LES PETITS COMMENCEMENTS Dès 4 ans
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LES PETITS COMMENCEMENTS Dès 4 ans
Théâtre des Marionnettes de Genève Dossier pédagogique saison 2012-2013 – reprise saison 2016-2017 LES PETITS COMMENCEMENTS Création du Théâtre des Marionnettes de Genève Du 22 MARS AU 9 AVRIL 2017 Un spectacle de Guy Jutard Assisté pour le travail préparatoire de Nathalie Cuenet, Mathias Brügger et Xavier Loira Interprétation Olivier Carrel et Maud Faucherre Musique Hélène Zambelli Théâtre de papier Théâtre des Marionnettes de Genève 3 Rue Rodo | 1205 Genève www.marionnettes.ch 50 minutes Dès 4 ans -1- Le spectacle 1. L’histoire Sous la lumière dorée des loupiotes, un duo de comédiens s’agite. Déchirant des feuilles de papier, ces démiurges mettent au monde un minuscule gaillard coiffé d’un petit béret rouge. Nous emboîtons son pas sautillant : ici il joue à l’apprenti sorcier, là il est jardinier aux prises avec une indomptable salade, ailleurs il devient dresseur de nuages. Il rêve de géants, s’effraie du hurlement du loup, et sait grimper jusqu’aux étoiles. Face à une série d’interdits, il continue malicieusement à jouer avec inventivité dans l’espace public. Sur la page blanche de la vie, s’écrivent les « premières fois ». Ces petits riens tissent nos liens avec le vaste monde. Au pays des petits commencements, on écrit à l’encre blanche sur une page noire des mots muets aussi légers que graves, aussi absurdes que poétiques. De case à case. Le spectacle renoue avec l’art délicat d’un théâtre de papier froissé, collé, tressé, présent dans Doux Les petits commencements maux d'amour et maux-croisés (2004/2005) et Gilgamesh (2007) montés jadis avec bonheur au TMG. Tout en conservant le côté brut du matériau (le papier journal) il en propose une autre lecture : à l'écriture très graphique et au caractère d'esquisse en mouvement que permet cette matière, il ajoute la couleur, quelques traits de pinceau, et une mise en espace épurée qui magnifie le cadre en ses multiples tailles et assemblages. Le papier journal ouvre sur une série d’esquisses en mouvement. Déposée par de naïfs coups de pinceau, la couleur accompagne une mise en scène voulue épurée. La création se déploie dans un espace fait de cadres. Des personnages minuscules ou immenses évoluent dans une atmosphère très cinéma, la scène évoque alors les cases silencieuses d’une bande dessinée ou les fenêtres animées d’un immeuble. Pour un récit imaginant les histoires de naissances, entre impatience et grandes espérances. Aux côtés d’esquisses en mouvement, s’ajoutent quelques traits vibrants de couleur. D’image en image s’échafaude, avec légèreté et humour, toute une cosmogonie qui mélange l'éternel et le quotidien. Au cœur d’un décor en plusieurs volets mobiles, la création retrouve ce merveilleux privilège enfantin de la naïveté. Renouant avec les débuts de l’art de la manipulation, ce théâtre de papier raconte que dans tout commencement se froisse déjà une fin. -2- 2. L ’ a r t de s dé bu ts Entretien avec Guy Jutard, qui signe notamment la mise en scène du spectacle. L’histoire du monde comporte tellement de premières fois cheminant entre gravité et légèreté. G. J. : Si le big bang est souvent évoqué en l’associant à une hypothèse de naissance de l’univers, notre vie est, elle, tissée d’une série de mini bangs. En d’autres termes, des occurrences infimes, qui éclatent à intervalles réguliers. À tout âge, l’être humain découvre de nouvelles choses, éprouvant expériences, perceptions et sensations inédites. Même si elles se font plus rares et possiblement moins intenses, il nous arrive de continuer à connaître des premières fois à un certain âge. Ainsi lorsque l’on vous appelle « Monsieur », on s’aperçoit que l’on est parvenu à une relative maturité. Les événements recouvrent l’arc entier de la vie, tout en préservant un souci de lisibilité précise. Les enfants, eux, savent bien que les premières fois sont souvent couronnées d’insuccès. En témoigne le fait de monter seul sur une chaise et de chuter merveilleusement à la première occasion. De quelle manière se présente le décor ? Au chapitre scénographique, il y a un espace-temps