Etel 2007 : la NEV descend de la montagne!

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Etel 2007 : la NEV descend de la montagne!
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N AGE
EN EAU VIVE
Etel 2007 :
la NEV descend
de la montagne!
Habituellement, les manifestations de nage en eau vive (descentes
et slaloms) se déroulent sur les torrents de classe 3 à 5 dans les
Alpes, le Massif Central ou les Pyrénées. Depuis deux ans maintenant, la commission nationale de nage en eau vive, la CNNEV, couvre
aussi les rivières et plans d’eau de classes 1 et 2. Et cette année, pour
lancer de façon significative l’activité, la CNNEV avait décidé d’organiser à Etel (56), en bord de mer, sur la rivière d’Etel le 1er critérium
national des classes 1/2. Un récit de Yann Salaün.
E
ntre Lorient et Quiberon, la ria d’Etel est une
rivière de “carte postale”. La chapelle de
Saint Cado, la petite maison
bleue sur l’îlot à côté, les
remous du Pont Lorois, la barre
d’Etel sont autant de sujets qui
méritent le détour et attirent les
visiteurs. La ria d’Etel, c’est aussi
une rivière maritime parsemée
d’îles autour desquelles fuse un
courant puissant, surtout avec
une marée de 106 !, et, en
conséquence, dans laquelle la
navigation compte autant que
le palmage. Il faut être capable
de palmer pour aller vite aux
bons endroits, il faut choisir les
bons passages avec les courants… dans le bon sens. En
fait, c’est la rivière de classe 1 à
2 idéale pour réunir, d’une part,
les habitués des torrents et de
la navigation entre les rochers
et d’autre part, les costauds de
la palme, adeptes des rivières
“calmes” de la région parisienne ou de la Loire.
Si, sur les 50 coureurs inscrits,
certains avaient décidé de venir
et de descendre cette rivière
pour des motifs touristiques ou
gastronomiques, la majorité
était venue pour en découdre
et si possible, pour inscrire son
nom à la première édition
nationale de NEV classes 1/2.
Mais qui allait l’emporter ? Les
locaux de Vannes, habitués des
lieux, faisaient figure de favoris,
les Parisiens avaient l’avantage
du nombre sans rogner sur la
qualité. La région Centre avait
déplacé ses meilleurs éléments. Il ne manquait que les
80 Bordelais, champions de
France de NEV classes 3/4 à
Thonon cette année. Le parcours entre la vieille chapelle de
Ste Hélène et la pointe Pordic
après la cale SNSM à Etel fait
7 km et, avec une marée descendante et un coefficient de
106, les organisateurs prévoient un temps de 45’ pour les
premiers. Dès le départ, Denis
Villette d’Orléans, comme à son
habitude, démarre “au sprint”.
Si l’on veut gagner, il ne faut pas
le laisser partir car il a les ressources pour aller jusqu’au
bout. Derrière, Fabrice Gault de
Gien, Raphaël Gutierrez de
Melun, Julie Dessagne de Courbevoie et Thierry Ravoisier de
Sarcelles réagissent et accélèrent eux aussi pour rester au
contact, dans le premier
groupe. Quant aux Vannetais,
surpris par ce départ ultrarapide, ils gèrent leur retard en
partant sur la droite du plan
d’eau. Vont-ils trouver la veine
miracle qui va les ramener sur
la tête de course ? Pendant ce
temps, Raphaël Gutierrez est
passé en tête et Yann Salaün de
Viry Chatillon a recollé au premier groupe. Derrière, l’heure
n’est plus à la plaisanterie, il
faut “y aller” et les coureurs sont
sur toute la largeur de la rivière,
chacun cherchant la direction la
plus favorable et essayant de
trouver le bon palmage dans un
clapot naissant. Au passage en
S au Pont Lorois, sous le regard
des nombreux curieux et supporteurs venus profiter du
spectacle, Raphaël Gutierrez,
habitué de la nage en eau vive,
passe superbement les courants très forts à cet endroit-là
et prend une vingtaine de
mètres d’avance sur le premier
groupe. Il n’hésite pas à rallonger sa route en restant dans la
veine principale pour garder le
maximum de vitesse et ainsi
gagner du temps sur ceux qui
sont tentés de couper et qui
tombent ainsi dans le contrecourant. Sur la ria d’Etel, la ligne
droite n’est pas forcément la
plus courte, beaucoup vont le
découvrir à leurs dépens ! Sur le
pont, les spectateurs sont
impressionnés par la maîtrise
de ces flotteurs qui défilent à
grande vitesse parmi les
remous et autres marmites.
