Correction du sujet sur la relation taux d`intérêt et croissance

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Correction du sujet sur la relation taux d`intérêt et croissance
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Dans quelle mesure la baisse des taux d’intérêt
permet-elle de relancer la croissance ?
BIEN COMPRENDRE LES DOCUMENTS
Document 1
m Mots clés
– bandes centrales
– baisse des taux
– politique monétaire
– lutte contre l’inflation
– réduction du chômage
– taux directeur
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Rappel de cours 1
La politique monétaire est un instrument de la politique économique
consistant à fournir les liquidités nécessaires au bon fonctionnement et à
la croissance de l’économie, tout en veillant à la stabilité de la monnaie
(Jean-Yves Capul et Olivier Garnier, Dictionnaire d’économie et de
sciences sociales, Hatier). Elle s’inscrit dans le cadre d’une politique
conjoncturelle visant à lutter contre l’inflation et/ou le chômage ; en
Europe, elle est définie et conduite par la Banque centrale européenne,
indépendante des pouvoirs publics, créée en 1998. Elle utilise trois principaux instruments pour atteindre ses objectifs :
– l’action sur le taux directeur, qui correspond au taux d’intérêt des opérations de la Banque centrale européenne afin d’orienter le marché
monétaire. Ce taux constitue, en définitive, le coût des services facturés
par la Banque centrale aux banques commerciales, notamment dans le
cadre de leur refinancement en monnaie liquide. Ainsi, une hausse du
taux de réescompte (le prix que la BCE fait supporter à une banque en
échange de liquidités dont celle-ci aurait un besoin impératif sans pouvoir le satisfaire sur le marché interbancaire), amènera les banques commerciales à supporter un coût d’obtention de monnaie manuelle plus
élevé, ce qui les conduira à répercuter cette hausse dans le coût des crédits qu’elles consentent à leurs clients ;
– l’action sur le taux des réserves obligatoires, c’est-à-dire sur la fraction
des dépôts que les banques doivent conserver sur un compte non rémunéré géré par la Banque centrale ; par exemple, la hausse de ce taux
incite les banques commerciales à réduire leur possibilité de prêts, ce qui
raréfie les disponibilités en capital et élève son prix, le taux d’intérêt ;
– l’action sur le marché monétaire sur lequel se rencontrent les banques
et les entreprises en excédent de liquidités et celles en déficit de « monnaie banque centrale ». En se portant par exemple acheteuse de monnaie
liquide sur ce marché, la Banque centrale assèche les disponibilités
monétaires et fait ainsi augmenter le prix auquel se négocient les transactions entre les agents sur ce marché : le taux d’intérêt.
m Comment exploiter le document ?
Cet extrait du Monde de l’économie du 4/9/2001 met d’abord l’accent
sur les effets positifs à court terme d’une baisse des taux d’intérêt : tout
d’abord, elle réduit la rémunération de l’épargne, donc décourage les
placements au profit de la consommation, car selon Keynes l’épargne
n’est qu’un résidu (c’est la part du revenu qui n’est pas consommée). La
baisse du taux d’intérêt stimule aussi la consommation en réduisant le
coût du crédit car elle favorise l’endettement des agents économiques,
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notamment des ménages qui chercheront à profiter de crédits à la consomation plus avantageux et hésiteront donc moins à consommer ; l’activité économique se trouve alors relancée (réponse à la question 1). On
peut cependant compléter cette argumentation en soulignant que la
baisse des taux d’intérêt profite avant tout aux entreprises ; la baisse des
taux d’intérêt rend en effet l’endettement profitable car elle favorise l’obtention d’un effet levier, c’est-à-dire d’une situation dans laquelle la rentabilité financière s’accroît grâce à l’endettement.
L’article insiste ensuite sur les divergences d’objectifs entre la politique
monétaire conduite en Europe par rapport à celle des États-Unis : par les
nombreuses baisses de taux auxquelles elle s’est livrée, la FED semble,
en effet, avoir privilégié la lutte contre le chômage en cherchant à relancer l’activité économique, alors qu’en Europe, la Banque centrale semble
avoir davantage mis l’accent sur la stabilité monétaire à travers une priorité à la lutte contre l’inflation (les baisses de taux étant faibles et peu
nombreuses). De fait, au cours des années 1990, l’économie américaine a
connu un cycle de croissance élevée quasi ininterrompu (de 1996 à 2000
le PIB a augmenté de près de 4 % chaque année). Ce cycle de croissance
peut s’expliquer par une politique monétaire active (question 1) ; mais
d’autres éléments ont pu aussi y contribuer : les gains de productivité, les
baisses d’impôts, etc. (question 2). En Europe la croissance est restée
assez faible jusqu’en 1997 (autour de 2,5 % par an entre 1994 et 2000) ;
depuis 2000, la BCE privilégie la stabilité des prix en maintenant des taux
d’intérêt plus élevés qu’aux États-Unis ; cela pourrait expliquer un ralentissement plus net en Europe qu’aux États-Unis.
Document 2
m Mots clés
– taux de croissance du PIB en volume
– taux d’intérêt réel à court terme
m Comment exploiter le document ?
De 1990 à 1996, la croissance du PIB en volume (c’est-à-dire en unités
monétaires constantes) est restée faible. Dans le même temps, le taux
d’intérêt réel à court terme, bien qu’en diminution de 1992 à 1996, restait
à un niveau élevé et très largement supérieur au taux de croissance réel
du PIB, ce qui s’est traduit par une hausse de la part du PIB consacré au
remboursement de la dette.
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C’est à partir du moment où le taux d’intérêt a atteint un faible niveau
(2 % annuels), en 1996, que l’on a assisté à une reprise économique.
Celle-ci a permis à la croissance du PIB de dépasser le niveau du taux
d’intérêt réel à court terme en 1997.
