Journal de bord

Transcription

Journal de bord
begalain
Journal de bord
Publié sur Scribay le 25/04/2016
Journal de bord
À propos du texte
Briser le miroir de la réalité pour construire fiction kaléidoscopique...
Licence
Tous droits réservés
L'œuvre ne peut être distribuée, modifiée ou exploitée sans autorisation de l'auteur.
Journal de bord
Table des matières
Un jour passé!
La rencontre
25 Avril 2016, le matin
25 Avril 2016, l'après-midi
25 Avril 2016, la nuit.
01 Mai 2016 - 2 h 36
3
Journal de bord
Un jour passé!
"-Comment il va le syndicaliste qui veut faire la révolution tout seul?"
(Quel con celui là! Je ne vais rien répondre. Je bloque le blase sur mon phone.)
-Celle là?
Elle est plutôt mignonne...
Bon, un peu jeune, c’est vrai.
Pas très grave, advienne que pourras, ça reste de l'ordre du légal en plus.
Je fais une offre.
-Celle là?
Hummm, elle a l’air chaude... Elle n'hésite pas à montrer qu’elle a de beaux seins.
Je fais une offre.
-Celle là..?
Sous ses airs de ne pas y toucher, je suis sûr qu’elle doit en vouloir.
Offre.
Trop loin, je zappe.
Gainsbourg en photo...Offre.
Correct, offre.
Correct, offre.
Bof bof, offre.
Je dois absolument lire ce rapport sur le dialogue social, la réunion est dans deux
jours...
Offre. Merde, j’ai mécaniquement fais une offre. Tant pis, je verrai bien.
Trop loin, je zappe.
-Tiens celle là à l'air d’être pudique… elle fait quand même un effort pour se
dévoiler... Peut-être qu'elle peut apprendre à en vouloir. Offre
Celle là, pas trop d’intérêt. Trop bling-bling. Aucune chance de bang-bang sans sortir
la thune. Je zappe.
Trop loin, je zappe.
Trop loin, je zappe.
4
Journal de bord
Photo en maillot de bain, comme d’habitude, pas de mauvaise surprise. Offre.
Oh ce regard de petite cochonne… Et une offre sans hésitation pour la petite
vicieuse...
C’est pratique l’informatique.
Et j’adore ce comparateur de femme. Elle me plaît, je fais une offre. Sinon, je passe à
la suivante.
Quoi? Les femmes font de même de leur côté…
Avec un peu de chance, je vais en rencontrer une pour moi, et le vent nous portera.
Les vents, je connais, je me suis même enrhumé plus souvent qu'à mon tour.
Depuis que j’utilise internet pour mes rencontres, j’ai enfin une vie “amoureuse”
vivante.
Après un désert aride, des desserts torrides?
Tiens, un message.
"Marie-Claire accepte votre offre de discussion."
Allez, un petit tour sur son profil, pour une accroche la plus personnalisée possible.
Je ne me souvenais plus l’avoir amorcé… Elle est pas… top top. En même temps, je
n’ai pas les moyens de faire mon difficile.
Elle ne montre pas du tout son corps… Rien… J’ai du accepter parce qu’elle est black
ou par inadvertance.
“L’Amour, c’est l’aile que Dieu a donné à l’homme pour monter jusqu’à lui”
Pas de visibilité sur son aspect physique, une citation de je ne sais qui, qui parle de
Dieu…
Hum, hum…
Pas facile.
En citation sur Dieu, je préfère:
“Si les hommes avaient une juste idée de Dieu, ils n’auraient plus besoin de ses
représentants”
5
Journal de bord
Elle a le mérite de croiser mon anarchisme et mes questions existentielles.
Je me lance, je lui parle.
Au pire du pire, j’aurais peut-être une discussion intéressante sur la croyance.
Allez, sobre et efficace, n’oublie pas.
Axel a dit:
“Bonjour Marie-Claire, j’aime beaucoup ta photo, et je trouve ta citation pour le
moins intéressante. Si à l’occasion, tu as un peu de temps à me consacrer, j’aurais
aimé faire ta connaissance. Bonne journée”
Au départ j’allais écrire “un peu de temps à m’accorder”. J’ai préféré “consacrer”.
C’est important le choix des mots. “Consacrer" est du champ lexical de Dieu, le sacré
et tout le toutim.
