Livret La Tour, le Déluge et l`Enfant PDF
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1 Musique : Nicolas Hafner Livret : Daniel Hameline “LA TOUR, LE DELUGE ET L'ENFANT” Tableau I : La Création La Narratrice (alto) Avant tout commencement, Matière informe, espace vide, Aucune énergie dans le rien ! Mobile absence des choses : Un Souffle plane par dessus, Souffle dʼElohim, Souffle du Seul. Choeur 1 "Et la parole est prononcée" Et la parole est prononcée. Toute chose prend forme à lʼappel de ce dire, Toute chose prend place au signal de ce mot, Toute chose se tend vers le but désigné, Vers le destin que le Seul Elohim connaît. Avènement des jours, avènement des siècles. Dixit Dominus : Fiat, fiat ! Choeur 2 ”Danse de la Terre” Terre ! Naissance à tout ce qui pousse ! Air ! Naissance à tout ce qui respire ! Terre ! Naissance à tout ce qui pousse ! Vidit Deus quod esset bonum ! Air ! Naissance à tout ce qui respire ! Vidit Deus quod esset bonum ! Lumière ! Séparation du jour et de la nuit ! Vidit Deus quod esset bonum ! 2 Mer ! Naissance à tout ce qui nage ! Ciel ! Naissance à tout ce qui vole ! Vidit Deus quod esset bonum ! Femmes ! Hommes ! Lʼhumain à notre image et ressemblance ! Et dixit Dominus : “multiplicamini, replete terram et subjicite eam ! Faites nombre, Occupez la terre Et soumettez-la.” Faire nombre, occuper, soumettre. La Narratrice Elohim dit : “cʼest bien ce que jʼai fait. Ce que jʼai fait est bien fait. Ce que jʼai fait est fait pour le bien. Jʼai bien fait de le faire”. Le Choeur Vidit Deus quod esset bonum ! Choeur 3 "Au septième Jour" Au septième jour, Elohim se reposa... Il se reposa sur les humains. Faire nombre, sans faire dʼombre A ce qui est là A ce qui viendra ; Occuper la terre Sans se proclamer propriétaires ! Et la soumettre, Mais sans sʼimaginer les maîtres. Replete terram et subjicite eam, dixit Dominus. Intermède instrumental bref Choeur 4 "A voir ton ciel" (psaume 8) A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, 3 La lune et les étoiles que tu fixas, Quʼest-ce que lʼhomme pour que tu penses à lui, Le fils dʼun homme pour que tu en prennes souci ? A peine le fis-tu moindre quʼun dieu, Le couronnant de gloire et de splendeur, Tu lʼétablis sur lʼoeuvre de tes mains, Tu mis toute chose à ses pieds. Replete terram et subjicite eam, dixit Dominus. Tableau II : LʼHeure du Seigneur Serpent Le Serpent (ténor) ( il enchaîne immédiatement sur le chant du choeur en lʼimitant sur un mode parodique) Replete terram et subjicite eam, dixit Dominus. Dixit Dominus : Parole du Seigneur ! Je nʼinvente pas! Cʼest Dieu qui parle ! “A peine le fis-tu moindre quʼun dieu” Je nʼinvente pas ! Cʼest vous qui venez de le chanter ! (Il les imite ) “A peine le fis-tu moindre quʼun dieu” Le pied de la lettre, amis ! Le pied de la lettre ! Que rêvez-de mieux ? Yah Elohim doit être obéi au pied de la lettre, Yah Elohim doit être obéi au pied de son Arbre. Vous en porterez le fruit : A vous de discerner désormais le bien du mal ! Vos descendants chanteront dans leur psaume: Dii estis, et filii Altissimi ! Oui, vous êtes des dieux Les légataires du Très-Haut ! Allez ! Tous après moi ! Dii estis ! Dii sumus ! Choeur 5 “Dii estis!” Le choeur : Dii estis ! Dii sumus ! Nous sommes des dieux, Les légataires du Trés-Haut ! Dii estis ! Dii sumus, et filii Altissimi ! 