que l’on trouve parfaitement magnifié dans les retables de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance italienne. On y trouve dans un seul espace, grâce au mécanisme des volets, une série d’événements qui vont se développer dans le temps. Loin d’un art religieux dont témoignent les retables de Saint François, on peut néanmoins dire que le héros a une place centrale dans ce dispositif à deux volets inspiré de l’histoire de la peinture. Et que les multiple scénettes se déroulent alentours en faisant le focus, le point, en fonction d’un cadre changeant. Il y a aussi une perspective allongée qui ramène à la vision cinéma, voire à l’écran tv au format large ou 16:9. Quelles sont les caractéristiques du théâtre de papier ? Traditionnellement le théâtre de papier est constitué de théâtres en modèle réduit, imprimés, que l’on construisait pour susciter des maquettes de scènes de théâtre. Les personnages étant des petites figurines bidimensionnelles que l’on déplaçait. Ensuite, les marionnettistes se sont emparés de divers types de papier (kraft, journal, japon…) et de cartons en se disant qu’il s’agit d’un matériau que l’on peut travailler comme le bois, le tissu ou les résines plastiques aujourd’hui. -3- Œuvrant, par exemple, sur la base de papier journal ou kraft, on peut en tirer le caractère, l’essence de matériau qui est de pouvoir créer rapidement des personnages, surfaces et volumes dans l’espace. Des réalisations éminemment graphiques souvent équivalentes à des esquisses en matière de dessins. Or dans les esquisses d’un peintre ou dessinateur, se trouvent l’essence du geste, l’ensemble de la dynamique de la construction du personnage, décor ou paysage dans l’espace que l’on perd Les petits commencements souvent dans l’œuvre finie. On peut être davantage fasciné par les esquisses de Delacroix que par ses propres peintures. Cette puissance de l’esquisse se retrouve dans les images avec cette liberté. Le manque de définition et de précision de l‘image favorise intuitivement l’imaginaire et l’imagination. Propos recueillis par Bertrand Tappolet 3. La musique Pour le personnage principal, un doux rêveur, curieux de tout et se baladant en tous sens de manière arythmique, une mélodie à cinq temps a été créée. C’est une ritournelle que l’on entend en majeur, mineur, valse ou dans une atmosphère proche du cirque. Parmi les sources d’inspiration on peut songer au compositeur italien Nino Rota, qui a notamment réalisé des musiques restées célèbres pour les films La Strada et Huit et demi de Fellini. L’idée de départ est de créer des variations sur les tableaux successifs selon les humeurs, tour à tour surprises, joyeuses et mélancoliques du héros et les événements qui jalonnent le spectacle. Pour la jeune oreille, il est souvent intéressant de reconnaître une mélodie jusque dans ses différentes variations. Il s’agit de sons parfois désuets proches du cinéma burlesque et poétique dû au cinéaste et acteur français Jacques Tati, utilisant, par ailleurs des borborygmes pour les personnages qu’il incarne. Il provoqua un bouleversement de la hiérarchie interne du cinéma sonore ; la parole n'y est qu'un bruit parmi les autres. Chez lui, tous les sons sont amplifiés, répétés. Un effet de décalage est ainsi produit, accentuant l'aspect comique. Ainsi, on entendra dans Les petits commencements, des sonorités venant de vieux claviers des années 50 comme le « farfisa ». Certains tableaux scéniques ne sont accompagnés que du bruit du papier que les comédiens marionnettistes froissent et manipulent. Les transitions entre les scènes ont fait l’objet d’un soin particulier. La composition musicale se veut simple, épurée, presque « enfantine », renouant avec la tradition des comptines. Elle est proche, dans le travail de réalisation, de la partition musicale de Soucis de plume. Un spectacle créé au TMG en 2007, où le périple du héros, Monsieur Petitmonde, croise des préoccupations liées aux changements climatiques et à nos habitudes de consommation. D’après des propos recueillis d’Hélène Zambelli -4- 4. T e m ps e t e n v ir o n n e m e n t Deux questions à Guy Jutard, auteur du spectacle Comment abordez-vous le temps? Nous