LES PETITS COMMENCEMENTS Dès 4 ans

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LES PETITS COMMENCEMENTS Dès 4 ans
Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier pédagogique saison 2012-2013 – reprise saison 2016-2017
LES PETITS COMMENCEMENTS
Création du Théâtre des Marionnettes de Genève
Du 22 MARS AU 9 AVRIL 2017
Un spectacle de
Guy Jutard
Assisté pour le travail préparatoire de
Nathalie Cuenet, Mathias Brügger et
Xavier Loira
Interprétation
Olivier Carrel et Maud Faucherre
Musique
Hélène Zambelli
Théâtre de papier
Théâtre des Marionnettes de Genève
3 Rue Rodo | 1205 Genève
www.marionnettes.ch
50 minutes
Dès 4 ans
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Le spectacle
1. L’histoire
Sous la lumière dorée des loupiotes, un duo de
comédiens s’agite. Déchirant des feuilles de
papier, ces démiurges mettent au monde un
minuscule gaillard coiffé d’un petit béret rouge.
Nous emboîtons son pas sautillant : ici il joue à
l’apprenti sorcier, là il est jardinier aux prises avec
une indomptable salade, ailleurs il devient
dresseur de nuages. Il rêve de géants, s’effraie du
hurlement du loup, et sait grimper jusqu’aux
étoiles. Face à une série d’interdits, il continue
malicieusement à jouer avec inventivité dans
l’espace public.
Sur la page blanche de la vie, s’écrivent les
« premières fois ». Ces petits riens tissent nos
liens avec le vaste monde. Au pays des petits
commencements, on écrit à l’encre blanche sur
une page noire des mots muets aussi légers que
graves, aussi absurdes que poétiques. De case à
case.
Le spectacle renoue avec l’art délicat d’un théâtre
de papier froissé, collé, tressé, présent dans Doux
Les petits commencements
maux d'amour et maux-croisés (2004/2005) et
Gilgamesh (2007) montés jadis avec bonheur au
TMG. Tout en conservant le côté brut du matériau (le papier journal) il en propose une autre lecture : à
l'écriture très graphique et au caractère d'esquisse en mouvement que permet cette matière, il
ajoute la couleur, quelques traits de pinceau, et une mise en espace épurée qui magnifie le cadre en
ses multiples tailles et assemblages.
Le papier journal ouvre sur une série d’esquisses en mouvement. Déposée par de naïfs coups de
pinceau, la couleur accompagne une mise en scène voulue épurée. La création se déploie dans un
espace fait de cadres. Des personnages minuscules ou immenses évoluent dans une atmosphère
très cinéma, la scène évoque alors les cases silencieuses d’une bande dessinée ou les fenêtres
animées d’un immeuble. Pour un récit imaginant les histoires de naissances, entre impatience et
grandes espérances. Aux côtés d’esquisses en mouvement, s’ajoutent quelques traits vibrants de
couleur. D’image en image s’échafaude, avec légèreté et humour, toute une cosmogonie qui mélange
l'éternel et le quotidien. Au cœur d’un décor en plusieurs volets mobiles, la création retrouve ce
merveilleux privilège enfantin de la naïveté. Renouant avec les débuts de l’art de la manipulation, ce
théâtre de papier raconte que dans tout commencement se froisse déjà une fin.
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2. L ’ a r t de s dé bu ts
Entretien avec Guy Jutard, qui signe notamment la mise en scène du spectacle.
L’histoire du monde comporte tellement de premières fois cheminant entre gravité et légèreté.
G. J. : Si le big bang est souvent
évoqué en l’associant à une hypothèse
de naissance de l’univers, notre vie est,
elle, tissée d’une série de mini bangs. En
d’autres termes, des occurrences infimes,
qui éclatent à intervalles réguliers. À
tout
âge, l’être humain découvre de
nouvelles choses, éprouvant expériences,
perceptions et sensations inédites. Même
si elles se font plus rares et possiblement
moins intenses, il nous arrive de
continuer à connaître des premières fois
à un certain âge. Ainsi lorsque l’on vous
appelle « Monsieur », on s’aperçoit que
l’on est parvenu à une relative maturité.
Les événements recouvrent l’arc entier de la vie, tout en préservant un souci de lisibilité précise.
Les enfants, eux, savent bien que les premières fois sont souvent couronnées d’insuccès. En
témoigne le fait de monter seul sur une chaise et de chuter merveilleusement à la première occasion.