De 1996 à 1998, le taux d’intérêt réel à court terme a très légèrement
augmenté, et depuis il demeure à un niveau constant de 2,5 % l’an
inférieur au taux de croissance du PIB ; ce dernier s’est maintenu à un
niveau nettement supérieur à son niveau de la première moitié des
années 1990, sans pour autant poursuivre le mouvement d’accélération
entamé entre 1996 et 1998.
Le document apporte donc une réponse à la question 1 puisque
l’abaissement du taux d’intérêt réel à court terme à des niveaux suffisamment bas coïncide avec une amélioration de la conjoncture économique.
Cependant cette coïncidence ne présage en rien du sens de la causalité ;
ainsi lors d’une reprise économique, les tensions sur les prix peuvent
aboutir à une baisse du taux d’intérêt réel à taux nominal inchangé. Il
n’est donc pas certain que la baisse du taux d’intérêt réel ne soit pas une
conséquence de la reprise économique qui puiserait alors ailleurs son
origine… Par ailleurs, le document 1 souligne bien que la baisse des taux
d’intérêt a un impact au bout de 4 à 6 mois ; donc cette baisse peut avoir
un effet procyclique et non contracyclique (question 2).
Document 3
m Mots clés
– taux d’investissement des sociétés non financières
– taux d’autofinancement des sociétés non financières
Rappel de cours 2
Le taux d’autofinancement correspond au rapport de l’épargne brute (partie de la valeur ajoutée conservée par les sociétés non financières (SNF)
et disponible pour financer l’acquisition de capital fixe), au montant effectif de leur investissement. Lorsqu’il est supérieur à 100 %, cela traduit une
capacité de financement des SNF ; ces dernières disposent ainsi d’une
épargne plus importante par rapport à leur besoin en capital. Au
contraire, lorsque ce taux est inférieur à 100 %, cela signifie que les projets d’investissement sont trop nombreux par rapport aux possibilités de
financement autonome dont disposent les SNF. Celles-ci éprouvent alors
un besoin de financement qu’elles doivent combler par une augmentation de capital propre ou par recours à l’emprunt (bancaire ou non).
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m Comment exploiter le document ?
De 1990 à 1997, le taux d’investissement (part de l’accumulation de
capital fixe dans la valeur ajoutée) a diminué par paliers : d’abord très fortement jusqu’en 1993 (passant de 21,5 % de la VA à 18,5 %), puis plus lentement jusqu’en 1996, pour connaître à nouveau une chute plus
importante en 1997, année pour laquelle le niveau de l’effort d’accumulation de capital de la part des sociétés non financières est au plus bas
(moins de 18 % de la VA). Depuis cette date, le taux d’investissement
s’est redressé de façon régulière jusqu’en 2000. Son niveau reste cependant assez faible (19 % de la VA).
Parallèlement à cette évolution, on assiste à une remontée du taux
d’autofinancement des sociétés non financières jusqu’en 1994 ; cependant ce taux reste inférieur à 100 % sur cette période. Il diminue entre
1994 et 1995 pour recommencer à croître jusqu’en 1998, atteignant pour
cette année un niveau supérieur à 100 %. De 1998 à 2000, le taux d’autofinancement a régulièrement diminué et son niveau témoigne d’un besoin
de financement accru de la part des SNF.
Le document répond donc à la question 1 : la croissance économique
est largement stimulée par une reprise de l’investissement. Or le graphique prouve que dans les périodes où les taux d’intérêt réels sont élevés (1990 à 1995), l’effort d’investissement ralentit. Inversement, lorsque
l’investissement repart (de 1997 à 2000), les entreprises ne peuvent le
financer de façon autonome, ce qui suggère qu’elles augmentent leur
capital propre (par émission d’actions) ou qu’elles empruntent. Cette dernière solution sera d’autant plus facilement utilisée que le coût du crédit
sera faible. De fait, en confrontant les observations de ce document à
celles du document précédent, on peut voir que la reprise de l’investissement coïncide avec une baisse du taux d’intérêt et le maintien de celui-ci
à un niveau faible, inférieur au taux de croissance économique. En effet,
pour une entreprise, la décision d’investir ne sera prise que si le revenu
tiré de l’investissement (mesuré par le taux de rentabilité économique)
est supérieur au coût engendré par ce dernier (mesuré par le taux d’intérêt). Dans le cas inverse, la profitabilité, qui mesure l’écart entre la rentabilité économique d’un investissement et le revenu d’un placement (le
taux d’intérêt) est négative, ce qui dissuade les chefs d’entreprise de risquer leurs fonds dans l’achat de capital fixe, mais les encourage plutôt à
réaliser des placements financiers. Comme le ralentissement de la croissance diminue le taux de rentabilité économique, il faut baisser le taux
d’intérêt pour accroître l’écart entre ce taux de rentabilité et le taux d’intérêt afin de rendre l’investissement plus avantageux que le placement.
Néanmoins lorsque le taux d’intérêt est trop faible, les agents écono-
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miques tombent dans la « trappe à liquidité » : l’élasticité de la demande
de monnaie des agents par rapport au taux d’intérêt est infinie, et l’élasticité de l’investissement est nulle. Les agents ont donc une préférence
absolue pour la détention de monnaie sous forme liquide (pour des
motifs de thésaurisation), et l’investissement ne repart pas (question 2).
La baisse du taux d’intérêt n’est donc pas une condition forcément suffisante à la reprise de l’investissement. D’ailleurs, on peut ainsi souligner
que le document met l’accent sur l’existence d’autres moyens de financement de la formation brute de capital fixe que le recours à l’emprunt
(autofinancement notamment) ; cela relativise bien l’effet d’une baisse du
coût du crédit sur l’effort d’accumulation de capital (question 2).