4 Tableau III : Les Rivaux Le Serpent (baryton) (recitativo accompagnato) Viens à moi, Caïn ! Caïn le brave, Caïn le Hardi, Caïn lʼIntrépide, Caïn sans honte ! Nʼes-tu pas un dieu, légataire du Très-Haut ? Sois maître et seigneur, maître de lʼeau, du sec et de lʼhumide, maitre du vent, du calme et des tempêtes, maître du feu, aux entrailles du globe, maître des énergies, des forces, des métaux, Industrieuse sera ta race, Industrielle sera ta descendance. (aria) A toi, lʼintelligence, A toi la science, A toi la connaissance Du bien et du mal. Sois le parfait bienfaiteur Sois le parfait malfaiteur. Car lʼun peut-il aller sans lʼautre ? Choeur 6 ”A toi lʼintelligence” A toi lʼintelligence A toi la science, A toi la connaissance Du bien et du mal. Sois le parfait bienfaiteur Mais ne sois pas un malfaiteur. Lʼun doit pouvoir exister sans lʼautre. Caïn (ténor) (se détache du groupe) : Tu parles juste, Seigneur Serpent, Mais tu ne tiens pas compte de mon frère ! Camarades, chantez-vous la vérité ? A moi lʼintelligence ? A moi la science ? A moi la connaissance 5 Du bien et du mal ? Puis-je être un parfait bienfaiteur Sans être un parfait malfaiteur ? Non ! Lʼun ne peut aller sans lʼautre. Choeur 7 ” la chanson dʼAbel “ Abel est un vrai bienfaiteur Mais il nʼest pas un malfaiteur. Lʼun peut vraiment aller sans lʼautre. Abel, préféré du Seigneur, Abel, entraînant tous les coeurs : Abel est est un porte-bonheur ! Abel n'est jamais un tricheur, Abel n'est jamais un voleur, Abel est un bon serviteur ! Il a le respect au coeur de l'oiseau, de l'arbre en fleurs, de la graine et du semeur ! Oh! Abel est un grand travailleur, Abel, sans mépris, sans raideur, Abel : un esprit supérieur ! Abel n'est jamais un railleur, Abel n'est jamais un menteur, Abel est un vrai médiateur. Il se fait le protecteur Des petits sans défenseurs, Des brebis et des pasteurs. Oh ! Abel est un homme d'honneur, Abel, digne objet de ferveur, Abel est pour nous le meilleur. Tableau IV : Le Meurtre Le Serpent (Baryton solo) Eh ! Mon brave Caïn, cache ta jalousie, Car le succès dʼAbel est un effet dʼannonce ! Sa popularité sera vite ternie. 6 (imitant le choeur) Les siens comprendront sa candeur, Ils se lasseront dʼun jongleur Qui montre trop dʼégard aux fleurs ! Il leur faut un maître exigeant, Un politique, un combattant ! Il leur faut Caïn ! En avant ! (Le meurtre dʼAbel est évoqué par un intermède instrumental sinon “figuratif” du moins évocateur. Pour les auditeurs, il ne doit pas faire de doute dans leur esprit que le meutre est perpétré.) La Narratrice (alto solo) “Caïn, quʼas-tu fait de ton frère ?” Caïn (ténor) Et depuis quand suis-je le gardien de mon frère ? il conduisait les peuples au désastre. Jʼapporte la prospérité, le progrès, le profit, le bien-être. Enrichissez-vous ! Votre argent mʼintéresse. Abel était un grand rêveur, sans projet, sans audace, Un songe-creux, Ni résolu, ni tenace, Cʼest lui le parfait malfaiteur ! Et moi le parfait bienfaiteur ! La narratrice (alto solo) “Caïn, quʼas-tu fait de ton frère ?” Choeur 8 "Pas de place pour les faibles..." Caïn n'a pas en charge tous les malheurs du monde. Le crime est notre lot comme la terre est ronde Abel faisait de lʼombre à qui nous veut du bien : Il faut être sans coeur, pour le bien des humains. Caïn n'est pas le gardien de son frère ! Caïn n'est pas le gardien de la Terre ! Pas de place pour les faibles 7 A la table des plus forts ! Soyons violents ! Soyons rusés ! Indomptables ! Chacun bien dans sa peau, créons nos paradis ! Jouissons sans nous lasser, sans nous penser coupables ! Pas de place pour les faibles A la table des plus forts ! le Serpent (baryton) Epanouissez-vous ! Tout bonheur mʼintéresse ! Tableau V : La Tour Caïn (ténor) La chanson de Caïn Je vends, jʼachète, Y compris la victoire, Y compris la défaite. Je vends, jʼachète Et la honte, et la gloire, Et la vie, Et la mort. Je vends, j'achète. Choeur 9 “La chanson de Caïn” Le choeur Tout se vend, tout sʼachète, Y compris la flibuste, Y compris les enquêtes. Tout se vend, tout sʼachète, Et le juste et lʼinjuste, Et le droit et le tort. Tout se vend, tout s'achète. Caïn (ténor) Je vends, jʼachète, Y compris le people, Y compris les paillettes. Je vends, jʼachète 8 Le parrain, le filleul, le crédit, le record. Je vends, j'achète. Le