CENTRUM voor ERFELIJKE METABOLE AANDOENINGEN
Transcription
CENTRUM voor ERFELIJKE METABOLE AANDOENINGEN
LA MALADIE DE GAUCHER : une maladie de surcharge lysosomale qui peut se traiter 1. Pathophysiologie La maladie de Gaucher est la maladie de surcharge lysosomale la plus fréquente (Beutler et Grabowski, 1995). En raison d'un déficit enzymatique en glucocérébrosidase ou en bêtaglucosidase acide, le glucosylcéramide, un glycolipide complexe (un sphingolipide qui est un composant essentiel des membranes), n'est pas dégradé en glucose et en céramide et s'accumule donc dans les lysosomes des macrophages qui se transforment en cellules Gaucher. Les macrophages, et donc également les cellules Gaucher, sont présents dans tous les tissus, mais en plus large proportion dans le foie (cellules de Kupffer), dans les os (ostéoclastes), les poumons, la moelle osseuse et la rate. Une affection du système nerveux central survient dans certaines variantes de la maladie, appelées formes neurologiques. L'on se trouve donc en présence d'une maladie multi-organes ou systémique provoquée par une accumulation et une synthèse de notamment cytokines. Large spectre de symptômes et signes cliniques chez les patients individuels. Très rarement, la maladie est provoquée par un déficit en protéine jouant le rôle d'activateur spécifique de la glucocérébrosidase, à savoir la saposine C. (1,2). II. Prévalence : L'incidence de cette maladie de surcharge lysosomale est élevée chez les Juifs ashkénazes (Europe de l'Est) (prévalence de 1/500 - 1/1000). Les chiffres concernant les patients non juifs sont rares et incomplets : en Allemagne, en Australie et aux Pays-Bas, la prévalence oscille entre 0,6-1,7/par 100.000 naissances vivantes (3 a,b,c). En Belgique, on dénombre environ 23 personnes atteintes de cette maladie. III. Clinique (1,2) : D'un point de vue clinique, les patients peuvent être subdivisés en 3 types de variantes : La MG de type 1 est la variante non neurologique et n'affecte donc jamais le système nerveux central. La MG de type 2, aigu neurologique, est celle qui affecte les jeunes nourrissons (4-6 mois) et entraîne le décès des patients avant l'âge de 2 ans. Le type 3, subaigu neurologique, touche l'enfant ou l'adolescent. Tableau 1 : variantes cliniques de la maladie de Gaucher Type 1 Type 2 Variante clinique enfant/adulte nourrisson Age Hépatosplénomégalie Atteintes osseuses Atteinte du système nerveux central Paralysie supranucléaire Troubles valvulaires cardiaques Incidence + - +++ - - +++ - ++ +++ Type 3 A& B enfant (5-10 ans) + - +++ - - +++ --+ Type 3 C 2-20 ans - + - + - + + Panethnique/ ashkénazes Panethnique 5-10 % Panethnique 5-10 % Norrbotten Arabe et autres rare + +/- 1 Décès 60 ans ou plus < 3 ans 20 - 30 ans < 20 ans Type 1 : description clinique La présentation clinique est très diverse. Hépatosplénomégalie et masse abdominale (ill. 1). Infarctus du foie et de la rate épisodique et très douloureux. Un abcès de la rate peut compliquer un infarctus de la rate. L'infarcissement du foie provoque une fibrose et une hypertension portale. Anémie et thrombocytopénie sont une conséquence de l'inflammation de la moelle épinière et d'un hypersplénisme. Purpura, ecchymoses, saignements du nez et tendance accrue au saignement sont dus à une thrombocytopénie et à une coagulopathie. La leucopénie induit un risque accru d'infections ; ce risque est encore supérieur chez les patients ayant subi une splénectomie. Les atteintes osseuses revêtent la forme d'un retard de croissance chez les enfants (ill. 2) (troubles de l'hormone de croissance, IGF-1 (4)), anomalies osseuses (déformation en flacon d'Erlenmeyer de la métaphyse du fémur), destruction des neurones du cortex cérébral en raison d'une accumulation des cellules de Gaucher dans la moelle épinière, nécrose osseuse périodique (« crise ») associée à des douleurs vives (ill. 3) (ostéomyélite), ostéochondrite (maladie de Perthes), osteopénie-ostéoporose, ostéolyse, pseudotumeurs ou Gauchomes, fractures pathologiques et malformations de la posture comme la cyphoscoliose en raison de l'affaissement des vertèbres. Parfois, des ganglions