De quelle manière se présente le décor ?
Au chapitre scénographique, il y a un espace-temps que l’on trouve parfaitement magnifié dans les
retables de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance italienne. On y trouve dans un seul
espace, grâce au mécanisme des volets, une série d’événements qui vont se développer dans le
temps. Loin d’un art religieux dont témoignent les retables de Saint François, on peut néanmoins dire
que le héros a une place centrale dans ce dispositif à deux volets inspiré de l’histoire de la peinture.
Et que les multiple scénettes se déroulent alentours en faisant le focus, le point, en fonction d’un
cadre changeant. Il y a aussi une perspective allongée qui ramène à la vision cinéma, voire à l’écran
tv au format large ou 16:9.
Quelles sont les caractéristiques du théâtre de papier ?
Traditionnellement le théâtre de papier est constitué de théâtres en modèle réduit, imprimés, que l’on
construisait pour susciter des maquettes de scènes de théâtre. Les personnages étant des petites
figurines bidimensionnelles que l’on déplaçait. Ensuite, les marionnettistes se sont emparés de divers
types de papier (kraft, journal, japon…) et de cartons en se disant qu’il s’agit d’un matériau que l’on
peut travailler comme le bois, le tissu ou les résines plastiques aujourd’hui.
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Œuvrant, par exemple, sur la base de
papier journal ou kraft, on peut en tirer
le caractère, l’essence de matériau qui
est de pouvoir créer rapidement des
personnages, surfaces et volumes
dans
l’espace.
Des
réalisations
éminemment
graphiques
souvent
équivalentes à des esquisses en
matière de dessins. Or dans les
esquisses d’un peintre ou dessinateur,
se trouvent l’essence du geste,
l’ensemble de la dynamique de la
construction du personnage, décor ou
paysage dans l’espace que l’on perd
Les petits commencements
souvent dans l’œuvre finie. On peut
être davantage fasciné par les
esquisses de Delacroix que par ses propres peintures. Cette puissance de l’esquisse se retrouve
dans les images avec cette liberté. Le manque de définition et de précision de l‘image favorise
intuitivement l’imaginaire et l’imagination.
Propos recueillis par Bertrand Tappolet
3. La musique
Pour le personnage principal, un doux rêveur, curieux de tout et se baladant en tous sens de manière
arythmique, une mélodie à cinq temps a été créée. C’est une ritournelle que l’on entend en majeur,
mineur, valse ou dans une atmosphère proche du cirque. Parmi les sources d’inspiration on peut
songer au compositeur italien Nino Rota, qui a notamment réalisé des musiques restées célèbres
pour les films La Strada et Huit et demi de Fellini. L’idée de départ est de créer des variations sur les
tableaux successifs selon les humeurs, tour à tour surprises, joyeuses et mélancoliques du héros et
les événements qui jalonnent le spectacle. Pour la jeune oreille, il est souvent intéressant de
reconnaître une mélodie jusque dans ses différentes variations.
Il s’agit de sons parfois désuets proches du cinéma burlesque et poétique dû au cinéaste et acteur
français Jacques Tati, utilisant, par ailleurs des borborygmes pour les personnages qu’il incarne. Il
provoqua un bouleversement de la hiérarchie interne du cinéma sonore ; la parole n'y est qu'un bruit
parmi les autres. Chez lui, tous les sons sont amplifiés, répétés. Un effet de décalage est ainsi
produit, accentuant l'aspect comique. Ainsi, on entendra dans Les petits commencements, des
sonorités venant de vieux claviers des années 50 comme le « farfisa ». Certains tableaux scéniques
ne sont accompagnés que du bruit du papier que les comédiens marionnettistes froissent et
manipulent. Les transitions entre les scènes ont fait l’objet d’un soin particulier. La composition
musicale se veut simple, épurée, presque « enfantine », renouant avec la tradition des comptines.
Elle est proche, dans le travail de réalisation, de la partition musicale de Soucis de plume. Un
spectacle créé au TMG en 2007, où le périple du héros, Monsieur Petitmonde, croise des
préoccupations liées aux changements climatiques et à nos habitudes de consommation.
D’après des propos recueillis d’Hélène Zambelli
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4. T e m ps e t e n v ir o n n e m e n t
Deux questions à Guy Jutard, auteur du spectacle
Comment abordez-vous le temps?
