1 - Chez Albert

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1 - Chez Albert
Entre Pagnol et polar, point de salut ?
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Ecrivains marseillais
Entre Pagnol et polar, point de
salut ?
- Feuilletons - Marseille se livre -
Date de mise en ligne : dimanche 6 novembre 2011
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Entre Pagnol et polar, point de salut ?
Exercice d'écriture ; combinez les éléments suivants : écrivain marseillais, roman se déroulant à
Marseille, refus des stéréotypes pagnolesques et du polar marseillais, succès critique et/ou public. «
Marseille et Paris sont les seules villes-mythe de France », tranche l'écrivain Olivier Boura [1].
Pourtant, depuis près d'un demi-siècle, les auteurs phocéens doivent batailler sans relâche pour
sortir du double carcan de la pagnolade et du roman noir.
Une époque terminée. Nourrie par les films de Pagnol, ses mémoires et leurs adaptations au cinéma, la vision «
provençale » de Marseille ne constitue plus aujourd'hui pour les éditeurs un fond de commerce national, en dehors
des rééditions du maître.« L'époque décrite par Pagnol est terminée, notait en 2006 l'écrivain et cinéaste Philippe
Carrese [2]. Sa vision était pertinente mais la société, les moeurs, le langage et les codes ont radicalement changé.
» Reste tout de même un fond : on peut pas parler de Marseille sans personnage populaire et haut en couleurs, sans
accent et/ou expressions typiquement locales. Bref, sans faire du Daniel Pennac qui, au lieu de se dérouler à
Belleville-20e-Paris-bord de Seine, se passerait au Panier-Marseille-2e-bord de la Méditerranée.
Zola et le polar marseillais. Le stéréotype policier est paradoxalement celui qui a la vie la plus dure. Peut-être
parce qu'il plonge ses racines plus profondément encore dans l'histoire de la ville. Dès 1867, Émile Zola adapte à la
Provence la série d'Eugène Sue et rédige en feuilleton les Mystères de Marseille, en se basant sur des archives
judiciaires. Dans les années 1930, les kiosques de gares proposent les aventures de Marius Pegomas, détective
marseillais. L'explosion ne viendra cependant vraiment qu'en 1995 avec Jean-Claude Izzo et Total Khéops. Le
roman d'Izzo est un polar dans le sens noble du terme : la société, et donc la ville dans laquelle se déroule l'intrigue,
y est un personnage à part entière. Marseille devient héroïne de policier. Une carrière pas tout à fait volée : « l'auteur
de polar n'a nul besoin d'avoir une imagination débordante : à Marseille, il n'a qu'à se baisser... La réalité dépasse
souvent la fiction. », pointe l'écrivain marseillais Maurice Gouiran [3]. Cette rencontre entre un gisement et une
demande entraîne une véritable déferlante de polars marseillais : « à une époque, chaque maison d'édition cherchait
son auteur marseillais » se souvient Philippe Carrese [4]. Quinze après, l'engouement est retombé, mais pas tout à
fait tari : inspirés de la véritable histoire de la pègre marseillaise dans les années 1970, les polars du néo-Marseillais
Franz-Olivier Giesbert réalisent de beaux scores en librairies. Le succès des Nouveaux mystères de Marseille de
Jean Contrucci ne se dément pas.
Passer la ville au second plan. Médias et éditeurs campent donc sur leurs positions : un Marseillais, ça fait
(principalement) du policier ou (un peu) de la néo-pagnolade. La faute à un milieu littéraire trop frileux ? « C'est trop
facile de dire que l'ennemi est à Paris, estime l'écrivain Gilles Ascaride [5]. Il est ici aussi. » Frilosité, attentisme,
suivisme par rapport à la capitale pourtant honnie... Rares sont les auteurs à avoir percé à Marseille avant d'être
reconnus à Paris, ou à avoir percé tout court en dehors des stéréotypes. Pour tenter de sauter la barrière, plusieurs
auteurs se réclamant de « l'over-littérature » proposent de faire passer Marseille au second plan et s'appuyer sur «
l'esprit marseillais ». « Nous avons de quoi !, tempête Henri-Frédéric Blanc [6]. Une vis comica inimitable, une longue
tradition satirique, une fantastique puissance de dérision et d'auto-ironie, un irrespect merveilleusement fécond, le
don de l'amplification poétique, une haine de tout carcan, une curiosité insatiable et, ne craignons pas de le dire, un
certain mauvais goût qui est bien souvent le sésame de l'inspiration... Il faut nous pousser à être marseillais, non
pour Marseille mais pour la culture française. » Langage malaxable à l'envi, gouaille et inspiration populaires, les «
over-écrivains » veulent s'affranchir des cadres de sujet et de style. « La « marseillitude » c'est un fourre-tout, assure
l'écrivain et éditeur marseillais Jean-Marc Valladier [7]. Être marseillais ça peut être dans l'esprit, sans
nécessairement parler du Vieux-Port. » L'over-littérature ne trouve pour le moment que des éditeurs marseillais. Une
stratégie de conquête par le Sud plutôt que le Nord.
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Entre Pagnol et polar, point de salut ?
[1] Marseille ou la mauvais réputation, édition Arléa, 1998.
[2] Des écrivains dans la ville, revue Marseille, juin 2006
[3] Des écrivains dans la ville, revue Marseille, juin 2006
[4] Débat sur l'over-littérature, 4 novembre 2011 à Septèmes.
[5] Débat sur l'over-littérature, 4 novembre 2011 à Septèmes.
[6] Discours sur l'universalité de l'esprit marseillais, L'Ecailler du Sud, 2005.
[7] Débat sur l'over-littérature, 4 novembre 2011 à Septèmes.
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