Les TIC et la motivation des élèves

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Les TIC et la motivation des élèves
Les TIC
(Technologies de l’Information et de la Communication)
et la motivation des élèves
Table des matières
1. Introduction ......................................................................................................2
2. Définition de la motivation ..............................................................................4
3. Certains facteurs qui agissent sur la motivation à l’apprentissage .............5
3.1 L’attitude......................................................................................................5
3.2 Le besoin.......................................................................................................6
3.3 La stimulation..............................................................................................6
3.4 Les émotions.................................................................................................6
3.5 La compétence .............................................................................................6
3.6 Les renforcements .......................................................................................7
3.7 La coopération sociale.................................................................................8
3.8 L’apprentissage par tâches plutôt que le développement d’habiletés ....9
3.9 L’évaluation subjective de ses capacités..................................................10
3.10 La motivation à réussir ...........................................................................10
3.11 La perception de soi et la valeur de soi..................................................12
3.12 L’autonomie.............................................................................................13
3.13 Les pratiques pédagogiques....................................................................13
4. Le véritable impact de l’ordinateur................................................................15
5. Conclusion.........................................................................................................17
5. Sources...............................................................................................................20
Mes sincères remerciements à
Renée Bourgeois
pour la correction et la révision du texte
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Comment explique-t-on la motivation des élèves
envers l’apprentissage appuyé des TIC ?
1. Introduction
Dans toutes les sphères de l’activité humaine, le concept de motivation occupe une
place prépondérante, et tant et si bien que de nombreux chercheurs ont élaboré des
théories sur le sujet afin de nous aider à comprendre davantage ce qui motive
l’être humain à agir et comment cette motivation se manifeste. Malgré le grand
nombre de théories de la motivation, il ne nous apparaît pas pertinent d’en dresser
une liste exhaustive et encore moins d’élaborer sur l’historique ayant caractérisé le
développement de chacune d’elles. Il existe, à cet effet, des documents aisés à
repérer dans toute bibliothèque universitaire et dans Internet.
Cependant, nous ne pouvons les ignorer en prétextant que ces théories sont trop
nombreuses ou qu’elles ne s’appliquent pas toutes à l’intégration des TIC en milieu
scolaire. Au contraire, elles peuvent nous inspirer et nous aider à saisir ce qui se
produit vraiment chez l’élève lorsque l’ordinateur fait son entrée en classe.
L’intégration des TIC est un phénomène moderne. Pour cette raison, les recherches
qui portent sur la motivation des élèves envers les TIC n’abondent pas. Par surcroît,
il n’y a pas à proprement parler une théorie assez bien développée et assez
englobante qui suffit à elle seule à expliquer toutes les facettes de cette
problématique. Quelques-unes de ces recherches font surface çà et là, cependant.
Leur cadre théorique est souvent restreint et il ne porte que sur un aspect particulier
et fragmentaire. Malgré tout, à cause des théories existantes portant sur la
motivation à l’apprentissage, ces recherches sont sérieuses et tirent profit de
plusieurs décennies de travaux portant sur la motivation dans divers contextes.
Les nouvelles technologies s’infiltrent dans la plupart des activités humaines. Les
pressions sont fortes pour que l’ordinateur devienne un outil d’apprentissage. Cette
intégration force les pédagogues à réviser leurs démarches pédagogiques et à
repenser leur conception de l’apprentissage et de l’enseignement. L’ordinateur est
en train de démocratiser la connaissance en facilitant l’accès aux sources primaires
d’information. Le savoir n’appartient plus qu’aux enseignants seulement.
Cependant, le véritable apprentissage ne tient pas uniquement à l’information : les
élèves auront plus que jamais besoin des enseignants pour les orienter afin
d’apprendre à structurer et à organiser des données de base selon des démarches qui
déboucheront sur un développement durable de la pensée et sur l’acquisition de
compétences. Un surplus d’information ne garantit pas une qualité supérieure
d’apprentissage et encore moins une augmentation dans la motivation à apprendre.
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De nouvelles théories de la motivation devront être élaborées de manière à tenir
compte des pratiques pédagogiques qui entourent l’intégration des TIC, car le
contexte d’apprentissage influence énormément la motivation des élèves :
plusieurs théoriciens de l’éducation soutiennent qu’une pédagogie particulière doit
précéder l’intégration des TIC. L’ordinateur, selon eux, n’a qu’un rôle de
catalyseur de changement : l’ordinateur doit être soumis à la pédagogie, et non
l’inverse. Les TIC sont des moyens d’enseignement que chaque enseignant est libre
d’utiliser à sa guise.
Tardif résume bien le virage qui pourrait se produire en pédagogie lorsqu’il écrit
que :
« Les nouvelles technologies de l’information et de la communication
provoqueront la disparition du matériel pédagogique qui prétend que tous les
élèves d’un groupe d’âge donné sont susceptibles de réaliser des
apprentissages similaires à partir d’une même démarche, et dans plusieurs
cas, à partir des mêmes exercices, des mêmes pages et de la même séquence. »
(Tardif, 1998, p. 20)
L’intégration des TIC en milieu scolaire exige de
développer une nouvelle relation avec le savoir.
La plupart des théories de la motivation tirent leurs racines du
domaine de la psychologie. Ces théories peuvent servir de points
de repère à quiconque cherche à mieux comprendre comment
l’intégration des TIC à la classe agit sur la motivation des élèves.