Nous ne sommes pas dans une chronologie
précise, avec des événements qui se succèdent
en développant des rapports entre eux. Mais au
Les deux bornes de cette création sont
cœur d’un ensemble d’images qui pourraient
la naissance et la disparition.
advenir à divers moments de la vie d’un petit
bonhomme. Ce dernier n’est pas sans faire
songer au célèbre héro du dessinateur
Franquin, Gaston. Il a une formule tout à lui, qui
est l’équivalent du « M’enfin » du personnage
imaginé par Franquin. Il peut aussi faire songer à celui du dessin animé La Ligne créé par le
dessinateur italien Osvaldo Cavandoli et projeté à la tv dès les années 70. Souvent excité, le
personnage principal de cette série animant une ligne blanche sur fond bleu, marmonne, s’étonne,
proteste, admire puis disparaît.
Les deux bornes de cette création sont constituées par la naissance et la disparition. Cette dernière
est traitée comme le retour à un univers, un Grand Tout. Selon ce que l’on retrouve au fil de
traditions, religieuse ou non, mythiques ou scientifiques nous suggérant que les atomes qui nous
constituent retournent au monde qui les a suscités. La naissance est un moment théâtral où le
personnage principal prend vie dans la page d’un album de photos, sortant de sa propre case
photographique pareil à l’oiseau qui éclot de l’œuf. L’opus s’inscrit dans l’idée que les choses
recommencent sans fin, retrouvant le cycle même de la vie et celui d’une journée qui se répète au gré
d’une existence.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans les univers croisés de Franquin et Sempé ?
Franquin est l’un des grands comiques burlesques et gestuels du 20e siècle en compagnie de Chaplin
et Tati. Comme le montre le personnage de Zorglub dans Spirou, ou la voiture de Gaston, les
préoccupations écologiques et environnementales sont déjà présentes. Sempé, lui, met de bonne
humeur et permet de prendre une distance ludique et philosophique face aux événements.
Le principe est de rassembler une situation, son développement et surtout sa chute. L’art de Sempé
et Franquin est de nous tenir en haleine au fil du récit menant à une fin inattendue. Ainsi, si l’on
s’attend toujours à la bévue et la gaffe chez Gaston, ce moment est rarement comme on l’aurait
imaginé. Chez Sempé existent aussi de vraies préoccupations écologiques que le spectacle aborde
sous formes de clin d’œil.
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5. Théâtre, vos papiers…
Depuis la fin du siècle dernier, le théâtre de papier est une technique adoptée par de plus en plus
d’artistes, issus ou non du monde de la marionnette. A l’origine, il s’agit d’un théâtre
miniature. Il prend comme référence le vrai théâtre et essaie de copier, non seulement la technique
scénique et le décor mais aussi le répertoire. Les débuts du théâtre de papier remontent à la fin
du 18e siècle. A cette époque on joue de petites saynètes, pour les anniversaires et autres
occasions. Des pièces appropriées pour les petits théâtres (la plupart du temps à contenu
moralisateur) apparurent. Au fil du temps, le théâtre de papier a ainsi réussi à établir le lien entre les
marionnettes à main ou à fils et le théâtre classique.
Le théâtre de papier prend vraiment son
essor au milieu du 19 e siècle où il servait à
reproduire dans les familles les pièces de
théâtre à succès et ainsi les rendre
accessibles et visibles pour les enfants. Il
s'agit d'un théâtre à l'italienne miniature
tenant en général sur une table. Les
figurines sont à l'échelle du théâtre. Elles
sont actionnées par des tirettes en carton
ou en fer latéralement par le narrateur qui
se tient généralement derrière la table.Les
années passant la technique évolue. Au
début du 20e siècle avec la généralisation
de l’électricité dans les foyers, le théâtre se complexifie avec l’apparition de mécanismes et
d’effets spéciaux le rendant de moins en moins accessible à un jeune public.
En France, il tombera en désuétude après la Première Guerre mondiale, victime de l’arrivée de jouets
plus modernes et de du désintérêt des éditeurs pour ce type de théâtre. Cependant des pays comme
le Danemark, les Pays Bas, l’Allemagne, les U.S.A. et bien sûr l’Angleterre, contribuent à le faire vivre
par le biais d’imprimeurs dynamiques, d’illustrateurs et de nombreux passionnés. Depuis une
vingtaine d’années, un noyau dur d’artistes (Alain Lecucq, Éric Poirier...) a décidé de faire renaitre et
de promouvoir cette forme théâtrale ancienne sur l’hexagone. Pour cela il fallait l’ouvrir à de nouvelles
perspectives, en le rapprochant et l’associant à d’autres arts scéniques (théâtre d’objets, musique,
théâtre d’ombre). De plus, des festivals spécifiques à ce mode d’expression se créent ou se
développent en Europe (Preetz, Fishmarket, Epernay...). En parallèle, des actions sont menées dans
les écoles afin de faire découvrir et sensibiliser le jeune public au théâtre de papier.
