développements récents en droit des assurances

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développements récents en droit des assurances
DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS
EN DROIT DES ASSURANCES
Patricia Lawson
Présenté lors du
28e CONGRÈS ANNUEL DE L’AJEFO
TABLE DES MATIÈRES
Pages
INTRODUCTION
1
A.
INDEMNITÉS D’ACCIDENT LÉGALES
(i) Déficience invalidante
(ii) Juridiction de la Cour supérieure
(iii) Remédiation à la déchéance
1
2
4
5
B.
LA RESPONSABILITÉ CIVILE (DÉLITS)
(i) Jurisprudence récente, blessures ne franchissant
pas le seuil
(ii) Jurisprudence récente, blessures franchissant le
seuil
6
C.
AUTRES DÉCISIONS – DÉLITS
(i) L’utilisation ou conduite d’une automobile
(ii) Police de responsabilité commerciale générale
(iii) Dommages punitifs
(iv) Régime collectif d’assurance-vie
(v) Fonds d’indemnisation des victimes d’accidents
de véhicules automobiles (FIVAVA)
(vi) Conflits de lois
(vii) Divers
7
8
10
13
14
16
17
17
18
JURISPRUDENCE
INDEMNITÉS D’ACCIDENT LÉGALES
(i) Déficience invalidante
1.
Belair Insurance Company Inc. et David McMichael, CFSO,
Dossier d’appel PO5-00006, décision de Nancy Makepeace,
Déléguée du Directeur, 14 mars 2006.
2.
Liberty Mutual Insurance Company et Howard Young, decision en
appel de la CFSO, rendue par M. David Evans le 20 juin 2005.
3.
Liberty Mutual Insurance Co. v. Young (2006), 35 C.C.L.I. (4th)
141 (C.S. Ont. (C. Div.))
4.
Morrison c. Greig [2007] O.J. 225.
(ii) Juridiction de la Cour supérieure
5.
Baron c. Kingsway General Insurance Co., [2006] 80 O.R. (3d)
290.
6.
Liberty Mutual Insurance Co. c. Fernandes, [2006], 82 O.R. (3d)
524.
(iii) Remédiation à la déchéance
7.
Cervo c. State Farm Mutual Automobile Insurance Company,
[2006] 83 O.R. (3d) 205.
LA RESPONSABILITÉ CIVILE (Délits)
(i) Blessures ne franchissant pas le seuil
8.
Smith c. Sabzali, Cour divisionnelle, numéro de la Cour
supérieure 64183/02, decision du 14 avril 2005.
9.
Page c. Primeau, Cour supérieure, [2005] O.T.C. 949.
10.
Dinham c. Brejakln, [2005] 33 C.C.L.I. (4th) 263.
11.
Spittal c. Thomas et la Compagnie d’assurance Primmum, [2006]
O.J. No. 1615.
(ii) Blessures franchissant le seuil
12.
Jones c. Mazolla (2005) 78 O.R. (3d) 772.
13.
Hensworth c. Mismar [2006] O.J. No. 4540, Siegel JCS, Cour
supérieure de l’Ontario.
14.
Gorman c. Powell, [2006] O.J. No. 4618, Ferguson JCS Ontario.
AUTRES DÉCISIONS - DÉLITS
(i) L’utilisation ou conduite d’une autombile
15.
Herbison c. Lumberman Mutual Casualty Company et Wolfe
[2005] 76 O.R. (3d) 81.
16.
Djepic c. Kuburovic et la Compagnie d’assurance Dominion of
Canada General, [2006] 80 O.R. (3d) 21.
17.
McLean c. Jorgenson, (2005) 20 C.c.L.I. (4th) 249.
18.
Potvin c. Kingsway, no. de dossier de la Cour 04-CV-27192-A,
Cour supérieure de l’Ontario (Ottawa)
(ii) Police de responsabilité commerciale générale
19.
Bridgewood Building Corp. (Riverfield) c. Lumbar General
Insurance Company of Canada et Beige Valley Developments
Limited c. Lumbar General Insurance Company of Canada,
(2006) 79 O.R. (3d) 494.
(iii) Dommages punitifs
20.
Whiten c. Compagnie d’assurance Pilot, [2002] 1 R.C.S. 595.
21.
Plester c. Wawanesa Mutual Insurance Company, decision
rendue le 31 mai 2006, Cour d’appel (2006), 269 D.L.R. (4th) 624
et Addendum (2006) 275 D.L.R. (4th) 552.
22.
Pereira et Mazza c. Hamilton Township Farmers’ Mutual Fire
Insurance Company et al, (2006), 267 D.L.R. (4th) 690.
23.
Fidler c. Sun Life Assurance Company of Canada, [2006] 2
S.C.R. 3.
24.
Markarian c. Marché Mondios CIBC Inc., 2006 Q.C.C.S. 3314,
Juge J. G. Sénéchal.
(iv) Régime collectif d’assurance-vie
25.
Perlett Estate c. Riverside Health Care Facililties Inc. (2005), 254
D.L.R. (4th) 338.
(v) Fonds d’indemnisation des victims d’accidents de véhicules
automobiles (FIVAVA)
26.
Kingsway General Insurance c. Her Majesty the Queen In Right
of Ontario as represented by the Minister of Finance, (2007), 45
C.C.L.I. (4th) 32.
(vi) Conflit de lois
27.
Soriano c. Palacios et Wawanesa Mutual Insurance Company,
Cour d’appel de l’Ontario, (2005), 255 D.L.R. (4th) 359 (C.A.
Ont.).
(vii) Divers
28.
Snushall c. Fulsangi (2005) 78 O.R. (3d) 142.
29.
McIntyre c. Grigg, [2006] 83 O.R. (3d) 161.
DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS
EN DROIT DES ASSURANCES
Patricia Lawson
INTRODUCTION
Les cours de l’Ontario sont souvent appelées à trancher des
litiges concernant le domaine du droit des assurances. Il serait très
difficile de résumer toutes les décisions dans ce domaine qui ont fait
jurisprudence depuis 2005, mais je veux vous parler de plusieurs causes
qui nous ont aidé à mieux comprendre la loi et à mieux conseiller nos
clients.
Quand nous parlons du droit des assurances en Ontario, la
majorité de la jurisprudence traite des accidents d’automobile et donc,
de l’interprétation judiciaire de la Loi sur les Assurances, L.R.O., c. I-8,
telle qu’amendée, tant concernant les réclamations pour les indemnités
d’accident légales ou « accident benefits » que les réclamations en délit.
A.
INDEMNITÉS D’ACCIDENT LÉGALES
Le régime en vigueur depuis le 1er octobre 2003 continue à
s’appliquer sans changements majeurs.
Les « DACs », ou les
évaluations aux Centres des évaluations désignés n’existent plus, mais
les assureurs sont quand même appelés à faire évaluer les victimes
d’accidents d’automobile par le biais d’évaluations indépendantes.
