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www.unarc.asso.fr / 31 03 15 / La montée en régime des copropriétés fragiles : la situation, les causes, les solutions de l’ARC I. Une situation qui se dégrade selon toutes les sources avisées Le Rapport de Monsieur Dominique BRAYE1 – ancien président de l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat (ANAH) – de janvier 2012 mettait en avant qu’environ 15% des copropriétés étaient en situation de fragilité. Suite à ce rapport, une évaluation plus précise de la fragilité des copropriétés a été réalisée en 2013 par L’ANAH et la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) qui relève que 18,9% des copropriétés sont en situation de fragilité, soit plus de 100 000 copropriétés en France2. La Fondation Abbé Pierre, dans son dernier rapport sur le Mal Logement, sorti en février 2014, (à ce sujet, nous vous renvoyons vers l’article publié par l’ARC : http://arccopro.fr/documentation/20eme-rapport-de-la-fondation-abbe-pierre-un-bilan-consternant-deplus-en-plus-de) fait état de cette situation dans son chapitre intitulé « le développement inquiétant des copropriétés en difficulté » : « Accédants surendettés, propriétaires captifs d’un bien invendable, locataires de propriétaires indélicats, voire de marchands de sommeil, primo-arrivants devenus (co) propriétaires dans des immeubles très dégradés faute d’autre solution de logement… ». Ce chapitre met en avant qu’une partie du mal logement aujourd’hui en France provient du phénomène des copropriétés fragiles et en difficulté. Ces chiffres et observations des professionnels de l’habitat confirment ce que nous ne cessons de dire depuis des années (rappelons que l’ARC œuvre depuis plus de 25 ans pour le redressement des copropriétés en difficulté d’Ile-de-France) : le nombre de copropriétés en difficulté ou en pré-difficulté ne cesse d’augmenter. Un des premiers signes observés par l’ARC sur ce phénomène grandissant est l’augmentation progressive du taux d’impayés de charges moyens dans les copropriétés. Une étude fine est actuellement en cours à l’ARC sur la totalité des copropriétés enregistrées dans OSCAR+ (observatoire des charges de copropriétés de l’ARC) afin de déterminer l’évolution des impayés ces dernières années. Nous la publierons dès qu’elle sera finalisée. II. Les causes principales qui entraînent le basculement des copropriétés dans d’importantes difficultés On peut penser que les causes sont liées à la « crise » ce qui n’est que partiellement exact. Ces causes sont en effet diverses comme nous allons le voir. Selon nous, il est important d’insister sur le fait que ce n’est pas uniquement le niveau socioéconomique des copropriétaires et les facteurs urbains qui font qu’une copropriété bascule dans la difficulté mais également des difficultés de gestion combinée à d’autres facteurs que nous allons expliquer ci-après. 1) Des charges mal maîtrisées et de plus en plus élevées 1 « Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés, Une priorité des politiques de l’habitat », rapport présenté par Dominique Braye, Président de l’Agence de l’Habitat, janvier 2012. 2 « Mémento de l’habitat privé », ANAH, 2014. 1 En 2013, l’ARC a constaté, grâce à son observatoire des charges de copropriété (OSCAR) une augmentation moyenne des charges de copropriété de 5,7% entre 2012 et 2013 tandis que le taux d’inflation sur la même période a augmenté de 0,9% ! C’est une réalité : les charges de copropriété augmentent énormément d’année en année et un réel travail de maîtrise des charges est nécessaire pour – sinon diminuer le coût des charges – au moins limiter la hausse des dépenses. Outre l’augmentation du prix des fluides (eau, énergie…), d’une manière générale, on constate que l’augmentation des charges est liée au fait que les syndics ne prennent pas le temps ou ne sont pas en mesure de mettre en œuvre une vraie concurrence pour les entreprises intervenants dans les copropriétés ou ne renégocient pas suffisamment régulièrement les contrats souscrits auprès des différents fournisseurs. 