Des papiers expressifs
Au Théâtre des Marionnettes de Genève, il y eut d’abord Doux maux d'amour et maux-croisés (20042005). Neuf carrés de lumière, quatre manipulateurs, huit mains. Pas de mots et juste le bruit du
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papier journal froissé. Un univers étrange qui s’appuie sur un monde de papier, gorgé de mots
annonciateurs de nouvelles, d’où naissent les personnages d’une série d’images à l’humour grinçant.
Les figures sont minuscules ou démesurées, assemblages de feuilles fripées ou nouées, visages
drôles ou inquiétants. On l’aura compris, ces dérisoires figures de papier parlent d’essentiel.
Puis en 2007 pour Gilgamesh (2007), au foisonnement d’images évoqué par le plus ancien des textes
mythologiques répond une mise en scène épurée laissant la part belle aux mots et à la musique. Les
marionnettes sont faites de papier kraft noué, collé, ficelé, comme créé sur l’instant et dont la couleur
évoque les sables du désert où les fragments écrits de cette antique histoire furent retrouvés. Ces
marionnettes de papier dans leur apparente fragilité permettent une grande puissance de
mouvements. On les caresse, les manipule avec une extrême délicatesse, mais aussi on les étire, les
déchire. Les six comédiens sont à la fois conteurs, chanteurs, manipulateurs. Trois musiciens, qui font
bruisser cette épopée de sonorités orientales, se mêlent au jeu des marionnettes. La lumière,
créatrice des lieux et des instants, met en valeur le matériau de ce spectacle : le papier froissé devient
ainsi, au gré des scènes, de l’or, l’eau de la rivière, ou le feuillage de la Forêt des Cèdres.
6. Fins et commencements
La mémoire est lacunaire sur nos
« premières fois ». De toutes nos
expériences premières nous restent au
cœur les plus marquantes, les plus
originales ; et pourtant les autres, les
petits commencements, ces "mille petits
riens" qui tissent nos liens avec le
« grand tout du monde » restent enfouis
dans notre inconscient. Et ces petits
débuts ne sont pas les moins
importants. Un spectacle en forme de
petite
métaphysique
des
commencements à l'usage des plus
jeunes, où l'on apprend sans tristesse
que tout commencement induit une fin,
que vie et mort dansent ensemble une
ronde éternelle. Une suite d'histoires de
naissances marquée par cet ambivalent
sentiment de peur et d'impatience qui
caractérise
l'attente
des
commencements, ce que cache une
porte fermée, ou ce que voile un ciel
étoilé nuageux.
Le spectacle se feuillette comme un album de Sempé, ou comme les gaffes successives du Gaston
de Franquin. Un petit personnage, issu d’une généalogie fantasque, nait à la première image. Dans
l’image suivante il s’agite autour d’un rideau rouge, qui semble refuser de s’ouvrir après les trois
coups du brigadier. On le retrouve jardinier aux prises avec une salade monstrueuse. Plus loin, il fait
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l’expérience de la peur dans la verte forêt où il
était venu chercher le calme. Au fil des
images il est cueilleur d’étoiles ou dompteur
de nuages, ou rêve d’un géant qui s’envole.
Un spectacle qui recommencerait et
Un
spectacle
fait
de
multiples
commencements et multiples fins où les mots
sont rares et ou la musique dialogue avec les
gestes.
finirait plusieurs fois.
Durant les nombreuses années passées
auprès du jeune public (les 4-7 ans entre
autres), j’ai toujours été frappé par l’impatience de ces jeunes spectateurs avant que le spectacle ne
commence. Une expérience qui s’est confortée ces dernières années lorsque j’accueille et place les
enfants lors des représentation de notre théâtre. « Ça commence quand, Monsieur ? Pourquoi ça ne
commence pas ?... » Et ritournelle récurrente à la fin d’un acte ou d’une scène : « C’est fini ? »”
Etonnante quête enfantine de la connaissance du début et de la fin des choses.
