1938 GRAND ORIENT DE FRANCE GRAND COLLÈGE DES RITES

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1938 GRAND ORIENT DE FRANCE GRAND COLLÈGE DES RITES
1938
GRAND ORIENT DE FRANCE
GRAND COLLÈGE DES RITES
SUPRÊME CONSEIL ET GRAND DIRECTOIRE DU
REGIME ECOSSAIS RECTIFIE POUR LA FRANCE
ET LES POSSESSIONS FRANÇAISES
1938 (2)
Bulletin N° 21 des Ateliers Supérieurs
RAPPORT DE G.-H. LUQUET
HISTORIQUE ET ROLE DU GRADE CHEVALIER KADOSCH
J'ai la faveur de rapporter devant vous la question proposée par le Grand Collège des
Rites aux Conseils Philosophiques pour le présent Grand Conseil, savoir Historique et Rôle
du Grade Chevalier Kadosch.
Des rapports ont été fournis par 23 Conseils. Ce sont, par ordre alphabétique des
vallées, ceux d'Alger (Bélisaire), Bône (Hippone), Bordeaux (la Candeur), Bordeaux (la
Concorde d'Aquitaine), Casablanca (Phare de la Chaouïa et du Maroc), Chaumont-Dijon
(l'Etoile de la Haute-Marne), Clermont-Ferrand (les Enfants de Gergovie), Epinal (Fraternité
vosgienne), Lille (La Lumière du Nord), Marseille (Réunion des Amis choisis, Metz (les Amis
de la Vérité) Nantes (Paix et Union), Nice (France démocratique), Oran (l'Union africaine),
Paris (Avenir), Paris (Clémente Amitié), Périgueux (Les Amis persévérants), Reims (La
Sincérité), Rochefort sur Mer (la Démocratie), Rouen (Conseil philosophique de Neustrie),
Sèvres Boulogne Versailles (Zélés philanthropes), Toulon( La Réunion), Toulouse
(l'Encyclopédique).
Sur les 45 Conseils philosophiques du G... O..., 23, soit exactement 50 %, ont fourni
des rapports. Ce zèle est d'autant plus méritoire que la question à traiter, ou tout au moins sa
première partie Historique du grade, était pleine de difficultés. Qu'ils l'aient traitée ou non, les
rapporteurs ont fait assaut de modestie. Ils ont invoqué à juste titre comme excuses le manque
de temps et la pénurie des documents dont ils disposaient. Deux d'entre eux ont même ajouté
qu'ils comptaient sur le rapporteur général pour éclairer leur ignorance.
Cette espérance, flatteuse pour lui et en l'occurrence pour moi, sera sans doute déçue.
Tout ce que je pourrai faire, dans le peu de temps dont nous disposons, sera de vous donner
quelques indications extrêmement brèves et fragmentaires. J'invoque au surplus votre frat...
indulgence pour me pardonner si la forme littéraire de mon expression n'est pas aussi soignée
qu'elle l'eût été dans des circonstances plus tranquilles.
Le mot Kadosch est, paraît-il, un mot hébreu signifiant saint, sacré, purifié, ou encore
séparé, ce qui n'est pas tellement différent. Il est souvent écrit en abrégé de façons variées,
mais la plus fréquente est K. S., d'où est venu, en faisant un mot de la prononciation de ces
deux lettres, le nom de Kaès, employé comme synonyme de Kadosch.
Nous ne savons pas à quelle date le terme de Kadosch comme nom de grade a
commencé à être employé en France. L'affirmation, maintes fois répétée, qui en attribue
l'invention aux Maçons de Lyon en 1743, repose sur une interprétation inexacte d'un texte de
I781, qui dit en réalité que ce qui fut créé à Lyon en 1743, c'est le premier degré d'une série de
grades, notamment les Elus, qui aboutirent par la suite au Kadosch. Même sous cette forme,
l'affirmation en question est encore discutable. Il est, sinon certain, du moins fort probable
que ces grades dits templiers avaient été créés en Angleterre presque trois quarts de siècle
avant la fondation de la Grande Loge de Londres en 1717.
Ce fut peu après1649, date où Charles 1er perdit à la fois la couronne et la vie. Les
Loges, qui étaient à cette époque des Loges de Maçons opératifs, comprenaient à la fois des
partisans de Cromwell et des royalistes. Ceux-ci étaient objectivement, dans l'état de choses
d'alors, des conspirateurs ou factieux. Pour se mettre à couvert, au sens maçonnique du mot, à
la fois des FF... de leur loge qui étaient du parti opposé et de la police de Cromwell, ils
créèrent ces grades, en en réservant l'accès à ceux de leurs FF... qui avaient leur confiance.
Parmi ces grades nouveaux se trouvaient en premier lieu celui de Maître, qui n'existait
pas auparavant, ensuite deux autres grades, dont l'un s'appelait, d'après un historien, Templier
et d'après un autre historien : Elu. Ces deux mots étaient d'ailleurs pratiquement synonymes.
D'après un texte de 1764, les savants en matière maçonnique considéraient à cette
époque le grade de Maître comme destiné à commémorer la destruction de l'ordre des
Templiers, de telle sorte que le grade de Maître, fondé sur la légende du meurtre d'Hiram et
les grades templiers, fondés sur le fait historique de la destruction des Templiers et du
supplice de leur Grand Maître Jacques Molay, utilisaient au fond des allégories analogues.
Selon certains historiens, les grades templiers auraient commencé à être pratiqués en
France au collège de Clermont dès 1688, lorsque Jacques II, chassé d'Angleterre, y séjourna
un moment avant d'aller tenir sa cour au château de Saint-Germain-en-Laye mis à sa
disposition par Louis XIV.
Ce célèbre collège parisien de Jésuites (devenu plus tard le Lycée Louis le Grand), à
tendances naturellement jacobites, n'a rien à voir ni avec la ville de Clermont-Ferrand, ni avec
le comte de Clermont qui fut Grand Maître de l'Ordre Maçonnique français du 11 décembre
1743 jusqu'à sa mort, le 16 juin 1771.