Les recours à la Commission des services financiers de l’Ontario
(CSFO) et aux cours de l’Ontario sont tous les deux possibles dans le
domaine des indemnités d’accident légales. Il y a une procédure à
suivre au début d’une réclamation pour indemnités d’accident légales voir les articles 279 à 288 de la Loi sur l’assurance : Le réclamant doit
d’abord soumettre son différend à un processus de médiation avec la
CSFO, mais par la suite, le réclamant a le choix de procéder devant un
arbitre de la CSFO ou bien devant les cours de l’Ontario. Souvent, nous
avons l’impression que les arbitres de la CSFO comprennent d’avantage
les règles car ils se spécialisent dans ce domaine, mais l’avocat du
demandeur doit déterminer quelle voie serait la plus favorable dans
chaque dossier. L’assureur ne peut pas entamer les procédures en
arbitrage ou devant les cours, ce droit est réservé aux demandeurs.
Parmi les décisions récentes sur les questions d’accident légales nous
avons :
-2i)
Déficience invalidante
❖
Belair Insurance Company Inc. et David McMichael, CFSO,
Dossier d’appel PO5-00006, décision de Nancy Makepeace, Déléguée
du Directeur, 14 mars 2006. Cette décision traite de la méthode que l’on
doit suivre pour déterminer si la personne souffre d’une déficience
invalidante (catastrophic impairment). M. McMichael souffre d’une
dépendance à la cocaïne et il a fait l’argument que l’accident de la route
du 14 juin 1998 est la cause de cette dépendance. L’arbitre était
d’accord avec M. McMichael et en appel, Mme Makepeace n’était pas
convaincue que l’arbitre a fait une erreur. La cause se basait sur
l’interprétation de l’article 2(1.1), paragraphe (g) du Règlement sur les
indemnités d’accident légales, c’est à dire :
2(1.1)(g) :
« Sous réserve des paragraphes (1.4), (2.1) et (3), toute déficience
qui, selon l’ouvrage de l’American Medical Association intitulé
« Guides to the Evaluation of Permanent Impairment », 4e édition,
1993, se traduit par une déficience de catégorie 4 (marked
impairment) ou de catégorie 5 (extreme impairment) causée par
un trouble mental ou un trouble du comportement . »
De plus, l’assureur a fait l’argument que la dépendance de M.
McMichael n’a pas été causée par l’accident, se fiant au jugement dans
Correia c. TTC. L’arbitre et Mme Makepeace, en appel, ont déterminé
que M. McMichael avait des déficiences dans 3 des 4 catégories de
fonctionnement (activités journalières, social, concentration, adaptation
à un environnement de travail), et ils sont d’accord qu’il n’est pas
nécessaire d’être déficient dans toutes les catégories pour rencontrer les
critères d’une déficience invalidante. De plus, Mme Makepeace n’a pas
accepté que la dépendance de M. McMichael à la cocaïne soit le
résultat d’une progression naturelle de l’utilisation de drogues avant
l’accident, mais plutôt le résultat de l’accident. Elle ne pouvait pas
déterminer si la dépendance résulte de sa blessure au cerveau, de sa
décision de se soigner lui-même avec son médicament de choix, ou une
combinaison des deux, mais elle était d’accord que la dépendance était
une conséquence directe de l’accident. Finalement, la décision traite
des frais de soins auxiliaires et la discussion à ce sujet pourrait vous
intéresser si vous avez des dossiers traitant de cette question.
❖
Une autre décision de la CSFO qui traite de la déficience
invalidante est Liberty Mutual Insurance Company et Howard Young,
une décision en appel, rendue par M. David Evans le 20 juin 2005.
L’arbitre et M. Evans ont pris en considération l’article 2(1.1) (e) du
Règlement de l’Ontario 403/96 modifié jusqu’au Règles. de l’Ont.
-3536/06 Annexe sur les indemnités d’accident légales – Accidents
survenus le 1er novembre 1996 ou après ce jour, c’est à dire :
2(1.1)(e) :
Pour l’application du présent règlement, une déficience
invalidante causée par un accident qui survient avant le 1er
octobre 2003 s’entend de l’un ou l’autre des états suivants :
e)
une déficience cérébrale qui, à l’égard d’un
accident, se traduit
(i)
soit par un résultat de 9 ou moins selon la
classification appelée «Glasgow Coma Scale», telle
qu’elle figure dans l’ouvrage de B. Jennett et G.
Teasdale intitulé Management of Head Injuries,
Contemporary Neurology Series, volume 20, F.A.
Davis Company, Philadelphia, 1981, d’après une
épreuve administrée dans un délai raisonnable
après l’accident par une personne formée à cette
fin,
(ii)
soit par un résultat de 2 (vegetative) ou 3 (severe
disability) selon la classification appelée «Glasgow
Outcome Scale», telle qu’elle figure dans l’article de
B. Jennett et M. Bond intitulé Assessment of
Outcome After Severe Brain Damage, Lancet i:480,
1975, d’après une épreuve administrée plus de six
mois après l’accident par une personne formée à
cette fin;
Durant l’heure suivant l’accident, les résultats de la GCS pour M. Young
étaient de 3 ou 4, les quatre fois que la victime fut évaluée. Mais, ce
n’était pas clair si ces résultats étaient basés sur une blessure cérébrale
ou bien sur d’autres facteurs, telles des blessures aux yeux et à la
bouche, et donc les évaluateurs du Centre d’évaluation désigné ont
déterminé que M. Young n’a pas souffert d’une déficience invalidante
selon le sous-paragraphe 2(1.1)(e)(i). Ils n’ont pas trouvé que les
résultats immédiatement après l’accident étaient « valides et fiables »,
entre autres parce que la personne faisant l’évaluation doit prendre en
considération si la victime parle clairement, si la victime peut ouvrir ses
yeux et la condition de ses yeux. L’un des experts a témoigné à l’effet
qu’un délai raisonnable pour faire l’évaluation après l’accident serait de
six heures.
-4L’arbitre n’était pas d’accord. Elle a rejeté l’argument que l’on
doit interposer les mots « valides et fiables ». Elle était d’opinion que M.
Young a subi une déficience invalidante lors de l’accident et que cette
partie de la définition de déficience invalidante ne prend pas en
considération l’état de santé futur de la victime, mais seulement son état
dans un délai raisonnable après l’accident.
Cette décision traite des autres facteurs à prendre en
considération, telles les autres blessures de la victime, si elle respire de
l’aide d’un respirateur, quel est un délai « raisonnable après l’accident »,
etc.
Ensuite, l’assureur a porté cette décision en appel devant la Cour
supérieure de l’Ontario, Cour divisionnaire dans la cause Liberty Mutual
Insurance Co. c. Young (2006), 35 C.C.L.I. (4th) 141 , décision rendue le
10 mars 2006. La cour a décidé que les décisions ont été prises à
l’intérieur d’un régime spécialisé établi par le législateur et que l’arbitre
et le Délégué du directeur (en appel) ont la juridiction exclusive de
décider sur toute question de faits et de droit, et que leur décisions sont
finales.
