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L’Encéphale (2010) 36, 307—313
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
PSYCHIATRIE DE L’ENFANT
Signes neurologiques mineurs et troubles
envahissants du développement
Neurological soft signs in pervasive developmental disorders
S. Halayem ∗, A. Bouden , M.B. Halayem , K. Tabbane , I. Amado , M.O. Krebs
Service de pédopsychiatrie, hôpital Razi, rue des Orangers, 2010 La-Manouba, Tunisie
Reçu le 13 mars 2009 ; accepté le 19 octobre 2009
Disponible sur Internet le 7 mars 2010
MOTS CLÉS
Autisme ;
Troubles envahissants
du développement
NS ;
Signes neurologiques
mineurs
∗
Résumé
Objectifs. — Évaluer la prévalence des signes neurologiques mineurs dans deux sous-types de
troubles envahissants du développement (TED) : le trouble autistique (TA) et les TED non spécifiés (TED NS) et rechercher des corrélations entre ces signes et les caractéristiques cliniques.
Méthodologie. — Vingt et un enfants âgés de six à 11 ans (dix souffrant de TA et dix souffrant de TED NS) ont été comparés à un groupe de témoins appariés par âge, sexe et niveau
d’intelligence. Une forme adaptée à l’enfant de l’échelle des signes neurologiques mineurs
(SNM) de Krebs et al. a été utilisée. Le diagnostic de TA et de TED a été réalisé à l’aide de
l’autism diagnostic interview-revised (ADI-R), conformément aux critères du DSM IV. La childhood autism rating scale (CARS) a évalué la sévérité des symptômes au moment de l’examen.
Le niveau cognitif a été évalué avec les matrices colorées de Raven.
Résultats. — Les performances à l’échelle de SNM étaient significativement altérées chez
les enfants souffrant de TA en comparaison aux témoins en ce qui concerne les facteurs
d’intégration motrice et sensorielle. Pour les enfants souffrant de TED NS, les performances
étaient significativement moindres au niveau des scores total, de coordination motrice,
d’intégration motrice, d’intégration sensorielle et des mouvements anormaux. Dans le groupe
des enfants souffrant de TA, la coordination motrice était d’autant plus altérée que le score de
communication à l’ADI-R était élevé. Aucune corrélation entre le score total à la CARS et les
scores à l’échelle de Krebs et al. n’a été retrouvée dans les deux populations cliniques.
Conclusion. — Nos résultats sont conformes à la littérature en ce qui concerne la présence accrue
de SNM chez les enfants présentant un TED. La présence de corrélation entre SNM et les symptômes autistiques à l’ADI-R, parallèlement à l’absence de corrélation avec le score de la CARS,
confirme le caractère endophénotypique des SNM dans l’autisme.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Halayem).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010.
doi:10.1016/j.encep.2009.12.012
308
KEYWORDS
Autism;
Pervasive
developmental
disorder not
otherwise specified;
Neurological soft
signs
S. Halayem et al.
Summary
Background. — Many studies have focused on specific motor signs in autism and Asperger’s syndrome, but few has been published on the complete range of neurological soft signs (NSS) in
children with pervasive developmental disorder (PDD). Scarce are the studies evaluating NSS in
children suffering from PDD not otherwise specified (PDDNOS).
Methods. — This study compared performance of 11 autistic children (AD) and 10 children with
PDDNOS, with controls matched on age, sex and cognitive performance on Krebs et al.’s NSS
scale. Because of the duration of the assessments and specific difficulties encountered in managing some items, an adaptation of the scale had to be made during a pilot study with the
agreement of the author. To be eligible, patients had to meet the following inclusion criteria:
an age range of 6—16 years, a diagnosis of autistic disorder or PDDNOS based on the DSM IV criteria (American Psychiatric Association 1994). The autism diagnostic interview-revised (ADI-R)
was used in order to confirm the diagnosis and to evaluate the association of the symptoms to
the severity of the NSS. The childhood autism rating scale (CARS) was completed for the patients
in order to evaluate symptoms at the time of the NSS examination. Cognitive ability was assessed with Raven’s progressive matrices. Were excluded patients with: history of cerebral palsy,
congenital anomaly of the central nervous system, epilepsy, known genetic syndrome, tuberous
sclerosis, neurofibromatosis, antecedent of severe head trauma, Asperger’s syndrome, obvious
physical deformities or sensory deficits that would interfere with neurological assessment, deep
mental retardation and recent or chronic substance use or abuse. Healthy controls shared the
same exclusion criteria, with no personal history of neurological, psychiatric disorder or substance abuse, no family history of psychiatric disorder and normal or retardation in schooling.