À la sortie du S, dans la grande
ligne droite de l’arrivée (2 km),
Raphaël Gutierrez accélère
encore, il augmente son avance
et il ne sera plus rejoint. Il franchit détaché la ligne d’arrivée
en 47’ 19”. Derrière, les 5 coureurs du premier groupe se
sont regroupés, pour mener la
chasse ou pour se marquer ?
Les autres sont loin et la
deuxième place va se jouer
entre ces cinq coureurs. Devant
le port d’Etel, Denis Villette et
Fabrice Gault lancent le sprint.
Alors que le groupe est resté au
centre de la rivière, Yann Salaün
tente de passer à gauche et de
profiter des courants du port.
Ça ne suffit pas, il repart à droite
de la rivière et remonte Thierry
Ravoisier et Julie Dessagne.
Devant, Denis Villette et Fabrice
Gault gardent une longueur
d’avance et arrivent dans cet
ordre. Ces cinq coureurs arrivent en 10 secondes, mais une
minute après le premier… Derrière, Alexandre Bru de Viry
Chatillon, à l’issue d’une course
sage mais bien dosée, prend
une excellente septième place
et Annie Michel de Vannes,
deuxième féminine, et première locale, prend la neuvième place. Ensuite, les
arrivées vont s’enchaîner et les
derniers arriveront vingt
minutes seulement après le
premier, démontrant ainsi le
bon niveau de ce premier critérium national flotteurs. Bravo à
Raphaël qui a montré sa
grande condition physique et
sa science de la navigation.
Bravo à Julie qui confirme ici
son titre de championne de
France de NEV descente classe
3/4. Bravo à la famille Maignant
d’Argenteuil qui classe le père
Pascal, le fils Xavier et la fille
Marlène (1er jeune) dans les
quinze premiers. Bravo aussi à
Mélanie Dumont de Corbie (2e
jeune) qui se classe 18e. Bravo
à Gérard Lafosse de Noisy qui à
70 ans termine 14e de cette
course très relevée. Bravo enfin
à tous d’avoir été là car les
absents ont eu tort. Merci au CN
Etel (Patrick Barbeau, Philippe
Guhel et leurs équipes) pour sa
parfaite organisation de la
course et de la logistique associée. Merci aux sponsors qui
ont joliment récompensé les
coureurs. À l’année prochaine
pour le 2e critérium dans les
gorges du Verdon.
La course,
comme si vous y étiez
Tout le monde est déjà à l’eau
pour s’échauffer en amont de la
ligne de départ entre la digue
de la vieille Chapelle et la
bouée mouillée à quelques
encablures dans le courant descendant. Et moi, je suis toujours
sur le bord en train de répondre
à la journaliste d’Ouest France.
“Départ dans cinq minutes”,
annonce le juge starter. Entre le
stress du départ et mes obligations d’organisateur, j’aurai une
bonne excuse pour ne pas être
premier. Enfin, j’arrive à enfiler
mes palmes et à me rapprocher
de la ligne de départ. “Départ
dans deux minutes”. Ce n’est
pas assez pour chauffer ma
vieille carcasse mais il faudra
faire avec. Où prendre le
départ ? Près de la cale, ce sera
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dégagé mais le courant est
moins fort. En milieu de ligne,
ça va être embouteillé, on va se
palmer dessus ! Si je prends à
l’extérieur de la ligne, je devrais
être seul. Ce sera plus long mais
le courant sera plus fort et au
bout de cinq cents mètres, je
serai gagnant. Ça y est, c’est
parti. Évidemment, tout le
monde a pensé comme moi et
je suis entouré de nageurs fous.
On dirait un banc de thons en
train de manger des anchois.
Çà éclabousse de partout. Ça
joue des coudes et du flotteur.