De ce collège de Clermont sortit en 1754 le Chapitre de Clermont, fondé par le
chevalier de Bonneville. En 1758, fut fondé le Souverain Conseil des Empereurs d'Orient et
d'Occident, qui n'est pas, comme le croient certains, le successeur du chapitre de Clermont,
mais un corps maçonnique différent et pour ainsi dire parallèle.
C'est ce Souverain Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident qui créa le Rite de
Perfection ou Rite d'Hérodom en 25 grades, dont le grade de Kadosch était le 24e et avantdernier grade.
Lorsque, le 22 juillet 1762, le F... Pirlet, tailleur d'habits, créa le Conseil des
Chevaliers d'Orient, il supprima 7 des 25 grades des Empereurs d'Orient et d'Occident, à
savoir essentiellement, les grades templiers.
Divers historiens ont commis à ce sujet un véritable contresens chronologique : ils ont
cru que le Conseil des Chevaliers d'Orient était antérieur au Conseil des Empereurs d'Orient et
d'Occident, et que ce dernier avait ajouté aux 18 grades des Chevaliers d'Orient les 7 grades
dont je viens de parler. C'est, comme je viens de le dire, le contraire qui est exact.
Le but des Chevaliers d'Orient était d'éliminer de la Maçonnerie des Hauts Grades les
grades templiers, à cause de leur caractère de vengeance symbolique, interprétée plus ou
moins clandestinement comme une lutte contre le gouvernement et la religion.
C'est pour cette raison que le Conseil des Chevaliers d'Orient proscrivit, excommunia
maçonniquement le grade de Chevalier Kadosch par un décret du 21 septembre 1766, qui est,
à ma connaissance, le premier document authentique où apparaît le nom de Kadosch.
En 1778, le Convent des Gaules, à Lyon, abjura expressément l'ascendance templière
et la même déclaration fut réitérée en 1782, au Convent maçonnique, qu'on pourrait dire
franco-allemand, de Wilhelmsbad.
Enfin, en 1786, le Grand Orient, partagé entre sa doctrine constante de ne pas vouloir
des Hauts Grades et les exigences des FF... qui y trouvaient des satisfactions de vanité, se
décida à ajouter aux trois grades symboliques et purement maçonniques, ce qu'il appela 4
Ordres, à savoir l'Elu, l'Ecossais, le Chevalier d'Orient et le Rose-Croix.
Par suite, à partir de 1786, il n'y eut plus en France, au moins dans la Maçonnerie
régulière, de Chevaliers Kadosch. Ils devaient y revenir des Etats-Unis en 1804.
Le 27 août 1761, le Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident avait décerné à
Etienne ou Stephen Morin une patente lui conférant les pouvoirs les plus étendus à l'effet de
propager le rite de perfection dans toutes les contrées du Nouveau Monde où ce rite
n'existerait pas déjà.
Morin s'acquitta de sa mission. Il créa des Ateliers ; en vertu de ses pouvoirs
d'Inspecteur Général, il nomma des Inspecteurs Généraux adjoints, qui fondèrent à leur tour
d'autres Ateliers.
Bref, en 1801, se fonda à Charleston un Conseil du Rite Ecossais ancien et accepté,
qui comptait 33 grades dont les 8 derniers, surajoutés aux 25 du Rite de Perfection, étaient
déclarés mensongèrement avoir été institués en 1786 par Frédéric II, Roi de Prusse. C'est avec
cette hiérarchie que le Rite de Perfection revint en France sous la forme de Rite Ecossais
ancien et accepté, dans lequel le Chevalier Kadosch, 24e degré du Rite de Perfection, était
devenu le 30e degré.
Dès 1808 le Suprême Conseil de France qui était alors la seule Puissance Maçonnique
française à administrer ce grade, décida qu'il ne serait plus conféré que par communication,
c'est-à-dire qu'on le donnerait en bloc avec les suivants et qu'il n'aurait pas de rituel spécial ;
ce qui était encore un moyen commode de supprimer le caractère templier du grade.
Je n'ai pas trouve à quelle date il fut rétabli au Suprême Conseil, ni à partir de quelle
date le Grand Orient de France, qui avait déclaré, le 18 novembre 1814, reprendre l'exercice
intégral du Rite Ecossais Ancien et Accepté, conféra effectivement le grade de Kadosch. En
tout cas, les Conseils, c'est-à-dire les Ateliers qui travaillaient à ce grade sous l'autorité du
Grand Orient, n'étaient pour Paris au moins de 1826 à 1836, qu'au nombre maximum de six.
Le grade de Chevalier Kadosch a été conservé comme 65e degré du rite de Misraïm à
90 grades, créé en Italie en 1805, introduit à Paris en 1814, comme 31e degré du Rite de
Memphis, créé en 1839 avec 91 grades, portés ensuite à 92, puis à 90. Il continue à être
pratiqué comme 30e degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté par le Suprême Conseil de la
Grande Loge ainsi que par les Conseils Philosophiques du Grand Orient.
Laissant de côté tout ce qui s'est passé depuis le début du XIXe siècle, et qui est assez
bien connu, je ne vous parlerai que de la période antérieure au XIXe siècle, et seulement en
quelques mots, puisque nous sommes pressés par le temps.
Ce qu'il faut dire tout d'abord, c'est que sur les différents grades de Kadosch du XVIIIe
siècle on ne trouve, dans les ouvrages imprimés, à peu près rien.
Ces ouvrages imprimés sont des « Tuileurs », dont le premier a été publié en 1813 par
Delaulnaye, qui n'était pas Maçon, et qui se proposait de révéler à tout le monde, aux profanes
comme aux Maçons, les moyens de se présenter en visiteur dans un Atelier et de se faire
reconnaître comme possédant le grade de cet Atelier, même si c'était faux.
