D`origine judéo-espagnole, Alberto Hemsi se disait descendant des

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D`origine judéo-espagnole, Alberto Hemsi se disait descendant des
D’origine judéo-espagnole, Alberto Hemsi se disait descendant des Juifs d’Espagne.
Les Juifs d’Espagne seraient majoritairement arrivés dans l’Empire ottoman vers 1492 (après
l’expulsion de la péninsule ibérique) et auraient tenté de préserver une part de la tradition
espagnole pendant près de cinq siècles à travers la pratique de la langue et de la musique.
Au début du XXe siècle, les compositeurs s’intéressent grandement aux musiques
traditionnelles, cet intérêt porte ses fruits à travers la création de nombreuses pièces inspirées
par ces diverses traditions. Alberto Hemsi fait partie de cette génération de compositeurs.
Après avoir étudié la musique au conservatoire de Milan, il consacre dix-sept années de sa vie
à la collecte des chants judéo-espagnols de l’Empire ottoman. Il va ensuite composer de vraies
pièces de concert pour voix et piano qui forment les dix cahiers des Coplas Sefardies. Ces
œuvres, archivées à la Fondation du judaïsme français, offrent une nouvelle approche de la
tradition judéo-espagnole, elles permettront aux générations futures de conserver une trace de
la tradition judéo-espagnole et d’en faire l’apprentissage à travers une perspective
contemporaine. Cette symbiose entre chant traditionnel et art savant est le rapprochement de
deux systèmes musicaux radicalement différent. Les monodies traditionnelles judéoespagnoles sont modales contrairement à l’harmonisation de Hemsi qui est basée sur le
système tonal.
À cela rien d’étonnant, Alberto Hemsi est tributaire du système tonal qu’il a
notamment pratiqué lors de son apprentissage à Milan. Notre étude a permis de comprendre
que cette éducation musicale a eu un impact sur sa façon de transcrire les chants traditionnels.
Au cours de la seconde partie de ce travail, nous avons mis au jour la systématique
musicale des monodies des Coplas Sefardies en utilisant l’analyse paradigmatique initiée par
Nicolas Ruwet, puis Simha Arom et Hervé Roten. On a ainsi dégagé l’image d’une musique
parfois fonctionnelle (cantiga) qui épouse principalement trois formes : la forme réitérative
stricte, la forme cumulative et la forme par variation ou intercalation de formules. La forme
par variation ou intercalation de formules est prépondérante pour les oraciones en ladino
(chant religieux). Cependant, malgré la non-présence d’une systématique commune entre les
différents répertoires des chants profanes, chaque chant profane semble avoir un squelette
strict. La transmission des chants profanes ne semble pas laisser place à l’improvisation. De
ce fait, les formules n’apparaissent pas comme élément fondamental pour la compréhension
de la systématique de ces chants.
L’homogénéité est flagrante dans le système modal. Les modes des oraciones en
ladino s’inscrivent clairement dans la modalité occidentale, alors que le système modal des
chants profanes est complexe. Il a été influencé par les systèmes modaux de la
méditerranéenne orientale, de ce fait, une grande majorité des chants n’ont pas été classés,
nous les avons appelé « modes autres ». Après avoir analysé plus en détail ces chants, il est
apparu que l’influence majeure de la modalité orientale y est incontestable.
La modalité des chants profanes a donc attiré notre attention. Nous avons ainsi
entrepris une étude sur le rapport modalité/harmonie de quatre chants en mode de do afin de
voir si Hemsi les harmonise de manière modale ou tonale. L’utilisation majoritaire des
vecteurs dominants selon la théorie de Nicolas Meeùs, nous laisse penser que le mode de do a
été utilisé comme un mode majeur. Cependant, on trouve très souvent les vecteurs sous
dominants (VS) en paire de vecteurs et le chant Mi esposica esta en el bano contient une
majorité de VS. Ces éléments sont typiques de la modalité harmonique. Par conséquent,
Alberto Hemsi se détache légèrement du système harmonique occidental de son époque tout
en en respectant les limites.
Nous avons aussi pu constater que son écriture harmonique est systématiquement
renouvelée : les répétitions de la monodie ne s’appliquent pas à l’harmonisation pianistique.
Cette technique d’écriture lui permet de renouveler en permanence son écriture et d’éviter
ainsi l’impression de monotonie qui pourrait naître d’une ligne monodique souvent répétée
sans grand changement.
Ce n’est donc pas dans l’harmonisation modale que Hemsi est le plus novateur, mais
bien dans le traitement des harmonies. L’utilisation presque systématique du frottement de la
seconde sur la fondamentale, la tierce ou la quinte d’un accord, afin de laisser entendre la 7e,
9e ou 11e est typique de son époque (Debussy, De Falla...). Peut-être est-ce une manière
d’éviter la non préparation de la 7e ou 9e (hors contexte musical classique) en laissant croire à
l’auditeur que c’est une simple dissonance de seconde...
Alors qu’aucune étude n’avait été réalisée sur Alberto Hemsi et son oeuvre, à l’heure
d’aujourd’hui, nous connaissons désormais son univers familial, culturel et musical. Nous
avons pu également tirer des conclusions sur sa technique de composition face à la modalité.

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