Elle doit attacher de l’importance à Dieu, pour lui laisser une place, dans une
description de 500 caractères maximum. Toute la place d’ailleurs. C'est la seul
information qu'elle donne.
Bon, il est l’heure d’y retourner...
Pas que j’en ai spécialement envie, mais le taf, c’est le taf.
Plus que quatre heure avant la libération.
Et pis, j’ai pas le pire taf du monde.
Quand même...
Va pas falloir qu’il me gonfle ce tas cons.
"-C'est bon vieux représentant syndicale d'un monde déjà mort, je vais bien. Et?
Motivé? On y retourne?"
6
Journal de bord
La rencontre
Une Renault Clio grise...
Non, pas la bonne marque...
Une Peugeot 206 blanche...
Non, pas la bonne couleur...
Une Skoda Octavia noire...
Non, rien à voir... Moi, j'attends une 206 grise.
Une 206 grise!
C'est elle?
...conduite par un barbu bedonnant... Et bien non, ce n'est pas elle...
Une camionnette Fiat Ducato, une Honda Civic, une Austin Mini, une Seat Ibiza...
Ce n'est toujours pas elle.
Un Renault Kangoo bleu électrique, beurk.
Une Toyota Yaris grise, une Renault Clio Grise, encore une...
Et toujours pas d'elle.
Une Toyota Auris, un vélo , une Ford Fiesta, une Fiat Punto, une Golf, une 407, une
309... Tiens, il ne doit plus y en avoir des masses en circulation, des 309. J'en avais
une. Il y a 15 ans. Et ce n'était déjà plus de dernières générations.
Je crois qu'il n' a plus que dans le nord de la France, dans les Hauts de France, que
l'on voit des 309, des R21 ou des super 5.
Je suis un peu anxieux, j'espère qu'elle sera au rendez-vous.
Une Peugeot 406 verte bouteille, une Chevrolet Cruze anthracite, une... une... C'est
quoi cette bagnole...? Je ne la connais pas. Pourtant, les caisses, je connais. Une
chinoise surement.
Un Berlingo, une 107, un Autobus, une Skoda Octavia noire, un van Westfalia, une
A3.
C'est la même Skoda que tout à l'heure? Il est peut-être perdu.
Je n'aurais pas dû arriver si tôt.
Elle doit arriver à 19 h.
Il est à peine 18 h 15. Surtout qu'elle m'a avoué être plutôt en retard qu'en avance...
7
Journal de bord
Nous sommes le 10 Novembre 2015. Et il fait froid. Super froid. Trop froid pour
attendre plus de quarante-cinq minute dehors.
Je vais aller boire un café chez MacDo. Je déteste cette enseigne, mais il n'y que ça
dans le coin.
Un café, un café, une boisson goût café. Comment peuvent-ils rater un café?
Bon tant pis pour le froid, je le brave, je ne voudrais surtout pas la manquée. Je bois
mon... mon... "truc" en terrasse. Avec quatre sucres, ça donne du goût le sucre. Un
autre goût en tout cas...
Si je me cache derrière ce panneau, je devrais la voir arriver, sans qu'elle ne puisse
me voir.
On s'est rencontrée grâce à Tinder. Un site de rencontre. L'application géolocalise
les célibataires environnantes. Vous les présentent. Et d'un simple geste du doigt,
vers la droite ou vers la gauche, un swype, on choisi si on aime le profil, ou non.
J'en ai swypé des profils. Pour très peu de discussion finallement. C'est ma deuxième
rencontre. La première fût courte et... courte.
Avec elle, c'est différent. On a de suite accroché. Elle est fan de Gainsbourg. C'est
pour ça que je lui ai parlé. Elle n'avait pas mis une photo d'elle, mais une photo de
Serge Gainsbourg. Grand homme Serge. Très grand homme, Serge.
Je suis fan de musique française.
On s'est échangé des tas de promesses. Je lui ai tenu l'esprit pendant l'orage.
Pendant les attentats. On a échangé des portraits de nos familles. De nos ex. De nos
vies.
Je repense à tout nos messages. Je les relis.
19 h 08
Tiens, elle m'appelle. Pourquoi est-ce qu'elle m'appelle? Elle va annuler? Elle a eu un
accident?