ne sommes pas dans une chronologie précise, avec des événements qui se succèdent en développant des rapports entre eux. Mais au Les deux bornes de cette création sont cœur d’un ensemble d’images qui pourraient la naissance et la disparition. advenir à divers moments de la vie d’un petit bonhomme. Ce dernier n’est pas sans faire songer au célèbre héro du dessinateur Franquin, Gaston. Il a une formule tout à lui, qui est l’équivalent du « M’enfin » du personnage imaginé par Franquin. Il peut aussi faire songer à celui du dessin animé La Ligne créé par le dessinateur italien Osvaldo Cavandoli et projeté à la tv dès les années 70. Souvent excité, le personnage principal de cette série animant une ligne blanche sur fond bleu, marmonne, s’étonne, proteste, admire puis disparaît. Les deux bornes de cette création sont constituées par la naissance et la disparition. Cette dernière est traitée comme le retour à un univers, un Grand Tout. Selon ce que l’on retrouve au fil de traditions, religieuse ou non, mythiques ou scientifiques nous suggérant que les atomes qui nous constituent retournent au monde qui les a suscités. La naissance est un moment théâtral où le personnage principal prend vie dans la page d’un album de photos, sortant de sa propre case photographique pareil à l’oiseau qui éclot de l’œuf. L’opus s’inscrit dans l’idée que les choses recommencent sans fin, retrouvant le cycle même de la vie et celui d’une journée qui se répète au gré d’une existence. Qu’est-ce qui vous a attiré dans les univers croisés de Franquin et Sempé ? Franquin est l’un des grands comiques burlesques et gestuels du 20e siècle en compagnie de Chaplin et Tati. Comme le montre le personnage de Zorglub dans Spirou, ou la voiture de Gaston, les préoccupations écologiques et environnementales sont déjà présentes. Sempé, lui, met de bonne humeur et permet de prendre une distance ludique et philosophique face aux événements. Le principe est de rassembler une situation, son développement et surtout sa chute. L’art de Sempé et Franquin est de nous tenir en haleine au fil du récit menant à une fin inattendue. Ainsi, si l’on s’attend toujours à la bévue et la gaffe chez Gaston, ce moment est rarement comme on l’aurait imaginé. Chez Sempé existent aussi de vraies préoccupations écologiques que le spectacle aborde sous formes de clin d’œil. -5- 5. Théâtre, vos papiers… Depuis la fin du siècle dernier, le théâtre de papier est une technique adoptée par de plus en plus d’artistes, issus ou non du monde de la marionnette. A l’origine, il s’agit d’un théâtre miniature. Il prend comme référence le vrai théâtre et essaie de copier, non seulement la technique scénique et le décor mais aussi le répertoire. Les débuts du théâtre de papier remontent à la fin du 18e siècle. A cette époque on joue de petites saynètes, pour les anniversaires et autres occasions. Des pièces appropriées pour les petits théâtres (la plupart du temps à contenu moralisateur) apparurent. Au fil du temps, le théâtre de papier a ainsi réussi à établir le lien entre les marionnettes à main ou à fils et le théâtre classique. Le théâtre de papier prend vraiment son essor au milieu du 19 e siècle où il servait à reproduire dans les familles les pièces de théâtre à succès et ainsi les rendre accessibles et visibles pour les enfants. Il s'agit d'un théâtre à l'italienne miniature tenant en général sur une table. Les figurines sont à l'échelle du théâtre. Elles sont actionnées par des tirettes en carton ou en fer latéralement par le narrateur qui se tient généralement derrière la table.Les années passant la technique évolue. Au début du 20e siècle avec la généralisation de l’électricité dans les foyers, le théâtre se complexifie avec l’apparition de mécanismes et d’effets spéciaux le rendant de moins en moins accessible à un jeune public. En France, il tombera en désuétude après la Première Guerre mondiale, victime de l’arrivée de jouets plus modernes et de du désintérêt des éditeurs pour ce type de théâtre. Cependant des pays comme le Danemark, les Pays Bas, l’Allemagne, les U.S.A. et bien sûr l’Angleterre, contribuent à le faire vivre par le biais d’imprimeurs dynamiques, d’illustrateurs