All study procedures were approved by the local Ethics Committee (Comité d’éthique, Razi
Hospital), according to the declaration of Helsinki.
Results. — There was no difference between patients and controls with respect to sex, age
and cognitive function. All children had an IQ higher than 81. Significant differences were
found between AD children and control group in the motor integration function and sensory
integration function. Different NSS scores were significantly higher in the PDDNOS group than in
controls: the total scores, motor coordination, motor integration function, sensory integration
and abnormal movements. Lower performance in motor coordination skills was associated with
higher ADI-R communication score in the AD group. No relationship was found between NSS and
CARS’ total sore.
Conclusion. — This study confirms the impaired neurological functioning in autistic as well as
PDDNOS children. The association of motor impairment with autistic symptoms highlights the
argument that motor control problems can be part of the autism spectrum disorders. The lack of
relationship between NSS and intellectual aptitude in the clinical sample provides new elements
for the neurodevelopment model of the autism spectrum.
© L’Encéphale, Paris, 2010.
Introduction
Les descriptions d’enfants souffrant de troubles envahissants du développement (TED), en particulier ceux
présentant un trouble autistique (TA) et un syndrome
d’Asperger (SA), ont mis l’accent sur certaines caractéristiques de la motricité dans cette population comme une
gaucherie ou des anomalies du tonus [2,19]. Les troubles du
contrôle moteur ont été, de ce fait, proposés comme faisant partie intégrante du spectre de l’autisme [1,37]. Cette
hypothèse découle de nombreux travaux qui ont montré
la présence de troubles de la coordination et plus largement de signes neurologiques mineurs (SNM) chez des
enfants présentant différents sous-types de TED tels que
le trouble autistique, le SA et les TED non spécifiés (TED
NS) [12,25,26,28]. Les SNM regroupent essentiellement des
anomalies de l’équilibre et de la marche, de la coordination motrice, des fonctions intégratives sensorielles, de la
latéralisation, de la persistance de réflexes archaïques.
Les rapports aux TED des anomalies de la coordination
motrice et des SNM ont fait l’objet d’un intérêt croissant.
Les travaux qui ont évalué ces anomalies ont utilisé plusieurs
instruments d’évaluation standardisés.
Le movement assessment battery for children (M-ABC)
a été utilisé chez des patients souffrant de SA et de TA à
haut niveau (HFA). Dans l’étude de Henderson et Sugden
[17] comme dans celle de Manjiviona et Prior [26], il y avait
des troubles de la coordination dans ces deux populations.
Miyahara et al. [28] ont comparé deux groupes d’enfants et
d’adolescents souffrant de SA et de troubles des apprentissages et n’ont pas trouvé de différence entre ces groupes.
Les enfants évalués n’étaient toutefois pas appariés par
degré d’intelligence. Green et al. [14] ont comparé des
enfants présentant un SA à un groupe d’enfants souffrant
de trouble du langage. Le premier groupe présentait plus
d’anomalies au M-ABC.
Deux études ont utilisé le Bruininks-Oseretsky test (BOT ;
Bruininks [4]), test de coordination fine et globale : Ghaziud-
Signes neurologiques mineurs et troubles envahissants du développement
din et Buttler [12] ont comparé des enfants d’intelligence
normale, présentant un autisme à haut fonctionnement, un
SA et des TED NS. Les trois groupes présentaient des troubles
équivalents de la coordination. La seconde étude, celle de
Dewey et al. [8], ont retrouvé plus de troubles de la coordination chez des patients appartenant au spectre autistique
que chez ceux présentant un trouble acquisition de la coordination ou un trouble hyperactivité déficit de l’attention.