On ne voit plus rien. C’est vers
où l’arrivée ? Pour être dégagé,
il faudra repasser. Il y en a 2, des
Parisiens, je crois, devant moi
qui me font “bouffer” leurs
gerbes d’eau. À gauche, c’est
Emmanuel Lussac, un Vannetais qui palme bien et qui me
colle (à moins que ce ne soit
moi qui le colle). À droite, légèrement en retrait, il y a Pascal
Maignant qui m’empêche de
passer. De toutes les façons,
c’est vers la gauche, vers le courant qu’il faut aller. Ce n’est pas
le meilleur départ que j’ai pris
et de loin ! De plus, je vois
Raphaël Gutierrez qui me
remonte comme une fusée
pour rejoindre les premiers. Je
reconnais devant Fabrice Gault
et Denis Villette qui sont déjà
en tête avec une dizaine de
mètres d’avance. Écœurant !
J’avais envie de gagner, c’est
mal parti mais je ne vais quand
même pas me laisser faire
comme çà. Il faut que je me
débarrasse de mes voisins.
D’abord, m’écarter du Vannetais pour arrêter de le traîner.
Pas facile, il me tient bien, le
bougre. J’ai du mal à trouver
mon souffle, respire Yann et
accroche-toi. Ça y est, il faiblit,
enfin, il est décollé. Maintenant,
à Pascal, ça va être plus dur. Il
faut que je prenne un peu
d’avance vers la droite, tant pis
pour le courant. Il faut aussi que
je traverse le sillage de ceux qui
me précèdent. Je reprends mon
20e (au moins !) souffle et au
bout d’une minute, Pascal est
derrière moi. Ça y est, je suis
enfin en eau libre, mais les
autres, c’est-à-dire les premiers,
sont bien à 20/30 m devant
moi. Je reconnais devant
Thierry Ravoisier, notre président toujours gaillard, et Julie
une sacrée battante. Il y a un
trou entre eux et moi. Il ne faut
pas que je les laisse partir,
sinon, je ne les reverrai pas et
encore moins les premiers.
D’abord me reconcentrer et soigner mon palmage : jambes
tendues, souples, bien respirer,
bonne position sur le flotteur.
Ça c’est la théorie car dans la
pratique, j’ai mal aux jambes et
le souffle court. Je ne pourrai
pas tenir comme ça pendant
toute la course. Accroche-toi car
eux non plus ne doivent pas
être à l’aise dans leurs palmes.
Ça doit commencer à tirer pour
tout le monde. Que faire ? Si je
reste comme ça, je ne vais pas
les rattraper. De plus, où sont
les Vannetais ? Ils ne sont pas
en tête mais ils connaissent le
parcours. Par où vont-ils passer
pour nous rattraper ? Sur la
droite, ils sont sur la droite à
50 m de là, légèrement en
retrait mais ils vont vite. Alors
que nous avons choisi de partir
sur la gauche, sur la rive sud-est
de la rivière, ils passent par la
rive droite, nord-ouest. Ils vont
sûrement nous rattraper en
face de Saint Cado. Je me souviens qu’ils voulaient raser la
perche rouge en face de St
Cado. Il doit y avoir du courant
par là, sur la droite. J’abandonne le groupe de tête que je
n’avais pas vraiment rejoint
pour marquer les Vannetais. Je
me mets entre la perche rouge
et le groupe de Vannetais et je
palme, je palme… Enfin la
perche rouge, je m’aperçois
que le groupe de tête est toujours là. Je n’ai rien perdu sur
eux et les Vannetais sont décrochés. Il faut maintenant que
je suive, voire que je me rapproche du groupe de tête. Ils
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sont cinq. Je suis donc sixième.
Peut mieux faire, Yann !
Accroche-toi. Le courant nous
fait accélérer. Le S du pont
Lorois est proche et je suis les
palmes de Thierry Ravoisier.
C’est quand même notre
maître à tous en matière de
navigation. Donc, si j’arrive à
limiter les dégâts dans ce passage, peut-être que… Étonnant
ce courant, on serpente à la
queue leu leu à six/sept nœuds
entre les îles et les rochers. On
se croirait sur l’Ubaye dans un
championnat de France de descente NEV. Il ne faut surtout pas
essayer de sortir de la trajectoire du courant, sinon, on est
bons pour les contre-courants
et le coup de frein. Les vagues
nous poussent comme des
jouets. Pas le temps de regarder
si ma famille est là. Pas le
moment de faire des sourires
aux jolies filles qui doivent sûrement nous
admirer du haut du
pont. Attention à la marmite à gauche, pas trop
près de la digue à droite.
