Jeux vidéo : la dernière croisade
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Jeux vidéo : la dernière croisade
232 Geekzone . Jeux vidéo : la dernière croisade Jeux vidéo : la dernière croisade Laisseriez-vous votre fils jouer à GTA4 ? C 'est la rançon du succès ! Depuis leur apparition, les jeux vidéo connaissent le sort autrefois dévolu au rock ou aujourd'hui aux rave parties. Quelques prédicateurs plus ou moins exaltés exploitent les peurs d'une opinion publique décontenancée. Petite présentation de la galaxie ludophobe. Après « Laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stone ? » pendant les années 60, « Laisseriez-vous votre fils jouer à GTA4 ? » est la question posée aux parents des années 2000. C ommençons cet article par un magnifique cliché : « On a peur de ce qu'on ne connait pas ». Voilà, c'est fait. Cette maxime est pourtant le point commun de tous les militants anti-jeux vidéo. C'est aussi leur principale faiblesse. Comment voulez-vous que les gamers prennent au sérieux les critiques de personnes dont on s'aperçoit au bout de deux phrases qu'elles ne connaissent pas le jeu qu'elles attaquent ? Ajoutez à cela un ton systématiquement outrancier qui détruit ce qui leur reste de crédibilité. Il y a pourtant de tout dans la nébuleuse anti-jeux vidéo. On y trouve des opportunistes à la recherche d'une cause, des illuminés crypto-intégristes, des bien-pensants persuadés de sauver la civilisation... mais aussi des critiques souvent de tendance conservatrice, mais qui émettent des craintes qu'il serait imprudent d'ignorer. Notre galerie de portraits ci-après propose quelques exemplaires de chaque catégorie. Logique capitaliste Ces lobbyistes représentent-ils un danger pour la liberté des studios et des joueurs ? Force est de constater qu'aux États-Unis comme en Europe, leurs démarches judiciaires accumulent pour l'instant les bides. Un Jack Thompson qui rend les jeux vidéo responsables du moindre fait-divers sanglant n'a jamais obtenu la moindre réparation ou interdiction. Il est d'ailleurs significatif que ce soient désormais les jeux qui deviennent les boucs-émissaires des récurrentes fusillades américaines, d'avantage que les films violents qui étaient brocardés il y a 20 ans. Pourtant, Jack Thompson, encore lui, déteste tout autant Hollywood que Rockstar Games. La différence est que le cinéma a depuis longtemps assis sa crédibilité artistique (et son poids économique), alors que les jeux vidéo restent largement méconnus. Pour les tenants de l'ordre moral, le secteur a donc l'avantage d'être encore vulnérable à l'offensive du politiquement correct. Mais pour combien de temps ? Avec des recettes de softs et de matériels tournant autour de 50 milliards d'euros en 2008, notre loisir s'est imposé comme LE divertissement le plus lucratif de la planète. Ainsi, il va probablement suivre le même chemin que le cinéma : la puissance du marché Des jeux comme Manhunt ou Carmaggedon racolent les ados en jouant la carte de la transgression bête et méchante. Un peu comme un certain cinéma leur vend des flingues, des bagnoles et du sexe : tout simplement parce que ça se vend. devrait progressivement marginaliser les critiques. Les mêmes médias grand publics qui brocardent, souvent par ignorance, les phénomènes d'addiction ou d'agressivité pourraient devenir d'ardents défenseurs de la « liberté de création » sitôt que le groupe télévisuel qui les emploie aura commencé à investir dans le jeu vidéo. Sous le signe de l'hexagone Quelle est la situation en France ? Un temps présentée comme un épouvantail réactionnaire, l'association Familles de France affirme se consacrer désormais à des travaux d'information et de sensibilisation (voir ci-contre). Au niveau législatif, un projet de loi contre les jeux violents avait été déposé en 1999, puis représenté en 2002, avant de tomber dans l'oubli. Pour des pouvoirs publics somme toute pragmatiques, le jeu représente d'avantage un marché à conquérir qu'une activité à brider. En ce sens, la loi du 5 mars 2007 prévoit d'accorder un crédit d'impôt pour aider les studios français. Il sera cependant refusé aux jeux comportant des séquences à caractères pornographiques ou ultra-violents. Mais pour l'heure, pas de législation directement répressive à l'horizon. La loi sur la prévention de la délinquance, votée en 2007, a finalement abouti à la création prochaine d'une haute autorité qui s'attachera d'abord à revoir la signalétique des produits. Rien de franchement liberticide. Notre pays n'est pourtant pas à l'abri d'un député ou d'un ministre en manque de publicité. Et la loi permet par exemple d'attaquer un distributeur qui laisserait un mineur acquérir un jeu 18+ (soyons honnêtes, les magasins les contrôlent très rarement). Les lobbyistes en contact avec les politi- ques nous ont confié que ces derniers étaient stupéfaits à la vue d'une scène de GTA 4. Paradoxalement, c'est sans doute le fait qu'ils connaissent à peine l'existence des jeux vidéo qui nous évite une croisade bon marché. En attendant cette éventualité, le temps joue pour nous : la génération biberonnée aux pixels devient adulte et elle est vaccinée contre les fantasmes de tous les croisés. Dans les médias, on devine déjà que certains reportages, comme par hasard les moins caricaturaux, sont le fait de jeunes journalistes eux-mêmes joueurs. Comme le concluait Christiane Therry, déléguée générale de Famille de France : « Dans 10 ans, nous n'aurons plus besoin d'alerter les parents sur les jeux vidéo. Ils seront déjà initiés ». De fait, les anciens joueurs de GTA sauront mieux que quiconque ce qu'il convient de laisser à portée de leurs enfants.