Histoire - memoria.dz

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Histoire - memoria.dz
Lettre de l'Editeur
Pour une vive
mémoire
AMMAR KHELIFA
[email protected]
es nations se hissent par le savoir et se maintiennent par la mémoire. C’est cet ensemble
d’événements qui se créent successivement aujourd’hui pour qu’un jour on ait à le nommer
: Histoire. Sans cette mémoire, imbue de pédagogie et de ressourcement, l’espèce humaine
serait tel un atome libre dans le tourbillon temporel et cosmique.
L’homme a eu de tout temps ce pertinent besoin de vouloir s’amarrer à des référentiels et
de se coller sans équivoque à son histoire. Se confondre à un passé, à une ancestralité. Cette
pertinence va se confiner dans une résistance dépassionnée et continue contre l’amnésie et les
affres de l’oubli. Se contenir dans un souvenir, c’est renaître un peu. L’intérioriser, c’est le revivre ; d’où cette ardeur
permanente de redécouvrir, des instants durant, ses gloires et ses notoriétés.
En tant que mouvement dynamique qui ne s’arrête pas à un fait, l’Histoire se perpétue bien au-delà. Elle est
également un espace pour s’affirmer et un fondement essentiel dans les domaines de prééminence et de luttes.
Transmettant le plus souvent une charge identitaire, elle est aussi et souvent la proie pitoyable à une éventualité
faussaire ou à un oubli prédateur. Seule la mémoire collective, comme un fait vital et impératif, peut soutenir la
vivacité des lueurs d’antan et se projeter dans un avenir stimulant et inspirateur. Elle doit assurer chez nous le
maintien et la perpétuation des liens avec les valeurs nationales et le legs éternel de la glorieuse révolution de
Novembre.
Il est grand temps, cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, de percevoir les fruits de
l’interaction et de la complémentarité entre les générations. Dans ce contexte particulier et délicat, les moudjahidate
et moudjahidine se doivent davantage de réaffirmer leur mobilisation et leur engagement dans le soutien du processus
national tendant à éterniser et à sacraliser l’esprit chevaleresque de Novembre. Ceci n’est qu’un noble devoir envers
les générations montantes, qui, en toute légitimité, se doivent aussi de le réclamer. A chaque disparition d’un acteur,
l’on assiste à un effacement d’un pan de notre histoire. A chaque enterrement, l’on y ensevelit avec une source
testimoniale. Le salut de la postérité passe donc par la nécessité impérieuse d’immortaliser le témoignage, le récit
et le vécu. Une telle déposition de conscience serait, outre une initiative volontaire de conviction, un hommage à
la mémoire de ceux et de celles qui ont eu à acter le fait ou l’événement. Le témoignage devrait être mobilisé par
une approche productive d’enseignement et de fierté. Raviver la mémoire, la conserver n’est qu’une détermination
citoyenne et nationaliste. Toute structure dépouillée d’histoire est une structure sans soubassement et toute Nation
dépourvue de conscience historique est une nation dépourvue de potentiel de créativité et d’intégration dans le
processus de développement.
C’est dans cette optique de rendre accessibles l’information historique, son extraction et sa mise en valeur que l'idée
de la création de cette nouvelle tribune au titre si approprié : Memoria, a germé. Instrument supplémentaire dédié
au renforcement des capacités de collecte et d’études historiques, je l’exhorte, en termes de mémoire objective, à
plus de recherche, d’authenticité et de constance.
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LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
(3)
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Supplément
N°15-Juillet-2013
P.06
P.25
Fondateur Président du Groupe
AMMAR KHELIFA
Président d’honneur
Abdelmalek SAHRAOUI
Coordination
Sonia BELKADI
Direction de la rédaction
Assem MADJID
Directeur des moyens généraux
Abdessamed KHELIFA
D.A.F
Meriem KHELIFA
LE JOUR DE L'INDéPENDANCE
Ils ont contribué avec nous
Dahou Ould Kablia
Ministre de l’Intérieur et des
Collectivités locales et président de
l’Association nationale du ministère
de l’Armement et des Liaisons
générales (AN-MALG)
wilayas historiques
Indépendance de l'Algérie
P.13
P.06 Histoire
L’Algérie à l’indépendance
union et sentiment national
P.11 Histoire
Le premier juillet 1962
la parole retrouvée
Rédaction
Zoubir Khélaifia
Leïla BOUKLI
Boualem TOUARIGT
Abderrachid MEFTI
Adel FATHI
Djamel BELBEY
Hassina AMROUNI
Imed Kenzi
Abdelhakim Meziani
Direction Artistique
Halim BOUZID
Salim KASMI
Réda Hassene DAOUADJI
P.19 Histoire
De Gaulle veut éviter l’indépendance
Il sous estime la force du sentiment national
Tous les chefs des Wilayas historiques
P.19
P.27 Histoire
wilaya I
Benboulaïd et son héritage
P.31 Portrait
Le chahid Ali Souaihi
Le vaillant guerrier et charismatique chef
P.35 Histoire
Contacts : Eurl COMESTA MEDIA
N° 181 Bois des Cars 3
Dely-Ibrahim - Alger - Algérie
Tél. : 00 213 (0) 661 929 726 / +213 (21) 360 915
Fax : +213 (21) 360 899
E-mail : [email protected]
[email protected]
REFeRENDUM
Wilaya II
Le grand élan du Nord-Constantinois
CHARLES DE GAULLE
P.31
P.43 Histoire
Wilaya III
Krim Belkacem : un politique à la tête du maquis
P.61 Histoire
Wilaya IV
Les légendaires chefs de la wilaya IV
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Supplément offert, ne peut être vendu
ALI SOUAïHI
P.29
P.39
P.57
Supplément du magazine
ELDJAZAIR.COM
consacré à l’histoire
COPYRIGHT
COMESTA MÉDIA
GROUPE PROMO INVEST
Edité par COMESTA MÉDIA
Dépôt légal : 235-2008
ISSN : 1112-8860
hADJ LAKHDAR
Youcef Zighoud
MOHAND OULHADJ
P.74
P.70
HOUARI BOUMEDIENE
Tous les chefs des Wilayas historiques
P.80
P.73 Histoire
Wilaya V
entre diversité et complexité
P.77 Histoire
Wilaya VI
D’Ali Mellah à Si El-Haouès : batailles sur tous les fronts
P.83 Histoire
Wilaya VII
LA REVOLUTION S'IMPLANTE AU COEUR DE LA FRANCE
GUERRE DE LIBERATION
COLONEL CHAABANI
P.85
P.87 Histoire
Moment de grande émotion à travers l’Algérie en ce mois de juin.
Ahmed Zabana et Abdelkader Ferradj revisités
P.93 Histoire
Lorsque le remodelage du passé à l’image du présent devient
chose courante
HISTOIRE D'UNE VILLE
P.99
JIJEL
JIJEJ : La perle de la Méditerranée
OMAR BOUDAOUD
P.88
AHMED ZABANA
SOMMAIRE
SALAH ZAMOUM
L’Algérie à
l’indépendance
union et
sentiment
national
Par Boualem Touarigt
Indépendance de l'Algérie
L
Histoire
e 19 mars 1962 est
la date historique
certainement
la
plus porteuse de
sens dans l’histoire
contemporaine du
peuple algérien. Celui-ci se voyait
reconnaître le droit de s’exprimer
librement sur son sort. En fait, le
gouvernement français trouvait
la solution qui lui semblait la plus
conforme à ses intérêts et lui évitait de se plier aux exigences de son
adversaire le FLN. Cette solution
pourtant était contenue dans l’appel du 1er novembre qui proposait
de négocier sur la base de la reconnaissance du droit du peuple algérien à l’indépendance. Les accords
du 19 mars concluaient une longue
phase plus que centenaire de luttes,
parfois éparpillées et spontanées,
de longs efforts de travail politique
et de consolidation de l’union nationale, parachevés par une forme
violente de combat qui a pu imposer une solution politique juste.
Les Algériens arrivaient en 1962
avec de grands acquis : l’idée nationale, la volonté d’indépendance
s’étaient profondément ancrées au
sein de la population. Dès 1945, le
refus de l’assimilation, le sentiment
d’exaspération, le sentiment de révolte étaient tellement forts et perceptibles. Les conditions politiques
de la lutte de libération nationale
étaient alors rapidement réunies
avec le rejet des solutions conciliatrices vis-à-vis du système colonial
et le succès des actions unitaires
des différentes composantes du
Scène de liesse à l'annonce des résultats du référendum
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
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Indépendance de l'Algérie
Histoire
Djoundi de l'ALN
mouvement national. Celui-ci prenait alors forme : dirigé par les
élites politiques issues du mouvement populaire, il s’appuiera sur
les couches les plus pauvres des
campagnes puis des villes envers
lesquelles il mènera un patient travail d’organisation et de formation
politique. Il regroupera aussi les
représentants des courants politiques moins radicaux qui prendront une place importante
dans la direction politique
de la guerre de libération
nationale. Le FLN créa les
conditions de sa victoire.
Il capitalisa la forte volonté d’indépendance
qui toucha toutes les
catégories de la population et s’en tint à sa
stratégie : imposer les
solutions
politiques
par l’extension de la
lutte armée, préserver
l’unité nationale, être
prêt à négocier le meilleur compromis possible,
une fois reconnu le droit
à l’indépendance nationale.
Le gouvernement français ne
voulut jamais reconnaître cette
indépendance. Devant l’ampleur
de la révolte, il tenta de dégager une
élite algérienne prête à accepter la
domination française moyennant
un élargissement limité des droits
politiques et une amélioration des
conditions de vie. Aux propositions de Soustelle qui alla jusqu’à
suggérer une réforme agraire, succédèrent les grandes annonces du
général de Gaulle. De 1954 à 1962,
des gouvernements de sensibilités
politiques différentes refusèrent
l’indépendance, cherchèrent la
victoire militaire sur
les combattants
de l’ALN
et ten-
t è rent de
dégager une
élite politique algérienne docile. De Gaulle
fut le plus tenace, étant sûr d’imposer une solution néocoloniale
De Gaulle à Alger en 1958
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Indépendance de l'Algérie
Histoire
qu’il réussit d’ailleurs en Afrique,
refusant au FLN le droit d’être le
représentant de tous les Algériens, ne voyant
en lui qu’une
tendance
qu’i l
que les grandes opérations ne permirent jamais la « pacification »
recherchée. Ils se mirent en mouvement dans les villes pour faire
échec aux manœuvres politiques.
Le gouvernement français ne trouva pas son élite locale. La stratégie
d’union du FLN regroupa autour
de lui toutes les catégories d’Algériens.
Femmes de l'ALN
Un sentiment national
très fort
n’a
pas pu
éliminer
militairement et
qu’il chercha à domestiquer. Les Algériens résistèrent
aux offensives militaires et firent
En 1962, l’Algérie arrivait à
l’indépendance dans des
conditions extrêmement
difficiles : une population vivant dans la pauvreté, à plus de 90%
analphabète, une production en recul dans
tous les domaines.
L’encadrement,
les
activités économiques
étaient aux mains
de la minorité européenne. On estimait
à un millier le nombre
de médecins, dans leur
très grande majorité européens. Les divergences qui
apparurent au grand jour
au congrès de Tripoli furent
limitées à des conflits entre des
dirigeants du FLN. Les choix idéologiques ne furent pas la cause des
clivages politiques. Les accords
d’Evian contenaient d’importantes
concessions. Le FLN accepta la coopération économique, la préservation des intérêts français et reconnut
de lui-même d’importants droits et
garanties à la minorité européenne.
Krim Belkacem
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
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Indépendance de l'Algérie
Histoire
Benyoucef Benkhedda, le président du GPRA
Ces concessions furent approuvées par le CNRA et par
les leaders alors emprisonnés. Après le 19 mars, tout le
monde s’appliqua à respecter strictement ces accords.
L’Algérie était alors un pays essentiellement rural, dont
la société était très marquée par les clivages traditionnels et des archaïsmes. La prééminence des liens familiaux, villageois ou tribaux ne pesa pas devant un sentiment national très fort et même exaspéré par les années
de luttes. L’Algérie connut certes des incidents armés
entre combattants de l’ALN. Mais elle ne connut pas
de guerre civile que beaucoup voyaient inévitable, les
populations ne se replièrent pas sur une appartenance
tribale ou régionale et partout elles s’opposèrent aux
affrontements entre combattants. Les efforts d’union et
de rapprochement menés durant la lutte mirent en avant
des commandements militaires qui n’avaient pas été
marqués par des rivalités régionalistes ou des regroupements sur des bases familiales ou tribales.
En plus de ce fort sentiment national, de cette volonté
d’union, les malheurs de la guerre de libération nationale
et la participation populaire avaient renforcé une idéologie très répandue faite d’égalitarisme, de sentiment de
justice, de rejet des privilèges, de refus de l’exploitation.
Cela allait marquer très fortement les politiques économiques qui seront suivies par la suite. Le programme de
Tripoli qui en portait l’empreinte profonde fut approuvé
à l’unanimité.
Boualem Touarigt
La population accueille triomphalement les combattants de l'ALN dans la capitale, le 5 juillet 1962
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Le premier
juillet 1962
la parole
retrouvée
Par Boualem Touarigt
Indépendance de l'Algérie
L
es accords d’Evian
qui reconnaissaient
au peuple algérien
le droit de choisir librement son destin,
prévoyaient un scrutin d’autodétermination. En fait, ces
accords reconnaissaient l’indépendance de l’Algérie par la France,
qui tenait à préserver des formes
politiques et juridiques du passage
à l’indépendance. Le FLN, qui fut
toujours considéré comme une tendance, certes active et irréductible,
par le général de Gaulle comprit
l’importance de l’enjeu et reconnut
très tôt la nécessité de compromis
inévitables. Comme la souveraineté
pleine et entière du nouveau gouvernement algérien était reconnue
dans tous les domaines (défense
comprise) et sur un territoire indivisible, le FLN accepta une présence
temporaire de bases militaires et la
garantie des investissements. Il proposa lui-même des textes qui accordaient de larges droits à la minorité
européenne.
Histoire
Les combattants de l'ALN en 1962
La gestion d’une période transitoire
fut confiée à un Exécutif provisoire
composé de douze membres dont
neuf Algériens. L’armée française
n’eut plus de compétence opérationnelle et pour garantir la neutralité du
scrutin, l’Exécutif mit en place une
nouvelle armée de 60.000 hommes,
la « force locale » composée d’Algériens auxiliaires de la gendarmerie
Accords d'Evian
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
et des groupes mobiles et appelés
dans l’armée française. Il eut aussi
pour tâche d’accélérer l’algérianisation de l’administration. Il assura
les conditions du scrutin d’autodétermination. Celui-ci fut fixé au
dimanche 1er juillet 1962.
L’Algérie allait connaître pendant
cette courte période de trois mois
et demi un déchaînement inouï de
Référendum sur l'autodétermination
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Indépendance de l'Algérie
Histoire
Des Algériens s'exprimant le jour du référendum
violences à attribuer aux commandos de l’OAS. Ce furent les massacres aveugles visant les Algériens,
les destructions systématiques de
maisons et des édifices publics. Cela
prit fin d’une manière inattendue
par un accord de cessez-me feu signé par des dirigeants de l’OAS et
des représentants de l’Exécutif provisoire le 17 juin.
Le scrutin eut lieu dans le
calme
Le scrutin eu lieu le dimanche 1er
juillet 1962, dans 6.000 bureaux de
vote ouverts de huit heures à dixhuit heures. Partout la population
algérienne vécut ce moment historique dans l’allégresse et des manifestations de joie extraordinaires.
Ce que l’on doit retenir c’est que
partout l’ordre fut préservé. Les
combattants de l’ALN rentrèrent
dans les grandes villes et firent
régner l’ordre. Les quelques cas de
pillage firent sévèrement sanctionnés. Les correspondants de presse
Les soldats français sur le point de quitter l'Algérie
Atrocités de l'OAS
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 13 )
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Indépendance de l'Algérie
Histoire
Photos de pieds-noirs dans le port d'Alger
témoignèrent de l’attitude bienveillante des Algériens
envers les étrangers et les pieds-noirs. Ceux-ci furent
très souvent protégés par les combattants de l’ALN.
Le cas d’Oran fut particulier. Une provocation des
éléments de l’OAS restés dans la ville fit officiellement 95 morts et 163 blessés parmi les Algériens et les
pieds-noirs. Le GPRA condamna et appela au calme.
Une commission mixte d’enquête établit l’existence de
tirs de provocation. Des soldats français stationnés à
la place Foch répliquèrent aux tirs venus des terrasses.
De son côté, le FLN prit des dispositions extrêmement sévères pour maintenir l’ordre et protéger les
Européens. Le chef de l’ALN, le capitaine Bakhti prit
alors des mesures exceptionnellement sévères envers
les Algériens coupables de dépassements. Il reconnut même : « Après avoir été jugés pour assassinats,
pillages ou port d’armes, plusieurs dizaines de musulmans ont été déjà condamnés à mort par des tribunaux de l’ALN et exécutés. Plusieurs autres criminels seront jugés et exécutés au cours des prochaines
vingt-quatre heures. »
Les Pieds noirs créèrent la surprise en allant voter
nombreux. On estimait alors à 300.000 le nombre
d’entre eux qui avaient quitté le pays. Les présents votèrent en masse. Ils ne furent nulle part inquiétés, le
FLN ayant sévi avec la plus grande fermeté envers les
cas de dépassement constatés. Tout le monde constata
l’attitude conciliatrice de la population algérienne et
des responsables du FLN.
Les Pieds Noirs d’Alger : l’expectative
avec quelques lueurs d’espoir
Dans les grandes villes vers lesquelles s’étaient repliés
lDans les grandes villes vers lesquelles s’étaient repliés
les Européens, la situation était tendue depuis plusieurs jours. Les nouvelles autorités n’arrivaient pas à
assurer la sécurité. Les pillages se multipliaient et surtout les vols de voitures. Les combattants de l’ALN
en tenue et armés firent leur apparition à Alger, organisant des patrouilles même dans les quartiers européens. La presse française rapporta qu’ils sévirent
fermement contre les pillards. Un journaliste déclara
avoir vu un jeune Algérien se promener dans la ville
portant au cou une pancarte : « Je suis un voleur. »
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Indépendance de l'Algérie
Histoire
Des Européens témoignèrent s’être plaints à un responsable FLN de Belcourt qui leur restitua les objets
volés. Les victimes de spoliation se virent réintégrés
dans leurs biens par des responsables FLN qui bastonnèrent les occupants abusifs. On note un changement d’attitude chez les pieds-noirs. Gérard Maron du
Figaro note : « Les partants sont toujours nombreux
mais les départs ne sont plus massifs ni surtout précipités. Ils s’échelonnent dans le temps. On ne part plus
avec deux valises, tenaillé par la peur. On prend le
temps de boucler les malles et de mettre ses affaires en
ordre pour un éventuel retour. C’est l’expectative avec
quelques lueurs d’espoir. Signe spectaculaire de cette
chute soudaine de la fièvre de l’exode : on ne fait plus
la queue des journées et des nuits entières devant les
guichets des compagnies aériennes et maritimes. On
ne patiente plus aux portes des postes et des banques.
»
A Bab el Oued, ancien fief des extrémistes de l’OAS,
le quartier est silencieux mais a retrouvé un semblant
de vie normale. A côté de la légendaire place des trois
horloges, ils sont des centaines d’Européens à se presser dans l’école de filles de la rue de Normandie, faisant la queue devant les isoloirs. Un commentateur
français note : « Celle qui fut la ville de tous les « non
» et de toutes les passions a donc dit oui dans un calme
quasi-total. »
Dans les quartiers, c’est la liesse populaire. Ils sont des
milliers à parcourir la ville, chantant et dansant. Les
enfants sont en uniforme : pantalons (ou jupe pour
les filles) en vert, chemise blanche et cravate rouge.
Les haut-parleurs déversent sans discontinuer les nouveaux hymnes qui ne sont pas tous à connaître et qui
sont vite appris. Les tenues sont pleines de paillettes
en formes d’étoiles et de croissant. Partout on vend
des calots rutilants en vert et rouge. L’envoyé d’un
journal note : « J’ai vu des maquisards de l’ALN doubler la force locale à la porte des écoles, des mairies,
des mosquées, aidés par les fedayin en civil. A travers toute l’Alger musulmane, c’était la marée. Partout
s’allongeaient des files interminables patientant pendant des heures. Les infirmières avaient fort à faire.
Il y eut de nombreux évanouissements. Cette participation monstre des musulmans était prévue, mais
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 15 )
Les Algériens exultent de joie le jour de l'Indépendance
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Indépendance de l'Algérie
Histoire
L'indépendance fêtée en Kabylie
Les Français d'Algérie s'opposent à l'indépendance
elle s’est déroulée dans un climat
de dignité et de maturité politique
qui a étonné les observateurs. » Le
journaliste du Figaro apporte ce
témoignage : « Nulle part en ces
heures de liesse musulmane je n’ai
noté le moindre acte de vengeance,
le moindre geste de colère. Je me
suis promené seul dans la Casbah,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
parmi la masse exubérante et bariolée. Sans me connaître, on m’a
interpellé au passage à plusieurs
reprises, avec le sourire, pour
m’offrir le thé à la menthe ou la
kahoua de la réconciliation. » Un
autre correspondant apportera son
témoignage le 4 juillet : « Au cours
de cette explosion de joie popu-
( 16 )
laire des musulmans, il n’y a pas
eu le moindre incident, pas l’ombre
d’une provocation, pas un geste de
colère ou de menaces. Il faut souligner ce sang-froid des musulmans
comme la sagesse et la raison dont
on fait preuve les Européens noyés
au milieu de cette kermesse de style
castriste. Sur le visage de ces jeunes
musulmans qui, aux limites du délire criaient leur joie, leur foi et leur
espoir, on ne lisait ni la haine ni la
vengeance. » Le même journaliste
est présent dans Alger le lendemain : « Des soldats de l’ALN, des
scouts, des gamins en uniforme,
des chorales de jeunes filles FLN
défilent au pas en chantant des
chants révolutionnaires. Toute la
population de cinq à soixante-dix
ans apprend à marcher au pas. » Il
a même remarqué un vieux notable
défilant à cheval à la rue d’Isly précédant des habitants de son village
qui défilent au pas. « Dans la rue
Michelet, un fourgon à bestiaux
déboule en trombe : une cinquantaine de femmes kabyles en longues robes bariolées s’y entassent
les unes sur les autres, poussant
des youyous. J’ai même vu passer
un fourgon mortuaire plein à craquer de jeunes, de vieux, de grandmères et de toute une marmaille
hurlant d’allégresse… »
Oran : les commandos de
la mort viennent à peine de
partir
A Oran, les Européens ont parA
Oran, les Européens ont participé
au scrutin plus nombreux qu’on
ne l’imaginait. Un correspondant
note le 1er juillet : « Les comman-
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Indépendance de l'Algérie
Histoire
dos armés de l’OAS sont partis et Jean Micheletti leur
dernier chef irréductible aussi. Les bateaux espagnols
qui ont opportunément mouillé hier dans le port ont
levé l’ancre cet après-midi » Dans la ville européenne,
la place des victoires et le boulevard général Leclerc,
ces anciens fiefs de l’OAS, sont calmes. Aucun Algérien ne s’y est encore aventuré. La veille du scrutin,
un comité de conciliation comprenant huit Européens
et huit délégués FLN tient une de ses premières réunions dans un ancien dépôt de farine. Le soir, ils se
retrouvent dans le bureau de préfet Thomas. L’officier
de l’ALN s’adresse aux quelque trente délégués européens, en présence de l’évêque de la ville, Monseigneur
Lacaste : « Pour nous, vous êtes tous des Algériens.
Frères européens, nous sommes prêts à vous recevoir
chez nous, comme avant. Je réponds de l’attitude des
Algériens. » Ambrosini, le président des armateurs, lui
répond : « Nous sommes tous des Algériens. »
Le lendemain les pieds-noirs d’Oran votent en masse.
Un journaliste français a ce commentaire : « Finalement, Oran vote. L’Oran européen bien sûr, tout entier
dressé il y a à peine trois jours contre les autorités et
contre le FLN avec ses commandos de la mort quadrillant la ville et ses « dinamiteros » qui voulaient la
transformer en un monceau de décombres. » Il y a foule
dans les six bureaux de vote du quartier européen. On
se presse et les queues s’allongent. Ils sont des milliers
à attendre leur tour. Le 3 juillet, les détachements de
sept katibas de l’ALN défilent dans Oran. Elles passent
devant une tribune d’honneur installée devant le palais
des sports où le capitaine Bakhti Nemiche préside la
cérémonie. Il a installé à côté de lui Coignard maire
adjoint de la ville et Guenoun directeur du journal
Oran Républicain, les deux étant membres du comité
de conciliation composé d’Algériens et d’Européens.
A Orléansville tout a été très calme. On a craint des
dépassements qui n’eurent pas lieu. A onze heures,
13.000 des 27.000 électeurs s’étaient rendus aux urnes.
Un Algérien affirme à un journaliste : « Nous avons
reçu des ordres. Pas de manifestations pour l’instant.
Moins il y aura du bruit et mieux ça vaudra. L’ALN
elle-même est restée dans le djebel tout comme l’armée française est consignée ». A Constantine, plus de
200.000 personnes ont envahi le centre de la ville dans
l’allégresse et la liesse populaire.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 17 )
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Indépendance de l'Algérie
Histoire
Un correspondant note : « Les
Français qui se trouvent au milieu
de la foule ne sont en aucune façon
inquiétés. Le FLN a mis en place
un service d’ordre absolument remarquable. »
Le 3 juillet 1962, à
12 heures 35, l’Algérie est juridiquement indépendante
A 10 heures 15, dans l’immeuble
administratif du Rocher Noir, les
membres de l’Exécutif provisoire
sont réunis autour d’une table,
dans la salle de la commission de
contrôle du scrutin. Il y a le président Abderrahmane Farès, Roth le
vice-président et d’autres membres :
Abdeslam, Hamidou ainsi que Capitant, conseiller du gouvernement
français. Kaddour Sator, président
de la commission de contrôle, lit le
procès-verbal du référendum. Les
résultats ne sont pas complets mais
il y a 5.900.000 oui. Aussitôt, Fouchet, haut commissaire de la France
pour la période transitoire gagne
l’immeuble de l’Exécutif et remet à
Farès la lettre du général de Gaulle
par laquelle celui-ci prend acte des
résultats et proclame l’indépendance de l’Algérie. Farès se rend
aussitôt dans la cour du bâtiment.
Un détachement de l’ALN se tient
au pied du grand mât dressé pour
l’occasion ainsi qu’un groupe de
jeunes scouts. Il donne l’ordre de
lever les couleurs nationales. Les
scouts entonnent l’hymne national.
Farès et Roth rendent alors visite au
haut commissaire qui les accueille
sur le perron. L’Algérie est formellement indépendante.