lymphatiques enflés sont présents, aux niveaux axillaire et suboccipital. La plupart des patients se plaignent de fatigue chronique et de sueurs nocturnes. Des changements de pigmentation de la peau, flush malaire et pinguécula sont une manifestation d'une maladie qui s'est développée il y a longtemps. La cyanose est la conséquence du syndrome hépatopulmonaire ou une conséquence d'une affection pulmonaire (forme grave de la maladie) pouvant évoluer en une hypertension pulmonaire. Nombre de patients souffrent d'une gammopathie polyclonale ; risque accru de développement d'une maladie lymphoproliférative, notamment un myélome multiple. Type 2 : description clinique en complément au tableau 1 : Développement dans les premiers mois de la vie d'un strabisme, poings fermés et régression rapide des acquis. De manière générale, ces nourrissons sont constamment en opisthotonos. Mauvaise prise de poids, évolution vers cachexie chez tous les patients. Type 3 : description clinique en complément au tableau 1 : En marge d'une présence souvent grave du type 1, affection du système nerveux central. Les anomalies de la motilité des yeux avec paralysie du regard et perte du réflexe opto-cinétique (5,6,9), souvent associées à des examens électrophysiologiques auditifs anormaux (par ex. BERA anormal), sont présentes chez tous les patients. Les patients atteints de la maladie de type 3A souffrent également d'épilepsie (myoclonique), d'ataxie et d'un syndrome pyramidal. Les fonctions cognitives sont perturbées. Souvent, les enfants ont peur des grands espaces et se sentent mal à l'aise dans les endroits très fréquentés. Le type Norrbotten est présent dans le nord de la Suède. Le type 3C est rare et induit généralement un gonflement avec calcification des valves aortique et mitrale. Ce type porte parfois le nom de pseudo-Gaucher dans la littérature. IV. Aspects génétiques : La maladie de Gaucher est une maladie métabolique qui se transmet selon un mode autosomique récessif. Le gène de la glucocérébrosidase se trouve sur le chromosome 1q21 (on ne retrouve que chez l'homme un pseudogène qui n'est pas exprimé, mais qui peut jouer un rôle dans la pathologie (voir sous mutations rec.). Plus de 200 mutations sont connues à ce jour (7). Quatre à cinq 2 mutations représentent environ 80 % des allèles anormaux et donnent lieu à la maladie avec corrélation génotype/phénotype relative. Bien que plus de 200 mutations soient connues, 8 à 10 d'entre elles affectent avec une certaine fréquence les patients (par ex. 5 mutations sont à la base de la maladie de 80 % des patients d’origine juive). Tableau 2 : mutations les plus fréquentes ; phénotype ; fréquence d'incidence Changement AZ Phénotype Pop. juive Pop. non juive Allèle N370S Type 1 71,82 % * 43,60 % 1226G Frameshift Type 1 11,20% 0,20% 84GG L444P Types 2, 3 2,84% 25,60% 1448C Splice mutation Type 1 1,72% 0,70% IVS2 in exon 2 Frameshift : type de mutation dans lequel un nombre de nucléotides non divisible par trois est enlevé ou inséré dans une séquence d'ADN. Mutation du site : une erreur dans le processus qui conduit à la création d'une molécule mRNA par la suppression des introns d'une molécule pré-mRNA suivie par la fusion des exons (il n'y a plus d'exon 2). *30-50 % sont asymptomatiques ou présentent une forme modérée de la MG de type 1. En marge des mutations ponctuelles susmentionnées, des recombinaisons sont également possibles (mutations recombinées) par le biais de l'échange de matériel génétique entre le gène et le pseudogène pendant la méiose : une maladie grave (type 2) en découle généralement. V. Diagnostic : Clinique Anomalies hématologiques ; lésions osseuses radiologiques Examen complémentaire : (ponction médullaire) ; phosphatase acide circulant dans le sérum (augmenté*) ; enzyme de conversion de l'angiotensine dans le sérum (augmentée, surtout en cas d'affection pulmonaire) ; sérum chitotriosidase (important dans le suivi du traitement, voir infra) (2,8) Diagnostic enzymatique : déficit en glucocérébrosidase (dans tous les tissus ; de préférence dans les leucocytes, éventuellement sur les flocons du chorion ou amniocytes (diagnostic prénatal)). (UZ-Brussel, Labo de génétique médicale). Diagnostic moléculaire ou analyse de mutation : chez tous les patients. Poursuite du diagnostic : CT-scan de l'abdomen (mesures foie et rate) ; IRM fémorale (prélèvement de la moelle épinière ; lésions osseuses) ; en cas de MG neurologique : IRM cerveau ; Motilité de l'œil (Dr. Van Nechel, HUDERF, ophtalmologie) et examens audiologiques (BERA, examen vestibulaire) (10). * La phosphatase acide circulant dans le sérum est décrite comme « test de dépistage » pour la maladie de Gaucher. Cependant, les patients peuvent afficher des valeurs normales pour cette enzyme (expérience propre). 3 VI. Traitement : Thérapie enzymatique de substitution : Cerezyme (Genzyme) ou Vpriv ® (SHIRE), une glucocérébrosidase pure (imiglucarase) produite par technologie génétique, a entièrement remplacé l'enzyme initialement extraite du placenta (alglucérase). Administration en intraveineuse ; les résidus sucrés -mannose acheminent l'enzyme vers les macrophages des différents tissus ; Le dose et la fréquence d'administration dépendent du type clinique de la maladie : 15 à 240 U/kg poids corporel/mois, généralement administrée toutes les 2 semaines (10,11) ; Excellent effet sur l'état général, l'hépatosplénomégalie (ill. 1,4), les anomalies hématologiques (ill. 5), l'ostéoporose, les atteintes osseuses et l'invasion de la moelle osseuse - prévention de la crise osseuse et d'une affection pulmonaire ; Aucun effet sur les infarctus aigus de la rate et du foie ni sur la crise osseuse aiguë (un traitement à très hautes doses de corticoïdes P.O. est proposé dans ce cas) (12). Aucun effet dans le traitement de patients atteints de la MG de type 2 ; Efficacité pas assez documentée dans le traitement (et éventuellement la prévention) de l'affection du système nerveux central chez les patients atteints de MG de type 3 (expérience propre : l'évolution vers une affection du système nerveux central est ralentie, mais pas prévenue, 13). Médication sûre. Les effets secondaires qui surviennent sans contre-indication pour l'administration du substitut à l'enzyme sont une gammopathie polyclonale et de graves réactions immunologiques (anaphylaxie (<2 %) ; L'activité de l'enzyme chitotriosidase dans le sérum constitue un paramètre intéressant pour le suivi de l'effet de la substitution enzymatique (ill. 6) vu qu'il s'agit d'un indicateur de la masse des cellules Gaucher et/ou de l'activité de la maladie (UCL ou UZ-Gent). Thérapie supportive : alimentation équilibrée, vitamines, fer, calcium ; transfusions de sang et/ou de plaquettes ; corticoïdes lors d'infarcissements de tissus ; biphosphonates pour le traitement de l'ostéopénie-ostéoporose ; interventions orthopédiques (notamment prothèse de la hanche, etc.). Suivi du traitement : hémogramme (au début toutes les 4 semaines, ensuite tous les 3 mois) ; chitotriosidase (tous les 3 mois) ; CT-scan foie et rate (une fois par an) ; IRM fémoral (chaque année jusqu'à tous les 2 à 3 ans) ; densimétrie osseuse (tous les 2-3 ans) (10). Transplantation de la moelle osseuse évitée grâce à la thérapie de substitution enzymatique susmentionnée. Splénectomie (totale ou partielle) effectuée sur indication (hypersplénisme, grave affection osseuse ou anomalies hématologiques réfractaires). Induit un risque notable d'aggravation des lésions osseuses et de décompensation des formes neurologiques de cette maladie (1). Privation de substrat. : une étude pilote a été menée auprès de 28 adultes souffrant de la MG de type 1 à l'aide de N-butyldeoxynojirimycine orale (OGT 918), un inhibiteur de la première étape dans la biosynthèse des lipides. On a constaté une amélioration de l'hépatosplénomégalie pendant les 12 mois de l'étude, mais un effet modéré sur les paramètres hématologiques. Parmi les effets secondaires, citons la diarrhée osmotique (passagère) et une neuropathie périphérique sensomotrice (réversible après l'arrêt de la thérapie). D'autres examens sont nécessaires pour évaluer ce traitement, notamment concernant l'atteinte neurologique dans le cas de la MG de type 3 vu que ce produit dépasse largement la