L’échelle Zurich neuromotor assesssment a été utilisée par Freitag et al. [11] pour comparer des adolescents
souffrant de TA ou de SA à des sujets témoins appariés par âge, sexe et intelligence. Les patients avaient
d’importants troubles de l’équilibre dynamique et une
adiadococinésie marquée importants. Cette dernière était
corrélée positivement aux anomalies de l’interaction sociale
à l’autism diagnostic interview-revised (ADI-R). Les corrélations adiadococinésie/anomalies de la communication
(ADI-B), trouble de l’équilibre dynamique/comportements
répétitifs et patterns stéréotypés (ADI-C), enfin anomalie
dans les mouvements complexes/anomalies de l’interaction
(ADI-A), tendaient vers la signification.
Dyck et al. [9] ont évalué les rapports entre la sévérité
des symptômes à l’ADI-R et la coordination motrice (évaluée à l’aide du McCarron assessment of neuromuscular
development). Ils ont également étudié les rapports entre
la sévérité des symptômes et les performances cognitives
comme le langage, l’efficience intellectuelle et la théorie de
l’esprit de sujets ayant un TA. Des troubles de la coordination motrice ont été retrouvés chez 86 % des patients. Dans
ce travail, les anomalies de la coordination étaient liées à un
score élevé d’anomalies de l’interaction sociale à l’ADI-R.
Jansiewicz et al. [18], ainsi que Dziuk et al. [10] ont
utilisé la physical and neurological exam for subtle signs
(PANESS [6]), échelle de SNM, pour comparer les performances d’enfants d’intelligence normale, ayant un trouble
du spectre de l’autisme (TA et SA), à des témoins normaux.
Les patients présentaient significativement plus de SNM.
Ainsi, les enfants souffrant de TED présentent de façon
unanime plus de trouble de la coordination que les enfants
normaux, mais aussi plus que ceux présentant les troubles
suivants : trouble acquisition de la coordination, trouble
hyperactivité—déficit de l’attention, troubles du langage.
Peu d’études ont à ce jour évalué l’ensemble des SNM
chez les enfants souffrant de TED, cela en partie du fait
de difficultés méthodologiques notamment dans l’évaluation
des SNM grâce à des tests standardisés : longue durée de passation des échelles [11,18,25] ou difficultés de cotation [25].
Les rapports entre les SNM et la sémiologie ont rarement été
étudiés et peu d’études se sont intéressées aux sous-groupes
de TED comme les TED NS.
Cette étude se propose donc d’objectiver, par une
échelle standardisée, la présence de SNM dans deux TED
(le TA et les TED NS) et de rechercher des corrélations entre
SNM et caractéristiques cliniques.
Méthodologie
La population
Ce travail a été conduit au sein de deux services : le
service de pédopsychiatrie de l’hôpital Razi (Tunis) et la
309
consultation de pédopsychiatrie de l’hôpital Fattouma
Bourguiba de Monastir (centre de la Tunisie).
Les patients
Trois groupes d’enfants âgés de six à 12 ans ont été évalués :
un groupe de 11 patients souffrant de TA, un groupe de dix
patients souffrant de TED NS et un groupe de témoins sains
appariés par âge, sexe et niveau d’intelligence.
Ont été inclus les patients répondant aux critères du
DSM IV [1] de TED NS et de TA.
Ont été exclus les patients ayant un trouble neurologique
connu associé, un syndrome génétique identifié, des antécédents de traumatisme crânien sévère, des antécédents de
souffrance fœtale aiguë, une malformation physique ou un
trouble sensoriel interférant avec l’évaluation des SNM, un
retard mental et un abus récent ou ancien de substance.
Les témoins
Ont été inclus comme témoins les sujets sains sans antécédents psychiatriques et sans antécédents personnels d’abus
de substance, sans d’antécédents familiaux psychiatriques
jusqu’au second degré et sans échec scolaire. Les témoins
ont été examinés par un médecin scolaire et les informations
concernant leur développement ont été recueillies auprès
des parents. Les critères d’exclusion étaient identiques à
ceux des patients.