Alors est né en moi le désir de faire un spectacle qui recommencerait et finirait plusieurs fois : une
façon d’amoureusement ”me venger”. Une façon de rentre hommage aussi à ceux qui composent une
oeuvre mettant bout à bout vingt histoires ou cinquante dessins: je pense à Tomi Hungerer, et surtout
à Sempé. Autour de la belle unité esthétique qui forme l’ossature de leurs oeuvres, ils laissent
s’épanouir la poésie et l’humour dans le raccourci, la forme courte. C’est ce que j’ai tenté dans cette
succession de sketches, amusante construction que je pourrais prolonger à l’infini, multipliant ainsi les
commencements et me guérissant – bien tard – de mon impatience toute enfantine. Mon carnet
d’esquisses est un castelet tout simple, une lucarne, une fenêtre. J’y croque rapidement avec du
papier journal collé, ficelé, assemblé et qui trouve son mouvement, sa dynamique sur l’instant.
Apparente simplicité qui me fait redécouvrir l’essence d’un métier que je pratique depuis quarante
années.
Guy Jutard
7. La toute première fois
« La première fois »… Que de choses à raconter… ou à rêver ! Cette expression est porteuse de
souvenirs et de promesses. L’histoire du monde comporte tellement de premières fois...
Une première fois ne fait pas toujours rêver... Elle peut être aussi une expérience délicate et peu
convaincante. Les traces laissées par une « mauvaise expérience » sont-elles indélébiles, ou bien
d’autres viendront-elles en réparation ?
« La première fois » n’est décidément pas synonyme que de légèreté et de joie. La vie en occasionne
beaucoup qui devraient nous interpeller, nous faire réagir, par ex. lorsqu’on est témoin d’une injustice.
Mais la part de l’émotion entraîne une censure qui appauvrit notre capacité de réaction.
L’expression implique une temporalité. Elle suppose d’autres fois à venir, une accumulation
d’expériences. On touche alors la délicate question du vieillissement : les premières fois se font de
plus en plus rares, et il peut être bien tard pour une « première fois »... Nous voici plongés dans la
fuite du temps. Et contrairement à l’expression courante, ce n’est pas le temps qui passe mais nous
qui passons dans le temps.
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« L’expérience » est un grand mot : recouvre-t-il
une sagesse, qui ferait autorité, ou un excès de
présomption ? Richesse ou appauvrissement ?
Ce merveilleux privilège enfantin de la
Les opinions sont partagées. Ou bien elle
permet d’approfondir notre connaissance de soi
naïveté,
et du monde, et constitue toutes ces étapes de
la vie qui nous ouvrent des portes nouvelles.
d’une confiance en l’humanité.
Ou bien la répétition et l’ennui nous gagnent,
l’enthousiasme s’effrite, le désir d’inconnu et la
disponibilité pour accueillir du nouveau
déclinent inexorablement, et ce merveilleux
privilège enfantin de la naïveté, d’une confiance en l’humanité devient hors de portée.
Toutefois, il existe une planche de salut dans l’origine, à ne pas confondre avec le commencement et
grâce à laquelle l’expérience est toujours devant soi. L’indice de la vie, c’est que chaque expérience,
même répétée, soit vécue comme une première fois. Voilà de quoi nous réenchanter.
Il y a toujours du mystère dans une expérience, la répétition n’existe pas, mon regard peut varier mille
fois pour une même personne, une même situation, une même œuvre, un même paysage. Et comme
dit la chanson : « Tu peux m'ouvrir cent fois les bras / C'est toujours la première fois »… Dans ces
instants d’éternité l’expérience est portée à une sorte d’absolu, se trouve hors du temps.
Gérard Tissier
8. Exploration des « premières fois »
Racontez une série de récits sur tes « première fois », ces basculements, ces moments
initiatiques, ces instants décisifs et surprenant qui parsèment notre vie : premier émerveillement,
première découverte, première chute, premier déclic. Quand on fait ou qu’on sent quelque chose pour
la première fois, c’est important. C’est une aventure grande ou minuscule qui laisse des traces
pour toujours.
La première fois que j’ai regardé un cheval. La première fois que j’ai eu un vélo.
La première fois que j’ai respiré le parfum d’une fleur. La première que j’ai été à la montagne, à la
mer…
La première fois que j’ai sauté.
La première fois que j’ai trait une vache.
La première fois que j’ai regardé une libellule.
La première fois que j’ai eu envie d’être maman. La première fois que l’on m’a dit : « Je t’aime ».