Document 4
m Mots clés
– déterminants de l’investissement
– croissance potentielle
– offre
– demande
– capacités de production
Rappel de cours 3
La croissance potentielle désigne la croissance maximale de plein
emploi, non inflationniste. Ce concept a été forgé dans les années 1960
par W. Heller et A. Okun ; ces derniers ont montré qu’un écart positif (gap
d’Okun) entre la croissance potentielle et la croissance réelle révélait un
déficit de demande. Cela justifie une politique de relance budgétaire, la
dépense publique amenant, par le jeu du multiplicateur keynésien, à
compenser ce déficit de demande.
m Comment exploiter le document ?
Le premier paragraphe du texte vient tout d’abord limiter l’effet bénéfique d’une baisse des taux d’intérêt sur l’investissement, donc sur la
croissance économique. Il fournit ainsi une réponse à la question 2.
D’une part, selon les auteurs du document, les taux d’intérêt ne constituent qu’un déterminant parmi d’autres de la décision d’investir. Celle-ci
dépend en grande partie du taux d’utilisation des capacités productives.
Lorsqu’il est faible, c’est-à-dire quand les machines tournent au ralenti,
aucun entrepreneur ne peut envisager d’accroître son potentiel productif.
D’autre part, pour qu’une entreprise emprunte, il faut aussi que son
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niveau d’endettement lui permette d’accumuler de nouvelles dettes ; il
faut donc qu’elle ait assaini au préalable son bilan. Pour investir, il faut
enfin qu’elle soit confrontée à une demande globale effective (demande
des agents économiques, anticipée par le chef d’entreprise) suffisamment forte pour susciter le désir de l’entrepreneur d’accroître ses capacités de production. Cette demande effective sera, certes, d’autant plus
élevée que les crédits à la consommation et à l’investissement seront
d’un coût faible (question 1) ; mais la demande globale est aussi largement fonction, comme l’a montré Keynes, de la psychologie des marchés. En effet, comme l’investissement est un pari sur l’avenir, plus la
confiance sera au rendez-vous, moins l’incertitude sera grande, plus les
entrepreneurs seront tentés de réaliser leurs projets d’investissement,
indépendamment du niveau des taux d’intérêt (question 2).
Mais le document apporte également une réponse à la question 1 ; en
effet dans le deuxième paragraphe, le taux d’intérêt est présenté comme
une variable explicative des transformations de l’offre : ses variations
influencent directement le niveau de la croissance en agissant sur l’accumulation de capital productif.
Le troisième paragraphe présente le taux d’intérêt comme instrument
de politique monétaire. Sur le marché des biens de services, lorsque la
demande est supérieure à l’offre, les prix sont poussés à la hausse. Le
relèvement des taux d’intérêt est un moyen de contenir ces pressions
inflationnistes : il diminue la masse monétaire puisqu’il incite les agents à
transformer des actifs liquides en épargne, et il contribue à freiner la croissance de la création de monnaie scripturale par les banques commerciales, les crédits étant plus onéreux. La baisse des taux d’intérêt est donc
risquée car elle peut relancer les tensions inflationnistes (question 2).
Mais lorsque les entreprises sous-utilisent leurs capacités productives
c’est que l’offre est supérieure à la demande ; dans ce cas, la déflation
peut menacer. Il est alors nécessaire de diminuer le taux d’intérêt pour
éviter que les entreprises ne réduisent leur potentiel productif ce qui nuirait à plus long terme à la croissance. Ce paragraphe répond donc à la
question 1.
Document 5
m Mots clés
– policy mix
– politique budgétaire
– politique monétaire
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Rappel de cours 4
La politique monétaire ainsi que la politique budgétaire constituent les
instruments privilégiés de la politique économique des pouvoirs publics.
Celle-ci vise à réguler et orienter l’activité économique afin d’obtenir la
croissance la plus forte possible accompagnée d’une inflation et d’un
chômage les plus faibles possible, ainsi que d’une balance des transactions courantes équilibrée. La politique monétaire cherche à réguler le
niveau de la masse monétaire afin d’alimenter suffisamment l’économie
en liquidités, sans que celles-ci ne soient cependant trop abondantes de
façon à éviter tout risque inflationniste. La politique budgétaire consiste à
utiliser le budget de l’État (ensemble de ses recettes et de ses dépenses)
comme instrument de régulation conjoncturel, dans le cadre d’une politique « contracyclique » agissant sur la demande dans le sens opposé à
la conjoncture ; on doit en particulier à Keynes l’idée que lorsque la croissance ralentit, les dépenses publiques doivent la stimuler en exerçant un
effet multiplicateur. Mais, lorsque la croissance s’emballe, une rigueur
budgétaire permet d’accompagner la politique monétaire visant la
désinflation (c’est-à-dire le ralentissement de la hausse des prix).
m Comment exploiter le document ?
Ce texte est difficile à cerner car il s’inscrit dans une présentation assez
longue, dont le candidat ne dispose que d’un fragment « aménagé » (certaines coupures dans le texte d’origine n’ayant d’ailleurs pas été précisées), de l’utilisation, par les principaux pays développés dans les années
1990 à 2000, des instruments monétaires et budgétaires de politique économique et de leur efficacité sur la croissance et l’emploi.
Dans cet extrait, J.-P. Fitoussi met tout d’abord l’accent sur le fait que
contrairement aux années 1970, la politique budgétaire n’exerce plus les
mêmes effets dynamisants sur la conjoncture que ceux constatés aux
cours des Trente Glorieuses. En d’autre termes le multiplicateur keynésien des dépenses publiques ne fonctionne plus. Cela explique que la
rigueur budgétaire se soit imposée à peu près partout, même en période
de conjoncture basse. Cela explique aussi pourquoi la politique monétaire a pris le pas sur la politique budgétaire, comme moyen de régulation de l’activité économique. La politique monétaire ayant réussi à
terrasser l’inflation, elle apparaît comme la meilleure politique de régulation économique, et suppose le maintien du loyer de l’argent à un niveau
suffisamment élevé afin d’éviter une création excessive de monnaie. Par
ailleurs, la thèse néoclassique a mis en avant l’inefficacité de la politique
budgétaire de relance ; selon elle, le financement d’une telle politique
obligera tôt au tard l’État à emprunter, ce qui contribuera par l’effet
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d’éviction (l’État raréfie les ressources financières disponibles pour
d’autres agents) à augmenter les taux d’intérêt. Comme les agents sont
rationnels, ils anticipent cette hausse, de même qu’ils anticipent la
hausse de tous les prix qui résultera de la relance ; dans ces conditions,
les agents ne réagissent pas à une hausse de leur revenu courant résultant de la relance. Ils prennent plutôt en considération leur revenu
permanent (résultant des anticipations de leurs gains sur le long terme).