L’objectif du présent document n’est pas d’examiner comment chacune d’elles peut
expliquer la motivation des élèves dans ce contexte d’intégration : ce serait un
travail fort intéressant, mais colossal. Dans les années à venir, les tenants de
chacune des théories de la motivation vont certainement exploiter ce nouvel
environnement et s’en servir comme laboratoire expérimental pour vérifier et
éprouver la validité des principes qui sous-tendent leur théorie respective.
Nous aurions souhaité dénicher une théorie qui explique ce qui se
passe vraiment concernant la motivation lorsque des élèves apprennent
à l’aide d’un ordinateur. Depuis quelques années nous constatons des
efforts louables et concrets dans ce sens. Il nous semble prudent
d’éviter de faire le procès des théories actuelles de la motivation afin
de déterminer celles qui expliquent mieux la motivation des élèves dans une classe
branchée. Rien ne nous empêche, par ailleurs, d’isoler des facteurs qui semblent
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agir sur la motivation des élèves lorsqu’ils utilisent l’ordinateur pour leur
apprentissage quotidien.
D’abord, nous vous proposons une définition classique de la motivation. Cette
définition diffère quelque peu de la conception constructiviste de la motivation dont
les piliers sont l’engagement, la participation et la construction personnelle de
l’univers, entre autres. Comme le constructivisme est, en quelque sorte, une
philosophie de l’enseignement et de l’apprentissage et qu’il facilite l’intégration
des TIC, il va de soi que la définition de la motivation que les constructivistes
privilégient représente pour nous une source précieuse d’inspiration. Ne soyez
guère surpris si notre texte lorgne vers cette approche.
2. Définition classique de la motivation
Dans la plupart des définitions de la motivation, les quatre composantes suivantes
sont souvent présentes :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
l’instigation,
la sélection,
la direction et
le maintien du comportement.
La motivation est conçue comme les forces qui mettent l’individu en
branle, qui l’amènent à choisir un comportement, à orienter son
action et à maintenir cette orientation (Biehler & Snowman, 1993;
Huitt, 2001; Franken, 1994). Ces forces qui initient le comportement
ont été qualifiées de diverses manières en sciences humaines.
Au fil des décennies, les théoriciens de la motivation nous ont
présenté la motivation comme le résultat de besoins à combler,
besoins qu’ils ont encadrés dans des structures hiérarchiques. La
hiérarchie des besoins de Maslow (1954) constitue un exemple parmi
d’autres : les besoins physiologiques, de sécurité, de relations sociales, d’estime de
soi et de réussite personnelle. Alderfer (1972) a proposé une structure de besoins
similaire à celle de Maslow: les besoins primaires de survivance, les besoins
d’interagir avec d’autres et les besoins de croissance personnelle. La classification
des besoins proposée par McClelland (1985) porte plutôt sur des éléments
cognitifs : des besoins de réussite, de pouvoir et d’affiliation.
Par ailleurs, la perspective cognitiviste représente un cadre théorique général
qui semble convenir à l’étude de la motivation des élèves envers les TIC. Selon
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cette approche, le comportement est le résultat d’une perception construite par
l’individu de lui-même et de son environnement, environnement duquel il tend à
s’accommoder et qu’il cherche à transformer pour mieux se l’approprier.
Depuis les travaux de Jean Piaget (1970), entre autres, diverses théories
cognitivistes ont vu le jour et ont permis, pour la plupart, de mieux comprendre la
motivation et l’apprentissage dans divers contextes. Voici quelques-unes de ces
théories : la Théorie de l’équité d’Adams (1964). la Théorie des attentes de
Atkinson (1964) et de Vroom (1964), la Théorie de l’attribution de Weiner (1967),
la Théorie sociale cognitive de Bandura (1977), la Théorie de l’auto-détermination
de Deci et Ryan (1980), et la Théorie du but d’Ames (1981).
Chacune de ces théories peut aider à mieux expliquer la motivation des élèves
envers l’apprentissage par ordinateur. Comme aucune ne suffit à elle seule à fournir
une explication complète et hermétique, nous nous contenterons d’énumérer des
facteurs qui peuvent intervenir dans cette situation particulière. Au cours des
prochaines décennies, bien des recherches seront menées en s’inspirant des théories
actuelles et d’autres théories seront élaborées pour mieux expliquer la motivation
des élèves dans une classe branchée.
3. Certains facteurs qui agissent sur la motivation à l’apprentissage
Nous avons mentionné plus haut, qu’à défaut d’une théorie complète sur la
motivation des élèves à apprendre dans un environnement technologique, nous
ferions appel à la conception d’un auteur afin de cerner des facteurs qui pourraient
entrer en jeu dans ce nouvel environnement d’apprentissage appuyé de l’ordinateur.
L’auteur suivant propose justement une conception que nous prenons la liberté
d’étoffer. Cette conception représente une vision personnelle de la motivation
générale de l’élève et n’est pas appuyée par de nombreuses recherches empiriques.
Wlodkowski (1985) prétend que la motivation de l’élève est influencée par les six
facteurs suivants : l’attitude, le besoin, la stimulation, les émotions, la compétence
et les renforcements.
3.1 L’attitude
L’attitude est une disposition apprise formée de connaissances
et d’émotions. Elle guide l’individu à agir d’une manière
favorable ou défavorable envers un objet ou une situation.
L’attitude de l’élève et de l’enseignant envers leur nouvel
environnement technologique d’apprentissage est conditionnée, en retour, par le
type d’expériences vécues au contact de ces technologies, leurs attentes et leur
familiarité avec ceux-ci ainsi que les autres facteurs décrits ci-dessous.