Les outils d’évaluation
L’autism diagnostic interview-revised (ADI-R)
L’ADI-R [15] a été utilisé pour confirmer le diagnostic et pour
évaluer les rapports entre sémiologie et SNM. L’ADI-R, golden standard du diagnostic de l’autisme, est en accord avec
les critères diagnostiques du DSM IV et de la CIM 10 [23]. Bien
qu’il assure une bonne discrimination entre TA et TED NS,
son algorithme ne permet pas d’isoler le SA. De ce fait, les
enfants remplissant les critères de TA et ne présentant aucun
retard de langage ont été considérés comme souffrant d’un
SA et exclus de l’étude. Les enfants classés comme TED NS
étaient ceux qui remplissaient une partie mais pas tous les
critères diagnostiques du TA. Tous ces enfants présentaient
un retard de langage, ce qui exclut le diagnostic de SA selon
les critères du DSM IV.
Childhood autism rating scale
La childhood autism rating scale (CARS) [35] a été employée
afin d’évaluer la sévérité des symptômes au moment de
l’examen des SNM. Créée en adéquation aux critères du
DSM III R, elle reste adaptée aux critères du DSM IV [1,33].
Les matrices colorées progressives de Raven
Les matrices colorées progressives de Raven [34] ont permis l’évaluation du niveau d’intelligence. Cet instrument,
considéré aussi comme un test d’habileté visuospatiale [7],
a été choisi car il est largement reconnu comme instrument
d’évaluation de l’intelligence non verbale [3,5,24,27]. Son
coté attractif rend facile et rapide l’évaluation d’enfants
présentant un déficit de l’attention conjointe ou une
anxiété. Les scores obtenus au CPM ont été convertis en QI
selon les normes anglaises de 1999, grâce au Modulotest qui
contient la forme informatisée des matrices de Raven.
310
L’échelle des signes neurologiques mineurs [20,21]
Cette échelle standardisée est constituée de 23 SNM et de
deux échelles évaluant les signes extrapyramidaux et les
mouvements anormaux que sont respectivement l’échelle
Simpson et Angus [22,36] et l’échelle abnormal involuntary
movement scale (AIMS) [16,29].
Les 23 SNM sont regroupés en cinq facteurs :
• la coordination motrice (dysrythmie de la main, opposition des doigts, épreuve poing—tranche—paume, vitesse
de la main et du pied lors de mouvements alternatifs,
équilibre en ligne) ;
• l’intégration motrice (asymétrie droite—gauche, praxie
idéomotrice : précision des gestes exécutés, épreuve de
Romberg, épreuve doigt—nez—oreille d’adiadococinésie,
marche en ligne, protrusion de la langue) ;
• l’intégration sensorielle (stéréognosie, extinction sensorielle droite—gauche, praxie constructive, graphesthésie,
reconnaissance droite—gauche sur l’examinateur) ;
• les mouvements involontaires (mouvements anormaux et
posture, mouvements en miroir, syncinésies) ;
• la qualité de la latéralisation (type [droite/gauche] et
homogénéité, confusion droite—gauche sur le sujet luimême) adaptée à partir du « Edinburg Inventory » [31].
Chaque item est coté de 0 à 3 selon une description prédéfinie. Du fait que cette échelle évalue les performances
aussi bien au niveau de l’hémicorps droit que de l’hémicorps
gauche, les différences de latéralisation entre témoins et
patients ne peuvent expliquer les différences de score entre
les groupes.
Cette échelle ayant été élaborée et validée pour une
population adulte [13], nous avons procédé à une étude
pilote afin de tester sa maniabilité chez l’enfant, en particulier celui souffrant de TED. Au terme de cette étude, une
adaptation de l’échelle s’est avérée nécessaire, adaptation
effectuée sous la supervision de ses auteurs (Pr. M.O. Krebs)
et d’experts pédopsychiatres ayant une longue expérience
en matière de TED. Les modifications apportées étaient les
suivantes : modifications de l’ordre des items, utilisation de
supports concrets et d’autres modifications.