et de nombreux passionnés. Depuis une vingtaine d’années, un noyau dur d’artistes (Alain Lecucq, Éric Poirier...) a décidé de faire renaitre et de promouvoir cette forme théâtrale ancienne sur l’hexagone. Pour cela il fallait l’ouvrir à de nouvelles perspectives, en le rapprochant et l’associant à d’autres arts scéniques (théâtre d’objets, musique, théâtre d’ombre). De plus, des festivals spécifiques à ce mode d’expression se créent ou se développent en Europe (Preetz, Fishmarket, Epernay...). En parallèle, des actions sont menées dans les écoles afin de faire découvrir et sensibiliser le jeune public au théâtre de papier. Des papiers expressifs Au Théâtre des Marionnettes de Genève, il y eut d’abord Doux maux d'amour et maux-croisés (20042005). Neuf carrés de lumière, quatre manipulateurs, huit mains. Pas de mots et juste le bruit du -6- papier journal froissé. Un univers étrange qui s’appuie sur un monde de papier, gorgé de mots annonciateurs de nouvelles, d’où naissent les personnages d’une série d’images à l’humour grinçant. Les figures sont minuscules ou démesurées, assemblages de feuilles fripées ou nouées, visages drôles ou inquiétants. On l’aura compris, ces dérisoires figures de papier parlent d’essentiel. Puis en 2007 pour Gilgamesh (2007), au foisonnement d’images évoqué par le plus ancien des textes mythologiques répond une mise en scène épurée laissant la part belle aux mots et à la musique. Les marionnettes sont faites de papier kraft noué, collé, ficelé, comme créé sur l’instant et dont la couleur évoque les sables du désert où les fragments écrits de cette antique histoire furent retrouvés. Ces marionnettes de papier dans leur apparente fragilité permettent une grande puissance de mouvements. On les caresse, les manipule avec une extrême délicatesse, mais aussi on les étire, les déchire. Les six comédiens sont à la fois conteurs, chanteurs, manipulateurs. Trois musiciens, qui font bruisser cette épopée de sonorités orientales, se mêlent au jeu des marionnettes. La lumière, créatrice des lieux et des instants, met en valeur le matériau de ce spectacle : le papier froissé devient ainsi, au gré des scènes, de l’or, l’eau de la rivière, ou le feuillage de la Forêt des Cèdres. 6. Fins et commencements La mémoire est lacunaire sur nos « premières fois ». De toutes nos expériences premières nous restent au cœur les plus marquantes, les plus originales ; et pourtant les autres, les petits commencements, ces "mille petits riens" qui tissent nos liens avec le « grand tout du monde » restent enfouis dans notre inconscient. Et ces petits débuts ne sont pas les moins importants. Un spectacle en forme de petite métaphysique des commencements à l'usage des plus jeunes, où l'on apprend sans tristesse que tout commencement induit une fin, que vie et mort dansent ensemble une ronde éternelle. Une suite d'histoires de naissances marquée par cet ambivalent sentiment de peur et d'impatience qui caractérise l'attente des commencements, ce que cache une porte fermée, ou ce que voile un ciel étoilé nuageux. Le spectacle se feuillette comme un album de Sempé, ou comme les gaffes successives du Gaston de Franquin. Un petit personnage, issu d’une généalogie fantasque, nait à la première image. Dans l’image suivante il s’agite autour d’un rideau rouge, qui semble refuser de s’ouvrir après les trois coups du brigadier. On le retrouve jardinier aux prises avec une salade monstrueuse. Plus loin, il fait -7- l’expérience de la peur dans la verte forêt où il était venu chercher le calme. Au fil des images il est cueilleur d’étoiles ou dompteur de nuages, ou rêve d’un géant qui s’envole. Un spectacle qui recommencerait et Un spectacle fait de multiples commencements et multiples fins où les mots sont rares et ou la musique dialogue avec les gestes. finirait plusieurs fois. Durant les nombreuses années passées auprès du jeune public (les 4-7 ans entre autres), j’ai toujours été frappé par l’impatience de ces jeunes spectateurs avant que le spectacle ne commence. Une expérience qui s’est confortée ces dernières années lorsque j’accueille et place les enfants lors des représentation de notre théâtre. « Ça commence quand, Monsieur ? Pourquoi ça ne commence pas ?... » Et ritournelle récurrente à la fin d’un acte ou d’une scène : « C’est fini ? »” Etonnante quête enfantine de la connaissance du début et de la fin des choses. Alors est né en moi le désir de faire un spectacle qui recommencerait et finirait plusieurs fois : une façon d’amoureusement ”me venger”. Une façon de rentre hommage aussi à ceux qui composent une oeuvre mettant bout à bout vingt histoires ou cinquante dessins: je pense à Tomi Hungerer, et surtout à Sempé. Autour de la belle unité esthétique qui forme l’ossature de leurs oeuvres, ils laissent s’épanouir la poésie et l’humour dans le raccourci, la forme courte. C’est ce que j’ai tenté dans cette succession de sketches, amusante construction que je pourrais prolonger à l’infini, multipliant ainsi les commencements et me guérissant – bien tard – de mon impatience toute enfantine. Mon carnet d’esquisses est un castelet tout simple, une lucarne, une fenêtre. J’y croque rapidement avec du papier journal collé, ficelé, assemblé et qui trouve son mouvement, sa dynamique sur l’instant. Apparente simplicité qui me fait redécouvrir l’essence d’un métier que je pratique depuis quarante années. Guy Jutard 7. La toute première fois « La première fois »… Que de choses à raconter… ou à rêver ! Cette expression est porteuse de souvenirs et de promesses. L’histoire du monde comporte tellement de premières fois... Une première fois ne fait pas toujours rêver... Elle peut être aussi une expérience délicate et peu convaincante. Les traces laissées par une « mauvaise expérience » sont-elles indélébiles, ou bien d’autres viendront-elles en réparation ? « La première fois » n’est décidément pas synonyme que de légèreté et de joie. La vie en occasionne beaucoup qui devraient nous interpeller, nous faire réagir, par ex. lorsqu’on est témoin d’une injustice. Mais la part de l’émotion entraîne une censure qui appauvrit notre capacité de réaction. L’expression implique une temporalité. Elle suppose d’autres fois à venir, une accumulation d’expériences. On touche alors la délicate question du vieillissement : les premières fois se font de plus en plus rares, et il peut être bien tard pour une « première fois »... Nous voici plongés dans la fuite du temps. Et contrairement à l’expression courante, ce n’est pas le temps qui passe mais nous qui passons dans le temps. -8- « L’expérience » est un grand mot : recouvre-t-il une sagesse, qui ferait autorité, ou un excès de présomption ? Richesse ou appauvrissement ? Ce merveilleux privilège enfantin de la Les opinions sont partagées. Ou bien elle permet d’approfondir notre connaissance de soi naïveté, et du monde, et constitue toutes ces étapes de la vie qui nous ouvrent des portes nouvelles. d’une confiance en l’humanité. Ou bien la répétition et l’ennui nous gagnent, l’enthousiasme s’effrite, le désir d’inconnu et la disponibilité pour accueillir du nouveau déclinent inexorablement, et ce merveilleux privilège enfantin de la naïveté, d’une confiance en l’humanité devient hors de portée. Toutefois, il existe une planche de salut dans l’origine, à ne pas confondre avec le commencement et grâce à laquelle l’expérience est toujours devant soi. L’indice de la vie, c’est que chaque expérience, même répétée, soit vécue comme une première fois. Voilà de quoi nous réenchanter. Il y a toujours du mystère dans une expérience, la répétition n’existe pas, mon regard peut varier mille fois pour une même personne, une même situation, une même œuvre, un même paysage. Et comme dit la chanson : « Tu peux m'ouvrir cent fois les bras / C'est toujours la première fois »… Dans ces instants d’éternité l’expérience est portée à une sorte d’absolu, se trouve hors du temps. Gérard Tissier 8. Exploration des « premières fois » Racontez une série de récits sur tes « première fois », ces basculements, ces moments initiatiques, ces instants décisifs et surprenant qui parsèment notre vie : premier émerveillement, première découverte, première chute, premier déclic. Quand on fait ou qu’on sent quelque chose pour la première fois, c’est important. C’est une aventure grande ou minuscule qui laisse des traces pour toujours. La