Après Delaulnaye, d'autres Tuileurs furent publiés par des Maçons ; d'abord celui de
Vuillaume, publié en 1820, réédité en 1830 ; puis celui de Bazot, paru en 1826, et réédité en
1836.
Tous les Tuileurs précédents étaient anonymes ; ils furent suivis par une série de
rituels et de Tuileurs publiés sous son nom par Ragon, dont ceux qui nous intéressent sont de
1861.
Par suite de leur destination, les Tuileurs ne contenaient que ce qu'il était nécessaire au
tuilage et supprimaient en particulier les choses les plus intéressantes pour connaître le grade,
c'est-à-dire les cérémonies de réception.
Si l'on veut faire un travail sérieux sur le grade de Kadosch, il est indispensable de se
reporter aux rituels manuscrits. Or ces manuscrits, il n'y en a pas beaucoup.
Le livre de Ragon, publié en 1861, donne une liste de grades de Kadosch dont il devait
posséder des cahiers ou rituels Mais j'ignore, et sans doute beaucoup d'autres avec moi, ce
qu'ils sont devenus.
Ceux qui m'ont été accessibles se trouvent à la Bibliothèque du Grand Collège des
Rites. Il y en a une dizaine qui font plus ou moins double emploi les uns avec les autres.
Certains sont incontestablement des rituels du 30e degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
D'autres sont très probablement antérieurs, mais nous laissent ignorer à quelles dates
ils étaient pratiqués, et dans quels Ateliers.
Tout ce que l'on peut constater, c'est leur extrême variabilité, qui s'est continuée
jusqu'à aujourd'hui.
On pourrait suivre dans tous les détails de ces Rituels les divergences pour les mots,
les signes, les attouchements, la batterie, les heures d'ouverture et de fermeture des travaux,
l'âge rituel, etc.
Je mentionnerai simplement que dans ceux qui sont les plus anciens, les Chevaliers
étaient habillés en véritables Chevaliers du Moyen-âge avec armure complète, casque en tête,
bottes et éperons, etc. et que les rituels qui signalent un costume moins militaire ne cachent
pas leur regret de cet abandon de la tradition.
Je signalerai encore un fait important comme se rattachant à ce qui a été dit plus haut
au sujet de la proscription des grades templiers. En 1768, sur une délibération prise en
commun par le Grand Conseil de Paris et le Grand Conseil de Berlin, le titre du grade fut
changé, et il fut appelé Chevalier de l'Aigle Blanc et Noir, pour, dit le texte, différencier ce
Kadosch des grades templiers ; et pour la même raison, le bijou de l'ordre qui était
antérieurement une croix teutonique rouge fut remplace par un aigle noir.
Bien que cet exposé, pourtant si incomplet et qui se réduit presque à des têtes de
chapitres en blanc, ait déjà dépassé la durée que je lui avais fixée, je voudrais ajouter un mot
sur ce qui fait l'un des principaux intérêts des Rituels, à savoir les Discours historiques
adressés au candidat pendant sa réception. Ces discours, analogues à l'Histoire de la Confrérie
qui se trouve dans les Old charges, Anciens devoirs de la Maçonnerie opérative et dans les
premières éditions du Livre des Constitutions de la Grande Loge d'Angleterre, et qui relatent
l'histoire du grade de Kadosch, sont parfois en outre, dans les Rituels, reproduits sous forme
plus ou moins résumée dans l'Instruction du grade ou catéchisme par demandes et réponses. À
la vérité, ces exposés historiques n'ont avec l'histoire véritable que des rapports extrêmement
lointains. Tantôt ils présentent comme réels des personnages ou des événements purement
imaginaires; tantôt, lorsqu'ils citent des personnages ou des événements ayant réellement
existé, ils leur attribuent un caractère maçonnique qu'ils n'ont jamais eu. Par exemple, un
Rituel affirme sérieusement que l'office de Vénérable ne date que des Croisades et n'a pas été
institué par Cyrus, « comme beaucoup le prétendent ». Ce n'en est pas moins un fait d'histoire
maçonnique que ces légendes, parfois d'une invraisemblance criante, ont été prises au sérieux
par les Kadosch au point de faire l'objet d'un enseignement pour ainsi dire officiel dans leurs
Ateliers. Et il n'est pas sans intérêt pour le psychologue, comme pour l'historien1, de chercher
l'explication de cette crédulité sincère ou affectée.
D'autre part, quelques Rituels ajoutent à l'histoire de l'antiquité la plus reculée celle de
périodes plus récentes, contemporaines ou presque de l'époque où son histoire était enseignée
dans les Ateliers. Assurément, il faut encore être en défiance à l'égard d'affirmations qui ont
souvent une intention apologétique ou polémique. Mais il eût été bien difficile de travestir
On retrouve les deux constantes des analyses empiristes de Luquet : analyser la conscience selon
la genèse de la connaissance.
1
entièrement les faits devant des auditeurs qui en avaient par ailleurs une connaissance
personnelle, et il n'est peut-être pas impossible à une critique attentive de dégager de ces
exposés quelques éléments d'information qui méritent d'être retenus et qu'on ne saurait trouver
ailleurs.
Ces Discours historiques peuvent être classés en trois grands types. L'un ne parle que
de l'Ordre des Templiers depuis sa fondation en 1118, en s'étendant spécialement sur sa
destruction, sur le supplice de son Grand Maître Jacques Molay en 1314, et sur la dévolution
de la plus grande partie des biens de l'Ordre aux Chevaliers de Malte. C'est ce qu'on pourrait
appeler le type templier.
Un deuxième type, au contraire, passe entièrement sous silence les Templiers et mérite
par suite la qualification de non Templier. Il est représenté notamment dans les Rituels de
Kadosch du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Enfin, un troisième type s'attache à établir de façons variées et non moins fantaisistes
les unes que les autres, à des époques diverses et parfois à plusieurs époques successivement,
une liaison de descendance ou d'union entre les Templiers et la Franc-Maçonnerie, de façon à
faire du Kadosch un grade authentiquement maçonnique. Ce type serait donc appelé à juste
litre type maçonnique.