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Ainsi, Wlodkowski met en valeur deux aspects de la motivation : la cognition et les
émotions.
3.2 Le besoin
Le besoin est un état de l’individu qui l’amène à poursuivre un but. Il
y a bien sûr les besoins physiologiques, mais nous faisons surtout
référence ici aux besoins cognitifs. Par exemple, collaborer avec
d’autres, prendre des décisions, faire des choix, réussir une tâche,
relever des défis, satisfaire sa curiosité, s’affirmer, se sentir habile et
prendre des risques sont quelques-uns des besoins que l’élève devra satisfaire en
utilisant l’ordinateur pour que sa motivation à l’apprentissage soit maintenue.
La façon que l’élève abordera l’ensemble
des technologies va dépendre de la mesure dans
laquelle il parvient à rencontrer ses besoins cognitifs
et à en créer d’autres.
3.3 La stimulation
La stimulation se rapporte à tout changement dans l’environnement
qui maintient l’individu actif. La présence d’ordinateurs portatifs en
classe constitue un changement stimulant, car il déclenche une réaction
en chaîne. Des pratiques pédagogiques innovatrices sont initiées par
l’enseignant, pratiques qui entraînent une dynamique sociale différente et qui,
enfin, créent d’autres besoins cognitifs chez les élèves.
3.4 Les émotions
Les émotions constituent une sorte de prisme à travers lequel passe la
motivation. Le prisme peut canaliser les énergies ou les dissiper pour
ainsi dire. Si la vie émotive de l’élève est perturbée, sa motivation à
l’apprentissage scolaire s’estompe. Par contre, lorsque l’élève jouit
d’un équilibre émotif et mène une vie émotive satisfaisante, il peut plus aisément
mobiliser ses énergies et maintenir son intérêt pour le travail scolaire.
3.5 La compétence
L’ordinateur ne peut avoir un impact positif sur la motivation de l’élève
si ce dernier n’acquiert pas la compétence à le manipuler avec aisance.
L’ordinateur est un outil d’apprentissage fort complexe que l’élève doit
contrôler. L’élève qui ne parviendrait pas à développer une certaine expertise à
l’ordinateur perdrait intérêt et cesserait d’y investir des efforts.
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La compétence que l’élève démontre à l’ordinateur influence sa motivation, sa
persistance à l’utiliser. Cependant, comme nous le verrons plus loin, la perception
de sa compétence peut être aussi déterminante que le niveau d’expertise réel qu’il
a atteint.
3.6 Les renforcements
Le behaviorisme nous a enseigné que bien des comportements sont
maintenus par les conséquences qu’ils provoquent. Le retrait soudain
de renforcements entraîne habituellement la disparition graduelle du
comportement. La présence soutenue de renforcements fait que les
élèves maintiennent leur motivation, leur intérêt.
Les renforcements proviennent de deux sources, l’une extrinsèque, l’autre
intrinsèque. Il est généralement admis que l’enseignement doit amener l’élève à
déceler en lui des renforcements intrinsèques plutôt que d’attendre des
récompenses de son entourage. Au fil du temps, l’élève apprend à évaluer ses
apprentissages, à estimer son progrès et à retirer de cette expérience une
valorisation de sa personne.
La motivation à l’apprentissage ne peut tout de même pas se limiter à une simple
réaction à l’approbation des autres. Certes, l’entourage humain est motivant, mais
pas en se limitant à procurer à l’élève des renforcements extrinsèques. Il est
davantage motivant si l’élève s’appuie sur son environnement social pour nourrir sa
motivation intrinsèque à l’apprentissage. Guthrie et al. (1998) ont écrit que « The
literature on the development of intrinsic motivation shows that students rely on
external support to internalize goals and to develop their self-determination ».
Nonobstant leur méthode d’enseignement,
les enseignants souhaitent amener leurs élèves à créer
leurs propres sources de motivation intrinsèque, même
si le point de départ est un renforcement extrinsèque.
Ces sources ou ces déterminants de la motivation ne sont
pas les seuls à influencer l’élève dans son milieu
d’apprentissage. Nous croyons qu’il en existe d’autres.
La façon d’enseigner agit sur la façon d’apprendre. Chaque pratique
pédagogique fait en sorte que certains déterminants de la motivation seront
privilégiés et que d’autres passeront à l’arrière-plan. La pédagogie objectiviste
stimule la compétition entre les élèves, alors que la pédagogie constructiviste
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encourage la collaboration entre eux. On s’imagine aisément à quel point ces deux
environnements d’apprentissage diffèrent l’un de l’autre.
Plusieurs déterminants de la motivation que nous souhaitons ajouter sont
étroitement liés au contexte d’apprentissage et aux pratiques pédagogiques mises
en place lors de l’intégration de l’ordinateur. Par ailleurs, la complémentarité entre
l’ordinateur et le constructivisme amène les enseignants à modifier leur
enseignement d’une manière telle que la motivation des élèves dépend de facteurs
qui attirent de plus en plus l’attention des chercheurs. Voici quelques autres
facteurs qui, d’après nous, peuvent agir sur la motivation des élèves dans un
environnement d’apprentissage impliquant les TIC.
3.7 La coopération sociale
L’importance de l’environnement social dans l’apprentissage scolaire a été
reconnue d’abord par John Dewey, ensuite par Lev Vygotsky, puis par Jerome
Bruner. La théorie d’auto-détermination (Deci et Ryan, 1985) comporte, elle aussi,
une composante sociale. Ce ne sont là que quelques exemples qui servent à
démontrer que l’environnement social dans l’apprentissage a reçu de la
considération à diverses époques.
