FORMATION SUR LE FILM LES 400 COUPS de François Truffaut

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FORMATION SUR LE FILM LES 400 COUPS de François Truffaut
FORMATION SUR LE FILM
LES 400 COUPS
de François Truffaut
Le mercredi 25 mars 2015, l’association Collège au Cinéma 37 a reçu Stéphan Krezinski, réalisateur,
scénariste et enseignant, pour parler du film Les 400 coups de François Truffaut, programmé aux élèves de
6ème/5ème.
I - IMPRESSIONS SUR LE FILM :
Pascale Etien est bien rentrée dans l'atmosphère du film ; elle trouve néanmoins que la fin est brutale avec
l'arrêt sur le visage d'Antoine Doinel. Elle pense également que les élèves seront attentifs à la démission des
adultes.
Marie-Zélia Beaumont pensait que le film serait plus fantaisiste et trouve qu'il n'y a pas de lueur d'espoir.
Sylvie Bazola trouve que ce film est exclusivement masculin à part la mère d'Antoine Doinel (qui pourtant a un
rôle central pour Stéphan Krezinski).
Pour William Bouchet, Antoine Doinel a une mère qui n'est pas aimante et un père, sans autorité.
Pour Pascal Bernier, ce film fera sourire les élèves car il le trouve vieilli.
II - LES 400 COUPS
a/ La Nouvelle Vague (1959 - 1965)
La Nouvelle Vague apparaît à la fin des années 1950 avec un texte "Nouvelle vague, déferlement de jeunesse"
qui commence par une citation de René Clément (qui a influencé les réalisateurs de la Nouvelle Vague) :
"Après Buchenwald, on ne peut plus faire de films mièvres, il y a quelque chose d'autre à exprimer. (...) On
triche trop souvent avec la réalité et elle se venge. De tous les films de guerre, les montages d'actualité sont
ceux qui nous émeuvent le plus."
Tout comme pour le néoréalisme, les réalisateurs tournent dans des vrais décors.
Caractéristiques de la Nouvelle Vague : cinéma demandant peu de moyens, sans stars et marquant le début
du 16 mm.
Françoise Giroud utilise la première foi le terme de Nouvelle Vague dans un article de L'Express du 3 octobre
1957.
La Nouvelle Vague arrive en 1956 avec Le Beau Serge et Les Cousins de Chabrol, Hiroshima, mon amour
d'Alain Resnais, Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle, Les 400 Coups de Truffaut et A bout de souffle de
Jean-Luc Godard (tourné six mois après le film de Truffaut).
b/ Le film
Après trois courts métrages, François Truffaut avait un projet de court métrage La fugue d'Antoine mais qui ne
pouvait pas aboutir. Il avait dans ses cartons plusieurs scénarios d'enfants vagabonds ou d'enfants en conflit
avec ses parents, son producteur lui a demandé un scénario de long métrage que Truffaut a "bricolé". A partir
de ces scénarios il a écrit un long métrage qu'il a étayé par des études sur les enfants maltraités ce qui est
sensible dans le film car au niveau dramatique, le film Les 400 coups manque d'unité (commissariat, centre
d'accueil d'enfants). Stéphan Krezinski trouve la dernière partie du film assez artificiel.
III - LE RÉALISATEUR (biographie page 3 du dossier pédagogique du CNC)
Né en 1932, François Truffaut ne connaît pas son père et porte le nom de son beau-père ce qui peut rappeler
le film. Il prendra comme père adoptif André Bazin qu'il rencontre vers l'âge de 15 ans.
François Truffaut était un critique de cinéma et pouvait se montrer assassin envers certains réalisateurs dont
Claude Autant-Lara. Pourtant, selon Stéphan Krezinski, François Truffaut a fait des films qui ressemblent à
ceux de Claude Autant-Lara.
Beaucoup de contradicteurs de Truffaut pensent qu'il est un écrivain contrarié. C'est un metteur en scène
intéressant, mais les personnages et la narration sont encore plus intéressants.