J'ai conscience d'avoir déjà abusé de votre patience, et plus encore de celle de nos FF...
Chevaliers R... C... qui attendent à la porte. J'abandonne donc, non sans regret, l'historique
pour en venir à la seconde partie de la question : Rôle du grade de Chevalier Kadosch.
Sur ce point, je puis aller très vite. Le rapport général doit présenter une synthèse des
rapports particuliers. Cette synthèse est ici des plus faciles, car ils sont tous d'accord. Les uns
ont résumé plus ou moins longuement Le Livre d'Instruction du Chevalier Kadosch de notre
Très regretté F... Armand Bédarride ; les autres se sont contentés d'y renvoyer, en déclarant
qu'il est impossible de faire mieux.
Je suis entièrement de cet avis, et je devrais sans doute m'arrêter ici. Toutefois,
m'autorisant de la liberté d'opinion qui est un des privilèges de notre Ordre, je demanderai à
faire une légère réserve. Il n'est pas possible de faire mieux que notre F... Bédarride si l'on
s'accorde avec lui sur le fond ; mais sa conception du rôle du grade de Kadosch est-elle de
tout point indiscutable ?
D'après lui, ce grade doit avoir, comme tout grade véritablement maçonnique, une
signification initiatique, et par suite un symbole qui lui soit propre. II voit ce symbole dans le
poignard, auquel, par une interprétation ingénieuse et profonde, il fait signifier non une
vengeance contre des personnes, mais une lutte contre le mal, ce qui lui permet d'assimiler
cette vengeance à la sainteté, attribut étymologique du Kadosch. Malgré mon admiration pour
la virtuosité de cette sorte de prestidigitation dans le symbolisme, je ne puis m'empêcher de ne
pas aimer le poignard, qui a fourni une arme empoisonnée aux adversaires de la FrancMaçonnerie et soulevé chez les Francs-Maçons eux-mêmes de véhémentes protestations. S'il
fallait à tout prix conserver un symbole au grade de Kadosch, je préférerais celui qui, dans
l'évolution de son Rituel, s'est d'abord juxtaposé, puis substitué au poignard, à savoir l'échelle
mystique.
Mais ce grade a-t-il besoin d'un symbole quelconque ? C'est un Haut Grade, et même,
dans sa devise, nec plus ultra, le sommet des Hauts Grades. Du jour où ceux-ci ont commencé
d'exister, n'a cessé de se poser cette question : Ont-ils cette valeur initiatique qui est
indispensable à un grade véritablement Maçon? Oui, affirment énergiquement, à la suite de
Bédarride, d'éminents Maçons.
Je leur répondrai : En toute sincérité, je ne le crois pas ; et mon doute s'appuie sur
l'histoire, non seulement du G... O... de France, mais de la Maçonnerie universelle. Comme
nous l'avons vu plus haut, le Grand Orient n'a accepté les hauts grades qu'en 1786, en
s'efforçant d'en réduire le nombre et à contrecœur, en vue de maintenir dans l'Ordre des FF...
qui étaient de bons Maçons, mais qui n'étaient pas des saints, des Kadosch, et qui, lors même
qu'ils avaient dépouillé les métaux profanes, désiraient en échange ce que j'appellerais des
métaux maçonniques, des cordons spéciaux.
À cette attitude opportuniste de concession aux faiblesses humaines s'oppose celle de
la « pure et authentique Maçonnerie », pour qui la Maçonnerie tout entière est contenue dans
les trois grades symboliques, celui de Maître étant le grande « sublime » qui fait « le Maçon
parfait », de sorte que les Hauts Grades sont non seulement étrangers à la Maçonnerie, mais
même contraires à ses principes.
Oserai-je essayer de concilier ces deux conceptions antagonistes, au risque de me faire
honnir à la fois par les tenants de l'une et de l'autre ? A mon avis, les Hauts Grades n'ont
aucune vertu initiatique spéciale, et en fait, leurs Rituels ne renferment aucun enseignement
qui n'ait déjà été donné dans les grades symboliques. Le Maçon parvenu au grade de Maître a
reçu de la Maçonnerie tout ce qu'elle peut lui fournir en fait d'initiation.
Mais il ne faut pas oublier un autre enseignement reçu également dans les Loges
bleues, à savoir que l'initiation rituelle n'est pas un achèvement, mais un début, le prélude de
l'initiation véritable, qui est œuvre exclusivement personnelle. Par l'initiation rituelle, le
nouveau venu dans le grade reçoit de ses anciens le résumé de la sagesse élaborée au cours
des âges par le travail persévérant des Maçons; mais c'est de lui seul qu'il dépend, par l'effort
individuel de sa méditation et de sa pratique, de faire germer ce germe, de même que les
grains dont parle l'Ecriture avortent s'ils tombent sur des cailloux. L'initiation met entre les
mains du Maçon les outils convenables pour dégrossir la pierre brute, mais ils ne sont
efficaces que s'il les manie lui-même, par ce travail assidu que symbolise le tablier.
Ces considérations, à ce qu'il me semble, permettent d'apprécier à leur juste valeur les
Hauts Grades en général et le grade de Kadosch en particulier. Ils n'apportent aucune
connaissance nouvelle, aucune initiation ou lumière reçue du dehors. Les Rituels de Kadosch
insistent à diverses reprises sur l'idée que les grades antérieurs ne sont que des épreuves
destinées à s'assurer si celui à qui ils ont été conférés est digne d'en recevoir de plus élevés.
Les Hauts Grades ne sont que des augmentations de salaire, accordées aux Maçons que leurs
FF... considèrent comme ayant poursuivi par eux-mêmes, en profondeur pour ainsi dire, leur
initiation, comme capables se la continuer dans les Ateliers supérieurs, comme destinés à
exciter et à aider à suivre leur exemple, dans une collaboration fraternelle, les membres des
Ateliers de tout grade auxquels ils appartiennent ou qui souhaitent leur visite.