Boualem Touarigt
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Les combattants de l'ALN défilent à Alger
( 18 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
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Il sous estime
la force du
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sentimen
Par Boualem Touarigt
Indépendance de l'Algérie
E
Histoire
n 1958, le général de Gaulle arrive au pouvoir à la faveur d’un
coup d’état. Il ne l’a pas organisé,
il l’a laissé faire et s’est présenté
comme le seul recours en faisant
un chantage à la guerre civile. Il a
laissé l’armée française d’Algérie faire le dernier pas
pour éliminer un pouvoir politique qui lui avait pourtant accordé toutes les prérogatives. Celle-ci a incité à
l’émeute les éléments les plus extrémistes des Français
d’Algérie pour prendre la tête d’un mouvement insurrectionnel qu’elle a ensuite
récupéré en se plaçant à sa tête.
Les principaux mouvements politiques français, n’ayant pu avoir
une position commune courageuse
pour s’opposer au
mouvement de
sédition, cèdent
au chantage et
acceptent d’investir le général
de Gaulle chargé
former le gouvernement.
Celui-ci procède
habilement, ayant
été rappelé dans le
respect de la légalité républicaine. Il s’appuie sur
l’armée qu’il sent lui échapper.
Il lui confie les pleins pouvoirs civils et militaires et celle-ci le rejoint dans
un but commun, celui d’obtenir une victoire militaire sur le FLN. Le général a besoin de cette victoire
pour mettre en place son plan : une Algérie française
où les Algériens considérés comme des citoyens à part
entière et voyant leurs conditions de vie s’améliorer
resteront attachés à la France. Il compte transformer
le paysage politique local où le FLN, éliminé militairement, serait « domestiqué » et inclus comme mou-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
vement politique aux côtés de partis majoritairement
acquis à la France. Pour y arriver, de Gaulle utilisera les
mêmes recettes que les gouvernements qui l’ont précédé. Il jouera à fond sur ses capacités de séduction
et de même de subjugation, usant de son prestige. Il
commit certainement quelques erreurs d’appréciation.
Les énormes moyens utilisés par l’armée française ne
permirent pas une victoire militaire qui n’aurait eu de
sens que par son résultat politique : la fin de tout acte
d’hostilité et l’adhésion des populations algériennes à
sa politique. Il sous estima aussi la volonté
d’indépendance des Algériens qui
s’était fortement ancrée même
auprès de ce que lui considérait comme favorables
à sa politique. Ni l’élargissement des droits,
ni
l’amélioration
des conditions de
vie de ses populations ne réduiront cette volonté.
Le 13 mai
1958 : un
coup d’état
habilement
mené
La quatrième république française est
tombée sur un coup d’état
qui s’est déroulé en plusieurs
étapes. Les éléments activistes des
Français d’Algérie déclenchent en mai
1958 de violentes manifestations qui aboutissent à la
prise du siège du gouvernement général par les émeutiers. Les pouvoirs publics sont absents. Le Ministre résidant Robert Lacoste avait déjà quitté précipitamment
le pays. L’armée française laisse faire et ses éléments
les plus extrémistes se joignent au mouvement. C’est
le général Massu, commandant des parachutistes qui
dirige le Comité de Salut Public, organe instauré par
( 20 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Indépendance de l'Algérie
Histoire
Le général Massu au centre de la photo
les émeutiers pour exercer le pouvoir effectif. La suite
des évènements confirme qu’il s’agit d’un plan concerté et bien mûri. Massu avait envoyé un télégramme
au président Coty : « vous rendons compte création
comité salut public civil et militaire à Alger sous ma
présidence, moi, général Massu, en raison gravité situation et nécessité absolue maintien ordre et ce pour
éviter toute effusion de sang. Exigeons création à Paris
d’un gouvernement de salut public, seul capable de
conserver l’Algérie partie intégrante de la métropole.
» Il cherche à justifier son action tout en confirmant
une volonté de l’armée de changer le gouvernement
en place et d’imposer ses choix politiques. Le mercredi
14 mai à 5 heures du matin, il lance un appel diffusé
par radio Alger : « Le comité de salut public supplie
le général de Gaulle de bien vouloir rompre le silence
en vue de la constitution d’un gouvernement de salut
public, qui seul, peut sauver l’Algérie de l’abandon, et
ce faisant, d’un Dien Bien Phu diplomatique évoqué à
maintes reprises par monsieur Lacoste. »
A 23 heures 15, le général Salan, commandant en
chef de l’armée française en Algérie confirme le coup
d’état militaire et déclare « prendre provisoirement en
main les destinées de l’Algérie française ». Le lendemain 15 mai, il crie sur le forum : « vive le général de
Gaulle ! ».
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Sollicité ouvertement par la hiérarchie militaire, le gé nale, la perte de
l’indépendance. »
Il tient une conférence le 19 mai
où il franchit ouvertement un pas
de plus et annonce même ce que serait son projet politique : « C’est un
fait que le régime des partis n’a pas
résolu, ne résout pas, et ne résoudra pas les énormes problèmes avec
lesquels nous sommes confrontés,
notamment celui de l’association de
la France avec les pays d’Afrique,
celui aussi de la vie en commun des
diverses communautés vivant en Algérie. » Il parle de son bilan en Algérie et en Afrique quand il dirigeait le
gouvernement : « la citoyenneté donnée aux musulmans
d’Algérie, le début d’association dans l’Union Française
des peuples qui ont été naguère sous notre dépendance.
» Parlant de l’armée, il justifie l’action de celle-ci : « Je
comprends parfaitement bien l’attitude et l’action du
commandement militaire en Algérie ».
( 21 )
Robert Lacoste
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Indépendance de l'Algérie
Histoire
Des Algériens arrêtés par des soldats français
Une société militaire s’est
installée en Algérie
L’armée détenait déjà tous les
pouvoirs à Alger où une véritable
société militaire s’était installée.
Cette armée a été marquée par la
guerre d’Indochine.Elle nourrissait
des ressentiments très vifs à l’égard
du pouvoir politique.
Parlant de Dien Bien Phu, le
général Navarre, ancien commandant en chef des forces françaises
en Extrême Orient affirmait en
janvier 1956 : « La cause déterminante de la perte de la bataille n’est
pas miliaire mais politique, et est
imputable au gouvernement seul
: c’est l’initiative soudaine et irréfléchie, prise sans consultation du
commandement d’ouvrir à Genève
des négociations de paix. » Il allait
plus loin en accusant les gouvernements en place de chercher une défaite en Algérie alors que les militaires étaient, selon lui, entrain de
gagner la guerre. L’armée française
tenait le véritable pouvoir en Algérie, militaire et civil. Elle faisait la
guerre aux combattants de l’ALN
et elle avait été légalement chargée
de maintenir l’ordre à la place des
forces de police. Elle utilisa tous les
moyens, même les plus condamnables moralement. Elle mit en
place des mesures qu’elle appela de
« pacification » : déplacement des
populations, action psychologique.
Elle avait pris, à la demande
des autorités légales, le destin de
l’Algérie, et ce faisant, celui de la
France. Elle s’est fixé un objectif
en Algérie : gagner la guerre. Elle
était sûre d’en connaître la méthode, et elle était convaincue de sa
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
victoire prochaine inéluctable. Elle
s’estimait chargée d’une mission
quasi mystique et elle ne supportait
plus un gouvernement et un système qui, selon elle, l’empêchaient
d’atteindre son but. On l’a vue
lors des événements de Sakiet Sidi
Youssef déclencher d’elle-même
des attaques aériennes sur le village
tunisien, faisant fi des instructions
du gouvernement. Les actes de rébellion ne furent pas nombreux car
le gouvernement civil lui fit appel
pour restaurer la paix, l’autorisant
à utiliser tous les moyens et la couvrant en chaque circonstance pour
réaliser l’objectif que ce pouvoir
lui avait fixé et qui était devenu le
pivot de sa politique : « la pacification. »
Cette armée allait utiliser les éléments activistes de la population
française d’Algérie qui servirent
ses plans en déclenchant de violentes émeutes. La passivité des gouvernements renforçaient les chefs
( 22 )
militaires dans l’idée qu’eux seuls
étaient la solution et qu’ils pouvaient librement décider.
Mais cette armée qui rêvait d’un
pouvoir autoritaire (qui devait être
le sien ou qu’elle devait strictement
contrôler) n’avait pas d’objectifs
politiques clairs et ne cherchaient
pas à convaincre d’autres forces
politiques à adhérer à son projet.
Certains de ses colonels, marqués
en Indochine par la guerre populaire et ses méthodes, s’inventèrent
une mystique se proclamant même
défenseurs de l’égalité des droits
en Algérie. Il s’agissait pour eux,
bien évidemment de considérer
comme citoyens les Algériens qui
appuyaient leurs actions et luttaient à leur côté.
De Gaulle joua le chantage
Ces militaires ont voulu aligner la
France à l’Algérie, c’est-à-dire imposer à la métropole un régime de
dictature. La logique de cette caste
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Indépendance de l'Algérie
Histoire
militaire française qu’on a laissé se
développer en Algérie et à qui on a
donné tous les moyens était la prise
du pouvoir en France. Elle crut réaliser son objectif en demandant le
retour du général de Gaulle. Celui-ci
entendait revenir au pouvoir. Mais
il voulait que cela se fasse dans la légalité. Il joua clairement le chantage
au coup d’état et à la guerre civile.
Il voulait que l’assemblée nationale
accepte de l’investir, sous la menace
directe des chefs de l’armée. Son
plan réussit.
En arrivant au pouvoir, de Gaulle
se devait de gérer les contradictions
des forces qui l’avaient imposé. Son
problème principal était l’armée.
Il sentait qu’elle lui échappait et
qu’elle s’était trop autonomisée du
pouvoir politique.
Le général a sa vision de l’avenir
de la France qui n’est pas forcément partagé par la hiérarchie militaire. Pour lui, la France doit réussir une nouvelle révolution industrielle et rattraper les grands pays
du monde. Elle doit aussi être une
puissance militaire faisant partie du
cercle fermé des pays disposant de
l’arme nucléaire. Il veut une France
indépendante des deux grandes
superpuissances, disposant d’une
force de dissuasion autonome. Il
rêve d’une France dotée d’un grand
prestige dans le monde, notamment
auprès des nouveaux pays indépendants. Or cette vision n’est pas possible avec un empire colonial maintenu dans la domination. Il doit
régler convenablement le problème
de l’Algérie et dégager une armée
pléthorique embourbée dans une
guerre, pour lui d’une autre époque.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Dès le 15 mai, il parle de « peuples associés » qui s’éloigneraient
par la faute de la dégradation de
l’Etat.
Jean Lacouture qui interpréta
souvent sa pensée écrivait le 23
mai : « Mais il a l’esprit trop grand
pour ne pas avoir ressenti ce qu’a
de vicieux la domination coloniale
et il considère le déroulement de
l’histoire d’un oeil trop pénétrant
pour ne pas avoir découvert qu’à
cette notion purement statique doit
être substituée celle, beaucoup plus
dynamique, d’association de peuples libres, conscients de leur propre histoire et arrachés à la résignation comme au ressentiment. »
De Gaulle veut une Algérie
française
Pour l’Algérie, il avait donné un
aperçu de sa politique entre 1943
et 1946. Il pensait que le maintien
de l’Algérie dans la France ne pou-
vait se faire que si l’on améliorait
les conditions de vie des Algériens
et que l’on arrivait à dégager une
élite locale attachée à la France et
disposant d’une certaine crédibilité
auprès de sa population. Il chercha
longtemps à constituer cette élite.
Il tenta d’y contribuer en vain
en promulguant l’ordonnance de
mars 1944 qui visait à accorder la
citoyenneté française à quelques
60.000 Algériens musulmans. Mais
il maintint les privilèges de la minorité française en instaurant les
deux collèges.
En 1958 il avait laissé toutes les
options ouvertes. Celle qu’il privilégiait était l’existence d’un territoire français où les Musulmans
voyant leur sort amélioré et bénéficiant des droits de citoyens coexisteraient pacifiquement avec des
Algériens d’origine européenne. Il
voulait une société multi confessionnelle, en finir avec ce qu’il appela
Des Français s'accrochant à une Algérie française
( 23 )
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Indépendance de l'Algérie
Histoire
« ’Algérie de papa ». Cette politique
exigeait de lui en 1958 une victoire
militaire sur les combattants du
FLN qui réclamait l’indépendance.
Dès son arrivée au pouvoir, il offrit à ces derniers de se rendre. Il
cherchait à les introduire dans le
jeu politique légal. Parlant de la
prochaine consultation électorale
sur la nouvelle constitution il leur
adresse un message : « je veux espérer qu’y prendront part également ceux-là qui ont mené par
désespoir et avec courage un combat qui est cruel et fratricide. Que
ceux là viennent aussi faire connaître par la voie légale quels sont
leurs sentiments et quelle est leur
volonté. En tout cas la porte leur
est ouverte et c’est moi, général de
Gaulle qui le leur dis. » Cette démarche sera longtemps une constante de sa politique : obtenir
une victoire militaire sur le FLN,
améliorer les conditions de vie
des Algériens en espérant les voir
s’attacher à la France, dégager une
élite locale crédible sur laquelle il
pourrait s’appuyer pour accorder
une relative autonomie aux populations algériennes. L’accord avec
la hiérarchie militaire sera facile
à trouver. Il partagera avec elle
l’objectif d’une victoire militaire.
Il confie tous les pouvoirs
à l’armée
Le général de Gaulle se méfiait
par contre des éléments activistes
parmi les Français d’Algérie. Il estimait que le maintien d’une minorité européenne dotée de privilèges exorbitants ne ramènerait
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
pas la paix. Il savait que les plus
activistes d’entre eux seraient difficiles à convaincre. Pour rompre
l’alliance tactique du 13 mai, il joua
sur l’armée qu’il voulait rallier ou
du moins neutraliser en isolant ses
éléments les plus proches des ultras.
Sa première préoccupation semble
avoir été justement de s’assurer du
loyalisme des chefs militaires. Le 6
juin il confirme Salan dans ses missions de délégué du gouvernement
en Algérie qu’il charge de « maintenir et éventuellement de rétablir
l’exercice de l’autorité régulière.
»Il demande aux Comités de Salut
public qui voulaient s’imposer de
limiter leur rôle : « vous n’avez pas
à continuer à faire la révolution. »
A Bône, il déclare : « Je considère
l’armée française avec sa loyauté, son honnêteté et sa discipline
comme la garantie que la parole de
la France sera tenue. En terminant
son discours de Mostaganem par
un : « vive l’Algérie française », de
Gaulle n’a pas fait une manoeuvre
politicienne. Il était encore hésitant
certes dans sa politique immédiate, mais sa stratégie était claire. Il
ne voulait pas de l’indépendance
et même, il croyait qu’il était le
seul à pouvoir l’éviter. Dans ses
précédents écrits et propos, il ne
s’était pas clairement exprimé sur
la question. Tirant des conclusions de ce que certains témoins
de l’époque lui auraient rapporté,
Jean Lacouture tirait un fil conducteur. En fait quand de Gaulle
parlait d’indépendance il voulait
dire s’il n’arrivait pas au pouvoir
assez tôt, l’Algérie serait indépendante. Il estimait que cette issue
( 24 )
n’était pas inéluctable et il croyait
fermement que lui seul pouvait
l’éviter. Il se faisait fort d’appliquer
un plan qui amènerait les Algériens
à demander à rester Français. Il aurait dit : « Les insurgés croient que
la libération viendra de la victoire
et de l’indépendance ; il faut leur
prouver qu’ils seront libérés sans la
première qui est impossible et sans
la seconde qui n’a pas de sens... »
Pour Jean Lacouture, « c’est là que
réside l’ambitieuse obsession du
général. C’est là aussi que se camoufle l’impasse de sa stratégie. » Les
circonstances l’obligeront à passer
de l’Algérie française à l’Algérie associée, puis à l’Algérie coopérant
avec la France. (Il croyait fermement qu’une Algérie indépendante
ne pouvait qu’être dépendante de
la France). De Gaulle fit au moins
une erreur : il n’avait pas saisi ni
imaginé la puissance du sentiment
national algérien et de la volonté
d’indépendance qui avaient touché pratiquement toutes les catégories de la population. Il avait
cru que, voyant ses conditions
matérielles améliorées, le peuple
algérien allait exprimer ses sentiments d’attachement à la France.
Comme il a certainement cru que
des Algériens marqués par la culture française à laquelle ils étaient
sincèrement attachés pouvaient
faire fi d’un sentiment national.
L’intellectuel algérien Jean Amrouche déclarait le 23 mai 1958
dans L’Express : « J’espère que
de Gaulle sera assez grand pour
reconnaître l’indépendance de
l’Algérie ».
Par Boualem Touarigt
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
TOUS les chefs
deS wilayas historiqueS
Wil aya - i
Tous les chefs des Wilayas historiques
bACHIR CHIHANI
MAHMOUD CHERIF
MOHAMED LAMOURI
AHMED NOUAOURA
ALI N'MER
HADJ LAKHDAR
MOSTEFA MERARDA
ali souaihi
tahar zBIRI
MOURAD DIDOUCHE
yOUCEF ZIGHOUD
lakhdar BENTOBAL
ALI KAFI
SALAH BOUBNIDER
KRIM BELKACEM
SAID MOHAMEDI
AMIROUCHE AIT HAMOUDA
ABDERAHMANE MIRA
MOHAND OULHADJ
Wil aya - IV
Wil aya - III
Wil aya - II
Mostefa Benboulaid
AMAR OUAMRANE
SLIMANE DEHILES
M'HAMED BOUGUERRA
SALAH ZAMOUM
DJILALI BOUNAaMA
YOUCEF EL KHATIB
Wil aya -V
RABAH BITAT
ABDELHAFID BOUSSOUF
HOUARI BOUMEDIENE
COLONEL LOTFI
BENHADDOU BOUHADJAR
Wil aya - VI
Wilaya - VII
LARBI BEN M'HIDI
ALI MELLAH
SI EL-HAOUES
Tayeb El-Djoghlali
COLONEL CHAABANI
MOHAMED LEBDJAOUI
OMAR BOUDAOUD
Wilaya I
Ben boulaïd
et son héritage
Le 30 avril 1954, Mustapha Ben Boulaïd réunissait dans sa ferme, sise à
Lambèse, Adjel Adjoul, Tahar Nouichi, Messaoud Bellaggoune et Abbas
Laghrour. Au cours de cette rencontre, ces militants assureront de leur engagement
entier dans la lutte de libération nationale.
Par Hassina Amrouni
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 27 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
A
peine deux semaines plus tard,
ils seront ralliés
par Bachir Chihani, à l’époque,
responsable de
la daïra de Batna, Bachir Hadji d’El
Khroub et Mohamed Khantra de Barika. Bien que la date du déclenchement armé ne soit pas encore fixée,
ils conviennent de multiplier les actions de propagande afin de réunir le
plus grand nombre de combattants
possible. Une action psychologique
qui portera ses fruits. Ce n’est que le
20 octobre 1954, lors d’une nouvelle
rencontre organisée au domicile de
Abdallah Oumeziti à Lokrine (Chemora), à une trentaine de kilomètres
de Batna et à laquelle prennent part
Adjoul, Chihani, Laghrour, Nouichi,
Hadji et Khantra que la date du 1er
novembre 1954 est enfin annoncée.
Ben Boulaïd désigne 25 groupes
Histoire
Abbas Laghrour
Adjel Adjoul
pour les attaques du 1er novembre
et place des hommes à la tête de
chaque groupe. Bien que ce plan
bien ficelé par le chef de la Wilaya
I, Mustapha Ben Boulaïd, ne fonctionne pas comme il l’aurait voulu,
l’obligeant à improviser pour parer à
certaines situations, le 1er novembre
marquera, bel et bien, le déclenchement de la guerre de libération
nationale. C’est fort de plus de 350
hommes armés et déterminés qu’il
se lance dans des opérations de déclenchement de la guerre d’Algérie.
En janvier 1955, le chef de la Wilaya
I doit se rendre en Libye pour approvisionner ses hommes en armes. Il
confie l’intérim à Chihani et désigne
Abbas et Adjoul comme premier et
second adjoints, Mustapha Boucetta,
Des combattants de l'Aurès-Nememchas
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 28 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
comme conseiller aux finances, Meddour Azoui au ravitaillement et Messaoud Belaggoune, en tant que troisième conseiller. Le 22 janvier, Ben
Boulaïd rencontre Hadj Lakhdar et
Nouichi à Ras Guedelane et leur annonce son voyage. Accompagné de
Amar Mistiri, il arrive en Tunisie en
février, il est repéré à Gabès. Arrêté
le 11 février 1955, il est condamné à
mort par le tribunal de Constantine.
Il sera emprisonné à la prison centrale de Constantine, jusqu’à son évasion en novembre 1955 avec d’autres
détenus.
Durant cette période, la Wilaya I sera
dirigée par son proche collaborateur
Bachir Chihani. Intelligent et méthodique, il commence par transférer
son poste de commandement à Galaa pour diverses raisons, notamment
pour sa proximité de la frontière algéro-tunisienne. Chihani organise au
début du mois de mars la zone des
Nememcha puis vers la fin du même
mois, il réunit tous les responsables
à Kimmel avec, pour ordre du jour,
l’extension de l’action armée jusqu’à
Sétif. Chihani jouit d’une grande estime de la part de ses collaborateurs
et de la population, en dépit du fait
qu’il ne soit pas natif de la région. Il
nomme, à cet effet, Omar Ben Boulaïd, frère de Mostefa, nouveau chef
de l’Idara, ajoutant pour justifier sa
décision : « La responsabilité n’est
pas héréditaire ! Elle se mérite ! » La
décision sera loin de faire l’unanimité. Aussi, Messaoud Belaggoune
propose que Si Omar soit nommé « à
titre honorifique ». Chihani et ses
hommes sont aux premières loges de
la Révolution, les maquis des Aurès
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Chihani Bachir
Hadj Lakhdar
sont gérés d’une main de maître par
un Chihani qui ne laisse rien passer.
Bien sûr, ses décisions ne sont pas
toujours accueillies avec satisfaction,
bien au contraire, certains font de la
résistance, à l’image de Omar ben
Boulaïd qui finira par être destitué
de son poste de chef de l’Idara. Malgré tout, Chihani tient tout de même
bon jusqu’à la fameuse bataille d’El
Djorf qui a lieu en septembre 1955.
Après avoir convoqué une grande
réunion dans la région d’El Djorf,
Chihani finit par être pris en étau par
l’armée française et de nombreux
moudjahidine y trouvent la mort. Ce
sera la première grosse erreur tactique de Chihani et pour cela, on lui
en tiendra rigueur.
Bien qu’ils continuent à exécuter ses
ordres et à suivre ses directives, Abbas et Adjoul ne sont plus en phase
avec Chihani. Ce dernier meurt le
22 octobre 1955, laissant le champ
libre à toutes les courses au pouvoir.
C’est finalement Adjel Adjoul et Abbas Laghrour qui assurent la relève,
coordonnant les activités militaires
des six zones des Aurès.
( 29 )
Omar Benboulaid
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Des Moudjahidine à Kimmel, PC des Aurès
Le 13 novembre 1955, Mostefa
Ben Boulaïd s’évade de prison, ce
qui donnera un nouveau souffle à
la Révolution. A la mi-janvier 1956,
il quitte la zone de Kimmel. Sur sa
route vers le sud-ouest et Mchounèche, il est repéré lui et ses troupes
par la soldatesque française à Ifri
Lahbal. Essuyant les bombardements des hélicoptères, Mostefa et
ses hommes ripostent avec courage.
Une douzaine de combattants périront cette nuit. Les jours suivants et
jusqu’à la première semaine du mois
de mars, Mostefa prépare la réunion
de Nara. Il essaye en même temps
de rattraper tout le retard accusé durant son absence, en récoltant toutes
sortes d’informations, en résolvant
les problèmes urgents…
Le 21 mars 1956, il est à Nara où a
lieu la réunion. Le soir, le couvre-feu
est décrété, Mostefa est dans son
refuge avec une douzaine de responsables parmi lesquels Ali Baazi,
Abdelhamid Lamrani, Messaoud
Benakcha, Mostefa Boucetta et Ali
Benchaïba. Tous trouveront la mort
cette nuit-là, à la suite de l’explosion
d’un poste radio piégé, à l’exception
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Tahar Zbiri
des deux derniers qui seront gravement blessés. A la suite du décès de
Benboulaïd, une réunion est organisée le 15 avril 1956 à Taghedda afin
de discuter de celui qui remplacera
Si Mostefa à la tête de l’Idara, c’est
alors que Hadj Lakhdar propose
le nom de Adjel Adjoul, mais il ne
fera pas l’unanimité, c’est finalement
Omar Benboulaïd qui prend le relais,
sans recevoir lui aussi l’assentiment
de tous. Le 20 août 1956, Adjoul et
Abbas reçoivent des convocations
pour assister au congrès de la Soummam mais ils n’y vont pas. Aussi,
Amirouche, en tant que délégué du
CCE, se déplace dans les Aurès pour
demander des explications à Adjoul.
Au terme d’un interrogatoire, il demande à voir Abbas pour connaître
sa version, mais celui-ci est introuvable.
C’est Adjoul seul, donc, qui devra
donner les explications sur la mort
de Benboulaïd et d’autres questions
liées à sa gestion de la région. Dans
la nuit du 30 octobre 1956, Adjoul
est victime d’une tentative d’assassinat par Ahmed Azeroual, armé d’un
Garand. Bien qu’il en réchappe, il fait
( 30 )
le mort puis, parvient à s’échapper
et à rejoindre son groupe stationné
à Djeniène vers le sud-ouest. Il finit
par se rendre aux forces coloniales.
A la fin du mois de décembre 1956,
Mohamed Lamouri est désigné chef
de la mintaka I. Il refuse au départ ce
poste, puis finit par accepter. Mais il
n’y restera pas longtemps puisque le
CCE le choisira pour représenter la
Wilaya I à Tunis. De mai 1957 à avril
1958, Hadj Lakhdar et Hihi Mekki
commandent ensemble. Arrivé à
Tunis, Lamouri les informe que le
CCE a nommé Hadj Lakhdar et Ali
Nemeur à la tête de la Wilaya I. Il
partira, lui aussi, pour la Tunisie en
février 1959. Ali Souaïhi est alors
désigné chef de la Wilaya I, de juin
1960 à sa mort le 9 février 1961. Il
tombe au champ d’honneur aux
côtés de 98 combattants au cours
d’une bataille contre les forces d’occupation. Après quoi, il sera remplacé par Tahar Zbiri qui sera le chef de
la Wilaya I jusqu’à l’indépendance de
l’Algérie en juillet 1962.
Hassina Amrouni
Source : Mohamed Larbi Madaci, Les tamiseurs de sable,
Aurès-Nememcha 1954-1959, Ed. ANEP, Alger, 2001,
249 pages.
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Le chahid Ali Souaihi,
chef de la wilaya 1 historique (Aurès-Nememchas)
Le vaillant guerrier
et charismatique chef
Les chefs historiques de la Wilaya I
AHMED
NOUAOURA
MOHAMED
LAMOURI
MAHMOUD
CHERIF
CHIHANI
BACHIR
Mostefa
Benboulaid
1958
1958
1957
1955
1954/1956
TAHAR
ZBIRI
1961
ALI SOUAIHI
1960
Mostefa
MERARDA
HADJ
LAKHDAR
ALI
N'MER
1959
1959/1958
1958
Par Zoubir Khélaifia
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 31 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
e martyr Ali
Souaihi est né le
16 mars 1932 à
Tébessa,
d’une
famille de 16
frères et sœurs.