-Allô?
C'est elle. Elle panique. Elle suffoque. Elle a peur. De moi. D'elle. De tout. Elle veut
reporter.
Pourquoi veut-elle reporter?
19 h 17
J'ai réussi à la convaincre, mais je pense qu'elle ne viendra pas...
19 h 34
8
Journal de bord
Effectivement, elle du genre à être en retard. Et le froid est du genre à être tenace.
Une 206 grise sans conducteur. Sans conductrice. Une voiture fantôme?
Ce doit être elle.
C'est sûr, c'est elle.
Je la savais petite. Elle est toute petite. J'adore.
Elle se gare.
Elle m'appelle.
Elle ne m'a pas vu.
-Regarde sur ta gauche, j'ai une veste en cuir grise. J'avance vers toi, le téléphone à
l'oreille.
Je suis sur sa droite. Je la vois me chercher du mauvais côté. Je veux la surprendre.
Ce soir et pour toujours.
Ses talons cachent mal son petit 1 m 59.
Et demi.
1 m 59 cm 5 mm.
Elle tient à ses 5 mm. C'est une mesure médicale, donc incontestable.
Une jupe grise. Une veste en cuire presque identique à la mienne.
Couleur... crème. Couleur... beige. Couleur... blanc cassé.
Je suis nul en couleur, en dehors des couleurs primaires.
Son chemisier est d'un blanc éclatant. Décolleté. Magnifique décolleté.
Elle est belle.
Trop belle pour moi?
-Je suis derrière toi...
Pourvu qu'elle ne soit pas trop déçu en me voyant.
Elle se retourne. Je suis dans le vide spatio-temporelle des grands moments. Ses
yeux. Son sourire. Sa silhouette. Son parfum.
13 jours d'échange de mails, SMS et appels, se matérialisent en un instant.
Lilloise de cœur, elle lui fait des infidélités lorsqu'elle voit Paris en cachette.
Militante des restos du cœur quand le temps des occupations quotidiennes la libère.
Amie avec la Belgique et ses Bière. D'ailleurs, Oostende fait aussi parti de ses
9
Journal de bord
amants. Arno la fait vibrer.
Elle aime Gérard Darmon et Elmosnino. Tout me reviens. Tout.
Soudain...
Retour du temps et de l'espace. Aspiré par le concret, le froid me retombe sur le
paletot. Je tremble. J'ai peur. J'ai honte.
Je lui fais la bise? Je l'embrasse fougueusement? Je la sert dans mes bras? Je
m'évanoui?
Trop tard pour tout ça...
-Bonjour Marlène...
10
Journal de bord
25 Avril 2016, le matin
10 h 16
Pour Ma Marlène :
Bien-sur que je t'aime !
Quelle question...
Tu sais, si parfois, je te parais froid, ou distant.
Si parfois, je ressens de la gène face à tes preuves d'amour.
Si parfois, je manque de réaction ou que je fais preuve de silence.
Ce n'est sûrement pas une absence de sentiments.
C'est même tout l'inverse.
Grâce à toi, je suis aimé comme je ne l'ai jamais été.
Alors, quand comme hier, une migraine me cloue au lit, me fais rendre mes dernières
forces.
Lorsque, que comme hier, je me sens défaillant, décevant, incapable.
Faible.
Et que je te sais et te sens à mes côtés.
Alors je me demande si je mérite tes sentiments.
Je ne me sens pas légitime à être aimé de toi.
Et dans ses moments, te dire à quel point je t'aime, me semble...
Inapproprié...Irrespectueux...Égoïste...
Déplacé.
C'est tellement facile pour moi de t'aimer. Tu m'apporte tant. Tu as toujours la bonne
réaction. Tu me soutiens au détriment de toi-même.
Je devrais être bien meilleur, pour mériter tout cet amour.
Tout ton amour.
Oh oui, tu me poses beaucoup de questions.
Et dieu que tu es démonstrative.
11
Journal de bord
Évidement, tu es une gamine qui veut tout et son contraire.
Tout de suite, hier et demain.
Pas maintenant, trop tard et trop tôt.
Mais ça.
Tout ça.
C'est pour ça que je t'aime.
C'est pour toi que je vis.
C'est pour nous que j'écris.
Ma Marlène.
Bien-sur que je t'aime...