2) Des gros travaux d’entretien non faits ou votés sans préparation suffisante concernant le financement Le parc de la copropriété, dans sa grande majorité, a mal vieilli, particulièrement les immeubles construits entre 1950 et 1980 où l’on estime (étude de l’ANAH de 2011) les coûts de rénovation par logement à environ 20 000 euros, ce qui est très élevé. Les gros travaux d’entretien ne font que rarement l’objet de programmations pluriannuelles ; les copropriétaires sont donc obligés de réaliser ces travaux dans l’urgence sans assurer l’optimisation des coûts et sans prendre le temps de rechercher des financements adaptés. Le blocage dans la réalisation de gros travaux peut s’expliquer par diverses raisons. Nous citerons deux exemples : 1. Des divergences d’intérêts qui bloquent la prise de décision Les copropriétés sont confrontées à des propriétaires ayant des stratégies diverses, ce qui « bloque » la mise en œuvre d’un véritable programme de rénovation : les primo-accédants n’ont pas nécessairement les moyens de financer les gros travaux tout en remboursant leur crédit, les bailleurs qui ont acheté leur bien pour faire un investissement n’ont pas forcément envie de participer à des gros travaux de rénovation, etc. 2. Des situations déjà fragiles où les travaux ne peuvent être engagés faute de trésorerie Dans les copropriétés déjà fragilisées par des charges très élevées, un bâti dégradé, des problèmes d’impayés, des fournisseurs payés en retard, le vote des travaux (devenus nécessaires) sans recherche de financement adapté est souvent le basculement de la copropriété vers d’autres difficultés plus importantes : - Les appels travaux seront honorés par certains copropriétaires mais resteront en partie impayés - Le syndic ne pourra pas ou ne voudra pas engager les travaux sans avoir reçu la totalité des fonds - C’est à ce moment-là qu’une partie des bons payeurs se découragent et quittent la copropriété et la copropriété continue à se dégrader physiquement… 3) Des syndics « dépassés » par les problèmes d’impayés de charges a. Des syndics non réactifs Les copropriétés sont malheureusement trop souvent confrontées à un laxisme et/ou à une absence de rigueur de la part de certains syndics en matière de recouvrement : - Les procédures se sont pas engagées suffisamment tôt (certains syndics attendent que la dette atteigne 10 000 euros pour engager une procédure judiciaire) ou, quand 2 - - elles le sont, elles ne sont pas suffisamment suivies et les délais traînent (on ne peut pas rejeter le problème des délais dans l’obtention des jugements uniquement sur la faute des tribunaux, les syndics ont aussi leur part de responsabilité) ; Certains syndics se rémunèrent un maximum sur le « suivi des dossiers » ou sur la multiplication des actes coûteux (ex : 3 mises en demeures à 50 euros) sans pour autant engager les actions les plus pertinentes ; Les procédures envers les bailleurs ne sont pas engagées (laxisme envers les bailleurs, d’autant plus s’ils possèdent plusieurs lots) ; Les jugements obtenus ne sont pas exécutés et le syndic attend que « le débiteur paye sa dette de son propre chef » ; Les procédures rapides, simples et peu coûteuses (déclaration au greffe, injonction de payer) ne sont que trop rarement utilisées ; Etc. b. Des situations particulièrement complexes Les syndics peuvent être confrontés à de situations particulièrement complexes qu’ils ne maîtrisent pas totalement et peuvent se retrouver vite démunis face à ces situations. Prenons l’exemple d’une succession. Les difficultés auxquelles une copropriété est confrontée en cas de succession sont les suivantes : augmentation des charges impayées, lenteur des offices notariaux à identifier les héritiers, pas de prise de position des héritiers connus à se prononcer sur l’acceptation de la succession, etc. Certains syndics ne prennent pas les choses en main et la situation empire pour la copropriété alors qu’ils pourraient accélérer le traitement de ces dossiers (courrier adressé au notaire, saisine du tribunal pour faire désigner les Domaines en tant qu’administrateur de la succession, etc.) Dans certains cas complexes, telles que les successions, les indivisions ou encore face à des copropriétaires partis à l’étranger, les copropriétés – via leur syndic – peuvent en réalité agir pour débloquer les situations apparemment figées. c. Des copropriétaires abusant de la situation - Copropriétaires de mauvaise foi Certains copropriétaires en impayés de charges connaissent le système et en abusent. Ils savent qu’il se passe un certain temps avant que le syndic n’obtienne un jugement (ne serait-ce que compte-tenu des délais pour obtenir une date d’audience au tribunal). Il n’est pas rare que certains copropriétaires de mauvaise foi attendent le dernier moment pour régler leur dette (veille de l’audience par exemple) ; ayant soldé leur dette, le syndic arrête la procédure mais le copropriétaire recommence à ne pas payer ses charges et le syndic n’a plus qu’à relancer une procédure : c’est le chat qui se mord la queue ! - Bailleurs indélicats Les copropriétés peuvent être confrontées à deux types de bailleurs qui ne payent pas leurs charges : o Les bailleurs eux-mêmes confrontés à des locataires ne payant pas leur loyer ; o Mais surtout les bailleurs marchands de sommeil. Les copropriétés fragiles qui commencent à se dégrader attirent malheureusement des bailleurs dits « indélicats » ou « marchands de sommeil ». Ces investisseurs rachètent souvent les biens aux enchères pour une bouchée de pain (lors de ventes judiciaires) pour les louer sans être trop regardants sur les conditions de leurs locataires. 