Son
père
est
Zine
El-Abidine Ben Mohamed, sa mère
Ibrahimi El-Atra Bent Ahmed. Sa
famille était plutôt de condition
moyenne, comparée aux autres familles algériennes de cette époque.
Elle vivait de la couture et de broderie.
Le chahid a commencé ses études
dans la mosquée de Sidi Ben-Saïd, à
Tébessa, où il a appris le Coran. Puis,
il rejoint l’école de « Tahdhib » dirigée par l’autre martyr, Cheikh Larbi
Tebessi, de l’association des Oulémas, où Ali Souaihi a appris les rudiments de la langue arabe. Ensuite, il
intègre l’école française, où il obtint
son certificat d’étude, qui lui permit
de rejoindre le collège. Mais, il a vite
été contraint de rompre ses études,
en mars 1950, suite à l’arrestation de
son frère aîné, Noureddine, dans le
sillage du démantèlement de l’OS,
après l’incident dit de « Tébessa » ou
incident de Khiari Rahim. Ancien
militant du mouvement national et
de l’OS, celui-ci avait été sanctionné par la direction de l’organisation
pour ses accointances avec Lamine
Debaghine, exclu alors du mouvement, et d’avoir divulgué les secrets
de l’organisation à la police. Noureddine Souaihi était membre de l’OS,
structuré dans une cellule dirigée
par le chahid Fares Yahia. Arrêté, il
a été jugé et condamné à deux ans de
prison, à 100 000 francs d’amende,
cinq ans d’exil et à cinq ans de privation de droits civiques. Ali Souai-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Portrait
Opération "Otan" de l'armée française dans les Aurès
hi avait très tôt adhéré aux Scouts
musulmans algériens, activant au
sein d’un groupe dirigé par Ahmed
Chaouch Chérif. A cette époque, il
prit conscience des souffrances du
peuple algérien et naquit chez lui
l’esprit nationaliste, et c’est là aussi
qu’il s’est imprégné des valeurs et
des vertus comme l’altruisme, l’honnêteté et le dévouement. Le jeune Ali
était toujours à l’avant-garde, grâce
à son intelligence et à sa perspicacité, des qualités qu’il avait acquises
dès son jeune âge. Aussi, a-t-il joué
dans les rangs des cadets du club
sportif local dénommé « Jeunesse
musulmane sportive de la ville de
Tébessa ». Ali Souaihi a été amené
à prendre en charge sa famille, alors
qu’il n’avait pas encore vingt ans, la
situation sociale de la famille s’étant
détériorée depuis l’arrestation de
son frère Noureddine. Sous la pression du besoin, il a été contraint de
vendre l’atelier familial de couture,
avec son matériel, et partit à Annaba
pour chercher du travail. Après un
bref séjour à Annaba où il exerça
( 32 )
le métier de couturier, il se rendit à
Souk-Ahras, où il retrouva son ami
Hachani Ahcène, qu’il avait connu à
Tébessa, où il travaillait comme menuisier. C’est par l’entremise de son
ami Ahcène qu’il rejoignit la Révolution au cours de la deuxième semaine
de septembre 1955, à Souk-Ahras. Sa
première activité consistait à collecter des armes, et à sensibiliser la population de la ville et de ses environs
Surveillance accrue le long de la ligne Morice
Supplément N° 14 - Juin 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Portrait
sur l’insurrection nationale. Recherché, il rejoint le maquis, et devient membre de l’ALN aux côtés d’Ahcène
Hachani, Tayeb Bouras, Rabah Nouar et bien d’autres.
Il participa à des caravanes d’acheminement d’armes
et de munitions de Tunisie, et s’acquittera toujours si
bien de ses missions. Ses responsables ont décelé en lui
des qualités ancrées comme le dynamisme, la vivacité
et le dévouement. Lors de la grève des étudiants, son
frère Chérif Souaihi adhéra à l’ALN, ce qui ne manquera pas d’attirer sur sa famille les pires représailles de
la part de l’ennemi. En 1958, Ali partit dans le Sud-est
du pays dans une mission, avec un bataillon constitué
sur ordre de Krim Belkacem, et dont le commandement
a été confié au Commandent Idir. Suite à quoi, la mission s’est étendue jusqu’aux fins fond du Sahara, dans
le Hoggar. Elle reviendra par Fezzane. Après le succès
de cette mission, Ali Souaihi a été promu au grade de
lieutenant. Pris de nostalgie pour sa famille, il se rendit à
Tameghza, sur la frontière algéro-tunisienne, pour chercher des nouvelles de son frère El-Madani, qui avait, lui
aussi rejoint l’ALN, et dont il n’avait plus de nouvelless
depuis longtemps. Le chahid devient membre du commandement de la wilaya I, chargé du ravitaillement, sous
la conduite du colonel Mohamed Lamouri, puis du colonel Ahmed Nouaoura. Aussi, a-t-il pris, pour une courte
période, la responsabilité du centre d’approvisionnement
de l’ALN, à Tajrouine, sur les frontières tunisiennes. Promu au grade de commandant par l’état-major de l’ALN,
il devint de fait membre du CNRA. Lors de la session
qui s’est tenue à Tripoli, il fut parmi ceux qui appelaient
au retour de la direction de la Révolution au pays, pour
partager avec le peuple ses peines et sa résistance. En
juin 1960, il fut désigné à la tête de la wilaya I, dans une
conjoncture extrêmement difficile. Il rentra de Tunisie
à la tête d’un bataillon, secondé par Messani Laâdjal. Il
brava le danger de la ligne électrifié et miné de Morice, et
continua sa route jusqu’à Ras Fourar, dans la forêt de Lebradja et Béni Melloul, où se trouvait le PC de la wilaya I.
Sa première action fut de visiter les zones pour s’enquérir des capacités de combativité des unités, et écouter
les doléances des moudjahidine. Il était très touché par
le témoignage de certains moudjahidine sur les pratiques
de certains anciens responsables qui, par ignorance,
avaient nui au moral des hommes. Il était aussi consterné
de constater l’état de certaines régions où l’ennemi avait
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Opération héliportée dans les Aurès
décimé les djounoud, dont il ne restait plus que quelques
rescapés. Après une évaluation de la situation, il convoque
les responsables pour une réunion où un état des lieux
de toutes les zones de la wilaya devait être dressé. Puis,
il leur donne des instructions de mobiliser tous leurs
moyens, pour faire face à la situation. Il nomme aussitôt
des contrôleurs de l’armée, et des instructeurs d’armement au niveau des compagnies et des sections. Il ordonna aux compagnie de se scinder en petits groupes ne devant pas dépasser 10 hommes, pour affronter l’opération
dévastatrice de l’armée française, et donne notamment
des instructions pour l’organisation du ravitaillement des
djounoud et la prise en charge des blessés et des malades.
Deux semaines après cette réunion, il convoqua une réunion générale ayant regroupé les chefs de zones et tous
les cadres de la wilaya pour examiner la situation face
à l’opération militaire baptisée « Otan » qui a été lancée
par l’ennemi sur la région. Y ont assisté le commandant
Tahar Z’biri, Mohamed-Salah Benabbas, Mohamed-Salah Yahiaoui, Athmane Djellali, Abdelouahed et d’autres
responsables. Il fut décidé la restructuration des zones et
la nomination de nouveaux chefs. Les moudjahidine de
l’intérieur qui avaient tant souffert commençaient alors
à reprendre espoir et la wilaya à retrouver son éclat et sa
vigueur d’antan. Mais cet espoir ne dura pas longtemps,
( 33 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Portrait
Un bombardier français
puisque l’ennemi lança une gigantesque armada sur les maquis de Lebradja et Béni Melloul, pour abattre
le chef de wilaya et ses compagnons.
Cette célèbre bataille connue sous
le nom de la bataille de « Amane
Ahmed Ounçer », a eu lieu le 7 février 1961. Les chasseurs bombardiers commençaient à larguer ses
bombes sur le PC de wilaya, le centre
de communication et la clonique de
wilaya. Durant cette bataille inégale,
les hommes de l’ALN, au nombre
de 300, ont riposté pour défendre
leurs positions. Les hélicoptères
viendront alors déposer des parachutistes dans la forêt, suivie des fantassins, couverts par l’artillerie. Les
chefs de l’ALN, après s’être aperçus
que leurs positions étaient encerclés par des milliers de soldats, lancèrent des accrochages violents qui
durèrent jusqu’à 22 heures, et parvient enfin à briser le siège. Le chahid Ali Souaihi réunit alors en pleine
nuit ses collaborateurs, notamment
Chérif Djellali, Ahmed Bakroune
et Ferhati Mohamed. Ils décidèrent
de dévaler la montagne, vers l’ouest,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
jusqu’à Oued-Elma, pour éviter une
confrontation avec l’armada française. Le 8 février au matin, l’armée
ennemie lança une offensive sur
les trois postes de commandement
de la wilaya que les moudjahidine
avaient déserté la veille, et se sont
positionné sur les lieux dit Tinmer
et Amane Ahmed Ounçer, à l’ouest
d’Oued-Elma. A la tombée de la
nuit, les moudjahidine se sont encore aperçus qu’ils n’avaient d’autres
choix que d’affronter l’ennemi. Les
sections de djounoud se sont alors
déployées entre Oued Sidi Feth-Allah et Oued-Elma, guettant l’arrivée
des djounoud. Le lendemain matin,
une première section envoyée pour
prospecter les lieux s’est de nouveau
accrochée avec les troupes françaises. S’ensuivit une bataille rangée
dans laquelle tous les moudjahidine
se sont jetés. Ali Souaihi fut grièvement blessé au genou, qui l’empêcha de marcher. Il fut contraint
de se rétracter dans un ravin où
il succomba quelques temps plus
tard, alors que sa mitraillette était
pointée vers l’aviation ennemie qui
n’avait pas arrêté de bombarder. Les
( 34 )
djounoud ont poursuivi le combat
jusqu’à la tombée de la nuit. Les rescapés ont réussi à se retirer à Kimel
et vers d’autres directions. Le bilan
était très lourd : 98 chahids, dont le
chef de wilaya et Ferhati Mohamed
Ben Derradji, Miloud Goudjil, Said
Ababsa, Brahim Kabrine, Gouaref
Lakhdar, Abdelaziz Achi, Ahmed
Khoucha, Lazher Goudjil, Chérif
Djellali et Ahmed Chekrit, et une
trentaine de blessés, dont le colonel
Tahar Zbiri, Mohamed-Salah Derradji, Tayeb Bellali, Moussa Nouasri,
Miloud Saraoui et bien d’autres.
S’agissant des pertes ennemies, la
radio Monté Carlo a parlé de 275
morts et un grand nombre de blessés. Or des témoins ont rapporté que
les pertes dans les rangs de l’armée
française dépassaient 500 morts, et
que les hélicoptères transféraient les
dépouilles et les blessés pendant plusieurs jours après la bataille. L’armée de l’occupation transféra
la dépouille sainte du chahid à Tébessa, sa ville natale, et l’exposa à la
population, dans le dessein d’impressionner et de dissuader les gens de
poursuivre la lutte contre l’occupation, mais en vain. C’est ainsi que le
ciel des Aurès-Nememchas est resté
embrumé durant sept ans et demies
de la fumée des combats violents,
menés par des hommes déterminés
de la trempe des vaillants héros et
martyrs Mostefa Benboulaid, Grine
Belgacem, Lazhar Cheriet ou Abbas
Laghrour. Le nom d’Ali Souaihi a été
choisi pour baptiser la maison de la
culture de Khenchela, en hommage
à ce chef de wilaya. Zoubir Khélaifia
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya II (1954-1956)
Le grand élan
du Nord-Constantinois
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 35 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
e déclenchement
de la révolution
du 1er Novembre
1954
a
été
accueilli par la
population
du
Nord-Constantinois, à l’instar
de l’ensemble du peuple algérien,
avec enthousiasme et ferveur.
Connue pour être un creuset du
nationalisme, cette région qui va
de Sétif jusqu’à Annaba fut, dès les
premières heures, dirigée par un
des architectes de cette révolution,
cofondateur du CRUA, membre
des « 22 » et ancien responsable
l’OS. Didouche Mourad, puisque
c’est de lui qu’il s’agit, a été affecté
dans cette région pour poursuivre
le travail de structuration qui avait
été entamé dès la fin des années
1940, dans la perspective du
déclenchement de l’insurrection
armée.
Il réussit avec l’aide de son
adjoint Youcef Zighoud à jeter les
bases d’une organisation politicomilitaire solide. Malheureusement,
Didouche Mourad tomba au
champ d’honneur trois mois après
le déclenchement de la lutte armée,
alors qu’il n’avait pas encore 28 ans.
Il fut ainsi le premier chef de zone
à tomber au champ d’honneur.
Cette période coïncidait avec
l’intensification des opérations de
répression de l’armée coloniale
contre les maquis de l’ALN
dans toute la région du NordConstantinois, dénommé alors
zone 2. Après un moment de
flottement, le commandement
de la zone, sous la conduite
de son successeur et fidèle
compagnon, Youcef
Zighoud,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Histoire
De g. à dr. : Youcef Zighoud, Salah Rouibah, Larbi Ben M'hidi et Amar Ouamrane
reprit rapidement les choses en
main et se montra encore plus
offensif, en généralisant la lutte
armée à tous les villages et villes
de la région. C’est sous la férule
du grand héros de la révolution
qu’est Youcef Zighoud, que fut
déclarée la grande offensive du 20
août 1955, contre les intérêts de
la France coloniale. La boucherie
commise par l’armée ennemie
contre la population civile a
internationalisé la cause algérienne
et consolidé les moudjahidine dans
leur conviction et dans leur foi
pour l’indépendance. Des milliers
de prisonniers formés d'hommes
âgés de 14 à 70 ans sont capturés
( 36 )
et emmenés au stade municipal
de la ville qui fut transformé en
véritable camp pour interrogatoire.
Ces prisonniers ont été massacrés
à la mitrailleuse et enterrés
dans une fosse commune. Ces
événements ont révélé des qualités
de grand organisateur chez Youcef
Zighoud, qui représentera sa zone
au congrès de la Soummam, une
année plus tard.
A ces assises, tout ne s’est pas
passé comme les responsables de
la future Wilaya II l’auraient voulu.
Les résolutions adoptées par les
congressistes ont laissé comme
un goût d’inachevé chez certains
participants. Les adjoints du
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Ali Kafi
Mostefa Benaouda
désormais colonel Zighoud, comme
Ali Kafi et Mostefa Benaouda,
remettront en cause jusqu’à la
conduite des travaux du Congrès,
en soupçonnant les initiateurs de
vouloir s’emparer du pouvoir de
décision et d’imposer des choix qui
n’auraient pas obtenu le consensus.
Ce qui n’était pas pourtant le cas
des deux principaux chefs de la
région, en l’occurrence Zighoud
et Bentobal, qui avaient non
seulement affiché un enthousiasme
total pour cette rencontre, pour
le succès de laquelle ils avaient
activement contribué, mais avaient
surtout été promus au grade de
colonel et désignés membres du
CNRA, à l’issue dudit congrès.
Nonobstant cette adhésion
de façade, cette fronde larvée
engendrera une situation de quasidissidence de toute une région
(Souk-Ahras), rattachée à la Wilaya
II selon le nouveau découpage
territorial, mais qui réclamait
son autonomie par rapport aux
deux wilayas limitrophes : les
Aurès et le Nord-Constantinois.
Les responsables de cette région,
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Lakhdar Bentobal
Combattants de la Wilaya II
( 37 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
1-Youcef Zighoud. 2-Amar Ouamrane. 3-Krim Belkacem. 4-Abane Ramdane. 5-Lakhdar Bentobal, 6-Kaci Hachaï 7-Mostefa Benaouda, 8-Rouibah. 9-Colonel Amirouche.
4
6
5
9
8
qui dirigeaient la célèbre Base de l’Est, se sentaient
ainsi exclus dans la nouvelle configuration, et ils le
firent savoir. Ils entreprirent une vaste opération
de sensibilisation et reprirent le contact avec les
responsables de l’ALN à Souk-Ahras, Sedrata,
Khenchela et les Aurès qui tinrent une rencontre
en décembre 1956 et tentèrent, à nouveau, de créer
une wilaya indépendante des Wilayas I et II et qui
s’appellerait Aïn Beïda. Ils rejetèrent les résolutions
du Congrès de la Soummam en raison, selon le
témoignage d’un ex-officier de cette région, « de
la non-représentation de toutes les régions, de sa
contradiction avec la première trajectoire de la
révolution et de sa reconnaissance de la primauté du
politique sur le militaire ».
La chevauchée épique de la Wilaya II va se heurter
à de nouveaux défis, à la mort précoce du colonel
Youcef Zighoud, dans une embuscade de l'ennemi
à Sidi Mezghiche (actuelle wilaya de Skikda) le 25
septembre 1956. Il n’avait alors que 35 ans. Une
nouvelle période s’ouvrait pour le FLN/ALN dans
cette région pionnière.
Adel Fathi
Des Moudjahidine à Sidi Mezghiche dans la Wilaya II
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 38 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya II (1956-1959)
Le bilan contrasté
des successeurs
de Zighoud
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 39 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
A
Histoire
la mort précoce du colonel Youcef
Zighoud, le commandement de la
Wilaya II s’est trouvé amputé de
son principal architecte et cerveau,
à un moment crucial de la lutte
armée. Le commandement reviendra tout naturellement à son adjoint, Lakhdar Bentobal,
qui s’était déjà imposé au congrès de la Soummam, en
qualité d’adjoint de Zighoud. Mais ce dernier ne resta
à la tête de cette wilaya qu’une année. Plus versé dans
le politique, Bentobal a été rapidement appelé à Tunis,
pour faire partie du CCE, et préparer la formation du
premier GPRA en septembre 1958.
Or, les plus grandes épreuves, pour la Wilaya II et
pour tous les maquis de l’intérieur, commençaient à
partir de cette date, avec surtout l’intensification des
opérations de représailles de l’armée ennemie, et les
difficultés d’organisation et de coordination qui se posaient au sein des différentes structures de l’ALN. C’est
durant cette période qu’apparut, par exemple, l’épineux
problème de la zone de Souk-Ahras qui voulait avoir
son autonomie, en violation des résolutions du congrès
de la Soummam.
Succédant à Lakhdar Bentobal, le colonel Ali Kafi
s’est attaché avec ses adjoints et son conseil de wilaya à
poursuivre le travail de structuration et d’implantation
du FLN/ALN dans la région, tout en restant à l’écoute
de la direction de l’Extérieur, et plus particulièrement à
son prédécesseur, bientôt nommé ministre de l’Intérieur
au sein du GPRA. Et c’est peut-être à cause de cet attachement ostensible avec le GPRA que le colonel Kafi
dût s’attirer les foudres de certains chefs de wilayas tels
que les colonels Amirouche (Wilaya III) et Si M’hammed Bouguerra (Wilaya IV), au point que le commandant de la Wilaya II refusa de participer à une réunion
au sommet qui s’est tenue sur le territoire même de sa
wilaya, à Ouled Askeur, du 6 au 12 décembre 1958. Si
les récits divergent sur les tenants et aboutissants de ce
rendez-vous historique qui a regroupé les premiers responsables de quatre wilayas, il est établi que Kafi tenait
déjà à marquer ses distances vis-à-vis d’une démarche
– celles des quatre colonels : Amirouche, Bouguerra,
Houès, Hadj Lakhdar – qui contestait « précipitamment » la conduite imposée par l’Extérieur, en voulant
remettre au goût du jour la célèbre devise du congrès de
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
la Soummam : « Priorité de l’intérieur sur l’extérieur ».
Beaucoup d’auteurs reprochent à Ali Kafi de s’être
« désengagé » avec ses collègues –lors de la réunion
d’Oued Askeur notamment – et d’avoir préféré, à la
fin, de rejoindre la direction politique en Tunisie, à un
moment où l’armée coloniale resserrait l’étau sur les
maquis. Mais on lui reconnait un grand mérite, celui
d’avoir épargné à sa wilaya le syndrome de la « bleuite »
qui avait fait des ravages, notamment dans les Wilayas
III et IV. Le Nord-Constantinois est d’ailleurs la région
la moins touchée par cette vaste campagne d’intoxication orchestrée par le bureau de l’action psychologique
de l’armée française, commandé par le capitaine Léger,
aux ordres du colonel Godard. Grâce à son sens élevé,
explique un historien français, le commandant de la
Wilaya II avait très tôt décelé, lors d’une première réunion, cette « espionite » si tenace chez le colonel Amirouche qu’il a, d’ailleurs, tenté de dissuader d’abandonner, en vain.
Sur le plan des opérations armées, les combattants
de la Wilaya II livrèrent plusieurs batailles héroïques à
l’ennemi, durant cette période charnière. La bataille de
djebel Memoura, près de Guelma, le 28 mai 1958, est
l’une des plus importantes et des plus retentissantes, de
l’avis des moudjahidine. Selon les chiffres officiels, plus
de 500 soldats ennemis y ont péri, dont une dizaine
d’officiers, parmi lesquels le colonel Jean-Pierre, chef
des opérations militaires. Alors que les pertes matérielles étaient tout aussi importantes.
Autre moment historique vécu par les moudjahidine du Nord-Constantine, le fameux bombardement
d’Oued Asker, en mai 1958. Oued Asker était alors le
lieu choisi pour abriter le PC de la Wilaya II. Les récits
des témoignages sont unanimes à dire que c’était le plus
grand et le plus important bombardement aérien dans
toute l’histoire de la révolution algérienne. Les forces
coloniales qui ont eu des informations sur une réunion
regroupant des cadres de la wilaya et à laquelle étaient
présents le colonel Ali Kafi, ses adjoints Lamine Khène,
Salah Boubnider et le Dr Toumi, ont mobilisé pour la
circonstance 157 avions de chasse. Mais fort heureusement, les pertes étaient minimes et les responsables en
sortirent indemnes.
( 40 )
Adel Fathi
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya II (1959-1962)
Le dur passage
à l’Indépendance
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 41 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
S
uccédant au colonel
Ali Kafi, à la tête de
la Wilaya II, après
le départ de celui-ci
à Tunis, le colonel
Salah Boubnider dit
« Sawt al-arab » fut le dernier chef
de cette wilaya jusqu'à l'avènement
de l'Indépendance. Cet ancien compagnon du chahid Youcef Zighoud
hérita d’une situation complexe à
tous les niveaux, aggravée par le
déclenchement du plan Challe avec
ses gigantesques opérations lancées
contre les maquis algériens.
C’est ainsi que la région du NordConstantinois connut la série
d’opérations dénommées « Pierres
précieuses» («Rubis », «Saphir»,
« Turquoise », « Émeraude » et « Topaze »), entre le 6 septembre et le 9
novembre 1959, jusqu'en avril 1960;
puis une deuxième série d'opérations « Pierres précieuses » revint
sur les mêmes régions pendant
plusieurs mois, jusqu'en septembre
1960. Pour dire la férocité avec laquelle l’armée coloniale s’est démenée pour essayer d’écraser les foyers
de l’ALN et de la résistance particulièrement dans cette région du
pays, qui était l’un des fiefs les plus
importants de la Révolution. Cette
terrible pression n’a pas eu raison,
malgré tout, de la détermination
des moudjahidine de la Wilaya II,
sous la conduite du colonel Boubnider, qui tentèrent vaille que vaille
de desserrer l’étau sur la région, en
ayant recours, comme c’est partout
la tactique lorsque l’armée ennemie
concentre ses forces sur une région
bien précise, à la multiplication et à
l’essaimage des actions à travers le
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Histoire
vaste territoire de cette wilaya, qui
va des frontières de Béjaïa jusqu’à
Annaba.
Cette période coïncida avec les
grandioses manifestations populaires du 11 septembre 1960, qui se
sont étendues à toutes les villes du
pays, et qui étaient une affirmation
de soutien à la cause nationale et à
son porte-étendard, Le FLN/ALN.
Les villes de Constantine, de Skikda
et d’Annaba ont connu la même
ferveur populaire qui insuffla une
nouvelle force aux combattants de
la Wilaya II, épuisés par six longues
années de combat ininterrompu.
C’est ainsi que l’ALN se lança dans
de nouvelles actions d’envergure
pour affirmer son invincibilité et
son omniprésence, menées par commandos aguerris à travers toutes
les zones et régions de la wilaya.
Parmi les batailles les plus connues
et les plus citées par les survivants,
celle du 5 janvier 1961 : le fameux
commando de la région de Sétif,
en Zone I, tendit une embuscade à
un convoi militaire français. Outre
les pertes humaines et matérielles
infligées à l’ennemi, le commando
récupéra un FM de type BAR, deux
fusils Garant, un PM Mat 49, un
PM Thomson, onze fusils MAS 36
ainsi qu’un transceiver (émetteurrécepteur) SCR 300. Des dizaines
d’autres actions allaient être entreprises, avec pour objectif principal,
la récupération d’armes et de munitions, par tous les moyens. C’était
le mot d’ordre donné à tous les
djounoud pour tenter d’entamer le
moral des troupes françaises, prises
de court par l’ampleur qu’a prise
cette guerre, à l’approche des pour-
( 42 )
parlers qui allaient débattre, pour
la première fois dans l’histoire, de
l’autodétermination du peuple algérien, avant d’aboutir aux accords du
cessez-le feu, du 19 mars 1962.
A la veille de la proclamation de
l’Indépendance, le chef de la Xilaya
II sortit de sa carapace de chef militaire pour jouer un rôle plus politique, au sein du CNRA dont il était
membre. Sa présence au fameux
congrès de Tripoli, de juin 1962, est
décrite par des historiens et dans de
nombreux témoignages, comme un
acte de bravoure qui traduit la forte
personnalité de « Sawt al-arab » et
de son engagement inébranlable. Sa
riposte à Ahmed Benbella, qui présidait alors la séance d’ouverture,
sur un écart de langage dont ce dernier s’était rendu coupable contre
le président du GPRA, Benyoucef
Benkhedda, a cause de cette altercation, la réunion fut suspendue et
la direction qui se voulait jusque-là
collégiale et consensuelle, explosa.
Ce fut la crise de l’été 1962. Une
dernière rencontre a réuni les principaux responsables de Wilaya à
Chlef, le 20 juillet 1962 : Tahar Zbiri
pour les Aurès, Salah Boubnider (le
Nord-Constantinois) Mohand Oulhadj (la Kabylie), Youcef El-Khatib (l’Algérois) le colonel Othmane
(l’Oranie) et Mohamed Chabani
(le Sahara), pour tenter de créer un
contrepoids au groupe de Tlemcen,
soutenu par l’état-major de l’armée.
Les choses ne se sont pas déroulées
comme les chefs de l’intérieur auraient voulu. Mais cela est une autre
histoire.