Quelle question !
10 h 52 :
J'ai envie de passer mon temps à t'écrire.
Très souvent, je voudrais coucher nos instants sur papier.
En ce moment, je te revois, mégots à la bouche. Penchée sur la tondeuse.
Quelle vue j'avais grâce à ton « trop » décolleté.
Mon plaisir te trouvait si belle, même si ma jalousie trouvait ta beauté trop visible.
Tu étais boudeuse de ne pas comprendre les caprices de cette foutue tondeuse.
Tu t'es alors retournée sur ce que tu avais déjà accomplie.
Les mains posés sur tes reins trop creusés.
Si creusé qu'il semble que tu te sois paralysée en position de salut, lors de ta
dernière prestation de gymnase.
Fière et satisfaite. Qu'est-ce que tu étais belle. Qu'est-ce que tu es belle.
Provocante et admirable.
Fier et satisfait. Qu'est-ce que j'étais heureux de faire cette vaisselle, ce jour-là, à ce
moment-là.
Pouvoir te regarder sans que tu le sache, hummm. Encore.
12
Journal de bord
J'aime t'écrire et tu aimes me lire. J'ai juste peur de ne savoir écrire que pour toi.
Hors, je voudrais aussi écrire pour gagner de l'argent, pour gagner ma vie. Pour
nous aider dans notre bonheur.
Écrire pour les petites gens. Pour leur rendre leurs dents.
Je ne suis pas sur de pouvoir réussir un jour. Alors j'essaye d'autres pistes.
L'informatique.
Peu m'importe ce que je fais, seul pour qui je le fais compte.
Et tout ce que je fais, et tout ce que je veux faire, c'est pour toi. Pour nous.
J'ai hâte de parler avec toi, tu me manques.
12 h 00
Je m'appelle Alain, j'ai eu trente-sept ans le 03 Avril 2016. Je n'ai aucun talent ou
aucune compétence particulière. J'aime écrire, j'ai toujours aimé écrire. Je n'ai juste
jamais su quoi écrire.
Aujourd'hui, depuis elle, depuis toi, Marlène, je me fous de ce que je peux écrire, tant
que j'écris pour toi.
13
Journal de bord
25 Avril 2016, l'après-midi
14 h 00
Je m'appelle Alain, j'ai eu trente-sept ans le 03 Avril 2016. Je n'ai aucun talent ou
aucune compétence particulière. J'aime écrire, j'ai toujours aimé écrire. Je n'ai juste
jamais su quoi écrire. Aujourd'hui, depuis elle, depuis toi, Marlène, je me fous de ce
que je peux écrire, tant que j'écris pour toi. Il y a tant d'autres gens à qui j'ai envie
d'écrire. Des proches de mon cœur, des proches de mes idées. Mais avant de leur
écrire, c'est aux promeneur de Scribay que je voudrais m'adresser. Leur dire qui je
suis.
Mon véhicule est une camionnette un peu pourrave, sans contrôle technique valide.
Et avec des pneus lissent et des freins non-fonctionnels. Ça me fait un peu peur,
surtout par temps de pluie comme aujourd'hui. Mais je n'ai pas trop le choix. Mes
freins financiers sont eux, bien fonctionnels. J'ai un masque d'anonymous sur le
tableau de bord. Je devrais l'enlever, ne serait-ce que pour éviter d'attirer l’œil de la
police. Mais je n'arrive pas à m'y résoudre, mes convictions sont bien trop fortes. Ma
camionnette s'appelle Hélène, en référence à Brassens.
Je gagne un peu moins de 1 500€ par mois, sans compter les tickets restos et la
mutuelle. J'ai un crédit qui me donne des droits sur une petite maison. Petite, et
pourrave elle aussi. Toute charge déduite, il ne me reste rien. C'est trop peu si l'on
souhaite avoir une vie, en dehors des shows télévisés ou de candy crush. Je ne fais
pourtant pas trop d'excès, et je ne vis jamais dans le luxe. D'ailleurs, je bosse depuis
que j'ai 19 ans, sans interruption.
Aujourd'hui, j'ai décidé de mettre au grand jour ce qui m'empêche de dormir la nuit.