Truffaut a écrit un livre de référence sur Alfred Hitchcock : Hitchcock par François Truffaut (Édition Gallimard,
Collection Hors Série Luxe).
IV - ANALYSES DE SÉQUENCES
Toute une série d'espaces clos du film montre l'oppression qui existe autour de l'enfant : la classe,
l'appartement, la chambre de l'enfant dans le couloir, le commissariat avec la première cellule puis la seconde
encore plus petite, le fourgon cellulaire. Il y a également des espaces ouverts comme Paris (place de Clichy,
9ème arrondissement, le rotor, rôle ambigu et la mer à la fin du film.
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De 14 min 46 sec à 19 min : Antoine Doinel revient de l'épicerie
Stéphan Krezinski trouve cette séquence intéressante pour analyser les relations entre les personnages. Les
enseignants pourraient demander à leurs élèves leur impression sur la première fois qu'ils voient le père
d'Antoine (voisin, père?...). Dès le premier plan, le statut de l'homme qu'Antoine croise dans les escaliers n'est
pas défini.
Le phare antibrouillard que le père vient d'acquérir renvoie à l'histoire du rallye très important dans la scène,
leitmotiv de la scène. Il établit ainsi une complicité avec Antoine comme peut le faire un père mais sur un mode
tout de suite comique, taquin en lui mettant de la farine sur le nez. Il est rarement dans un registre d'autorité.
Nous avons l'impression qu'il veut établir une complicité avec Antoine et éviter le conflit avec la mère. Dès qu'il
rentre, il est d'emblée dans un rapport infantile vis-à-vis de l'enfant et de la femme.
Le père s'entend bien avec Antoine comme s'il était lui-même un enfant. La mère est agressive, elle le refuse
comme enfant et plus tard, on apprend qu'elle ne voulait pas d'enfant et quand elle rétorque "demande à ton
père", elle se décharge d'Antoine sur son père. Comme elle est dans le refus, elle aimerait qu'il soit réellement
le père.
Le seul moment où il se comporte comme un père attentif à ce qu'il se passe avec, un visage sévère, est
lorsque Antoine lui parle de l'échange d'un stylo.
François Truffaut tourne en CinémaScope qu'on utilise habituellement pour les grands espaces ; il ouvre
l'espace pour mieux nous dire que tout est fermé. Toute la décoration du salon (posters, trophées de rallye)
démontre le côté enfantin du père qui n'est pas sorti de l'enfance.
Il y a une ellipse à la fin du repas où Antoine est ramené à un rôle de domestique : il est en quelque sorte
discrédité de sa place d'enfant à la fin de cette séquence.
Le choix des mots du dialogue entre les parents est bizarre : "c'est du lapinisme" à "à propos". Quand la mère
dit "c'est du lapinisme", elle sous-entend qu'elle ne veut pas d'enfant.
Nouvelle ellipse
Quand la mère dit à Antoine d'aller se coucher, elle se comporte pour la première fois en réaction par rapport à
lui, qui pourrait entendre et comprendre. Jusqu'à présent, elle était dans le refus agressif ou dans l'ignorance
de sa présence. Avec ce dialogue, on se rend compte des fêlures de ce couple.
Quand il descend les poubelles, la lumière s'éteint comme si Antoine était lui-même un détritus. Toute la
séquence montre qu'Antoine n'est pas accepté.
De 28 min 52 sec à 34 min 48 sec : Retour de la mère et retour à l'école
Quand la mère revient tard le soir, Antoine est couché dans la pénombre. Il subit la dispute de ses parents à
travers la porte et entend son père dire "Je lui ai donné un nom et je le nourris". Antoine a l'habitude de ce
genre de disputes ce qui peut expliquer son manque de réactions. Truffaut aurait pu filmer cette dispute mais il
a préféré la tourner du point de vue de l'enfant, en off.