DOCUMENT ANNEXE
AU
RAPPORT DE G._H. LUQUET
La situation financière du Grand Collège des Rites ne lui permet pas de publier tous
les cahiers manuscrits du grade de Kadosch conservés dans sa bibliothèque et auxquels fait
allusion le rapport de notre F... Luquet. Faute de mieux, et pour montrer par un exemple
concret leur intérêt documentaire, nous reproduisons le plus court. Il fait partie d'une
collection de 86 cahiers des grades les plus variés, d'aspect matériel semblable et copiés de la
même main.
L'éditeur a cru pouvoir, sans inconvénient, modifier l'orthographe et la ponctuation de
l'original pour faciliter la lecture du texte, en particulier, il a régulièrement écrit en majuscules
les initiales des mots commençant une phrase, des noms propres et des termes maçonniques.
Il a ajouté, en bas de page, quelques notes explicatives de son cru.
CHEVALIER K... S.
GRADE DU CHEVer. K.
L'Ordre des T. fut établi à Jérusalem en 1118. En 1146, le pape Eugène III leur fit
mettre une croix rouge sur leur habit blanc, et il fût aboli en 1312 par le pape Clément V,
connu précédemment sous le nom de Bertrand de Gott, archevêque de Bordeaux.
Ce fut après le concile de Vienne qui avait été particulièrement convoqué pour juger
les membres de cet ordre et l'ordre entier, que Clément V fit de son autorité privée et en vertu
de la puissance des clefs ce que le concile n'avait pas cru devoir faire ; mais ce pape avait
acheté de Philippe le Bel la tiare à ce prix et il remplit les clauses de son marché.
Dès avant cette bulle, on les avait exterminés en France ; après elle l'ordre fût aboli.
Avant l'anathème prononcé par Clément, ils avaient essuyé la plus cruelle de toutes les
persécutions, on avait instruit contre tous et chacun d'eux la plus irrégulière et la plus atroce
de toutes les procédures ; promesses, menaces, tortures, supplices, tout avait été mis en usage.
Quelques-uns d'entre eux étaient-ils forcés par les tourments de s'avouer coupables, c'était
sous ce prétexte qu'on les envoyait au bûcher ; d'autres avaient-ils la fermeté de résister à la
question et de soutenir leur innocence, c'étaient des fanatiques dangereux, dès lors voués à la
proscription générale. On promettait la vie à ceux qui feraient les aveux qui pourraient
incriminer l'Ordre et ces aveux motivaient leurs supplices. Enfin toutes les voies qui
pouvaient tendre à la destruction des membres paraissaient permises ; Clément V anéantit, ou
crut et voulut anéantir le corps.
Philippe était satisfait, d'autres potentats avaient sévi comme lui contre un Ordre dont
le principal crime était d'être trop riche, mais bien loin que les pères du Concile de Vienne
eussent partagé le sentiment de Bertrand de Gott leur chef, à peine deux âmes aussi vénales
que la sienne avaient pu trouver dans la conduite des Chevaliers matière à censure ; aucun
n'avait trouvé des motifs de réprobation.
Il se trouva des prélats qui crurent pouvoir prendre leur défense ; l'archevêque de
Mayence est celui dont la mémoire mérite d'être particulièrement conservée. Un fanatique
donnerait avec nombre de Légendaires le don des miracles à des membres d'un corps proscrit
sous le prétexte d'avoir blessé les lois divines et humaines, d'avoir dégradé leur nature, avili la
dignité de leur être, frondé les devoirs de la société, méconnu toute espèce de religion ;mais il
faut être plus sensé ; rarement un militaire est un dévot enthousiaste, mais il est ordinaire de
voir dans un soldat un brave défenseur de ses sentiments et Hugues Walgraff, Allemand,
dignitaire de l'Ordre, sans être plus savant que le Grand Maître Molé, put bien détendre et
défendre avec cette vigueur, avec cette énergie que donne le sentiment intérieur de
l'innocence, un Ordre injustement attaqué ; il put avec le nombre des Chevaliers qui
l'accompagnaient le faire victorieusement au tribunal de la raison, sans qu'il soit nécessaire
d'avoir recours au miracle, pour qu'il ait pu captiver les suffrages de l'archevêque de Mayence
et de ses suffragants.
Clément, sur le compte qui lui fut rendu par ces prélats de leur façon de penser, fut
obligé de revenir sur ses pas, mais l'anathème était prononcé et s'il permit à l'archevêque de
Mayence de disposer du sort des Templiers, si le synode de cette métropole assemblé déclara
les Templiers innocents des crimes dont ils étaient accusés, il ne leur rendit point leur premier
état ; ils furent conservés, il est vrai, mais ils furent obligés de changer d'habit. Voilà en gros
ce que c'est que le grade de K... Le septième volume de l'Histoire de France de l'abbé Vely,
l'histoire du Cardinal Baronius, etc., le tout bien étudié, en font connaître plus complètement
les détails.
Venons à l'Ordre tel qu'il est entre nos mains. Une multitude d'êtres passifs est sans
cesse dans la main de ses chefs. De l'accord entre les parties divisées, de leur réunion et de la
direction habile des travaux faite par des chefs intelligents, pourrait résulter une harmonie
telle que peu de puissances humaines seraient au-dessus de leurs forces.
Vous savez quels sont les ressorts, vous savez quelles sont les machines actives et
passives ; mais comment un être actif de cette nature acquiert-il son essence ? C'est ce que je
vais vous expliquer.
Pour tenir dans la plus grande régularité le Chapitre de ce grade, il conviendrait que
tous les Chevaliers K. fussent armés de pied en cap, casque, cuirasse, bottines, éperons, etc. ;
ils devraient avoir toute l'armure d'un ancien chevalier et en outre l'écharpe dont je vous ai
parlé, sous laquelle doit être suspendue leur épée ; ils doivent au moins avoir l'écharpe et
l'épée et ils ne doivent point porter de tablier.