La rive défile à toute
vitesse et voici la grande
ligne droite de l’arrivée.
Ce n’est pas encore le
sprint mais si je veux
gagner quelques places,
c’est maintenant qu’il
faut faire l’effort. J’avais déjà dit
ça au début de la course…
D’abord, partir sur la droite du
plan d’eau, c’est là qu’il y a
encore quelques restes de courant du passage du Pont Lorois.
Évidemment, Thierry fait pareil.
Il part même avec Fabrice et
Julie un peu trop à droite et je
les vois ralentir : ils sont dans un
contre ! Je fonce à gauche et
j’accélère mes battements. Ça y
est, je les rattrape, je les passe.
Ils sont derrière. À moi la quatrième place, peut-être même
la troisième ! Mais c’est maintenant moi qui suis dans un
contre, c’était trop beau. Tranquillement, ils me repassent et
j’ai toujours le même retard.
Je repars à droite avec eux pour
ne pas me faire distancer et
surtout, pour ne pas me faire
rattraper par l’arrière. On ne sait
jamais avec les Vannetais, ils
ont peut-être une dernière
veine de courant cachée dans
leur flotteur. Voilà le port d’Etel,
l’arrivée est à 500 mètres. C’est
devant qu’il faut regarder. Il faut
s’arracher et ne plus regarder le
cardio. Julie et Thierry piquent
vers la gauche pour se rapprocher de la rive. Moi, je repars à
droite mais pas trop, je reste
dans le centre de la rivière et je
lance le sprint. Le courant est le
même pour nous trois. Ce n’est
pas avec lui que je vais les passer. Je vois Thierry qui a le
souffle court mais qui continue
à palmer. Je ne suis pas mieux
mais c’est le money time. J’arrive à trouver un peu d’air, les
palmes sont dures et je mouline autant que faire se peut. Il
ne lâche rien et c’est Julie qui
fléchit. Thierry et moi nous en
rapprochons. La ligne est entre
le bateau et la terre. Plus que
100 mètres. Encore un, deux,
trois efforts… Ça y est, je passe
Thierry et dans la foulée, si je
puis dire, je double Julie.
Fabrice Gault est là à portée de
palmes. S’il s’effondre, je le
passe mais il a du métier, le
diable. Encore quelques
mètres. La ligne est franchie
mais je ne regarde pas, ni en
arrière, ni sur le côté. Je continue à palmer des fois
que Thierry ou Julie me
passent sur la ligne.
Enfin, ça y est, j’arrête de
palmer. Je suis quatrième. On se traîne jusqu’au bord. Raphaël
Gutierrez et Denis Villette sont déjà là et nous
attendent en refaisant la
course. J’ai du mal à
m’asseoir et à enlever
les palmes. Mais il faut
faire bonne figure
devant les curieux, les
amis et les familles qui
sont là, tout heureux de
retrouver. J’arrive à me lever et
à sortir de l’eau pour attendre
“au sec” l’arrivée de mes camarades de club. Les courses en
flotteur, c’est génial, surtout
quand il y a la bagarre, surtout
quand on passe les autres et
surtout, surtout… quand on est
arrivé ! À plus tard, sur une autre
descente. ■
Extrait du classement scratch: 1er,
Raphaël Gutierrez, Melun, V H ,
47’ 19”. 2e, Denis Villette, Orléans,
VH, 48’ 13”. 3e, Fabrice Gault, Gien,
SH, 48’ 18”. 4e, Yann Salaün, Viry Chatillon, VH, 48’ 21”. 5e, Julie Dessagne,
Courbevoie, SF, 48’ 23”. 6e, Thierry
Ravoisier, Sarcelles, VH, 48’ 24”. 7e,
Alexandre Bru, Viry Chatillon, SH,
48’ 53”. 8e, Annie Michel, Vannes, VF,
49’ 11”. 9e, Pascal Maignant, Argenteuil, VH, 49’ 24”. 10e, Xavier Maignant, Argenteuil, SH, 49’ 44”.
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