Industrie culinaire. Des risques professionnels
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Industrie culinaire. Des risques professionnels
actu e n images Industrie culinaire Des risques professionnels promis à l'emboutissage © Patrick Delapierre pour l'INRS La Société industrielle de Lacanche (SIL) conçoit et fabrique des appareils de cuisson, en particulier des « pianos gastronomes », cuisinières haut de gamme pour particuliers. Attachés à l’aspect humain de l’entreprise, ses dirigeants portent une attention permanente aux conditions de travail. 2 Travail & Sécurité – Novembre 2012 Travail & Sécurité – Novembre 2012 3 actu e n images Les six presses de l'usine, qui datent des années 1950, ont fait l'objet d'une révision mécanique complète et d'une mise en conformité électrique, ainsi que l'exige le décret 93-40 du 11 janvier 1993. Ce banc de perçage a été spécialement conçu pour répondre aux besoins de l'entreprise. 4 Travail & Sécurité – Novembre 2012 Poste de soudage par points. Les opérateurs portent à deux les grandes pièces pour limiter les opérations de manutention. mise en conformité du parc machines a été mené sur plusieurs années. Les six presses, qui datent des années 1950, ont par exemple été mises en conformité électrique en 2008 comme l'exige le décret 93-40 du 11 janvier 1993. Une remise en état mécanique générale a également eu lieu, ainsi qu’une amélioration des systèmes de sécurité sur et autour des presses : instauration de commandes © Patrick Delapierre pour l'INRS © Patrick Delapierre pour l'INRS © Patrick Delapierre pour l'INRS La tôlerie a longtemps été le point sensible, où les coupures étaient la première cause d'accidents du travail. coupures étaient d’ailleurs la première cause d’accidents du travail sur le site. Environ 1 400 tonnes de tôles d’acier transitent chaque année dans l’usine, parmi lesquelles 300 tonnes de chutes partent au ferraillage. Trois types d’acier sont principalement utilisés, présentant différentes nuances, différentes épaisseurs et dimensions. Cisaillage, poinçonnage, soudage, pliage, emboutissage… Ici, on transforme des tôles plates en pièces tridimensionnelles de diverses formes et tailles. Un gros travail de © Patrick Delapierre pour l'INRS I l s’agit d’un produit culturel qui n’est pas uniquement fonctionnel. C’est aussi un objet qui véhicule des valeurs de convivialité et de tradition culinaire, et un élément de décoration qui a un côté unique. » Jean-Jacques Augagneur, P-DG de la Société industrielle de Lacanche (SIL), parle avec passion des pianos de cuisson, les « pianos gastronomes », qui sont fabriqués dans son usine de Lacanche, en Côted’Or. L’entreprise, qui compte 105 salariés et d’où sortent entre 40 et 50 fourneaux par jour, fonctionne avec un savant mélange d’organisation industrielle et d’artisanat. Elle doit en effet gérer les flux de productions depuis les grandes séries jusqu’au modèle unique. « Nous devons avoir la capacité de répondre à toute demande, sans casser la logique de fabrication », poursuit Jean-Jacques Augagneur. L’usine est divisée en deux grandes entités : la tôlerie et les chaînes de montage. L’émaillage des fourneaux, qui intervient avant l’assemblage, est réalisé sur un autre site, en Alsace. La tôlerie a longtemps été le point sensible en matière de conditions de travail. « C’est par nature un environnement hostile, avec beaucoup de manutentions, et les risques de coupure qui les accompagnent », présente Lionel Mistarz, directeur industriel. Jusqu’en 2011, les bimanuelles qui nécessitent que les deux mains de l’opérateur soient mobilisées sur les commandes lorsqu’il actionne la presse, installation de barrières immatérielles et de boutons d’arrêt d’urgence. « Les outils de travail étaient en bon état et bien entretenus. Leur entretien est un élément important dans la sécurité, souligne Lionel Mistarz. Nous avons la volonté de nous inscrire dans la durée : on mise sur le matériel et sur le personnel. » Prémontage et élévation « La SIL est connue de longue date à la Carsat, de façon positive, témoigne Olivier C re m a s c h i , co nt rô l e u r Travail & Sécurité – Novembre 2012 5 actu e n images Des risques professionnels promis à l'emboutissage 6 Travail & Sécurité – Novembre 2012 aménagements ont également été réalisés. En 2011, la ligne de montage consacrée aux « spéciaux », les modèles réalisés à l’unité, a été entièrement réaménagée. Jusqu’alors, les postes de montage s’organisaient autour d’une seule ligne de montage, comportant un système de convoyeur à rouleaux pour