La scène extérieure suivante est en total contraste avec celle que l'on vient de voir qui était dans la pénombre
et en plan serré. Ici, la scène se passe dans un espace ouvert en plein jour et l'ambiance est décontractée. La
musique fait penser à celle des films de Jacques Tati, Mon Oncle ou Les Vacances de M. Hulot.
Quand on sonne à la porte, la caméra s'arrête sur les visages de profil des parents qui se rejoignent dans le
même cadre et regardent dans la même direction. Dans un premier temps, le père a peur que cela soit "le gaz"
mais rassuré par sa femme, il ouvre et Mauricet, un camarade d'Antoine, est venu pour "prendre des
nouvelles" de ce dernier (en sachant pertinemment qu'il a fait l'école buissonnière la veille). Truffaut laisse la
mère hors champ, le père la rejoint et lui dit "ça n'a pas l'air de t'étonner" ce à quoi elle répond "Pourquoi veuxtu que ça m'étonne ? Je m'attends à tout de sa part" alors que le spectateur sait qu'elle était déjà au courant,
puisqu'il l'a surprise dans la rue, embrassant son amant.
Dans la cour, le spectateur accompagne Petite Feuille en panoramique travelling puis la caméra passe sur
Antoine. Ensuite, la caméra zoome sur Petite Feuille et Antoine. Quand il dit "elle (sa mère, ndlr) est morte",
Antoine a quelque part un ressentiment très fort à ce moment-là contre sa mère par rapport à la scène
précédente) et les deux choses (l'arrivée tardive de la mère et la dispute des parents) vont justifier cette
déclaration qui a du sens par rapport à ce que le spectateur a vu. Cette déclaration est un crève-cœur pour
Antoine.
Dans la classe, le comportement du professeur laisse penser que la déclaration d'Antoine est déjà oubliée ce
qu'aimerait Antoine. Lorsque Petite Feuille rejoint le directeur en dehors de la classe, il y a une dramatisation
de l'espace sur Antoine confirmée avec un zoom de la caméra.
Truffaut fait un effet de montage entre le moment où l'on voit le père de face et celui où il donne la paire de
claques à Antoine : il y a une saute dans l'image qui renforce l'action. Après que son père lui a infligé les deux
claques, la caméra fait un travelling sur Antoine qui rejoint sa place.
Règle des 30° (Source wikipédia) :
"Lorsque le réalisateur change l’axe de prise de vues sur un groupe de personnages et veut tourner un plan
qui a la « même valeur » que le précédent, c’est-à-dire que, par rapport aux personnages, il est cadré à la
même dimension (en plan américain, ou plan moyen, ou plan de demi-ensemble), si le nouvel axe de prise de
vues est proche du premier, formant avec lui un angle inférieur à 30°, le résultat sera une saute identique au
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plan sur plan et fera un jumping-cut involontaire, donc sans but esthétique et de plus déplaisant à l’œil. La
règle des 30° n’est pas ignorée aussi systématiquement que celle des 180°. Lev Koulechov, professeur de
cinéma lucide, préfère l’imposer, car, écrit-il, "l’expérience a démontré la pleine incapacité des jeunes
cinéastes à ne pas enfreindre la mise en scène. Toutefois, respectant cette règle, n’ayez crainte, lorsque cela
est nécessaire, de dévier légèrement l’angle de prise de vues (jusqu’à 45°)".
Il faut noter que la violation de la règle des 30° ne produit qu’un effet de panne technique (comme s'il y avait eu
une coupure accidentelle de la copie, survenue lors d’une projection, et une réparation à la colle) et que les
"jeunes" cinéastes (Jean-Luc Godard, Quentin Tarantino, par exemple) préfèrent malmener toutes les règles
de raccord de façon plus explicite et spectaculaire."
Dernier plan du film :
Une légende raconte que Jean-Pierre Léaud s'est retourné vers la caméra alors qu'il devait continuer dans
l'eau et François Truffaut aurait gardé cette erreur technique pour la fin de la séquence au montage.
