Secheresse, T. - Centre hospitalier Métropole Savoie

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Secheresse, T. - Centre hospitalier Métropole Savoie
Faut-il faire mourir le simulateur ?
Dr Thierry Secheresse
CEnSIM – Centre d’Enseignement par Simulation ; Centre Hospitalier Métropole Savoie ; Chambéry
Laboratoire des Sciences de l’éducation – Univ. Grenoble Alpes
Dans le contexte actuel de développement de la simulation en santé, la question de la mort du
simulateur est régulièrement posée. La réponse est cependant loin d’être uniciste et reste complexe
et ce, d’autant plus, que la littérature est relativement pauvre sur ce sujet (Corvetto, 2013).
Tout professionnel de santé est régulièrement confronté à la mort du patient sans pour cela se sentir
parfaitement préparé. La simulation en tant qu’environnement contrôlé et sécurisé pourrait être un
outil pédagogique pertinent permettant aux professionnels de santé de se confronter à cette
situation. Dans le cadre de la simulation haute-fidélité pleine échelle (Pastré, 2005), du fait même de
l’authenticité de la situation, on est en droit de s’interroger sur l’impact émotionnel et psychologique
du décès du patient sur l’apprenant. Les questions qui se posent alors au formateur sont celles de la
mise en place d’un « safe environement » garantissant la sécurité affective des apprenants et de la
gestion spécifique du débriefing.
Leighton (2009) décrit schématiquement trois types de décès du patient pouvant survenir en
simulation.
La mort du patient est attendue et prévue. L’objectif de la session de simulation est en lien avec le
décès du patient et les évènements qui en découlent. Il s’agit alors de scénario à dynamique lente
(e.g. objectifs relationnels d’annonce du décès et d’accompagnement de la famille).
La mort du patient est inattendue mais résulte de la situation clinique et s’inscrit dans une logique
d’évolution de la pathologie. La dynamique du scénario peut être lente (e.g. décès du simulateur par
limitation ou arrêt de thérapeutique active) ou rapide (décès brutal du simulateur suite à une
pathologie aigue). Dans ces deux cas, l’objectif pédagogique est de confronter les professionnels à
cette situation, certes douloureuse mais réelle afin d’initier, lors du débriefing, une pratique réflexive
sur cette situation.
Plus problématique est la troisième situation. Le décès du simulateur est directement imputable à
l’action ou la « non action » des participants (e.g. erreur dans l’injection des médicaments). Dans ce
cas, une crainte, justifiée ou non, de répercussion sur les participants est régulièrement évoquée.
Turner et al. (2009) ont ainsi montrés un effet négatif de la mort du patient simulé sur le sentiment
d’efficacité personnel des participants soutenant ainsi la règle implicite de ne pas faire mourir le
patient. Certes, dans de telles situations, des stratégies d’échappement existent (intervention du
facilitateur, arrêt du scénario). A contrario, les formateurs doivent être attentifs à ne pas créer de
situations cliniques « non physiologiques » sous prétexte de protéger les apprenants avec pour
conséquence un risque élevé d’apprentissage négatif (e.g. récupération d’un patient en arrêt
cardiaque malgré une réanimation mal conduite).
Trois éléments apparaissent alors fondamentaux dans l’organisation pédagogique de la session de
simulation. (1) Le pré briefing ou sont rappelés les éléments concourant à la sécurité affective des
participants (objectifs, règles, confidentialité…) et ou la possibilité de décès du patient est
explicitement annoncée. (2) Le débriefing qui doit être réalisé selon une approche « avec bon
jugement » (Rudolph, 2007) en s’intéressant au « qu’est ce qui a fait que » d’une action tout en
intégrant l’importance des facteurs situationnels dans le déterminisme des actions. (3) L’importance
pour les participants de réaliser une nouvelle situation de simulation permettant de recontextualiser
les éléments abordés pendant le débriefing afin de ne pas rester sur un sentiment d’échec (i.e. étape
d’expérimentation active du cycle de Kolb, 1984).
Corvetto, M. & Taekman, J. (2013). To die or not dto die ? A review of simulated death. Sim
Healthcare, 8, 8-12
Kolb D. A. (1984) Experiential Learning: experience as the source of learning and development. New
Jersey: Prentice-Hall
Leighton, K. (2009). Death of a simulator. Clinical Simulation in Nursing, 5, e59-e62
Pastré, P. (2005). Apprendre par la résolution de problèmes: le rôle de la simulation. In P. Pastré
(Ed.), Apprendre par la simulation. De l’analyse du travail aux apprentissages professionnels (pp. 1740). Toulouse : Octares Editions
Rudolph, J., Simon, R., Rivard, P., Dufresne, R. & Raemer,D. (2007). Debriefing with good judgment:
Combining rigorous feedback with genuine inquiry. Anesthesilogy Clinics, 25, 361-376
Turner N., Lukkassen I., Bakker N., Draaisma J. & ten Cate TJ. (2009) The effect of the APLS-course on
self-efficacy and its relationship to behavioural decisions in paediatric resuscitation. Resuscitation,
80(8), 913-918