Adel Fathi
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya III (1954-1956)
Krim Belkacem :
un politique
à la tête du maquis
3
4
1
2
1- Krim Belkacem . 2- Amirouche Ait Hamouda. 3- Mohamedi Said dit Si Nacer. 4- Slimane Dehilès dit Si Sadek.
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 43 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
A
vant
même
le déclenchement de la
Révolution, la
Wilaya III historique avait
déjà son chef politico-militaire
tout désigné, et avait une organisation bien huilée, prête à relever le
défi. Et ce n’est pas un hasard que
les principaux représentants de la
Kabylie, Krim Belkacem et Amar
Ouamrane, avaient pris part à tous
les rendez-vous ayant présidé au déclenchement de l’insurrection ; à savoir notamment la fameuse réunion
des « 22 », la création du CRUA par
les « six historiques », en juin 1954,
Histoire
qui a désigné les responsables des
futures wilayas.
Le passage de Krim Belkacem
à la tête de la zone III, sera court,
mais marqué de son empreinte
indélébile. Sa double vocation
d’homme d’action et de politicien
a été un atout qui aidera l’organisation à se développer rapidement jusqu’à devenir un modèle de
lutte et d’efficacité. Profitant de la
concentration de l’armée coloniale
sur la région des Aurès-Nemamchas (zone I) durant les premiers
mois de la révolution, les dirigeants
de la zone III se sont déployés dans
toute la Kabylie pour poursuivre le
travail de sensibilisation et de mo-
bilisation. Et c’est là que Krim va
encore s’affirmer en tant que chef
charismatique, grand organisateur
et surtout comme un visionnaire.
C’est lui, qui, le premier, eut l’idée
de réunir tous les dirigeants de la
Révolution pour relancer la lutte et
tracer une stratégie d’action.
Les difficultés et obstacles commençaient à surgir. Les deux années passées à la tête de la zone
de Kabylie furent des plus éprouvantes à plus d’un titre. Il fallait
affronter l’ennemi sur deux fronts :
lutter contre les groupes messalistes du MNA, qui étaient encore
très présents, en Kabylie, et ses régions limitrophes, et poursuivre les
De g. à dr.: Youcef Zighoud, Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi, Krim Belkacem et Amar Ouamrane.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 44 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
actions de sabotage et de guérillas.
Mais le plus dur, pour Krim et ses
collaborateurs, s’avéra être le danger des traquenards qui leur étaient
posés par l’ennemi. L’affaire dite de
«l’oiseau bleu », œuvre, pitoyable,
des services secrets français, est
illustrative de cette bataille de renseignement qui sera déterminante.
Ce fut la plus grande épreuve pour
toute la Wilaya III, mais qui, grâce
au génie de son chef, en sortira plus
forte.
Les services français avaient
monté cette opération qui dura
dix mois (de novembre 1955 à septembre 1956). Le principe était de
monter des Kabyles contre d’autres
Kabyles, en instrumentalisant les
conflits tribaux et les animosités
avec les messalistes, afin de créer
la zizanie et laisser les djounoud
s’entredéchirer. Le plan diabolique
visait à créer des sortes de « contremaquis », ce qui était appelé la
« force K », en recrutant au sein de
la population ceux qui n’appartenaient pas au FLN. Mais le piège
s’est vite refermé contre ceux-là
mêmes qui l’avaient posé. Ainsi,
les services ennemis, mal renseignés, ne savaient pas qu’un grand
nombre de ceux qu’ils comptaient
comme leurs agents étaient des
activistes FLN, sous les ordres de
Krim. Celui-ci tria les plus sincères
de ses militants pour les faire passer à des membres de la « force K
». Le comble dans cette affaire est
que l’armée française les avait dotés
des armes les plus sophistiqués, au
grand bonheur des moudjahidine
et de Krim Belkacem. Celui-ci a
écrivit une lettre qui mémorable au
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Mohamedi Said et Krim Belkacem
gouverneur général : « Monsieur
le Ministre, Vous avez cru introduire, avec la « force K » un cheval de Troie au sein de la résistance
algérienne. Vous vous êtes trompé.
Ceux que vous avez pris pour des
traîtres à la patrie algérienne étaient
de purs patriotes qui n'ont jamais
cessé de lutter pour l'indépendance
de leur pays et contre le colonialisme. Nous vous remercions de
( 45 )
nous avoir procuré des armes qui
nous serviront à libérer notre pays.
» Malheureusement, les services
de renseignement français tenteront un autre coup visant à déstabiliser la Wilaya III, qui eut un effet
dévastateur : la triste affaire de la
bleuite. Mais à cette époque, Krim
n’était déjà plus chef de la Kabylie.
Durant cette période, la Kabylie
connut d’autres épisodes peu glo-
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Krim Belkacem et Abdelhafid Boussouf avec le Président Mao Tsé-toung
rieux, qui étaient autant d’épreuves pour les chefs de
maquis. Ce fut le cas de la « nuit rouge de la Soummam », où Krim Belkacem dut intervenir pour stopper la machine infernale qui avait provoqué des
tueries en avril 1956, dans la région d’Amizour, en
Basse-Kabylie, contre des villageois soupçonnés de
collaboration avec l’ennemi. Le nom d’Amirouche
sera de nouveau cité dans cette affaire.
L’apport de Krim Belkacem ne se limita pas à sa
seule région. Il s’engagea très tôt à doter d’autres zones
du pays (la future Wilaya IV) d’hommes et d’officiers,
dont ses proches collaborateurs Amar Ouamarane,
qui sera plus tard rejoint par Salah Zammoum, Ali
Mellah, Amar Oussedik, et bien d’autres illustres
cadres issus de la Wilaya III.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Cela dit, la grande prouesse de Krim Belkacem durant son passage à la tête de la Kabylie fut incontestablement le rôle de moteur qu’il eut à jour dans les
travaux du congrès de la Soummam. Mais avant tout,
l’honneur sera pour lui qu’une réunion à un tel niveau
fût organisée sur le territoire de sa zone. Et c’est à
cette date qu’il passa le relais à un autre chef, le colonel Mohammedi Saïd, pour se consacrer aux grandes
tâches nationales et autrement plus politiques, qui lui
étaient confiées par le CCE nouvellement créé, qui
le prédestinait à des postes de responsabilités encore
plus importants.
( 46 )
Adel Fathi
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya III (1956-1957)
Mohammedi Saïd
Le pieuX combattant
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 47 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
1
Histoire
956 fut une année charnière pour toute
la révolution algérienne : le congrès de
la Soummam, tenu le 20 août, donnera
un nouveau souffle à la lutte armée,
après deux ans de tâtonnements. Pour
la Kabylie, cela coïncida avec la nomination d’un nouveau chef, en remplacement de Krim
Belkacem, appelé à d’autres missions. Mohammedi Said
était le mieux placé pour assurer cette
succession à un moment de grand
redéploiement des unités de
l’ALN. Il avait toutes les
De g.à dr.: Si Nacer,
Ouamrane, Kechaï
qualités
d’organisaet Amirouche
teur et d’homme de
poigne.
Repéré
par Krim dès sa
sortie de prison en 1952, il
était resté en
contact avec
lui et d'autres
responsables
qui activaient
dans la clandestinité, avant
de le rejoindre
le maquis dès le
déclenchement de
l’insurrection, le 1er
novembre 1954.
Le 20 août en 1956, il
assurera la sécurité et le bon
déroulement du congrès de la
Soummam tout en y participant. Il sera
alors promu colonel, commandant de la Wilaya III
et membre suppléant du CNRA. Grâce à son dynamisme, à son savoir-faire militaire, qu’il avait acquis
au sein de l’armée allemande dans laquelle il avait servi
et au travail de structuration et de mobilisation ininterrompu qu’il effectuait auprès des populations, il a
réussi à rendre la Wilaya III la plus active et la mieux
organisée de toutes les wilayas. Certains témoignages
reprochent au successeur de Krim Belkacem une certaine nonchalance de sa part vers la fin de son règne et
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
sa religiosité excessive qui l’aurait quelque peu éloigné
de ses cadres (Lire à ce propos les ouvrages de Djoudi
Attoumi sur la guerre de libération en wilaya III).
Le nouveau colonel devrait faire face à plusieurs
épreuves, dont celle de la guerre des positions avec les
messalistes du MNA. La plus dure fut le massacre de
Mellouza. Cette affaire, qui continue à susciter débats
et controverses, a sérieusement ébranlé le crédit
du chef de la Wilaya III et de toute la
Révolution, et a sans doute précipité son départ pour Tunis
dès l’été 1957. Là encore,
des auteurs et des historiens, des deux
rives, accusent le
chef de la Wilaya
III de n’avoir
pas su agir avec
discernement
pour
avoir
autorisé ses
lieutenants à
commettre un
carnage dans ce
village isolé de
Mellouza, situé
aux confins de la
Wilaya III.
La version la plus
répandue, mais néanmoins
contestée par tant de maquisards de l’ALN, indique que, le 18 mai
1957, les troupes de l’ALN, commandées par
le capitaine Arab Ouddak et le lieutenant Abdelkader
El-Bariki, et sur ordre du colonel Mohammedi Sïd, dit
Si Nacer, s’en sont pris aux villages dit Mellouza, tenus
par les troupes du MNA commandées par le « général » Bellounis, pour mener une expédition punitive.
Selon des comptes-rendus de la presse française de
l’époque, les hommes de l’ALN auraient massacré
toute la population mâle du village et auraient laissé
315 cadavres dans les ruelles et ravins.
( 48 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Or cette version des faits a été démentie par le
FLN à l’époque même, en publiant des déclarations
de nouveaux témoignages qui semblent plus proches
de la vérité. Il s’agirait en fait d’une opération de
vengeance commanditée par le commandement de
la Wilaya III, sous la houlette du colonel Si Nacer,
en réponse au massacre perpétré par l’armée française et ses supplétifs dans le village de Mellouza,
qui, d’après certains auteurs, étaient en réalité acquis
à la cause nationale. L’opération exécutée par l’ALN
visait plutôt un village voisin, qui s’appelle Béni-Ilmane, dont la population, était, elle, inféodées au
« général » Bellounis, avec des dégâts « tout à fait
disproportionnés ». Les auteurs français, et même
beaucoup d’Algériens, n’auraient fait que reprendre
une propagande de l’armée française qui tentait d’intoxiquer l’opinion internationale en vue de discréditer la lutte des Algériens pour leur indépendance.
Dépassé par les événements, Si Nacer n’a pu
prendre aucune mesure pour restaurer la confiance
et surtout la discipline dans les rangs de ses troupes,
s’accordent à dire aujourd’hui tous les récits publiés
sur cet épisode obscur de l’histoire de la Révolution.
Cela lui vaudra d’être aussitôt rappelé par le CCE
qui était installé à Tunis, pour lui confier d’autres
tâches, au niveau notamment du Comité des opéra-
De g. à dr. : Mohand Oulhadj et Abdelkader El-Bariki
Bellounis au milieu de ses troupes
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Krim Belkacem et le Colonel Amirouche
Mohamedi Said
Amirouche en compagnie de quelques Moudjahidine
tions militaires (COM), puis à la tête de l’état-major
de l’ALN. Un nouveau chef sera aussitôt nommé
pour redynamiser cette importante wilaya et relever
les nouveaux défis –colossaux et redoutables – qui
s’annonçaient, avec les grandes offensives militaires
qui allaient s’abattre sur la région. A l’avènement du
colonel Amirouche, une nouvelle ère s’ouvrait pour
la Kabylie, pleine de belles épopées et d’épreuves
atroces.
Adel Fathi
Des éléments de l'ALN de la Wilaya III
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 50 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya III (1957-1959)
Colonel Amirouche
à la croisée
des chemins
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
Histoire
a nomination d’Aït-Hamouda Amirouche à la tête de la Wilaya III, en
juillet 1957, a été accueillie avec un
immense soulagement par les moudjahidine. Connu pour sa rigueur et son
inflexibilité, le comandant Amirouche,
promu à cette même occasion au grade de colonel,
avait fait ses preuves dans la vallée de la Soummam,
où il a été affecté par Krim Belkacem dès 1955, pour
structurer la région et contrer la poussée messaliste.
Amirouche devait rapidement
pallier les lacunes de son prédécesseur, relever le moral
des troupes et réorganiser
les structures de l’ALN
au niveau de cette wilaya qui est considérée
comme l’une des plus
importantes. Il fallait
ensuite se préparer
à
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
faire face aux opérations militaires d’envergure lancées par l’ennemi contre la wilaya III, dont l’opération « Jumelle » (22 juillet 1959), à travers laquelle
l’état-major de l’armée française a mobilisé 60 000
hommes, pour tenter de neutraliser « la rébellion »
dans cette wilaya réputée imprenable. Cette opération, qui restera dans les annales de l’histoire
comme étant un crime de guerre, a fait des milliers
de victimes dans les rangs des moudjahidine et de
la population.
Amirouche et ses adjoints n’arrêtaient pas de sillonner les quatre coins de la wilaya, pour instruire les
djounoud et sensibiliser la population sur les enjeux
du combat libérateur. Grace à sa personnalité et à
ses qualités d’organisateur, l’ALN s’est revigorée et
s’est renforcée. Son rayonnement s’est même étendu
jusqu’au-delà des frontières de la Wilaya III, après sa
première mission en Wilaya I, où il a été désigné par
le CCE pour tenter de trouver une solution aux luttes
fratricides dans la région des Aurès ; une autre fois,
en se réunissant avec d’autres chefs de wilaya à OuedLaasker, près de Skikda, et aussi lors de son premier
voyage en Tunisie. Mais, dès 1958, Amirouche commençait à se plaindre du manque d’armes et de munitions. Les caravanes d’acheminements se faisaient de
plus en plus rares, depuis que la double ligne électrifiée sur les frontières avec la Tunisie a été renforcée. Beaucoup d’auteurs estiment aujourd’hui
que le colonel de la Wilaya III aurait cultivé un
ressentiment tenace envers les dirigeants de
l’Extérieur qu’il aurait accusés de laxisme et
d’avoir « abandonné le maquis ».
Cela dit, sous sa houlette, les combattants
de la Wilaya III continuaient à réaliser des
exploits sur le terrain de la lutte armée. La
prise d’El-Hourane, en février 1958, où
un groupe de moudjahidine a pris d’assaut
une caserne militaire française et récupéré des centaines d’armes de guerre, après
avoir fait prisonnier le commandant de cette
unité importante de l’armée française, est un
exemple illustratif de ce niveau de performance
atteint par la Wilaya III du temps d’Amirouche.
Mais tous ces succès ont été ternis par l’affaire
( 52 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
De dr. à g. : Colonel Amirouche, Commandant Si Abdellah, Commandant Yazourene, Capitaine Mehlal said, Commandant Akli Mohand, Capitaine Oudek Arab.
dite de la bleuite, dont le colonel Amirouche porte la responsabilité morale et politique. Même s’il est établi que
le chef de la Wilaya III et ses adjoints ont agi dans l’esprit
de l’intérêt de la Révolution. Des centaines de djounoud
(420 selon des statistiques algériennes, et plus de 3500
d’après des auteurs français), dont plusieurs étudiants qui
avaient rejoint le maquis à la suite de la célèbre grève
des étudiants du 19 mais 1956, ont été exécutés, après
une extravagante campagne d’intoxication. Les purges
ont duré plusieurs mois, avec son lot d’interrogatoires, de
tortures et d’exécutions sommaires. Le capitaine Léger
aux ordres de Godard, qui a monté ce plan démonique, a
réussi à déstabiliser les maquis de la Wilaya III, mais n’est
pas parvenu à briser l’ALN dans cette région.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
On sait aujourd’hui que le CCE, et plusieurs états-majors de wilayas ont essayé par divers moyens d’entrer en
contact avec la Wilaya III, pour tenter de raisonner son
commandement et de le mettre en garde contre ce traquenard mortel qui lui a été tendu par l’ennemi. Mais
toutes leurs démarches se sont avérées vaines.
Ce triste épisode vécu par les moudjahidine de la Wilaya III, doit-il pour autant faire ombre aux nombreuses
gloires, et au rôle immense qu’a joué Amirouche durant
la période où il eut la charge de présider aux destinées
de cette wilaya ?
Face à autant d’épreuves, l’ALN n’avait d’autre choix
que de poursuivre la lutte. Les événements vont alors
s’accélérer : la mort subite du colonel dans la célèbre
( 53 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Le colonel Amirouche avec le capitaine Maghni Mohamed Salah dit
Si Abdellah Ibeskriene chef de la zone 3 de la wilaya III. photo prise en
octobre 1957 dans la zone 3
Le Colonel Amirouche à droite
bataille de Djebel Thameur, le 29 mars
1959, en compagnie du chef de la Wilaya
VI, le colonel Ahmed Benabderezak, dit
Si Houès, va mettre de nouveau la Wilaya III à la croisée des chemins. L’opération « Jumelles » venait d’être enclenchée, les moudjahidine étaient exténués
par cinq années de combats intenses et
ininterrompus. Après l’annonce de la
mort du « loup de la Soummam », les
médias colonialistes prédisaient la fin
de la « guérilla » en Algérie. C’était loin
d’être acquis.
Adel Fathi
Colonel Amirouche mort
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Si El-Haouès mort
( 54 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
La Wilaya III, sous le règne
d’Abderrahmane Mira
Face à
l’opération « Jumelles »
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 55 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
Histoire
a mort du colonel Amirouche au champ
d’honneur, le 29 mars 1959, laissa le
commandement de la Wilaya III dans le
désarroi le plus total, tant l’homme était
irremplaçable, et surtout tout le monde
attendait les nouvelles orientations à son
retour de Tunisie. Sa succession ne s’est pas faite sans
quelque rififis, puisque, le colonel Amirouche avait, au
départ, laissé l’intérim au commandant Akli MohandOulhadj, mais d’après les historiens s’appuyant sur des
archives, le chef de wilaya, apprenant en chemin la nouvelle de l’arrivée inopinée de Abderrahmane Mira en
Kabylie, appelé pour renforcer le maquis, adresse, le 22
mars 1959, deux lettres, l’une au conseil de la Wilaya III
et l’autre à destination de Mira lui-même pour le designer
intérimaire à la tête de la Wilaya. Alors qu’une autre
version soutient que la direction de la Révolution à Tunis aurait décidé d’envoyer Mira pour prendre la place
d’Amirouche après le scandale de la bleuite. Grâce à son
parcours, à ses hauts faites d’armes et à ses qualité de meneur d’homme, Abderrahmane Mira, promu commandant au congrès de la Soummam, dont il a eu à assurer
la sécurité avec Amirouche, était naturellement le mieux
placé pour prendre la place d’Amirouche à la tête de cette
importante wilaya, au confluent avec plusieurs wilayas.
D’un tempérament fougueux, il n’en était pas moins
opposé au style de l’homme, en dénonçant les excès qui
caractérisaient le traitement qui avait été réservé aux
personnes soupçonnées dans le cadre de la « bleuite ».
Ainsi, dès son arrivée au PC de la Wilaya III, vers la fin
de mars 1959, Abderrahmane Mira, promu automatiquement colonel, condamna l’usage de la torture et décida
de libérer tous les combattants injustement poursuivis
dans cette affaire d’intoxication et de manipulation des
services spéciaux de l’armée française, sous la houlette
du colonel Godart et du capitaine Léger. Mieux, il libéra
les prisonniers français, civils et militaires, au nom de la
grandeur et de la justesse de la lutte de libération nationale. Mais rares sont les auteurs qui ont signalé ces faits,
y compris certains spécialistes de l’histoire de la Wilaya
III. Des faits qui attestent d’un esprit chevaleresque rare
chez ce chef hors pair quelque peu lésé par l’historiographie, et dont l’histoire reste à écrire. Pourtant, durant la
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
même période, la Wilaya III faisait face à la plus grande
offensive militaire de l’histoire de la colonisation de l’Algérie, l’opération « Jumelles », lancée le 22 juillet 1959, et
qui avait comme objectif d’anéantir les maquis de l’ALN
dans la Wilaya III, alors que les armes et les munitions
manquaient cruellement. Les trois compagnies envoyées
en Tunisie pour se ravitailler en armes en Tunisie, n’ont
pas réussi à franchir la ligne Morice. A cela s’ajoutait
l’apparition d’une fronde interne, menée par un groupe
d’officiers et de sous-officiers, qui se regroupèrent dans
ce qui était appelé « le Comité des officiers libres », qui
a voulu contester le commandement de leur wilaya.
C’est dans ces conditions particulièrement hostiles que
le colonel Mira tenta de redéployer l’ALN, de relever
le moral des moudjahidine et des populations, après le
passage de ce rouleau compresseur que fut l’opération
« Jumelles », et enfin de desserrer l’étau sur sa wilaya cernée par d’autres opération militaires lancées dans toutes
les wilayas limitrophes. Un rapport de du CNRA avait
même signé au GPRA, à cette époque, un affaiblissement général des forces de l’intérieur. Mais la situation
en Kabylie était, de l’avis de tous les historiens et témoin
qui ont écrit sur cet épisode, particulièrement intenable.
Pour eux, le grand mérite de la Wilaya III, et de ses
vaillants combattants, était d’avoir survécu à ce déluge
de feu qui s’était abattu sur elle. Fin 1959, la guerre fait
encore rage, et aucune perspective de négociation n’est
encore envisagée. Il a fallu plusieurs mois pour que les
maquis de l’intérieur reprennent contact avec l’extérieur,
et reçoivent de nouvelles cargaisons d’armes pour poursuivre la lutte. Abderrahmane Mira et ses hommes ne
manquaient pas de bravoure pour faire face aux épreuves
les plus difficiles et réorganiser l’ALN ; mais le destin ne
lui a pas permis d’achever cette mission. Après sept mois
seulement à la tête de la Wilaya III, le 6 novembre 1959,
le colonel Abderrahmane Mira, surnommé « le Tigre de
la Soummam », tombe au champ d'honneur dans une
embuscade tendue par le 2e Régiment d’infanterie marine aéroportée (RIMA), près du col de Chellata au nord
d'Akbou, alors qu'il est en partance pour le conseil de
la Wilaya III. Une page se tourne dans l’histoire tumultueuse et épique de la Wilaya III, et une autre s’ouvre.
Adel Fathi
( 56 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
La Wilaya III (1959-1962)
La sagesse comme
stratégie de guerre
Colonel Akli Mohand Oulhadj
Par Adel Fathi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 57 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
D
epuis l’arrivée
du
général
Charles de
Gaulle au
pouvoir,
par le coup d’Etat du 13 mai 1958,
les opérations militaires destinées
à écraser la révolution algérienne
se sont multipliées et renforcées,
tant du point de vue matériel
qu’humain – 40 000 soldats du
contingent ont été rappelés. Venu
avec cet esprit de « pacificateur »,
de Gaulle décida de remanier tout
Histoire
l’état-major de l’armée coloniale,
en nommant le général Challe en
qualité de commandant en chef
des armées en Algérie. Celui-ci
échauda le célèbre plan portant son
nom, qui se donna comme objectif
de mener une politique de la terre
brûlée. Quatre grandes offensives
ont été lancées, : opération « Courroie », du 18 avril au 19 juin, dans
l’Algérois et l’Ouresenis, suivie de
l’opération « l’Étincelle », du 8 au
20 juillet, sur le massif du Hodna,
reliant la Wilaya III à la Wilaya I,
puis l'opération « Jumelles » s'ap-
pesantit sur la Wilaya III, du 22
juillet 1959 à la fin de mars 1960.
Peu après, les opérations « Pierres
précieuses » s'abattent sur la Wilaya
II, entre le 6 septembre et le 9 novembre 1959, jusqu'en avril 1960.
Mais les contradictions qui caractérisaient la nouvelle politique
du gouvernement français finirent
pas déteindre sur la cohésion de
cette armée française, en poussant
des officiers supérieurs à la sédition pour créer l’OAS, dès 1960,
et fomenter même une tentative de
coup d’Etat.
Mohand Oulhadj debout au centre de la photo
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 58 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Mohand Oulhadj en médaillon en réunion en novembre 1961
Les maquis suivaient l’évolution
de la situation avec appréhension.
Après avoir survécu au « rouleau
compresseur » de l’opération « Jumelles », lancée en juillet 1959, la
Wilaya III devait se réorganiser et
adapter sa stratégie aux nouvelles
réalités. Cette période coïncidait
avec la mort précoce du colonel
Abderrahmane Mira, successeur
du colonel Amirouche à la tête
de la wilaya, et son remplacement
par Mohand-Oulhadj. Celui-ci
a dû user de son intelligence et
de sa sagesse (il était surnommé
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
« Amghar », en kabyle : le Sage)
pour redresser une situation quasi
chaotique qu’avait provoquée le
déluge de feu du plan Challe sur la
Kabylie, et sur toute l’Algérie.
Mohand Oulhadj se voit ainsi
confier cette tâche en été 1959. Il
innove en ordonnant de scinder
les gros bataillons et compagnies
en petits groupes et de s’organiser
pour mener des combats de guérillas, avec des embuscades, des
harcèlements, etc. Seul moyen à la
fois pour s’épargner les face-à-face
mortels avec l’ennemi, qui avait
( 59 )
déployé une armada invincible, et
pour desserrer l’étau qui se refermait de plus en plus contre l’ALN,
de toute part. La tâche était loin
d’être une sinécure. A ces difficultés objectives, s’ajoutaient des tentatives de dissidence au sein même
des unités de la Wilaya III, avec
l’apparition du comité dit des « officiers libres », qui contesta le commandement de la wilaya et jugeant
Mohand Oulhadj et Abderrahmane Mira, incapables de faire face
à la situation que vivait la Wilaya
III depuis l'opération Jumelles.
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Mohand Oulhadj avec le Che à sa gauche
De nombreux témoignages rendant hommage au colonel Mohand
Oulhadj, affirment que c’est grâce
à son autorité morale et à son esprit de dialogue que ce conflit a été
résolu. Le vieux sage a consenti à
toutes les revendications des officiers mécontents (des promotions
collectives, une augmentation de
budgets pour certaines zones,
etc.), tout en restant ferme sur le
principe de la lutte et le règlement
de l’ALN. Car cette dissidence
aurait pu prendre une autre tournure, si le commandement de la
wilaya n’avait pas eu la sagesse de
réagir rapidement et efficacement.
Mohand-Oulhadj craignait surtout
une réédition du syndrome de la
« paix des braves » qu’avait connue,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
à la même période, la wilaya IV,
avec laquelle la Kabylie avait des
relations très étroites.
Le colonel Mohand-Oulhadj eut
également à présider presque seul
aux destinées de sa wilaya. Tous
les anciens dirigeants militaires et
politiques de la Wilaya III s’étaient
installés en Tunisie. Des historiens
ont fait remarquer que depuis la
mort d’Abderrahmane Mira, la
Wilaya III connut une situation
anormale, voire illégale, en ce sens
que le commandement qui s’était
retrouvé sans aucun commandant – tous les officiers supérieurs
étaient à cette époque soit morts,
soit en Tunisie – ne pouvait de ce
fait tenir des conseils de wilaya. Un
conseil de wilaya est représenté par
( 60 )
le colonel de la wilaya et ses trois
adjoints qui sont au grade de commandant (opérations militaires,
politique et enfin renseignement et
liaisons). Le colonel Mohand Oulhadj réussira toutes les épreuves,
dont la dernière fut la mise en
œuvre des accords du cessez-le feu
signés le 19 mars 1962, à travers
tout le territoire de la Wilaya III,
avec les commissions mixtes composées, à nombre égal, d’officiers
de l’armée française et d’officiers
de l’ALN, pour veiller au strict
respect du cessez-le-feu. Tous les
grands baroudeurs de l’ALN furent
mobilisés pour gagner cette ultime
bataille, la bataille de la paix.