première fois que j’ai regardé un cheval. La première fois que j’ai eu un vélo. La première fois que j’ai respiré le parfum d’une fleur. La première que j’ai été à la montagne, à la mer… La première fois que j’ai sauté. La première fois que j’ai trait une vache. La première fois que j’ai regardé une libellule. La première fois que j’ai eu envie d’être maman. La première fois que l’on m’a dit : « Je t’aime ». -9- Il y a des première fois dont toute la famille peut se souvenir. Par exemple, la première fois qu’on a droit à un couteau et une fourchette. La première fois qu’on est invité à dormir chez une amie ou un ami La première fois que je suis née (une cinquante de « premières fois » : se déguiser, voir une étoile filante...) Le livre de mes premières fois (celles de bébé : premier sourire, premiers pas...) La première fois que j'avais quatre ans... (anniversaire, fête) La première fois, on pardonne (sur les bêtises) Les toutes, toutes premières fois – comment tout, ou presque, a commencé (l’humanité !) 9. Fabriquer votre théâtre en papier 1. Prenez du papier journal, de préférence en noir et blanc. 2. Découpez de grandes feuilles. 3. Froissez le papier pour obtenir, par exemple, une tête, en nouant la matière comme un lacet. 4. N’hésitez pas à faire plusieurs essais ou à déchirer les feuilles si nécessaire. 5. Préalablement, vous pouvez peindre la surface du journal à la peinture acrylique et laisser sécher pendant une heure en suspendant le papier peint à une corde à linge. 6. Choisir des couleurs unies (bleu, orange, rouge) 7. Pour un personnage, on peut peindre le nez en rouge et le reste du corps en brun, une fois les marionnettes ont été créées en les découpant et en les sculptant dans le papier. 8. Pour éclairer les figurines, privilégiez un éclairage doux, rasant et peu puissant. Il peut être obtenu par des petits spots ou les lumières de bougies protégées sous du verre. 9. Imaginez une aventure en neuf cases dessinées. Par exemple, un petit jardinier cultive une salade et il lui arrive plein d’imprévus avec ce légume. Le jardinier peut être fait de papiers noué et collé, la salade est une grande feuille de papier journal que vous aurez mise en boule et froissée pour ressembler à une salade. Ainsi le légume, en se déployant, peut devenir immense et jouer avec son jardinier. - 10 - 10. Tracez neuf cases et dessinez à l’intérieur une histoire comme dans un album illustré ou une bande dessinée avec un début (une case) un développement (sept cases) et une chute ou fin (une case). Ce court récit peut comprendre un ou plusieurs gags, voire des détails ironiques. 11. Pour le décor, on peut partir de photographies prises au cours de promenades ou trouvées dans des revues, sur Internet... Trouver des images de paysages forestiers dans lesquels la nature prend le dessus (arbres enchevêtrés, traces de pas d’animaux, maisons en ruine, ruisseau...). Mais aussi des images de zones boisées plus domestiquées (végétation plantée par l’homme et alignée, marquage des arbres, panneaux indicateurs, chemins, ponts...). Assemblées, superposées, ces images contrastées peuvent faire l’objet d’une composition sur la forêt, dans laquelle se cachent vos animaux préférés et des personnages imaginaires. 12. On a aussi la possibilité d’apporter une image qui évoque un lieu, une idée, une histoire. L’intégrer dans une feuille de grand format et intervenir par-dessus ou autour d'elle pour mettre en valeur l'idée qu'elle inspire à l'enfant. 13. Dans leur mise en scène, on peut demander aux enfants de réfléchir à un environnement, des attitudes des personnages, des accessoires et des bruitages qui soient proches de leur quotidien (un personnage en train de jouer, des voitures dans la rue, une musique à la mode…). 