Puisque les décisions n’étaient pas « manifestement
déraisonnables », la Cour supérieure ne les a donc pas révisées.
❖
Morrison c. Greig [2007] O.J. 225 est une décision concernant
une victime d’une déficience invalidante. La victime était passagère
dans une automobile et le conducteur de l’automobile a admis qu’il était
responsable pour l’accident. Le demandeur Gordon a reçu le montant
total de 11 369 525,00$, y inclus 525 925,00$ pour les frais
d’administration, et le demandeur Morrison a reçu 12 441 198,00$, y
inclus 447 164,00$ ou 4% pour les frais d’administration. M. Gordon a
reçu le montant maximal pour dommages-intérêts, soit 310 000,00$,
même s’il était paraplégique, mais ne souffrant pas de quadriplégie. M.
Morrison, lui aussi, a reçu le montant maximal de 310 000,00$, quoique
lui non plus ne souffrait pas de quadriplégie, mais souffrait plutôt de
blessures sérieuses et n’aurait jamais une vie normale. Cette décision
est intéressante parce que le juge nous donne beaucoup de détails
concernant les facteurs importants et les calculs qu’il doit faire pour
déterminer les montants à payer dans un cas de blessures très graves.
ii)
Juridiction de la Cour supérieure
❖
Les parties peuvent commencer leur litige en Cour supérieure,
même pour les questions d’indemnités d’accident légales, tel que
démontré par Baron c. Kingsway General Insurance Co., [2006] 80 O.R.
(3d) 290, une décision portant sur la question de déficience invalidante
et les indemnités pour soins auxiliaires. Dans cette cause, l’assureur a
demandé l’approbation de la cour pour faire faire trois examens
-5médicaux et la cour a donné son approbation. Le demandeur a mis en
cause sa santé et donc l’assureur avait le droit de demander qu’il soit
examiné par les médecins de son choix. Ceci n’aurait probablement pas
été le cas si le demandeur avait choisi de procéder devant la CFSO.
❖
Liberty Mutual Insurance Co. c. Fernandes, [2006], 82 O.R. (3d)
524 est une décision de la Cour d’appel confirmant la décision de la
Cour supérieure à l’effet que la Cour ne peut pas entendre un appel par
un assureur d’une décision prise par les évaluateurs dans un Centre
d’évaluation désigné concernant la question de déficience invalidante.
Les deux cours ont déterminé que les articles 279 à 283 de la Loi sur
l’assurance forment un code complet concernant la résolution des
différends et que l’assureur ne peut pas avoir recours aux cours de
justice s’il n’est pas d’accord avec une évaluation de son propre gré.
C’est à l’assuré de choisir le forum.
La décision de la Cour supérieure dans l’affaire Liberty Mutual
Insurance Co. c. Fernandes ([2005], 78 O.R. (3d) 391) était rendue le 22
septembre 2005. Elle a été interprétée par la Cour supérieure par
jugement rendu le 21 mars 2006 dans l’affaire Baron v. Kingsway
General Insurance Co. (supra). Dans Baron, la cour a interprété
Fernandes disant que celle-ci ne conclut pas qu’un assureur ne peut
jamais contester les conclusions d’un Centre d’évaluation désigné mais
qu’il doit le faire dans le forum choisi par l’assuré et qu’il doit continuer
les paiements jusqu’au règlement final de la question. Dans sa décision
du 6 septembre 2006, la Cour d’appel cite la décision dans Baron et
l’accepte. Donc, l’assureur peut disputer la décision d’un Centre
d’évaluation désigné, mais doit suivre les modalités que l’on trouve dans
les articles 279 à 281 de la Loi sur l’assurance.
iii)
Remédiation à la déchéance
❖
Dans Cervo c. State Farm Mutual Automobile Insurance
Company, [2006] 83 O.R. (3d) 205, l’action traite d’un accident
d’automobile qui a eu lieu le 1er décembre 1994. Le demandeur, Gerry
Cervo, a souffert de blessures sérieuses lors de cet accident.
Cependant, il n’a pas soumis sa demande pour les indemnités
d’accident légal dans les 30 jours suivant l’accident, tel qu’exigé par
l’Art. 59(1) de l’Annexe sur les indemnités d’accident légales – accidents
survenus le 1er novembre 1996 ou après ce jour ( R.O. 403-96),
règlement de l’Ontario 776/93. La Cour d’appel a accordé une
remédiation à la déchéance ou à l’annulation de l’assurance en vertu de
l’Art. 129 de la Loi sur l’assurance à M. Cervo. Dans les 30 jours suivant
l’accident, M. Cervo a engagé les services de M. Joseph Raymond pour
l’aider avec sa demande contre sa compagnie d’assurance et contre les
défendeurs dans une action en délits. Ce n’est que le 29 novembre 1996
-6que la compagnie d’assurance fut avisée de la réclamation de M. Cervo.
La compagnie d’assurance a refusé de payer pour les indemnités
d’accident légales parce que M. Cervo n’avait pas avisé son assureur
dans les 30 jours suivant l’accident et qu’il n’avait pas d’excuses
raisonnables pour cette déchéance. La Cour supérieure a rejeté la
réclamation de M. Cervo et a rejeté son action.
Les juges Labrosse et Rosenberg ont décidé que le juge de la
Cour supérieure avait la discrétion d’accorder la levée de la déchéance
ou non. Les juges majoritaires ont décidé que la juge de première
instance a bien pesé et pris en considération la preuve et que ce n’était
pas déraisonnable de sa part de déterminer que la compagnie
d’assurance State Farm a subi des préjudices à cause du retard de deux
ans dans la demande de M. Cervo. La Cour d’appel a rejeté l’action de
M. Cervo car le juge de première instance n’a pas fait d’erreurs sur un
principe de droit ou n’a pas fait d’erreurs manifestes, et
conséquemment, la Cour d’appel devait s’abstenir de substituer la
décision discrétionnaire de première instance avec la sienne.
M. le Juge MacPherson, en dissidence, a écrit que la décision de
Mme la Juge McLachlan dans l’affaire Falk Brothers Industries Limited
vs. Elance Steel Fabricating Company, [1989] 2 S.C.R. 778, était
déterminante dans cette affaire. Au paragraphe 18 de la décision, Mme
la Juge McLachlan écrit :
« l’objet de la levée de la déchéance dans les affaires d’assurances
est d’éviter que les bénéficiaires ne soient pénalisés lorsqu’une
condition du paiement de l’indemnité n’a pas été parfaitement
respectée et qu’une certaine souplesse à l’égard du respect strict de
la condition ne causera pas de préjudice à l’assureur. Cet objet est
conforme à l’interprétation de l’Art. 109 [Art. 129 en Ontario] qui
autorise le tribunal à lever la déchéance pour les conditions
contractuelles tout autant que légales. »
B.