barrière 4 hémato-encéphalique (14 a,b). Au final, ce traitement oral sous la forme de Zavesca® (Actelion) n'a rien donné en raison de la diarrhée grave provoquée par l'inhibition des disaccharidases intestinales. Une nouvelle molécule pour la thérapie par la privation de substrat dans le traitement de la MG est développée par Genzyme et des données des essais cliniques seront disponibles au mois de juin 2013. Thérapie génique : transfert génique dans les cellules du tissu hématopoïétique effectué sur des souris, in vitro dans des cellules CD 34 de patients atteints de la MG et in vivo. Les résultats provisoires sont prometteurs (15,16). L'expérience mondiale avec la thérapie de substitution enzymatique a été publiée (17). Références : 1. Cox TM, Schofield JP. Gaucher ’s disease: clinical features and natural history. Dans: Baillière’s Clinical Haematology. Vol 10 Nr 4 Gaucher’s Disease. Zimran A, éd. 1997: 657-689. 2. Grabowski GA, Horowitz M. Gaucher’s disease: molecular, genetic and enzymological aspects. . Dans: Baillière’s Clinical Haematology. Vol 10 N° 4 Gaucher’s Disease. Zimran A, éd. 1997: 635-656. 3. a. Heim P, Claussen M, Hoffmann B et al. Leukodystrophy incidence in Germany. Am J Med Genetics 1997; 71: 475-478. b. Poorthuis BJ, Wevers RA, Kleijer WJ et al. The frequency of lysosomal storage disorders in the Netherlands. Human Genetics 1999; 105: 151-156. c. Meikle PJ, Hopwood JJ, Clague AE, Carey WF. Prevalence of lysosomal storage disorders. JAMA 1999; 281: 249-254. 4. Rite S, Baldellou A, Giraldo P, et al: Insulin-like growth factors (IGFs) and IGF binding proteins in childhood-onset Gaucher disease. 4th Meeting of the European Working Group on Gaucher Disease. Israël, septembre 6-9, 2000. 5. Eyskens F, Bertrand M, Janssens G. Clinical presentation and results of treatment of two new Gaucher patients homozygous for the L444P mutation. J Inh Metab Dis 2000; 23 (Suppl 1): 227. 6. Harris CM, Taylor DSI, Vellodi A. Ocular motor abnormalities in Gaucher disease. Neuropediatrics 1999;30: 289-293. 7. Grabowski GA: Gaucher’s disease. After 200 mutations what is left to know ? 4th Meeting of the European Working Group on Gaucher Disease. Israël, septembre 6-9, 2000. 8. Aerts JMFG, Hollak CEM. Plasma and metabolic abnormalities in Gaucher’s disease. Dans: Baillière’s Clinical Haematology. Vol 10 N° 4 Gaucher’s Disease. Zimran A, éd. 1997: 691-709. 9. Pensiero S, Da Ponzo S, Accardo A, et al. Characteristics of saccadic eye movements in type I and type III Gaucher’s disease. 4th Meeting of the European Working Group on Gaucher Disease. Israël, septembre 6-9, 2000. 10. Guidelines for diagnosis, treatment and monitoring of Gaucher’s disease. The Belgian Working Group of Gaucher’s Disease. Sera publié. 11. Beutler E. Enzyme replacement therapy for Gaucher’s disease. Dans: Baillière’s Clinical Haematology. Vol 10 N° 4 Gaucher’s Disease. Zimran A, éd. 1997: 751-763. 12. Cohen IJ, Kornreich L, Bar Sever T, Yaniv Y. Oral high dose methyl prednisolone treatment for bone crises in type I Gaucher disease: six years, no side effects. 4th Meeting of the European Working Group on Gaucher Disease. Israël, septembre 6-9, 2000. 5 13. Vellodi A, Bembi B, Billete de Villemeur T, et al. Management of neuronopathic Gaucher disease : a European consensus. 4th Meeting of the European Working Group on Gaucher Disease. Israël, septembre 6-9, 2000. J Inh Metab Dis 2001; 24: 319-327. 14. a. Cachmann RH, Hollak CEM, Aerts JMFG, et al. Substrate reduction using Nbutyldeoxynojirimycin (OGT 918): clinical trial of a novel oral therapy for Gaucher’s disease. J Inh Metabol Dis 2000; 23 (Suppl 1): 217. b. Cox TM. Lancet 2000; 355: 1481. 15. Barranger JA. Gaucher’s disease: studies of gene transfer to haematopoietic cells. Dans: Baillière’s Clinical Haematology. Vol 10 N° 4 Gaucher’s Disease. Zimran A, éd. 1997: 765-778. 16. Barranger JA. Gene transfer strategies for Gaucher disease. 4th Meeting of the European Working Group on Gaucher Disease. Israël, septembre 6-9, 2000. 17. Gaucher disease. Recommendations on diagnosis, evaluation, and monitoring. Arch Intern Med 1998; 158: 1754-1760. 6 7 8