De coucher par écrit ce qui me permet de me lever chaque matin. Mes parents ont
toujours pourvu à mes besoins élémentaires. Et je n'ai jamais, au grand jamais,
manqué d'affection, d'amour. Là ou j'estime avoir été lésé, c'est face au système, à la
société, à l’état...
Même si je sais qu'il y a bien pire...
La mort a emportée ma mère bien trop tôt.
Une leucémie.
La fatalité.
Putain de fatalité.
Depuis quelques années, j'ai décidé de m'engager plus en avant dans la vie de mon
entreprise.
J'ai été élu, sans étiquettes, comme représentant des collègues. Après 2 ans, j'ai
14
Journal de bord
rejoint la CGT.
Depuis mon élection, J'ai pu voir certaines des causes de mon "malheur", du malheur
de beaucoup d'entre nous, de notre non-bonheur. Il n'y avait là aucune fatalité. Juste
une de volonté, peut-être inconsciente, de laisser perdurer cet état, cette société, ce
système.
La mort de ma mère a crée en moi une fâcheuse tendance à me battre contre tout ce
qui n'est pas inéluctable. Je me bat. Grâce à elle et pour elle. Mal, surement. Pas
assez, c'est certain. Mais j'apprend tout le temps. Et chaque jour, j'essaye.
N'y a-t-il pas suffisamment de causes à notre tristesse, pour ne pas combattre les
causes remédiable?
Je suis un militant plus ou moins actif. Un observateur de la vie politique. J'ai l'intime
conviction que le web est une innovation technologique, qui à l’échelle de l'humanité,
va bouleverser nos civilisations. Au moins l'organisation de nos
civilisations. Beaucoup de personnes ressentent ce bouleversement naissant. En
France, en Europe, dans le monde. Les Indignés, Podemos, ou encore nuit debout, en
sont des exemples. Les syndicats le sentent. Les politiques le sentent. Les média le
sentent.
Pourtant aujourd'hui, j'ai l'impression que nous sommes tous dans un brouillard
d'informations.
Nous avançons à vue.
Tâtonnant.
Craintif.
La droite et son extrême.
La gauche et son extrême.
Alter mondialistes, écologistes, souverainiste, nationaliste, centriste...
Je les entends tous.
Je les vois tous.
Et aucun n'ait convainquant.
Ont-ils peur de ce qu'ils sont?
De ce qu'ils pourraient être?
"Ils" peut-il devenir "nous"?
La gauche ne sait plus définir le peuple.
La droite ne connait plus son identité.
15
Journal de bord
Les extrêmes se font mutuellement peur.
Le centre subit sa position, au milieu des deux extrêmes...
Et tous se croient au dessus.
Souvent, ont m'affuble d'un moqueur :"communiste".
Ça me laisse coi.
Si c'est me reconnaître comme partisans d'anciens régimes ayant eu ce qualificatif,
je voudrais que l'on m'explique.
Si c'est me reconnaître comme partisans d'un "mettre en commun", alors je voudrais
pouvoir expliquer.
Je n'ai pas de cultures politiques, historiques ou même sociologique pour me
présenter en expert.
J'ai un juste un parcours qui me donne la légitimité de témoigner.*
Je vous jure de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
Enfin... Ma vérité...
16
Journal de bord
25 Avril 2016, la nuit.
23 h 39
Chut, elle dors tout à coté de moi. Ne la réveillez pas. Ne l'effrayez pas.
Vous savez, j'aime tout ses défauts.
Non ne ricanez pas. Ne soyez pas moqueur. C'est vrai...
J'aime tous ces défauts, et de plus en plus.
D’ailleurs, s'il vous plait, chut. Il ne faudrait pas qu'elle sache que j'ai connaissance
de ses défauts qu'elle me cache si bien, si soigneusement...
Comme ses ronflements...
A peine audible, ses ronflement, à peine audible...
Si bien, chaque nuit, je perd quelques dixièmes d'audition... Donc le bruit ce n'est
pas un problème. Ça ne l'est plus.
Ses dents qui grincent...
?
Putain!
Merde!
Elle cauchemarde...
Je la réveille? Je lui caresse les cheveux? Je lui parle? Je fais quoi, putain...?
Attendez... Attendez... Elle respire paisiblement. Elle respire paisiblement et
lentement. C'est fini. C'est tout.
Qu'est-ce que je n'aime pas la savoir mal...