Antoine Doinel n'a jamais vu la mer et avait un désir d'évasion. Il y a une ouverture vers la mer puis une
rétraction avec une fermeture sur le visage d'Antoine Doinel comme si le réel rattrapait toujours l'ouverture à
l'imaginaire. À la fin, Antoine Doinel a toujours ses problèmes avec lesquels il va devoir grandir. Le spectateur
peut avoir l'impression qu'Antoine Doinel, regard caméra, pose deux questions :
- Et maintenant ?
- Qui suis-je ?
Les quatre films sur Antoine Doinel vont pouvoir répondre à ces questions : Antoine et Colette, Baisers volés,
Domicile conjugal et L'Amour en fuite.
V - AUTRES EXTRAITS DE FILMS
Le Petit Fugitif de Morris Engel (1953)
Ce film a joué un rôle important pour Truffaut. François Truffaut, qui a réalisé Les 400 Coups six ans plus tard
déclarera à propos du Petit Fugitif : « Notre Nouvelle Vague n'aurait jamais eu lieu si le jeune Américain Morris
Engel ne nous avait pas montré la voie de la production indépendante avec son beau film, Le Petit Fugitif ».
Jean-Luc Godard s'inspirera lui aussi, pour le tournage d'À bout de souffle, des techniques de tournage mises
au point par Engel. Le Petit Fugitif est considéré comme un film charnière dans l'histoire du cinéma,
L'universitaire Alain Bergala le qualifiera même de « chaînon manquant du cinéma moderne », entre le
néoréalisme italien et la Nouvelle Vague française.
Synopsis : Alors que leur mère est partie au chevet de leur grand-mère souffrante, Joey, un garçon de 7 ans,
se retrouve sous la surveillance de son frère aîné Lennie dans le Brooklyn des années 1950. Déçu de devoir
ainsi annuler une sortie à Coney Island prévue avec ses amis, Lennie invente avec eux un stratagème pour
que Joey s'imagine avoir tué son frère d'un coup de fusil en réalité inoffensif. Choqué, Joey s'enfuit, saute dans
le premier métro, et se retrouve à Coney Island où il errera durant tout le week-end, s'amusant dans les
diverses attractions, tandis que Lennie tente de le retrouver avant le retour de leur mère.
Voir la bande annonce: http://cine.ch/film/le-petit-fugitif
Extrait du film : Moment où Lennie invente son stratagème et passe à l'action.
Extrait du Cahier de notes d’École et cinéma sur Le Petit Fugitif (pages 20 et 21)
[9.07] Plan fixe. Les deux frères passent la porte d’entrée vitrée de l’immeuble. Ils se chamaillent : " Tu joues
avec moi ? – Non – Maman t’a dit de t’occuper de moi – Arrête de me harceler." Lennie descend les deux
marches, se retourne vers Joey : "D’accord". Ils jouent à cache-cache. Joey reste seul comptant jusqu’à 10.
[9.31] Raccord. Caméra surbaissée. Charley et Harry lisent des illustrés sur le trottoir. Lennie (coupé taille,
tronc hors champ) les rejoint. Off, Lennie : "Je ne peux pas venir demain." Harry : "Comment ça ?" Off, Lennie :
"Je ne peux pas, c’est tout." Il s’assoit et entre dans le champ. "Il faut que je garde Joey. Ma mère est partie.
Je dois m’occuper de Joey."
[9.50] Changement d’axe. Les trois dévorent leurs illustrés. Gros plan de Harry : "Lennie, regarde ça ! Tu
aimerais sûrement que là, ce soit Joey et là ce soit toi." Lennie, dégoûté : "Joey n’a pas autant de sang."
Charley, allongé : "Tu peux te débarrasser de Joey." Plan rapproché de Harry et de Lennie : "On ne retrouvera
pas son corps – Il faut d’abord le tuer." Off, Charley : "Tu l’enterreras sous le trottoir et tu le recouvriras de
ciment."