10. Les influences du spectacle : Sempé, Franquin, Ungerer Sempé Observateur taquin des petits travers qui sont nos luxes quotidiens, Sempé, né le 17 août 1932 à Bordeaux, a su imposer un style graphique à la fois dépouillé et très expressif. Le dessin d'humour au trait lui a certes apporté la célébrité, mais l'aquarelle semble caractériser désormais l'ensemble de son œuvre. C'est peut-être sa rencontre avec René Goscinny qui fut à bien des égards la plus décisive pour donner un ton nouveau au dessin d'humour français ; Le Petit Nicolas, ce contemporain d'Astérix, associa les deux hommes au fil de cinq albums Les petits commencements parus de 1960 à 1964. Parallèlement, les premiers recueils de Sempé affichent leur filiation avec l'inspiration désarmante d'un regard enfantin sur le monde : Rien n'est simple (1962), Tout se complique (1963), Sauve qui peut (1964) et Monsieur Lambert (1965). Avec ce dernier titre, un nouveau type social est né, cousin du petit - 11 - bourgeois à chapeau, pardessus et parapluie : « J'ai faim, j'ai froid et je veux de l'amour », annonce celui-ci à celle qui partage son douillet domicile. Autour des années 1970, l'apogée de la société de consommation fut l'occasion pour Sempé de montrer les incohérences et les excès de celle-ci. Si le trait a très vite défini le style graphique de l'humoriste, la couleur a su pénétrer cet univers en l'enrichissant d'une subtilité esthétique délicate. Au fil des albums, les jeux de l'image et de la légende - long commentaire ou formule lapidaire - ont été soigneusement explorés. Sempé se révèle être un créateur secret, même, et surtout lorsqu'il parle de son travail : « Ce qui me séduit tellement dans le dessin humoristique, c'est qu'on exprime certaines choses avec pudeur. C'est certainement une façon de parler de soi sans en avoir trop l'air. » Toute une vie de travail, le crayon à la main, et la création d'un univers poétique entre tous reconnaissable : le monde de Sempé, familier et intemporel, peuplé d'individus qui nous ressemblent énormément, tiraillés entre des rêves sublimes et un quotidien dérisoire. Franquin Comme l'autre grand nom de la bande dessinée belge, Hergé, c'est dans la commune bruxelloise d'Etterbeek qu'est né André Franquin, le 3 janvier 1924. Il n'a que vingt-deux ans quand Jijé (Joseph Gillain), alors pilier du journal Spirou, lui abandonne la principale bande dessinée du magazine. De 1946 à 1968, André Franquin est chargé de cette série. Aux deux héros, les journalistes Spirou et Fantasio, il ajoute des personnages secondaires rapidement essentiels, comme le comte de Champignac (1951), savant génial, et son double maléfique, Zorglub (1959), et surtout le Marsupilami (1952), animal fabuleux, originaire de Palombie - État fictif de l'Amérique du Sud ; il est à la fois mammifère et ovipare, comme le révèle l'épisode Le Nid des marsupilamis. Lassé des contraintes d'une série qui n'est pas tout à fait la sienne, André Franquin, parallèlement à Spirou, réalise d'autres bandes : de 1955 à 1959 il livre à l'hebdomadaire Tintin « Modeste et Pompon », gags en une page sur la vie quotidienne de deux jeunes gens, puis il crée en 1957 dans Spirou le héros - ou plutôt l'antihéros - qui lui apportera la célébrité, Gaston Lagaffe, garçon de bureau (fictif !) de ce journal. À travers ce personnage aux inventions farfelues, qui introduit parmi des employés surmenés et pénétrés de l'importance de leur travail une vision ludique et poétique de l'existence, André Franquin brosse un tableau ironique du monde de l'entreprise, de son culte de la productivité et de la rentabilité. Il laisse deviner son intérêt pour l'écologie, sa sympathie pour les marginaux, son aversion pour l'autoritarisme, sa conception anarchisante de la vie en société. Il disparait en 1997. Hergé a dit de lui : « C'est un grand artiste, à côté duquel je ne suis qu'un piètre dessinateur ». Son graphisme est vif, expressif, son humour se révèle inspiré, subtil et intelligent. Son œuvre influence des générations entières d’auteurs. Tomi Ungerer Auteur d'inoubliables albums pour les enfants, illustrateur, dessinateur d'humour et caricaturiste, affichiste et créateur de publicités, Tomi Ungerer est un graphiste à forte inspiration satirique. Né le 28 novembre 1931 à Strasbourg, Jean-Thomas dit Tomi grandit au sein d'une famille bourgeoise et protestante. De son père, perdu à l'âge de quatre ans, spécialiste des horloges astronomiques, l'enfant gardera le souvenir d'un homme passionné de dessin et de livres. Après ce décès, la famille déménage près de Colmar, où Tomi est choyé dans un milieu sensible