23 h 40
Cette après-midi, je suis parti un peu dans tous les sens. Alors je vais essayer de me
recentrer.
Mais il y a tellement de points que je voudrais développer...
Vous parler de ma mère. De mon père. De mon boulot. De mes engagements. De mes
rêves et de mes peurs.
De ma folie...
Je vais lui envoyer ce mot. Elle me guidera. Elle sait toujours, des fois sans même
s'en rendre compte, de quoi j'ai besoin.
17
Journal de bord
Elle me canalise.
23 h 43 Ma petite caille, je peux continuer de publier sans ton autorisation?
Demain, je vais chercher une voiture de location. Je vais la garder 2 jours. C'est payé
par ma boite. J'y ai droit de par mon statut d’élu d'entreprise. J'ai le droit à des
déplacements illimités, train, voiture, avion, pour visiter des magasins et voir des
collègues, partout en France, pendant 2 jours, une fois par mois. Frais de bouche
compris.
Constater sur place d'éventuels problèmes. Les faire remonter jusque la direction
des ressources humaines. Attendre que rien ne se passe. Et recommencer le mois
suivant.
Ça fait 5 longues années que je fais ça. J'en ai raz la cocotte. Ce sont toujours les
mêmes problèmes. Je pourrais vous le prouver par des extraits de procès verbaux
des réunions censées traiter ces fameux problèmes.... Mais c'est risqué pour moi...
Remarquez...ce que je compte vous dire est déjà très risqué.
Bon OK, parce que vous insistez, et surtout parce j'en ai rien à foutre, le jour où j'en
aurais le courage, je le ferai. Je vous citerai et je vous daterez des extraits de
réunions. Mes convictions anarchistes me le permettent.
Tiens, j'aimerais vous parler d'anarchisme aussi. Vous parler de la confusion qui est
souvent faite entre anarchisme et anomisme.
Bref!
Elle aime ma folie. Je ne me trouve pas fou... Elle a toujours raison.
Le sommeil est en retard cette nuit. Je vais aller guetter son arrivée à la fenêtre.
00 h 54 Mon petit canaris, c'est déjà publié...
Je ne le vois pas arriver....
01 h 28
Toujours personne... Pourtant, il me semble l'avoir entraperçu... Il est temps de
retourner l'attendre auprès de ma blonde.
Tu sais tiote...
J'adore lui donner plein de surnom aussi kitsch qu'affectueux, comme nénette, ma
poule, bibiche. Elle râle et j'en rajoute. On joute un peu. Elle se joue de ma jalousie.
18
Journal de bord
Je râle et elle en rajoute. On se fixe, on se toise, elle choisie un sourire. Et parfois je
souri. Parfois je ri. Parfois j'éclate de rire. Parfois je boude. Pardon, tiote.
Je t'aime.
Tu sais tiote, avant d'envoyer ce texte, j'hésite à te demander l'autorisation.
Tu sais que je suis prêt à oublier les risques?
Tu me dis souvent que je suis barré et que tu aimes ça. Que tu es prête aussi à
oublier le risque toi aussi.
Tu sais aussi que lorsque je jure, je fais tout pour tenir parole. Et donc, que je dirais
la vérité, toute la vérité et rien que ma vérité?
Oui...?
Alors j'ose au moins celui-ci...
Pour les autres, on verra plus tard...
02 h 07
Il vient d'arriver. C'est l'heure de taper causette à sommeil.
19
Journal de bord
01 Mai 2016 - 2 h 36
Peu importe que ce j'écris me rapporte ou non. Tant que cale nous apporte, alors
c'est gagné.
Je suis allé manifester à Lille ce Jeudi 28 Avril. J'ai voulu me prendre pour Tintin. En
décalage du cortège. Prendre des photos. En twitter quelques unes. La porte de Paris
vide et belle.
J'arrive à midi. Je mange un sandwich vite fait. Et j'attends à partir de midi et demi,
le début de la manif.
J'envois une photo de la belle et fleurie place Paris, près du boulevard Louis XIV et
du boulevard de la liberté, à Ma petite Olaffeuh.
13 heure: arrivée du camion du PCF.
Pour une manif prévue à 14 h 30.
Les premiers drapeau de la CGT. De la cégette, comme on l'appelle dans l'orga. Vers
13 h 10.