LA RESPONSABILITÉ CIVILE (DÉLITS)
Les avocats de la défense persistent à questionner si les
blessures des demandeurs ont dépasé le seuil ou « threshold » ou des
blessures corporelles subies dans un accident d’automobile, et ce,
malgré un faible taux de succès.
Le seuil ou « threshold » se trouve au paragraphe 267.5(5) de la Loi de
l’Assurance, S.R.O., c. I-8, telle qu’amendée, c’est à dire :
(5) Malgré toute autre loi et sous réserve du
paragraphe (6), le propriétaire d’une automobile, les
personnes transportées dans celle-ci et toute personne
-7présente à l’incident ne sont pas tenues responsables,
dans une action intentée en Ontario, des dommagesintérêts pour perte non pécuniaire, y compris ceux prévus
à l’alinéa 61 (2) e) de la Loi sur le droit de la famille,
résultant de lésions corporelles ou d’un décès qui
découlent directement ou indirectement de l’usage ou de la
conduite de l’automobile, sauf si, par suite de l’usage ou
de la conduite de l’automobile, la personne blessée est
morte ou a subi, selon le cas :
i)
a)
un préjudice esthétique grave et permanent;
b)
une déficience grave et permanente d’une
fonction corporelle, mentale ou psychique
importante.
Jurisprudence récente, blessures ne franchissant pas le
seuil:
❖
Smith c. Sabzali, Cour Divisionnelle, numéro de la cour
supérieure 64183/02, décision du 14 avril 2005. La demanderesse
souffrait de douleurs chroniques suite à des blessures aux tissus mous.
La cour a déterminé que, quoi que les blessures de la demanderesse
étaient importantes pour elle, et permanentes, il ne s’agissait pas de
blessures sérieuses. La cour doit regarder chaque demandeur ou
demanderesse et déterminer si les blessures subies sont sérieuses pour
lui ou elle. Chaque cas doit invariablement être tranché en fonction de
ses faits.
❖
Page c. Primeau, Cour supérieure, [2005] O.T.C. 949. L’accident
a eu lieu le 22 novembre 2000. La demanderesse souffrait de blessures
aux tissus mous. Elle a continué à travailler depuis l’accident, mais son
témoignage était à l’effet qu’elle ne pouvait pas faire toutes les activités
qu’elle faisait avant l’accident, et elle a dit avoir peur de possiblement
perdre son emploi à cause de ses blessures et ses limitations
fonctionnelles.
La cour a déterminé qu’elle avait une déficience permanente
d’une fonction corporelle importante pour elle, vu sa douleur chronique.
La cour se fiait sur les critères cités dans la cause Meyer c. Bright
(1993) 15 O.R. (3d) 129. Mais, la cour a déterminé que ses blessures
n’étaient pas sérieuses, vu qu’elle avait continué avec son emploi et
beaucoup de ses activités, quoi qu’elle ne pouvait pas les faire aussi
souvent ou pour aussi longtemps.
❖
Dinham c. Brejakln, (2005), 33 C.C.L.I. (4th) 263, est une
décision du juge Peter Cumming, rendue le 15 décembre 2005. C’est
-8une action qui fut entendue devant un jury. Pendant que le jury était en
délibération, le juge a entendu la requête pour la question du seuil. En
bref, le juge a déterminé que les maux de tête et les autres blessures
dont M. Dinham se plaignait lors du procès pré-existaient l’accident et
donc, sur une balance de probabilité, le demandeur n’avait pas prouvé
que les maux de tête étaient causés par l’accident. Le juge n’a pas
accepté que le demandeur ait souffert une déficience permanente d’une
fonction corporelle et donc, il a rejeté la cause du demandeur.
❖
Dans une décision rendue dans l’affaire Spittal c. Thomas et la
Compagnie d’assurance Primmum, [2006] O.J. No. 1615, la cour a
décidé que les blessures subies par les demanderesses lors de
l’accident du 28 mars 2002, ne dépassaient pas le seuil. La
demanderesse avait des problèmes pré-existants. De plus, lors de la
filature, la compagnie d’assurance a pu démontrer que la demanderesse
était active, qu’elle n’avait aucun problème à marcher, se pencher,
tourner la tête, etc. toutes les choses dont elle témoignait être incapable
d’accomplir suite à l’accident.
ii)
Jurisprudence récente, blessures franchissant le seuil
❖
Jones c. Mazolla (2005), 78 O.R. (3d) 772, une décision de la
Cour d’Appel de l’Ontario (Borins, Feldman et Armstrong JJA.). La Cour
a suivi la décision dans l’affaire Meyer c. Bright (supra), dans laquelle la
cour a décidé que la gravité de la déficience dépend de la personne
blessée, c’est-à-dire que chaque cas doit être tranché en fonction de ses
faits. Le juge de première instance a décidé que la demanderesse a
subi une déficience grave. Mme Jones a continué à travailler depuis
l’accident, mais la preuve était à l’effet qu’elle ne pouvait plus accomplir
toutes ses activités en dehors de son travail et le juge croyait que, pour
Mme Jones, ceci était une déficience grave. La cour a refusé d’accepter
que la décision dans l’affaire May c. Casola, [1998] O.J. No. 2475, a
changé l’interprétation de « déficience grave », et a accepté que le juge
de première instance avait bien révisé la preuve et que la Cour d’Appel
doit respecter ses conclusions.
❖
Hensworth c. Mismar [2006] O.J. No. 4540, Siegel JCS, Cour
Supérieure de l’Ontario. La cour a suivi la décision du juge Jennings
dans Ahmed c. Challenger, [2000] O.J. No. 4188, et a répondu aux trois
questions que l’on doit poser pour déterminer si les blessures dépassent
le seuil :
1. L’intéressé souffre-t-il d’une déficience permanente d’une
fonction corporelle, mentale ou psychique?
-92. Si oui, est-ce que la fonction atteinte d’une déficience
permanente est une fonction importante?
3. Si oui, est-ce que la déficience causée à la fonction importante
est grave?
La cour s’est servie des principes énoncés dans l’affaire Meyer c.
Bright, (supra) en appliquant une évaluation à trois étapes. La cour a
accepté que le fardeau de la preuve demeure à la demanderesse,
d’établir sur la balance des probabilités, que les faits de sa cause
entrent dans l’exception du paragraphe 267.5(5) (b) de la Loi sur
l’assurance.