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Il y a des première fois dont toute la famille peut se souvenir. Par exemple, la première fois qu’on a
droit à un couteau et une fourchette.
La première fois qu’on est invité à dormir chez une amie ou un ami
La première fois que je suis née (une cinquante de « premières fois » : se déguiser, voir une étoile
filante...)
Le livre de mes premières fois (celles de bébé : premier sourire, premiers pas...)
La première fois que j'avais quatre ans... (anniversaire, fête)
La première fois, on pardonne (sur les bêtises)
Les toutes, toutes premières fois – comment tout, ou presque, a commencé (l’humanité !)
9. Fabriquer votre théâtre en papier
1. Prenez du papier journal, de préférence en noir et blanc.
2. Découpez de grandes feuilles.
3. Froissez le papier pour obtenir, par exemple, une tête, en nouant la matière comme un lacet.
4. N’hésitez pas à faire plusieurs essais ou à déchirer les feuilles si nécessaire.
5. Préalablement, vous pouvez peindre la surface du journal à la peinture acrylique et laisser sécher
pendant une heure en suspendant le papier peint à une corde à linge.
6. Choisir des couleurs unies (bleu, orange, rouge)
7. Pour un personnage, on peut peindre le nez en rouge et le reste du corps en brun, une fois les
marionnettes ont été créées en les découpant et en les sculptant dans le papier.
8. Pour éclairer les figurines, privilégiez un éclairage doux, rasant et peu puissant.
Il peut être obtenu par des petits spots ou les lumières de bougies protégées sous du verre.
9. Imaginez une aventure en neuf cases dessinées. Par exemple, un petit jardinier cultive une salade
et il lui arrive plein d’imprévus avec ce légume. Le jardinier peut être fait de papiers noué et collé, la
salade est une grande feuille de papier journal que vous aurez mise en boule et froissée pour
ressembler à une salade. Ainsi le légume, en se déployant, peut devenir immense et jouer avec son
jardinier.
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10. Tracez neuf cases et dessinez à l’intérieur une histoire comme dans un album illustré ou une
bande dessinée avec un début (une case) un développement (sept cases) et une chute ou fin (une
case). Ce court récit peut comprendre un ou plusieurs gags, voire des détails ironiques.
11. Pour le décor, on peut partir de photographies prises au cours de promenades ou trouvées dans
des revues, sur Internet... Trouver des images de paysages forestiers dans lesquels la nature prend
le dessus (arbres enchevêtrés, traces de pas d’animaux, maisons en ruine, ruisseau...). Mais aussi
des images de zones boisées plus domestiquées (végétation plantée par l’homme et alignée,
marquage des arbres, panneaux indicateurs, chemins, ponts...). Assemblées, superposées, ces
images contrastées peuvent faire l’objet d’une composition sur la forêt, dans laquelle se cachent vos
animaux préférés et des personnages imaginaires.
12. On a aussi la possibilité d’apporter une image qui évoque un lieu, une idée, une histoire.
L’intégrer dans une feuille de grand format et intervenir par-dessus ou autour d'elle pour mettre en
valeur l'idée qu'elle inspire à l'enfant.
13. Dans leur mise en scène, on peut demander aux enfants de réfléchir à un environnement, des
attitudes des personnages, des accessoires et des bruitages qui soient proches de leur quotidien (un
personnage en train de jouer, des voitures dans la rue, une musique à la mode…).
10. Les influences du spectacle : Sempé, Franquin, Ungerer
Sempé
Observateur taquin des petits travers
qui sont nos luxes quotidiens, Sempé,
né le 17 août 1932 à Bordeaux, a su
imposer un style graphique à la fois
dépouillé et très expressif. Le dessin
d'humour au trait lui a certes apporté la
célébrité, mais l'aquarelle semble
caractériser désormais l'ensemble de
son
œuvre.
