J Extrait 1 : le jardin créole

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J Extrait 1 : le jardin créole
Extrait 1 : le jardin créole
J
" Situé derrière sa case, le jardin de Père Francis était planté d'une centaine d'arbres
fruitiers. Deux orangers, un pamplemoussier, un avocatier, trois citronniers, au moins
une trentaine de bananiers qui donnaient des bananes de toutes les sortes, un immense
arbre à pain, un calebassier, deux caféiers, un cacaoyer, un cannelier, un pied de prunesCythère, deux caramboliers, un icaquier, un corossolier et… le manguier centenaire
contre lequel il avait déposé, sans se résoudre à la jeter, la roue en bois disloquée.
charrette de la case faite de tôles raccommodées qu'il nommait pompeusement le "
garage ". Il dépoussiérait la charrette, en nettoyait le plancher, astiquait les ridelles,
graissait les fers, enduisait les roues de cire. Deux belles roues de bois, jumelles,
parfaites, taillées vingt-cinq ans auparavant par un maître ouvrier charron. Deux belles
roues qui se pavanaient sur les routes, ne posaient pas de problèmes, servaient à
dit Père Francis. " Elle a un défaut de fabrication, une faiblesse dans son bois. " Un jour,
il y a longtemps, elle avait été en service avec sa semblable. Elles avaient commencé à
se fendre sournoisement et s'étaient cassées au premier petit caillou rencontré. " A pa jè !
Elles ont manqué me tuer, ces sacrées roues ! La charrette s'est renversée, blogodo ! Je
me suis relevé avec un bras cassé en trois morceaux et tout mon chargement de cannes
au bas de la route. Grâce à Dieu, Cynthia ! Grâce à Dieu, les bœufs ont été épargnés.
Ces roues avaient été fabriquées par un charron qui confiait la tâche à des apprentis
sans métier, juste pour faire du profit. Tu vois où ça mène la malhonnêteté ! " En effet,
je voyais parfaitement le triste destin de cette roue… Des herbes grimpantes
s'enroulaient autour de sa jante. Les raies servaient d'autoroutes à des bestioles
monstrueuses à longues pattes et ailes froufroutantes. Le moyeu était recouvert de
moisissures. La roue abandonnée était devenue un repaire de crapauds et finissait sa vie
dévorée par les termites. Quant à sa semblable, elle avait disparu. "
Extrait tiré de Les Colères du volcan, G. PINEAU, Éditions Dapper (p. 9-11)
© Tous droits réservés au CRDP de Paris, 2005
Les Colères du volcan
quelque chose… La roue sous le manguier n'était même pas une roue de secours, m'avait
Gisèle Pineau,
Au temps de la récolte de la canne à sucre - une fois l'an - Père Francis sortait sa

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