Adel Fathi
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Les légendaires chefs
de la wilaya IV
Amar Ouamrane
Slimane Dehiles
Rabah Bitat
Mhamed Bouguerra
Mohamed Zamoum
Djillali Bounâama
Youcef El-Khatib
Par Djamel Belbey
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
Histoire
a Wilaya IV, qui incluait Alger, était
non seulement la plus durement
surveillée et la plus difficile à
approvisionner en armes, mais aussi le
théâtre des plus grandes opérations de
contre-révolution, de contre-maquis et
d’expérimentation de techniques de la contre-guérilla.
Malgré cela, la Wilaya IV a remporté sur le terrain
plusieurs batailles, grâce à la détermination et à la
sagacité de ses chefs dont l'ennemi lui-même a reconnu
la valeur. La zone quatre, devenue Wilaya IV après le
congrès de la Soummam d’août 1956, d’abord faible
en encadrement à son déclenchement le 1er novembre
1954 – elle comptait environ 50 hommes, presque
tous arrêtés –, s’est consolidée à partir de 1955 par un
renfort massif, a telle enseigne que l’ALN y compte
5.000 hommes dès 1955, 9.000 au milieu de 1958.
Ce sont sept commandants, en effet, qui se sont succédé
à la tête de cette wilaya, en sept années de guerre. Rabah
Bitat (1954-1955), Amar Ouamrane dit Si Rezki (19551956), Slimane Dehiles dit Si Sadek (1956-1957,) Ahmed
Benlarbi Bouguerra dit Si M’hamed (1957-1959), Ben
Rabeh Mohamed Zamoum dit Si Salah (1959-1960),
Djillali Bounaâma dit Si Tayeb (1960-1961) et Youcef El
Khatib, dit Si Hassen (1961). Quatre, Amar Ouamrane,
Ahmed Benlarbi Bouguerra, Djillali Bounâama et Ben
Rabeh Mohamed Zamoum sont tombés au champ
d’honneur et trois, Rabah Bitat, Slimane Dehiles dit Si
Sadek et Youcef Khatib dit Si Hassan, ont survécu après
l’indépendance. Au déclenchement de la révolution :
Combattants de la Wilaya IV
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Rabah Bitat
Rabah Bitat : un combattant prêt au
sacrifice suprême
Premier dirigeant de la Wilaya IV, Rabah Bitat était
aussi, l'un des pionniers du FLN. Ce natif de Aïn
Kerma dans le Constantinois, le 19 décembre 1925, était
la cheville ouvrière de la réunion des 22 historiques,
qui décidèrent de lancer la lutte armée, pour avoir mis
en place toute la logistique, grâce à Zoubir Bouadjadj.
Activement recherché par la police française depuis le
démantèlement de l’OS, il entre dans la clandestinité
en 1950, et est condamné par contumace en 1951 à
cinq ans de prison. Permanent du MTLD, il participe
au CRUA en 1954 et est désigné premier responsable
du FLN pour l'Algérois. Dès le début de la révolution,
il est désigné en qualité de premier responsable du
FLN pour l’Algérois, de premier chef de la zone 4
et de premier dirigeant de la Wilaya IV historique à
laquelle a donné naissance la zone 4. Il organise la
guérilla urbaine à Alger et dans la banlieue algéroise.
Rabah Bitat était de ces combattants parfaitement
prêts au sacrifice suprême pour la noble cause de la
libération de l’Algérie ; les missions auxquelles il
prenait part étaient souvent qualifiées de « missionssuicide », tant elles comportaient de risques inouïs
pour lui et ses compagnons d’armes. Rabah Bitat
réussit à organiser une série d’opérations militaires
contre les forces françaises à Alger et dans la Mitidja
le 1er novembre 1954 ; ces opérations eurent lieu
notamment à Blida où il a mené l’attaque en compagnie
d’Ahmed Bouchaïb contre la caserne Bizot, perdit
trois hommes de son commando et se replia dans
les montagnes de Chréa. Ces mêmes montagnes de
Chréa où devait se faire, plus tard, la jonction avec
le groupe d’Ouamrane et de Souidani Boudjemaa,
groupe chargé de donner l’assaut à la caserne de
Boufarik en vue de répartir les armes récupérées
entre la zone trois (Kabylie) et la zone 4 (Algérois).
Des maquis bien structurés et très actifs naissent
aussitôt dans les monts de Lakhdaria et de l'Atlas
blidéen, compensant la déstructuration des réseaux
de lutte qui a suivi les arrestations massives opérées
par le pouvoir colonial français au lendemain du
Les six historiques
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
déclenchement du combat libérateur le 1er novembre
1954. De nombreuses rencontres avec les autres
courants et entre responsables de différentes Wilayas
ont eu lieu également sous son commandement.
Rabah Bitat ne dirige cependant la Wilaya IV qu'un
peu plus de quatre mois ; cinq mois après le début de
la guerre de libération il est arrêté le 16 mars 1955
au café Ben Nouhi, rue de La Lyre dans le quartier
de la Casbah, à Alger, alors qu’il avait rendez-vous
avec un « contact » dans ce café, et qu’il sortait d’une
réunion avec Krim Belkacem et Abane Ramdane en
prenant toutes les précautions d’usage pour ne pas
révéler le lieu où il s’est réuni. Des témoins racontent
que Rabah Bitat a tenté de se donner la mort, lors
de son arrestation par la police française en 1955, en
avalant un comprimé de cyanure pour s’empêcher de
parler pendant la torture. Mais il laisse en place des
commandos qui vont s'implanter dans la Casbah sous
la direction de Yacef Saadi. Il passe le 16 avril 1956
devant un tribunal militaire et se trouve condamné
aux travaux forcés à perpétuité. Son emprisonnement
n’empêche pas sa désignation en qualité de membre du
Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA)
le 20 août 1956 lors du Congrès de la Soummam.
Amar Ouamrane, était précurseur de la
lutte armée
A partir de 1955, il fut remplacé par Amar Ouamrane
dit Si Rezki (1955-1956). Cet ancien responsable de la
Kasma du PPA, puis adjoint du responsable régional
Krim Belkacem, est celui qui donna un sens à la lutte
armée bien avant le déclenchement de la révolution en
novembre 1954. Né le 19 janvier 1919 au douar Frikat,
près de Draa-El-Mizan, il a été condamne à mort par
un tribunal militaire à Alger dès novembre 1946, alors
qu’il préparait « la prise de la caserne de Cherchell ».
Amnistié, puis arrêté à nouveau. Au cours de sa fuite, il
tire sur un gendarme, et à partir de ce moment, plonge
dans la clandestinité car condamné à mort par contumace.
Lors de la crise de l'organisation nationaliste, il prend
d'abord position pour Messali en février 1954 contre
les centralistes, puis adopte le point de vue sur le pas-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Amar Ouamrane
sage à l’action armée. Amar Ouamrane opère à partir du 1er novembre dans la région de Mirabeau, actuellement Draâ Ben Khedda, puis dans la vallée du
Haut-Sebaou. Il quitte ce terrain pour prendre, à la
place de Rabat Bitat, le commandement de la Wilaya
IV. Il déplace en conséquence son PC vers le secteur
Palestro Bouzegza. Ouamrane réussira une embuscade
contre les éléments du 9e régiment d'infanterie coloniale (RIC) dans les gorges de Palestro. L'embuscade
de Palestro, qui restera comme la plus célèbre de la
guerre de libération nationale, est une bataille qui s'est
déroulée le 18 mai 1956, durant la guerre d'Algérie, à
Ouled Djerrah dans la région de Palestro (aujourd'hui
Lakhdaria).Cette opération qui s’est soldée par la mort
de 21 militaires de l’armée coloniale était l’œuvre d’une
katiba dirigée par Ali Khodja, qui était le meilleur lieutenant de Ouamrane, qu’il avait affecté à la zone 4 de la
Willaya III, la plus difficile, tant par le relief que par le
climat. Ouamrane fut remplacé par Sadek Déhiles, dit
« si Sadek ». Il a été envoyé en Tunisie en mission pour
superviser la logistique et l'armement, fin 1959.
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Djamel Belbey
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Wilaya IV
Le temps des grandes
manœuvres coloniales
Par Djamel Belbey
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
e congrès de la
Soummam donna
une véritable structuration à la Wilaya
IV, qui y était représentée par quatre dirigeants : Amar Ouamrane, chef de
wilaya, Sadek Dehilès, Si M’hamed
Bouguerra, Ali Mellah.
Histoire
M'hamed Bouguerra en médaillon au milieu des combattants de la Wilaya IV
Colonel Slimane Dehilès, dit
Si Sadek : gérer l’afflux des
étudiants
Le colonel Si Sadek (de son vrai nom
Slimane Dehilès) né aux Ouadhias
en Grande Kabylie, est désigné par
Abane Ramdane vers la deuxième
moitié de 1956 à la tête de la Wilaya IV en remplacement de Amar
Ouamrane qui était parti pour Tunis
en mission pour y installer le CCE.
Durant cette période les maquis ont
reçu un véritable renfort d'intellectuels, de chefs de réseau d'étudiants,
qui avait permis un encadrement de
Slimane Dehiles dit Si Sadek
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
qualité à cette wilaya historique, qui
en avait besoin en ces premières années de guerre d’indépendance.
La Wilaya IV était devenue « une
wilaya intellectuelle », avec tous les
étudiants qui y affluaient », disait--il
quelques années plus tard, en parlant de l’afflux massif des étudiants
enregistré dans les maquis à la suite
de la grève des étudiants de 1956.
Au mois d'avril 1957, la Wilaya IV,
qui groupait tout l'Algérois, y compris Alger, comptait 5 000 hommes.
De plus, cette wilaya avait bénéficié
d’un appui inestimable des populations, organisées dans un réseau
de moussebline, et dont les tâches
étaient multiples : sabotages, transport des munitions et des blessés,
renseignements, etc. En outre, la
Wilaya IV faisait fonctionner en
permanence des écoles de cadres,
des services sanitaires, des services
sociaux pour les veuves et les orphelins, en plus des services de propagande, d'information, de logistique
( 66 )
et de politique, dont avait la charge
le colonel Si Sadek en sa qualité de
commissaire politique. Si Sadek est
ensuite désigné membre du CNRA
de 1957 à 1962
Ahmed Benlarbi Bougara
dit Si M’hamed : une maitrise exceptionnelle de la
wilaya
Si M'hamed Bougara, commandant
de la Wilaya IV historique de 1957 à
1959, a dirigé la région la plus difficile
du pays pendant une des périodes les
plus dures de la guerre de libération.
Ouvert, montrant un esprit démocratique, extrêmement populaire, ce
géant connu pour son sens de l'humour a aussi su allier des qualités de
stratège militaire et de fin politique,
en participant à des opérations majeures, comme l'accueil des étudiants
qui rejoignaient le FLN en 1956 ou
l'élimination de Kobus l'année suivante.
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Histoire
M'hamed Bouguerra
nLa période qui a fait suite au congrès de la Soummam
a été certes marquée par une lutte armée intensive, avec
la multiplication des actions menées par l’ALN, mais
aussi par la politique de « la main de fer » appliquée à
la révolution par de Gaulle, dès son arrivée au pouvoir
en 1958. Cette politique, basée sur des plans diaboliques
visant à étouffer la révolution et qui a consisté à dresser
les lignes Challe et Morice, à multiplier les opérations
de ratissage de grande envergue et à créer des centres de
d’internement et de geôles, a été durement ressentie par
la révolution. Mais face à ces difficultés, Si M'Hamed
a montré une maîtrise exceptionnelle dans la direction
de la wilaya. Il s’est employé, ce faisant, à contourner
ce handicap par des contacts avec les autres Wilayas de
l’intérieur. C’est ainsi qu’il a rencontré d’autres dirigeants
des Wilayas historiques, I, III et VI, lors d’une réunion
dont le but était de procéder à l'examen de la situation et
de prendre les décisions idoines pour faire face à cette
politique dangereuse de de Gaulle.
La réunion des colonels, à laquelle a pris part Si M’hamed Bougara en tant que commandant de la Wilaya IV,
eut lieu le 6 décembre à El-Milia sur le territoire de la
Wilaya II historique dans le Nord Constantinois.
Lakhdar Bouregaâ officier de l'ALN de la Wilaya IV
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Commandant Mokrane Saïd dit Si Lakhdar
Commandant Azzedine lors de son arrestation
Le colonel Si M’hamed a maintenu une pression continue sur l’armée coloniale, en imposant de véritables
zones libérées dans l'Ouarsenis, le Zaccar, l'Atlas blidéen
et les monts de Médéa, tout comme il a dirigé de grandes
batailles à Amrouna, Theniet El-Had, dans l'Ouarsenis,
à Bouzegza, dans le Zaccar et aussi à Oued El-Maleh,
Oued Fodda.
2
1
Le 30 décembre 1958, il a dirigé une bataille de grande
envergure sur les montagnes qui entourent Berrouaghia
et Médéa, au mont Mongorno plus précisément. Ce fait
d’armes des katibate de l’Armée de libération nationale
(ALN), notamment celles dénommées Zoubiria, Hamdania et Omaria, a anéanti le moral des troupes françaises
stationnées dans cette région et fut sans conteste l’un
des faits marquants de cette guerre d’usure livrée contre
l’occupant français par les combattants de l’ALN de la
Wilaya IV. En 1959, Si M’hamed, qui venait d’enregistrer
le départ à l’étranger de deux prestigieux commandants,
Azzedine et Omar Oussedik, dut faire face à la machine
coloniale. Si M’hamed Bougara est tombé les armes à la
main, en compagnie de plusieurs dizaines de moudjahidine, le 5 mai 1959, lors de la bataille de Ouled Bouachra
(Médéa). Son corps ne sera jamais retrouvé.
Par Djamel Belbey
1 - M'hamed Bouguerra.2- Commandant Si Lakhdar.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Wilaya IV
l’assainissement des
dossiers épineux
Par Djamel Belbey
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Histoire
A
Commandant Mohamed Zamoum dit, Si de mandater Si Salah pour rencontrer le général de
Gaulle. Le 9 juin 1960 à 22 heures, trois dirigeants de
Salah : « l’affaire si salah »
sa mort au combat, en 1959, si
M’hamed (le colonel Bouguerra)
est remplacé à la tête de la Wilaya
IV par le commandant Mohamed
Zamoum dit Si Salah, membre du
Conseil de wilaya, puis nommé
adjoint du colonel Boumediene à l'état-major de l'ouest.
Il est ensuite membre du CNRA et en mai 1959, et
accède au poste de chef politico-militaire de la Wilaya
IV. Son nom est lié à un événement singulier, durant
la révolution. Il s’agit de la rencontre à l’Elysée avec
de Gaulle qui avait pour objet l’autodétermination et
qui a fait polémique. Ce qui lui a valu d’être accusé de
traîtrise et d’être destitué le 20 juillet 1960. Il est tué
au combat le 20 juillet 1961. C’était durant les «années
difficiles» que subissait la Révolution, notamment
après l’avènement de de Gaulle en 1958. Dépité de
l'isolement dans lequel le GPRA laisse les combattants
de l'intérieur, le conseil de wilaya décide à l'unanimité
Salah Zamoum
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
la Wilaya IV, Si Salah (Salah Zamoum), commandant
de wilaya, son adjoint militaire Si Mohamed (Djillali
Bounaâma) et son adjoint politique Lakhdhar
Bouchemaâ ont rencontré, au palais de l’Elysée à Paris,
le général de Gaulle, entouré de deux collaborateurs,
Bernard Tricot et le général Mathon. La rencontre
de l'Elysée en elle-même ne déboucha sur rien de
concret. De Gaulle y affirma son intention d'aller
à un référendum, et les dirigeants de la Wilaya IV
affirmèrent leur volonté d'aboutir à l'arrêt de l'effusion
de sang si les conditions sont réunies. Les deux parties
se séparèrent sans accord précis, sans rendez-vous fixé
et les dirigeants de la Wilaya IV se contentèrent de dire
à de Gaulle que si son intention d'aller au référendum
était fondée, il n'y aurait même plus besoin de prendre
contact avec eux, mais directement avec le GPRA.
Les trois participants à la rencontre, du côté algérien,
sont morts. Si Salah, destitué, a été envoyé en
Tunisie pour être jugé par le GPRA. Il meurt dans
une embuscade en cours de route avec son escorte
le 20 juillet 1961, au lieu dit Assif imezdurar, sur les
hauteurs du Djurdjura, dans la commune de Saharidj
(daïra de M’chedallah). A sa mort, le colonel Si Salah
n’avait que 33 ans. Lakhdar Bouchemaâ, arrêté et jugé,
est exécuté. Si Mohamed, qui succède à Si Salah à la
tête de la wilaya, meurt lui aussi le 8 août 1961 dans un
accrochage avec un corps d’élite de l’armée française
au cœur de la ville de Blida. Sont également exécutés
pour leur participation à l’organisation de la rencontre
Abdellatif, un ancien du commando Ali Khodja, et
Halim, responsable des liaisons et renseignements.
Un demi-siècle après, la Fondation de la Wilaya IV
historique revient à la charge, lors d’une conférencedébat au sujet de l’affaire dite de l’Elysée, pour
expliquer que le but recherché par ces officiers,
conduits par le commandant Si Salah, de son vrai
nom Mohamed Zamoum, était de «desserrer» l’étau
qui étranglait à l’époque la Révolution. Quelques jours
après la fameuse rencontre, soit le 20 juin 1960, le
GPRA accepta de négocier avec le général de Gaulle.
Les négociations ont précipité l’indépendance de
l’Algérie.
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
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Histoire
Djilali Bounaâma
Djillali Bounâama, dit « Si Mohamed » :
régler les dossiers épineux de la wilaya IV
Mohamed Bounâama, dit si Mohamed, qui a assumé
le commandement de la Wilaya IV à la suite de l’affaire
Si Salah est un brillant chef politique et militaire.
Doté d’une forte personnalité, il a participé de
manière directe au règlement de la plupart des dossiers
épineux de la Wilaya IV. Ce valeureux combattant,
ayant côtoyé les prestigieux chefs, était très respecté
par ses djounouds dont il était proche. Il possédait des
qualités militaires qui en faisaient un grand stratège
de guérilla, d’où les nombreuses opérations de lutte
qu’il mena contre l’ennemi. Membre du Conseil de
zone en fin 1956, d'après les nouvelles structures
décidées par le Congrès de la Soummam, avec le grade
de lieutenant, il mit sur pied des unités aguerries, qui
allaient se lancer à l'attaque des unités françaises,
harceler les cantonnements, les convois motorisés
dans le Dahra, sur les Monts du Zaccar, de Ténès,
Theniet El-Had à l'Ouarsenis. L'insécurité était totale
pour les colons dans la plaine du Cheliff, aux abords
des villes comme Chlef, El-Khemis, Miliana, AinDefla. Au printemps 1956, il prit la tête du commando
qui attaqua le cantonnement de Kobus, qui venait de
créer une milice dans la région de Zeddine. Il affronta
aussi les hommes du bachagha Boualem.
Alors qu’il est promu aux fonctions de chef de la
zone 3 durant l'été 1957, de grandes opérations furent
préparées et exécutées sous ses ordres directs, comme
la destruction d'une unité motorisée près de Narbot,
l’anéantissement d'une compagnie de cavalerie au
nord-ouest de Theniet El-Had et la capture de son
chef, l’occupation du village Souk El-Had, un coup
de main à Lamartine (Karimia) où une trentaine de
militaires furent faits prisonniers. Il dirigea lui-même
le bataillon opérationnel de l'Ouarsenis qui tendit une
embuscade au convoi circulant sur la route Chlef –
Bordj Bounaama, durant lequel deux avions furent
abattus. A la mort de Bougara, le 5 mai 1959, il était
l’adjoint de Si Salah qui avait pris la direction de la
wilaya jusqu’à l’affaire de l’Elysée. En fait, la Wilaya
était dirigée de manière collégiale, les hommes ayant
fini par former une équipe qui se complétait.
Ils faisaient face, dans les années 1959 et 1960, à des
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épreuves difficiles, qu’ils contournèrent en faisant
éclater les troupes en petites unités et en lançant une
offensive politique remarquable dans les villes, avec
distribution de tracts, de bulletins d’information et
de mobilisation. Si Mohamed prit le commandement
de la Wilaya IV, en 1960, quand Alger fut confiée à
la Wilaya. Il dota la capitale d'un Conseil de zone,
la six, qui s’étendait sur une partie du Sahel et de la
Mitidja, et y intensifiait le travail politique qui aboutit
aux manifestations de décembre 1960. Si Zoubir, de
son vrai nom Boualem Rouchaï, officier de la Wilaya
IV, mourut lors de ces manifestations. Si Mohamed
installa les services de transmissions, de propagande
et d'information en plein cœur de la Mitidja, avec un
PC à Blida. C'est à partir de là que les grèves et les
manifestations de juillet furent préparées et organisées.
Du 1er juillet au 5 juillet, des manifestations se
déroulèrent de Chlef au Sahel. C’est de là aussi qu’il
organisa un transport d'armes de guerre en provenance
de l'extérieur, et mit sur pied un réseau de boîtes aux
lettres avec le GPRA, via l’Europe. Le 8 août 1961, Si
Mohamed et trois compagnons se trouvent dans un
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Youcef Khatib
PC à Blida, dans la ferme des Naïmi, quand ils sont
encerclés par des unités d’élite de l’armée française.
Quatre hommes de la Wilaya IV tombent dont Si
Mohamed. Mohamed Teguia, responsable du service
propagande et information, blessé grièvement, est fait
prisonnier, avec deux autres militants, membres de la
famille qui hébergeait le PC.
Youcef Khatib , dit « Si Hassan » : un
chirurgien au service de la révolution
Il a dirigé la Wilaya IV d'août 1961, date de la mort
du commandant Si Mohamed (Djillali Bounaâma), à
l'indépendance, en 1962. Ce natif de Chlef, né en 1932,
avait rejoint l'ALN en 1956 à la suite de la grève des
étudiants décidée par l'Union générale des étudiants
musulmans algériens (UGEMA), abandonnant ses
études de médecine. Youcef Khatib était devenu
Si Hassan. Le maquis, il le prit dans sa région,
autour d'Orléansville, sur les montagnes boisées de
l'Ouarsenis. La Wilaya IV cherchait alors à utiliser les
compétences : «Vous faites de la médecine ? Très bien,
vous serez médecin.» Brusquement, le jeune étudiant
de 22 ans, qui avait à peine observé, de loin, quelques
malades à l'hôpital Mustapha derrière ses maîtres,
fut appelé à traiter les blessures les plus graves. Sur
le tas, il apprit à faire des amputations, à extraire
d'une chair meurtrie les balles de l’ennemi. De temps
en temps, lorsqu’il avait le temps, il jetait des coups
d’œil hâtifs sur les manuels, mais le plus souvent, il
travaillait d’instinct, muni de quelques règles qu’on
lui avait enseignées et d’un bon sens qu’on acquiert
lorsqu’on est obligé de se battre dix, vingt fois par jour
pour sauver la vie des autres. Rapidement, Si Hassan
monta dans la hiérarchie de la section sanitaire de la
Wilaya IV. Responsable d'infirmerie, d'hôpital, chef
des services sanitaires de la région, puis de la zone
d'Orléansville, actuellement Chlef, enfin, avec le titre
de responsable sanitaire de la Wilaya IV qu'il obtint
en 1959. Durant cette période marquée par l’opération
« Couronne », il a côtoyé les premiers médecins avec
lesquels il a mis sur pied le service de santé de la Wilaya
IV, dont il devait, plus tard, prendre le commandement
avec le grade de colonel pour la diriger d'août 1961 à
juillet 1962 à l'indépendance. Devenu commandant,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
membre du conseil de wilaya, il se lie d'amitié avec
Djillali Bounaama (commandant Si Mohamed), dont il
assure la succession après son décès le 8 août 1961. Si
Hassan a accompli toute sa carrière au sein de l'ALN
à l'intérieur du pays. Il a passé six années dans les
maquis, faisant le coup de feu, échappant à la mort
à de très nombreuses occasions. Blessé plusieurs fois,
il en a gardé quelques séquelles, dont la plus visible à
l'oreille droite.
Il reprend ses études de médecine et se spécialise en
chirurgie. Après l’indépendance de l’Algérie, il dira :
« Gouverner des hommes ne m'intéresse pas. J'avais
un devoir, je l'ai fait en y mettant le meilleur de ce que
je possède. Aujourd'hui, nous sommes arrivés au but
que nous nous étions fixé. L'Algérie est indépendante.
Qu'elle prenne en mains ses responsabilités. Moi, je
retourne à ma médecine. » Le focteur Youcef Khatib,
préside l’association Mémorial de la Wilaya IV. Une
fondation Youcef Khattib a été créée et compte plus
de 6000 adhérents.
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Par Djamel Belbey
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Commandement de la Wilaya V historique
entre diversité
et complexité
De g.à dr. : Amar Benaouda, Rachid Mosteghanemi, Colonel Lotfi, Hadj Mohamed Allahoum, Abderrahmane Berouane dit Si Saphar, Colonel Houari Boumediene, Abdelhafid Boussouf
Par Imad Kenzi
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 73 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
P
lusieurs historiens
s’accordent à dire
que la gestion
militaire et politique de la Wilaya
V historique était
complexe. Sa grande étendue, selon
Mohammed Téguia, ne facilite pas
une organisation intérieure forte.
Cette Wilaya est la plus vaste d’un
point de vue géographique : « Ses
frontières Sud au Sahara ne sont pas
limitées. Elle partage avec la Wilaya
VI le grand désert. Au sud, elle occupe l’Atlas tellien occidental émergeant d’Ouest en Est, les monts des
Trara, de Tlemcen, du Tessala, de
Draïa ou de Saida, des Béni Chougrane et la partie occidentale des
massifs du Dahra et de l’Ouarsenis.
Histoire
Entre deux atlas, elle contrôle la plus
vaste étendue des hautes plaines
d’Algérie, constituées d’une vaste
nappe alfatière et de la dépression
remplie d’eau salée de Chott ech
Chergui. Ses villes sont aussi importantes que nombreuses : Oran, capitale de l’ouest, Tlemcen, Mascara,
Tiaret, Saida, Frenda, Mecheria, Ain
Sefra, El Bayadh (Geryville), Aflou.