3 Ce type de bailleurs indélicats, en ne payant pas leurs charges, entravent le fonctionnement des copropriétés qui n’auront pas la trésorerie suffisante pour payer leurs fournisseurs ou qui ne pourront pas envisager de financer des travaux d’amélioration du bâti. Au final ce manque de rigueur ou de maîtrise dans le recouvrement des impayés est lourd de conséquence pour les copropriétés : les impayés augmentent car les mauvais payeurs en profitent, les personnes en difficulté privilégient le paiement d’autres factures avant les charges de copropriété et commencent à prendre du retard qu’ils ne pourront plus rattraper ; le risque d’irrécouvrables augmente lui aussi. III. Les 4 « piliers » du redressement par l’ARC Il existe actuellement peu d’outils pour empêcher le basculement des copropriétés dans les difficultés graves si ce n’est la procédure d’alerte (mais aujourd’hui encore trop peu utilisée) : Voici donc 4 propositions concrètes de l’ARC pour lutter contre la dégradation des copropriétés et prévenir les difficultés. 1. Lancer des expérimentations avec les collectivités concernant la « procédure d’alerte » L’ARC met en place actuellement une expérimentation avec certaines collectivités d’Ile-deFrance pour tester la « nouvelle procédure d’alerte », les collectivités étant à l’origine du déclenchement de cette procédure. L’objectif pour les collectivités est d’intervenir préventivement, pour ne pas attendre de plus grosses difficultés et une intervention curative, qui est lourde, coûteuse et plus compliquée à mettre en œuvre. Jusqu’à présent, cette procédure n’a été déclenchée que rarement et reste peu utilisée, ceci pour deux séries de raisons : - d’une part, les syndics en place ont peur que les investigations du mandataire ad hoc ne révèlent leurs carences, voire leurs fautes et n’engagent leur responsabilité ; d’autre part, les copropriétaires se sont trouvés très démunis : procédure judiciaire à lancer, frais d’avocat à avancer, missions à définir… C’est pourquoi loi ALUR a, suite aux amendements de l’ARC, renforcé la procédure d’alerte, en permettant aux collectivités d’être « déclencheuses » pour ne pas laisser une situation difficile devenir irrémédiable. L’objectif de cette expérimentation est donc de mettre en place un mode d’intervention simple, facilement reproductible par les collectivités et leurs partenaires pour agir vite et efficacement au redressement des copropriétés identifiées comme fragiles. 2. Développer les observatoires locaux des charges (OSCARVILLE) pour repérer les copropriétés dont les charges sont trop élevées, DONC fragiles, puis les aider à réduire leurs charges OSCARVILLE est une déclination locale – à l’échelle d’une ville ou d’une communauté d’agglomération – d’OSCAR (l’observatoire des charges de copropriété de l’ARC). Le niveau des charges d’une copropriété est un indicateur de fragilité : une copropriété dont les charges sont trop élevées connaîtra d’autres difficultés (travaux irréalisables, copropriétés mis en difficulté par le niveau des charges, etc) 4 L’intérêt de cet observatoire est de permettre aux copropriétés de situer leurs niveaux de charges, de repérer les anomalies et les postes sur lesquels il faudra prioriser l’action puis de les orienter vers les premières actions à mener pour maîtriser leurs charges. Cet outil permet également aux collectivités d’identifier les copropriétés fragiles de leur territoire, car une copropriété aux charges élevées est une copropriété potentiellement fragile qui connaîtra d’autres difficultés dans l’avenir (difficulté pour les copropriétaires de payer leurs charges trop lourdes dans leur budget, développement d’impayés de charges, impossibilité de voter ou d’engager de gros travaux de rénovation, etc.) Evry, Saint-Mandé et la communauté d’agglomération du Val Maubuée ont déjà lancées leur propre Oscarville. 