NOUVELLES MODALITES DU DEPISTAGE DE LA TRISOMIE 21
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NOUVELLES MODALITES DU DEPISTAGE DE LA TRISOMIE 21
NOUVELLES MODALITES DU DEPISTAGE DE LA TRISOMIE 21 EN FRANCE. L’année 2010 marque un changement important dans la stratégie adoptée par la France en matière de dépistage prénatal de la trisomie 21 : D’une part la classique indication d’amniocentèse pour âge maternel disparaît. En effet, le caryotype prénatal pour âge maternel supérieur ou égal à 38 ans est désormais supprimé de la liste des actes médicaux pris en charge par l’assurance maladie (journal officiel de la république française du 27 octobre 2009). D’autre part, le dépistage combiné devient le « gold standard » à proposer à toutes les femmes, quel que soit leur âge. Il intègre simultanément le risque lié à l’âge maternel, celui lié à la mesure de la clarté de la nuque fœtale par échographie ainsi que celui des marqueurs sériques maternels. La trisomie 21 est encore à l’heure actuelle l’anomalie chromosomique congénitale la plus fréquente, avec une prévalence naturelle estimée en France en 2008 à 1 enfant porteur toutes les 500 naissances vivantes. L’état français a mis en place depuis maintenant plus de 30 ans une politique de dépistage systématique durant la grossesse. Historiquement, les années 70 ont vu naître le diagnostic prénatal en France et la première indication médicale de caryotype fœtal à être retenu a été celle de l'âge maternel supérieur à 38 ans. Les années 80 ont été marquées par l'essor extrêmement rapide de l'échographie prénatale, conduisant à la description de ce qui est couramment appelé le « Genetic Scan » ou sonogramme génétique, c'est-à-dire la recherche des signes mineurs de la trisomie 21 lors de l'échographie obstétricale, en particulier au cours de celle qui est encore communément appelée échographie morphologique du cinquième mois. Les années 90 ont vu d’une part la description d’un nouveau signe d’appel majeur de la trisomie 21 qui est l’augmentation de la clarté nucale au premier trimestre de la grossesse et d’autre part la mise en route de l'évaluation systématique du risque de trisomie 21 par l'utilisation des marqueurs sériques maternels au deuxième trimestre de la grossesse chez les femmes de moins de 38 ans. L’apparition successive de toutes ces méthodes de dépistage de la trisomie 21 a aboutit à une inflation progressive et déraisonnable du nombre d’amniocentèse, qui a été mise en évidence par l’enquête nationale périnatale de 2003, dans laquelle 11% des femmes enceintes auditées avaient eu un caryotype anténatal. Différentes études médico-économiques et de santé publique ont été réalisés au milieu des années 2000 et ont abouti à la publication d’un rapport par la Haute Autorité de Santé sur l’évaluation des différentes stratégies de dépistage [http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_540874/evaluation-des-strategies-de-depistage-de-latrisomie-21]. Les conclusions de ce rapport maintiennent le principe du dépistage prénatal de la trisomie 21 en vigueur depuis 1977 en France pour les femmes et les couples qui le souhaitent et définissent les stratégies les plus efficaces en termes de sensibilité de dépistage et de taux de faux positif. L’arrêté ministériel du 23 juin 2009 dernier (journal officiel de la république française du 3 juillet 2009 – http://www.legifrance.gouv.fr/) défini par voie réglementaire la nouvelle stratégie à mettre en œuvre en matière de dépistage prénatal de la trisomie 21. On peut résumer ces nouvelles modalités de la façon suivante : 1) Toute femme enceinte, quelque soit son âge, doit pouvoir bénéficier d’une information claire et objective sur le dépistage et le diagnostic prénatal de la trisomie 21 en France. Les bénéfices et les risques d’un dépistage positif doivent être expliqués, en particulier concernant le risque fœtal lié au geste de prélèvement ovulaire (amniocentèse ou biopsie de trophoblaste) mais également sur les possibilités d’interruption ou bien de poursuite de la grossesse, avec les différentes solutions existantes de prise en charge et d’accueil des enfants atteints de trisomie 21. 2) Idéalement, il convient de proposer un « dépistage combiné du premier trimestre ». Le dépistage prénatal est ainsi effectué entièrement au premier trimestre de la grossesse en combinant l’âge maternel (quel qu’il soit), le résultat de la mesure échographique de la clarté nucale pratiquée à 12 semaines d’aménorrhée et le dosage des marqueurs sériques maternels réalisé à la même période. Cette stratégie permet de diagnostiquer 86 % des fœtus porteurs de trisomie 21 moyennant au maximum 5 % de faux positifs, c'est-à-dire de caryotype effectués inutilement. Le calcul du risque combiné est généralement réalisé par le laboratoire d’analyse biomédical agréé, auquel il convient de transmettre le compte rendu de l’échographie de 12 SA comprenant la mesure de la clarté nucale. 3) Un calcul de risque appelé « dépistage séquentiel intégré du deuxième trimestre » pourra être réalisé avec les données de l’échographie de 12 SA et des marqueurs sériques du deuxième trimestre si les marqueurs sériques du premier trimestre n’ont pu être réalisés. Cette stratégie permet également le dépistage d’environ 85 % des cas de trisomie 21 pour environ 5 % de faux positifs. Le calcul de risque est également effectué par le laboratoire sous réserve de lui transmettre le compte rendu de l’examen échographique de 12 SA. 4) Enfin, si la femme enceinte n’a pu bénéficier ni d’un dépistage combiné au premier trimestre, ni d’un dépistage séquentiel intégré au deuxième trimestre, alors il conviendra de réaliser un « dépistage par les marqueurs sériques seuls au deuxième trimestre de la grossesse ». Cette stratégie dégradée permet tout de même plus de 80 % de taux de détection moyennant environ 7 % de faux positifs. 