Son étendue fait qu’elle possède huit
zones, après cession d’une partie de
son territoire sud à la Wilaya VI. Notons qu’une partie de son territoire
frontalier relèvera du commandement des frontières avec la création
de la base Ouest et la construction
du barrage électrifié. Cette wilaya
aura pour elle seule le contact avec
le Maroc et les avantages que pro-
curent les bases de l’ALN qui y sont
installées. » (1)
Le premier dirigeant révolutionnaire qui allait donner une assise
politico-militaire à cette wilaya fut
incontestablement Larbi Ben M’Hidi. En effet, après la décision prise
par les « Six historiques » de répartir
le territoire algérien en six zones lors
de la réunion de la Pointe Pescade à
Alger, le 24 octobre 1954, Larbi Ben
M’Hidi à qui revenait la responsabilité de la Zone V (l’Oranie) future
Wilaya V avait vite formé un groupe
autour de lui pour déclencher et organiser les opérations et les actions
dans cette région. Il avait comme
adjoints Abdelhafid Boussouf,
(1) Mohamed Téguia, L’Algérie en guerre, OPU,
2007
4
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Debout de g. à
dr.: Si Saleh Nehari, Colonel Abdelhamid Latréche, Si Saphar Berrouane Abderrahmene, Capitaine Si Zoubir, Rachid Mosteghanemi, Boudaoud Mansour,
Colonel Si Amar Benaouda, Si Hocine Kadiri, Abdelhafid Boussouf dit si mebrouk, Abdelmadjid Benkedadra, Tebal Hadjadj Mahfoud, Si Boulfouateh, Chengueriha Abdelkader.
Accroupis : 1- Abdelaziz Bouteflika dit Commandant Abdelkader. 2- Colonel Ali Kkafi. 3- Houari Boumediene. 4- Nacer Bouizem. 5- Commandant Mohamed Rouai dit El-Hadj Tewfik.
6- El-Hadj Mohamed Allahoum.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Ramdane Benabdelmalek et El Hadj
Benalla. Natif d’Ain M’lila, Ben
M’Hidi avait forgé son militantisme
au sein du PPA/MTLD. Cadre de
l’organisation paramilitaire de ce
parti, l’OS, il avait pratiquement
précédé tous ses compagnons sur la
scène politique. Son sang-froid et sa
ferme conviction dans la nécessité
de passer à la lutte armée ont fait de
lui un dirigeant hors pair. Lorsqu’il
avait pris la tête de la Zone V, il était
confronté dès le départ à l’épineux
problème d’armement. Lui-même,
en tant que responsable de zone,
n’avait à l’époque qu’un 7,65. L’Oranie d’une manière générale ne disposait en tout au début de la guerre
de libération nationale que d’une
dizaine d’armes de guerre. Durant
les premières heures de la révolution,
Larbi Ben M’Hidi avait perdu un
adjoint de poids en la personne de
Ramdane Benabdelmalek, tué près
de Cassaigne, à Bosquet, qui prendra
son nom après l’Indépendance, devenant ainsi le premier martyr militaire
de la révolution. Benabdelmalek était
un ancien membre de l’OS, et il avait
participé à Clos Salembier à la réunion des « 22 », avant de devenir adjoint de Larbi Ben M’Hidi. Ramdane
Benabdelmalek n’avait pas d’arme
de guerre comme d’ailleurs la majorité des combattants qui s’étaient
engagés dans cette région dès le 1er
Novembre 1954. Ainsi, le manque
d’armes de guerre qui pénalisait l’action des combattants de l’ALN dans
l’Oranie, fut dès le départ la préoccupation majeure de Ben M’Hidi qui
n’avait pas néanmoins abandonné
sa mission d’étendre le dispositif
militaire de cette région à travers des
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
opérations de structuration, d’encadrement et de coordination. Il faut
dire que le premier PC ou base organique et logistique du FLN/ALN de
l’Ouest algérien, Zone V (Wilaya V),
était installé à Nador, région marocaine sous souveraineté espagnole.
Parmi les membres d’état-major politico-militaire de l’Oranie installés au
PC de Nador, on peut citer : Larbi
Ben M’Hidi, Hocine Gadiri, Abdelhafid Boussouf, Missoum El Hansali, Ahmed Mestghanemi, Hocine
Fertas, Hadj Ben Alla et Lotfi. Cette
base avait été mise en place avant
l’indépendance du Maroc. En 1957,
le PC du FLN/ALN de l’Oranie fut
transféré à Oujda.
Par ailleurs, pour répondre à l’exigence des nouvelles forces combattantes de cette Wilaya dont les
besoins de la logistique étaient précis
et urgents, Ben M’Hidi et Mohamed
Boudiaf se déplaçaient entre Nador,
Madrid et Le Caire à la recherche
des armes pour alimenter les maquis
naissants. Toujours dans le cadre de
cette quête incessante d’armes, Larbi
Ben M’Hidi envoya un émissaire, Si
Mustapha, à Madrid pour justement
organiser et structurer le service
d’achat et de récupération d’armes et
de munitions. Un service qui ne tarda pas à élargir les canaux d’approvisionnement de la Wilaya V. En juillet
1955, cet émissaire avait été mis en
contact, par l’entremise d’Ahmed
Ben Bella, avec l’attaché militaire
d’Egypte à Madrid. Cette rencontre
était fructueuse dans la mesure où
Si Mustapha avait pris connaissance
d’une livraison d’armes et de munitions destinées à l’Oranie. Un navire
de plaisance appartenant à la reine
( 75 )
de Jordanie, le « Dina », fut mobilisé le 1er octobre 1955, pour l’acheminement de cette marchandise.
C’était à Capo Agua que les armes
furent réceptionnées, en présence de
Mohamed Boudiaf et de Hadj Ben
Alla, adjoint de Ben M’hidi. En tout,
une quantité de treize tonnes de
pièces de guerre furent remises aux
combattants de l’ALN. Le « Dina »
transporta également un groupe
d’étudiants algériens qui étaient
au Caire, venus renforcer ainsi les
rangs de l’ALN. Parmi ces volontaires du groupe un certain Mohamed Boukharouba, devenu plus tard
le colonel Houari Boumediene qui
avait eu d’ailleurs à assumer la responsabilité du commandement de la
Wilaya V. Les armes du « Dina » ont
permis d’ouvrir d’une manière effective un front de lutte dans l’Oranie.
Après le congrès de la Soummam,
la Wilaya V avait connu une importante restructuration. Selon Mohamed Guentari, cette wilaya avait été
repartie en sept secteurs distincts
qu’il énumère comme suit :
Secteur 1 : il englobe les régions
de Ghazaouet, de Port-Say, de Fella
Ousen jusqu’à la côte marocaine.
Ahmed Mestghanemi dit Rachid
était désigné responsable de ce secteur.
Secteur 2 : il regroupe les régions
de Sidi Ouchaa, Honaine, Souk
Larbaa. Il était commandé par Abdelkader Chennoufi.
Secteur 3 : Sidi Sofiane, Oualhassa Souk El-Khmis, Arima. Ce
secteur était sous la responsabilité de
Boussif.
Secteur 4 : ce secteur s’étendait de
la ligne frontalière marocaine jusqu’à
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
l’Aricha, englobant ainsi Béni-Ouassine, Béni-Boussaid,
Béni-Snouss et Ouled Nehar. Son responsable était Maatache Mohamed dit Jabeur.
Secteur 5 : Hammam Boughrara, Laourit, Sidi-Abdelli, Ben Sakran et Remchi. Il était commandé par Mokhtar.
Secteur 6 : Il comprenait une partie de Sbdou, la route
liant Laricha à Sebdou, Mechria, Aricha, Sidi Snoussi
jusqu’au nord de Sidi-Bel-Abbès. Il était sous la responsabilité de Feradj.
Secteur 7 : Ain Sefra, Bechar, Adrar, Tindouf,
jusqu’aux frontières mauritaniennes. Il était commandé
par Ben Joudi Cheikh puis Belaid Ahmed dit Ferhat.
A partir de 1956, Larbi Ben M’Hidi confia l’intérim
de la Wilaya V, à Abdelhafid Boussouf avant de rentrer à
Alger où il avait été arrêté par les parachutistes du colonel Bigeard en février 1957. Le 3 mars 1957, Larbi Ben
M’Hidi est assassiné. Les officiers de l’armée coloniale
avaient alors tenté de maquiller son assassinat par un
suicide. Larbi Ben M’Hidi décède sans avoir donné de
renseignements à l’adversaire dont il force l’admiration.
Après la mort brutale de Larbi Ben M’Hidi, Abdelhafid
Boussouf avec le grade de colonel lui succéda à la tête de
la Wilaya V. Le PC de cette Wilaya sous la responsabilité
de Boussouf fut installé à Oujda. Il regroupait autour de
Boussouf, Houari Boumediene, Si Djillali, Mestghanemi
Ahmed, Mustapha Fertas, Mataachi Mohamed et Hocine
Gadiri. Natif de Mila, Abdelhafid Boussouf avait adhéré dès son jeune âge au PPA/MTLD où il avait connu
d’ailleurs Boudiaf, Ben M’Hidi et Bentobal. Membre
actif de l’OS, Boussouf entra dans la clandestinité après
le démantèlement de cette organisation paramilitaire au
printemps 1950. Membre fondateur du CRUA, il avait
été parmi ceux qui avaient organisé la réunion des « 22 ».
Il fut l’un des artisans de la création du réseau des transmissions et renseignements dans cette Wilaya qu’il dirigea dans une conjoncture très difficile. Conjoncture qui
était marquée notamment par la construction des lignes
électrifiées et minées le long des frontières Est et Ouest.
La longueur de la ligne ouest atteint 750 km de barbelés,
c’est en fait, non pas une seule ligne, mais trois ou quatre
lignes parallèles, selon le cas. Ces lignes étaient renforcées considérablement dans les points névralgiques des
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
deux atlas tellien et saharien. Cette ligne de la mort a
considérablement entravé les mouvements des unités de
l’ALN de l’Oranie. Néanmoins, les responsables de cette
Wilaya n’étaient nullement découragés. Ils organisaient
des opérations militaires après avoir ouvert des brèches
dans ces lignes électrifiées. En 1958, appelé à occuper le
poste de ministre de l’Armement et Liaisons générales
(MALG) au sein du GPRA, Boussouf céda le commandement de la Wilaya V à son adjoint Houari Boumediene,
nommé colonel en avril 1958. Incontestablement, le nom
de Boussouf est associé à la création de l’appareil de renseignement et de communication ainsi que la formation
des cadres dans le domaine.
Avant d’occuper le poste de commandant de la Wilaya
V, Houari Boumediene s’était fait remarquer comme un
militant assidu de la base d’Oujda. Il avait d’abord travaillé avec Boussouf du temps où ce dernier était lieutenant
de Ben M’hidi. Houari Boumediene avait poursuivi le
travail de structuration et d’organisation de la Wilaya V à
partir du PC d’Oujda avant d’être nommé chef du Commandement opérationnel de l’Ouest (COM) en 1959.
Très vite, Boumediene avait de nouveau été promu pour
être à la tête de l’Etat-major de l’ALN nouvellement créé.
Et à son tour, il quitta le commandement de la Wilaya V
que dirigea ensuite son adjoint le colonel Benali Deghine
Boudghane, connu sous son nom de guerre Lotfi.
Ce natif de Tlemcen avait rejoint les rangs de l’ALN en
1955 à Maghnia. Il avait eu à collaborer d’abord, en tant
que secrétaire, avec le capitaine Djaber, chef de la section
4, avant d’être affecté par Boussouf à la section 3 de la
ville de Tlemcen. Mais c’était dans la région de Bechar
que Lotfi s’imposa comme un dirigeant de la révolution.
Une région qu’il dirigea d’ailleurs en 1957 avec le grade
de capitaine. Ensuite, il fut nommé membre du commandement de la Wilaya V avant de devenir commandant de
cette Wilaya avec le grade de colonel. Le colonel Lotfi
fut tué au combat dans la région de Bechar le 29 mars
1960 alors qu’il tentait de traverser la frontière avec un
groupe de djounoud de l’ALN. Et à partir de cette date,
le commandement Wilaya V avait été dirigé par le colonel Benhaddou Bouhadjar dit Si Othmane et ce jusqu’à
l’indépendance de l’Algérie.
( 76 )
Imad Kenzi
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya VI
D’Ali Mellah à
Si El-Haouès : batailles
sur tous les fronts
Par Djamel Belbey
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 77 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
a Wilaya VI a
connu de prestigieux
chefs
militaires. Ce fut
d’abord le colonel Ali Mellah
(Si-Chérif), puis, remplacé en 1957
à la suite de son assassinat, par le
colonel Ahmed Benabderrazak,
(Si El-Haouès), tombé au champ
d’honneur en compagnie du colonel Amirouche, le 29 mars 1959 à
Djebel Thameur près de Bou Saâda
et enfin le jeune colonel Mohamed
Chaâbani. Cette région a aussi
connu l’ouverture d’un autre front
militaire sous le nom de « Front du
Mali », confié à un groupe d’officiers parmi les plus compétents à
l’instar de Abdallah Belhouchet,
Mohamed Chérif Messaâdia, Ahmed Draia et Abdelaziz Bouteflika
dit « Si Abdelkader ».
Ces chefs historiques, dont la
qualité est reconnue y compris par
l’ennemi, ont dû faire face, en sus
des difficultés géographiques et topographiques de la région, constituée de vaste étendues désertiques
au climat rigoureux, en comparaison avec un faible peuplement et
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Histoire
Combattants de la Wilaya VI
de financement, aux maquis des
traîtres à la nation Kobus et Bellounis et aux manœuvres et complots coloniaux pour séparer le
Sahara du reste de l’Algérie.
Dans cette wilaya, les tentatives
d’organiser la révolution remontent
( 78 )
à mars 1956, lorsque sur ordre des
responsables du FLN, notamment
Mustapha Benboulaïd et Si Ziane
Achour, Mohamed Djeghaba et
Meziane Sandel ont entrepris des
contacts avec les populations du
sud, de Oued M’Zab, jusqu’à Ain
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Salah en vue d’organiser la population, de rassembler des armes et de
former des commandos. Un autre
groupe, sous le commandement de
Mohamed Rouina, envoyé dans la
région, a réussi à mettre sur pied
une compagnie de combattants qui
a eu recours aux actions de commandos pour venir à bout des problèmes qui ont limité l’implantation des unités de l’ALN dans cette
région.
Mellah Ali (dit, Si-Chérif)
Le premier chef historique désigné lors du congrès de la Soummam 1956 est Ali Mellah. Natif
de Kabylie, ce militant du PPA a
d’abord, en tant que responsable
de la basse Kabylie, participé au
déclenchement de la guerre de
libération du 1er novembre 1954.
Il dirigea les troupes de l'ALN, au
printemps 1955 dans la région Bou
Saâda-Djelfa. Délégué de la zone
Sud au congrès de la Soummam,
Ali Mellah est désigné membre du
CNRA chargé de la Wilaya VI (Sahara) sous le nom de « Si Cherif »
dans le Sud algérien en mars 1957.
Cela eut lieu dans une conjoncture
marquée par d’importants changements pour les régions sahariennes.
Ainsi, le 10 janvier 1957 vit la création d’une Organisation commune
des régions sahariennes (OCRS),
ayant pour mission de réglementer,
de diriger et de contrôler les politiques tendant à « la mise en valeur,
au développement économique
et à la promotion sociale » de ces
zones désertiques. Le 13 juin, un
ministère du Sahara, fut créé et
confié à un ministre en l’occurrence Max Lejeune, qui exerçait
en outre les fonctions de délégué
général de l’OCRS. Puis le 7 août
1957, les quatre « Territoires du
Sud Algérien », jusque-là toujours
considérés « territoires militaires »,
furent érigés en deux départements sahariens des « Oasis » et de
la « Saoura », entités administratives identiques aux départements
métropolitains. Cette institutionnalisation du Sahara visait à assurer l’intégration du Sahara à la suite
du déclenchement de la révolution
armée. En août 1957, Ali Mellah
est assassiné sur ordre de Cherif
Saïdi, un ancien sergent de l'armée
française en Indochine, qu’il a luimême nommé pour combattre
sous ses ordres, et qui refusait tout
responsable non originaire du Sud.
Un meurtre qui traduit « les résurgences d'attitudes régionalistes
ou tribales liées à ce manque de
liaison et d'échanges entre wilayas
de l'intérieur », comme le décrit M.
Téguia.
Abderrahmane Mira est alors envoyé en Wilaya VI après la mort de
Si Cherif et nommé commandant,
mais pour une courte durée. Ab-
Ali Mellah
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
derrahmane Mira dut faire face au
cours de l'été 1959 à une réaction
de jeunes officiers au moment où
s'abat sur la Kabylie le plan Challe.
Infatigable, dur pour lui-même
comme pour ses hommes, Abderrahmane Mira est tué au combat le
6 novembre 1959, au nord d'Akbou,
à la tête de ses commandos.
Ahmed Ben Abderrazak,
dit « Si El-Haouès »
Au début de l’année 1958, le CCE
a décidé la réorganisation de la
Wilaya VI, dont la responsabilité a
été confiée à si El-Haouès, de son
vrai nom Ahmed Ben Abderrazak.
Le nouveau commandement de
la Wilaya VI, avait pour mission
de contrecarrer les manœuvres et
complots coloniaux pour séparer
le Sahara du reste de l’Algérie. Un
objectif qui avait été largement atteint. L’état-major de la Wilaya VI
était constitué d’hommes de valeurs, dont Amor Driss, qui commandait déjà en 1956 2000 hommes
dans les régions de Djelfa et de Laghouat. L’adoption de la méthode
de guérilla a ainsi porté ses fruits
Si El-Haouès
( 79 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
comme le montrent les batailles à
l’instar de celle de Metlili, ou les
nombreuses attaques menées par
l’ALN à djebel Maimouna au sud
de Bou-Saâda, ou encore celle de
Gerdache dans les environs de
Touggourt, le 28 octobre 1958. Il
y eut également les batailles des
monts d’El Gaada, d’el Karma et
Geuribaâ, les 17 et 18 septembre
1961, batailles qui se sont étendues
jusqu’aux monts de l’atlas saharien,
sans omettre de citer la bataille de
djebel Thameur, durant laquelle les
colonels Amirouche et Si El Houes
tombèrent au champ d’honneur.
D’autres batailles et accrochages,
ayant causé d’énormes pertes à
l’ennemi, ont également eu lieu à
djebel Menaâ entre Djelfa et Bou
Saâda.
Nommé en avril 1958 commandant de la Wilaya VI (Sahara), Si ElHaouès, originaire de Khenchela,
installe son PC dans la région des
oasis, qui comprend Ouled Djellal, Touggourt, Ghardaïa, Ouargla.
Il s’est vu confier en même temps
l’ouverture d’un autre front militaire sous le nom de « Front du
Mali », confié à un groupe d’officiers parmi les plus compétents à
l’instar de Abdallah Belhouchet,
Mohamed Chérif Messaâdia, Ahmed Draia et Abdelaziz Bouteflika
dit « Si Abdelkader ». Il avait été
chargé d’organiser l’action militaire contre les intérêts militaires
dans cette zone. Il s'attaque avec
succès, à l'aide des wilayas limitrophes, aux troupes de Bellounis. Ce sont les commandos de la
Wilaya IV qui ont réussi à noyau-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Colonel Chaâbani
ter son armée et fini par l’exécuter.
Il étend ensuite l'implantation du
FLN de Biskra aux Ouled Nail,
puis au djebel Amor et aux Monts
Ksour. Si El-Haouès réussit à réaliser la jonction avec les groupes
installés à la frontière marocaine.
Il participe à la rencontre interwilayas « dite des colonels de
l’intérieur », convoquée par Ami-
( 80 )
rouche du 6 au 12 décembre 1958
dans la région d'El Milia. Il proteste contre l’isolement, le manque
d'armes et décide avec Amirouche
de se rendre à Tunis. Ils meurent
tous deux dans une embuscade
tendue par les troupes françaises à
Bou-Saada le 28 mars 1959.
Djamel Belbey
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Bougacemi, dit Tayeb El-Djoghlali
le maître d’école
coranique devenu chef
de guerre
Par Djamel Belbey
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 81 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
e chahid ElDjoughlali était
un maître d’école
coranique devenu
chef de guerre
dans la Wilaya IV.
Il est né en 1916 à Ouled Torki, dans
la fraction des Beni Bouyagoub,
relevant de l’ex-commune de Champlain, devenue aujourd’hui El Omaria. Il est aussi l’un des pionniers du
FLN-ALN dans l'Atlas blidéen et le
Titteri. Il intégra le Mouvement national, en 1937, pour se voir confier
des responsabilités au niveau local :
créer et animer des sections dans la
région de Médéa, Omaria, Berrouaghia et toute la région à l’est de la
capitale du Titteri. Cet engagement
politique ne tarda pas à lui valoir
des démêlés avec l’administration
coloniale qui l’emprisonna, en 1947,
pendant quatre ans. Mais à peine libéré, il renoua avec l’action politique
avant d’être emprisonné de nouveau
dans les geôles coloniales où il dut
subir les pires atrocités.
Au déclenchement de la guerre
de Libération nationale, le FLN le
chargea de collecter de l’argent et des
armes et d’organiser des opérations
de mobilisation des citoyens pour la
cause nationale.
Au lendemain du congrès de la
Soummam, en août 1956, Si Tayeb
El-Djoughlali est désigné à la tête
de la zone deux de la Wilaya IV. Ses
qualités lui ont valu d’être l'un des
hommes sur lesquels comptera plus
tard Si M'Hamed Bougara, pour
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Histoire
prendre en charge la réorganisation de la Wilaya VI, qui connaît
de sérieux problèmes à la suite de
l'affaire Bensaïdi. Avec la présence
des troupes de Bellounis, la région
connaît de sérieux remous. Si Tayeb
s'y rend, en compagnie d’Abderrahmane Menguellati.
En route pour la Wilaya VI, pour
rejoindre le lieu de sa nouvelle affectation, il fut pris dans une embuscade près de la commune de Had
s’Hari (wilaya de Djelfa), dans le
djebel Ghaïgaa dans la Wilaya IV,
au cours de laquelle il trouva la mort
le 29 juillet 1959 en compagnie du
commandant Si Mahmoud Bachène
et treize autres moudjahidine.
Colonel El-Djoghlali
dans l'armée de libération nationale
(ALN) auprès d’Ahmed Ben Abderezzak Hamouda (Si El-Haouès). En
1958, il devient chef de la région III
de la Wilaya VI. En 1961, le gouvernement provisoire (GPRA) le
confirme dans son grade de colonel
et lui confie après l'indépendance la
responsabilité de la 4e région militaire de Biskra.
Colonel Chaâbani : le Mohamed Chaâbani prend posiplus jeune colonel de la tion contre le régime de Ben Bella et
participe à une révolte des Wilayas.
révolution
En 1964 Ben Bella l’accuse alors de
C’est incontestablement le plus
complot contre le FLN. Le colojeune colonel qu'a connu l'Algérie
nel Chaâbani est arrêté le 8 juillet
durant et après la guerre de libéra1964, à Bou-Saâda, conduit à Alger
tion. Il remplace, en juillet 1959, Si
puis transféré à la prison militaire
El-Haouès (mort 3 mois plus tôt d'Oran. Une cour martiale est spéface à l’ennemi) à la tête de la Wi- cialement créée par Ben Bella le 28
laya VI, pendant les trois dernières juillet 1964. Le colonel Chaâbani est
années de la guerre de Libération. Il jugé le 2 septembre 1964, condamné
n’a jamais voulu, sans doute par mo- à mort et exécuté le 3 septembre
destie naturelle, arborer l’insigne du 1964.
grade de colonel que lui confère le
Le 24 octobre 1984, le colonel
GPRA en 1961. Il mène des actions Mohamed Chaâbani est réhabilité
contre l'armée française dans le sud par décret présidentiel. Son nom est
de l'Algérie. Ce natif de Biskra, le 4 inscrit sur le fronton de l'université
septembre 1934, s’est vu contraint, et est donné à une artère principale
après la grève des étudiants de 1956, de la ville de Biskra.
Par Djamel Belbey
d’arrêter ses études pour s'engager
( 82 )
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Wilaya VII
LA REVOLUTION S'IMPLANTE
AU COEUR DE LA FRANCE
Par Boualem Touarigt
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 83 )
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Tous les chefs des Wilayas historiques
L
’émigration algérienne a joué un
rôle décisif dans le
mouvement national algérien. C’est
en son sein qu’est
née la revendication politique à
l’indépendance dans ses formes
modernes. Jusqu’au début du XXe
siècle, la lutte anticoloniale avait pris
des formes souvent violentes est
spontanées, avec le plus souvent un
caractère paysan et insurrectionnel.
Après la Première Guerre mondiale,
les élites algériennes locales s’engagent dans les luttes politiques. Le
mouvement national indépendantiste à base populaire prend forme
au sein de l’émigration algérienne
en France. Contrairement au mouvement des élites algériennes, tel le
« Mouvement Jeune algérien », qui
réclamait l’égalité des droits au sein
d’une France multiconfessionnelle,
l’émigration est très tôt sensibilisée
à la revendication indépendantiste.
En 1919, l’émir Khaled, petit-fils de
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Histoire
Manifestations du 17 octobre 1961
l’émir Abdelkader saisit le président
américain Wodrow Wilson qui avait
affirmé le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et il adresse une
requête à la Société des Nations. Ces
conférences de juillet 1924 furent
largement suivies et eurent un
grand écho au sein de l’émigration.
En 1919, il fonda le journal Ikdam
et dont il fut le directeur politique.
( 84 )
Il est définitivement exilé en Syrie
en 1926 où il décéda dix années
plus tard. C’est lui qui influença la
création de l’Etoile Nord Africaine,
née dans la mouvance communiste,
et qui affirma progressivement une
revendication nationale autonome.
Elle publia un organe qui reprit
le nom utilisé par l’émir Khaled :
Iqdam en 1926 puis Iqdam nord
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
africain en 1927. L’Etoile Nord
Africaine est dissoute une première
fois le 20 novembre 1929 par le tribunal de la Seine et définitivement
le 26 janvier 1937 à cause de se
positions radicales condamnant les
propositions du Front populaire sur
l’Algérie. Le 11 mars 1937, est créé
par Messali Hadj le Parti du peuple
algérien (PPA). Le 20 octobre 1946,
les militants de ce mouvement qui
avait été interdit constituèrent le
Mouvement pour le Triomphe des
libertés démocratiques (MTLD).
Le mouvement national indépendantiste à caractère populaire s’installa en Algérie. L’émigration a été
un lieu de bouillonnement des idées
révolutionnaires et un creuset d’où
sortirent beaucoup de militants de la
cause de l’indépendance. Quand le
mouvement de libération nationale
prit ses formes modernes de lutte et
entra dans la révolte armée, l’organisation politique de l’émigration
joua un rôle décisif. Les militants
du FLN organisèrent le soutien
politique et matériel à la révolution
et se lancèrent aussi dans l’action
armée directe. Ils se heurtèrent à
des opposants issus aussi du MTLD
et attachés à la personne de l’ancien
leader du mouvement, Messali Hadj.
La scission du MTLD entre fidèles
de Messali et partisans du comité
central laissa de profondes traces et
fut à l’origine d’affrontements parfois meurtriers.