[10.29] Plans fixes. Dialogues. Les trois rivalisent d’imagination pour exclure Joey. Plongée sur Harry et
Lennie. Jambe gauche de Charley en amorce. Lennie s’allonge. Harry : "J’en ai lu une bonne ! Ça vient des
Indiens." Contre-plongée sur Charley adossé au mur. Off, Harry : "On emmène Joey dans le désert. On pose
un serpent congelé sur son corps." Harry : "Le soleil fait fondre la glace." Lennie : "Encore la glace !" Harry :
"Hier soir à la télé, le sang a giclé des oreilles d’un type." Lennie : "C’était du ketchup, idiot" Harry : "Du
ketchup ? C’est comme ça qu’ils font ?"
[11.13] Plan vide. Impasse. Les trois entrent dans le champ en rasant la caméra. Raccord sur Joey qui joue
avec deux bâtons en bois sur des madriers. Il voit venir les trois. Lennie s’assoit face à Joey : "Pourquoi tu ne
m’as pas trouvé ?" Joey : "J’ai cherché mais tu n’y étais pas." Lennie ; "J’en ai marre de me cacher, Harry a
une vraie carabine. – Une vraie ? – Il est dans le terrain vague."
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[11.37] Terrain vague. Plan d’ensemble. Harry, agenouillé, s’apprête à tirer. Les deux frères entrent dans le
champ en se donnant la main. Harry, debout, épaule. Charley à ses côtés : " Bing ! En plein dans le mille."
Mâchant du chewing-gum, il prend la carabine à son tour : "Bang ! Entre les yeux (d’un lion)."
[12.06] Lennie : "Prête-la moi." Charley la lui tend, il vérifie le canon. "Elle est très belle, Harry, où l’as-tu
eue ?" Off, Harry : "À ton avis ? Là où mon père l’a cachée." Joey veut s’en saisir, Harry entre dans le cadre
pour le repousser, à Lennie : "Ne la donne pas à Joey. Il est trop petit pour y toucher."
[12.26] Gros plan d’Harry en contre-plongée : "À la réflexion, bon, d’accord (il a une idée). Mais je dois la tenir
avec lui."
[12.32] Contre-plongée rapprochée des deux frères. Harry prend la place de Lennie, se saisit de l’arme et la
tend à Joey : "On tient une carabine comme ça. – Où tu mets les balles ? – Ici. Dis Joey, tu aimerais tirer pour
de vrai ? – Mais je n’ai pas de vraies balles. – Regarde ! D’abord, tu la mets là."
[12.52] Raccord sur Harry et Joey, de profil. Harry : "Maintenant tu armes. Voilà. C’est bien, Joey. Rappelle-toi,
c’est une vraie carabine vraiment chargée. On pourrait blesser quelqu’un, même tuer quelqu’un. Vas-y, vise !
Parfait, appuie sur la détente. Vas-y Joey, tire !" La détonation.
[12.55] Raccord sur Charley et Lennie qui fait semblant de recevoir la balle en plein cœur. Il imite un cow-boy
qui s’écroule et agonise. Charley : "Lennie ! Lennie !" Lennie a même une tache de sang sur son T-shirt.
"Lennie est touché !" Harry et Joey entrent dans le champ (de dos, rasant la caméra), Harry se précipité sur
Lennie : "Tu crois qu’il est mort ?" Contre-plongée sur Joey, figé, stupéfait, bouche bée. Off : "Je crois bien. Il
est mort." Joey ne comprend pas ce qui se passe. Harry, en plongée, s’approche de Joey : "Tu l’as tué Joey,
tu as tué ton frère." Off, Charley : "Oui, tu l’as tué, Joey." Joey en pleurs : "Je n’ai pas fait ça." Plongée sur le
cadavre de Lennie qui respire. Off, Charley : "Il faut appeler les flics ? Harry ? – Ouais, Joey va aller sur la
chaise électrique, tu vas griller, tu vas brûler. Hein ? Charley ?"