5) Le seuil de positivité du dépistage reste le même qu’auparavant, soit un risque calculé supérieur ou égal à 1 / 250, et ceci quelque soit les modalités du dépistage pratiqué (combiné, séquentiel…). 6) L’indication médicale du caryotype prénatal pour âge maternel supérieur ou égal à 38 ans conventionnée par l’assurance n’existe plus et a été supprimé de la nomenclature des actes médicaux, hormis dans le cas particulier explicité cidessous. 7) Une femme enceinte âgée de 38 ans et plus pourra prétendre à la réalisation d’un caryotype prénatal conventionné uniquement dans le cas ou elle n’aurait pu bénéficier d’aucune des trois modalités de dépistage proposés ci-dessus et sous réserve de la fourniture à l’assurance maladie d’un certificat médical l’attestant. Ce cas particulier doit correspondre en pratique uniquement aux grossesses de découverte tardive, après le quatrième mois révolu (19 SA et plus). 8) Une femme enceinte âgée de moins de 38 ans et n’ayant bénéficié d’aucune de ces méthodes de dépistage ne peut prétendre à la réalisation d’un caryotype anténatal conventionné, en dehors bien sûr de la présence de malformation fœtale évocatrice d’anomalie chromosomique et repérée lors des échographies ultérieures, du deuxième ou du troisième trimestre de la grossesse. Le point fort de cette nouvelle stratégie en matière de dépistage prénatal, mise en place à l’échelle d’un pays comme la France, repose sur l’engagement pris par les praticiens réalisant les échographies de grossesse d’instaurer un contrôle de qualité des mesures de la clarté nucale, similaire à celui pratiqué jusqu’alors uniquement par les biologistes biomédicaux. L’échographiste adhérant au programme national de contrôle de qualité se voit alors attribuer un numéro d’identifiant unique qu’il devra inscrire sur ses comptes rendus d’échographies obstétricales de 12 SA comprenant la mesure de la clarté nucale. Ce numéro identifiant l’échographiste comprend 13 chiffres et peut être représenté sous la forme d’un code barre. Les laboratoires agréés pour le dosage des marqueurs sériques ne réaliseront le dépistage combiné ou séquentiel qu’en présence d’un examen échographique réalisé par un échographiste dûment référencé par son numéro. A l’inverse, tout examen réalisé par un échographiste n’adhérant pas au programme national de contrôle de qualité des mesures sera tout simplement rejeté par les laboratoires et le calcul de risque ne sera pas réalisé. Cette nouvelle stratégie de dépistage est extrêmement séduisante et ambitieuse car elle vise, en utilisant les mêmes méthodes de dépistage qu’auparavant (l’âge maternel, l’échographie de 12 SA et les marqueurs sériques) à réduire par trois le nombre de caryotypes prénataux effectués pour le diagnostic de la trisomie 21, tout en augmentant la sensibilité, c'est-à-dire le nombre de cas décelés in utero. Le corollaire de la réduction du nombre d’amniocentèse est économique mais porte également sur la diminution des fausses couches de fœtus non porteurs de l’anomalie induites par le diagnostic prénatal, puisqu’il survient statistiquement environ une fausse couche tous les 100 prélèvements fœtaux. De même, un diagnostic prénatal plus précoce après dépistage positif, possible dès 13 ou 14 semaines d’aménorrhée en cas de réalisation d’un caryotype fœtal par biopsie de trophoblaste, offre la possibilité à la femme d’enceinte de demander l’interruption de la grossesse pour motif fœtal. Celle-ci pourra alors être réalisée dans la grande majorité des cas par aspiration transcervicale avant la quinzième semaine d’aménorrhée. Ces nouvelles modalités de dépistage ont déjà été intégrées en région Bourgogne, puisque les deux laboratoires agréés pour le dosage des marqueurs sériques du deuxième trimestre ont élargi leur offre aux marqueurs du premier trimestre afin de pouvoir proposer la réalisation du dépistage combiné du 1er trimestre ou bien séquentiel intégré du 2ème trimestre (laboratoire Centre Labo de Chalon-sur-Saône en Saône et Loire et laboratoire de biochimie spécialisée du CHU de Dijon en Côte d’Or). Pour ce qui est des échographistes, la région Bourgogne comprend entre 90 et 100 praticiens, médecins ou sages-femmes, réalisant régulièrement des échographies obstétricales. Début mars 2010, soit à peine deux mois après la mise en place effective des nouvelles modalités de dépistage, on recensait 47 échographistes identifiés et adhérents au programme national de contrôle de qualité, soit près de 50 % des praticiens de la région. Mais ceci est insuffisant pour réaliser les 18.000 échographies de 12 SA correspondant au nombre d’accouchement dans la région, et ceci d’autant plus qu’il existe des disparités en fonction des départements. La mutation d’un dépistage purement séquentiel, tel qu’il est réalisé actuellement, vers un dépistage exclusivement combiné se fera donc progressivement sur plusieurs années. L’impact de cette évolution ira cependant au-delà du seul dépistage de la trisomie 21, car l’instauration d’un contrôle qualité national performant en échographie obstétricale aura un effet bénéfique sur l’ensemble du diagnostic prénatal et de la médecine périnatale. Docteur Thierry ROUSSEAU Coordonateur du CPDP de Dijon.