Du coup la relance ne peut favoriser la consommation, et encore moins
l’investissement.
Cependant J.-P. Fitoussi prend soin de rappeler que la politique monétaire en Europe n’a été que restrictive comme en témoigne le niveau
régulièrement élevé des taux d’intérêt réels (alors qu’elle a été considérablement assouplie à certaines occasions en Grande-Bretagne et aux
États-Unis) ; c’est pourquoi les pays membres de l’Union européenne ont
pu chercher à compenser les effets excessifs de cette rigueur monétaire
par une politique budgétaire plus expansionniste qu’elle ne l’aurait été
sans cela.
Finalement le document fournit une réponse à la deuxième questionguide. Il invite à penser en effet qu’une baisse des taux d’intérêt ne peut
produire d’effets favorables sur l’investissement si les tensions inflationnistes subsistent ; donc il suggère une condition de l’efficacité de cette
baisse, notamment une rigueur budgétaire stricte.
Cependant le document fournit aussi une réponse à la question 1 ; en
effet, en mettant l’accent sur l’intensité de la rigueur monétaire durant de
nombreuses années en Europe, l’auteur suggère qu’une politique de
baisse des taux s’avère aujourd’hui indispensable pour ne pas freiner la
croissance économique.
Document 6
m Mots clés
– taux d’intérêt
– demande intérieure
– balance des capitaux
– balance commerciale
– balance des paiements
– taux de change
– PIB
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Rappel de cours 5
La balance des paiements est un document comptable retraçant l’ensemble des flux d’échanges d’une économie avec le reste du monde. On
y trouve le compte des transactions courantes qui enregistre les opérations sur les biens, sur les services, et les entrées et sorties de revenus
ainsi que les transferts courants. On y trouve également le compte de
capital qui enregistre plus spécifiquement les opérations non financières
telles les achats/ventes de brevets, et le compte financier qui recense
notamment les entrées et sorties liées aux investissements directs (de
l’étranger et à l’étranger), et celles liées aux achats/ventes d’actions et
d’obligations.
m Comment exploiter le document ?
Le document montre que la baisse des taux d’intérêt a des effets
contradictoires sur la croissance économique. L’effet macro-économique
direct de cette baisse est positif (réponse à la question 1) : le crédit étant
plus facile, la demande intérieure c’est-à-dire la consommation et l’investissement des ménages, de même que l’investissement des entreprises,
augmentent.
Néanmoins, indirectement d’autres effets macro-économiques viennent contrecarrer les effets précédents (réponse à la question 2). Ainsi
toute chose égale par ailleurs, notamment sans augmentation immédiate
de l’offre, la hausse de la demande résultant de la baisse des taux d’intérêt provoque une augmentation des prix. Si cette dernière est plus forte
que dans le reste du monde, les exportations s’en trouvent handicapées
alors même que cette hausse des prix rend plus compétitives les importations. Celles-ci viennent alors se substituer aux produits nationaux. Il
découle de tout cela un déficit commercial nuisible à la croissance, car
obligeant à plus ou moins long terme les pouvoirs publics à conduire
une politique de rigueur pour y remédier (sous l’effet de la contrainte
extérieure).
Du reste, le déficit extérieur amplifie la dépréciation du taux de change,
née de la baisse des taux d’intérêt. En effet, cette baisse signifie une
rémunération de l’épargnant moins avantageuse. Il en découle donc une
sortie de capitaux vers d’autres places financières ; du coup le capital disponible pour financer l’investissement se raréfie. La reprise économique
s’en trouve, dès lors, compromise. De plus, la sortie de capitaux initiée
par la moindre rémunération de ceux-ci se traduit par le fait que les
agents économiques vendent la monnaie nationale pour la convertir en
d’autres devises. Cela provoque la dépréciation de la monnaie sur le marché des changes. Cette dépréciation exerce elle-même des effets contra-
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dictoires : elle relance les exportations en diminuant les prix des produits
exportés sur les marchés étrangers. Cette stimulation de la demande
externe contribue évidemment à relancer la croissance (question 1).
Cependant elle provoque en sens inverse un renchérissement du prix des
importations ; or, à partir du moment où les produits exportés incorporent
un fort contenu en biens importés, la dépréciation monétaire se traduit par
une « inflation importée » susceptible de pénaliser les exportations et
ralentissant, de fait, la croissance économique (question 2).
R E C H E R C H E D ’ U N E P R O B L É M AT I QU E
m Bilan de l’analyse des documents
Tous les documents livrent une réponse à la question 1 puisqu’ils suggèrent, à des degrés divers, qu’une baisse des taux d’intérêt agit positivement sur l’offre et la demande.
Les documents 3, 4, 5 et 6 contiennent des éléments de réponse à la
question 2 ; ils montrent en effet que cette baisse des taux d’intérêt peut
exercer des effets pervers nuisibles à la croissance, ou que cette baisse
n’est pas nécessairement une condition suffisante.
m Problématique
La baisse des taux d’intérêt constitue une variable économique clé de
la politique économique ; condition nécessaire d’une relance keynésienne
de la demande, elle n’est cependant pas forcément suffisante, ni même
toujours efficace pour activer la croissance économique.
P L A N D É TA I L L É D E L A D I S S E RTAT I O N
p Introduction
– Accroche : la décision de la BCE d’abaisser de 0,5 point son taux directeur en juin 2003.
