Anne de Bretagne, Duchesse de Bretagne et Reine

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Anne de Bretagne, Duchesse de Bretagne et Reine
17/01/2014
Anne de Bretagne, Duchesse de Bretagne et Reine de France.
1477-1514
par Yves Coativy
Docteur ès lettres
Maître de conférences en histoire médiévale
UBO, Centre de Recherches Bretonnes et Celtiques.
Sommaire
Anne de Bretagne, Duchesse de Bretagne et Reine de France. .................................................................................................. 1
I.
État du duché à la fin du XVème siècle : .......................................................................................................................... 1
A.
Situation économique : ........................................................................................................................................... 1
B.
L’organisation administrative du duché : ................................................................................................................ 2
II.
Naissance et jeunesse d’Anne de Bretagne : ................................................................................................................ 2
III.
Anne de Bretagne, duchesse de Bretagne : .................................................................................................................. 3
IV.
Anne de Bretagne, reine de France : ............................................................................................................................ 4
V.
Conclusion : ................................................................................................................................................................. 5
C’est la personnalité la plus connue de l’histoire de la Bretagne. Elle a vécu une destinée
exceptionnelle : duchesse souveraine à 11 ans, reine de France à 14 ans. Son historiographie est très
chargée.
I.
État du duché à la fin du XVème siècle :
A. Situation économique :
À cette époque, la population de Bretagne n’arrête pas de
diminuer. Les causes en sont multiples ; il y a d’abord la peste en 1348,
puis 1353 et 1355, puis les multiples épisodes de la Guerre de cent ans
entre 1337 et 1453. La famine ne sévit pas trop en Bretagne, car c’est
une région de cultures diversifiées, proche de la
mer ; quand une nourriture manque, la
population peut se nourrir avec d’autres.
Mais, d’une manière générale, le bas
Moyen-Âge est une période de « crise économique ». Néanmoins, à côté de
régions en difficulté, il existe des villes prospères.
À Guérande le sel fait vivre la ville ; d’autres villes vivent de l’exportation de céréales, de vin,
de tissu. On a l’exemple du navire « Katerine », qui fait un commerce important sans doute de céréales
au départ de Bretagne, ramenant du vin de Bordeaux, du fer de Biscaye (1476)…
L’économie est de type seigneurial : la noblesse domine la
société. C’est une société d’ordre, la féodalité règne. Le statut de la
noblesse est de faire la guerre. Le monde des campagnes est peuplé
de quelques riches et de beaucoup de pauvres. La société est
composée à 90% de paysans.
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Le père d’Anne, François II duc de Bretagne (1458-1488) est jeune,
beau, séducteur. Son duché est relativement riche comparé aux autres, car il
a été un peu à l’abri des conflits.
La population entre 850 000 et 1 000 000 d’habitants, est gérée par
une administration bien organisée.
B. L’organisation admini
administrative
strative du duché :
Le duc gouverne le duché ; il est aidé en cela par la chancellerie qui aura bientôt un rôle très
important, car le duc s’intéressera peu aux affaires administratives. L’autre rôle de la chancellerie est
de vérifier les lois et d’en assurer l’archivage.
Au-dessous de la chancellerie se trouve le conseil ducal, composé de conseillers et de
spécialistes.
Ensuite, la chambre des comptes s’occupe du budget : 500 000 livres tournoi, c’est-à-dire le
seizième du budget français mais il reste cependant inférieur à celui de la
Bourgogne.
Le parlement, composé de représentants du clergé, de la noblesse et des
bourgeois, vote pour ou contre les lois proposées, mais n’a pas pouvoir d’en
discuter.
Un premier chancelier important est Guillaume Chauvin : il considère
que l’avenir de la Bretagne est d’être à côté de la France.
En 1481, il est emprisonné à Vannes pour ses opinions politiques et son
opposition à Pierre Landais, nouveau conseiller principal du duc ; il meurt en prison en 1484.
Pierre Landais encourage la bourgeoisie, l’imprimerie et les lettres. En 1480, il crée
l’université de Nantes ; le duc le laisse gouverner la Bretagne. Il s’efforce, contrairement à Chauvin,
de défendre l’indépendance du duché contre les manœuvres du roi de France, et tente de marier Anne
de Bretagne au duc d’Orléans. Mais en 1485, il est accusé de concussion et d’être responsable de la
mort de Guillaume Chauvin ; il finit pendu.
Il est remplacé par Philippe de Montauban. Après la mort du duc, il entra en conflit avec le
Maréchal de Rieux, tuteur désigné de la duchesse Anne. Après la conquête de la Bretagne par l’armée
du roi Charles VIII (1491), le chancelier entra en conflit avec les administrateurs venus de Paris. Ces
derniers suggérèrent d’enlever les archives des comptes de Vannes et de Rennes où, disaient-ils, elles
n’étaient pas en sûreté, et de les regrouper dans le château de Nantes.