Modifications de l’ordre des items. Dans le but de faciliter
la passation en commençant par les consignes les plus aisées,
les items ont été passés dans l’ordre suivant :
• les items assis : latéralisation et apraxie ;
• les reconnaissances droite/gauche sur le sujet lui-même
et l’examinateur ;
• l’exécution de mouvements avec jugement de la qualité
de la symétrie des mains et des pieds (items 24—30) ;
• les items papier—crayon : stéréognosie, graphesthésie,
échelle, cube, labyrinthe, intégration temporelle et
visuomotrice ;
• les items réalisés debout, la marche, l’adiadococinésie,
le Romberg, l’équilibre talon pointe et enfin la marche
talon pointe.
Utilisation de supports concrets. Utilisation de supports
concrets lors de l’examen de la latéralisation (utilisation
d’une cuillère, d’un ballon. . .), sans mimer le geste.
Autres modifications. Pour l’item graphesthésie, nous
avons préféré utiliser les chiffres car les lettres peuvent
S. Halayem et al.
s’écrire de différentes manières en arabe et avantageaient
les adolescents. Pour chaque main, nous avons passé les dix
chiffres dans le désordre.
Concernant l’extinction droite/gauche, effectué après
l’item 10 : pour ceux qui distinguaient mal leur gauche
de leur droite, étaient considérées comme correctes les
réponses où l’enfant montrait avec son doigt le côté où il
avait été touché.
L’examen neurologique des SNM a été réalisé par le
même investigateur qui s’était préalablement entraîné à la
passation de l’échelle. L’examen des signes neurologiques
majeurs a été réalisé par des spécialistes en neurologie.
Analyses statistiques
L’étude statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS
dans sa 13e version. Les moyennes des scores entre les
patients et les témoins ont été comparées et le caractère
significatif des différences a été étudié pour chacun des
groupes appariés. Du fait du caractère limité des échantillons, le test de Mann-Witney a été utilisé. Pour l’étude des
différences aux niveau des scores de l’échelle de Krebs et
al., chaque groupe de patients a été comparé au groupe de
témoins qui lui a été apparié. Les corrélations avec les caractéristiques cliniques ont été évaluées au sein de chaque
groupe, à l’aide du test non paramétrique de Spearman.
Les résultats ont été considérés comme significatifs pour un
p < 0,05.
Considérations éthiques
Cette étude a été effectuée après le consentement éclairé
des parents et des enfants évalués (quand cela était possible pour ces derniers). Les procédures de l’étude ont été
approuvées par le Comité d’éthique local de hôpital Razi
conformément à la déclaration de Helsinki.
Résultats
La population
Description de la population
Onze enfants souffrant de TA et leurs témoins appariés par
âge et sexe, et dix enfants souffrant de TED NS et leurs
témoins appariés par âge et par sexe ont été évalués. Le
sex-ratio des enfants souffrant de TA était de dix garçons
pour une fille et de six garçons pour quatre filles pour les
enfants présentant un TED NS. L’âge moyen des enfants
autistes était de 8,9 ans (DS : 2,2) ; chez les enfants souffrant de TED NS, l’âge moyen était de 9,9 ans (DS : 1,8).
Il n’y avait pas de différence significative concernant l’âge
ou le niveau d’intelligence lors de la comparaison des deux
groupes de patients avec leurs témoins appariés respectifs.
Tous les patients avaient un QI supérieur à 81. Le QI moyen
des enfants autistes était de 115,8 (DS : 14,8) et de 97,4 dans
le groupe des TED NS. Il n’y avait pas de différence significative entre patients et témoins en ce qui concerne le QI.
Sept patients recevaient des antipsychotiques au moment
de l’évaluation. Aucun d’entre eux ne présentait de signe
extrapyramidal.
Signes neurologiques mineurs et troubles envahissants du développement
Scores à la Childhood autism rating scale
Dans le groupe des enfants souffrant de TA, huit enfants
présentaient au moment de l’évaluation un autisme léger
(score compris entre 30 et 37). Aucun enfant ne présentait
d’autisme sévère. Les trois derniers patients, du fait d’une
bonne évolution, présentaient un score inférieur à 30. Dans
ce groupe, la moyenne à la CARS était de 30,81 (DS : 2,67) ;
le minimum était de 27 et le maximum de 36.