Les dignitaires sont le Grand Maître, le Maître des Cérémonies, le Héraut d'armes ;
l'Orateur, le Porte-étendard, le Secrétaire, le Trésorier et l'Hospitalier.
Les attributs de ces dignités sont les mêmes que ceux des dignitaires des Loges
ordinaires, excepté ceux du héraut d'armes, du Porte-étendard et de l'Hospitalier.
Le premier doit avoir des trophées d'armes au-dessus du bijou de Terrible.
Le second doit porter un étendard blanc avec une croix rouge, et le bijou de
l'Hospitalier doit être une médaille représentant dans le lointain une maison avec une corne
d'abondance au-dessus de la porte, répandant or et argent.
Tous les Chevaliers peuvent porter une médaille pareille au tableau de la Loge, c'est-àdire représentant une tête de mort couronnée et au-dessous la lettre P, à gauche une tête de
mort plus petite avec la tiare et la lettre G au-dessous, et au milieu et en dessous une autre tête
nue dans une gloire, et de gauche à droite en montant une échelle à sept degrés.
La Loge doit être tendue de noir, parsemée de têtes de mort, de larmes et de trophées
d'armes.
Cet Ordre n'a ni mot, ni nombre de coups déterminés. A l'ouverture de chaque
Chapitre, le Grand Maître donne les uns et les autres à sa volonté, et ils lui sont rendus
immédiatement avant la clôture.
La Loge doit encore être munie d'une table sur laquelle sont la Bible, un maillet, une
coupe, du vin, de l'eau et l'habillement complet d'un Chevalier. Au-dessus du Grand Me, doit
être un tableau représentant l'Eternel. La table doit être vers le bas de la Loge et le tableau sur
le plancher au-dessus vis-à-vis du Grand Me.
Pour recevoir un Chevalier, le Grand Me entre en Chapitre après en être sorti ; à son
entrée, tous les Frères tirent leurs sabres et le conduisent à sa place. Alors il demande au
Grand Me des Cérémonies :
A quelle heure ouvre-t-on un Chape ?
R. — A minuit sonné.
Pour lors le Grand Me vient au milieu de la pièce et dit : Mes Frères, comme il est
d'usage pour ouvrir un Chape, de crainte de surprise, de donner le mot de l'Ordre et le nombre
de coups, je vais vous en faire part. Pour lors, on le fait passer tout bas de l'un à l'autre par la
droite jusqu'à ce qu'il soit revenu au Grand Me ; ensuite on le reconduit à sa place.
Après cette conduite, il frappe avec le maillet qu'il a pris sur la table un coup, auquel
chacun remet son épée dans le fourreau en trois temps. A un second coup, tout le Chapitre
s'asseoit.
Pour lors le Maît. des Cérémonies, s'adressant au Grand Me, lui dit : II y a un Maçon
qui a passé par tous les grades, qui demande sous le bon plaisir de tous les membres du
Chapitre à y être admis avec toutes les formalités requises.
Le Grand Me lui dit d'aller l'interroger sur ses derniers grades et d'en rendre compte, ce
qu'il fait en rendant le mot d'ordre au héros d'armes après avoir frappé le nombre de coups
prescrit.
Le Grand Me le renvoie en lui disant : Retournez lui demander s'il n'a jamais trempé
ses mains dans le sang innocent et présentez lui ce serment par écrit pour le lui faire lire et
savoir s'il veut y souscrire.
Le Maît. des Cérémonies vient rendre compte, en observant toujours les formalités
ordinaires.
Pour lors, le Gd Me dit : Vous pouvez l'introduire revêtu des cordons de ses derniers
grades.
Le Maître des Cérémonies l'introduit sans formalités et le place au milieu du Chapitre.
Ensuite le Grand Maître ordonne aux Chevaliers de lui ôter ses cordons, de le
déshabiller et de le vêtir promptement, ce qu'on fait en lui mettant la cuirasse, le casque,
l'épée, les éperons, l'écharpe blanche, etc.
Puis on le place vis-à-vis l'échelle du tableau dont on lui fait monter les sept degrés
l'un après l'autre en lui disant que c'est pour lui rappeler qu'il doit fouler aux pieds les sept
péchés capitaux.
Pendant qu'on l'habille, l'Orateur lui dit en substance :
Cette cuirasse sert à éviter les traits que vos ennemis pourraient vous porter au cœur ;
elle désigne aussi que votre cœur doit être à l'abri de toute passion.
Le casque vous garantit la tête des blessures ; ainsi votre esprit doit se conserver entier
pour le maintien de l'ordre, et ne s'occuper que des moyens de venger vos frères opprimés et
d'être leur défenseur.
L'épée doit être dans vos mains l'épée de la justice et ne doit être employée qu'à
défendre le Roi, la religion et vos Frères.
Les éperons qu'on vous met, désignent que vous devez être toujours prêt à partir aux
ordres du Chapitre.
L'écharpe blanche dont on vous décore vous rappelle l'ancien habillement blanc de nos
Frères.
Le Grand Me lui demande ensuite : Que désirez-vous, Monsieur ?
R. — A connaître le but de la Maçonnerie, si j'en suis digne.
Le Grand Me dit : Mes frères, y consentez-vous ? Tous répondent unanimement : Oui,
Grand Me.
Le Grand Maître : J'espère, Monsieur, que ce n'est point un esprit de curiosité, mais
bien l'envie que vous avez d'être attaché à vos Frères qui dirige votre démarche, ainsi que le
désir d'acquérir la véritable lumière qu'on vous a cachée jusqu'à présent.
Tous les grades qu'on vous a donnés et les épreuves que vous avez essuyées n'ont été
que pour s'assurer si vous étiez assez discret pour renfermer dans votre cœur le secret des
secrets qui seul fait le Maçon.
Lisez ce serment et voyez si vous persistez à vouloir le prononcer.