L’élève fait partie de plusieurs réseaux dont certains l’influencent
plus que d’autres (Wentzel, 1999). Il y a, par exemple, sa famille,
sa classe et son équipe de hockey. Il retire beaucoup de
satisfaction de ces groupes dont il fait partie. À son tour, l’élève
influence la vitalité de ces groupes. Sa participation à un groupe s’opère soit en
coopération, soit en compétition avec les autres. Parfois, il choisit de s’isoler et de
travailler seul. En classe, l’élève peut donc préférer la compétition avec d’autres
élèves, la coopération avec eux ou simplement le travail individuel. D’une façon ou
d’une autre, il en retire des bénéfices.
D’après les recensions d’écrits faites par plusieurs chercheurs (Johnson, Johnson &
Holubec 1994a; Johnson, Johnson & Holubec, 1994b; Slavin, 1996), le travail en
collaboration en classe rapporte énormément plus de bénéfices que les deux
autres alternatives. Les groupes en coopération incitent les élèves à accorder de
l’importance à l’interdépendance des membres. William Glasser (1986) favorise lui
aussi l’apprentissage coopératif, soulignant que la motivation et le rendement des
élèves atteignent des sommets inédits dans un contexte de collaboration. Au
contraire de la compétition, la coopération favorise les interactions entre les
élèves, la responsabilité de chacun envers les autres et le développement
d’habiletés sociales.
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Comme l’approche constructiviste accompagne la plupart du temps l’intégration de
l’ordinateur en classe et qu’elle se manifeste dans un environnement social (socioconstructivisme), il s’ensuit que les interactions entre les élèves constituent une
source de motivation indéniable.
Newmann (1989), dans un article portant sur l’engagement des élèves envers leur
apprentissage, prétend que cet engagement dépend de cinq facteurs :
(1) un besoin d’acquérir des compétences;
(2) un renforcement extrinsèque des compétences;
(3) un renforcement intrinsèque des compétences;
(4) un support de l’entourage;
(5) enfin, un sentiment d’appartenance ou de propriété envers leurs réalisations.
On ne doit pas se surprendre que Newmann accorde autant d’importance aux
compétences, car l’acquisition de compétences constitue un objectif prioritaire de
l’école. Il insiste, par ailleurs, sur l’importance d’un réseau social qui encourage
l’élève et sur la fierté de ce dernier à réaliser des productions. Ces conditions
d’apprentissage ne peuvent-elles pas, en partie, expliquer l’engouement des
élèves pour les technologies ? Bref, les interactions de toutes sortes amenées par le
travail à l’ordinateur peuvent constituer un élément de motivation.
Newmann (1989) nous met en garde contre une
structure scolaire qui encourage la compétition
au lieu de la collaboration entre les élèves.
3.8 L’apprentissage par tâches plutôt que le développement d’habiletés
Les pratiques pédagogiques de l’enseignement traditionnel visent avant tout le
développement d’habiletés cognitives. Dans une telle classe, la pédagogie est
centrée sur l’enseignant, le rendement de l’élève, la compétition entre les élèves, les
renforcements extrinsèques, les critères de groupe, l’isolement et le
compartimentage des objectifs pédagogiques, la formation de groupements
homogènes basée sur le rendement, et bien d’autres.
Par ailleurs, des recherches démontrent qu’une pédagogie plutôt orientée vers la
réalisation de tâches amène l’élève à former des stratégies plus efficaces
d’apprentissage, à communiquer plus souvent avec d’autres, à relever des défis plus
grands et à se former une image plus positive de l’école et de lui-même en tant
qu’apprenant (Anderman & Maehr, 1994; Ryan, Hicks, & Midgley, 1997;
Anderman, Maehr, & Midgley, 1999). En fait, ces deux orientations
(développement d’habiletés cognitives et réalisation de tâches) correspondent aux
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deux volets de la Théorie du but (Ames, 1992; Maehr & Midgley, 1991; Midgley,
1993; Dweck & Leggett, 1988).
L’enseignement traditionnel est axé sur des objectifs disciplinaires isolés les uns
des autres. Il est souhaité que l’intégration de l’ordinateur entraîne des
apprentissages interdisciplinaires et transdisciplinaires via, par exemple, des
projets de classe qui baignent dans un environnement constructiviste
d’apprentissage.
Il est donc possible que certaines pratiques pédagogiques de l’enseignant
représentent une autre source de motivation pour l’élève. Dans un autre module,
nous traitons exclusivement des nouvelles pratiques pédagogiques qu’entraîne
souvent l’intégration de l’ordinateur en classe.
3.9 L’évaluation subjective de ses propres capacités
Est-ce que je suis capable de réussir cette tâche ? Dans le domaine de
la motivation et de l’apprentissage, le concept de l’auto-efficacité est
devenu populaire auprès des chercheurs qui veulent prédire le rendement
de l’élève. L’auto-efficacité consiste en l’évaluation subjective par
l’individu de ses propres capacités à réaliser une tâche ou une activité.
On cherche, alors, à savoir à quel point l’individu se sent apte et capable de
performer dans un domaine. On croit maintenant que l’évaluation que l’individu
fait de lui-même prédit bien sa performance : plus il se dit capable de performer,
mieux il performe.
L’élève sera motivé à l’apprentissage
accompagné d’un ordinateur
s’il se croit habile à l’utiliser.
De là l’importance de mesurer chez l’élève non seulement ses habiletés spécifiques
à manipuler l’ordinateur (mesure objective), mais aussi la perception qu’il a de ses
habiletés (mesure subjective).