C'est
peut-être sa
rencontre avec René Goscinny qui fut à
bien des égards la plus décisive pour
donner un ton nouveau au dessin
d'humour français ; Le Petit Nicolas, ce
contemporain d'Astérix, associa les
deux hommes au fil de cinq albums
Les petits commencements
parus de 1960 à 1964. Parallèlement,
les premiers recueils de Sempé affichent leur filiation avec l'inspiration désarmante d'un regard
enfantin sur le monde : Rien n'est simple (1962), Tout se complique (1963), Sauve qui peut (1964) et
Monsieur Lambert (1965). Avec ce dernier titre, un nouveau type social est né, cousin du petit
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bourgeois à chapeau, pardessus et parapluie : « J'ai faim, j'ai froid et je veux de l'amour », annonce
celui-ci à celle qui partage son douillet domicile. Autour des années 1970, l'apogée de la société de
consommation fut l'occasion pour Sempé de montrer les incohérences et les excès de celle-ci. Si le
trait a très vite défini le style graphique de l'humoriste, la couleur a su pénétrer cet univers en
l'enrichissant d'une subtilité esthétique délicate. Au fil des albums, les jeux de l'image et de la légende
- long commentaire ou formule lapidaire - ont été soigneusement explorés. Sempé se révèle être un
créateur secret, même, et surtout lorsqu'il parle de son travail : « Ce qui me séduit tellement dans le
dessin humoristique, c'est qu'on exprime certaines choses avec pudeur. C'est certainement une façon
de parler de soi sans en avoir trop l'air. »
Toute une vie de travail, le crayon à la main, et la création d'un univers poétique entre tous
reconnaissable : le monde de Sempé, familier et intemporel, peuplé d'individus qui nous ressemblent
énormément, tiraillés entre des rêves sublimes et un quotidien dérisoire.
Franquin
Comme l'autre grand nom de la bande dessinée belge, Hergé, c'est dans la commune bruxelloise
d'Etterbeek qu'est né André Franquin, le 3 janvier 1924. Il n'a que vingt-deux ans quand Jijé (Joseph
Gillain), alors pilier du journal Spirou, lui abandonne la principale bande dessinée du magazine. De
1946 à 1968, André Franquin est chargé de cette série. Aux deux héros, les journalistes Spirou et
Fantasio, il ajoute des personnages secondaires rapidement essentiels, comme le comte de
Champignac (1951), savant génial, et son double maléfique, Zorglub (1959), et surtout le Marsupilami
(1952), animal fabuleux, originaire de Palombie - État fictif de l'Amérique du Sud ; il est à la fois
mammifère et ovipare, comme le révèle l'épisode Le Nid des marsupilamis.
Lassé des contraintes d'une série qui n'est pas tout à fait la sienne, André Franquin, parallèlement à
Spirou, réalise d'autres bandes : de 1955 à 1959 il livre à l'hebdomadaire Tintin « Modeste et
Pompon », gags en une page sur la vie quotidienne de deux jeunes gens, puis il crée en 1957 dans
Spirou le héros - ou plutôt l'antihéros - qui lui apportera la célébrité, Gaston Lagaffe, garçon de
bureau (fictif !) de ce journal. À travers ce personnage aux inventions farfelues, qui introduit parmi des
employés surmenés et pénétrés de l'importance de leur travail une vision ludique et poétique de
l'existence, André Franquin brosse un tableau ironique du monde de l'entreprise, de son culte de la
productivité et de la rentabilité. Il laisse deviner son intérêt pour l'écologie, sa sympathie pour les
marginaux, son aversion pour l'autoritarisme, sa conception anarchisante de la vie en société. Il
disparait en 1997. Hergé a dit de lui : « C'est un grand artiste, à côté duquel je ne suis qu'un piètre
dessinateur ». Son graphisme est vif, expressif, son humour se révèle inspiré, subtil et intelligent. Son
œuvre influence des générations entières d’auteurs.
Tomi Ungerer
Auteur d'inoubliables albums pour les enfants, illustrateur, dessinateur d'humour et caricaturiste,
affichiste et créateur de publicités, Tomi Ungerer est un graphiste à forte inspiration satirique. Né le
28 novembre 1931 à Strasbourg, Jean-Thomas dit Tomi grandit au sein d'une famille bourgeoise et
protestante. De son père, perdu à l'âge de quatre ans, spécialiste des horloges astronomiques,
l'enfant gardera le souvenir d'un homme passionné de dessin et de livres. Après ce décès, la famille
déménage près de Colmar, où Tomi est choyé dans un milieu sensible aux arts et aux lettres.