Louis XII se supporte pas l’existence des duchés, qu’il voit comme une entrave à son autorité ;
pendant cette période, il s’attaque au duc de Bourgogne, ce qui laisse un répit à la Bretagne.
À partir de 1466, François II participe à la révolte des grands féodaux contre le pouvoir royal
lors de la « guerre folle » ; il subit d’importantes défaites militaires jusqu’à la bataille de Saint Aubin
du Cormier1488.
II.
Naissance et jeunesse d’Anne de Bretagne :
C’est au palais des ducs de Bretagne
à Nantes, qu’Anne naît en 1477, mais elle va
passer son enfance à Suscinio dans le
Morbihan.
Elle est élevée par une gouvernante,
Françoise de Dinan, comtesse de Laval.
Anne lit beaucoup, surtout des livres de piété , mais aussi des romans
à l’eau de rose. On lui aurait peut-être enseigné la danse, le chant et la musique.
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Physiquement, elle boîte à la suite d’une maladie héréditaire ; son visage est
vif et autoritaire. Elle est pieuse, fait des dons à l’Église, va à la messe.
C’est une princesse convoitée. Au Moyen-Âge les sentiments comptent peu
dans le mariage ; ce qui compte, ce sont la fortune, les alliances entre familles, entre
pays.
On sait qu’elle sera un jour héritière du duché. Comme prétendants, on
trouve le prince de Galles, Louis d’Orléans, Maximilien d’Autriche (une alliance
avec l’Autriche renforcerait l’indépendance de la Bretagne face à la France).
À partir de 1480, la crise avec le roi de France s’accélère. En Bretagne, l’esprit indépendant se
développe. La guerre d’indépendance va durer 4 ans. C’est pendant cette guerre, en 1486, que décède
Marguerite de Foix, princesse de Navarre, seconde épouse de François II et mère d’Anne de Bretagne.
Lors de sa première campagne, en 1487, l’armée royale entre en Bretagne comme en
promenade. À la fin de l’année, la campagne s’arrête sans résultats (les chevaux n’ont plus rien à
manger).
L’année suivante, l’armée française, beaucoup plus puissante
que la première fois, bat l’armée bretonne et ses alliés à Saint Aubin
du Cormier. Le duc de Bretagne est
obligé de signer un traité, aux termes
duquel la Bretagne garde son
indépendance, mais les ennemis du roi
devront en être chassés, et la duchesse
héritière ne pourra se marier sans
l’accord du roi. Le duc de Bretagne meurt cette même année 1488.
À ce moment, la situation du duché est déplorable. L’occupation du duché par les troupes
royales, et la présence de militaires français auprès de la duchesse alors âgée de 11 ans, sont très mal
supportées par les Bretons.
L’économie est dévastée et les impôts s’accumulent, ce qui entraîne de nombreux
soulèvement de paysans.
Le trésor est vide et le pouvoir en est réduit aux expédients.
C’est à cette époque qu’apparaît le sceau de la duchesse Anne.
Anne a 12 ans et un caractère bien trempé ; cependant ce sont les
conseillers de son père qui l’assistent.
III. Anne de Bretagne, duchesse de Bretagne :
Jean de Rohan voudrait bien l’épouser, mais personne n’est d’accord. On repense à
Maximilien 1er d’Autriche. Anne s’installe à Rennes et elle est couronnée duchesse de Bretagne en
1488, à 11 ans.
Pendant ce temps, le roi de France a envie de faire la guerre à l’Italie, ce qui assure une
relative tranquillité à la Bretagne. Anne en profite pour renforcer son duché, fait reconstruire les
fortifications endommagées des villes, développe l’artillerie de son armée et se rapproche du financier
Rieux.
Le 19 décembre 1490, dans la cathédrale de Rennes, Anne épouse en première noce le futur
Maximilien 1er par procuration, le futur empereur étant représenté à la cérémonie, par son
ambassadeur. Le mariage est considéré comme valable.
C’est un acte de guerre contre le roi de France. En dépit de renforts anglais et castillans venus
soutenir la duchesse, La Trémoille, déjà vainqueur à Saint-Aubin-du-Cormier, connaît de nouveaux
succès et le roi Charles VIII met le siège devant Rennes afin qu’Anne renonce à son mariage avec
Maximilien. Le chroniqueur Philippe de Commynes écrit : « À la fin de 1493, le roi possédait toute la
Bretagne sauf Rennes et la dame qui était dedans ». La ville se rend bientôt et le mariage avec Charles
VIII devient inévitable. Il a lieu le 6 décembre à Langeais, dans la chapelle du château.
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IV. Anne de Bretagne, reine de France :
La mariée a 14 ans et son mari n’est guère plus âgé. Il y a au moins six témoins dans la
chambre nuptiale.
Il faut que des témoins
assistent au mariage pour rendre
compte qu’il a bien été consommé,
et ainsi ne puisse être cassé.