3.10 La motivation à réussir
Est-ce que je veux réussir à cette tâche ? Il ne suffit pas de savoir que nous
sommes capables de réussir dans un domaine, ni de savoir que nous pourrions
réussir; il faut aussi vouloir réussir. En fait, nous devons porter un jugement de
valeur sur les choses à faire pour réussir. À la base d’un comportement démontrant
de la motivation, nous devons retrouver un engagement ou une action quelconque
entreprise par l’individu pour accomplir la tâche.
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L’engagement reflète
l’intention de l’individu.
Eccles & Wigfield (1983) soutiennent que la valeur subjective d’une tâche se
compose de trois éléments :
1. la valeur d’intérêt (à quel point l’individu aime la tâche),
2. la valeur de réalisation (l’importance de la tâche) et
3. la valeur utilitaire (l’utilité de la tâche).
Ces aspects de la valeur subjective de la tâche prédisent surtout l’intention ou la
volonté de faire de l’individu. L’auto-efficacité prédit plutôt le succès à une
activité. Nous croyons que la motivation des élèves est influencée par la valeur
qu’ils attribuent à diverses tâches reliées à l’apprentissage avec l’ordinateur.
L’engagement des élèves dépend, à son tour, de cette évaluation qu’ils font des
tâches à réaliser. Clément et al. (1999) ont démontré, chez des élèves anglophones
participant à un camp d’immersion en langue française, que, plus les élèves aiment
apprendre et plus ils manifestent d’autonomie, plus ils font des efforts et plus
convaincus ils sont de continuer leur apprentissage.
Maehr (1984) définit l’engagement comme la motivation à effectuer une tâche en
dehors du contexte dans lequel elle a été apprise. À ce titre, l’engagement
représente l’effort personnel et indépendant à continuer un apprentissage entamé en
classe.
Nous croyons que cette notion d’engagement, ainsi définie,
constitue un critère significatif d’évaluation de l’impact de
l’ordinateur en milieu scolaire.
En fait, si l’ordinateur excite les sens de l’élève, la pédagogie qui l’accompagne,
elle, amène son engagement. C’est, en partie, ce que l’approche constructiviste en
apprentissage souhaite démontrer.
L’ordinateur incite-t-il l’élève à se dépasser, à dépasser les exigences
minimales de son travail régulier pour satisfaire une curiosité qu’il
croit pouvoir satisfaire maintenant qu’il utilise un ordinateur ?
Quelles sont les caractéristiques de l’ordinateur et de la pédagogie qui
l’accompagne qui donnent le goût à l’élève de se dépasser, d’être plus
curieux, de s’interroger plus profondément, de chercher des réponses
plus précises à une question intrigante ?
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La motivation à l’apprentissage quotidien est interprétée comme un engagement
général à l’apprentissage. Deci & Ryan croient que l’engagement à l’apprentissage
signifie que l’élève accomplit une tâche qu’il juge intéressante en soi. La valeur
subjective d’une tâche peut dépendre autant de la hiérarchie globale des objectifs
de cet élève que de la tâche elle-même. En fait, comment définit-on une tâche
intéressante en soi ? Ne serait-elle pas intéressante parce qu’elle est signifiante pour
l’élève ? Est-elle signifiante parce qu’elle cadre avec la hiérarchie des objectifs de
l’élève ?
3.11 La perception de soi et de la valeur de soi
Est-il possible que l’ordinateur amène l’élève à croire qu’il peut améliorer la
valeur de sa personne en l’intégrant à son apprentissage ? Covington (1984)
prétend qu’il existe un lien fonctionnel entre l’habileté, l’effort, le rendement et la
valeur de soi. Covington & Omelich (1982) ont démontré que 25 % de la variance
de la valeur de soi est prédite par le rendement, mais que 50 % de cette variabilité
est prédite par la perception qu’entretient l’élève de ses habiletés.
La mesure subjective des habiletés prédit mieux
la valeur de soi
que la mesure objective des habiletés.
Les élèves savent à quel point il est important d’intégrer l’ordinateur à leur vie et à
quel point l’ordinateur jouera un rôle prépondérant tout au long de leur vie. Il n’y a
pas qu’à l’école où ils observent la variété dans les applications de l’ordinateur.
L’ordinateur a envahi tous les milieux à l’échelle de la planète. Se familiariser
avec l’ordinateur peut signifier qu’ils accéderont plus aisément à leurs rêves et à
leur réussite personnelle et professionnelle.
Il est probable que les élèves ressentent une forte pression pour apprendre à
travailler à l’ordinateur aussitôt possible. Kimble écrit que
« Technology is now used throughout the world for gathering information,
keeping records, creating proposals, constructing knowledge, performing
simulations to develop skills, distance learning, and global collaboration for
lifelong learning and work. » (Kimble, 1999, p.1).
Mieux les élèves réussissent à l’ordinateur, plus habiles ils se sentent et, par
conséquent, meilleure est leur image d’eux-mêmes. En fait, l’intérêt des élèves
pour le travail à l’ordinateur peut signifier qu’ils ressentent vivement les attentes
de leur entourage, ce qui représente une autre source de motivation.
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3.12 L’autonomie
L’intégration des TIC change la relation de l’élève avec le savoir. Dans une
classe objectiviste, l’enseignant est responsable de mettre à la disposition de ses
élèves des contenus définis et même de leur transmettre ces informations dans une
séquence précise et à un rythme qu’il juge opportun. L’ordinateur intégré à la
pédagogie bouleverse cette dynamique. L’élève identifie ses sources d’information
sans ordre pré-établi et les organise à sa façon afin de leur donner un sens. Ainsi,
l’élève construit son savoir d’une manière personnelle, à moins qu’il fasse cette
construction en collaboration avec ses pairs.