Si le récipiendaire persiste, on lui fait mettre le genou droit en terre, la main gauche
sur la Bible, la droite levée et adressée à l'Eternel.
Quand il a fini, le Grand Me lui met l'épée sur la tête en disant : Je te crée Chevalier
par le pouvoir que m'a confié le vénérable Chapitre.
Lui mettant ensuite l'épée sur le cœur, il lui dit : Sais-tu présentement qui tu es ?
R. — Non.
Le Grand Me : Tu es Chevalier du Temple, c'est-à-dire Templier. Frère Maît. des
Cérémonies, placez-le au bas du tableau pour entendre le discours.
Après le discours, le Grand Me ferme le Chape de la même façon qu'il l'a ouvert, à la
seule différence qu'on vient lui rendre le mot et le nombre de coups chacun à son tour à
commencer par le Maître des Cérémonies, le Héraut d'armes, l'Orateur, le Porte-étendard, le
Secrétaire, le Trésorier et l'Hospitalier. Ensuite le Grand Maître brûle tous les papiers qui ont
pu servir pour la réception.
Il est d'usage que le récipiendaire donne une écharpe à chacun des chevaliers, comme
on donne des gants d'homme et de femme aux premiers grades.
Lorsqu'un Chevalier K. se présente à une Loge, le Maître des Cérémonies annonce au
Vénérable qu'il se présente un Maçon décoré d'une écharpe blanche de taffetas garnie d'une
frange d'argent aux deux extrémités et qu'il demande s'il y a des Frères capables de le
reconnaître.
S'il se trouve un ou plusieurs Frères qui possèdent le grade de Chevalier K., ils se
lèvent et l'un d'eux demande au Vénérable la permission d'aller reconnaître le visiteur ; l'ayant
reconnu pour K., il en fait part au Vénérable en présence de tous les Frères et lui dit : Très
Vénérable, il faut vous faire remplacer par l'ex-Vénérable ou par qui vous jugerez convenable
et venir recevoir votre supérieur avec tous les honneurs qui lui sont dus ; qui consistent à lui
présenter le maillet à la porte de la Loge. Ce qu'on exécute.
Pour lors le Chevalier K. entre le dernier, le chapeau sur la tête et couvert de la voûte
d'acier formée par tous les Frères ; on le conduit droit au trône où il embrasse le Vénérable et
celui qui l'a remplacé ; après les embrassements, il garde le maillet ou le rend, salue les Frères
et s'asseoit à droite du Vénérable, de niveau avec lui sous le dais, et toujours le chapeau sur la
tête.
S'il n'y a point de K. dans la Loge, le visiteur remet son écharpe en poche et met un
tablier de satin noir bordé et doublé de ponceau avec ces trois mots brodés en argent, nec plus
ultra.
Il entre ensuite en Loge avec les formalités ordinaires, mais après avoir salué, il remet
son chapeau sur sa tête et ne l'ôte plus.
Dans quelque Loge que ce soit, on ne peut faire à un Chevalier K. que des questions
de société, lorsque la Loge est suspendue ; la Loge ouverte, on ne peut que lui demander son
avis qui porte décision.
On ne peut tenir Chapitre dans une ville, que tous les Chevaliers K. connus n'y soient
invités. Ces invitations doivent être faites par le K. dernier reçu, qui doit remettre procèsverbal des obstacles qui peuvent empêcher quelqu'un des Chevaliers de se rendre ainsi que
des invitations. Ce procès-verbal doit être signé tant du Chevalier invité que du dernier reçu et
être rapporté en Chapitre.
FORMULE DU SERMENT
« Je promets par tout ce que je connais de plus sacré de tenir et garder toute ma vie, à
tel péril que ce soit, le véritable secret des Maçons, d'en remplir les devoirs lorsque j'en serai
requis et de ne le communiquer à autres, qu'aux Frères qui ont reçu tous les grades dans les
Loges régulières et qu'après en avoir informé tous ceux que je connaîtrai dans le pays pour
avoir ce grade, afin d'en avoir le consentement ou le refus. Je consens que mon corps soit
brûlé, si j'enfreints le serment que j'en fais à l'Eternel ».
SOMMAIRE DU DISCOURS POUR RECEPTION
Ce que le sage a dit de l'homme de bien prévenu de sa mort, peut bien avec justice être
appliqué à notre très digne Grand Maître Frère Jacques de Molé. Ses belles actions l'ont élevé
au-dessus des Alexandre et des César et sa mort privée l'a placé au-dessus des Constantin et
des Théodose.
C'est ici que nous aurions un beau champ pour représenter au naturel la vanité des
choses humaines et la fourberie de la couronne et de la tiare en considérant le sort déplorable
de notre illustre Grand Maître et ses cendres jetées au vent ; mais contentons-nous maintenant
de dire qu'il est avantageux de mourir pour un sujet aussi glorieux ; nam dulce est pro fratibus
vivere, sed dulcias mori proeis.
Admirons aussi cette constance inaltérable à soutenir jusqu'au dernier soupir que nos
Frères étaient innocents des crimes qui leur étaient imputés. Oui, s'écria notre intrépide Grand
Maître, tournant une tête chancelante vers ses commissaires et juges, oui, c'est dans ce dernier
moment où les hommes n'ont plus rien à espérer ni à craindre, que je vous réitère que
faussement vous avez imputé des crimes si noirs à nos frères, eux de qui le Sauveur du monde
se servait tous les jours pour purger son Eglise des abominations des infidèles et qui pour la
défense des pèlerins et des chrétiens exposaient si courageusement leur vie dans les plus
grands dangers.
N'a-t-on pas vu ce généreux et intrépide soldat renoncer aux plaisirs du siècle,
abandonner sa patrie et ses biens pour arborer la croix ? Ne l'a-t-on pas vu au milieu de sa
prison et dans les fers, conserver la même constance, la même sérénité de visage et la même
tranquillité d'esprit que s'il eût été dans le Temple ; les menaces même des barbares, ni les
supplices qu'on lui préparait, ni les tourments, ni la mort que l'on lui présentait, ne pouvaient
tirer de sa bouche un seul mot indigne d'un chrétien, ni même un serment qui pût choquer tant
soit peu la religion.