déplacer le piano en cours d’assemblage d’un poste à l’autre. Aujourd’hui, avec ce nouvel aménagement, les postes ne se succèdent plus de façon linéaire, mais sont disposés sous forme d’îlots, avec des postes de prémontage qui n’existaient pas auparavant. Chaque îlot est équipé d’une table élévatrice. Les pièces détachées ainsi que tout l’outillage nécessaire sont à disposition autour des postes. Les fourneaux en cours d’assemblage sont désormais déplacés d’un poste à l’autre par un petit transbordeur sur rails. Ils sont poussés avec Aménagement de poste P our l’année 2012, une des actions de la SIL a porté sur le réaménagement du poste de découpe des protections thermiques. Les plaques de laine de verre étaient encore récemment découpées à la main par un opérateur. Afin de se protéger de l’émission de fibres, ce dernier réalisait l’opération équipé d’une combinaison de protection, d’un appareil filtrant à ventilation assistée avec cagoule. Un poste particulièrement pénible et sollicitant physiquement. Une alternative a été trouvée, consistant à découper les plaques automatiquement au jet d’eau haute pression. Un contrat de prévention avec la Carsat a été conclu sur ce poste, avec une subvention couvrant 40 % de l'investissement, soit un montant de 37 000 €. © Patrick Delapierre pour l'INRS En 2012, le mal de dos est la « cause » de l'année chez Lacanche. aisance par les opérateurs. « Après la réorganisation, les premières impressions ont été très positives, relate Lionel Mistarz. Puis il y a eu moins d’enthousiasme. Les pièces détachées n’étaient plus au même endroit, les opérateurs ont eu besoin d’un temps d’adaptation pour trouver de nouveaux repères et acquérir de nouvelles habitudes de travail. Une fois les nouveaux repères assimilés, le bilan est redevenu largement positif. » À l’assemblage des grandes séries, si la ligne n’a pas été réorganisée de la sorte, des © Patrick Delapierre pour l'INRS © Patrick Delapierre pour l'INRS critiques. Certains postes ont pu être encoffrés, cela a permis d’atténuer les nuisances, mais la problématique s’avère difficile à traiter dans sa globalité car on est sur du bâtiment existant », explique encore Olivier Cremaschi. Un projet en partenariat avec la Carsat est néanmoins en cours pour refaire totalement l’encoffrement des deux poinçonneuses situées au milieu des ateliers. À l’assemblage, de multiples © Patrick Delapierre pour l'INRS de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. L’évolution de son parc machines il y a quelques années traduit son approche du risque mécanique. Elle illustre bien la politique sécurité de l’entreprise. » « Il est vrai qu’on a toujours travaillé en partenariat avec la Carsat. On les appelle facilement. Et quand on peut aménager des postes de travail, on le fait », confirme Lionel Mistarz. Le bruit est une autre des nuisances rencontrées dans l’entreprise. « Des mesures ont été réalisées en 2010, montrant des points Postes de polissage. Le port des EPI reste nécessaire dans cet atelier (bouchons d'oreilles, lunettes). Lorsque les salariés sont associés au choix des équipements de protection individuelle, ils les portent plus facilement. aménagements ont été ponctuellement réalisés. Ainsi, au poste de finition de la structure, une table élévatrice, un basculeur et une table tournante ont été installés pour l’opérateur qui intervient à cette étape. Jusqu’alors, il devait enjamber le convoyeur pour passer d’un côté à l’autre de la ligne. Désormais, il reste du même côté, à bonne hauteur, le basculeur et la table tournante aidant à positionner le produit en fonction des opérations à réaliser. Le travail s’adapte ainsi à l’humain. Certains outils ont été spécialement développés pour les besoins de l’entreprise, comme une visseuse à double broche ou un banc de perçage à l’assemblage. « Cela n’existait pas dans le commerce. Nous avons réfléchi à des outils totalement Travail & Sécurité – Novembre 2012 7 actu e n images Des risques professionnels promis à l'emboutissage © Patrick Delapierre pour l'INRS Il y a quelques années, l’entreprise s’est penchée sur L ’histoire de Lacanche est étroitement associée au travail du métal. La présence de minerai de fer, d’eau et de bois en grande quantité sur le site et ses environs en est la principale raison. Au cours des XIXe et XXe siècles, une fonderie, une émaillerie, des ateliers de montage permettent la fabrication d’ustensiles de cuisine, de cheminées, de poêles et de fourneaux. La tôle d’acier émaillée est progressivement utilisée pour la fabrication des appareils