Mme Hensworth a subi des blessures aux tissus mous lors de
l’accident du 20 juin 2002. Au moment de l’accident, elle avait suivi trois
programmes collégiaux différents et son témoignage était à l’effet qu’elle
avait l’intention de faire un programme d’apprentie technicienne
mécanique pour les camions lourds, les autobus, etc. Elle n’avait pas
encore commencé son travail d’apprenti, mais la cour a accepté qu’elle
l’aurait fait si ce n’était pas de l’accident. Elle a continué à travailler
ailleurs et ses blessures se sont améliorées considérablement.
Cependant, elle avait encore parfois de la douleur et elle souffrait de
dépression. Toutefois, elle refusait de prendre des médicaments. La
cour a trouvé la demanderesse crédible. La cour a répondu « oui » aux
trois questions ci-haut citées parce que la demanderesse ne pouvait
plus poursuivre la carrière de son choix en raison de l’accident. La
demanderesse a établi, sur une balance des probabilités, qu’elle aurait
poursuivi une carrière comme technicienne-mécanique si ce n’était pas
de l’accident. Ceci était suffisant pour que ses blessures dépassent le
seuil.
❖
Gorman c. Powell, [2006] O.J. No. 4618, Ferguson JCS Ontario :
La demanderesse a subi des blessures aux tissus mous de son dos
dans un accident d’automobile. Elle a continué à travailler à temps plein
depuis l’accident, mais elle a témoigné qu’elle a dû changer d’emploi
pour ne pas faire autant de dactylographie, se pencher, s’asseoir ou
soulever des poids. De plus, elle ne pouvait plus faire tout ce qu’elle
faisait chez elle, par exemple faire autant de cuisine, de jardinage ou de
travail à l’extérieur de la maison. Aussi, elle ne pouvait plus faire autant
d’activités avec ses enfants, tels le camping, randonnés à bicyclette, etc.
Pour Mme Gorman, ses blessures sont une déficience grave parce
qu’elle ne peut pas faire toutes ses activités normales de la vie depuis
l’accident. La défense a mis en question seulement le critère de
« déficience grave » dans ce cas. Il est à noter que la cour a refusé en
partie la demande de la demanderesse d’appeler plus que trois témoins
experts.
- 10 -
C.
AUTRES DÉCISIONS - DÉLITS
i)
L’utilisation ou conduite d’une automobile
En juin 2005, la Cour d’Appel de l’Ontario a rendu sa décision
dans l’affaire Herbison c. Lumberman Mutual Casualty Company et
Wolfe [2005] 76 O.R. (3d) 81. Ceci est la cause concernant un homme
qui a des problèmes ambulatoires, et ainsi a utilisé son auto pour se
rendre au camp de chasse. Après s’y être rendu, il a tiré sur l’un de ses
amis, croyant qu’il était un chevreuil.
Il existe deux décisions dans cette cause, l’une sur la question de
couverture d’assurance et l’autre concernant les dommages. La cour a
déterminé que les dommages réclamés par le demandeur sont couverts
par la police d’assurance automobile de M. Wolfe. En cour d’appel, il y a
une forte dissidence par Mme la Juge Cronk à l’effet que les dommages
ne sont pas couverts par la police d’assurance puisque les blessures ne
se sont pas survenues lors de l’utilisation ou la conduite d’un véhicule.
Elle se réfère à la décision dans l’affaire Amos c. Insurance Corp. of
British Columbia, [1995] 3 S.C.R. 405 (para. 32 de Herbison) et dit que
lorsqu’on regarde les deux parties du test énoncé dans l’affaire Amos,
« le critère a deux volets qu’il convient d’appliquer dans
l’interprétation de cette disposition et le suivant : 1) l’accident résultet’il d’activités ordinaires et bien connues auxquelles les automobiles
servent? ; 2) existe-t’il un lien de causalité (pas nécessairement
direct ou immédiat) entre les blessures de l’appelant et la propriété,
l’utilisation ou la conduite de son véhicule ou le lien entre les
blessures et la propriété, l’utilisation ou la conduite du véhicule est-il
simplement accidentel ou fortuit? »
Mme la Juge Cronk aurait répondu « non » aux deux questions, et donc
aurait déterminé que l’accident n’était pas couvert par la police
d’assurance automobile.
Mais, au paragraphe 90 et suivants du jugement de la Cour
d’appel, Messieurs les Juges Borins et Feldman ont déterminé que la
preuve démontre que les deux volets du critère sont satisfaits, et donc
que les dommages de M. Herbison sont survenus directement ou
indirectement de l’utilisation ou la conduite du véhicule de M. Wolfe
selon l’Art. 239(1) de la Loi sur l’assurance, S.R.O. 1990, c.I.8.
Au paragraphe 100, la cour a cité le Juge Major de la Cour
suprême du Canada dans l’affaire Amos (para. 26 du jugement dans
Amos), à l’effet que « de façon générale, lorsque l’utilisation ou la
- 11 conduite d’un véhicule à moteur contribue de quelque manière aux
blessures ou les aggravent, le demandeur a droit à l’indemnisation ».
Quant au premier volet, c’est-à-dire la question à savoir si
l’accident résulte d’activité ordinaire et bien connue auxquelles les
automobiles puissent servir, M. le Juge Borins écrit au paragraphe 113
que le fait d’utiliser son véhicule pour se transporter au camp de chasse
est une activité ordinaire et bien connue pour laquelle une automobile
est utilisée. La cour a pris en considération le fait que M. Wolfe avait des
problèmes ambulatoires et que la seule façon dont il pouvait voyager au
camp de chasse était par l’entremise de son véhicule.
Quant au deuxième volet, c’est-à-dire la question de lien de
causalité, la cour a pris en considération le fait que l’Art. 239(1) de la Loi
sur l’assurance ne parle pas de cause et de résultat, mais plutôt de
dommages découlant de la propriété ou, directement ou indirectement,
de l’usage ou de la conduite de l’automobile. M. le Juge Borins cite M. le
Juge Major à l’effet qu’un demandeur aura gain de cause si « l’utilisation
ou la conduite d’un véhicule à moteur contribue de quelque manière aux
blessures ou les aggraves, le demandeur a droit à l’indemnisation ».
Cette action fut entendue par la Cour suprême du Canada au
début de l’année 2007, et nous attendons une décision de la Cour
suprême bientôt.
❖
Dans l’affaire Djepic c. Kuburovic et la Compagnie d’assurance
Dominion of Canada General, [2006] 80 O.R. (3d) 21, la Cour d’appel a
pris en considération les faits suivants : M. Djepic a perdu son œil droit
quand lui et M. Kuburovic ont essayé de mettre un matelas sur le toit de
la fourgonnette de M. Djepic. La Cour supérieure de l’Ontario a
déterminé que ni la compagnie d’assurance Dominion of Canada
(assurance automobile) ni la compagnie d’assurance Belair Direct
(assureur de la maison) avait l’obligation de défendre l’action contre M.