A la veille de la scission, la direction du comité fédéral dirigé par
Moussa Boulekaroua comprenait
Mohamed Boudiaf chargé de l’organisation avec Mourad Didouche
comme adjoint, et aussi M’hamed
Mohamed Lebjaoui
Yazid, dit Zoubir, et Tayeb Boulahrouf. La scission est consommée définitivement par le congrès
organisé par les militants messa-
listes le 13 juillet 1954 à Hornu en
Belgique. Les partisans du comité
central répondent par le congrès
de Belcourt d’août 1954. La révolution était en marche et Boudiaf et
Didouche s’occupaient avec d’autres
révolutionnaires à lancer le FLN.
Messali récupéra la grande majorité
des militants du MTLD de France. Une minorité restreinte suivit les
radicaux et constitua les premiers
groupes FLN au sein de l’émigration. C’est à Mourad Terbouche,
alors responsable local à Nancy, que
Boudiaf confia le soin d’organiser
le FLN en France. Des groupes se
constituent dans différentes régions
de France. Autour de Terbouche il
y a Ali Mahsas qui quitta la France
pour fuir les recherches policières,
Ahmed Doum et Abderrahmane
En haut, à gauche : Omar Boudaoud, au centre : Abdelkrim Souici, à droite : Ali Haroun
ci-dessous à gauche : Kaddour Ladlani, à droite : Said Bouaziz.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
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Tous les chefs des Wilayas historiques
Histoire
Guerras. Mourad Terbouche est arrêté en avril 1955.
En mai 1955, se met en place une direction collective de quatre membres,
coiffant les quatre grandes régions :
Mohamed Mechati, qui participa à
la réunion dite « des vingt-deux » au
Clos Salembier, s’occupa de la région
Est, Ahmed Doum de la région parisienne, Abderrahmane Guerras
de Lyon et Marseille, Nouredine
Bensalem du Nord. La direction est
collégiale, chaque région disposant
d’une quasi-totale autonomie, sans
instance centrale unique. Chaque
responsable va s’attacher au début
de 1955 à mener, souvent au péril
de sa vie, un long travail d’explication pour faire connaître le FLN
au sein des milieux de l’émigration
algérienne. Ils se heurtent à l’opposition violente des éléments restés
fidèles à Messali. Progressivement,
les militants du FLN élargissent leur
audience, prouvant patiemment que
c’est leur tendance qui a engagé la
guerre de libération. Ce groupe de
quatre dirigeants restera de longs
mois sans contact avec la direction
du FLN, représentée par ses deux
instances : la Délégation extérieure
du Caire, représentée par Khider,
Aït Ahmed et Ben Bella, et le groupe
d’Alger dirigé par Abane Ramdane
qui désigna Salah Louanchi comme
représentant à Paris. Celui-ci rejoint
le comité des quatre au sein de la direction collégiale, prenant en charge
la propagande et l’information. La
direction passe alors à huit membres
avec la cooptation de Tayeb Boulahrouf, Ahmed Taleb et Hocine
Moundji. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Durant l’été 1956, la fédération
est décapitée : Mechati, Bensalem
et Guerras sont arrêtés. Ahmed
Doum, le dernier de quatre premiers chefs assume la coordination,
aidé dans sa tâche par des cadres
locaux qui tiennent bien en mains
l’organisation dans les provinces et
mettent fin à quelques tentatives isolées de coups de force locaux. Après
le détournement de l’avion transportant les dirigeants extérieurs du
FLN, le CCE, mis en place par le
congrès de la Soummam, est le seul
organe de direction. Abdelmalek
Temmam est envoyé à Paris pour
expliquer les textes de la Soummam
qui deviennent la seule référence
idéologique. Après l’arrestation de
Doum le 17 novembre 1956, Salah
Louanchi est le seul à assumer la
coordination des activités de la fédération. A la fin du mois de décembre
1956, le CCE désigne un nouveau
responsable, Mohamed Lebjaoui. La
direction de la fédération se charge
d’organiser la grève des huit jours
qui aura un succès retentissant.
Les dirigeants sont la cible des services de sécurité. A la fin du mois de
février 1957, sont arrêtés Mohamed
Lebjaoui, Ahmed Taleb, Sid Ali Mebarek, Salah Louanchi.
Tayeb Boulahrouf prend alors la tête
d’un comité provisoire comprenant
notamment Ahmed Boumendjel,
Kaddour Ladlani, Abdelkrim Souici. Cette structure continuera le travail entamé. Désormais, le FLN a
affirmé sa position au sein de l’émigration et dirige une organisation de
plus de vingt mille militants qui assurent un important soutien financier à la révolution.
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Lors de sa réunion du 10 juin 1957,
le CCE désigne Omar Boudaoud,
alors en charge d’importantes responsabilités dans les services de
logistique du FLN au Maroc, à la
tête de la fédération de France. En
même temp,s Tayeb Boulahrouf,
en charge du comité provisoire, et
Ahmed Boumendjel, membre du
comité, sont appelés par la délégation extérieure dirigée par Lamine
Debaghine. D’autres cadres les suivront dont Messaoud Guerroudj et
Mohamed Harbi. Omar Boudaoud
constitue le nouveau comité fédéral. Saïd Bouaziz, ancien officier
de l’ALN dans la Wilaya IV, prend
l’action directe, l’organisation spéciale et le renseignement. Kaddour Ladlani, ancien des cellules
du MTLD de Belcourt, s’occupera
de l’organisation, tâche à laquelle
il a été désigné par Lebjaoui en
décembre 1956. Abdelkrim Souici,
ancien du MTLD de Annaba, est,
en avril 1955, responsable adjoint
de la région parisienne. Il réussit la
première opération d’acquisition
d’armes au profit de la fédération de
France où se fit remarquer Mohamed Slim Ryad dans un service où
exerça aussi Bachir Boumaza.
Omar Boudaoud lui confie la charge
d’assurer la collecte et l’acheminement des finances. Ali Haroun, lui
aussi venant de l’organisation FLN
du Maroc, se voit confier la presse
et le soutien aux détenus. Le CCE
ratifie la composition de ce comité
fédéral qui conduira les affaires de la
Fédération de France jusqu’à l’indépendance.
Boualem Tourigt
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Moment de grande émotion à travers
l’Algérie en ce mois de juin
Ahmed Zabana
et Abdelk ader
Ferradj revisités
Abdelkader Ferradj
Ahmed Zabana
Par Leila Boukli
Guerre de libération
I
Histoire
l y a 57 ans, étaient guillotinés Ahmed
Zabana et Abdelkader Farradj à quelques
minutes d’intervalle. Ils seront les premiers d’une liste de quelque 218 noms, à
tomber face à l’ignominie et à la sauvagerie, dont à fait montre l’administration
française durant la guerre de libération. Cette date du
19 juin 1956, consacrée par l’Association nationale des
anciens condamnés à mort 1954-1962, comme journée nationale des 218 condamnés à mort guillotinés
par la France coloniale, a été l’occasion d’émouvantes
retrouvailles à la prison de Serkadji d’Alger le 18 juin,
mais aussi la veille à Bouira, le 19 à Oran , le 20 à
Tlemcen… Il s’agit de se souvenir de ceux qui ont
perdu la vie de cette manière atroce mais aussi de faire
sortir de l’anonymat, les condamnés qui ont échappé à
la guillotine qui dépasserait le chiffre de 1.800 et dont
hélas beaucoup ne sont plus là, dira Mostefa Boudina, président de l’Association nationale des anciens
condamnés à mort, dont il a fait parti. L’émotion était
forte parmi les présents à cette commémoration. Nombreux étaient ceux qui n’ont pu retenir leurs larmes, se
remémorant les moments passés dans ce lieu sinistre
et plein de symboles glorieux à la fois. Djamila Bouhired, présente, n’y a pas mis les pieds depuis plus de
50 ans ; Mustapha Fettal, trois fois condamné, élu par
ses pairs, responsable du groupe en cellule, ou encore
de Aït Oudia Ali, dit Ali l’allemani et de tant d’autres,
Ahmed Zabana
qui ont vécu dans le couloir de la mort et qui gardent
encore et pour toujours en mémoire les cris de « Allah
Ou Akbar » et de « Tahia el Djazair » des suppliciés.
Les familles, épouses, sœurs, enfants et parfois petits-fils étaient là, tout comme plus tard dans la mati-
L'ancienne prison civile dite Serkadji ou Barberousse
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Guerre de libération
Histoire
Badji Mohamed à Serkadji devant la guillotine année 1970
née au cercle des Moudjahidine
où face à une assemblée de jeunes
venu(e)s spécialement de Médéa,
une conférence ayant pour thème :
« Message des martyrs aux nouvelles générations » a été donnée
par le président de l’Association.
Après quoi, certaines familles
de condamnés ont été honorées.
Celles des martyrs : Abderrahmane
Kab, Abderrahmane Gherbi, Saïd Badji, Mokhtar Bouchafa.A noter
que Mustapha Bettal et Djamila
Bouazza ont aussi été honorés ce
jour. Pour beaucoup, cette prison
est une terre sacrée, devenue à leur
corps défendant, prison Sarkadji
pour détenues de droits communs.
Un musée national, au nom
d’Ahmed Zabana, serait pour eux
une bénédiction, un hymne au
courage, au symbole de l’abnégation envers la patrie, pour le plus
prémédité des meurtres, l’exécution capitale par guillotine.
Sachez pour la petite histoire
que cette prison, construite entre
1849 ou 1852, appelée « Prison
civile » par les Français puis Barberousse et Serkadji pour les
musulmans, porte ce nom pour
avoir été mitoyenne à Dar Sirkedji, maison du Vinaigrier : fabricant et marchand de vinaigre en
raison de l’existence dans un bâtiment attenant d’un entrepôt de
vinaigre appartenant au beylik,
dans une rue qui devient plus tard
la rue Salluste. Sans commentaire !
Leila Boukli
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
La prison de Serkadji aujourd'hui
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Guerre de libération
Histoire
Une liste partielle des Algériens condamnés à mort
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Lorsque le remodelage
du passé à l’image
du présent devient chose
courante
Les raisons qui ont poussé, en novembre 1974, Mohamed
Boudiaf, alors président du Parti de la révolution socialiste
(PRS), à sortir de sa réserve pour vouer aux gémonies
ceux-là mêmes qui ont écrit, et continuent de le faire
en déformant par intérêt ou par ignorance les faits, en
attribuant à des gens des rôles qu’ils n’ont pas joués,
idéalisant certaines situations, et passant d’autres sous
silence, refaisant l’Histoire après coup, sont multiples.
Par Abdelhakim Meziani
Guerre de libération
L
a réaction de l’un
des principaux artisans de la Révolution nationale du
1er Novembre 1954
était des plus justifiées. Elle faisait remarquer, non sans
pertinence, que le résultat le plus clair
de ces manipulations est d’entraîner
une méconnaissance d’un passé pourtant récent chez les millions de jeunes
Algériens qui n’ont pas vécu cette période et qui sont pourtant avides d’en
connaître les moindres détails. Sans
réaction aucune de la famille révolutionnaire, certaines déclarations et/
ou publications continuent de donner
dans l’approximation et de contribuer
à la falsification de l’Histoire, donnant
même l’impression de régler de vieux
comptes avec ceux qui n’ont jamais
cru en un avenir de l’Algérie dans
Histoire
le cadre d’une union avec la France,
en d’autres termes avec ceux qui ont
été les artisans de l’étincelle qui mit
le feu, le 1er Novembre 1954 sous la
direction du FLN, à toute la plaine.
Mais là où le bât blesse douloureusement, c’est lorsque quelques planqués
de l’Histoire utilisent des martyrs de
la cause nationale pour s’attaquer aux
fondements mêmes du raffermissement du sentiment national, je veux
parler de l’Islam et du rôle mobilisateur qu’il a joué dans l’émancipation
plurielle de tout un peuple. Utilisant
la mémoire du chahid Taleb Abderrahmane, à l’occasion de la commémoration de l’anniversaire de sa mort,
certains esprits chagrins, allant vite
en besogne, avaient soutenu que le
défunt aurait invité l’imam qui venait
lui lire la Fatiha d’aller plutôt prendre
les armes pour libérer son pays…
Taleb Abderahmane
C’était le 24 février 1958 alors que
l’imam dont il est question, cheikh
Tahar Meziani, est tombé au champ
d’honneur… le 4 juin 1957... Après
un séjour incroyable à la morgue de
Saint-Eugène, il ne sera enterré que
huit jours après au cimetière d’El
Kettar à 10 heures du matin, sans que
Les dirigeants du FLN
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Guerre de libération
Histoire
Cheikh Tahar Meziani
pas faire l’impasse sur la Fatiha, militant qu’il était du
FLN dont il partageait les idées émancipatrices de progrès
et ce merveilleux héritage qu’est l’Islam insurgé.
Des exterminateurs systématiques du
culte musulman et des populations qui le
professent
sa dépouille soit rendue à sa famille… en présence d’un
dispositif sécuritaire indescriptible et d’un quadrillage de
la Casbah particulièrement sévère… Cela n’a pas empêché
pour autant une grève générale décrétée par les commerçants de la médina dont les magasins ont été saccagés par
la soldatesque coloniale et une grève de la faim scrupuleusement suivie par les condamnés à mort. Défenestré du 2e
étage du Palais Klein, lieu sinistre particulièrement connu
à la Casbah d’Alger, cheikh Tahar avait sur instruction
du FLN succédé, en 1955, au muphti Baba Amer dans sa
mission de diriger, à la prison de Serkadji, les prières du
vendredi et des fêtes religieuses. Vénérablement respecté
par les condamnés à mort – ils étaient nombreux à avoir
suivi ses cours de langue nationale et de théologie dans
son école de la rue des Frères Racim à la Casbah –, il servait de trait d’union entre les révolutionnaires incarcérés
et le FLN. C’était à lui d’ailleurs qu’échurent l’insigne honneur et le privilège de lire la Fatiha à Fernand Iveton qui,
dans une sorte de reconnaissance et d’appartenance au
peuple algérien, son peuple, avait préféré rendre l’âme en
tant que musulman que d’accepter le réconfort, comme
proposé par ses bourreaux, d’un prêtre ou d’un rabbin.
Merveilleux, les gestes de l’imam et du condamné à mort
traduisent, bien loin des turpitudes des tenants de l’intégrisme religieux et/ou politique, le caractère sacré d’une
révolution qui a su mobiliser toutes les composantes de
la nation algérienne, au-delà de leurs appartenances religieuse et politique. Taleb Abderrahmane ne pouvait donc
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Un Islam, du reste, brillamment porté par cheikh Tahar Meziani grâce ses ancêtres Idrissides venus de Cadix
l’Andalouse qui portait alors le nom des Banou-Meziani.
Descendant du vénérable cheikh M’Hamed Benali, il
s’était inscrit très tôt, avant de rejoindre le PPA de Messali Hadj, dans la dynamique impulsée par l’Association
des oulémas sunna (créée par des dissidents de l’Association des oulémas) et de cette lignée d’imams soufis qui
ont donné à notre pays un Islam porté par la tolérance et
la conception altruiste du bonheur. Des imams qui ont
combattu les armes à la main l’envahisseur français et
payé chèrement leur engagement. Les uns, à l’image des
muphtis algérois Al Qbabati et tlemcénien, cheikh Tchalabi, sans oublier cheikh Ben Yelles, ont été contraints à
l’exil. Bien d’autres ont été victimes de purges et d’assassinats à l’intérieur même des mosquées comme ce fut le cas,
à la mosquée Ketchaoua, où muphtis et fidèles s’opposant à la transformation de cet espace en église ont été
froidement exécutés. Le haro continuel orchestré le plus
souvent contre des mosquées et des espaces cultuels fera
l’objet de sévères réquisitoires du baron Pichon qui n’hésitera pas à assimiler ses compatriotes à des exterminateurs
systématiques du culte musulman et des populations qui
le professent. A ce propos, il y a lieu de se référer utilement aux Feuillets d’El-Djezaïr, réédités en 2003 par les
éditions du Tell, pour se faire une idée précise de l’apocalypse imposée à toute une ville. Une liste exhaustive nous
apprend, par exemple qu’en plus de la mosquée es-Sayyida
détruite en 1831, la chapelle de Sidi Abdelkader el-Djilani (ex-rue Waisse à proximité de l’hôtel Safir ex-Aletti),
les mosquées Mezzo- Morto construite vers 1685 (rues
Bab-Azoun et de Chartres) par el-Hadj Hossaïn, renégat
italien, et Khédar-Pacha (rues Scipion et Bab-Azoun), la
zaouïa Ketchaoua (rue du Lézard) édifiée en 1786 par elHadj Mohammed Khodja Makatadji, ont été détruites.
Les mosquées ech-Chemaïn (à l’aile des rues Cléopâtre et
Bab-el-Oued), d’Aïn al-Hamra (rue Philippe Ben Négro à
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Guerre de libération
Histoire
l’angle des rues Bab-el- Oued et Sidi
Ferruch), d’el-Mocella sur l’emplacement de laquelle se trouve, présentement, le lycée Emir Abdelkader,
la zaouïa de Sidi- Amar et-Tennessi
construite au XVe siècle à proximité
du mausolée de Sidi Abderrahmane
et-Thaâlibi, connurent le même sort.
Pour de nombreux observateurs, le
mouvement mystique qui tirait ses
aspirations de la mobilisation populaire, en dehors du cadre des idéologies dominantes, n’était pas uniquement un mouvement de lutte et de
sédition. Cette façon d’être, relevant
plus d’une démarche doctrinaire
que d’un quelconque opportunisme,
n’a pas été perçue concrètement par
ceux-là mêmes que le pluralisme politique rendait taciturnes. Contrairement à l’idée répandue alors, et dès
les lendemains de l’indépendance,
par les milieux qui s’attelaient, sur des
bases dogmatiques, à la construction
du socialisme spécifique, le mouvement spirituel à l’honneur était prêt
à toutes les adaptations possibles.
Alors que l’argumentaire imaginé
à l’effet d’actionner une trappe réductrice a fonctionné de telle façon
qu’un vide cultuel se soit lourdement
installé dans un pays où, pourtant,
la conception maghrébine de l’Islam
a servi de rempart contre le double
asservissement spirituel et culturel
imposé à tout un peuple au nom de
la suprématie de la civilisation de la
caste coloniale.
Dans sa propre logique interne de
piété, d’exaltation ésotérique et de
capacités supranaturelles, soutient
maître Kamel Filali, se cachait le vrai
pouvoir de sa stratégie qui apparaît au
carrefour du religieux et du profane.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
influencés qu’ils étaient par les théories marxistes, à ramener les causes
les plus nobles à seulement des jeux
d’intérêts où l’économie détient une
part décisive.
Pour l’auteur des Origines du 1er
Novembre 1954, l’Histoire n’a d’intérêt que dans la mesure où l’on sait en
tirer les leçons : « Autant alors puiser
ces leçons dans notre patrimoine et
dans les enseignements de notre passé, plutôt que d’aller les chercher ailleurs dans l’expérience d’autres pays.
» Cependant, il n’hésite pas à reconnaître que l’écriture de l’Histoire, «
une histoire qu’on a vécue soi-même
», n’est pas chose aisée. Elle peut donner lieu, et c’est lui qui souligne, à des
règlements de compte, comme elle
peut être faussée par le subjectivisme
et quelquefois la mythomanie.
Les présentes références ont été
empruntées à l’effet de rappeler aux
bons souvenirs des planqués de
l’Histoire que si nous avons tourné
la page, nous n’avons pas pour autant
oublié. C’est du reste le sentiment
qui s’est dégagé à l’occasion de la
commémoration du 54e anniversaire de l’exécution des frères Ahmed
Zabana et Abdelkader Ferradj, le 19
juin 1956. L’hommage rendu aux
Lorsque les causes les familles des militants fauchés par la
plus nobles sont ramenées à guillotine du Président René Coty a
seulement des jeux d’intérêt été émouvant à bien des égards. Au
Témoin d’abord, et acteur ensuite même titre que de nombreux témoidu processus révolutionnaire déclen- gnages rapportés par les intervenants
ché le 1er Novembre 1954 par le dont celui de la famille Meziani. ProFLN, Benyoucef Ben Khedda, pré- posant un éclairage édifiant sur la
sident du Gouvernement provisoire nature abominable de l’impérialisme
de la République algérienne (GPRA français, le témoignage en ques1961-1962), n’a pas manqué, dans tion a le mérite de battre en brèche
une de ses publications, de fustiger les déclarations de quelques esprits
ceux-là mêmes qui se sont évertués, chagrins qui continuent à relayer les
Ce que ne semblent pas avoir assimilé les réformistes algériens au cours
des années trente, date à laquelle une
lutte sans merci est initiée par les successeurs de cheikh Abdelhamid Ibn
Badis contre des forces cataloguées
de maraboutiques. Une lutte qui fut
particulièrement violente et qui ne
profita, en désespoir de cause, qu’à
l’administration coloniale et à ses
laquais locaux. Dans cette offensive
considérée par les uns, comme une
atteinte au droit à la différence et par
les autres comme une légitime lutte
contre le maraboutisme et l’obscurantisme, les oulémas algériens, en général, et leur tendance wahhabite, en
particulier, donnaient plutôt l’amère
impression de vouloir jeter le bébé
avec l’eau du bain. Comme pour le
Congrès musulman, ils semblaient
confondre tactique et stratégie tant ils
ne savaient point faire la distinction
entre ce qui est secondaire et ce qui
est fondamental, entre une tradition
spirituelle authentique, sacralisée par
des soulèvements contre les forces
ottomanes (la confrérie des Derkaouas) et françaises, et les tenants
du charlatanisme, appendice s’il en
est de la caste coloniale.
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Guerre de libération
Histoire
Les frères Ferradj
Fernand Iveton
aveux des bourreaux de Zabana, de
Ferradj et de bien d’autres militants
de la cause nationale soutenant que le
couperet de plus de 70 kg lancé, d'une
hauteur de 3,5 mètres, n’a fonctionné qu’une seule fois et que la tête de
Zabana avait roulé par terre... Alors
que l’imam et chahid cheikh Tahar
Meziani, tombé au champ d’honneur
le 4 juin 1957, avait confié à sa femme
que non seulement la machine criminelle n’avait été décisive qu’à la troisième tentative, la lame s’étant arrêtée lors des deux précédents essais à
quelques centimètres du cou du supplicié, mais, pire, la tête de Zabana,
Ahmed Zabana
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
n’étant pas tombée, avait dû être sauvagement arrachée par le bourreau
pour être jetée dans le panier en osier.
Des démarches ont certes été entreprises après les deux tentatives infructueuses auprès de l’administration
coloniale mais en vain. René Coty, le
président de la République française
de l’époque, restera de marbre, en
effet, et donnera l’ordre à l’équipe de
bourreaux de poursuivre jusqu’à ce
que mort s’ensuive. Alors que maître
Benbraham relève, à ce niveau, un
autre déni de justice, une première là
aussi dans les annales judiciaires dans
le monde, maître Zertal fait observer
que cette réaction du chef de l’Etat
français était contraire aux attendus
du jugement condamnant Ahmed
Zabana où il n’était mentionné nulle
part que l’exécution de la sentence devait se poursuivre jusqu’à ce que mort
s’ensuive. Pour autant, l’exécution
brutale du chahid n’a pas eu raison de
ses idéaux immortalisés du reste par
une lettre adressée à sa famille. Surtout lorsqu’il y souligne : « S’il m’arrive quoi que ce soit, il ne faut pas
croire que c’est fini, parce que mourir
( 97 )
pour la cause Dieu, c’est croire à la vie
éternelle et mourir pour sa patrie, ce
n’est qu’un devoir. » Et Taleb Abderrahmane a dû mourir, n’en déplaise
à ceux qui font diversion, dans le
même contexte, une année après la
disparition tragique de cheikh Tahar
Meziani, l’imam de Serkadji. Un éducateur issu de la Zitouna de Tunis
et de la Qarawiyyoune de Fès mais
dont, pourtant, aucune école, aucun
collège, aucun lycée et aucune mosquée ne porte le nom. En cela, il
est à l’image de cheikh Abdelhalim
Bensmaïa, un érudit et mutassawaf
qui eut le courage, en son temps, de
proclamer à la face de l’Egyptien
cheikh Mohammed Abdou, invité
en 1903 par la France pour prendre
une fatwa, que les Algériens n’avaient
pas à mourir pour un pays, la France
en l’occurrence, qui les colonise, les
dépersonnalise et les avilisse.
La criminalisation des
actes génocidaires est une
revendication légitime
Le président de l’Association nationale des anciens condamnés à
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Guerre de libération
Histoire
mort a eu justement, à l’occasion de cette émouvante
cérémonie dédiée à ceux qui ont été emportés par la
bestialité de la caste coloniale, le mérite singulier de stigmatiser certaines publications donnant dans l’approximation et la falsification de l’Histoire. L’orateur n’hésite
pas à reconnaître que l’écriture de l’Histoire peut donner lieu à des déformations et à des falsifications qui,
à force de se répéter sans essuyer le moindre démenti,
finissent par s’ériger en vérité officielle. « Même si nous
avons tourné la page, nous n’avons pas pour autant oublié », avait-il déclaré en substance. La criminalisation
des actes génocidaires, soulignera Mostefa Boudina, est
une revendication légitime car elle contribue à apporter
un éclairage qui n’ira pas sans rapprocher les peuples
français et algérien. Ce faisant, elle a le mérite de battre
en brèche, s’agissant de l’acte génocidaire du 8 mai
1945, l’idée d’actes isolés, et de poser alors la question
de la responsabilité en dernière analyse, fera remarquer
l’orateur. En effet, si le sous-préfet de Sétif, Butterlin
a pu réquisitionner l’armée, autoriser puis réprimer la
manifestation de Sétif, si celui de Guelma, Achiary, a pu
organiser à l’avance les milices de colons pour se livrer
aux multiples exécutions sommaires, extrajudiciaires,
individuelles et collectives, qui a pu ordonner à la marine nationale et à l’aviation de guerre de bombarder,
pendant plusieurs jours, des dizaines de mechtas et de
douars, sinon la pouvoir politique central à Alger et à
Paris ? C’est, à juste titre, que l’historien Mohammed
Harbi avait déclaré un jour que la production historique,
idéologique et sociologique relative au mouvement national est, à bien des égards, une anthologie de la falsification et de la dissimulation. Des pans entiers de l’Histoire, souligne la même source, ont été effacés ou voués
au silence alors que militants et mouvements politiques
ne sont pas appréciés en fonction de la place qu’ils ont
occupée, mais en fonction de ce qu’ils sont devenus :
« Le remodelage du passé à l’image du présent devient
alors chose courante. » Dans Aux sources du nationalisme algérien, Kamel Bouguessa fait remarquer que
les attitudes de certains chercheurs et celles de témoins
oculaires convergent pour alourdir ce climat. Au cours
des enquêtes et de collectes de témoignages réalisés par
ses soins, les réactions d’un certain nombre de militants
et de dirigeants nationalistes ont bien montré l’impor-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
tance des discontinuités et des silences qu’ils ont opposés à ses questions. Un seul exemple, édifiant à bien des
égards, est avancé par l’universitaire algérien comme
pour mieux étayer sa thèse : « Sur une vingtaine d’entre
eux, interrogés ou contactés à propos des événements
de 1945, nous avons pu noter que le dénominateur commun de leurs réactions a été la démission, tandis que l’un
des leaders les plus en vue durant cette période, le docteur Lamine Debaghine, principal dirigeant de la tentative insurrectionnelle de mai 1945, nous a donné pour
seule réponse, sur un ton gêné et balbutiant derrière une
porte ouverte, j’ai définitivement tourné la page sur le
passé ! » Pour l’auteur de Aux sources du nationalisme
algérien, ces difficultés, où les silences convergent avec
l’absence de nouvelles sources, ne sont pas sans effet
sur les analyses, sur le choix et sur la délimitation de
l’objet d’étude. De son point de vue, l’occultation des
discontinuités réduit du coup toute prétention à l’analyse théorique. Et c’est d’autant plus grave que certains
écrits, irrigués certainement par les nostalgiques de l’Algérie française, risquent de contribuer dangereusement
à saper les fondements de l’Unité nationale. Moment
que choisira l’idéologie dominante française pour lancer une idée machiavélique, celle consistant à mettre sur
pied une fondation française pour « apaiser » l’Histoire.