– Définition des termes : taux d’intérêt et croissance économique.
– Énoncé de la problématique.
– Annonce du plan.
p Première partie
La baisse des taux d’intérêt est une condition nécessaire à la reprise de
la croissance économique.
m 1. La baisse des taux d’intérêt provoque effectivement une reprise économique par son action directe sur la demande.
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a. La baisse des taux d’intérêt semble empiriquement correspondre à
une reprise de la croissance économique, alors que leur haut niveau s’accompagne d’une faible croissance. (documents 1, 2 et 5)
b. La consommation et l’exportation sont stimulées par la baisse des
taux d’intérêt. (documents 1 et 6)
m 2. La baisse des taux d’intérêt favorise une hausse de l’offre en stimulant l’investissement des entreprises.
a. L’emprunt a un coût qu’il faut minorer pour inciter les entreprises à
prendre la décision d’investir, notamment afin qu’elles profitent de l’effet
levier de l’endettement (document 1)…
b.… mais aussi afin d’accroître leur profitabilité. (documents 3 et 4)
p Deuxième partie
Cependant la baisse des taux d’intérêt peut être insuffisante ou inefficace pour accélérer le rythme de croissance.
m 1. L’effet de la baisse du taux d’intérêt sur l’investissement peut être
limitée ou même nulle…
a. … car l’investissement dépend de nombreuses autres variables (document 4) et le rôle du crédit dans son financement est désormais moindre
(document 3)…
b. … et les agents rationnels anticipent un retour rapide à la hausse de ce
taux. (document 5)
m 2. La baisse des taux d’intérêt peut exercer des effets macroéconomiques pervers si certaines conditions ne sont pas respectées.
a. La baisse des taux d’intérêt engendre un déficit des paiements et
risque de relancer l’inflation ; d’où un effet boomerang sur la croissance
économique. (documents 5 et 6)
b. Pour stimuler la croissance, la baisse des taux d’intérêt doit s’inscrire
dans un contexte économique particulier. (documents 3 et 5)
p Conclusion
– Bilan de l’argumentation et réponse à la problématique.
– Ouverture.
R É DAC T I O N D E L A D I S S E RTAT I O N
Le jeudi 5 juin 2003, la Banque centrale européenne a décidé d’abaisser de 0,5 point son taux directeur. Ce taux est un instrument de la politique monétaire. Il influence directement le niveau du taux d’intérêt.
L’intérêt constitue le revenu reçu par un créancier au prorata de la
somme qu’il a prêtée, et le taux d’intérêt représente une proportion de la
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somme qu’il a prêtée ; c’est aussi le prix du service que doit payer l’emprunteur à un prêteur acceptant de se dessaisir de ses fonds pendant un
laps de temps donné. Comme il existe un grand nombre de types de crédits (immobilier, à la consommation…), il existe aussi une large palette
de taux d’intérêt. Traditionnellement, on distingue les taux d’intérêt à
court terme à moins d’un an (essentiellement ceux du marché monétaire), des taux d’intérêt à long terme (ceux du marché financier, notamment des obligations et des bons du trésor).
En abaissant ainsi le loyer de l’argent, la Banque centrale européenne a
l’espoir d’éviter le risque d’une déflation, c’est-à-dire d’une baisse de
tous les indicateurs économiques. Elle espère ainsi contribuer à la
relance de la croissance économique. Cette dernière correspond à l’accélération de l’activité économique suite à une période de récession caractérisée par une faible augmentation du Produit intérieur brut (indicateur
traditionnellement utilisé par les économistes pour rendre compte de la
croissance économique). C’est donc une période au cours de laquelle la
croissance s’accélère brutalement pour dépasser le niveau moyen de
croissance de long terme.
L’idée d’une « relance » par la baisse des taux d’intérêt s’inscrit dans la
pensée keynésienne selon laquelle la croissance doit-être stimulée par
des politiques économiques appropriées. La question est alors de savoir
si cette mesure est nécessaire et suffisante pour parvenir au résultat
escompté.
Nous verrons qu’effectivement la baisse des taux d’intérêt peut stimuler l’activité économique. Mais nous démontrerons aussi que cette
mesure de politique économique peut ne pas exercer cet effet, voire aller
à l’encontre de l’objectif recherché.
La baisse des taux d’intérêt est une condition nécessaire à la reprise de
la croissance économique. D’une part elle provoque effectivement une
reprise économique par son action directe sur la demande ; d’autre part
elle favorise une hausse de l’offre en stimulant l’investissement des
entreprises.
La baisse des taux d’intérêt semble empiriquement correspondre à une
reprise de la croissance économique, alors que leur haut niveau s’accompagne d’une faible croissance. Rappelons tout d’abord que la politique
monétaire est un instrument de la politique économique consistant à
fournir les liquidités nécessaires au bon fonctionnement et à la croissance de l’économie, tout en veillant à la stabilité de la monnaie. Elle
s’inscrit dans le cadre d’une politique conjoncturelle visant à lutter contre
l’inflation et/ou le chômage et agit principalement sur les taux d’intérêt
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(taux directeur, taux des réserves obligatoires, taux du marché monétaire), pour atteindre ces objectifs. En Europe, la politique monétaire est
définie et conduite par la Banque centrale européenne créée en 1998,
indépendante des pouvoirs publics. Les divergences d’objectifs entre la
politique monétaire conduite en Europe par rapport à celles des ÉtatsUnis sont patentes : la FED s’est engagée à plusieurs reprises dans de
nombreuses baisses de taux afin de relancer l’activité économique et de
réduire le chômage. En Europe, la Banque centrale semble avoir davantage mis l’accent sur la stabilité monétaire à travers une priorité à la lutte
contre l’inflation (les baisses de taux étant faibles et peu nombreuses).