Kuburovic ou de l’indemniser. Le juge de la Cour supérieure a déterminé
que M. Kuburovic n’était pas assuré par la police d’assurance Dominion
et que la police de Belair ne devrait pas répondre à cet accident parce
qu’il y avait une exclusion à la police pour les réclamations résultant de
l’utilisation de véhicule à moteur. La Cour d’appel s’est fiée aux principes
énoncés dans les causes Monenco Ltd. c Commonwealth Insurance
Company [2001] 2 S.C.R. 699 (la Cour doit prendre en considération
seulement les faits allégués se trouvant dans les plaidoyers pour
déterminer si la compagnie d’assurance a l’obligation de défendre son
assuré) et Nichols c. American Home Insurance Company, [1990] 1
S.C.R. 801-810. En faisant cette analyse, la cour doit faire une
comparaison entre les allégations dans la déclaration et la couverture
accordée par la police d’assurance, et la seule possibilité qu’une
- 12 réclamation relevant de la police puisse être accueillie est suffisante. En
ce sens, l’obligation de défendre a une portée plus large que l’obligation
d’indemniser. La Cour d’appel était en accord avec le juge de première
instance à l’effet que, en lisant la déclaration, il n’y avait aucune
suggestion que M. Kuburovic avait la possession du véhicule et il n’était
certainement pas le propriétaire, un passager ou une personne en train
de le conduire, ou qui entrait ou sortait de la fourgonnette. M. Kuburovic
n’avait pas sa propre police d’assurance, mais il cherchait une
couverture sous la police d’assurance émise par Dominion à M. Djepic.
Quant à la police d’assurance Belair, la Cour d’appel a déterminé que la
police d’assurance répondait aux allégations du demandeur et que
Belair devait défendre Kuburovic. C’est-à-dire, la Cour d’appel a
déterminé que l’action n’était pas une action « découlant de la propriété
ou, directement ou indirectement de l’usage ou de la conduite de
l’automobile » en vertu de l’Art. 239(1) de la Loi sur l’assurance.
❖
Une autre cause qui traite de la couverture est l’affaire McLean c.
Jorgenson, (2005), 20 C.C.L.I. (4th) 249. Le demandeur, Adam McLean,
a souffert des blessures sérieuses quand lui et le fils du propriétaire
d’une motoneige ont soulevé l’arrière de la motoneige pendant que le
propriétaire, Edward Jorgenson, essayait de la démarrer. Les Jorgenson
ont demandé à leur compagnie d’assurance automobile, TD General
Insurance Company et leur compagnie d’assurance maison, Germania
Farmers’ Mutual Fire Insurance Company, de les défendre dans l’action.
Quand les deux compagnies d’assurances ont refusé de le faire, la
famille Jorgenson a entamé une action en garantie contre les
compagnies d’assurance. Le juge de la Cour supérieure a déterminé
que TD avait l’obligation de défendre la famille Jorgenson, mais que
Germania n’avait pas cette obligation. La Cour d’appel ([2005] O.J. No.
5207, 780 R. (3d) 308), a examiné les décisions dans les affaires
Nichols c. American Home Assurances Company (supra), Non-Marines
Underwriters, Lloyds of London c. Scallera (supra) et Amos c. Insurance
Corp. of British Columbia (supra), entre autres. De plus, la Cour d’appel
a traité de la question à savoir si la Cour supérieure aurait dû admettre
un affidavit signé par Mme Jorgenson et si la compagnie TD pouvait
soumettre de la nouvelle preuve devant la Cour d’appel.
Les motoneiges sont couvertes par la police d’assurance
automobile de TD, mais dans ce cas, il était question d’une motoneige
nouvellement acquise par la famille Jorgenson, et ils n’avaient pas avisé
l’assureur de cet achat.
La cour d’appel a confirmé que c’est la police d’assurance
automobile (TD) qui devait répondre aux allégations des demandeurs.
Cette cause nous offre une analyse intéressante des questions
- 13 entourant l’obligation de défendre et l’interprétation des procédures
écrites dans une action.
Finalement, il y a une décision récente de la Cour supérieure ici à
Ottawa qui nous intéresse, c’est-à-dire Potvin c. Kingsway, numéro du
dossier de la Cour : 04-CV-27192-A, décision du Juge Kealey. Dans
cette décision, le juge a décidé qu’un go-kart est une automobile, et que
la compagnie d’assurance qui a émis une police d’assurance doit
défendre un homme qui se fait poursuivre par son fils et sa femme pour
les blessures subies par son fils lors d’un accident de go-kart (les
allégations sont à l’effet que le père coursait avec son fils, a frappé le
go-kart de son fils et ce dernier a subi des blessures). Cette décision fut
portée en appel et sera entendue par la Cour d’appel le 31 octobre
2007. C’est notre cabinet qui représente la compagnie d’assurance, et
nous sommes évidemment d’avis qu’un go-kart n’est pas une
automobile au sens de la Loi sur l’assurance. Nous verrons ce que la
Cour d’appel dira plus tard cette année.
ii)
Police de responsabilité commerciale générale
❖
Dans l’affaire Bridgewood Building Corp. (Riverfield) c. Lumbar
General Insurance Company of Canada et Beige Valley Developments
Limited c. Lumbar General Insurance Company of Canada, (2006) 79
O.R. (3d) 494, (appel à la Cour suprême refusé), la Cour d’appel a
examiné la question d’indemnisation en vertu de deux polices
d’assurances pour responsabilité commerciale générale. La Cour
d’appel a accepté que les réclamations sont couvertes par la police
d’assurance responsabilité commerciale générale (CGL). La cour a
décidé que la question clef concernant la couverture ne repose pas sur
la nature générale de la police elle-même, mais plutôt sur la question à
savoir si les actes allégués semblent être compris dans l’énoncé de la
police et si la couverture n’est pas exclue. La cour cite M. le Juge
Iacobucci au paragraphe 67 de Non-Marines Underwriters c. Scalera,
[2000] 1 R.C.S. 551, à l’effet que les principes applicables à
l’interprétation de la police d’assurance en cause « ne constitue que des
outils d’interprétation et ne peuvent en soi trancher les questions en
litige, [mais] ils sont néanmoins utiles pour interpréter les clauses d’un
contrat d’assurance ».
La question était à savoir si une police d’assurance responsabilité
commerciale générale s’appliquait à une réclamation pour frais encourus
par l’assuré pour la réparation ou le remplacement de son travail vicié
ou produit vicié. La compagnie d’assurance fait l’argument que
l’exclusion concernant le travail vicié ou produit vicié s’applique si les
vices ont été causés par l’assuré ou bien par un sous-traitant employé
par l’assuré. La cour décide qu’on doit regarder le langage de la police
- 14 et l’interprétation des ententes y incluses et mettre l’emphase sur cette
interprétation au lieu de se tourner vers les principes généraux tel celui
qui veut qu’une police d’assurance responsabilité commerciale n’ait pas
été conçue pour couvrir le travail vicié ou produit vicié du contracteur.