3. Lancer des DTG (Diagnostic Technique Global) et mettre en place un « accompagnement » des copropriétés à la rénovation progressive, adaptée et contrôlée Programmer des travaux, c’est définir quels sont les éléments sur lesquels il convient d’intervenir et à quelle échéance, selon les besoins de la copropriété et en accord avec les normes et obligations légales. Cela suppose d’avoir une bonne compréhension de l’état du bâtiment, mais aussi des équipements collectifs, et c’est la raison pour laquelle il est conseillé de faire réaliser un audit de sa copropriété. La loi ALUR a introduit l’obligation pour les copropriétés de soumettre au vote de l’assemblée générale la réalisation d’un « diagnostic technique global » (DTG) à partir du 1er janvier 2017. Le DTG inclut également l’audit énergétique (obligatoire avant le 1er janvier 2017 pour toutes les copropriétés de plus de 49 lots disposant d’un chauffage collectif). C’est pourquoi nous conseillons aux copropriétés étant soumises à l’obligation de réaliser un audit énergétique de faire procéder à un DTG qui inclut cet audit mais surtout qui initie un début de réflexion dans la programmation de gros travaux de rénovation. L’ARC et ses partenaires (regroupés au sein de Planète copropriété) ont développé une méthode d’audit global partagé qui s’adapte au mieux aux impératifs des copropriétés. Cette démarche fait appel à une équipe pluridisciplinaire : bureau d’études thermiques accompagné d’un architecte pour l’élaboration du plan de travaux, et un ingénieur économiste pour le calcul des aides disponibles et des mensualités sur chaque scénario de travaux qui sera proposé. Il permet : - , De faire un état des lieux de la performance énergétique de la copropriété, - De hiérarchiser les besoins de ce patrimoine en matière de travaux de rénovation énergétique, en englobant le besoin de travaux d’entretien « non énergétiques », - De programmer ces travaux à venir et les étaler sur plusieurs années (plan pluriannuel de travaux). Pour obtenir davantage de précisions sur la réalisation d’un tel diagnostic, nous vous renvoyons vers le guide « Audit énergétique et diagnostic technique global » (http://arccopro.fr/documentation/3eme-dossier-du-mois-de-fevrier-2015-nouveau-guide-pour-lesaudits-energetique-et) En tout état de cause, il faut que la copropriété soit « accompagnée » : Il est vivement conseillé de faire suivre la démarche par un accompagnateur qui n’aura pas d’intérêt économique dans la réalisation de travaux : cela peut être l’ARC ou un conseiller Espace Info Energie compétent en matière de rénovation énergétique en copropriété. Une fois l’audit réalisé, vous aurez une vision sur les dépenses en termes de gros entretien à prévoir sur les prochaines années ; il faudra alors anticiper le financement de ces travaux. » 5 4. Favoriser le développement et la nomination des « syndics de redressement » spécialisés et contrôlés L’ARC œuvre depuis de nombreuses années, aux côtés de plusieurs partenaires pour la mise en place de syndics de redressement, spécialisés dans le redressement des copropriétés fragiles et en difficulté. L’idée est simple : dès qu’un syndic met en place des objectifs de gestion précis ainsi que des méthodes rigoureuses et accepte d’une part que son travail associe étroitement le conseil syndical, d’autre part qu’il se fasse en partenariat avec certains acteurs privés et publics, ce syndic va pouvoir rapidement et efficacement commencer à redresser les copropriétés dites en difficulté. En somme, il faut un cadre de travail strict et rigoureux. Ce cadre concerne aussi bien le repérage des charges trop élevées puis la mise en place d’actions correctives que l’étude rigoureuse des comptes de bilan, la mise en place des redressements financiers et comptables qui s’imposent, l’engagement de la responsabilité des professionnels concernés, l’analyse des causes d’impayés et la mise en place de procédures adaptées et rapides mais aussi l’instauration d’un travail régulier avec le conseil syndical, etc. C’est ce que l’on peut appeler un « référentiel ». Les statuts de l’association pour la reconnaissance des syndics de redressement des copropriétés en difficulté ont été officiellement signés le 11 mars 2015 (l’ARC est membre fondateur de cette association). Le premier objectif de l’association sera finaliser le référentiel (cahier des charges) que devront respecter les syndics qui prétendront à la distinction de syndic de redressement puis de sélectionner un organisme certificateur et l’accompagner dans la mise en place de la certification qui permettra de recruter et de contrôler les syndics de redressement. Conclusion Nous avons fait un tour d’horizon des causes favorisant le basculement des copropriétés fragiles vers d’autres difficultés plus lourdes. Pour contrer ce phénomène et éviter les dérives, il est indispensable de contrer le plus en amont possible (dès les premiers signes de fragilité) ces difficultés : l’ARC œuvre dans ce sens en développant les 4 piliers de redressement que sont la nouvelle procédure d’alerte, Oscarville, l’accompagnement au lancement des DTG et la naissance des syndics de redressement ! 6