Financée par l’Etat français à hauteur de 7,2 millions
d’euros, cette institution a été conçue pour regrouper,
tenez-vous bien, les membres du FLN et de l’OAS. Une
initiative qui ne saurait tromper personne, à plus forte
raison à un moment où le recentrage patriotique est en
train de réconcilier les Algériens avec eux-mêmes et de
s’opposer avec détermination à la traduction de l’une
des dispositions de la loi tragi-comique du 23 février
2005 dont un article appelait à la glorification « des aspects positifs du colonialisme français ». Enfin, pendant
qu’il est encore temps et pendant que les artisans de la
Révolution nationale et du recouvrement de la souveraineté sont encore vivants, grâce à Dieu, que l’Algérie crée
l’école dédiée à l’écriture de l’Histoire, comme annoncé
par le président de la République, et qu’elle mette en
scène à travers tout le pays des historiens aux pieds nus
susceptibles de ravir aux discontinuités et d’immortaliser des pans importants de la mémoire collective.
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Abdelhakim Meziani
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Jijel
La perle de la
Méditerr anée
Par Hassina Amrouni
Jijel
Histoire
d'une
ville
Igilgilis, Ighil Ighil, Gigeri ou encore Gilgil, pour ce citer
que ces quelques noms, sont les différentes appellations
données à Jijel par les différents conquérants qui se sont
succédé sur cette terre hautement touristique, réputée pour
la beauté de ses plages, de ses criques, de son parc naturel,
de ses grottes merveilleuses mais aussi de ses vestiges
phéniciens, romains, byzantins et arabo-musulmans.
S
ituée le long de la côte est, à
quelque 350 km d’Alger, Jijel
s’étend sur une superficie de
2.398,69 km² et compte plus
de 600 000 habitants.
Les plaines côtières de la région sont entourées, au sud, par les reliefs
de la petite Kabylie. La plaine de l'oued
Mencha est située au nord, le long de la
bande littorale allant des petites plaines
de Jijel, jusqu’aux plaines d'El-Aouana, le
bassin de Jijel, les vallées de Oued Kébir,
Oued Boussiaba et les petites plaines de
Oued Z'hour. Dans cette région, la montagne tombe souvent à pic dans la mer et
forme une côte très découpée, appelée corniche jijelienne, où l'on admire caps, falaises, presqu'îles et promontoires. Un lieu
privilégié par les très nombreux touristes
visitant la région.
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Comptant 28 communes dont 11 chefslieux, la wilaya de Jijel est indéniablement
l’une des plus belles régions touristiques
d’Algérie.
Le bassin versant culmine à 1589 m d’altitude avec une altitude moyenne de 406 m.
Les principales cimes montagneuses sont
Tamezguida, Tababort, Seddat et Bouazza.
La végétation du bassin versant se distingue par une couverture forestière peu
abondante, constituée essentiellement de
chênes -lièges..
L’histoire tumultueuse de la ville
La région de Jijel a été peuplée depuis l’ère
préhistorique par les Berbères sédentaires
et agriculteurs, du rameau Baranis, parmi
lesquels les Kutama.
Vers Xe siècle avant l’ère chrétienne, les
Phéniciens s’y installent. Etant à la re-
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Histoire
d'une
ville
Arrivée des Ottomans
christianisme et imposent l’arianisme.
Les Byzantins (533) occupent la ville pour
l’intérêt stratégique qu’elle offre. Au VIIe
siècle, Jijel devient dépendante de Kairouan, dominée par la dynastie des Aghlabides. Au Xe siècle, les Kotama, puissante
tribu berbère du sud de Jijel, s’allient aux
Fatimides et renversent le pouvoir de Kairouan (913) avant de
s’installer au
Caire.
Jijel
cherche d’un lieu sûr où établir leur commerces, ces marins et marchands, voient
en cette région l’endroit idéal pour fonder
un comptoir.
A partir du Ve siècle av. J.-C., Carthage
impose son hégémonie sur les cités phéniciennes de la côte africaine, dont Igilgili.
Cette dernière sera un territoire carthaginois jusqu'à la défaite de Carthage face à
Rome lors de la première guerre punique
en 264 av. J.-C., suite à quoi elle sera
rattachée au royaume unifié de Numidie sous le roi Massinissa, avant de passer sous le règne de son fils Micipsa, puis
de son petit-fils Jugurtha. Lorsque ce
dernier est défait face aux Romains en
105 av. J.-C., la ville se retrouve sous
la domination du royaume de Maurétanie, royaume berbère vassal de
Rome dont la capitale est Volubilis
(Maroc) puis Iol (Cherchell) sous
le règne de Juba II, avant de passer entre les mains des Romains
qui la transformeront en colonie
sous Octave Auguste en 33 av. J.C. Les habitants jouissent de la
citoyenneté romaine et Rome est
présente sur toute l’Afrique du nord.
Igilgili est d’abord rattachée administrativement à la province romaine de
Maurétanie césarienne, puis à la Maurétanie sétifienne. A partir du IVe siècle, la
population d’Igilgili se convertit au christianisme. En 429, la ville subit l’attaque
des Vandales, ces derniers combattent le
Monument Barberousse
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Jijel
Histoire
d'une
ville
Jijel tombe ensuite sous le contrôle des
Zirides de Kairouan (973) puis des Hammadides de Béjaïa (1007) et enfin des Almohades en 1120. En 1145, les Normands
débarquent, ils sont chassés en 1155, mais
la ville ne cesse de recevoir le flux occidental. Les trois grandes républiques italiennes
de l’époque (Venise-Gênes-Pise) amorcent
leur renaissance maritime et commercent
avec le port.
Arrivée des Ottomans
Suite à l’appel des habitants d’Alger, Aroudj et Kheir-Eddine Barberousse débarquent
à Jijel en 1514. Ils y établissent leur quartier général et leur base arrière pour organiser la lutte contre les Espagnols, déjà
occupants de plusieurs autres villes de
la côte algérienne. Les soldats recrutés,
les munitions et les armes réunies, ils libèrent Béjaia en 1516, Alger en 1518 et
toutes les autres villes occupées par les Espagnols comme Cherchell et Mostaganem,
à l'exception d'Oran. Suite à ces victoires,
les Jijélis se voient accorder des privilèges
en récompense de l’aide qu’ils ont apportée
pour permettre l’installation des Ottomans
en Algérie. Parmi ces privilèges, le droit
de porter des armes en ville, alors que cela
n’était permis qu’aux janissaires.
Jijel devient un port très important enregistrant une activité corsaire intense. Elle
deviendra même la ville de nombreux corsaires connus dans toute la régence d’Alger.
Rattachée au beylik de Constantine, Jijel
compte un grand nombre de janissaires.
Aujourd’hui, nombre de leurs descendants
vivent encore à Jijel. Au XVIe et au début
du XVIIe siècle, la ville reçoit de nombreux réfugiés musulmans d’Espagne. En
juillet 1664, une expédition française dirigée par le Duc de Beaufort y débarque. La
résistance s'organise sous la direction de
l'agha Chabane et les Français sont chassés
en octobre de la même année. Le 13 mai
1839, les troupes françaises descendent à
Jijel. Une forte résistance s’en suit.
Les troupes françaises débarquent à
Jijel
Neuf ans après la prise d’Alger, plus exactement le 13 mai 1839, les troupes françaises débarquent à Jijel. La population
se soulève et cette lutte populaire durera
jusqu’en 1842. Après quelques années
d’accalmie, les insurrections armées reprennent en 1845-1847-1851. Celle de
1851 sera la plus meurtrière.
En 1856, un terrible tremblement de terre
secoue la région de Jijel. La cité, vieille de
plus de 20 siècles d'histoire, est détruite
et, c’est sur ses ruines que sera construit
un port militaire. En 1848, la ville de Jijel
est intégrée au département de Constantine. En 1860, elle est érigée en commune
et voit l’installation de nombreux colons
européens. Elle est élevée en 1958 au rang
de sous-préfecture des départements de
Bougie puis de Constantine.
Hassina Amrouni
Vue générale de la ville de Jijel
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Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Patrimoine archéologique et culturel de Jijel
Villes romaines, lieux
de mémoire
Histoire
d'une
ville
A ce jour, il a été recensé à Jijel 25 sites archéologiques. Face
au pillage et à la déperdition dont fait l’objet notre patrimoine
matériel, le recensement, le classement et la protection de ce
dernier sont devenus une priorité des autorités concernées.
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Jijel
Histoire
d'une
ville
Les sites archéologiques et historiques tels
Rabta, mosaïque de Dar Bateh, la citadelle,
Ford Duquesne (Jijel), Chobae (Ziama-Mansouriah), Tissillil (Settara), PC de la Wilaya
II (Ouled Askeur), maison de feu Ferhat
Abbas (Oudjana) et bien d’autres figurent
parmi ces richesses héritées du passé qu’il est
nécessaire de préserver pour les léguer aux
générations futures..
Les ruines de Aïn Tissillil, "Settara El Milia"
Villes romaines de Jijel
La région de Jijel compte plusieurs cités
romaines. Si Igilgili est la plus connue, il faut
savoir qu’elle n’est pas de datation romaine.
Cette cité berbère fut, d’abord, une colonie
marchande punique, avant de devenir une
cité romaine et de connaître un développement conséquent. D’ailleurs, toutes les
villes érigées par les Romains lors de siècles
d’occupation étaient dotées de toutes les
commodités nécessaires à une vie sociale et
communautaire et ce, afin
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d’assurer à leurs concitoyens une vie confortable. Malheureusement, aujourd’hui, seules
subsistent les ruines, le temps ayant fait son
effet.
Située sur la presqu’île s’avançant sur la
mer, Igilgili comptait villas, aqueduc et, en
dehors de la cité, de petites nécropoles suivaient la voie romaine menant à Saldae. En
raison de son importance, Igilgili a même
été citée par Ptolémée. Au lendemain de la
colonisation française, des vestiges tels que
des mosaïques, des inscriptions et divers
objets ont été retrouvés, ils ont été donnés
à divers musées français, y compris à ceux
de Cirta à Constantine, de Skikda (Philippeville) et du Bardo à Alger...
Chobaemunicipium est située à 40 km à
l'ouest d'Igilgili, dans la localité d'Azirou,
proche de Ziama. Bien qu’il ne subsiste de
cette petite ville qu’un long mur, une tour
et une entrée, on imagine qu’elle fut une
ville vivante. C’est d’ailleurs à Chobaemunicipium qu’a été retrouvé le plus
grand nombre d’objets et d’inscriptions de
l’époque romaine. Concernant Tissillil, elle
se trouve dans la contrée des Ouled M’Barek, son nom lui a été attribué en raison de
la source jaillissant au-dessus de Chaâbet
Besbess ‘Aïn Tissillil. Ce site, complètement
enseveli par les amoncellements de terre est,
pourtant, parmi les plus préservés et les plus
Supplément N° 15 - Juillet 2013.
Ruines de Aïn Tissillil
Jijel
riches puisqu’on y a retrouvé des tessons
de poterie, des fragments de mosaïques et
quelques pierres gravées d'inscriptions…
Pacianis Matidae (Panchariana-Pacciana) fut, quant à elle, une station de la
grande voie romaine du littoral, entre Igilgili et Chullu (Collo). On ne connaît pas
son emplacement exact mais on la situe
près de l'embouchure de l'Oued Z'hor,
probablement à Mers el Zitoune, par
contre, d’autres pensent qu’elle se trouvait à Henchir el Merdja. Mais au jour
d’aujourd’hui, il n’y a nulle trace de cette
cité pour accréditer telle description ou
approuver tel emplacement.
Tout comme Tissillil, le site d’Ad Basilicam gagnerait à être réhabilité car s’il
l’était, il pourrait s’avérer un véritable pôle
touristique pour les visiteurs et touristes
qui se rendent chaque année par milliers
dans la wilaya de Jijel. Cette cité qui a été
mentionnée dans la table de Peuntinger
et l'itinéraire d'Antonin, Ad Basilicam
était le lieu de passage des voies romaines
de Sitifis (Sétif) et Saldae (Béjaïa) dans
leur route vers Igilgili notamment. Autre
ville à avoir été évoquée par Peutinger,
Assarath. Située à l’est de Jijel, dans les
environs de Sidi Abdelaziz ou d'El Kennar, la ville aurait, malheureusement, été
entièrement ensevelie sous les sables.
Idem pour Iarsath qui fait, aussi, partie du passé archéologique et mémoriel
de Jijel. Toujours selon Peutinger, cette
cité a vu le jour à l'ouest d'Igilgili, sans
doute du côté d’El Aouana (Cavallo). A
l’arrivée des Français, il aurait subsisté
des restes d'un poste romain en face de la
grande île, dans les Ouled Bel Afou, aujourd’hui, rien pour rappeler la grandeur
de cette ville. C’est également le cas pour
Cedamusa et Castellum Victoriae qui
n’ont aucune existence matérielle mais
qui restent réelles à travers des récits ou
témoignages rescapés du passé.
Histoire
d'une
ville
Hassina Amrouni
Ruines de Aïn Tissillil
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Histoire
d'une
ville
Jijel
Vue sur la mer à partir de Chobae
Nécropoles
menacé
puniques,
patrimoine
Eu égard à son riche passé historique, Jijel et
toutes ses régions environnantes renferment
des trésors inépuisables et incommensurables.
Partout où l’on peut se balader, l’on peut trouver
des vestiges constitué de restes de sépultures
phéniciennes, comme des fosses forées dans les
roches, des caveaux familiaux…
Toute la côte jijélienne est parsemée de fosses.
Malheureusement, au fil des siècles, elles ont fini
par disparaître dans leur plus grande majorité et
ce, en raison d’une urbanisation galopante.
C’est un peu le cas de la fosse de Hdjiret
Ghoula ou celle entre Mers Chara et le
cimetière musulman. Si une part importante
de ce patrimoine a aujourd’hui disparu, ce qui
en reste est souvent la proie de pilleurs, qui
n’hésitent pas à profaner et à voler ce qui peut
encore l’être. Le peu d’intérêt manifesté à cet
héritage du passé constitue une autre menace.
Hassina Amrouni
Source : Jijel-info et Jijel-archeo
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La nécropole punique de «Marsa Charaâ», tombe du type arrondi à l'extrémité (tête)
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Grottes paléolithiques de Taza
Fenêtre sur un passé
millénaire
Histoire
d'une
ville
Entrée de la grotte de Taza-1
Outre son parc naturel, la région de Taza est aussi connue pour ses grottes
paléolithiques, situées sur la route nationale reliant les villes de Bejaia et
Jijel. Quatre grottes sont recensées. Les trois premières sont proches l'une
de l'autre, tandis que la quatrième se trouve à plusieurs mètres à l'est.
L'abri sous roche des Aftis, renfermant également des restes préhistoriques,
est situé au pied d'une falaise rocheuse à quelque 300 mètres de la route
nationale.
Par Hassina Amrouni
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Jijel
Histoire
d'une
ville
Vue panoramique deTaza
A
nciennement
appelée
grotte de la Madelaine,
la grotte de Taza (I) a
été découverte par le
professeur C. Arambourg et ses collègues
en 1926, alors qu’ils effectuaient une prospection archéologique dans la région est de
Béjaïa. D’ailleurs, ils mirent au jour des restes
archéologiques qui seront assignés au Paléolithique supérieur.
Au lendemain de l’indépendance, des chercheurs algériens, notamment C. Brahimi en
1971 puis Mohamed Medig en 1983, initièrent
Grottes de Taza
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de nouvelles recherches au niveau de cette
grotte. Ce dernier fut d’ailleurs rejoint en
1987 par une équipe d'archéologues de l'Université d'Alger. Un riche matériel archéologique sera également recueilli. Ce n’est qu’en
1990, à la suite d’un programme de recherche
dans la région que furent découvertes les
trois autres grottes préhistorique ainsi qu’un
abri sous roche, baptisé Abris des Aftis.
Les fouilles effectuées par l’équipe d'archéologues de l'Université d'Alger, en collaboration avec des collègues étrangers, ont révélé
des informations sur le mode de vie de ses
habitants, il y a quelque 16000 ans. Les trois
autres grottes ressemblent à la première et
reflètent deux différentes périodes d'occupation humaine et de systèmes d'habitat ayant
eu lieu durant le Pléistocène supérieur sur la
côte est algérienne.
A l’intérieur des grottes ont été retrouvés
des restes d’ossements d'animaux provenant des domaines paléarctique et éthiopien.
Les espèces identifiées sont en majorité de
grands mammifères tels le mouflon à manchettes (Ammolragus lervia), l'aurochs (Bos
pnmigenus), l'ours (Ursus), l'antilope chevaline (Hippotragus equinus), le sanglier (Sus
scrofa), le cerf mégacérin d'Algérie (Megaceroides algericus) et le macaque (Macaca
innus).
Ont été également récupérés des restes
osseux attribués à des individus juvéniles.
Le crâne le plus complet appartient à une
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Histoire
d'une
ville
Le fond des grottes de Taza
Jijel
femme adulte. Afin de mieux le visualiser,
le chercheur Djilali Hadjouis a effectué, en
2003, une reconstitution faciale numérisée.
Et il en est ressorti que les millénaires qui
nous séparent ne sont pas aussi importants
qu'on ne le pense. Selon les périodes, ces
ancêtres s'approvisionnaient de matériaux
comme le silex – ces instruments de travail de base – soit aux alentours, dans les
proches oueds, soit dans des contrées relativement lointaines de Kharata. Par ailleurs,
des débris de foyers de feu bien conservés furent également mis au jour. D’autre
part, on a découvert que ces lointains
parents avaient un certain sens du beau
et se paraient de colliers, de bracelets, de
pendentifs en coquillages, de même qu’ils
utilisaient de la peinture ocre.
Outre les fameuses grottes de Taza,
d’autres cavités préhistoriques ont été découvertes au début des années 1990. Leur
exploration permettra sans doute de dévoiler d’autres pans de la vie et du quotidien de
nos prédécesseurs..
Hassina Amrouni
A l'intérieur des grottes de Taza
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d'une
ville
Parc naturel de Taza
Réserve de biosphère de l’Unesco
Situé au nord-est de l'Algérie au cœur du massif forestier du Guerrouche à 30 km de la ville de Jijel, le
parc national de Taza s'étend sur une superficie de 3807 ha et est considéré comme unique dans le bassin
méditerranéen de par sa diversité d’où sa classification en 2004 par l’Unesco comme réserve mondiale
de la biosphère.
Le parc naturel de Taza comprend plusieurs ensembles naturels comme le massif forestier du
Guerrouche, 9 km de plages et corniche, de multiples grottes, des falaises et des gouffres...
Le point culminant du parc est le mont Koudiet El Kern avec 1121 m d’altitude. Sa flore est diversifiée,
la partie maritime est constituée de chênes kermès, d’oliviers, de bruyère et de pistachier, à l’intérieur, on
retrouve d’autres variétés comme l’arbousier, le sorbier, le houx ou encore le laurier noble.
Concernant la faune, près d’une trentaine de mammifères s’y côtoient tels le renard roux, l’hyène rayé,
le lièvre, le singe magot, le sanglier, le porc-épic, la belette, l’hérisson d’Algérie, la genette, le chacal doré
ou encore la mangouste. Ceux-ci, aux côtés de l’avifaune (chouette hulotte, l’aigle bonellie, la mésange,
les aigrettes, le grand cormoran, la tadorne de belon…).
Hassina Amrouni
Source : www.jijel-archeo
Parc national de Taza
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Grotte merveilleuse de Ziama
Mansouriah
Histoire
d'une
ville
Une attraction touristique
Mise au jour en 1917, lors des travaux pour l’ouverture du tronçon
routier Jijel-Bejaia, la « Grotte merveilleuse » de Ziama Mansouriah
est située à 35 km à l’ouest de Jijel, sur la route nationale 43.
Par Hassina Amrouni
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Histoire
d'une
ville
L
’intérieur
de
cette
grotte spacieuse baigne
dans une température
constante de 18°, quant
au taux d’humidité, il
varie entre 60 et 80%. La
grotte est riche en stalactites et stalagmites
(concrétions calcaires). Ces dernières
représentent différentes formes et le
visiteur se plaît à y deviner une « Tour de
Pise », un « Bouddha », une mère allaitant
son bébé et toutes sortes d’animaux. En
fait, c’est le ruissellement continu de l’eau,
sur les façades rocheuses qui est, avec
le temps, à l’origine de la formation des
stalactites et des stalagmites. Il faut savoir
qu’une première disposition législative
pour son classement a été prise le 12 avril
1948. Au lendemain de l’indépendance,
une ordonnance relative aux fouilles et
à la protection des sites et monuments
historiques l’a intégré comme « monument
naturel à protéger ». Cette grotte est, depuis
2004, classée réserve de biosphère par le
Conseil international de Coordination
du MAB (programme sur l’Homme et
la biosphère) et constitue une « pièce
maîtresse » et le « symbole par excellence »
du parc. Par ailleurs, des géologues notent
que ce « site exceptionnel » appartient au
système karstique du Parc naturel de Taza,
selon une décision ministérielle du 18
novembre 2008 qui « l’exclut de toute forme
d’exploitation ou occupation incompatible
avec les objectifs de sa désignation ».
A l'intérieur des grottes
Hassina Amrouni
Les grottes à l'extérieur
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Ferhat Abbas et Mohamed Seddik Benyahia
Histoire
d'une
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Dignes fils de Jijel
Ferhat Abbas
mohamed Seddik Benyahia
Figures historiques dont le destin fut indissociable du
long cheminement de l’Algérie vers son indépendance,
Ferhat Abbas et Mohamed Seddik Benyahia sont tous
deux natifs de Jijel.
Par Hassina Amrouni
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Jijel
Histoire
d'une
ville
O
riginaire du hameau de
Bouafroune, au douar
de Chahna, à 12 km au sud de Taher (dans
l'actuelle
commune
d'Ouadjana, dans
la
wilaya de Jijel), Ferhat Abbas a vu le jour le 24
août 1899 au sein d’une famille paysanne de 12
enfants. Rejoignant les bancs de l’école à l’âge
de 10 ans, il fait ses études primaires à Jijel. Bon
élève, il obtient une bourse à l’âge de 15 ans,
il part alors pour Philippeville (Skikda) pour
y poursuivre ses études secondaires. Étudiant
en pharmacie à la faculté d’Alger de 1924 à
1933, il devient le promoteur de l’Amicale des
étudiants musulmans d’Afrique du Nord (AEMAN), dont il est vice-président en 1926-1927,
puis président de 1927 à 1931.
Leader nationaliste, il est le fondateur de
l’Union démocratique du manifeste algérien
(UDMA) et membre du Front de libération
nationale durant la guerre de libération nationale qu’il rejoint en secret en 1955 après plusieurs rencontres avec Abane Ramdane et
Amar Ouamrane. A l'issue du congrès de la
Soummam le 20 août 1956, il devient membre
titulaire du CNRA (Conseil national de la révolution algérienne), puis entre au CCE (Comité
de coordination et d'exécution) en 1957. Il est
ensuite premier président du Gouvernement
provisoire de la République algérienne (GPRA)
entre 1958 et 1961. Au lendemain de l’indépendance, il est élu président de l’Assemblée nationale constituante, devenant ainsi le premier
chef d’Etat de la République algérienne démocratique et populaire.
Ferhat Abbas meurt à Alger le 24 décembre 1985. Il est enterré au Carré des martyrs du cimetière El Alia d'Alger.
Mohamed Seddik Benyahia est également
natif de Jijel. Né le 30 janvier 1932, il fréquente
le collège durant quatre ans à Sétif avant de
retrouver la capitale pour s’inscrire au lycée
Emir-Abdelkader et poursuivre ses études de
droit.
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Diplômé de l'université d'Alger, il est
jeune avocat, lorsqu’il décide de prendre une
part active dans la lutte pour l'indépendance
de l’Algérie. Aussitôt diplômé, il s’inscrit en
1953 au barreau d’Alger, avant d’assurer, deux
années plus tard, la défense de Rabah Bitat, détenu à la prison de Barberousse. Il en profitera
pour établir des liens avec Abane Ramdane qui
venait d’être élargi. Mohamed Seddik Benyahia
rejoint, ensuite les rangs du Mouvement pour le
triomphe des libertés démocratiques (MTLD)
dont il se détachera après le conflit qui a opposé
les centralistes avec Messali Hadj.
Recherché par les forces coloniales, il rejoint
les instances du FLN et participe à la création
de l’UGEMA en 1955 avec Ahmed Taleb Ibrahimi, Lamine Khene, et est parmi les organisateurs de la grève des étudiants algériens, le
19 mai 1956. Militant au sein du Mouvement
pour le triomphe des libertés démocratiques
(MTLD), il rejoint, en 1955, l’organisation
de la section de l’UGEMA, à Alger, et participe avec la délégation algérienne, à la première Conférence afro-asiatique, à Bandoeng.
Membre du Conseil national de la révolution
algérienne (CNRA), désigné par le Congrès de
la Soummam, en août 1956, Mohamed Seddik
Benyahia accède au poste de secrétaire général
du Gouvernement provisoire de la République
algérienne (GPRA) de 1958 à 1962.
Collaborateur du président du GPRA, Ferhat
Abbas en 1958, il fait partie des négociateurs du
FLN à Melun en 1960 et Evian en 1961 et 1962,
en faveur de la signature des accords d’Evian.
Après l’indépendance, il est nommé ambassadeur à Moscou puis à Londres. En 1967, Houari Boumediene le nomme à la tête du ministère
de l’Information en 1967 à 1970.
Benyahia aura, par la suite, la charge d’autres
portefeuilles ministériels (Enseignement supérieur et Recherche scientifique de 1970 jusqu’à
avril 1977, Finances de 1977 jusqu’à 1979, et
Affaires étrangères de 1979) jusqu’à sa mort
tragique en 1982.
Hassina Amrouni
Supplément N° 15 - Juillet 2013.