Chapitre 2 : Fondements de l`analyse économique
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Chapitre 2 : Fondements de l`analyse économique
Chapitre 3 : Fonctionnement d’un marché concurrentiel 3.B2. ALTERATIONS DE L’EQUILIBRE DU MARCHE CONCURRENTIEL a/ Altérations exogènes du jeu du marché L’efficacité du libre jeu du marché en situation de concurrence peut être montrée, a contrario, à travers quelques exemples d’altérations exogènes de ses mécanismes. On analyse ici les conséquences de dispositifs de réglementation des prix qui ont pour principe d’interdire les ajustements de prix. Deux cas symétriques se présentent selon que l’on instaure un prix plafond ou un prix plancher. Nous les étudions successivement en supposant que les autres caractéristiques du marché sont conformes au cas usuel d’un marché concurrentiel. Dans le cas d’un plafonnement du prix, la réglementation interdit purement et simplement tout possibilité d’échange à un prix supérieur à un seuil prédéterminé (pMax). Bien évidemment, cette réglementation n’a d’effet spécifique que si le prix plafond est inférieur aux prix d’équilibre qui aurait prévalu autrement sur le marché (p*). Si tel n’était pas le cas, le plafond de prix serait inopérant, l’échange se faisant librement à un prix plus faible. Supposons un plafond contraignant. A ce prix, inférieur au prix d’équilibre, la quantité globale demandée est supérieure à l’offre globale. Il y a pénurie d’offre. Puisque la réglementation interdit toute transaction à un prix supérieur à pMax, le mécanisme de hausse des prix induit par la demande excédentaire ne peut jouer. Il y a un rationnement du marché avec des procédures diverses qui peuvent se mettre en place pour organiser ce rationnement. Mais dans tous les cas la quantité effectivement échangée sur le marché au prix plafond ne pourra excéder la quantité offerte (QS). Instauration d’un prix plafond sur le marché Prix Demande de marché a d b e p* pMax Offre de marché Pénurie d’offre c Il est possible d’étudier les conséquences de cette entrave au jeu du marché sur les surplus. Du côté de l’offre, le surplus des producteurs Quantité est diminué par rapport à la situation de libre Q* QS QD jeu du marché. En effet, il y a à la fois baisse du prix (de p* à pMax) et baisse des quantités vendues (de Q* à QS). En appliquant la définition du surplus des producteurs (aire au-dessus de la courbe d’offre et délimitée par le prix et la quantité échangée), on enregistre une baisse de l’aire bce à l’aire c, soit une perte de l’aire be. Du côté de la demande, les consommateurs bénéficient certes d’un prix plus avantageux (pMax inférieur à p*), mais cet avantage est contrebalancé par le rationnement qui interdit de satisfaire l’intégralité de la demande. Le surplus des consommateurs (aire audessous de la courbe de demande et délimitée par le prix et la quantité échangée) passe de l’aire ad lorsque le marché est libre de toute entrave à l’aire ab lorsque le prix est plafonné. L’effet net sur le bien-être des consommateurs (b-d) est a priori indéterminé, mais même s’il est positif, il ne suffit pas à compenser la perte subie par les producteurs. Si l’on agrège les deux surplus pour donner une mesure globale, on observe une baisse de l’aire abcde à l’aire abc, soit la perte nette de l’aire de. 1 Chapitre 3 : Fonctionnement d’un marché concurrentiel Envisageons le cas symétrique de l’instauration d’un prix plancher, c’est-à-dire d’une valeur seuil au-dessous de laquelle il est interdit de conclure des transactions. Comme précédemment seul est pertinent le cas d’une réglementation contraignante par rapport au libre jeu du marché. Nous faisons donc l’hypothèse d’un prix plancher (pmin) supérieur au prix d’équilibre (p*). Ce niveau relativement élevé du prix minimum Instauration d’un prix plancher imposé incite les producteurs à développer leur sur le marché offre, mais il dissuade dans le même temps les consommateurs d’acquérir le bien. Il y a donc un excès d’offre. Les quantités excédentaires Prix Demande de Offre de doivent être neutralisées et l’échange sur le marché marché marché ne pourra dépasser la quantité QD a correspondant à la demande au prix pmin réglementé. On notera que, dans le cas du prix plancher comme dans celui du prix plafond, la b d Excès d’offre réglementation qui entrave le libre jeu du p* marché conduit à une réduction des échanges. c e C’est un résultat général : chaque fois qu’une entrave crée un déséquilibre entre offre et demande sur le marché, l’ajustement par les quantités se fait toujours sur le côté « court » Quantité QD QS Q* du marché. Entre l’offre et la demande, c’est toujours le « moins disant » en quantité qui détermine les quantités effectivement échangées, du moins tant que l’on exclut la possibilité de forcer les individus à réaliser un échange contre leur gré. Les conséquences en termes de bien-être sont à nouveau illustrées à travers la comparaison des surplus des producteurs et des consommateurs en situation de libre jeu du marché et en situation de prix réglementé. L’augmentation du prix à payer signifie une perte de bien-être, pour les consommateurs. Leur surplus, égal à l’aire abd en l’absence de réglementation, se limite à l’aire a lorsque le prix plancher est instauré. Du côté de l’offre, l’effet est plus ambigu. Les producteurs bénéficient de la hausse de prix induite par la réglementation, mais ils subissent aussi une diminution du volume de leurs ventes. Au total, leur surplus passe de l’aire ce à l’aire bc. Quel que soit l’effet net sur le surplus des producteurs, on peut, comme dans le cas du prix