Or, au cours des années 1990, l’économie américaine a connu un cycle
de croissance élevée quasi ininterrompu (de 1996 à 2000 le PIB a augmenté de près de 4 % chaque année), alors qu’en Europe la croissance
est restée assez faible jusqu’en 1997 (autour de 2,5 % par an entre 1994 et
2000) ; cela semble donc confirmer l’idée qu’une politique monétaire plus
souple favorise une reprise de l’activité économique. Le document 2
montre qu’en France, de 1990 à 1996, la croissance du PIB en volume
(c’est-à-dire en unités monétaires constantes) est restée faible, alors que
dans le même temps, le taux d’intérêt réel à court terme, bien qu’en diminution de 1992 à 1996, restait à un niveau élevé et très largement supérieur au taux de croissance réel du PIB. C’est à partir du moment où le
taux d’intérêt a atteint un faible niveau (2 % annuels), en 1996, que l’on a
assisté à une reprise économique. Celle-ci a d’ailleurs permis à la croissance du PIB de dépasser le niveau du taux d’intérêt réel à court terme
en 1997. Et, si ce dernier a très légèrement augmenté entre 1996 et 1998,
depuis il demeure à un niveau constant de 2,5 % l’an, inférieur au taux de
croissance du PIB qui s’est maintenu à un niveau nettement supérieur à
celui de la première moitié des années 1990.
Cette corrélation positive s’explique par le fait que la diminution du
coût du crédit constitue un stimulant de la demande. En effet, la consommation et l’exportation sont aiguisées par la baisse des taux d’intérêt. Le
document 1 met l’accent sur les effets positifs à court terme d’une baisse
des taux d’intérêt : tout d’abord, elle réduit la rémunération de l’épargne,
donc décourage les placements au profit de la consommation, car selon
Keynes, l’épargne n’est qu’un résidu (c’est la part du revenu qui n’est pas
consommée). Le taux d’intérêt, pour les keynésiens, correspond au prix
de la liquidité c’est-à-dire à ce qu’il faut payer aux agents économiques
pour qu’ils acceptent de se dessaisir de leurs actifs liquides (sous forme
de disponibilités monétaires ou quasi monétaires notamment). Dans
cette perspective, une baisse du taux d’intérêt conduit les agents à préférer les avantages de la liquidité (réaliser des transactions) à ceux d’un
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placement (notamment l’obtention de revenus spéculatifs). La consommation est donc préférée à l’épargne. Cela stimule la production car en
période de sous-emploi du facteur travail, l’épargne est synonyme d’absence de débouchés et entrave le bon fonctionnement de l’activité économique. La baisse du taux d’intérêt stimule aussi la consommation en
réduisant le coût du crédit car elle favorise l’endettement des agents économiques, notamment des ménages qui chercheront à profiter de crédits
à la consommation plus avantageux et hésiteront donc moins à consommer ; l’activité économique se trouve alors relancée. Par ailleurs, la diminution de la rémunération du capital, en dissuadant les épargnants,
provoque une sortie de capitaux vers l’étranger (document 6). Il en
découle une dépréciation du taux de change de la monnaie nationale ;
celle-ci relance les exportations en diminuant les prix des biens exportés
sur les marchés étrangers. Cette stimulation de la demande externe
contribue évidemment à relancer la croissance.
L’activité économique n’est pas seulement impulsée par la consommation et l’exportation ; elle est largement stimulée par l’investissement car
une reprise de celui-ci exerce un effet multiplicateur, c’est-à-dire que sa
hausse provoque une augmentation plus que proportionnelle du revenu
national, donc de la croissance économique. Or les variations de l’investissement sont parallèles au coût de l’emprunt. Il faut donc minorer ce
dernier pour inciter les entreprises à prendre la décision d’investir. En
confrontant les documents 2 et 3, on peut voir que dans les périodes où
les taux d’intérêt réels sont élevés (1990 à 1995), l’effort d’investissement
mesuré par le taux d’investissement (FBCF/Valeur ajoutée, en %), ralentit.
Inversement, l’investissement repart de 1997 à 2000 dans une période où
le taux d’intérêt réel à court terme est faible et inférieur au taux de croissance économique. Certes, l’investissement peut être financé autrement
que par le recours à l’emprunt, et quand cette voie est utilisée, les
emprunts contractés sont le plus souvent à long terme. Cependant les
taux à court terme guident ceux à long terme, et leurs évolutions sont
souvent parallèles. Aussi, quand les entreprises ne peuvent se financer
de façon autonome et qu’elles n’augmentent pas leur capital propre (par
émission d’actions), elles empruntent. Et cette dernière solution sera
d’autant plus facilement utilisée que le coût du crédit sera faible. De fait,
on peut voir que la reprise de l’investissement (document 3) coïncide
avec une baisse du taux d’intérêt à court terme (document 2) et le maintien de celui-ci à un niveau faible.
Si la baisse des taux d’intérêt profite avant tout aux entreprises, c’est
qu’elle rend leur endettement profitable : elle favorise en effet l’obtention
d’un effet levier, c’est-à-dire d’une situation dans laquelle la rentabilité
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financière s’accroît grâce à l’endettement. Mais c’est aussi surtout parce
qu’elle accroît leur profitabilité (documents 3 et 4). En effet, pour une
entreprise, la décision d’investir ne sera prise que si le revenu tiré de
l’investissement (mesuré par le taux de rentabilité économique) est supérieur au coût engendré par ce dernier (mesuré par le taux d’intérêt). Dans
le cas inverse, la profitabilité, qui mesure l’écart entre la rentabilité économique d’un investissement et le revenu d’un placement (le taux d’intérêt) est négative, ce qui dissuade les chefs d’entreprise de risquer leurs
fonds dans l’achat de capital fixe, mais les encourage plutôt à réaliser des
placements financiers. Comme la crise diminue le taux de rentabilité économique, il faut baisser le taux d’intérêt pour accroître l’écart entre ce
taux de rentabilité et le taux d’intérêt afin de rendre l’investissement plus
avantageux que le placement. Par ailleurs, en période de crise, les entreprises sous-utilisent leurs capacités productives car l’offre de biens et
services est supérieure à la demande ; dans ce cas, la déflation peut
menacer. Il est alors nécessaire de diminuer le taux d’intérêt pour éviter
que les entreprises ne réduisent leur potentiel productif ce qui nuirait à
plus long terme à la croissance (document 4).