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Il part pour les États-Unis en 1956 et s'installe à New York un an plus tard. Commence alors pour lui
une période de célébrité fulgurante. De 1957 à 1974, les albums pour les enfants contribuent à ses
premiers succès : la série The Mellops de 1957 à 1963, puis des histoires d'animaux incongrus tel le
boa Crictor (1958). Parallèlement il illustre avec William Cole des poèmes dans la pure tradition du
non-sens anglo-saxon. Avec Allumette (1974), Tomi Ungerer subvertit plus ouvertement la morale
traditionnelle du genre et ses personnages révolutionnent les mœurs avec une généreuse innocence. Il
y eut entre autres ensuite Flix (1997), et son couple de chats heureux. Ils attendent un enfant. Le jour
de la naissance, ils ont une surprise: le bébé est un chien. A Chatville, la nouvelle fait sensation ;
Trémolo (1998), histoire d’un musicien qui s’exerce jour et nuit, ce qui n’est pas du goût de ses
voisins. Il reçoit le Prix Hans Christian Andersen pour l'ensemble de son œuvre en 1998. Viennent
alors Otto (1999), récit d’un ours en peluche abordant le thème du racisme et Le Nuage bleu (2000),
récit d'un nuage pas comme les autres, qui ne veut que le bien des habitants de la Terre et ferait tout
pour les sauver. Jusqu’au savoureux, Où est ma chaussure ? (2012) qui voit le godillot se
métamorphoser en oiseau, tête de serpent, corne de vache ou rhinocéros faisant un pied de nez.
Somptueusement illustrés, les albums de Hungerer sont souvent des fables humanistes.
11. Bibliographie
Les Premières fois
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Elisabeth Brami, Philippe Bertrand, Les Premières fois, Paris, Seuil, 1999
Vincent Cuvellier, La Première fois que je suis née, (Illustrations : Charles Dutertre), Paris, Gallimard,
2006
Catherine Dolto-Tolitch, Colline Faure-Poiree, Les Premières fois, (Illustrations : Joëlle Boucher),
Paris, Gallimard, 2000
Jean-Pierre Gueno (dir.), Premières fois. Le Livre des instants qui ont changé nos vies, Paris, EJL,
CD, 2003
Bande dessinée
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Patrick Gaumer, Dictionnaire mondial de la Bande dessinée, Paris, Larousse-Bordas, 1998
Francis Lacassin, Pour un neuvième art de la bande dessinée, Genève, Slatkine, 1982
Claude Moliterni, L’ABCdaire de la bande dessinée, Paris, Flammarion, 2002
Claude Moliterni, Les Aventures de la BD, Paris, Gallimard, 1996
Franquin
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Pierre-Yves Bourdil, Franquin, Bruxelles, Labor, 1993
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Et Franquin créa La Gaffe. Entretiens avec Numa Sadoul, Distri BD-Schlirf, 1986
•
André Franquin, Le Bureau des gaffes en gros, Paris, Dupuis, 2009
•
André Franquin, Le Cas La Gaffe, Paris, Dupuis, 2009
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Sempé
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Jean-Jacques Sempé, Malvida, Portrait de créateur, DVD, 2010
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Jean-Jacques Sempé, Les Bêtises du Petit Nicolas, Paris, Gallimard, 2008
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Jean-Jacques Sempé, Richard Goscinny, Le Petit Nicolas, Paris, Denoël, 2005
•
Jean-Jacques Sempé, Richard Goscinny, Les Vacances du Petit Nicolas, Paris, Folio Junior, 2004
•
Jean-Jacques Sempé, Richard Goscinny, Le Petit Nicolas. Adaptation en série animée tendre et
poétique, Paris, M6, 2009
Ungerer
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Tomi Ungerer, Un point c’est tout, Montrouge, Bayard, 2011
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Tomi Ungerer, Où est ma chaussure ? Paris, Ecole de loisirs, 2012
La marionnette
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Encyclopédie des arts de la marionnette, Montpellier, Ed. de l’Entretemps, 2009
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Les Mains de lumière. Anthologie des écrits sur l’art de la marionnette, (textes réunis et présentés par Didier
Plassard), Charleville-Mézières, Institut International de Marionnette, 1996
► Les ouvrages et documents cités dans cette sélection bibliographique ont été choisis pour vous.
Ils sont disponibles dans le cadre des Bibliothèques Municipales et de la Bibliothèque de Genève.
Ce dossier contient des propositions à l’attention des enseignants. Il est évident qu’ils sont les mieux
placés pour adapter le contenu à leur classe, et que ce document ne peut être transmis tel quel aux
élèves.
Pour des informations complémentaires :
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1205 genève
tél. +41 (0) 22 807 31 00
e-mail : [email protected]
Pour les Réservations Ecoles :
Joëlle Fretz
tél. +41 (0) 22 807 31 06
e-mail : [email protected]
Davantage d’informations sur : www.marionnettes.ch
TT
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