plafond, conclure à une perte nette en surplus collectif. Le gain net éventuel des producteurs ne suffit pas à compenser la perte subie par les consommateurs. En termes de surplus collectif, la contrainte de prix plancher est à l’origine d’une perte nette correspondant à l’aire de (passage de abcde à abc). Au total, les deux exemples ci-dessus montrent comment l’altération du libre jeu d’un marché concurrentiel implique une moindre efficacité dans l’affectation des ressources. D’autres situations pourraient être analysées qui conduiraient à des conclusions similaires. Cela ne signifie pas qu’il faille condamner définitivement toute forme de réglementation du jeu de marché. Les effets recherchés par ce type d’intervention peuvent se situer en dehors de la sphère du marché considéré et une évaluation limitée à la mesure du surplus sur ce marché est alors incomplète. Si ce marché est par nature concurrentiel, il convient de garder à l’esprit les effets négatifs potentiels d’une entrave au libre jeu du marché pour les comparer aux effets positifs attendus en dehors du marché et évaluer les avantages et coûts relatifs de modalités alternatives d’intervention. 2 Chapitre 3 : Fonctionnement d’un marché concurrentiel b/ Imperfections de concurrence En terminant ce chapitre, nous évoquerons assez brièvement les configurations d’environnement de concurrence imparfaite. Ces configurations sont multiples et leur analyse peut devenir relativement complexe. Nous nous limiterons ici à définir les principales situations de référence et à en donner les caractéristiques essentielles. Jusqu’ici, nous avons raisonné sur le cadre de concurrence pure et parfaite, dont nous avons dit qu’il était un cadre théorique idéalisé. L’une des caractéristiques importantes de cette configuration de référence est l’hypothèse d’atomicité : aucun individu ne peut seul avoir une influence quelconque sur l’équilibre. Cela revient à supposer que, tant du côté de l’offre que du côté de la demande, il existe un grand nombre d’agents économiques. A l’opposé, il existe des situations où un agent unique est seul décideur pour tout un côté du marché. C’est la situation du monopole lorsqu’il n’y a qu’un seul offreur sur le marché, face à une multitude de demandeurs. C’est la situation du monopsone lorsque, de façon symétrique, il n’y a qu’un demandeur face à une multitude d’offreurs. Dans l’un et l’autre cas, l’agent qui accapare seul tout un côté du marché ne considère plus le prix comme une donnée. Notons que l’exploitation de cette position dominante suppose l’existence d’une forme de barrière à l’entrée sur le marché. Dans ce cas, l’agent sait que, à travers son contrôle total de l’une des courbes du marché, il peut choisir le prix d’équilibre. La seule contrainte qui s’impose à lui, c’est la relation entre prix et quantité échangée telle qu’elle est définie par la courbe de ses partenaires. Ainsi en situation de monopole, l’offreur unique choisit sur la courbe de demande de marché la combinaison lui permettant de maximiser son profit. Par rapport à une situation concurrentielle, le monopoleur tend alors à réduire l’offre de produit pour faire monter le prix le long de la courbe de demande. De façon symétrique, en situation de monopsone, le demandeur unique agit de façon à faire baisser le prix le long de la courbe d’offre, ce qui implique également une baisse de la quantité échangée par rapport à l’équilibre concurrentiel. Dans les deux cas, l’équilibre non concurrentiel implique une répartition plus inégalitaire des gains de l’échange, au bénéfice de l’agent doté d’un pouvoir de marché. Mais ce gain est obtenu aux dépens des partenaires sur le marché et, en termes de surplus, la collectivité subit une perte directement liée à la diminution des quantités échangées. Le monopole et le monopsone fournissent des configurations de référence à l’opposé de la concurrence parfaite. Comme elle, elles constituent néanmoins des situations plus théoriques que réelles. Là encore, leur intérêt est plutôt de permettre la mise en évidence de mécanismes types. Les cas qui sont peut-être les plus riches et les plus pertinents pour appréhender la réalité du côté de l’offre et des comportements des firmes sont sans doute ceux qui correspondent à des configurations intermédiaires entre concurrence parfaite et monopole. Parmi celles-ci, deux types méritent d’être brièvement présentés : l’oligopole et la concurrence monopolistique. La situation d’oligopole est celle où quelques d’offreurs se partagent le marché (on parle de duopole, lorsqu’ils ne sont que deux). Dans ce cas chacun sait qu’il a la capacité d’influencer l’équilibre du marché, mais que ses concurrents ont un pouvoir équivalent. Les résultats des choix de l’un dépendent des choix des autres. Les situations d’oligopole posent alors un 3 Chapitre 3 : Fonctionnement d’un marché concurrentiel problème général d’interactions stratégiques entre les offreurs. L’analyse pour en traiter fait alors souvent appel à des cadres formalisés qui s’inscrivent dans la théorie des jeux. En situation de concurrence monopolistique, chaque offreur est capable de différencier son produit par rapport à ceux de ses concurrents et cette différenciation permet de répondre à une demande de diversité de la part des consommateurs. Les différentes variétés du bien demeurent cependant substituables. Ainsi, sur le créneau de marché correspondant à chaque variété, le comportement de chaque producteur peut être comparé à celui d’un monopoleur. Mais la substituabilité et la libre entrée sur le marché conserve un caractère concurrentiel à la configuration. 4