Les faits semblent prouver qu’une baisse des taux d’intérêt correspond
à une relance de la croissance économique. Par l’action qu’elle exerce sur
les composantes de la demande et par son effet sur l’offre, via l’investissement, cette baisse est en mesure d’activer la croissance. Pourtant il
n’est pas certain qu’aujourd’hui cette baisse soit suffisante pour parvenir
à ce résultat ; de surcroît, elle pourrait même avoir des effets négatifs.
Cependant la baisse des taux d’intérêt peut être insuffisante ou inefficace pour accélérer le rythme de croissance. D’une part les effets d’une
telle baisse sur l’investissement sont incertains ; d’autre part certains de
ses effets macro-économiques peuvent même handicaper une éventuelle
reprise si les conditions ne sont pas propices.
Une baisse du taux d’intérêt peut effectivement exercer des effets limités ou même nuls sur l’investissement. Celui-ci dépend en effet de nombreuses autres variables comme le souligne le document 4. Selon les
auteurs de l’extrait du livre dont le document est tiré, les taux d’intérêt ne
constituent qu’un déterminant parmi d’autres de la décision d’investir.
Celle-ci dépend en grande partie du taux d’utilisation des capacités productives. Lorsqu’il est faible, c’est-à-dire quand les machines tournent au
ralenti, aucun entrepreneur ne peut envisager d’accroître son potentiel
productif. De plus, pour qu’une entreprise emprunte, il faut aussi que son
niveau d’endettement lui permette d’accumuler de nouvelles dettes ; il
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faut donc qu’elle ait assaini au préalable son bilan. Pour investir, il faut
enfin qu’elle soit confrontée à une demande globale effective (demande
des agents économiques, anticipée par le chef d’entreprise) suffisamment forte pour susciter le désir de l’entrepreneur d’accroître ses capacités de production. Cette demande effective sera, certes, d’autant plus
élevée que les crédits à la consommation et à l’investissement seront
d’un coût faible ; mais la demande globale est aussi largement fonction,
comme l’a montré Keynes, de la psychologie des marchés. En effet,
comme l’investissement est un pari sur l’avenir, plus la confiance sera au
rendez-vous moins l’incertitude sera grande, plus les entrepreneurs
seront tentés de réaliser leurs projets d’investissement, indépendamment du niveau des taux d’intérêt. De plus, le rôle du crédit dans le financement de l’acquisition de capital fixe est désormais moindre. On peut
ainsi souligner que le document 3 met l’accent sur l’existence d’autres
moyens de financement de la formation brute de capital fixe que le
recours à l’emprunt. Si l’autofinancement joue notamment un rôle, il faut
y ajouter le recours à l’accroissement de capital propre par l’émission
d’actions, dont le rôle ne cesse de croître depuis la libéralisation des marchés financiers ; cela relativise bien l’effet d’une baisse du coût du crédit
sur l’effort d’accumulation de capital.
En outre, le plus faible coût du loyer de l’argent est un instrument de la
politique de relance keynésienne qui agit désormais moins qu’avant sur
la reprise de la croissance car les agents rationnels anticipent un retour
rapide à la hausse du taux d’intérêt (document 5). Dans cet extrait, J.-P.
Fitoussi met tout d’abord l’accent sur le fait que contrairement aux
années 1970, la politique budgétaire n’exerce plus les mêmes effets
dynamisants sur la conjoncture que ceux constatés aux cours des Trente
Glorieuses. En d’autres termes le multiplicateur keynésien des dépenses
publiques ne fonctionne plus. Cela explique que la rigueur budgétaire se
soit imposée à peu près partout, même en période de conjoncture basse.
Cela explique aussi pourquoi la politique monétaire a pris le pas sur la
politique budgétaire, comme moyen de régulation de l’activité économique. La politique monétaire ayant réussi à terrasser l’inflation, elle
apparaît comme la meilleure politique de régulation économique et suppose le maintien du loyer de l’argent à un niveau suffisamment élevé afin
d’éviter une création excessive de monnaie. Par ailleurs, la thèse néoclassique a mis en avant l’inefficacité de la politique budgétaire de relance
par le truchement du taux d’intérêt ou d’un quelconque autre moyen ;
selon elle, le financement d’une telle politique obligera tôt ou tard l’État à
emprunter ce qui contribuera par l’effet d’éviction (l’État raréfie les
ressources financières disponibles pour d’autres agents) à augmenter les
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taux d’intérêt. Comme les agents sont rationnels, ils anticipent cette
hausse, de même qu’ils anticipent la hausse de tous les prix qui résultera
de la relance ; dans ces conditions, les agents ne réagissent pas à une
hausse de leur revenu courant résultant de la relance. Ils prennent plutôt
en considération leur revenu permanent (résultant des anticipations de
leurs gains sur le long terme). Du coup, la relance ne peut favoriser la
consommation, et encore moins l’investissement.
Enfin, la baisse des taux d’intérêt peut exercer des effets macroéconomiques pervers si certaines conditions ne sont pas respectées.