Cette liberté dont jouit l’élève lorsqu’il utilise l’ordinateur pour son travail scolaire
peut représenter une source de motivation. Cette autonomie s’accompagne d’une
autre liberté que l’enseignant lui laisse généralement, celle de choisir son sujet de
travail. Il choisit donc ce qui l’intéresse et décide d’aborder son sujet d’une façon
personnelle. Qu’est-ce donc qui motive l’élève ? Travailler à l’ordinateur ou
simplement travailler sur un sujet qui l’intéresse profondément ? L’ordinateur, ici,
ne motive pas l’élève davantage : il ne fait qu’augmenter son efficacité à un projet.
Il y a donc un risque de ne pas pouvoir distinguer, dans bien des situations, la
motivation créée par la valeur intrinsèque de la tâche, la motivation créée par la
pédagogie qui accompagne la tâche et la motivation entraînée par l’exécution de la
tâche à l’ordinateur. On se sait plus très bien si la motivation de l’élève pour un
travail vient du côté accrocheur de son sujet ou parce que les TIC lui permettent de
réaliser efficacement son projet.
L’ordinateur n’est qu’un outil d’apprentissage. Par contre, il favorise de plus en
plus des pédagogies particulières, comme c’est le cas pour le constructivisme. La
pédagogie constructiviste, comme les autres, ne s’applique pas en pièces détachées.
C’est un ensemble cohérent. Une pédagogie qui se dirait constructiviste, mais qui
ne permettrait pas aux élèves de s’interroger sur des problèmes du monde réel,
raterait sa cible. Les nouvelles fonctions de l’ordinateur deviennent attrayantes
parce qu’elles facilitent l’application de pédagogies que nous croyons mieux
adaptées à l’apprentissage des élèves.
3.13 Les pratiques pédagogiques
Nous savons que la plupart des élèves sont fascinés par l’ordinateur. Nous pouvons
aisément constater ce vif intérêt. Jusqu'à présent, nous avons énuméré quelques
facteurs ou variables qui agissent sur la motivation de l’élève qui apprend à l’aide
de l’ordinateur. Une autre variable, les pratiques d’enseignement, retient
l’attention de nombreux chercheurs et pédagogues. Le contexte pédagogique est
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tellement important que nous y avons consacré un module. Nous considérons, en
fait, que les pratiques pédagogiques offrent des conditions d’apprentissage qui
peuvent ou ne pas être motivantes pour les élèves.
L’efficacité de l’apprentissage par ordinateur dépend autant
de la façon d’enseigner que de la nature du contenu.
L’ordinateur n’est pas un outil d’apprentissage comme l’appareil de projection,
l’encyclopédie, le téléviseur. Il se distingue surtout par son caractère interactif :
les autres outils étant plutôt passifs. Mais, ce n’est pas suffisant pour que sa simple
présence bouleverse le milieu d’apprentissage de la classe. Nous croyons même
qu’un encadrement pédagogique est plus nécessaire pour l’ordinateur que pour les
autres moyens conventionnels d’enseignement.
Pourquoi ?
Parce que l’élève devient le pilote de l’appareil
et non plus le passager !
Une augmentation dans la motivation des élèves ne signifie pas pour autant qu’ils
apprennent mieux, que leur apprentissage est plus riche. Il est possible que les
variations dans la motivation soient surtout dues à l’effet gadget de l’ordinateur.
Autrement dit, la mesure de la motivation des élèves envers l’ordinateur n’a de
véritable sens que si elle est reliée à l’apprentissage. Après tout, l’intégration des
ordinateurs en milieu scolaire ne vise pas à enjoliver le contexte d’apprentissage, à
lui donner une touche ludique ; elle vise plutôt à créer un environnement
d’apprentissage plus signifiant, plus efficace et mieux adapté aux élèves.
La pédagogie constructiviste existait bien avant l’avènement de l’ordinateur.
Toutefois, l’ordinateur facilite son actualisation. En parcourant les recherches sur
l’intégration de l’ordinateur, on formule vite l’équation suivante :
Pédagogie constructiviste = intégration réussie des TIC
Lorsque les pratiques d’enseignement deviennent plus
constructivistes, la motivation des élèves
augmente-t-elle ou diminue-t-elle ?
Plusieurs auteurs parlent d’un mariage parfait entre le constructivisme et
l’ordinateur, tellement qu’on pourrait croire que l’ordinateur entraîne dans son
sillon le constructivisme. En fait, c’est plutôt le contraire qui est souhaitable.
L’ordinateur favorise l’implantation d’une pédagogie constructiviste, mais en
autant que l’enseignant soit déjà convaincu des bienfaits de cette pédagogie.
ÎNous vous référons au module sur le constructivisme pour en savoir davantage sur le sujet.
L’impact des TIC sur la motivation des élèves Donald Long CRDE page 14
4. Le véritable impact de l’ordinateur
De toute évidence, le concept de motivation n’a d’importance que s’il est relié à
l’apprentissage des élèves, apprentissage qui dépend à son tour de la pédagogie qui
l’entoure. L’ordinateur, malgré ses fonctions spectaculaires et intrigantes, n’a de
valeur pour les pédagogues que s’il est intégré aux activités d’apprentissage. Une
fois cette intégration réalisée, on doit s’interroger sur la nature et la qualité de
l’apprentissage des élèves. Comment fait-on pour juger si l’apprentissage des
élèves est moins ou plus valable avec l’assistance de l’ordinateur ? Lorsque les
ressources le permettent, il est souhaitable de comparer des environnements
d’apprentissage entre eux afin de bien cerner les avantages et les inconvénients
d’une pédagogie assistée de l’ordinateur.