de cuisson. Au début des années 1970, la société Coste-Caumartin emploie près de cinq cents personnes. La famille Coste en assure la direction depuis plus d’un siècle. Confrontée à des difficultés financières, à la recherche d’un nouveau souffle, elle est alors cédée. En 1981, André Augagneur, ancien cadre de la société et père de l’actuel P-DG, propose avec quelques associés de poursuivre l’activité. La Société industrielle de Lacanche (SIL) est créée en avril 1982. Une quarantaine de personnes participent à ce nouveau départ. Sous-traitance de tôlerie, équipements et aménagements réalisés pour les cuisines professionnelles constituent alors l’essentiel de la production. Peu à peu, l’activité progresse. Le lancement, en 1992, d’une nouvelle ligne de fourneaux destinés aux particuliers consacre le renouveau de la marque Lacanche. Les produits de la SIL sont aujourd’hui commercialisés en France et sur les cinq continents. 8 Travail & Sécurité – Novembre 2012 © Patrick Delapierre pour l'INRS Le mal de dos, « cause » de l’année Un transbordeur sur rails facilite le déplacement des fourneaux d'un poste de travail à l'autre. Lacanche, une entreprise au long passé industriel l’organisation du travail, en définissant une véritable politique de sécurité. En 2011, une sensibilisation de tout le personnel aux questions de sécurité a été mise en place par l’entreprise. Chaque année, une thématique dominante de santé au travail est définie, afin de se pencher plus en détail sur un problème récurrent rencontré et sur des solutions qui peuvent être apportées. « En 2012, c’est le mal de dos qui est la cause de l’année dans l’entreprise. Dans ce cadre, des améliorations L'installation d'un basculeur et d'une table tournante évite désormais à l'opérateur d'enjamber le convoyeur pour travailler sur la structure des fourneaux. sont envisagées à différents postes de l’usine », présente Christophe Cramette, secrétaire du CHSCT. État des lieux, identification des situations de travail pouvant générer un mal de dos, suggestions de solutions ou améliorations envisagées sur certains postes vont être passés en revue pour © Patrick Delapierre pour l'INRS adaptés à nos besoins et les avons fait réaliser en interne », explique Pierre Hellenthal, responsable maintenance-sécurité. En revanche, le port des équipements de protection individuelle (EPI) reste parfois problématique. « On associe au maximum les opérateurs aux choix, ils les portent ensuite beaucoup plus facilement, commente Lionel Mistarz. En particulier, pour le montage, nous avons choisi des gants avec dernière phalange du pouce et de l’index découpée pour permettre une bonne dextérité lors des opérations demandant le plus de minutie. » progresser sur cette problématique. Certaines manutentions sont susceptibles d’aggraver des maux de dos déjà existants, certaines postures peuvent être pénalisantes. Un contrat de prévention traitant de cette problématique a déjà été conclu avec l’acquisition d’une cercleuse semi-automatique aux emballages. Christophe Delleniaux, le salarié qui occupe le poste, souffre depuis longtemps de douleurs dorsales handicapantes. Surélevée pour être à bonne hauteur, la cercleuse semiautomatique a permis de le L'assemblage des grandes séries s'organise autour d'une ligne de montage avec convoyeur à rouleaux. maintenir à son poste. « Ça a changé mes conditions de travail, je n’ai plus à me baisser. J’ai encore parfois mal au dos, mais maintenant, je reste toujours debout », souligne-t-il. Les conditions de travail des salariés sont une préoccupation permanente de la direction. « On n’a pas la sensation de se heurter à des difficultés pour obtenir les choses. Les remontées du terrain se font assez rapidement. Et on est dans une entreprise familiale où les rapports humains sont très bons », présente encore Christophe Cramette. « Quand on demande quelque chose pour améliorer les conditions de travail, on l’obtient », confirme Aurore Troisgros, aux expéditions. Parmi les aménagements réalisés sur les quais d’expédition, des boudins gonflables isolants ont été installés sur les contours des portes des quais. L’isolation est instantanée dans la zone d’expédition, et les manutentionnaires peuvent évoluer à l’abri du froid et des courants d’air. Un confort de travail indéniable. Par toutes ces actions, la SIL témoigne de sa sensibilité à l’amélioration continue des conditions de travail de ses salariés et se positionne dans une politique durable de prévention des risques. Céline Ravallec Travail & Sécurité – Novembre 2012 9