Au lendemain des noces, la
cour se rend discrètement en
Touraine. Charles VIII étant déjà marié, le pape n’a pas encore cassé l’ancien
mariage ; il doit ensuite consacrer le nouveau.
Anne est duchesse de Bretagne et reine de France. Charles VIII est laid,
coureur, peu cultivé. Anne reste très pieuse, mais tolère mal les écarts de son mari. Le couple perd
quatre enfants en bas âge. On aimerait bien que le couple ait un héritier. Pour tenter d’isoler la reine,
tous ses grands serviteurs sont arrêtés sous des motifs divers, et remplacés par des fidèles du roi.
Le roi supprime la chancellerie et gère tout le duché avec ses conseillers. Le parlement
disparaît aussi. Anne supporte très mal les renégats qui l’entourent.
Le 8 avril 1498, le couple royal est à Amboise. Dans la cour du château, des gens jouent au jeu
de paume. Les courtisans demandent au roi s’il veut bien jouer avec eux. Le roi se précipite, mais dans
un passage il se cogne violemment la tête à une poutre
et en meurt. Le décès du roi n’a pas été prévu par son
entourage.
Le lendemain Anne rappelle Philippe de
Montauban, restaure la chancellerie, fait frapper
monnaie d’or à son nom avec l’inscription : « Anne,
reine de France, duchesse de Bretagne ».
Elle vient de restaurer l’État Breton ; Devant autant d’efficacité et de rapidité, la manœuvre a
dû être anticipée.
Elle revient en Bretagne où elle se sent plus en sécurité. On pense qu’elle va épouser Louis
XII ; il est beau et intelligent. Et c’est ce qui arrive en janvier 1499.
Le nouveau contrat de mariage n’a rien à voir avec celui passé avec Charles VIII. Anne
obtient que si le couple royal a deux enfants, le premier sera roi de France et le second duc de
Bretagne. Les droits des Bretons seront confirmés et ils auront pouvoir de nommer les officiers.
C’est le parlement de Bretagne qui décidera des impôts, lesquels seront dépensés en Bretagne.
Les Bretons n’iront faire la guerre pour le roi de France que s’ils sont volontaires.
Le couple s’entend bien. Le roi apprécie les qualités de la reine. Ils ont une fille, Claude.
Mais, problème : qui ira t-elle épouser ? Louis XII et Anne ne sont pas tout à fait d’accord.
Claude sera finalement fiancée au futur François 1er, mais Anne refusera jusqu’au bout ce mariage qui
aura lieu quatre mois après sa mort. Anne vit à Blois.
Anne gère la Bretagne, tandis que le roi est occupé au loin par la guerre.
L’économie reprend. C’est l’époque des grands chantiers ecclésiastiques : cathédrales
de Quimper, de Nantes, tombeau de ses parents en la cathédrale de Nantes. Anne fait
du mécénat d’art, en particulier elle s’intéresse aux enluminures.
En février 1505, le roi tombe malade et on craint pour sa vie. Anne vient en
Bretagne au Folgoët, prier pour la guérison du roi (elle fera son Tro Breizh). En fait
Anne n’a pas apprécié les fiançailles de Claude avec François 1er et elle se dit que si
le roi mourait, elle serait mieux en Bretagne pour défendre les intérêts de son duché
qu’à la cour.
Au début de 1514, sa seconde fille Renée, est à marier. Anne se tourne vers Ferdinand
d’Autriche, mais elle meurt à 37 ans de la maladie de la pierre.
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Dans son testament, elle demande à ce que son corps, veillé
par les moines mendiants, soit inhumé à la basilique de Saint-Denis.
Son tombeau a deux étages : en haut
le roi et la reine prient ; en bas, les
corps gisants du couple avec les
marques sur la poitrine d’Anne de
l’ouverture qui fut pratiquée pour
extraire son cœur.
Le cœur arrive à Nantes et il
est déposé dans l’église des Carmes.
Le corps de la duchesse est embaumé.
V.
Conclusion :
La duchesse et reine a donné lieu à une bibliographie abondante, de valeur pas toujours égale.
Certains auteurs l’on présentée comme un personnage de
folklore, un peu cruche, triviale.
D’autres comme Jeanne Coroller-Danio (1892-1944),
militante autonomiste bretonne et écrivain, écrit une « Histoire de
notre Bretagne » très nationaliste, illustrée par Jeanne Malivel :
« La France console la Bretagne et lui vide le gousset ! ».
C’est Anne qui, par ses mariages successifs, a apporté la Bretagne à la France, à la suite de
quatre ans de guerre qui ont mis fin aux velléités d’indépendance.
Les règnes d’Anne de Bretagne sont des évènements très importants de l’histoire de Bretagne.
On a assisté là à l’échec des Montfort qui ne sont pas parvenus à maintenir une Bretagne
indépendante.
On a vu une femme venir au pouvoir et gouverner avec un grand sens politique.
En dehors des périodes de guerre, la Bretagne, au début du XVIème siècle est dans une situation
stable.
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