Par exemple, les élèves d’une classe régulière réalisent un projet qui porte sur la
pollution des eaux souterraines en utilisant des ressources conventionnelles telles
que la bibliothèque, une visite à un centre de dépollution, un compte-rendu écrit à
la main, et ainsi de suite. Les élèves d’une classe dite branchée s’adonnent au
même projet, mais bénéficient des moyens offerts par l’ordinateur. Une fois le
projet terminé, qu’est-ce que les élèves de la classe branchée ont acquis de
vraiment plus significatif que ceux de la première ? Certes, si les élèves de la classe
branchée manifestent plus d’intérêt tout au long du projet, l’ordinateur mérite une
attention particulière. Mais, ce n’est pas suffisant. L’ordinateur n’est pas seulement
introduit en classe pour stimuler l’intérêt des élèves, mais surtout pour les aider à
mieux apprendre et à développer leur plein potentiel.
Pourquoi ?
L’objectif ultime de l’école n’est pas de permettre aux élèves
d’acquérir des connaissances
mais de se former en tant que personnes
Tardif nous offre une vision encore plus large de l’effet de l’intégration de
l’ordinateur en classe. Il écrit:
« L’école pourrait notamment escompter que l’intégration des technologies de
l’information et de la communication constitue une chance unique d’influer
plus significativement encore sur le sens que les élèves accordent à l’école
ainsi que sur les connaissances qu’ils construisent et les compétences qu’ils
développent tout en accordant une attention particulière à leur motivation
scolaire et à leur développement personnel et social » (Tardif, 1998, p. 17).
L’efficacité de l’ordinateur en classe est mesurée à travers le rendement des
élèves. Les tenants de l’intégration de l’ordinateur applaudiront si les élèves
L’impact des TIC sur la motivation des élèves Donald Long CRDE page 15
réussissent mieux, en plus d’être davantage motivés. Ne serait-il pas mieux de juger
de la valeur de l’ordinateur en fonction de la pédagogie qui l’accompagne ?
Tout un monde sépare
l’introduction de l’ordinateur à la classe et
son intégration véritable à la pédagogie.
L’ordinateur suscite l’intérêt de la plupart des élèves. Mais, une fois cette
motivation accrue, les élèves font-ils des apprentissages plus signifiants, plus
durables et plus engageants ? L’ordinateur intégré à la classe nous fait croire qu’il
suscite la participation et l’engagement des élèves, puisque les élèves sont
davantage motivés. Les apparences pourraient être trompeuses. Newmann définit
ainsi le concept d’apprentissage participatif si cher aux constructivistes : «
Engagement is more than motivation or the general desire to succeed in school. It
involves participation, connection, attachment, and integration in particular
settings and tasks. » (Newmann, 1989, p. 34). Plus loin dans son texte, il fait la
recommandation suivante aux éducateurs :
« …educators should examine proposed interventions for the extent to which
they channel the need for competence toward success in academic work, offer
students increased access to extrinsic rewards, cultivate the study of
intrinsically interesting and valuable material, provide consistent social
support, and maximize student ownership of learning. » (Newmann, 1989, p.
36).
Selon quelle approche et quels critères jugeons-nous
l’influence de l’intégration des TIC à la classe ?
Justement, l’enseignement assisté de l’ordinateur peut constituer l’une des
interventions pédagogiques qui permettraient aux élèves d’atteindre les objectifs
proposés par Newman. Lorsque ce dernier parle de « particular settings and tasks
», comme nous venons de le souligner plus haut, il se réfère à la pédagogie, aux
pratiques éducatives de l’enseignant.
Nous doutons fort que l’ordinateur moderne, même équipé jusqu’aux dents de
logiciels d’applications sophistiquées, provoque à lui seul une révolution en
éducation. Par contre, s’il provoque un remous dans la pédagogie, l’ordinateur
pourrait devenir la source d’une révolution dans l’enseignement. L’ordinateur peutil agir sur l’environnement de la classe, sur les pratiques pédagogiques des
enseignants ?
L’impact des TIC sur la motivation des élèves Donald Long CRDE page 16
Le contexte de la classe influence la motivation des élèves et, indirectement, leur
rendement. Certaines recherches démontrent que les nouvelles technologies en
classe augmentent la complexité des tâches pour les élèves, augmentent leur
motivation et entraînent des changements dans l’organisation de la classe (Baker,
Gearhart, Herman 1994; Dwyer, Ringstaff, & Sandholtz (1990; Means & Olson
(1995). La nouvelle organisation de classe rend l’élève davantage autonome,
l’incite à l’entraide avec ses pairs, en plus de faire de l’enseignant un facilitateur
plus souvent qu’autrement.
N’est-ce pas ironique que les élèves à risque soient davantage motivés à
l’apprentissage lorsqu’ils se retrouvent face à des situations plus complexes
qu’à l’habitude ? Cet exemple nous invite à réfléchir. Qui aurait cru que des
élèves, en voie de décrocher de l’école, s’intéresseraient à nouveau à
l’apprentissage, mais à condition que l’environnement soit plus complexe et
non pas plus simple ?