Dans le groupe des enfants souffrant de TED NS, aucun
enfant n’atteignait le score seuil de l’autisme au moment
de l’évaluation. La moyenne à la CARS était de 25,85 (DS :
2,86), le minimum de 21 et le maximum de 29.
Les moyennes du score total à la CARS étaient significativement plus élevées (p = 0,001) pour le groupe des enfants
souffrant de TA que pour celui des enfants souffrant de TED
NS.
Scores à l’autism diagnostic interview-revised
Les sujets ayant un TA avaient des scores significativement
plus élevés que le second groupe au niveau des anomalies de
l’interaction sociale réciproque (p = 0,01), de la communication (p = 0,018) et des comportements répétitifs et patterns
stéréotypés (p = 0,016).
Évaluation et comparaison des signes
neurologiques mineurs dans les groupes de
patients et de témoins
Les patients souffrant de TA avaient des scores significativement plus élevés que les témoins au niveau des
items intégration motrice (p = 0,046 ; r = 0,57) et sensorielle
(p = 0,031 ; r = 0,39).
Les patients souffrant de TED NS avaient des scores
significativement plus élevés que les témoins en ce qui
concerne le score total (p ≤ 10−4 ; r = 0,582), le score des
items : coordination motrice (p = 0,018 ; r = 0,427), intégration motrice (p = 0,009 ; r = 0,078), intégration sensorielle
(p = 0,031 ; r = 0,20) et mouvements anormaux (p = 0,0218 ;
r = 0,412).
Corrélations entre les symptômes autistiques et les
signes neurologiques mineurs
Childhood autism rating scale
Aucune corrélation entre le score total à la CARS et les scores
à l’échelle de Krebs et al. n’a été retrouvée dans les deux
populations cliniques.
Autism diagnostic interview-revised
Dans le groupe des enfants souffrant de TA, la coordination
motrice était d’autant plus altérée que le score de communication à l’ADI-R était élevé (p = 0,038 ; r = 0,630). La
corrélation entre le score total des SNM et la communication
tendait vers la significativité (p = 0,060) dans ce groupe. Dans
le groupe souffrant de TED NS, seule la corrélation entre la
coordination motrice (échelle de SNM) et les comportements
répétitifs (ADI-R) tendaient vers la significativité (p = 0,076).
311
Discussion
Dans notre travail, les deux groupes de patients présentaient
une moindre performance à l’échelle des SNM de Krebs et al.
en comparaison aux sujets témoins appariés par âge, sexe
et niveau d’intelligence.
Les enfants souffrant de TA présentaient une altération
des fonctions de coordination et d’intégration motrice alors
que les anomalies étaient plus étendues dans le groupe des
enfants souffrant de TED NS, chez qui tous les facteurs à
l’exception du facteur latéralisation étaient altérés. Ces différences plus prononcées dans le groupe des TED NS par
rapport au groupe TA ne peuvent être expliquées par des
antécédents périnataux (notamment infectieux) ou pathologiques neurologiques ou génétiques intercurrents puisque
ces derniers constituaient des critères d’exclusion.
Dans le groupe des enfants souffrant de TA, on relève des
scores plus élevés au niveau de l’intégration motrice et de
l’intégration sensorielle. Le facteur d’intégration motrice
regroupe de nombreux signes pouvant être rapportés à
une dimension cérébelleuse (ataxie, marche talon-pointe,
épreuve doigt/nez, marche). Le facteur d’intégration sensorielle regroupe les réflexes d’extinction droite/gauche,
la reconnaissance droite/gauche, la stéréognosie, la praxie
constructive et la graphestésie. Les résultats observés dans
notre étude sont proches de ceux retrouvés par Freitag et al.
[11] qui relèvent chez des enfants autistes de haut niveau
et des enfants souffrant du SA comparés à des témoins,
des troubles de l’équilibre statique et une adiadococinésie. Ghaziuddin et Butler [12] utilisant le test de Bruininks
Ozeretsky ont aussi retrouvé des troubles de la coordination chez des enfants souffrant de troubles autistiques (les
items de l’intégration motrice sont compris dans le facteur
de coordination motrice globale dans ce test).
Les différences retrouvées pour les enfants souffrant de
TED NS sont proches de ceux de Ghaziuddin et Butler [12]
qui ont relevé des troubles de la coordination fine et globale
chez des enfants souffrant de cette pathologie.