De plus, la cour a même décidé que travail d’un sous-traitant est couvert
par la police d’assurance. La cour a noté que des polices excluant le
travail d’un sous-traitant sont sur le marché depuis 2001 et la
défenderesse aurait pu s’en prévaloir si elle voulait exclure le travail des
sous-traitants.
iii)
Dommages punitifs
❖
Whiten c. Compagnie d’assurance Pilot, [2002] 1 R.C.S. 595
Vous vous souviendrez que cette décision traitait de dommages-intérêts
punitifs qu’un assureur doit payer à son assuré dans un cas où
l’assureur a refusé d’indemniser son assuré suite à l’incendie. Le jury
avait accordé la somme de 1 000 000,00$, montant réduit à
100 000,00$ par les juges majoritaires de la Cour d’appel, mais rétabli
par la Cour suprême du Canada. La Cour suprême du Canada était
d’avis que la conduite de la compagnie d’assurance intimée à l’endroit
de l’assuré était exceptionnellement répréhensible. Il y avait une
dissidence par le Juge Lebel qui a accepté que l’assureur avait agi de
mauvaise foi, mais il était d’avis que la somme de 1 000 000,00$
dépassait de beaucoup les limites rationnelles et appropriées pour les
dommages-intérêts punitifs dans ce cas. Il a noté qu’il n’y avait aucune
preuve indiquant que la compagnie d’assurance agissait de mauvaise foi
régulièrement dans le cours de ses activités et il était d’avis qu’un tel
comportement n’est pas non plus monnaie courante dans le secteur
canadien de l’assurance. Cependant, depuis l’arrêt Whiten, nous
voyons assez souvent des réclamations pour dommages punitifs dans
les litiges d’assurance.
❖
Par exemple, nous avons la décision dans l’affaire Plester c.
Wawanesa Mutual Insurance Company, rendue le 31 mai 2006. Le
magasin de meubles de la famille Plester a été incendié. La compagnie
d’assurance a refusé d’indemniser les demandeurs, indiquant qu’elle
croyait que l’un des demandeurs, ou les trois, avaient causé l’incendie.
Le juge de la Cour supérieure a accordé des dommages-intérêts
aggravés et punitifs au montant de 625 000,00$ au total. En appel
((2006), 269 D.L.R. (4th) 624 et Addendum à (2006) 275 D.L.R. (4th
552), le montant fut réduit – les dommages accordés par le jury pour les
dommages-intérêts punitifs de 175 000,00$ pour dommages-intérêts
aggravés fut réduits à 50 000 $. Quoique la Cour d’appel trouvait que les
dommages-intérêts punitifs accordés par le jury étaient plus élevés que
ce que la Cour d’appel aurait accordé (350 000,00$ pour deux
- 15 demandeurs, 100 000,00$ pour l’autre), les juges ne pouvaient pas dire
que le montant était déraisonnable, et donc n’ont pas accordé l’appel
quant à ce montant.
❖
Dans l’affaire Pereira and Mazza c. Hamilton Township Farmers’
Mutual Fire Insurance Company et al, (2006), 267 D.L.R. (4th) 690, la
compagnie d’assurance a refusé de payer une indemnité à un assuré
suite à un incendie. Le juré a accordé des dommages punitifs au
montant de 2 000 000 $ à M. Mazza (propriétaire) et 500 000 $ à Mme
Pereira (locataire), dommages-intérêts pour perte de biens, etc.
La Cour d’appel a déterminé que les dommages-intérêts n’étaient
pas raisonnables et qu’ils étaient grossièrement excessifs. Les juges
étaient d’avis que le montant accordé dans Whiten était aux limites
supérieures. Ils ont renvoyé la cause à la Cour supérieure pour un
nouveau procès.
❖
Dans la cause Fidler c. Sun Life Assurance Company of Canada,
[2006] 2 S.C.R. 3, la Cour suprême du Canada a décidé que des
dommages-intérêts peuvent être récupérés pour la souffrance morale
causée par la violation de contrat lorsqu’ils sont établies par la preuve et
qu’il est démontré qu’il était raisonnablement prévisible pour les parties
lors de la conclusion du contrat. Une faute indépendante donnant
ouverture à une action n’est pas requise. Pour avoir gain de cause, le
demandeur doit prouver sa perte et le tribunal doit être convaincu que la
souffrance morale causée par la violation du contrat était suffisamment
intense pour justifier une indemnisation. En l’espèce, Mme Fidler était la
prestataire d’un contrat d’assurance-invalidité. L’assureur a refusé de
payer les prestations requises, ce qui a entraîné une souffrance morale,
et les parties pouvaient raisonnablement envisager ceci au moment de
la conclusion du contrat. Le juge de première instance a conclu que le
simple versement des arrérages et des intérêts ne compensaient pas
Mme Fidler pour les années où elle avait été privée de ses prestations.
On lui a accordé 20 000,00$ pour l’indemniser des conséquences
psychologiques découlant de la violation du contrat par l’assureur.
Cependant, la cour a invalidé l’attribution de dommages-intérêts punitifs
par la Cour d’appel. La Cour suprême du Canada dit que les
dommages-intérêts punitifs ne sont pas des dommages-intérêts
compensatoires. Ils ont pour objet le châtiment, la dissuasion et la
dénonciation. Cependant, un assureur n’est pas nécessairement tenu de
payer ces dommages-intérêts lorsque l’assureur refuse d’accepter une
réclamation qu’il reconnaît ensuite comme légitime ou qui est déclarée
telle par un tribunal. Il faut se demander dans chaque cas, si le refus
découlait d’une analyse terriblement bâclée de la réclamation ou de
l’application de considérations malhonnêtes dans le processus de
- 16 règlement. En bout de ligne, l’issue de chaque affaire dépend des faits
qui lui sont propres. Le juge de première instance a conclu que
l’assureur n’avait pas agi de mauvaise foi envers Mme Fidler. La Cour
suprême du Canada est d’avis que la conduite de l’assureur était
troublante, mais pas au point qu’il soit justifié d’infirmer la conclusion du
juge de première instance sur l’absence de mauvaise foi.