Cette diminution engendre en effet un déficit des paiements et risque
de relancer l’inflation ; d’où un effet boomerang sur la croissance économique (documents 5 et 6). Selon les économistes classiques, le taux d’intérêt représente en effet la rémunération de la renonciation à une
consommation présente ; ce taux influence l’offre de capital (l’épargne) et
la demande qui en est faite (l’investissement) ; l’épargne étant une fonction croissante de ce taux et la demande une fonction décroissante, il
existe un taux d’intérêt d’équilibre qui concilie les souhaits des offreurs
et ceux des demandeurs. Ainsi une baisse du taux d’intérêt peut engendrer une diminution de l’épargne et une hausse de la demande de capitaux. Un déséquilibre peut alors se produire tel que l’épargne ne soit plus
suffisante pour financer tous les projets d’investissements souhaités ; ces
derniers n’étant plus sélectionnés, la baisse des taux d’intérêt peut aboutir à un gaspillage de capital. Au demeurant, le taux d’intérêt reste un instrument de la politique de désinflation compétitive. Sur le marché des
biens et services, lorsque la demande est supérieure à l’offre, les prix
sont poussés à la hausse. Le relèvement des taux d’intérêt est un moyen
de contenir ces pressions inflationnistes : il diminue la masse monétaire
puisqu’il incite les agents à transformer des actifs liquides en épargne, et
il contribue à freiner la croissance de la création de monnaie scripturale
par les banques commerciales, les crédits étant plus onéreux. La baisse
des taux d’intérêt est donc risquée car elle peut relancer les tensions
inflationnistes. Or celles-ci exercent des effets déstabilisants sur la croissance économique dans un contexte de mondialisation croissante. Ainsi
toute chose égale par ailleurs, notamment sans augmentation immédiate
de l’offre de biens et services, la hausse de la demande résultant de la
baisse des taux d’intérêt provoque une augmentation des prix. Si cette
dernière est plus forte que dans le reste du monde, les exportations s’en
trouvent handicapées alors même que cette hausse des prix rend plus
compétitives les importations. Celles-ci viennent alors se substituer aux
produits nationaux. Il découle de tout cela un déficit commercial nuisible
à la croissance, car obligeant à plus ou moins long terme les pouvoirs
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publics à conduire une politique de rigueur pour y remédier. Du reste, le
déficit extérieur amplifie la dépréciation du taux de change, née de la
baisse des taux d’intérêt. En effet, cette baisse signifie une rémunération
de l’épargnant moins avantageuse. Il en découle donc une sortie de capitaux vers d’autres places financières ; du coup le capital disponible pour
financer l’investissement se raréfie. La reprise économique s’en trouve,
dès lors, compromise. De plus, la sortie de capitaux initiée par la
moindre rémunération de ceux-ci se traduit par le fait que les agents économiques vendent la monnaie nationale pour la convertir en d’autres
devises. Cela provoque la dépréciation de la monnaie sur le marché des
changes. Cette dépréciation provoque un renchérissement du prix des
importations ; or, à partir du moment où les produits exportés incorporent un fort contenu en biens importés, la dépréciation monétaire se traduit par une « inflation importée » susceptible de pénaliser les
exportations et ralentissant, de fait, la croissance économique.
Il semble découler de cela que, pour stimuler la croissance économique, la baisse des taux d’intérêt doit s’inscrire dans un contexte économique désinflationniste. Pourtant, un regain d’inflation peut-être
souhaitable pour encourager les emprunteurs potentiels à passer à l’acte
(documents 3 et 5) ! On doit en effet distinguer les taux d’intérêt nominaux des taux d’intérêt réels, ces derniers étant déflatés (c’est-à-dire
qu’on enlève des taux d’intérêt nominaux l’effet de distorsion que provoque la hausse des prix). Or pour l’emprunteur, seuls les taux d’intérêt
réels sont pris en compte car ils traduisent ce qu’il doit effectivement
rembourser en unités monétaires constantes. La baisse des taux d’intérêt
réels dépend de l’évolution des taux d’intérêt nominaux et du taux d’inflation. En d’autres termes, la diminution du coût du crédit n’est efficace
que si l’inflation baisse proportionnellement, ou moins que proportionnellement, à la baisse des taux d’intérêt nominaux. Ainsi lorsque le
niveau des taux d’intérêt nominaux baisse de 6 % à 3 % et que le taux
d’inflation passe de 4 % à 2 %, alors les taux d’intérêt réels diminuent,
passant de près de 2 %, à 1 % environ. Mais, si l’inflation diminue plus
vite, passant par exemple de 6 % à 2 % alors que les taux d’intérêt nominaux passent de 8 % à 5 %, alors le taux d’intérêt réel passe de 2 % environ à près de 3 % ! La faiblesse des taux d’intérêt réels, éventuellement
obtenue à l’aide d’une dose homéopathique d’inflation semble donc une
condition indispensable à la reprise de la croissance. Néanmoins lorsque
le taux d’intérêt est trop faible, les agents économiques tombent dans la
« trappe à liquidité » : l’élasticité de la demande de monnaie des agents
par rapport au taux d’intérêt est infinie, et l’élasticité de l’investissement
est nulle. Les agents ont donc une préférence absolue pour la détention
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de monnaie sous forme liquide (pour des motifs de thésaurisation), et
l’investissement ne repart pas.
Comme on vient de le voir, la diminution du coût du crédit n’est donc
pas forcément suffisante et indispensable afin de stimuler la croissance.
La baisse des taux d’intérêt stimule la consommation et les exportations mais elle incite surtout les agents économiques à investir. Ainsi
participe-t-elle à la mise en œuvre d’une politique économique de
relance, obéissant en cela aux préceptes développés par Keynes. Pourtant le maniement de cet outil est ambigu ; en effet, la baisse du loyer de
l’argent présente des risques inflationnistes qui peuvent se révéler déstabilisants pour l’économie. En même temps, elle ne peut être bénéfique
que si les taux d’intérêt réels sont suffisamment faibles pour avantager
les prêteurs, ce qui suppose le maintien d’une certaine dose d’inflation !
Finalement, il peut paraître aujourd’hui contestable de ne compter que
sur cette mesure pour parvenir à relancer une activité économique atone
dans les pays développés. Aussi devrait-on s’interroger sur la pertinence
de la mise en œuvre d’une politique de relance keynésienne passant par
la hausse des salaires.
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