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Bulletin Fiscalité Mars 2009 Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.. L’affaire « La Reine c. Prévost Car Inc. » : Un concept de « bénéficiaire effectif » avantageux pour les contribuables Étienne Gadbois, Montréal Le 26 février 2009, la Cour d’appel fédérale (la « CAF ») a rejeté l’appel de la Couronne dans La Reine c. Prévost Car Inc.1 Elle a ainsi tranché en faveur du contribuable dans une affaire où une société de portefeuille, fondée dans une juridiction où le taux de retenue était favorable au contribuable, a été reconnue comme le « bénéficiaire effectif » des dividendes. Dans sa décision, la CAF a également confirmé que les documents postérieurs publiés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») peuvent servir à interpréter le modèle de convention fiscale de 1977 (le « modèle de convention »). Vancouver Calgary Toronto Ottawa Montréal Québec Londres Johannesburg www.fasken.com Cette décision va dans le sens de celle rendue par la CAF dans MIL (Investments) S.A. v. The Queen2, où la Couronne avait échoué dans sa tentative d’appliquer la Règle générale antiévitement (la « RGAÉ ») dans le contexte de la convention fiscale entre le Canada et le Luxembourg. Dans cette affaire, la CAF avait rendu une décision favorable au contribuable et avait déclaré qu’il n’y avait pas eu d’usage abusif ou d’abus des 1 2 2009 CAF 57 (CAF). 2007 CAF 236 (CAF). dispositions de la convention fiscale ou de la Loi sur l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi ») de la part du contribuable qui avait décidé d’organiser ses affaires afin de bénéficier d’une disposition particulière de la convention fiscale. La CAF avait rendu cette décision en dépit du fait que le contribuable avait évité de payer des impôts sur un gain en capital de 426 millions de dollars au Canada et au Luxembourg. Le principe souvent cité qui a été appliqué dans l’arrêt Duke of Westminster réfère à la notion que les contribuables peuvent organiser leurs affaires de façon à réduire au maximum l’impôt qu’ils doivent payer. Même s’il a été évoqué que la décision majoritaire de la Cour suprême du Canada dans Lipson3 diminuait l’importance de ce principe dans le contexte de la RGAÉ, la décision de la CAF dans l’affaire Prévost fournit une plus grande certitude aux contribuables à l’égard de leur planification fiscale et l’organisation de leurs affaires. Cette décision est sans conteste favorablement accueillie par les contribuables et la communauté fiscale. 3 Lipson c. Canada, 2009 CSC 1 (CSC). Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. Les faits Prévost Car Inc. (« Prévost ») a été constituée en personne morale en vertu des lois du Québec et est une société résidant au Canada. Elle fabrique des autobus et des produits connexes au Québec et a des installations partout en Amérique du Nord. Conformément à la convention d’actionnaires (la « convention d’actionnaires »), une réorganisation a été effectuée afin que Prévost devienne en propriété exclusive de Prévost Holding B.V. (« Prévost Holding »), une société des Pays-Bas. Prévost Holding est détenue par la société Volvo Bussar (« Volvo »), une société résidant en Suède et par Henlys Group PLC (« Henlys »), une société résidant au Royaume-Uni, dans une proportion respective de 51 % et de 49 %. Notons que le traitement fiscal avantageux était l’une des raisons qui ont justifié la création d’une société de portefeuille au Pays-Bas. En vertu de la convention d’actionnaires conclue entre Prévost, Volvo et Henlys, 80 % des bénéfices de Prévost et de Prévost Holdings, y compris les bénéfices de leurs filiales, le cas échéant, devaient être distribués aux actionnaires, soit Volvo et Henlys, sous forme de dividendes, de prêts ou de remboursements de capital, à la condition que certaines exigences financières de la société soient satisfaites. Conformément à la convention d’actionnaires, Prévost a déclaré et versé des dividendes à Prévost Holding qui, à son tour, a versé des dividendes à Volvo et à Henlys. Avant de verser les dividendes à Prévost Holding, Prévost a retenu l’impôt sur ceux-ci au taux de 5 % conformément à l’article 10(2) de la convention fiscale entre le Canada et les Pays-Bas (la « convention fiscale »). Le ministre du Revenu national a établi des cotisations en vertu de la Partie XIII de la Loi à l’égard de Prévost. Il a fondé ces cotisations sur le fait que les propriétaires bénéficiaires des dividendes étaient considérés comme les sociétés actionnaires de Prévost Holdings, soit Volvo et Henlys, plutôt Bulletin Fiscalité 2 que Prévost Holding. Ainsi, selon le ministre, le taux de retenue de 5 % appliqué par Prévost sur les dividendes qu’elle a versés à Prévost Holding était insuffisant. Prévost aurait dû appliquer un taux de retenue de 25 %, taux qui aurait ensuite été réduit à 15 % pour Volvo et à 10 % pour Henlys, ce qui correspond aux taux réduits de retenue sur les dividendes prévus respectivement dans la convention entre le Canada et la Suède et la convention entre le Canada et le Royaume-Uni. La question en litige concernait donc la détermination du bénéficiaire effectif des dividendes versés par Prévost de 1996 à 1999 et en 2001. Décision de la Cour canadienne de l’impôt La Cour canadienne de l’impôt (CCI)4 a d’abord analysé le sens de l’expression « bénéficiaire effectif » en fonction du droit interne comme l’exige le paragraphe 3(2) de la convention fiscale. Après avoir déterminé qu’il n’y avait pas de définition établie de l’expression « bénéficiaire effectif », la CCI a examiné les commentaires sur le modèle de convention fiscale (les « commentaires ») en fonction de l’article 10(2) de la convention fiscale, qui précise entre autres qu’un « conduit » n’est pas un bénéficiaire effectif. Le juge Rip a conclu que le bénéficiaire effectif d’un bien en est le véritable propriétaire. Il a également conclu qu’en ce qui concerne les sociétés, le voile corporatif ne devrait pas être soulevé, sauf si la société agit comme le « conduit » d’une autre entité et qu’elle n’a aucune discrétion quant à l’utilisation ou à l’application des fonds qu’elle reçoit. À la lumière de ce qui précède, le juge Rip a accueilli l’appel de Prévost et a conclu que le bénéficiaire effectif des dividendes qu’elle a versés était Prévost Holding et non Volvo et Henlys. Selon 4 2008 CCI 231 (CCI). Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. les faits, Prévost Holding n’était pas considérée comme un « conduit » de Volvo et de Henlys parce qu’elle n’était pas légalement tenue de verser à ses actionnaires les dividendes qu’elle recevait de Prévost. En outre, Prévost Holding bénéficiait de tous les attributs de la propriété à l’égard des dividendes. Il convient de souligner le contraste entre les faits de la présente affaire et ceux de l’affaire Indofood5 soulevés par la Couronne. Cette décision portait sur le sens de l’expression « bénéficiaire effectif » dans les conventions de double imposition. Le critère utilisé pour déterminer si un bénéficiaire était un « bénéficiaire effectif » a été examiné par la cour d’appel de l’Angleterre et du Pays de Galles, laquelle a conclu qu’un tel critère est défini selon que le bénéficiaire retire ou non l’avantage total du revenu ou s’il est simplement un « administrateur du revenu ». Dans l’affaire en question, la société des Pays-Bas était un véhicule financier destiné à transférer le revenu. Elle était considérée comme un simple « conduit » ou « administrateur de revenu ». Elle ne pouvait donc pas se qualifier comme bénéficiaire effectif et ne pouvait obtenir aucun avantage du traité. Décision de la Cour d’appel fédérale Dans une décision unanime, la CAF s’en est remis à la décision de la CCI et a conclu que le tribunal de première instance n’avait commis aucune erreur manifeste. Le juge Décary a statué à son tour qu’il n’existait aucune définition établie de l’expression « bénéficiaire effectif » dans le modèle de convention, dans la convention fiscale ou dans la Loi. Dans sa recherche d’une définition de cette 5 Indofood International Ltd. v. JP Morgan Chase Bank N.A. London Branch, [2006] STC 1195 (cour d’appel de l’Angleterre et du Pays de Galles). Bulletin Fiscalité 3 expression, le juge s’est référé à la méthodologie utilisée par le juge Rip de la CCI, qui s’est appuyé sur les commentaires de l’OCDE à l’égard de l’article 10(2) du modèle de convention et des documents de l’OCDE publiés postérieurement aux commentaires de 1977, soit le rapport de 1986 de l’OCDE sur les sociétés intermédiaires et les modifications apportées en 2003 par l’OCDE à ces commentaires de 1977. La CAF s’est dit d’accord avec l’utilisation de documents postérieurs publiés par l’OCDE pour interpréter le modèle de convention et a fait remarquer que les avocats des deux parties étaient d’accord avec cette méthodologie utilisée par le juge Rip de la CCI. La CAF a aussi indiqué que les commentaires sur le modèle étaient largement utilisés pour guider l’interprétation et l’application des dispositions des conventions bilatérales existantes. En outre, selon la CCI, il en est de même des commentaires postérieurs lorsqu’ils constituent une interprétation juste des mots utilisés dans le modèle de convention, qu’ils n’entrent pas en conflit avec les commentaires existants au moment où une convention précise est conclue et, bien entendu, qu’aucune partie à la convention n’a déposé d’objections aux nouveaux commentaires. À la lumière de ce qui précède, la CAF s’est ralliée aux conclusions du juge Rip et a conclu que le « bénéficiaire effectif » des dividendes est la personne qui les reçoit pour sa propre utilisation et jouissance et qui en assume le risque et le contrôle, soit dans ce cas-ci Prévost Holding. Pour de plus amples renseignements sur ce bulletin, veuillez communiquer avec l’auteur : Étienne Gadbois 514 397 7654 [email protected] Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bulletin Fiscalité 4 Personnes-ressources de notre groupe de pratique Fiscalité Vancouver Toronto Montréal Londres Frank S. Schober 604 631 3142 Kathleen S.M. Hanly 416 865 5480 Alain Ranger* 514 397 7555 Rakesh Jhally 44 207 917 8539 [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] Alan M. Schwartz 416 865 4432 Paul Yerbury 44 207 917 8553 [email protected] [email protected] * Chef du groupe de pratique Les textes inclus dans ce recueil ont pour but de fournir des commentaires généraux sur la fiscalité. Les textes reflètent le point de vue de chacun des auteurs et ne constituent pas des opinions exprimées au nom de Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. ou toute société membre. Ces textes n’ont pas pour but de fournir des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient pas prendre des mesures sur la foi des renseignements sans prendre conseil à l’égard des questions spécifiques qui les concernent. Il nous fera plaisir de fournir, sur demande, des détails supplémentaires. © 2009 Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. 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