❖
Dans le domaine des dommages punitifs, il y a une cause qui fut
décidée au Québec au mois de décembre 2006, c’est-à-dire l’affaire
Markarian c. Marché Mondios CIBC Inc., 2006 Q.C.C.S. 3314. Le juge
J.G. Sénéchal a accordé des dommages punitifs de 1 500 000,00$,
« soit approximativement le montant que la défenderesse a tenté de
s’approprier sans droit » (para. 645). Au paragraphe 664 et suivant, le
juge écrit,
« En l’espèce, la conduite de la défenderesse a été très
répréhensible. Elle s’est associée à une fraude. Elle s’est appropriée
illégalement un million et demi de dollars. Elle a pris possession
d’une très large partie des biens des Markarian sans aucun droit et
en utilisant des documents sans aucune valeur. Qui plus est, elle a
tenté de le faire au dépens de clients auxquels elle avait promis
protection, sécurité et tranquillité d’esprit. Elle a par ailleurs traité les
Markarian sans respect et avec mépris. Elle a fait à leur endroit des
insinuations malveillantes. »
Nous comprenons que la banque a payé le montant des
dommages punitifs sans porter le jugement en appel. Nous croyons que
ceci est le montant le plus élevé accordé au Canada pour les
dommages punitifs, jusqu’à aujourd’hui.
iv)
Régime collectif d’assurance-vie
❖
Le 26 mai 2005, une décision intéressante fut rendue par la Cour
d’appel de l’Ontario concernant un régime collectif d’assurance-vie dans
l’affaire Perlett Estate c. Riverside Health Care Facilities Inc. (2005), 254
D.L.R. (4th) 338. Mme Carole Perlett était une employée de Riverside
Health Care Facilities du 16 mars 1981 jusqu’à sa mort, le 22 mars
1996. Au mois de juillet 1981, elle avait rempli une carte indiquant
qu’elle ne demandait que la couverture de base d’assurance-vie. La
compagnie d’assurance La Mutuelle Assurance-Vie du Canada a donc
payé à sa succession le montant total de 10 165,00$ au lieu des
indemnités augmentées qui équivaut au double du revenu annuel de
Mme Perlett au moment de son décès. Les demandeurs ont réglé leur
réclamation contre la compagnie d’assurance La Mutuelle avant le
procès, mais ont continué leur action contre l’employeur de Mme Perlett,
Riverside, qui se basait sur une allégation que Riverside était négligente
dans son administration du régime collectif d’assurance-vie, avec le
- 17 résultat que la succession de Mme Perlett n’a pas bénéficié des
indemnités augmentées auxquelles elle avait droit selon la police
d’assurance. La décision traitait de l’interaction de la convention
collective et la police d’assurance. La Cour d’appel a donné gain de
cause à la succession de Mme Perlett. La cour était d’accord avec le
juge de première instance à l’effet que Riverside n’a pas respecté ses
obligations en tant qu’administrateur du régime collectif d’assurance et
que si Mme Perlett avait eu des informations concernant les indemnités
d’assurance augmentées, elle aurait demandé et reçu cette couverture.
La Cour d’appel a aussi déterminé que ces questions sont de la
juridiction de la Cour supérieure, et qu’elles ne sont pas régies par la
convention collective et donc sujettes à l’arbitrage.
v)
Fonds d’indemnisation des victimes
véhicules automobiles (FIVAVA)
d’accidents
de
❖
Dans l’affaire Kingsway General Insurance c. Her Majesty the
Queen in Right of Ontario as represented by the Minister of Finance,
(2007), 45 C.C.L.I. (4th) 32, la Cour d’appel de l’Ontario a traité de la
question suivante: est-ce que le Fonds d’indemnisation des victimes
d’accidents de véhicules automobiles est un assureur en vertu du
règlement 283/95 qui traite de l’arbitrage de différends entre assureurs
obligatoires concernant le paiement d’indemnités d’accidents légales
aux victimes des accidents d’automobile? La Cour d’appel a déterminé
que le Fonds est un assureur et donc les différends entre le fonds et la
compagnie d’assurance Kingsway doit procéder devant un arbitre. Mais,
la Cour d’appel a déterminé, de plus, que l’arbitre n’a pas traité de
toutes les questions soumises, et donc la question de déterminer si la
compagnie d’assurance Kingsway était un assureur au moment de
l’accident (les primes n’ont pas été payées et Kingsway a annulé la
police deux jours avant l’accident) doit être soumis à nouveau à l’arbitre.
vi)
Conflits de lois
❖
Dans Soriano c. Palacios et Wawanesa Mutual Insurance
Company, Cour d’appel de l’Ontario, (2005), 255 D.L.R. (4th) 359 (C.A.
Ont.), un enfant de cinq ans, Daniel Soriano, a souffert des blessures
sérieuses quand il fut frappé par une automobile conduite par Natividad
Mercedes Palacios, dans le garage de Mme Palacios à Montréal,
Québec. Daniel et sa famille étaient domiciliés en Ontario au moment de
l’accident. La famille Soriano a entamé une action en Ontario contre
Mme Palacios et la compagnie d’assurance de la famille Soriano,
Wawanesa Mutual Insurance Company. Les demandeurs ont plaidé que
la cour doit se servir de la loi de l’Ontario et non la loi du Québec dans
ce cas. Mais, dans la décision de Tolefson c. Jenson, Lucas c. Gagnon
[1994] 3 S.C.R. 1022, la Cour suprême du Canada a déterminé que
- 18 quand le lieu du délit se situe dans une autre province du Canada, il ne
peut avoir d’exception à la règle de lex loci delicti. Donc, la Cour d’appel
a déterminé que les demandeurs ne peuvent pas obtenir des
dommages-intérêts contre les défendeurs pour les blessures qui ont eu
lieu au Québec.
vii) Divers
❖
Dans Snushall c. Fulsangi (2005) 78 O.R. (3d) 142, le juge de la
Cour supérieure a accordé une réduction de 35% pour responsabilité
contre la demanderesse, parce qu’elle ne portait pas sa ceinture de
sécurité. La Cour d’appel ([2005] O.J. No. 4609) a réduit la
responsabilité de la demanderesse à 5%, et a indiqué que le
pourcentage maximal qui pourrait être accordé pour ne pas avoir porté
sa ceinture de sécurité serait de 25%.
❖
La cause McIntyre c. Grigg, [2006] 83 O.R. (3d) 161, décision de
la Cour d’appel, concerne un accident d’automobile qui a eu lieu le 13
septembre 1996. Cette affaire concerne Andrea McIntyre, une piétonne
qui fut frappée par une automobile conduite par le défendeur Andrew
Grigg. Les experts étaient d’accord à l’effet qu’au moment de l’accident,
le taux d’alcool dans le sang de M. Grigg aurait été à 0,218
milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang. La Cour d’appel était
d’accord avec la décision du jury à l’effet que le bar qui avait servi de
l’alcool à M. Grigg était 30% responsable pour l’accident.
La Cour d’appel était d’accord, par contre, avec les assureurs que le
montant pour dommages aggravés de 100 000,00$ était excessif et n’a
accordé rien en dommages aggravés. Pour les dommages-intérêts
punitifs de 100 000,00$ accordés par le jury, la Cour d’appel a réduit le
montant à 20 000,00$.
Donc, vous voyez qu’un nombre de décisions intéressantes dans le
domaine du droit des assurances ont été rendues depuis juin 2005.
Nous ne pouvons pas traité de toute la jurisprudence récente dans ce
bref résumé, mais espérons que ces causes vous donneront un aperçu
de l’évolution dans ce domaine au cours des dernières années.