La CARS révèle dans notre travail une relative homogénéité des deux groupes sur le plan clinique. Il n’existe pas
par ailleurs de corrélation entre le score total à la CARS
et les SNM dans notre travail et ce pour les deux populations. Certes, il n’existe pas d’études similaires antérieures
qui nous aideraient à étayer et à interpréter ces résultats
toutefois nous pouvons proposer deux hypothèses face à ce
constat. D’abord, la présence de scores bas à la CARS et
la distribution étroite de ces derniers, témoignant d’une
bonne évolution clinique au moment de l’examen des SNM
peut expliquer une absence de corrélation avec les scores à
l’échelle de Krebs et al. Par ailleurs, cette absence de corrélation constitue un argument supplémentaire en faveur du
caractère endophénotypique des SNM dans les TED [30]. En
ce sens, que les SNM restent présents indépendamment de
l’évolution de la maladie.
Dans le groupe des enfants autistes, nous avons retrouvé
une corrélation significative entre la sévérité des troubles de
la communication (ADI-C) et les troubles de la coordination
motrice. Deux autres résultats tendent vers la significativité : la sévérité des troubles de la communication est
liée à l’importance du score total des SNM ; et l’intensité
des comportements répétitifs est liée à l’altération de
l’intégration motrice. Ces résultats sont conformes au
312
travail de Dyck et al. [9] qui ont trouvé que les anomalies de
la coordination évaluées par le test de Mac Marron étaient
corrélées à la sévérité des symptômes du registre B de l’ADIR. Dans le même registre, l’étude de Freitag et al. [11] a
relevé que les troubles de l’interaction et de la communication étaient corrélés à la sévérité de l’adiadococinésie
(élément de l’intégration motrice dans l’échelle de Krebs
et al.). Ces deux derniers résultats sont à rapprocher de nos
observations puisque l’intégration motrice comporte parmi
ses composantes l’équilibre dynamique. Sans être parfaitement superposables, les deux études s’accordent quant à
l’existence d’un lien manifeste entre la sévérité initiale des
troubles autistiques et les SNM.
Pour le groupe des enfants présentant un TED NS,
quelques résultats tendent vers la significativité : les
comportements répétitifs sont corrélés au score total des
SNM et les troubles de la communication aux mouvements involontaires. Nous ne pouvons, à ce niveau de
l’étude, proposer aucun commentaire face à ce résultat
d’autant qu’aucune étude similaire ne s’y est intéressée.
L’augmentation de l’échantillon de notre population est
nécessaire pour confirmer ou infirmer ce constat.
Notre étude confirme donc deux données essentielles :
les SNM sont significativement plus représentés chez les
enfants souffrant de TED (en particulier de TED NS) et
leur prévalence est indépendante de la sévérité actuelle
de la maladie : ils peuvent donc être considérés comme
des marqueurs endophénotypiques des TED. Par ailleurs,
le fait que, dans ce travail comme dans les travaux antérieurs [9,11], on ait retrouvé des corrélations entre les
symptômes fondamentaux de l’autisme et les SNM, confirme
l’hypothèse étiopathogénique de l’autisme, qui stipule que
des altérations diffuses du fonctionnement cérébral seraient
à l’origine de phénomènes divers comprenant aussi bien les
symptômes autistiques que les SNM ou les anomalies de la
théorie de l’esprit et de la reconnaissance des émotions
[11,32].
Conflit d’intérêt
Aucun.
Remerciements
Ce travail est le fruit d’une collaboration entre L’Institut
national des sciences et de la recherche médicale (Inserm,
France) et la Direction générale de la recherche scientifique
tunisienne (DGRST) durant les années 2006/2008. Cette collaboration s’est faite entre l’unité de recherche 02/04 (les
processus cognitifs dans la pathologie psychiatrique), dirigée par le Pr. K. Tabbane et regroupant les services de
psychiatrie B et de pédopsychiatrie de l’hôpital Razi et le
service hospitalo-universitaire (SHU)—Inserm U894 des Prs.
M.O. Krebs et J.P. Olié.
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