La sono, qui se teste sur un "Hard as a rock" d'AC/DC. D' haze death, d'ass death,
das death ou d'As-desse...
Ça vous fout une de ces pêches.
TadaDAM tadadadadaDAM DAMDAM DAMDAM. HARD AS ROCK...
Force Ouvrière, en ordre de marche.
"-V'la les gars d'FO"
Un clin d’œil franc, un sourire honnête et une vanne syndicale bien clichet.
On sent l'amitié des hommes coupée par la lutte des places.
Y a SUD aussi, avec deux cametard.
D’ailleurs, tous ont des fourgons maquillée comme des affiches publicitaires. Ils
aguichent l'adhérent avec des:
-"je suis syndiqué, pourquoi pas vous- la CGT"
-"Je, nous, tous - FO"
Ou encore un sobre "Solidaires", le nom le plus officiel de SUD.
Il y a encore pas mal d'autres groupes: Les jeunesses communiste, un drapeau arcen-ciel, des lycées, les intermittents, #NuitDebout...et bien plus encore. (Une banane
qui brandi un panneau "il ne faut pas nous prendre pour des poires", un infirmier de
la croix rouge ou encore une clowne, tous présent en cas de besoin)
Il y a du monde à Lille pour un jeudi.
20
Journal de bord
Il y a beaucoup de sons, beaucoup de sonos.
J'entend arriver "La chevauchée des Walkyries". Un vague air qui m'ais familié.
Je cherche du regard, ça m'amuse.
Je vois une petite cinquantaine de type, habillée en noir, cagoule et visage masqué.
Lunette de soleil sur le nez. Nous sommes à Lille.
Ils marchent vite. La tête haute. L'allure victorieuse. On sent un frison de silence à
leur arrivée.
Ils sont suivi de drapeau noir et drapeau du syndicat CNT.
Ce sont mes potos, les anarchos. Qu'ils sont beau. Qu'ils sont rare. Il ne sont pas un
sur cent.
Il faut que j'ai une photo de leur arrivée, de leur première chevauchée.
Je sors le phone. Je ne suis que bébé photographe. De toute façon, je n'aime pas le
pantalon de Tintin.
Je vise, et j'attends que la partie masquée soit passée, par respect pour leur volonté
d'anonymat.
Et là, un petit type masqué me bouscule, et pousse mon téléphone de la main pour
qu'il tombe.
Je saisi son bras, et je le rejette fortement sur l'arrière.
L'action est vite arrêtée par leur allure vive.
Il est loin cet enculé.
Anarcho ou pas, il est fou s'il croit me faire peur.
Je continue de le chercher en remontant la foule, si je croise sa gueule, je le cherche.
Putain merde, pas un poto anarcho quand même!
Je me calme.
Je reprends des photos de mauvaise qualité, que je tweet dans l'instant, et des vidéos
tremblantes au cas où.
Je laisse trainée les oreilles, et cherche à surprendre des communications des RG.
Je fait le yoyo entre la tête et la queue du défilé.
La manif se scinde. Une partie continue le trajet vers place de la république. Une
autre patiente devant la "cité administrative" pour obtenir la "libération" de
manifestant. Une banderole "MEDEF paye tes impôts" coule le long de la façade.
La manif reprend son cours.
21
Journal de bord
Je retrouve les men in black. Mes anarchos. Les miens are black.
Une banderole devant eux. Une à gauche. Une à droite.
Je reconnais la formation, c'est la célèbre tortue romaine.
"Une vie brisé, une vitre brisée" lit-on.
Nous passons devant un Mac-do. Pas besoin de devenir un volatile, leurs ovules
coquées volent déjà très bien sous l'impulsion de l'homme émancipé.
Les œufs et bombe à peinture.
Voilà un Mac-Do.
Désuniformisé par la peinture.
La banque pop, une volée.
Apple, une volée.
Le printemps, une volée. Et une porte vitrée brisé....
J'étais en train d'envoyer un SMS. J'ai failli prendre la pluie.
Il était moins une.
J'envoie une photo à Maman, mal accompagnée d'un:
"Mes copains anarcho ont redécorés le printemps...Désolé..."
Censé être drôle...
Ce ne le fût pas.
4 h 17, il tard, je vais retrouver ma puce.
22