aux arts et aux lettres. - 12 - Il part pour les États-Unis en 1956 et s'installe à New York un an plus tard. Commence alors pour lui une période de célébrité fulgurante. De 1957 à 1974, les albums pour les enfants contribuent à ses premiers succès : la série The Mellops de 1957 à 1963, puis des histoires d'animaux incongrus tel le boa Crictor (1958). Parallèlement il illustre avec William Cole des poèmes dans la pure tradition du non-sens anglo-saxon. Avec Allumette (1974), Tomi Ungerer subvertit plus ouvertement la morale traditionnelle du genre et ses personnages révolutionnent les mœurs avec une généreuse innocence. Il y eut entre autres ensuite Flix (1997), et son couple de chats heureux. Ils attendent un enfant. Le jour de la naissance, ils ont une surprise: le bébé est un chien. A Chatville, la nouvelle fait sensation ; Trémolo (1998), histoire d’un musicien qui s’exerce jour et nuit, ce qui n’est pas du goût de ses voisins. Il reçoit le Prix Hans Christian Andersen pour l'ensemble de son œuvre en 1998. Viennent alors Otto (1999), récit d’un ours en peluche abordant le thème du racisme et Le Nuage bleu (2000), récit d'un nuage pas comme les autres, qui ne veut que le bien des habitants de la Terre et ferait tout pour les sauver. Jusqu’au savoureux, Où est ma chaussure ? (2012) qui voit le godillot se métamorphoser en oiseau, tête de serpent, corne de vache ou rhinocéros faisant un pied de nez. Somptueusement illustrés, les albums de Hungerer sont souvent des fables humanistes. 11. Bibliographie Les Premières fois • • • • Elisabeth Brami, Philippe Bertrand, Les Premières fois, Paris, Seuil, 1999 Vincent Cuvellier, La Première fois que je suis née, (Illustrations : Charles Dutertre), Paris, Gallimard, 2006 Catherine Dolto-Tolitch, Colline Faure-Poiree, Les Premières fois, (Illustrations : Joëlle Boucher), Paris, Gallimard, 2000 Jean-Pierre Gueno (dir.), Premières fois. Le Livre des instants qui ont changé nos vies, Paris, EJL, CD, 2003 Bande dessinée • • • • Patrick Gaumer, Dictionnaire mondial de la Bande dessinée, Paris, Larousse-Bordas, 1998 Francis Lacassin, Pour un neuvième art de la bande dessinée, Genève, Slatkine, 1982 Claude Moliterni, L’ABCdaire de la bande dessinée, Paris, Flammarion, 2002 Claude Moliterni, Les Aventures de la BD, Paris, Gallimard, 1996 Franquin • Pierre-Yves Bourdil, Franquin, Bruxelles, Labor, 1993 • Et Franquin créa La Gaffe. Entretiens avec Numa Sadoul, Distri BD-Schlirf, 1986 • André Franquin, Le Bureau des gaffes en gros, Paris, Dupuis, 2009 • André Franquin, Le Cas La Gaffe, Paris, Dupuis, 2009 - 13 - Sempé • Jean-Jacques Sempé, Malvida, Portrait de créateur, DVD, 2010 • Jean-Jacques Sempé, Les Bêtises du Petit Nicolas, Paris, Gallimard, 2008 • Jean-Jacques Sempé, Richard Goscinny, Le Petit Nicolas, Paris, Denoël, 2005 • Jean-Jacques Sempé, Richard Goscinny, Les Vacances du Petit Nicolas, Paris, Folio Junior, 2004 • Jean-Jacques Sempé, Richard Goscinny, Le Petit Nicolas. Adaptation en série animée tendre et poétique, Paris, M6, 2009 Ungerer • Tomi Ungerer, Un point c’est tout, Montrouge, Bayard, 2011 • Tomi Ungerer, Où est ma chaussure ? Paris, Ecole de loisirs, 2012 La marionnette • Encyclopédie des arts de la marionnette, Montpellier, Ed. de l’Entretemps, 2009 • Les Mains de lumière. Anthologie des écrits sur l’art de la marionnette, (textes réunis et présentés par Didier Plassard), Charleville-Mézières, Institut International de Marionnette, 1996 ► Les ouvrages et documents cités dans cette sélection bibliographique ont été choisis pour vous. Ils sont disponibles dans le cadre des Bibliothèques Municipales et de la Bibliothèque de Genève. Ce dossier contient des propositions à l’attention des enseignants. Il est évident qu’ils sont les mieux placés pour adapter le contenu à leur classe, et que ce document ne peut être transmis tel quel aux élèves. Pour des informations complémentaires : Théâtre des Marionnettes de Genève 3, rue Rodo - cp 217 - 1205 genève tél. +41 (0) 22 807 31 00 e-mail : [email protected] Pour les Réservations Ecoles : Joëlle Fretz tél. +41 (0) 22 807 31 06 e-mail : [email protected] Davantage d’informations sur : www.marionnettes.ch TT - 14 -