Le vif intérêt des élèves envers l’ordinateur ne serait-il
pas attribuable à sa complexité,
provoquant du coup un défi à surmonter ?
L’usage qui est fait de l’ordinateur dans une classe n’est pas toujours pour stimuler
l’apprentissage participatif. Plusieurs logiciels sont plutôt conçus pour que l’élève
exerce des habiletés spécifiques dans une matière sans interagir avec d’autres. Les
récentes innovations en technologie nous font croire que leur intégration en classe
aura des répercussions profondes sur la pédagogie. L’essor que connaît la
pédagogie constructiviste n’est pas étranger à l’évolution de la technologie. Green
(1996) prétend que les enseignants demandent plutôt des outils technologiques qui
exigent des élèves de travailler en interaction sur des applications et des problèmes
réels, et qui font appel à la recherche, à la planification, à la composition, et à la
communication.
L’ordinateur a une influence directe sur la motivation de l’élève ; personne n’ose
contester cette réalité observable. Par contre, son influence indirecte, en passant par
la pédagogie de l’enseignant, sera tout aussi considérable. Nous avons consacré un
module à l’impact que l’ordinateur aura sur les pratiques pédagogiques des
enseignants.
5. Conclusion
Comment explique-t-on la motivation des élèves envers l’apprentissage appuyé
des TIC ? Nous pouvons déjà prédire que les recherches sur ce sujet vont continuer
de pleuvoir au cours de la prochaine décennie au moins. L’ordinateur ne constitue
L’impact des TIC sur la motivation des élèves Donald Long CRDE page 17
pas, cependant, une panacée comme nous l’avons cru il y a un quart de siècle.
Notre vision de l’impact de l’ordinateur sur l’apprentissage des élèves gagne en
réalisme. L’ordinateur ne remplacera pas l’enseignant. Bien au contraire, nous
croyons que les élèves auront de plus en plus besoin de l’enseignant pour qu’ils
puissent utiliser cet outil de façon efficace, même dans une classe où l’on
privilégie le constructivisme. Pourtant, le constructivisme encourage l’autonomie et
la liberté de production et d’expression chez l’élève.
Pour les parents, entre autres, l’ordinateur crée des attentes, car ils sont en mesure
de constater l’intérêt soutenu de leurs enfants lorsqu’ils s’assoient devant l’écran.
Les parents croient que leurs enfants seraient plus engagés envers leur travail
scolaire si seulement l’ordinateur était intégré à l’enseignement. Cette attente est
réaliste, mais difficile à réaliser. Lorsque leurs enfants passent des heures à
l’ordinateur, que font-ils vraiment ? L’ordinateur est-il pour eux un objet de
divertissement ou un outil d’apprentissage ? S’en servent-ils pour communiquer
surtout avec leur réseau d’amis ? Naviguent-ils dans un univers d’information sans
vraiment parvenir à mieux former leur esprit ?
D’innombrables facteurs font que l’utilisation de l’ordinateur en milieu scolaire
suscite l’engagement, du moins l’intérêt des élèves. On ne s’interroge plus à savoir
si l’ordinateur aura un impact dans l’enseignement. L’interrogation porte plutôt sur
le genre d’impact que nous souhaitons. Par conséquent, les pédagogues ont la
responsabilité de définir les pratiques pédagogiques les plus appropriées pour
que cette intégration débouche sur de meilleurs apprentissages pour l’élève.
Malgré les fonctions spectaculaires de l’ordinateur, il n’est pas à lui seul un outil
d’apprentissage, pas plus que la craie, le livre ou le tableau.
L’ordinateur, aussi puissant et versatile qu’il puisse
être, n’est pas accompagné d’un livret de directives à
suivre lorsqu’il est introduit dans la classe
Au fil de notre recension des écrits sur le sujet de la motivation des élèves à l’égard
des technologies nouvelles, nous avons constaté à quel point tous les auteurs
s’entendent pour dire que l’ordinateur agit avant tout sur les méthodes
d’enseignement. Tous sont d’accord, par ailleurs, pour soutenir que ce revirement
dans les méthodes d’enseignement ne survient que lorsque les enseignants ont
au préalable endossé une nouvelle position épistémologique à l’égard de
l’apprentissage et de l’enseignement. L’arrivée de l’ordinateur ne fait que
précipiter un changement qui attendait dans la salle d’attente pour ainsi dire.
L’impact des TIC sur la motivation des élèves Donald Long CRDE page 18
La magie de l’ordinateur, c’est d’inciter de plus en plus
d’enseignants à modifier leurs pratiques pédagogiques
selon une nouvelle perspective
Le seul fait de transformer la pédagogie de la classe rend obsolète la comparaison
entre le rendement des élèves d’une classe traditionnelle et le rendement des élèves
d’une classe branchée. La nature de ces deux types de classe diffère tellement que
le rendement des élèves n’est pas le meilleur critère pour évaluer les bienfaits des
technologies intégrées à la classe. Pourtant, bien des recherches tentent de le faire.
D’autres recherches osent aussi comparer ces deux types de classe selon un critère
standard, par exemple des tests normatifs abondamment utilisés dans plusieurs
matières scolaires. On est en droit de s’attendre que la nature de plusieurs
recherches va changer.
Nous croyons que de plus en plus de recherches vont étudier la relation entre les
pratiques pédagogiques et l’impact sur la cognition, la motivation et le
développement des élèves en tant que personnes et non seulement en tant
qu’apprenants.
L’impact des TIC sur la motivation des élèves Donald Long CRDE page 19
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