N'a-t-on pas vu notre immortel Grand Maître, quand il fut sur l'échafaud que l'on avait
dressé dans le parvis vis-à-vis la cathédrale, secouer les chaînes dont il était chargé, s'avancer
d'un air assuré jusqu'au bord de l'échafaud, et, élevant la voix, dire au peuple :
« II est bien juste que dans un si terrible jour et aux derniers moments de ma vie, je
découvre toute l'iniquité du mensonge et que je fasse triompher la vérité. Je déclare donc à la
face du ciel et de la terre et j'avoue à ma honte éternelle que j'ai commis le plus grand des
crimes, mais ce n'a été qu'en convenant, de ceux que l'on impute avec tant de noirceur à notre
Ordre que la vérité m'oblige de reconnaître pour innocent ; je n'ai même passé la déclaration
qu'on exigeait de moi qu'à la sollicitation du Roi et du Pape, pour suspendre les douleurs
excessives de la torture et dans l'espoir de fléchir ceux qui me les faisaient souffrir. Je sais
quels sont les supplices que l'on a fait subir à tous ceux qui ont eu le courage de révoquer une
pareille confession, mais le spectacle affreux que l'on me présente, n'est pas capable de me
faire confirmer un premier mensonge par un second. A une condition si infâme, je renonce de
bon cœur à la vie qui m'est déjà trop odieuse ; Eh ! Que me servirait la prolongation de jours
que je ne devrais qu'à la calomnie ! »
Jugez, mes Frères, combien ce discours irrita celui qui regardait la destruction entière
de tous nos Frères, comme son ouvrage. Aussi notre vénérable Grand Maître fut conduit le
soir du même jour, après que le Roi eût assemblé son conseil, sur le champ de sa rétractation,
sans cependant y appeler les Clercs, il fut, dis-je, conduit dans une île de la Seine qui était
entre le jardin du monarque et le Couvent des Augustins, où il protesta de nouveau de
l'innocence de l'Ordre et reconnut humblement qu'il méritait la mort, pour être convenu du
contraire en présence du Pape et du Roi.
On le brûla vif, et au milieu des flammes il montra la même fermeté qu'il avait fait
paraître sur l'échafaud et enfin, étouffé par la fumée, il prononça encore ces derniers mots :
« Clément, juge inique et cruel bourreau, je t'ajourne à comparaître dans quarante jours
devant le tribunal du Souverain Juge ; et toi, Philippe, dedans l'année, pour y donner le détail
de tes noirs attentats ».
L'accomplissement de la prédiction de notre sage Grand Me, nous prouve assez que
ces paroles étaient dictées par l'Etre suprême.
L'archevêque de Mayence ayant reçu ordre du Pape de publier la bulle de suppression
des T. et ayant assemblé le clergé, Hugues Walgraff, un des premiers de l'Ordre, accompagné
de vingt chevaliers armés, se présenta au synode et dit : « Je ne viens point ici pour exercer
aucune violence contre des gens que la Religion nous ordonne d'honorer, parce qu'ils en sont
les ministres, mais j'ai appris que vous étiez assemblés pour nous proscrire moi et mes Frères,
pour nous frapper des plus terribles anathèmes, enfin pour nous dévouer aux plus affreux
supplices ; je demande qu'auparavant vous ayez à publier l'acte que je tiens en main ; c'est une
apologie de la sainte religion du Temple, un appel de la sentence de Clément, le plus inique et
le plus inclément des juges, une protestation en un mot contre la condamnation injuste d'une
société dont nous offrons de prouver l'innocence à la face de l'univers ».
Aussitôt ils étendent leurs manteaux par terre, les couvrent de charbons embrasés et
cependant aucun ne se brûle.
Le prélat étonné du prodige et de la noble fermeté de ces braves gentilshommes, reçut
leur appel, le fit publier et sur le champ écrivit au Pape, qui lui permit d'informer de nouveau
et de décider du sort de ces généreux Chevaliers. Il convoqua les évêques de sa province, Ies
Templiers furent déclarée innocents, mais on les obligea de changer d'habit. Jusque là ils
avaient porté l'habit de religieux ; la plupart prirent l'habit de chevalier et les Frères dispersés
de côté et d'autre attendent depuis ce temps le moment de leur réunion.
SIGNE. -— Le signe est de porter la main droite à la garde de son épée, de la tirer hors
du fourreau, les pieds en équerre » e\1 de se mettre en garde. Ce signe signifie qu'on est
toujours prêt à défendre la religion et à voler à son secours.
ORDRE. -— L'ordre est de porter la main droite à la garde de son épée, les pieds en
équerre.
ATTOUCHEMENT. — C'est d'ôter le gant que l'on porte à la main droite, le prendre
de la main gauche et se toucher réciproquement la main droite. Cet attouchement signifie
qu'on est toujours prêt à soulager les pauvres.
MOT SACRE. — Saint-Jean et Jérusalem. — Ce mot sacré désigne le patriarche qui
reçut les vœux des chevaliers, et le lieu où ils commencèrent leur établissement;
MOT DE PASSE. — Sodak. —Ce mot est l'anagramme du vrai nom des chevaliers, et
qui signifie saint.
BATTERIE. — Elle consiste à frapper, avec la main droite, vingt coups de suite
contre la porte, et un autre coup, séparé, avec le pied droit contre le pavé. Cette batterie
désigne les vingt-et-un chevaliers qui se présentèrent au synode de Mayence.
AGE. — Vingt-et-un ans, ce qui signifie qu'on ne peut conférer ce grade qu'après
vingt-et-un ans d'épreuves.
On ne doit reconnaître pour possesseurs légitimes de ce grade que ceux qui en auront
des copies collationnées et signées par de vrais frères qui le leur auront conféré ou qui les
auront reconnus.