toutefois, il est à noter que Koryò qui réunifia les « Trois royaumes postérieurs » (Hu
samguk) intégra au Xe siècle une partie de la population nomade de Parhae,
parachevant ainsi la réunification nationale.
Les Trois royaumes de la période ancienne de Koguryò, Paekche et Silla étaient
pourvus de rois puissants qui avaient intégré les anciens chefs dans l’organisation
politique et exerçaient un pouvoir de type oligarchique. Le renforcement du pouvoir
royal s’accompagna de la transmission héréditaire du trône pour les dynasties des
Ko à Koguryò, des Puyò à Paekche et des Kim à Silla, donnant naissance à des
aristocraties. Les anciens chefs perdirent ainsi leur indépendance relative, mais
participèrent à la politique en tant que fonctionnaires des États anciens. C’est à ce
moment-là que furent créées les différentes administrations : en 14 degrés à
Koguryò ; en 16 degrés à Paekche ; en 17 degrés à Silla. Furent également mis en
place des fonctionnaires locaux afin de contrôler tout le pays, système provincial
dont l’organisation revêtait un caractère militaire.
Par ailleurs, le statut aristocratique des anciens chefs fut garanti dans le processus
de leur intégration à l’administration. L’aristocratie qu’ils constituaient demeurait près
du roi dans la capitale et monopolisait le pouvoir avec les membres de la famille
royale comme classe dirigeante, dotés de grands biens tels que domaines et
esclaves, de plus, ils bénéficiaient de différents privilèges. À Silla, par exemple, ils
choisissaient les ministres par le biais d’assemblées dites hwabaek et participaient à
des conseils pour décider des affaires importantes de l’État. Cette politique de
fédération aristocratique se maintint alors même qu’augmentait l’oligarchie royale,
en particulier aux alentours de la période d’unification politique par Silla.
Pour garantir leurs privilèges politiques, économiques et sociaux, la famille royale et
l’aristocratie instaurèrent des lois et des règlements, impliquant une rigoureuse
hiérarchie sociale. C’est ainsi qu’à Silla fut instauré le système des “catégories
d’os” (kolp’um chedo), définissant les carrières administratives et limitant
rigoureusement le mode de vie. Avec le temps, un tel système s’effondra à partir de
la base ; il fut donc réformé en “os authentiques” (chin’gol) pour la partie
supérieure et en un système de “six catégories de têtes” (yuktu p’um)
subalternes. Un tel système disparut avec la chute de Silla. Bien que monopolisant
les privilèges, les aristocrates, qui représentaient une minorité, avaient au-dessous
d’eux la grande majorité du peuple paysan. Celui-ci relevait de la population
ordinaire, possédait des terres cultivables qu’il exploitait, et était tenu aux diverses
formes d’imposition, tributs et autres corvées.
À l’époque du Grand Silla, on trouve mention d’octrois de chòngjòn (“champs des
hommes en âge de faire les corvées”) à la population, qui n’est en réalité que la
reconnaissance officielle de propriétés préexistantes, mais dont la contrepartie était
l’imposition. La paysannerie de cette époque était assujettie à des corvées établies
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selon un ancien système d’exploitation communautaire de terres communes
réparties en “villages” ch’on.
Un siècle après l’unification, alors que Silla connaissait son apogée, on observe, à
partir de la seconde moitié du VIIIe siècle, un début de scission au sein de
l’aristocratie des “os authentiques” qui provoqua des luttes de plus en plus
acharnées pour la succession au trône. En effet, les relations biologiques qui les
unissaient se relâchèrent avec le progrès social consécutif à l’unification, et ils se
divisèrent en groupes rivaux (choktang). Il en résulta un affaiblissement du
contrôle du gouvernement central dans les provinces et la montée en
puissance de forces indépendantes de “familles dominantes” (hojok). Ces
familles étaient issues des “seigneurs de villages” (ch’onju), forces localement bien
implantées originaires de l’aristocratie centrale, qui se donnaient le nom de
“seigneurs de cités” (sòngju) ou de “généraux”. Elles étaient dotées d’une force
armée et tenaient en main l’administration d’une province, dirigeant l’impôt et
mobilisant la main-d’oeuvre des corvées. Ces familles partageaient le pouvoir avec
l’aristocratie des “os authentiques” dans la société de Silla, mais elles étaient de plus
en plus critiques vis-à-vis des restrictions du système discriminatoire des “six
catégories de tête”, attitude qui favorisait leur coopération.
À partir de la fin du IXe siècle, les soulèvements de rebelles (ch’ojòk) se
multiplièrent et les familles dominantes les utilisèrent pour élargirent leur pouvoir.
Parmi eux, Kyòn Hwòn fonda Paekche postérieur à Wansanju (actuel Chònju) en
892, et Kungye instaura Koguryò postérieur à Song’ak (actuel Kaesòng) en 901,
marquant le début de la période des Trois Royaumes postérieurs. Par la suite, le
royaume (pays) de Koguryò postérieur connut plusieurs changements d’appellations
en Majin, T’aebong et enfin Koryò, par Wang Kòn, membre d’une « famille
influente » originaire de la région de Song’ak. Silla abdiqua au profit de Koryò en
935, suivi peu de temps après de Paekche postérieur, aboutissant ainsi à la
réunification politique de la péninsule en 936 par Koryò.
La transition qui s’opéra ainsi signifia, non pas seulement un simple changement de
dynastie, mais l’issue d’un processus de dépassement de l’ancien système
d’organisation sociale centré sur l’aristocratie des “os authentiques”, par l’essor de
forces nouvelles dans la société. Accompagnant ce processus, dans le domaine
des courants de pensée, on note l’épanouissement des écoles de méditation
sòn, nouvellement implantées, en remplacement des écoles scolastiques, et
l’application des principes confucéens de gouvernement du pays par les
lettrés généralement issus des “six catégories de têtes”. Ce changement
correspond au passage de la période ancienne à la période médiévale.
À cette époque, on observe une élévation de la position de la paysannerie,
caractéristique de cette nouvelle société. À la fin de Silla, on constate un
développement de la paysannerie (en raison de l’amélioration des forces de
production), dont celui des paysans autonomes et propriétaires. Ce développement
aboutit au début de Koryò à l’instauration d’un système rationnel d’imposition
(ch’wimun yudo). Par ailleurs, les mouvements paysans de la période troublée des
Trois Royaumes postérieurs et l’élévation de la conscience paysanne jouèrent un
rôle décisif dans l’élévation de la position de la paysannerie.
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