choeur Tout se vend, tout sʼachète, Y compris les saints hommes, Y compris les prophètes. La géante, le gnome, Et le faible et le fort. Tout se vend, tout s'achète. Le Serpent (baryton solo) Il vend, il achète, Tout se vend, tout s'achète. Caïn (ténor) Je vends, j'achète, Y compris le chercheur, Y compris l'éprouvette. Je vends, j'achète Le patient, le docteur, Et l'esprit, et le corps. Je vends, j'achète. Le choeur Tout se vend, tout s'achète, Y compris la banquière, Y compris la cassette, Le courtier, la rentière, Le trader, le croqu'mort. Tout se vend, tout s'achète. Le Serpent (baryton) (parlé) Voici enfin les humains tels quʼils se souhaitent ! Ils sont enfin eux-mêmes ! “Voyez comme ils sʼaiment” Caïn (ténor) Je vends, j'achète, Y compris les atomes 9 Y compris les planètes. Je vends, j'achète L'univers, les fantômes Et l'envers du décor. Le choeur Tout se vend, tout s'achète, Y compris l'incendie, Y compris l'alumette, Les glaciers rétrécis, Les déserts, le Grand Nord Tout se vend, tout s'achète. Choeur 10 "Bâtissons une tour..." Bâtissons une tour, Escaladons le ciel ! Pas d'étoile trop lointaine Qui ne soit banlieue humaine. Explorer ! Bâtir ! Dresser ! Abolissons le passé ! Notre Tour est au futur : Place libre à tous les purs ! Replete terram et subjicite eam, dixit Dominus. La Narratrice Et vidit Deus quod esset bonum. Le choeur : Bâtissons une tour, Naviguons dans le ciel ! Nous captons sur nos antennes La chanson proche ou lointaine De la Toile où l'Araignée Remaille le monde entier. Voici le temps fonctionnel Du langage universel. Replete terram et subjicite eam, dixit Dominus. La Narratrice Et vidit Deus quod esset bonum. Le choeur : 10 Bâtissons une tour, Investissons le ciel ! Les humains feront la preuve Que pour eux la Terre est neuve. Inventer ! Chercher ! Trouver ! Un triomphe est annoncé. Notre Tour est le témoin Des progrès du genre humain. Replete terram et subjicite eam, dixit Dominus. La Narratrice (alto solo) "Estote sicut dii..." “C'est bien ce que j'ai fait. Ce que j'ai fait est bien fait. Ce que j'ai fait est fait pour le bien. Jʼai bien fait de le faire. Je ne reviendrai pas en arrière. Cʼest aux Terriens de mesurer Les limites de leurs pouvoirs, Les bornes de leur liberté. Estote sicut dii : Je maintiens ce que jʼai dit. Jʼen ai fait des dieux, Pour le meilleur et pour le pire, Pour édifier et pour détruire. Se détruire eux-mêmes Et la Terre avec eux !" Tableau VI: De la confusion des langues au Déluge Choeur 11 “la confudion des langues” Sur fond de musique instrumentale, l'un après l'autre, les choristes commencent à dire une phrase qu'ils ont choisie et qu'ils répètent inlassablement, en crescendo. A partir de la mesure 57, les phrases des choristes se font de plus en plus fortes. A partir de la mesure 75, les choristes crient leurs phrases, comme ivres. A la mesure 89, le choeur pousse un cri aigu très long (t° allegro), glissando lent. A la mesure 95, le choeur tombe à terre, très lentement. A la mesure 104, chorus tacet. Le Serpent (baryton) (moqueur) : Et lʼon parlait de lendemains qui chantent ! 11 Choeur 12 (alterné) le Choeur et La Narratrice (alto) "Ils avaient cru..." Ils ont fait le bien : Science avec passion, Science avec patience. Ils ont fait le mal : Coeurs sans compassion, Science sans conscience ! Ils avaient cru dominer lʼeau Voici que lʼeau les tsunamise ! Ils avaient cru dompter le feu, Et c'est le feu qui les consume ! Ils avaient cru apaiser le vent, Et cʼest le vent qui les balaye ! Ils avaient cru supprimer la faim, Le monde entier crie : à lʼaide ! Ils avaient cru fonder la paix, Et c'est la guerre en tous parages ! Ils avaient cru semer la vie, Et cʼest la mort quʼils esséminent. La Narratrice : Néanmoins vidit Deus quod esset bonum ! Solistes divers La chanson de Noé Noé ? Noé ? Noé ? Noé ? Noé était un vieux naturaliste, Il avait bien senti quʼon abusait, Il avait bien compris quʼon sʼamusait De détruire à plaisir. Il partit sur la piste Des règnes mal connus et des espèces Dont la mauvais état le tourmentait, Dont la raréfaction se confirmait : Ne pas se résigner à ce quʼell(es) disparaissent ! On le traitait de fou paranoïaque : En tout être vivant, il saluait Dieu. 12 De leur diversité, il parlait mieux Quʼaurait pu la chanter un poète élégiaque. Quand il eût deviné la fin très proche Dʼun monde quʼabimaient les négligents Au souvenir pollué de lʼair dʼ'antan, Yah fit naître un projet dans sa rude caboche. Le ciel était déjà chargé dʼorage ! Noé retrouve un vieux recensement Des crapauds, des fourmis, des éléphants. Et de la moindre espèce, il fit son équipage. Quand tout eût disparu sous les tornades, Animal, végétal, et tout humain, Lʼétrange cargaison, le lendemain, Sur le Mont Arara, se reposait dans lʼArche. La planète était sauve, et la colombe Revint un beau matin, portant au bec Un Rameau verdoyant. Un endroit sec Existait de nouveau entre soleil et ombre. Choeur 13 ”la chanson de Noé” Tout était à reprendre, tout, à refaire ! Le silence était seul : absence et mort. Lʼavenir nʼétait rien. Pas de remord !, Aux sables dʼériger un tombeau pour nos pères ! Solistes Noé ? Noé ? Noé ? Noé ? Le Serpent, parlé Disparu, Noé ! Momifié dans les sables ! Pauvre humain périssable, Aboli, effacé ! La Narratrice, parlé Disparu, Noé ? Présent dans vos mémoires ! 13 Annonçant par son histoire Votre futur dans son passé ! Le Serpent, parlé Elle est valable pour demain, La forte leçon de Caïn : Un audacieux malfaiteur est le plus grand des bienfaiteurs ! La Narratrice, parlé Qui lavera du sang dʼAbel les mains des auteurs de Babel ? Qui changera tout malfaiteur En un innocent bienfaiteur ? Tableau VII : lʼEnfant Choeur 14 (alterné avec le soprano solo) “la chanson de lʼEnfant” LʼEnfant (Soprano) Je ne suis pas à vendre, Nul ne peut mʼacheter Même pas au prix des fleurs que lʼon jette, Je ne suis pas à vendre, Nul ne peut m'acheter. Le Choeur L'Enfant n'est pas à vendre, Nul ne peut lʼacheter. LʼEnfant Je ne suis pas à prendre, Je ne sais que donner. Même torturé, mon coeur reste libre. Je ne suis pas à prendre, Je ne sais que donner. Le Choeur L'Enfant n'est pas à prendre, Il ne sait que donner. LʼEnfant 14 Je suis celui qui passe, Fragile et menacé, Je suis lʼinconnu, lʼétranger, le frère. Je suis celui qui passe, Fragile et menacé. Le Choeur Il est celui qui passe, Fragile et menacé. L'Enfant Je suis celui qui reste, Votre cohéritier. Jʼai vu le tombeau, lʼenfer, la ténèbre. Je suis celui qui reste Votre cohéritier. Le Choeur Il est celui qui reste, Notre cohéritier. L'Enfant Je ne suis pas à plaindre, Gardez votre pitié ! Au dedans de moi, la joie est parfaite. Je ne suis pas à plaindre, Gardez votre pitié ! Le Choeur L'Enfant n'est pas à plaindre, Gardons notre pitié ! L'Enfant Je ne suis pas à craindre : Ma force est liberté. Je suis sans violence, et je suis sans haine. Je ne suis pas à craindre : Ma force est liberté. Le Choeur L'Enfant n'est pas à craindre, Sa force est liberté (bis). 15 Choeur 15: choeur final ”Pro patribus” Pro patribus tuis nati sunt tibi filii ! En place et lieu des ascendants, Sont advenus tes descendants : Ce monde est pour eux. Il peut se détruire. Il peut se construire. Pro patribus tuis, nati sunt tibi filii ! Gaillard, 3-4 aout 2008/ 15-16 novembre 2009. Daniel Hameline Tous droits réservés sur le synopsis et les textes, sauf les deux versets du psaume 8 (droits réservés AELF). Les passages en latin sont empruntés à la Vulgate (libre de droits). Quelques rares formulations peuvent être empruntées à l'une ou l'autre des traductions françaises de la Bible : TOB, Jérusalem, Chouraqui, Bayard.