[13.46] Raccord dans l’axe arrière. Lennie encadré de Charley et de Harry. "Pauvre Joey… il faut lui laisser
une chance, Harry. – C’est dur pour la mère de perdre deux enfants. Quand elle saura ce qui est arrivé à
Lennie." Joey pleure. Off : "Sauve-toi, Joey, tu as une heure d’avance sur les flics. Va te cacher, Joey !" Joey
titube et part, le plan s’élargit. Off, Harry : "Oui, cache-toi, attends que ça se calme." Harry rejoint Joey et lui
remet l’harmonica : "Tiens. Un souvenir de Lennie, il n’en a plus besoin." Harry reste seul (contre-plongée) et
suit du regard Joey qui a quitté le plan. Plongée sur Lennie et Charley sur fond de ravin de terre. Harry revient :
"Tu l’aurais vu courir, Lennie (toujours mort)." Charley et Harry tentent en vain de ressusciter Lennie. Leur
stupeur : Lennie semble mort pour de bon. Plan d’ensemble et plongée, ouf ! le cadavre se convulse de rire.
Joie retrouvée.
[14.35] Raccord sur un téléphone qui sonne. Des dollars sous l’appareil. Off, deuxième sonnerie sur une porte
qui s’ouvre vers nous. Joey sort d’un placard (sa planque) comme un petit chat qui s’infiltre dans une pièce.
Raccord sur la mère qui appelle depuis une cabine du quai de la gare. Joey dans la porte entr’ouverte regarde
vers le téléphone. Il se relève, se décide à entrer dans la pièce. Le champ reste vide, le téléphone sonne, où
est Joey ? Plan vide avec le téléphone. Joey entre dans le champ, prend les billets et quitte le champ. Joey,
deux colts à ses hanches, harmonica in the pocket, coincé par les dollars, s’échappe par la fenêtre à guillotine.
Off, Le téléphone sonne toujours.
[15.18] Contre-plongée depuis l’impasse, raccord sur Joey qui franchit la grille. Linge à sécher sur deux cordes
tendues sur la largeur de l’allée. La caméra panote pour suivre la fuite de Joey qui file dans la profondeur de
champ.
Une scène du film sur le site "Transmettre le cinéma: http://www.transmettrelecinema.com/film/petit-fugitifle/#video
Il y a un rapport à l'oubli, à la mort dans le film car Joey va ensuite à Coney Island faire diverses attractions et
oublier qu'il a un frère, qu'il lui a tiré dessus tel qu'à la fin, quand il revoit Lennie, il ne sera pas plus étonné que
cela, il y a un rapport à la mort assez fluctuant comme dans Les 400 Coups, lorsque Antoine ment sur le décès
de sa mère. Il y a une désinvolture par rapport au drame potentiel et de la manière dont est appréhendée la
mort.
Le Petit Fugitif a complètement influencé l'imaginaire de Truffaut pour son propre film et Stéphan Krezinski
pense qu'il serait intéressant de mettre les deux films en parallèle. Le film de François Truffaut est un écho
personnel, une vision enchantée qu'il a eu du film de Morris Engel.
À bout de souffle de Jean-Luc Godard (1959)
Comme dans Le Petit Fugitif, un personnage a commis un meurtre et part faire une balade en oubliant qu'il a
commis ce meurtre sauf que Belmondo tue vraiment quelqu'un. Le spectateur ne voit pas le meurtre.
Extrait du dossier Lycéens et apprentis au cinéma sur le film À bout de souffle (page 6) :
1. Générique / En route pour Paris.
A Marseille, Michel Poiccard vole une voiture et fonce vers Paris. Sur la route, il s’adresse à la caméra : " si
vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville, allez vous faire foutre" .
Un motard tente de l’arrêter, il le tue avec un revolver trouvé dans la boîte à gants.
L’association Collège au Cinéma 37 remercie Stéphan Krezinski de sa venue pour son intervention à Tours sur
ce film devant les professeurs de collège investis dans le dispositif Collège au cinéma.
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